ad 15.468 Initiative parlementaire LAMal. Renforcer la responsabilité individuelle Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 19 avril 2018 Avis du Conseil fédéral du 28 septembre 2018

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Conformément à l'art. 112, al. 3, de la loi sur le Parlement, nous nous prononçons comme suit sur le rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 19 avril 2018 concernant l'initiative parlementaire 15.468 «LAMal. Renforcer la responsabilité individuelle».1 Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

28 septembre 2018

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Alain Berset Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

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Avis 1

Contexte

Le 19 juin 2015, le conseiller national Roland Borer a déposé l'initiative parlementaire 15.468 «LAMal. Renforcer la responsabilité individuelle» ayant la teneur suivante: «La loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (LAMal)2 est modifiée de manière à ce que les contrats prévoyant une forme particulière d'assurance (franchises à option, choix limité du fournisseur de prestations, etc.) ne puissent être proposés que pour une durée de trois ans. Aucune modification ne sera apportée au modèle de base avec la franchise ordinaire à 300 francs, dont le contrat peut être résilié pour la fin d'un semestre.» Le 22 juin 2016, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) a décidé d'y donner suite. La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États (CSSS-E) s'est ralliée à cette décision le 30 août 2016.

La CSSS-N a consacré plusieurs séances à l'élaboration d'un avant-projet de modification de la LAMal, qu'elle a mis en consultation auprès des cantons, des partis, des associations faîtières de l'économie qui oeuvrent au niveau national et des autres milieux intéressés à l'automne 20173.

Le 19 avril 2018, la CSSS-N a examiné le rapport sur les résultats de la consultation, a adapté le projet sur cette base puis a adopté ce dernier ainsi qu'un rapport explicatif4. Dans son courrier daté du 30 mai 2018, elle a soumis ce projet au Conseil fédéral pour avis, conformément à l'art. 112, al. 3, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement5.

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Avis du Conseil fédéral

2.1

Proposition de minorité en faveur d'une non-entrée en matière: soutien

L'initiative parlementaire entend renforcer la responsabilité individuelle dans la LAMal en imposant aux assurés de conserver la même franchise pendant trois ans.

Ainsi, ils ne peuvent pas passer d'une franchise élevée à une franchise basse lorsqu'ils supposent que les prestations auxquelles ils recourront l'année suivante entraîneront vraisemblablement des coûts supérieurs à leur franchise. Or le recours à un abaissement opportuniste de la franchise pour la relever ensuite est rare. Selon le rapport de la CSSS-N, seuls 0,17 % des assurés abaissent provisoirement leur franchise. Le rapport indique que l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) estime 2 3

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RS 832.10 Les documents de la consultation se trouvent à l'adresse suivante: www.admin.ch/gov/fr/accueil.html > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2017 > Commissions parlementaires FF 2018 3565 et 3587 RS 171.10

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que les économies que pourraient réaliser les assureurs s'il n'était plus possible d'abaisser provisoirement les franchises atteindraient à peine 5 millions de francs.

Les économies maximales escomptées sont par conséquent très modestes.

Le projet présente par ailleurs différents inconvénients. L'obligation de conserver une franchise à option durant plusieurs années laisse à craindre que, dans l'ensemble, davantage d'assurés ne choisissent des franchises plus basses puis n'aient recours à davantage de prestations du fait de la franchise plus basse, et, partant, de la diminution de l'incitation à ne pas recourir aussi souvent au système de santé. On peut donc supposer que le projet affaiblira la responsabilité individuelle au lieu de la renforcer et qu'il est même susceptible d'entraîner une hausse des coûts.

Il est de plus possible que des assurés liés à des franchises à option durant plusieurs années et tombant malades pendant la durée du contrat doivent renoncer à des traitements nécessaires pour des raisons financières et ont besoin par la suite, de ce fait, de soins plus onéreux.

Une participation aux coûts plus élevée risque par ailleurs d'avoir pour conséquence que les assurés auront besoin de davantage de prestations d'aide sociale ou de prestations complémentaires, ce qui représenterait une charge supplémentaire pour les cantons.

On peut également craindre qu'un plus grand nombre d'assurés ne soient pas en mesure d'acquitter leur participation aux coûts, de sorte que leur assureur se verrait délivrer un acte de défaut de biens. Il en résulterait là encore une charge supplémentaire pour les cantons, puisqu'ils sont tenus de rembourser aux assureurs 85 % des créances pour lesquelles un acte de défaut de biens leur a été délivré (art. 64a, al. 3 et 4, LAMal).

Le projet prévoit qu'en cas de changement d'assureur, l'ancien assureur communique au nouveau la franchise de l'assuré et la date à partir de laquelle celle-ci a pris effet. Cette surcharge administrative pour les assureurs semble élevée au regard des économies escomptées.

C'est pourquoi le Conseil fédéral soutient la proposition de minorité (Carobbio Guscetti, Feri Yvonne, Gysi, Häsler, Heim, Ruiz Rebecca, Schenker Silvia) de ne pas entrer en matière.

2.2

Proposition de minorité en faveur d'un renvoi: rejet

Une minorité de la CSSS-N (Moret, Nantermod) propose de renvoyer le dossier à la CSSS-N en la chargeant d'élaborer un nouveau projet. Les assureurs doivent pouvoir proposer des formes particulières d'assurance prévoyant des contrats liés jusqu'à trois ans et une restriction du choix de l'assureur durant cette période.

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Cette proposition doit tenir compte de trois objectifs: Contrats d'assurance d'une durée allant jusqu'à trois ans: rejet Le projet de la CSSS-N prévoit que les assureurs ne peuvent proposer les franchises à option que dans le cadre de contrats d'une durée de trois ans.

La CSSS-N avait examiné la possibilité de permettre aux assureurs de proposer différentes durées d'assurance. Elle a rejeté cette solution, considérant que les différentes durées feraient augmenter le nombre de primes, ce qui nuirait à la lisibilité de l'offre pour les assurés.

De plus, les rabais sur les primes devraient être échelonnés en fonction de la durée d'assurance. Étant donné que les économies liées à une assurance d'une durée de trois ans sont minimes par rapport aux contrats conclus pour un an, le rabais supplémentaire pourrait se révéler à peine perceptible. Les contrats conclus pour trois ans ne se trouveraient de ce fait guère intéressants pour les assurés.

C'est pourquoi le Conseil fédéral rejette la possibilité de permettre aux assureurs de proposer différentes durées d'assurance.

Restriction du choix de l'assureur: rejet Le projet de la CSSS-N prévoit que les assurés peuvent changer chaque année d'assureur durant la période de trois ans.

La CSSS-N avait examiné la possibilité de permettre aux assureurs de proposer des contrats d'assurance sur plusieurs années imposant de conserver le même assureur.

Elle a rejeté cette solution: si l'assuré est tenu de conserver le même assureur, on peut se demander si ce dernier doit lui communiquer avant la conclusion de l'assurance les primes qu'il percevra pendant toute la durée du contrat.

Dès lors que l'assuré connaît uniquement la prime pour la première année au moment de conclure l'assurance, il est soumis au bon vouloir de l'assureur pour la deuxième et la troisième année. Dans le but de pallier cet inconvénient, on pourrait prévoir d'autoriser les assurés à changer d'assureur en cas de hausse des primes supérieure à la moyenne. L'assureur pourrait toutefois être tenté, avec une telle disposition, de n'augmenter les primes que dans une mesure limitée, qui ne l'exposerait pas au départ d'assurés. Or il devrait les augmenter de manière à pouvoir couvrir ses coûts.

On peut supposer que les assurés sont plus disposés à conclure une assurance pour trois ans s'ils savent
à l'avance quel sera le montant de leurs primes pendant toute la durée du contrat. Les assureurs pourraient fixer les primes à un montant déterminé.

Du fait de l'augmentation des coûts, il leur faudrait plutôt prévoir un montant plus élevé que les coûts la première année et plus bas que ces derniers la troisième année.

Ils pourraient aussi fixer les primes pour la première année de même qu'un taux d'augmentation de celles-ci pour les années suivantes. L'évaluation des coûts et, de ce fait, des primes, est déjà difficile avec la durée d'assurance actuelle d'un an. Des évaluations sur plusieurs années présentent des risques accrus et augmentent par conséquent les réserves nécessaires.

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Des assurés affiliés à la même assurance paieraient en outre des primes différentes en fonction du début de leur contrat. De plus, durant les trois premières années suivant l'entrée en vigueur des dispositions, de nombreux assurés seraient liés par un contrat d'assurance sur trois ans. Lors de la deuxième et de la troisième année, un assureur qui aurait fixé des primes trop basses ne pourrait par conséquent augmenter les primes que pour les assurés ayant opté pour la franchise ordinaire et ceux qui concluent une nouvelle assurance sur trois ans. Enfin, les assureurs ne pourraient prendre en compte qu'avec du retard les mesures influençant les coûts pour les primes des assurés ayant une assurance sur trois ans.

C'est pourquoi le Conseil fédéral rejette la possibilité de limiter le choix de l'assureur.

Contrats d'assurance sur plusieurs années pour toutes les formes particulières d'assurance: rejet Le projet de la CSSS-N prévoit des contrats d'assurance sur trois ans uniquement pour les franchises à option.

Or les formes particulières d'assurance proposées par les assureurs incluent également les assurances impliquant un choix limité des fournisseurs de prestations et les assurances avec bonus.

L'assurance avec bonus est conçue de telle sorte qu'elle n'est intéressante pour les assurés que si elle est conservée durant plusieurs années. Il n'est donc pas utile de la proposer sous la forme de contrats sur plusieurs années. De toute manière, seul un petit nombre d'assurés ont conclu une assurance de ce type (2016: moins de 0,1 %).

La CSSS-N avait examiné la possibilité de permettre aux assureurs de prévoir également des contrats sur plusieurs années pour les assurances avec choix limité des fournisseurs de prestations. Elle a rejeté cette solution.

Les assureurs ont en effet structuré différemment leurs assurances avec choix limité des fournisseurs de prestations. Si les assurés étaient liés à leur assurance et à leur assureur, il ne serait pas nécessaire de fixer des assurances réputées comparables auxquelles il serait possible de souscrire dans le cadre d'un changement. Comme indiqué précédemment, le Conseil fédéral rejette toutefois une restriction du changement d'assureur.

Pour permettre le changement d'assureur, il faudrait définir les assurances réputées comparables pour qu'un changement
soit autorisé. Il faudrait de plus régler les cas de figure dans lesquels un assureur ne proposerait plus une assurance ou qu'il souhaiterait ne plus reconnaître un fournisseur de prestations. Par ailleurs, il y aurait lieu de permettre à l'assuré de mettre fin à l'assurance s'il n'est plus en mesure d'utiliser une offre comparable après un déménagement. Des assurances sur plusieurs années avec choix limité des fournisseurs de prestations nécessiteraient par conséquent une standardisation des offres et une réglementation plus stricte.

On peut supposer que les assurés seraient moins nombreux à opter pour des assurances avec choix limité des fournisseurs de prestations si ces dernières étaient uniquement autorisées dans le cadre de contrats sur plusieurs années. Or le Conseil fédéral ne souhaite pas désavantager ce type d'assurances.

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C'est pourquoi il rejette la possibilité de proposer des assurances sur plusieurs années pour toutes les formes particulières d'assurance.

Résultat Étant donné que le Conseil fédéral rejette les trois objectifs formulés dans les propositions de minorité que doit intégrer le nouveau projet, il rejette la proposition de minorité demandant un renvoi de l'initiative.

2.3

Commentaires du projet

Art. 62 Al. 2quater Le projet de la CSSS-N prévoit une exception pour les assurés atteignant l'âge de 18 ans, qui peuvent modifier leur franchise pour le début de l'année civile suivante.

Une minorité propose d'ajouter une exception pour les assurés auxquels une maladie grave ou chronique entraînant vraisemblablement des coûts supérieurs à leur franchise est diagnostiquée. Ces assurés doivent également pouvoir modifier leur franchise pour le début de l'année civile suivante.

La LAMal comprend deux références aux maladies graves et aux maladies chroniques: ­

L'assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des soins dentaires s'ils sont occasionnés par une maladie grave du système de la mastication ou s'ils sont occasionnés par une autre maladie grave (art. 31 LAMal).

Ces maladies sont énumérées aux art. 17 à 19 de l'ordonnance du 29 septembre 1995 sur les prestations de l'assurance des soins (OPAS)6.

­

Le Conseil fédéral peut réduire ou supprimer la participation aux coûts des traitements de longue durée et du traitement de maladies graves (art. 64, al. 6, let. b, LAMal). Il a autorisé le Département fédéral de l'intérieur (DFI) à désigner ces prestations, possibilité dont le DFI n'a pas fait usage à ce jour.

De ce fait, la LAMal et ses ordonnances d'exécution ne définissent pas actuellement les maladies graves et les maladies chroniques de manière générale. Il devrait être difficile de proposer une définition générale qui pourrait donner des résultats univoques lors de l'application au cas par cas. On peut craindre que la question de savoir si l'on est en présence d'une maladie grave ou chronique soit source de litiges entre les assureurs et les assurés, qui se révéleraient coûteux pour les deux parties.

Les litiges peuvent de plus se révéler éprouvants pour les assurés, en particulier les personnes qui se sentent atteintes d'une maladie grave ou chronique mais dont la maladie n'est pas considérée comme telle par leur assureur ou par un tribunal.

A contrario, les assurés qui ne se sentent pas concernés par de telles maladies peuvent aussi vivre difficilement le fait d'être ainsi «étiquetés».

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RS 832.112.31

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C'est pourquoi le Conseil fédéral rejette la proposition de minorité, donnant la préférence au projet de la CSSS-N pour le cas où le Parlement, contrairement à sa proposition, devait entrer en matière sur celui-ci.

Al. 2quinquies Le projet impose à l'assureur de prendre contact avec l'assuré ayant choisi une franchise pluriannuelle deux mois avant l'échéance du contrat. Il prévoit également que le contrat peut être renouvelé automatiquement pour une période similaire si l'assuré ne change pas de modèle d'assurance.

L'assureur doit annoncer à chaque assuré les nouvelles primes approuvées par l'OFSP au moins deux mois à l'avance (art. 7, al. 2, LAMal). Il peut indiquer par la même occasion que le contrat triennal arrive à échéance. Si l'assureur communique cette information à l'assuré ayant souscrit une assurance pour une durée de trois ans deux mois avant cette échéance, l'assuré est en mesure d'examiner s'il souhaite conclure à nouveau un contrat d'assurance pour trois ans. À l'heure actuelle, il n'a aucune démarche à faire s'il choisit de s'assurer pour une nouvelle année civile avec la même franchise à option. De nombreux assurés ont donc l'habitude qu'une assurance avec franchise à option se poursuive d'office. L'information concernant l'échéance des trois ans est utile pour les assurés et peu coûteuse pour les assureurs.

Le renouvellement automatique de l'assurance prévu est pratique aussi bien pour les assureurs que pour la plupart des assurés.

Le Conseil fédéral rejette donc la proposition de minorité visant à biffer l'al. 2quinquies. Il suggère cependant d'en modifier la formulation afin d'en améliorer la clarté et l'harmonisation avec les autres alinéas dans l'éventualité où le Parlement entrerait en matière sur le projet, contrairement à sa proposition.

L'art. 62 LAMal utilise actuellement les termes «forme d'assurance» et «assurance», mais pas celui de «contrat». Aussi le terme «contrat» doit-il être remplacé par «assurance». De plus, un renvoi à l'al. 2, let. a, est plus indiqué. Il convient par ailleurs d'imposer explicitement aux assureurs d'indiquer aux assurés que la durée d'assurance de trois ans arrive à échéance. Le terme «modèle d'assurance» n'est pas employé dans la LAMal, c'est pourquoi il doit être remplacé par «forme particulière d'assurance». L'auxiliaire modal «peut»
autorise l'assureur à renouveler le contrat, sans l'y contraindre. Il serait cependant judicieux que les assurés sachent que ces assurances sont toujours renouvelées d'office. La disposition doit donc être formulée en ce sens.

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Propositions du Conseil fédéral

Le Conseil fédéral soutient la proposition de minorité (Carobbio Guscetti, Feri Yvonne, Gysi, Häsler, Heim, Ruiz Rebecca, Schenker Silvia) en faveur d'une nonentrée en matière.

Il rejette la proposition de minorité (Moret, Nantermod) en faveur d'un renvoi. On ne peut exclure que la part des assurés qui abaissent provisoirement leur franchise ne soit amenée à augmenter à l'avenir du fait de la hausse continue des coûts et des primes, ce qui entraînerait une augmentation de charge sensible pour l'assurance 6743

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obligatoire des soins. Le Conseil fédéral est par conséquent disposé à réexaminer dans quelques années l'opportunité d'imposer des contrats d'une durée de trois ans pour les formes particulières d'assurance.

Si le Parlement décide, contrairement à la proposition du Conseil fédéral, d'entrer en matière sur le projet, ce dernier propose de rejeter les propositions de minorité concernant l'art. 62, al. 2quater et 2quinquies, et de modifier l'art. 62, al. 2quinquies, comme suit: Art. 62, al. 2quinquies L'assureur informe l'assuré ayant conclu une assurance avec une forme particulière prévue à l'al. 2, let. a, de l'échéance de son assurance deux mois avant l'expiration de la période de trois ans fixée à l'al. 2ter. Si l'assuré ne résilie pas cette assurance, la période de trois ans recommence à courir.

2quinquies

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