Requérants d'asile en provenance d'Erythrée Rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 23 mars 2018

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Rapport 1

Introduction

Début 2016, la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) a décidé d'approfondir la question des requérants d'asile provenant d'Erythrée, constatant que cet important sujet d'actualité suscitait de vives réactions au sein de l'opinion publique. S'agissant des migrations, la question des personnes en provenance d'Erythrée est l'une des plus controversées qui se posent actuellement dans notre pays. Dans la période allant du 23 juin 2016 au 12 octobre 2017, la sous-commission de la CdG-N compétente en la matière a auditionné un certain nombre de représentants du Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) et du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Elle a en outre consulté plusieurs rapports du SEM, notamment le rapport intitulé «Erythrée. Etude de pays» que le SEM a rédigé pour le Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO). Le 23 juin 2016, des représentants du SEM ont également présenté à la sous-commission le tout dernier rapport «Focus Eritrea»1.

Le présent rapport vise à éclaircir plusieurs aspects liés aux requérants d'asile provenant d'Erythrée et à en faire une synthèse. En outre, la CdG-N souhaite donner au Conseil fédéral et aux autorités concernées le point de vue de la haute surveillance à ce sujet.

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Rappel des faits

Selon la statistique en matière d'asile 2017 fournie par le SEM, 21 598 réfugiés érythréens reconnus vivent actuellement en Suisse, 4526 Erythréens se trouvent dans un processus de «procédure» d'asile et 9337 Erythréens sont titulaires d'une admission provisoire2. Le nombre de demandes d'asile déposées par des personnes provenant d'Erythrée a explosé, passant de 181 en 2005 à un record de 9966 en 2015.

L'examen des demandes d'asile et la décision d'un renvoi en cas de rejet de la demande incombent au SEM. Les décisions de ce dernier peuvent toutefois faire l'objet d'un recours devant le Tribunal administratif fédéral (TAF) voire, dans certains cas, devant le Tribunal fédéral (TF). Le SEM examine toutes les demandes individuellement. Pour savoir si une personne doit être admise à titre provisoire, il applique entre autres l'art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales3 et vérifie si cette personne risque des peines ou trai1

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Secrétariat d'Etat aux migrations, Focus Eritrea, Update Nationaldienst und illegale Ausreise, Bern-Wabern, 22.6.2016, (www.sem.admin.ch > Affaires internationales > Informations sur les pays d'origine > Erythrée; consulté le 19.9.2017).

Secrétariat d'Etat aux migrations > Publications & services > Statistiques en matière d'asile > Asile: statistiques du 2e trimestre 2017 > Commentaire sur la statistique en matière d'asile 2e trimestre 2017, p. 10.

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, conclue à Rome le 4.11.1950 (Convention européenne des droits de l'homme, CEDH; RS 0.101).

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tements inhumains. Il examine par ailleurs d'autres raisons potentielles qui iraient à l'encontre d'un renvoi4.

Le SEM indique que, en 2015, un quart environ des demandes d'asile ont été déposées par des personnes provenant d'Erythrée, soit presque 10 000 demandes. Il souligne que, pendant longtemps, l'Italie n'a pas enregistré les personnes arrivant sur son territoire, ou ne l'a pas fait correctement, ce qui constitue un problème s'agissant de l'application du règlement Dublin III5. Cela a pour conséquence que non seulement davantage de requérants d'asile arrivent en Suisse, mais les requérants concernés ne peuvent pas être renvoyés en Italie, conformément au règlement précité, vu qu'ils n'y ont pas été enregistrés. Etant donné que l'Erythrée est le principal pays de provenance des requérants d'asile, cela concerne de nombreux Erythréens. Il faut toutefois souligner que la situation s'est beaucoup améliorée entre-temps6. En ce qui concerne l'octroi de l'asile et l'admission provisoire, la Suisse se situe dans la moyenne européenne. L'octroi de l'asile en Suisse à des personnes provenant d'Erythrée a tendance à baisser.

Selon les informations fournies par le SEM, les analyses qu'il a effectuées de la situation en Erythrée se fondent sur trois sources: 1.

Rapports d'organisations internationales, d'organisations de défense des droits de l'homme, de journalistes, de gouvernements, d'experts, etc.

2.

Contacts avec des autorités partenaires et des personnes sur place.

3.

Enquêtes réalisées sur place («Fact-Finding Missions»).

Le SEM précise toutefois qu'il est extrêmement difficile d'obtenir des informations objectives sur la situation des droits de l'homme en Erythrée7. Les «Fact-Finding Missions», l'évaluation de certains rapports et le dialogue avec d'autres Etats visent à combler cette lacune en matière d'information8.

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8

Le SEM examine ainsi si le renvoi est licite et raisonnablement exigible.

Règlement (UE) No 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26.6.2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, JO, L 180/31.

Déclaration du vice-directeur du domaine de direction Asile du SEM lors de son audition par la sous-commission DFJP/ChF de la CdG-N le 23.6.2016 et du vice-directeur du domaine de direction Coopération internationale du SEM lors de son audition par la sous-commission le 28.6.2017: «Heute [...] registriert Italien etwa 95 Prozent aller anlandenden Personen [...].» Rapport de l'EASO relatif à l'information sur le pays d'origine, Erythrée. Etude de pays, mai 2015 (www.sem.admin.ch > Affaires internationales > Informations sur les pays d'origine > Erythrée; consulté le 19.9.2017), p. 9; le TAF parvient à la même conclusion (cf. TAF D-2311/2016, arrêt du 17.8.2017, consid. 10).

Déclaration du secrétaire d'Etat aux migrations lors d'un entretien dans l'émission «Rundschau» de la SRF du 6.9.2017.

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Fact-Finding Mission 2016 et rapport «Focus Eritrea»

Le SEM souligne l'importance de la «Fact-Finding Mission» menée en mars 2016, car celle-ci a été spécifiquement axée sur les déclarations des demandeurs d'asile érythréens (lesquels disent fuir le service national, par ex.). Effectuée en collaboration avec les autorités de la République fédérale d'Allemagne, la mission avait un double objectif: en premier lieu, elle visait à déterminer à quelles suites s'exposait une personne en cas de retour et, sur cette base, à définir le statut que devait obtenir cette personne en Suisse; en second lieu, il s'agissait de compiler des informations permettant d'évaluer la vraisemblance des déclarations à ce sujet et de savoir si ces personnes ont réellement effectué du service national et sont effectivement érythréennes. Les principaux résultats et constats de cette mission ont été intégrés dans le rapport «Focus Eritrea, Update Nationaldienst und illegale Ausreise»9.

Selon le rapport du SEM, les déserteurs sont arrêtés, puis détenus et sanctionnés arbitrairement pendant une période indéterminée10. Ils sont ensuite ramenés à leur unité militaire ou à leur place de travail. Rien n'indique que la situation ait fondamentalement évolué, même si les peines sont devenues moins sévères11. En outre, certains déserteurs ne sont pas ou plus sanctionnés; toutefois, ils n'ont aucun accès aux prestations de l'Etat12.

Les réfractaires sont eux aussi emprisonnés ­ sans procédure ni accusation ­ puis doivent accomplir leur formation militaire dans des régions désertiques et dans des conditions éprouvantes13. En raison de leurs ressources limitées, les autorités ne peuvent néanmoins pas rechercher tous les réfractaires. Les forces de sécurité organisent toutefois des razzias dans certains quartiers ou villages afin d'en contrôler systématiquement tous les habitants14.

Les personnes qui souhaitent quitter illégalement le pays peuvent être détenues pendant une période allant de plusieurs mois à deux ans. Cette durée a été réduite, mais les peines sont toujours prononcées de manière extrajudiciaire, arbitraire et opaque15. Lorsqu'il ne s'agit pas d'un déserteur ou d'un réfractaire, la personne est généralement libérée. Le président érythréen a affirmé que les personnes qui retournaient de leur plein gré en Erythrée ne seraient pas poursuivies. On peut toutefois regretter l'absence
de base légale à ce sujet. La pratique montre en effet que ces personnes doivent payer une taxe et, dans certains cas, signer un aveu de culpabilité.

Très peu d'informations sont disponibles concernant les personnes qui retournent en Erythrée16. L'un des principaux problèmes est qu'il n'a pas encore été possible de conclure un accord de réadmission avec l'Erythrée, ce qui aurait permis d'obtenir de plus amples informations. Selon le rapport, il n'y a aucune information fiable sur ce 9 10 11 12 13 14 15 16

Cf. note 1.

Focus Eritrea, Update Nationaldienst und illegale Ausreise, pp. 16 ss.

Focus Eritrea, Update Nationaldienst und illegale Ausreise, p. 20.

Focus Eritrea, Update Nationaldienst und illegale Ausreise, p. 20.

Focus Eritrea, Update Nationaldienst und illegale Ausreise, p. 23.

Focus Eritrea, Update Nationaldienst und illegale Ausreise, p. 23.

Focus Eritrea, Update Nationaldienst und illegale Ausreise, p. 28.

Focus Eritrea, Update Nationaldienst und illegale Ausreise, p. 39.

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qu'il advient des quelques personnes renvoyées vers l'Erythrée par d'autres Etats17.

On ne peut toutefois pas exclure qu'elles aient vu leur peine alourdie en raison de leur départ illégal d'Erythrée.

Enfin, il faut relever que les autorités érythréennes n'ont pas encore limité à 18 mois la durée du service national, contrairement à ce qu'elles avaient annoncé18. Toutefois, le rapport fait état de certains changements, comme l'augmentation des salaires et la progression du nombre de recrues affectées à la partie civile du service national19. Selon les estimations, le service national civil dure entre cinq et dix ans20. Les chances de succès d'une libération du service national militaire restent toujours très faibles.

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Absence de relations avec l'Erythrée ­ audition des représentants du DFAE

Aux dires des représentants du SEM et du DFAE, la situation en Erythrée est toujours tendue: l'Erythrée n'est pas un Etat de droit, la constitution de 1997 n'est toujours pas en vigueur, le Parlement n'a plus siégé depuis plus de dix ans et les peines sont prononcées extrajudiciairement. Le système gouvernemental présente des traits quasiment communistes, l'ensemble de la population devant accomplir des tâches pour l'Etat21.

Sur le plan économique, l'Erythrée est un pays pauvre. Des progrès ont toutefois été constatés dans les domaines de la sécurité sociale, de la santé et de la formation; de plus, surtout le Canada et la Chine investissent dans les mines érythréennes.

La Suisse ne dispose d'aucune représentation propre en Erythrée. L'ambassadeur responsable de l'Erythrée, établi à Khartoum (capitale du Soudan), se rend dans le pays quatre à cinq fois par an. Pour renforcer la position de la Suisse dans les négociations avec l'Erythrée, le DFAE a décidé de collaborer avec d'autres Etats européens. Les questions liées aux migrations jouent un rôle important au sein de ce dialogue.

En 2006, la situation en Erythrée s'est détériorée à tel point que la Direction du développement et de la coopération (DDC) a été contrainte de quitter le pays. Cette décision a été prise en premier lieu parce que la coopération bilatérale avec les autorités n'était plus possible. Fin 2016, la décision a été prise de redémarrer des projets de coopération de manière progressive, en particulier dans le domaine de la formation professionnelle, soit au travers d'ONG internationales sur place, soit aux travers des agences des Nations Unies. Le gouvernement érythréen est maintenu informé de ces projets.22 17 18 19 20 21 22

Focus Eritrea, Update Nationaldienst und illegale Ausreise, p. 34.

Focus Eritrea, Update Nationaldienst und illegale Ausreise, p. 48.

Focus Eritrea, Update Nationaldienst und illegale Ausreise, p. 48.

Focus Eritrea, Update Nationaldienst und illegale Ausreise, p. 48.

Déclaration de la cheffe de la division Afrique subsaharienne et Francophonie du DFAE lors de son audition par la sous-commission DFJP/ChF de la CdG-N le 10.10.2016.

Information de la Secrétaire d'État du DFAE dans la prise de position du 30.11.2017 relative à la consultation de l'administration.

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Le 13 mars 2017, l'UDC a déposé au Conseil national une motion chargeant le Conseil fédéral de rouvrir une ambassade en Erythrée. Cela permettrait aux autorités suisses de juger par elles-mêmes de la situation sur place et de poser les fondements des relations diplomatiques nécessaires à la négociation d'un accord de réadmission.

Cette motion a été adoptée le 14 juin 2017 à une forte majorité23. Dans son avis sur la motion précitée et dans son rapport du 14 octobre 2016, le Conseil fédéral se prononce en faveur d'un renforcement de la présence en Erythrée, mais recommande de procéder par étape, des premières mesures24 ayant déjà été prises25. Selon lui, la mise sur pied d'une représentation permanente en Erythrée n'est justifiée qu'à condition que les coûts soient proportionnels aux bénéfices politiques.

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Derniers développements

Comme nous l'avons vu, la situation relative aux requérants d'asile érythréens a évolué sur plusieurs points.

5.1

Situation en Erythrée

Aussi bien les rapports du SEM que les déclarations du gouvernement érythréen en 2015/2016 indiquaient que la situation en Erythrée aurait dû s'améliorer dans un avenir proche26. La durée du service national devait être limitée à 18 mois et la constitution révisée puis mise en vigueur. En outre, le gouvernement érythréen se montrait ouvert au dialogue avec l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Le gouvernement n'a jusqu'à présent pas tenu la promesse de mettre en vigueur la constitution et de limiter la durée du service national27. Un problème central en Erythrée est l'absence de bases solides pour le développement économique, notamment la création de nouveaux postes de travail28.

23 24 25

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27 28

Par 140 voix contre 13.

Envoi d'un attaché suisse à Asmara, dialogue avec d'autres Etats européens.

Avis du Conseil fédéral du 24.5.2017 concernant la motion 17.3098 «Ouverture d'une ambassade de Suisse en Erythrée. Réseau extérieur au service des intérêts nationaux» et rapport du Conseil fédéral du 14.10.2016 «Erythrée: Analyse de la situation et approches politiques à moyen terme» en réponse au postulat Pfister 15.3954 «Fournir enfin des informations claires au sujet de l'Erythrée» du 24.9.2015 (www.admin.ch/gov/fr/accueil/ documentation/communiques.msg-id-64352.html, consulté le 19.9.2017), pp. 20 ss.

Mission d'information, rapport du 9 février 2015, p. 5; rapport du Conseil fédéral du 14.10.2016 «Erythrée: Analyse de la situation et approches politiques à moyen terme» en réponse au postulat Pfister 15.3954 «Fournir enfin des informations claires au sujet de l'Erythrée» du 24.9.2015, pp. 10 et 25; Focus Eritrea, Update Nationaldienst und illegale Ausreise, p. 45.

Déclarations du Secrétaire d'État du SEM et de la Secrétaire d'État du DFAE lors des auditions par la sous-commission DFJP/ChF de la CdG-N le 12.10.2017.

Mission d'information, rapport du 9 février 2015, p. 4.

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5.2

Diminution des demandes d'asile déposées par des Erythréens

Comme le montrent les statistiques du SEM, la Suisse est moins attractive qu'auparavant et que d'autres pays aux yeux des requérants d'asile érythréens. En 2014, 6923 personnes provenant d'Erythrée ont déposé une demande d'asile en Suisse; ce chiffre se montait même à 9966 en 2015. Puis, en 2016, 4788 personnes de moins qu'en 2015 ont déposé une demande, ce qui représente une diminution de 48 %. En 2017, 3375 demandes d'asile ont été déposées par des Erythréens, ce qui signifie une nouvelle diminution par rapport à 2016 (5178 demandes)29.

5.3

Modifications de la politique d'asile

La troisième évolution concerne directement la politique d'asile en Suisse. En juin 2016, le SEM a sensiblement modifié sa manière d'évaluer les demandes d'asile déposées par des Erythréens, afin notamment d'empêcher que des personnes soient indûment reconnues comme réfugiées. Ces modifications ont été décidées sur la base du rapport consacré à l'Erythrée du 22 juin 201630.

1.

Si une personne n'est pas, pas encore ou plus tenue d'accomplir du service national, elle ne doit plus être reconnue comme réfugiée pour la seule raison qu'elle a quitté illégalement son pays.

2.

Si une personne est particulièrement proche du gouvernement érythréen ou entretient de bonnes relations avec celui-ci, elle ne doit pas obtenir l'asile vu qu'elle ne sera pas poursuivie.

En outre, le TAF soutient le durcissement de la politique d'asile, comme le montrent deux décisions cruciales qu'il a prises à ce jour. Premièrement, un citoyen érythréen n'obtiendra plus l'asile simplement parce qu'il a quitté illégalement son pays, vu qu'il ne sera pas forcément poursuivi en cas de retour31. Deuxièmement, le TAF a estimé que le retour d'un citoyen érythréen ayant accompli la totalité du service national qu'il devait effectuer ou ayant été libéré de son obligation de servir est en principe licite et raisonnablement exigible32.

6

Le supposé problème des voyages en Erythrée

En août 2016, le secrétariat des CdG a reçu une requête en matière de surveillance selon laquelle de très nombreux citoyens érythréens concernés par une procédure d'asile ou admis provisoirement en Suisse (permis F) se rendraient temporairement en Erythrée. La sous-commission DFJP/ChF de la CdG-N s'est penchée sur cette 29 30 31 32

Secrétariat d'Etat aux migrations, Asile: statistiques du 2e trimestre 2017, p. 11; Asile: statistiques du 2e trimestre 2016, p. 10.

Focus Eritrea, Update Nationaldienst und illegale Ausreise, du 22.6.2016.

TAF D-7898/2015, arrêt du 30.1.2017; TAF D-2311/2016, arrêt du 17.8.2017, consid. 6 et 9.

TAF D-2311/2016, arrêt du 17.8.2017, notamment consid. 13.3 et 14.

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requête, demandant à son auteur et au SEM de lui fournir de plus amples informations. L'auteur de la requête a expliqué que les Erythréens concernés se procuraient un visa auprès d'un pays voisin (il a mentionné le Soudan), puis prenaient un vol pour Khartoum (Soudan) ou Addis-Abeba (Ethiopie), via la Turquie, avant de se rendre en Erythrée par voie terrestre. L'auteur a indiqué avoir obtenu ces informations auprès d'un employé de l'aéroport de Zurich auquel il a garanti la plus stricte confidentialité.

Dans son avis du 10 janvier 2017, le SEM a clairement déclaré que les demandes d'asile déposées par des personnes qui se rendraient temporairement en Erythrée seraient rejetées. De même, si un réfugié reconnu voyage temporairement dans son pays, le statut de réfugié lui sera généralement retiré. Conformément à la jurisprudence du TAF, chaque cas doit toutefois être évalué individuellement33. En septembre 2015, à la demande des cantons, le SEM a mis en place une cellule auprès de laquelle il est possible de dénoncer l'utilisation frauduleuse d'un document de voyage (notamment par les Erythréens qui se rendent en Erythrée).

En pratique, il est toutefois souvent difficile de prouver qu'un citoyen érythréen s'est effectivement rendu dans son pays, d'autant plus qu'il existe plusieurs façons de brouiller les pistes: étant donné qu'il n'y a aucun vol direct entre la Suisse et l'Erythrée, les personnes concernées doivent passer par un Etat tiers et peuvent ainsi dissimuler leur destination finale ou leur pays de provenance. En outre, elles peuvent utiliser différents documents de voyage et passer par un autre Etat Schengen pour rentrer en Europe, ce qui leur évite de se soumettre aux contrôles effectués aux frontières suisses.

Dans un deuxième avis qu'il a rendu le 29 mars 2017, le SEM a expliqué qu'un voyage dans un pays voisin de l'Erythrée ne saurait à lui seul démontrer que la personne concernée s'est rendue en Erythrée. En particulier, il a fait valoir que de nombreux Erythréens avaient fui au Soudan et en Ethiopie: la raison pour laquelle beaucoup d'Erythréens vivant en Suisse se rendraient dans ces pays voisins de l'Erythrée pourrait donc être celle d'y retrouver des membres de leur famille et des proches, ce qui n'est pas contraire au droit en vigueur. En outre, de nombreux Erythréens vivent en
Suisse depuis de nombreuses années et ont été naturalisés ou sont en possession d'un permis C: ils peuvent donc voyager en Erythrée sans contrevenir à l'ordre juridique suisse.

Les statistiques du SEM relatives aux révocations de l'asile ces dernières années montrent que sept Erythréens en 2015 et six en 2016 ont été concernés par une telle révocation. Le SEM confirme que l'art. 63 de la loi sur l'asile34, qui porte sur la révocation de l'asile, est systématiquement appliqué.

Pour identifier les voyages effectués en Erythrée, le SEM utilise aussi les données relatives aux passagers aériens avant le décollage (Advanced Passenger Information, API)35, lesquelles sont transmises aux autorités compétentes pour certains vols.

Lorsqu'ils ont des soupçons, le Corps des gardes-frontière ou la police cantonale 33 34 35

Cf. par ex. TAF E-3801/2013, arrêt du 20.1.2015.

Loi sur l'asile du 26.6.1998 (LAsi; RS 142.31).

Ces données englobent les informations suivantes: nom, prénom, données biométriques, date de naissance, nationalité, numéro de passeport et sexe.

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concernée transmettent les informations au SEM, qui les analyse et, sur leur base, peut le cas échéant lancer une procédure de révocation de l'asile.

Vu que les informations fournies par les autorités ainsi que leurs déclarations sont compréhensibles et qu'aucune preuve supplémentaire légitimant la requête de surveillance n'a pu être apportée, la commission a décidé, à sa séance du 22 mai 2017, après avoir auditionné l'auteur de la requête, de mettre fin aux travaux relatifs à cette requête et de ne pas prendre de mesures supplémentaires.

7

Appréciation et suite de la procédure

La haute surveillance exercée par les CdG consiste à vérifier si l'activité de l'administration est conforme aux principes de la légalité, de l'opportunité et de l'efficacité (art. 52, al. 2, de la loi sur l'Assemblée fédérale36). Se fondant sur les auditions qu'elle a menées et sur l'analyse des différents rapports qui lui ont été soumis, la CdG-N constate que ­ eu égard aux maigres informations dont le SEM dispose et à la politique de communication très restrictive du gouvernement érythréen ­ le SEM accomplit un travail de qualité, en faisant autant que possible la lumière sur la situation en Erythrée et en accomplissant son mandat légal dans le respect de la légalité, de l'opportunité et de l'efficacité.

La CdG-N conclut qu'il n'y a pour l'heure pas lieu de prendre des mesures sous l'angle de la haute surveillance. Elle estime toutefois essentiel que le SEM continue d'accorder une attention particulière à l'évolution de la situation en Erythrée et que la politique d'asile soit, le cas échéant, adaptée aux constatations qu'il fera.

A sa séance du 23 mars 2018, la CdG-N a décidé de mettre un terme à ses investigations concernant la question des requérants d'asile provenant d'Erythrée.

23 mars 2018

Au nom de la Commission de gestion du Conseil national: La présidente de la CdG-N: Doris Fiala La secrétaire des CdG: Beatrice Meli Andres Le président de la sous-commission DFJP/ChF: Alfred Heer Le secrétaire de la sous-commission DFJP/ChF: Stefan Diezig

36

Loi du 13.12.2002 sur l'Assemblée fédérale (loi sur le Parlement, LParl; RS 171.10).

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Abréviations API

Advanced-Passenger-Information

CdG

Commissions de gestion

CdG-N

Commission de gestion du Conseil national

CEDH

Convention européenne des droits de l'Homme

ChF

Chancellerie fédérale

DDC

Direction du développement et de la coopération

DFAE

Département fédéral des affaires étrangères

DFJP

Département fédéral de justice et police

EASO

Bureau européen d'appui en matière d'asile

JO

Journal officiel de l'Union européenne

LAsi

Loi sur l'asile du 26 juin 1998 (RS 142.31)

LParl

Loi du 13 décembre 2002 sur l'Assemblée fédérale (loi sur le Parlement; RS 171.10)

OIM

Organisation internationale pour les migrations

RS

Recueil systématique du droit fédéral

SEM

Secrétariat d'Etat aux migrations

UE

Union européenne

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