Comptage électronique des voix (e-counting) Rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 5 septembre 2017

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Rapport 1

Introduction

1.1

Contexte

«La garantie des droits politiques protège la libre formation de l'opinion des citoyens et des citoyennes et l'expression fidèle et sûre de leur volonté.» Cette disposition, inscrite à l'art. 34, al. 2 de la Constitution fédérale (Cst.)1, constitue un droit fondamental qui implique notamment le droit à l'établissement sûr des résultats des scrutins2. La garantie des droits politiques (art. 34 Cst.) suppose un comptage diligent et précis des bulletins de vote3.

Le processus qui est utilisé pour le comptage électronique des voix manque de transparence en termes de traçabilité et de vérifiabilité, en particulier en comparaison du comptage manuel. De ce fait, le contrôle de la plausibilité des résultats obtenus par comptage électronique revêt un rôle capital. Aujourd'hui, plus d'un bulletin de vote sur dix est compté électroniquement en Suisse4.

Après les votations populaires du 18 mai 2014, un contrôle par sondage effectué en ville de Berne avait révélé des irrégularités lors du comptage électronique5. Compte tenu de l'importance des droits politiques et de la confiance que doivent avoir les citoyens dans un comptage correct et fidèle des voix, et au vu des problèmes survenus dans le cadre du comptage électronique, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG-N/E) ont estimé nécessaire de procéder à des éclaircissements. C'est dans ce contexte que, le 30 janvier 2015, le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) a été chargé de procéder à une évaluation du comptage électronique des voix. Le CPA a rassemblé ses résultats dans un rapport du 9 février 2017.

1.2

Objet de l'inspection, procédure et compétences des CdG

À sa séance du 7 octobre 2015, la sous-commission DFJP/ChF de la CdG-N, compétente en l'espèce, a décidé que l'évaluation du CPA devait analyser en priorité les aspects suivants6:

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Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18.4.1999 (RS 101) Cf. Tschannen, commentaire de l'art. 34 Cst., in: Basler Kommentar, Bundesverfassung, Waldmann/Belser/Epiney (éd.), 2015, Art. 34 N. 49 ATF 98 Ia 73, 84 s., consid. 4 Rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 2.1, p. 10 Rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 1.1, p. 5; selon les informations de la Chancellerie fédérale, il s'agissait d'une interprétation erronée d'un bulletin de vote. Les tests à grande échelle effectués par la suite n'ont pas montré d'interprétation erronée systématique.

Rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 1.1, p. 6

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l'opportunité et le respect de la répartition des attributions légales en matière d'approbation du comptage électronique au niveau fédéral;

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l'opportunité des exigences de la Confédération concernant la procédure de comptage électronique et de leur application dans le processus d'approbation;

­

la précision du comptage électronique.

L'évaluation du CPA s'est étendue de janvier 2015 à février 2017. Dans ce cadre, le CPA a confié deux expertises à des tiers: une analyse technique7 et un avis de droit8.

L'analyse technique a dressé un inventaire des bonnes pratiques internationales (international best practice), qui ont ensuite été comparées au système suisse. L'avis de droit devait faire la lumière sur les critères d'appréciation utilisés pour autoriser l'utilisation de moyens techniques destinés au comptage électronique et montrer comment la Constitution règle les compétences en la matière. Le CPA a aussi mené des entretiens avec différents représentants de la Chancellerie fédérale et des cantons. Pour pouvoir apprécier la précision du comptage électronique, le CPA a procédé dans plusieurs cantons et communes à un recomptage manuel des bulletins comptés électroniquement, puis les résultats obtenus ont été comparés avec les résultats officiels9.

Les compétences de la Confédération en matière d'élections et de votations sont limitées puisque, selon l'art. 10, al. 2, de la loi fédérale sur les droits politiques (LDP)10, ce sont les cantons qui assurent l'exécution des votations11 et qui arrêtent les mesures nécessaires. En vertu de cette disposition, les cantons peuvent aussi décider eux-mêmes des modalités de comptage des voix12. L'art. 84 LDP confère au Conseil fédéral la compétence, voire l'obligation de délivrer les autorisations permettant de recourir à des moyens techniques dans le cadre des scrutins. Cette disposition vise aussi les moyens techniques qui sont utilisés pour le comptage électronique des voix.

Il convient ici d'établir une distinction entre le comptage électronique des voix (e-counting) et le vote électronique (e-voting). Dans un vote électronique, qu'il s'agisse d'une élection ou d'une votation, le vote s'exprime au moyen d'un appareil électronique et l'ensemble du processus se déroule électroniquement, de l'expression de la volonté du votant au comptage des voix, en passant par le dépouillement13. En revanche, dans le comptage électronique, on recourt à des moyens électroniques uniquement pour la dernière étape, soit le comptage des voix. Pour les votants, le comptage électronique n'implique donc aucune différence par rapport à la méthode traditionnelle de votation et de comptage manuels. Le présent rapport se limite principalement à la problématique du comptage électronique et n'établit des

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Krimmer, Robert/Fischer, Dirk-Hinnerk, Evaluation zur elektronischen Auszählung von Stimmen (E-Counting). Rapport d'expert technique sur mandat du CPA, 2016.

Glaser Andreas/Fuhrer Corina, Rechtsgrundlagen für die elektronische Auszählung von Stimmen (E-Counting). Avis de droit sur mandat du CPA, 2016.

Rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 1.2, p. 8 Loi fédérale du 17 décembre 1976 sur les droits politiques (RS 161.1) Rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 2.3, p. 12 Rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 2.3, p. 12 Rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 2.2, p. 11

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comparaisons avec le vote électronique que si cela s'avère pertinent pour la problématique étudiée.

Sur le plan juridique, la grande différence entre le comptage électronique et le vote électronique est que la densité réglementaire est beaucoup plus grande pour le vote électronique. Contrairement au comptage électronique, le vote électronique fait l'objet d'une réglementation détaillée à l'échelon des ordonnances du Conseil fédéral et de la Chancellerie fédérale14. Pour le comptage électronique, l'absence de dispositions réglementaires est quasi-totale. Il existe une circulaire du Conseil fédéral de 201615 (circulaire 2016) qui fixe les exigences relatives aux moyens techniques utilisés lors des opérations de comptage électronique. Selon le ch. 1 de cette circulaire, son champ d'application matériel est limité aux votations populaires fédérales.

La sous-commission DFJP/ChF de la CdG-N s'est penchée sur le rapport d'évaluation du CPA à sa séance du 23 février 2017 et a décidé, sur cette base, de préparer un rapport à l'intention de la CdG-N. Cette dernière a examiné le projet de rapport de sa sous-commission ainsi que les recommandations qu'il contient à sa séance du 5 septembre 2017.

Enfin, la CdG-N a décidé de publier son propre rapport en même temps que l'évaluation du CPA et avec les expertises sur lesquelles celle-ci s'appuie.

Dans les prochains chapitres, la CdG-N porte une appréciation sur les principales constatations du CPA et en tire diverses recommandations adressées au Conseil fédéral et à la Chancellerie fédérale.

2

Constatations et recommandations

2.1

Absence de délégation à la Chancellerie fédérale pour l'approbation des moyens techniques

Selon l'art. 84, al. 2, LDP, l'utilisation de moyens techniques lors des scrutins est soumise à l'autorisation du Conseil fédéral. Ce dernier a le droit de déléguer certaines décisions à une unité administrative16, mais il doit le faire au moyen d'une ordonnance (art. 47, al. 2 de la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration17). La compétence décisionnelle doit généralement être attribuée à l'autorité «qui a la maîtrise politique et matérielle du domaine» (art. 13, al. 2, de l'ordonnance sur l'organisation du gouvernement et de l'administration18).

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Cf. art. 27a ss. de l'ordonnance du 24.5.1978 sur les droits politiques (ODR; RS 161.11) et l'ordonnance de la ChF du 13.12.2013 sur le vote électronique (OVotE; RS 161.116).

Circulaire du Conseil fédéral du 18.5.2016 aux gouvernements cantonaux concernant l'établissement des résultats des votations populaires fédérales à l'aide de moyens techniques (FF 2016 3911) Selon Glaser/Fuhrer (2016), p. 27, en l'espèce la Chancellerie fédérale doit être assimilée à un département.

Loi fédérale du 21.3.1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA; RS 172.010) Ordonnance du 25.11.1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (OLOGA; RS 172.010.1)

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Lorsqu'une commune ou un canton souhaite utiliser des moyens électroniques pour établir les résultats d'un scrutin en recourant à l'une des deux procédures autorisées par le Conseil fédéral, le canton doit l'annoncer à la Chancellerie fédérale. Dans ce cas concret, la norme de délégation à la Chancellerie fédérale est inscrite dans la circulaire 2016, dont le ch. 3.2 prévoit que l'utilisation d'une procédure autorisée par le Conseil fédéral au sens du ch. 3.1 doit être annoncée à la Chancellerie fédérale.

Il s'agit maintenant d'analyser si ces annonces à la Chancellerie fédérale et si la constatation de ces annonces par la Chancellerie se fondent sur une délégation opportune et légale à la Chancellerie fédérale, par le Conseil fédéral. Selon l'évaluation du CPA, plusieurs tâches d'exécution sont conférées à la Chancellerie fédérale dans le domaine des droits politiques (art. 1, al. 4, let. a, et art. 4, al. 2, let. d, de l'ordonnance sur l'organisation de la Chancellerie fédérale19)20. En vertu de ces dispositions, la Chancellerie fédérale dispose de la maîtrise matérielle et politique exigée par l'art. 13, al. 2, OLOGA, pour ce qui est de l'exercice et de la garantie des droits politiques. Puisque la maîtrise de la Chancellerie fédérale dans ce domaine est reconnue, il n'y a pas lieu de douter de l'opportunité de lui déléguer la compétence d'autorisation des moyens techniques prévue à l'art. 84, al. 2, LDP. La Chancellerie fédérale est bien, «sur le plan matériel, [...] l'instance compétente pour l'examen des demandes des cantons»21.

La légalité de la délégation de compétence peut également être confirmée pour la période qui suit l'entrée en vigueur de la circulaire 2016, dont le ch. 3.1 décrit les deux procédures qui sont déjà autorisées. Si un canton souhaite utiliser l'une de ces deux procédures, il n'y a pas besoin de passer par une nouvelle procédure d'approbation; selon le ch. 3.2 de la circulaire 2016, il suffit d'annoncer cette intention à la Chancellerie fédérale. Lors de cette annonce, la Chancellerie peut toutefois exiger de la part des cantons des pièces justificatives prouvant que la fiabilité de la procédure est garantie et que les critères applicables aux bulletins de vote lisibles par machine sont respectés. Selon le ch. 4 de la circulaire 2016, les demandes d'autorisation au
sens de l'art. 84, al. 2, LDP doivent certes être adressées à la Chancellerie fédérale, mais la décision reste de la compétence du Conseil fédéral.

Des problèmes pourraient toutefois surgir au sujet des annonces et des demandes des cantons, qui ont été approuvées par la Chancellerie fédérale avant l'entrée en vigueur de la circulaire 2016. Les autorisations initiales, sur lesquelles se fondent finalement les constatations de la Chancellerie, ont été délivrées une fois pour toutes, sans limitation temporelle, et elles ne sont pas soumises à un réexamen périodique. Selon l'évaluation du CPA, jusqu'à l'entrée en vigueur de la circulaire 2016, la Chancellerie fédérale ne disposait d'aucune base juridique pour procéder à cette appréciation22. Il est toutefois difficile de dire si cette appréciation, par la Chancellerie 19 20 21 22

Ordonnance du 29.10.2008 sur l'organisation de la Chancellerie fédérale (Org ChF; RS 172.210.10) Rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 3, p. 13 Rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 3, p. 13 s.

Rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 3, p. 13: le CPA signale cependant que cette répartition des tâches s'est développée et établie avec le temps.

Sur la problématique de l'absence de bases juridiques, voir également l'avis de droit Glaser/Fuhrer (2016), p. 28.

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fédérale, de l'annonce faite par les cantons constitue véritablement une autorisation au sens de l'art. 84, al. 2, LDP23.

La commission a renoncé à formuler une recommandation à ce sujet, étant donné que ce problème devrait être désamorcé par la mise en oeuvre des recommandations qui suivent24.

2.2

Nécessité d'exigences accrues pour garantir la liberté de vote

S'agissant de la garantie de la liberté de vote, il convient de comparer le comptage électronique avec le comptage manuel. D'après l'évaluation du CPA, la façon dont le résultat a été obtenu est moins transparente dans le cas du comptage électronique25. Le dépouillement correct et sûr des bulletins fait partie intégrante de la liberté de vote26. Cela veut dire que le nombre de voix doit pouvoir être constaté de manière précise27. Étant donné que le processus de comptage électronique est moins transparent, son suivi est plus complexe et, par conséquent, il nécessite la définition d'exigences plus strictes que pour le comptage manuel28.

Ceci est particulièrement important du fait qu'un recomptage des voix n'est possible que s'il y a des indices concrets d'erreurs dans le dépouillement des bulletins29. Si les indices concrets d'erreurs lors du dépouillement sont particulièrement difficiles à déceler, le seuil des exigences que l'on pose pour prouver des irrégularités doit donc être d'autant plus bas que le résultat du scrutin publié est serré30. Pour qu'un recomptage puisse être ordonné, il faut que le résultat du scrutin soit serré, mais il faut aussi que des irrégularités puissent au moins être rendues vraisemblables31. Cet aspect revêt toute son importance pour le comptage électronique, car les indices d'erreurs lors du comptage ne sont souvent pas détectables, ou ne le sont que très difficilement. Dès lors, l'acceptation d'un résultat très serré dépend fortement du contrôle de la plausibilité des résultats des scrutins32.

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Rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 3, p. 14 Le CPA indique à juste titre que le risque d'un recours en matière de droit de vote subsiste, dans la mesure où les bulletins continuent d'être comptés à l'aide de moyens techniques dont l'utilisation a été annoncée à la Chancellerie fédérale sans norme de délégation suffisante.

Rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 4, p. 14 s.

Tschannen, commentaire de l'art. 34 Cst., in: Basler Kommentar, Bundesverfassung, Waldmann/Belser/Epiney (éd.), 2015, Art. 34 N. 49; voir également Hangartner/Kley, Die demokratischen Rechte in Bund und Kantonen der Schweizerischen Eidgenossenschaft, 2000, Zurich, p. 1013 ss.

Tschannen, commentaire de l'art. 34 Cst., in: Basler Kommentar, Bundesverfassung, Waldmann/Belser/Epiney (éd.), 2015, Art. 34 N. 49.

Cf. Krimmer/Fischer (2016), p. 7, ainsi que le rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 6.1, p. 25.

ATF 141 II 297, 302, consid. 5.4 ATF 141 II 297, 305, consid. 5.5.3; à voir aussi Glaser/Fuhrer, 2016, p. 21.

ATF 141 II 297, 305, consid. 5.5.3 Rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 4.1, p. 15

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À cet égard, une comparaison entre le comptage et le vote électroniques s'impose.

Selon l'évaluation du CPA, la dernière étape du processus de vote électronique, à savoir le comptage des voix, est tout autant exposé à un risque de manipulation que le comptage électronique33. Il convient ici de garantir la transparence et la plausibilité des résultats, ce qui peut se faire à travers une réserve d'approbation et par le contrôle qui s'ensuit de la part de la Confédération34. En ce qui concerne l'utilisation de moyens électroniques, cette réserve d'approbation est inscrite à l'art. 84 LDP.

Compte tenu de ce qui précède, la CdG-N parvient à la conclusion que, dans la perspective de la garantie de la liberté de vote, des exigences accrues doivent être définies pour le comptage électronique.

Alors que le comptage électronique ne fait l'objet que de normes juridiques rudimentaires, le vote électronique est réglementé de manière détaillée dans une ordonnance. On peut, à cet égard, renvoyer aux art. 27h à 27j ODP, qui régissent la protection contre les manipulations, l'établissement de la plausibilité des résultats ainsi que la vérifiabilité et la fiabilité du vote électronique.

2.3

Lacunes dans le domaine des concepts d'exploitation

Une comparaison internationale montre que la réglementation de la Confédération en matière de comptage électronique est en retard sur les bonnes pratiques internationales35.

Un concept d'exploitation aborde en premier lieu des questions de procédure et d'organisation. Selon les bonnes pratiques internationales, ces aspects sont notamment le respect du principe du double contrôle, la délimitation claire des responsabilités, la capacité à régler des problèmes mineurs survenant dans le bureau de vote, l'assistance externe, le concept de gestion des risques et le plan d'urgence36. Le concept d'exploitation consiste ainsi en une série de documents et justificatifs qui doivent être présentés à la Chancellerie fédérale et au Conseil fédéral en vertu du ch. 4.2 de la circulaire 201637.

Le mandat d'expertise technique, dans le cadre d'une comparaison avec les bonnes pratiques internationales, critique notamment le fait que les différents concepts d'exploitation ne tiennent pas compte d'aspects importants, ou n'en tiennent compte que de façon insuffisante. Les experts soulignent surtout l'importance capitale du principe du double contrôle (par ex. lors de l'utilisation des appareils ou en tant que protection contre les manipulations) et d'échantillons statistiquement significatifs38.

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Rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 4.1, p. 15 Rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 4.1, p. 15 Cf. Krimmer/Fischer (2016), p. 24 et 28 Krimmer/Fischer (2016), pp. 6, 15, 24 et 27 Documentation portant sur les processus manuels, la technologie utilisée, les déroulements de nature technique ainsi que les mesures destinées à assurer la sécurité des données.

Krimmer/Fischer (2016), p. 13

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L'absence d'une obligation de collecte d'échantillons statistiquement significatifs par les cantons et les communes est problématique. On sait en outre que, pour certaines procédures autorisées, il n'existe manifestement pas de concept d'exploitation39 ou, du moins, que la Chancellerie fédérale n'est pas en possession et n'a pas connaissance de ce concept40. Le CPA a constaté que les concepts d'exploitation n'étaient pas rendus publics dans tous les cas41. Il n'est certes pas obligatoire de les publier, mais cela ne correspond pas aux principes de la transparence et de la traçabilité du comptage électronique42. La réglementation sur le vote électronique prévoit par exemple une information active de la part des autorités (art. 27m ODP).

Aucun contrôle ou renouvellement périodique n'est prévu pour les autorisations délivrées par le Conseil fédéral. On peut donc dire qu'il s'agit d'autorisations uniques et illimitées dans le temps. Pour le vote électronique, il existe en revanche une procédure en deux étapes43, qui prévoit par exemple un contrôle périodique du respect des prescriptions de sécurité44.

L'absence d'un concept d'exploitation a aussi pour conséquence que les procédures qui se fondent sur une autorisation ­ dont le concept d'exploitation n'est justement pas connu ­ ne peuvent pas être comparées les unes aux autres45, ce qui est problématique car cela rend les contrôles pratiquement impossibles.

L'évolution parfois très rapide de la technologie s'oppose à ce modèle de l'autorisation unique et illimitée. Les cantons peuvent annoncer l'utilisation de procédures qui, dans certaines circonstances, pourraient ne plus être conformes aux développements technologiques les plus récents46. Les deux autorisations délivrées à ce jour par le Conseil fédéral pour des procédures de comptage électronique datent de 2001 et 200847. Depuis, aucune nouvelle autorisation n'a été nécessaire pour ces procédures. Ce modèle de l'autorisation unique ne peut fonctionner que si les procédures utilisées sont explicitement conformes aux bonnes pratiques internationales et adaptées régulièrement à ces dernières. La réglementation sur le vote électronique prévoit par exemple qu'un service externe indépendant contrôle si le système correspond aux derniers progrès techniques (art. 27l ODP).

La question de la révocation
d'une autorisation par le Conseil fédéral est aussi problématique. On peut en effet se demander quels seraient les effets de la révocation d'une procédure qui, elle-même, a uniquement fait l'objet d'une annonce à la Chancellerie fédérale en se fondant sur une procédure déjà autorisée.

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Rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 4.3, p. 19 Rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 4.4, p. 21 Rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 4.3, p. 19 Rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 4.3, p. 19; voir également Krimmer/Fischer (2016), p. 20.

Cf. Glaser, Der elektronisch handelnde Staat, E-Legislation, E-Government, E-Justice, RDS (2015) 134, pp. 259 à 333, p. 271 ss.

Rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 4.2, p. 16 Rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 4.4, p. 21 Krimmer/Fischer (2016), p. 28, et rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 4.4, p. 20 Rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 4.4, p. 20

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Compte tenu de l'évolution technologique, le modèle de l'autorisation unique et illimitée décrit ici ne répond pas aux exigences requises pour garantir la liberté de vote.

À cet égard, les divergences entre les réglementations sur le comptage électronique et sur le vote électronique sont d'une ampleur difficilement concevable.

Dans les concepts d'exploitation, il faut notamment veiller à ce que le principe du double contrôle soit appliqué à tous les niveaux48. Cet aspect nécessite lui aussi des contrôles, qui renforcent à leur tour l'établissement de la plausibilité des résultats du comptage électronique. Jusqu'à présent, il a été fait peu de cas du principe du double contrôle dans les concepts d'exploitation et il convient désormais de mieux en tenir compte49.

Recommandation 1

Autorisation limitée dans le temps des concepts d'exploitation

La CdG-N invite le Conseil fédéral à contrôler les concepts d'exploitation de l'ensemble des moyens techniques utilisés actuellement dans le cadre du comptage électronique des voix et à s'assurer que tous les cantons et communes concernés disposent d'un concept d'exploitation.

À l'avenir, les concepts d'exploitation devraient être contrôlés périodiquement par la Chancellerie fédérale. La CdG-N propose au Conseil fédéral de modifier la circulaire de sorte que ce contrôle des concepts d'exploitation remplace désormais l'autorisation au sens de l'art. 84, al. 2, LDP et que la compétence d'exécution de ces contrôles soit conférée à la Chancellerie fédérale.

Le contrôle des concepts d'exploitation doit notamment établir si une procédure annoncée ou déjà autorisée est encore conforme aux récents progrès technologiques et aux bonnes pratiques internationales. Or, dans les procédures décrites précédemment, la Chancellerie fédérale exerce sa compétence avec la plus grande retenue, ce qui fait dire au CPA qu'elle envisage son rôle comme celui d'une instance chargée de faire appliquer des standards minimaux50.

La recommandation vise, d'une part, à simplifier la procédure à deux niveaux où l'on établit une différence entre les autorisations et les annonces. Dorénavant, le contrôle et l'approbation des concepts d'exploitation par la Chancellerie fédérale devront avoir valeur d'autorisations au sens de l'art. 84, al. 2, LDP. Ainsi, les annonces à la Chancellerie fédérale deviendraient sans objet. D'autre part, la recommandation demande que les autorisations soient désormais contrôlées et réévaluées périodiquement. Le contrôle périodique des concepts d'exploitation devrait aussi être étendu aux procédures déjà utilisées aujourd'hui.

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Rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 4.2, p. 17, et chap. 6.1, p. 26 Krimmer/Fischer (2016), pp. 6, 27 et 31 Rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 4, p. 14

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2.4

Échantillons statistiquement significatifs

La nouvelle circulaire du Conseil fédéral mentionne explicitement la vérification de la plausibilité des résultats, mais sans exiger l'utilisation d'échantillons statistiquement significatifs51. La circulaire 2016 aborde seulement la question de l'échantillonnage comme mesure destinée à garantir la fiabilité du comptage52. Or, pour la CdG-N, la fiabilité ne peut être garantie que si les échantillons sont statistiquement significatifs53. C'est une précision qui fait défaut dans la circulaire en question.

Étant donné que les cantons décident eux-mêmes de l'ampleur et du caractère aléatoire des échantillons, la nouvelle réglementation continue de présenter des faiblesses54.

Recommandation 2

Relevés d'échantillons statistiquement significatifs

La CdG-N invite le Conseil fédéral à s'assurer que les cantons qui utilisent des moyens techniques pour établir les résultats des scrutins procèdent à un échantillonnage de données statistiquement significatives, relevées de manière aléatoire et indépendante. L'échantillonnage devrait être obligatoire pour tous les scrutins.

La procédure correspondante devra être présentée dans le concept d'exploitation.

L'échantillonnage ne fait sens que s'il est effectué systématiquement lors de chaque scrutin, car une tentative de manipulation vise en principe explicitement un objet spécifique. L'échantillonnage effectué à titre de mesure de contrôle revêt une fonction centrale, précisément afin de garantir la confiance des citoyennes et des citoyens dans la procédure55.

À travers cette recommandation, la CdG-N veut inviter la Chancellerie fédérale à assumer un rôle plus actif (par exemple par la réévaluation périodique des concepts d'exploitation), dans le respect des compétences cantonales, dans le cadre de l'autorisation et de l'utilisation de moyens électroniques destinés à établir les résultats des scrutins.

Un rôle plus actif est notamment souhaitable du fait que, tant les contrôles périodiques ­ autrement dit la limitation dans le temps des autorisations ­ que l'obligation de procéder à un échantillonnage vont dans le sens de la plausibilité et de la vérifiabilité des résultats, et qu'ils constituent à ce titre des piliers de la garantie de la liberté de vote.

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Krimmer/Fischer (2016), p. 28; rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 4.4, p. 21 s.

Circulaire 2016, 3914 Cf. Krimmer/Fischer (2016), p. 14 et 24.

Krimmer/Fischer (2016), p. 31 Krimmer/Fischer (2016), p. 14

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2.5

Précision du comptage électronique

Le CPA avait aussi à analyser la précision du comptage lorsque celui-ci est effectué à l'aide de moyens électroniques.

À cette fin, il a recompté manuellement, dans sept cantons ou communes, les bulletins concernant deux objets soumis au vote le 5 juin 2016 et il a comparé ses résultats avec ceux du comptage électronique56. Le CPA n'a constaté «que de très faibles écarts» entre les deux résultats57. Quelques erreurs ont cependant été relevées dans le décompte des bulletins blancs, erreurs que le CPA impute à deux causes potentielles: soit la croix n'était pas inscrite au bon endroit, donc à côté de la case prévue à cet effet, soit elle était écrite avec une encre d'une mauvaise couleur, que le scanneur n'est pas parvenu à identifier. Mais fondamentalement, le comptage électronique et le comptage manuel sont aussi précis l'un que l'autre. Il reste toutefois indispensable d'affecter une personne au contrôle préalable et systématique des bulletins de vote remplis58, ce pour minimiser les sources d'erreurs possibles.

Recommandation 3

Contrôle des bulletins de vote

La Chancellerie fédérale veille à ce que les concepts d'exploitation contiennent l'obligation de contrôler les bulletins de vote remplis avant le comptage.

3

Conclusions et suite de la procédure

D'une manière générale, il convient de souligner les éloges concernant les échanges entre la Chancellerie fédérale et les autorités cantonales. Le soutien que la Chancellerie apporte aux cantons est également apprécié par ces derniers. La CdG-N salue également la recommandation du Conseil fédéral à l'adresse des cantons les invitant à intensifier les échanges entre eux59.

La garantie de la liberté de vote est un droit fondamental consacré en tant que tel par la Constitution fédérale. La démocratie directe inhérente à l'ordre constitutionnel suisse et les droits politiques qui en découlent au sens des art. 138 ss. Cst. se traduisent par une accumulation de scrutins ­ comparé à d'autres États. Cela suppose un haut degré de confiance dans les autorités pour l'organisation des votations et des élections. Une partie de ce processus consiste dans le comptage des bulletins de vote déposés dans les urnes, qui doit être effectué correctement. Une seule erreur dans ce processus pourrait déjà entamer sérieusement la confiance dans les autorités, dans l'ordre constitutionnel et, finalement, dans la démocratie directe.

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Rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 5, p. 22 Rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 5, p. 22 s.: le CPA impute aussi ce constat au fait que, lors du comptage électronique, le nombre de oui et le nombre de non mal comptés se compensent réciproquement et que, de ce fait, ces erreurs ne se voient pas.

Rapport du CPA du 9.2.2017 à l'intention de la CdG-N, chap. 6, p. 25 Ch. 5 de la circulaire 2016

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Pour maintenir cette confiance, il convient d'accorder plus de place au contrôle de plausibilité et à la traçabilité dans le cadre du comptage électronique des voix. La CdG-N relève que la crédibilité et, par là même, l'acceptation d'un résultat de scrutin très serré ne doivent en aucun cas pouvoir être remises en cause. De plus, diverses interrogations subsistent après la comparaison entre le comptage électronique et le vote électronique, dont la réglementation est bien plus détaillée. Tant que l'on utilisera des moyens électroniques pour compter les voix, il conviendra de poser des exigences aussi élevées pour le comptage électronique que pour le vote électronique.

La CdG-N constate que, manifestement, tel n'est pas le cas. Mais si la CdG-N est favorable à une réglementation plus détaillée sur le comptage électronique et souhaite que la Chancellerie fédérale assume un rôle plus actif dans ce domaine, cela ne doit surtout pas constituer une entrave au développement et à l'utilisation du vote électronique.

Puisque le comptage électronique des voix a pour conséquence que l'établissement des résultats d'un scrutin n'est plus totalement compréhensible pour les votants, il faut poser des exigences plus élevées pour le contrôle de la plausibilité. Tel est l'objectif poursuivi par les recommandations de la CdG-N, avec dans leur ligne de mire un double effet: veiller à la garantie de la liberté de vote et garantir la confiance des votants dans les processus démocratiques de la Confédération. C'est la raison pour laquelle la CdG-N est d'avis que les concepts d'exploitation relatifs aux différentes procédures autorisées ainsi que leur existence effective doivent être contrôlés dans chaque cas. Dans ce contexte, il s'agit aussi de s'assurer que des échantillonnages statistiquement significatifs soient prévus, de les contrôler et, si nécessaire, de les imposer. Au vu de l'évolution fulgurante de la technique, les autorisations doivent être limitées dans le temps. Enfin, il faut réduire les sources d'erreur pour le comptage électronique des bulletins soi-disant blancs.

La CdG-N estime que ces recommandations ne peuvent être mise en oeuvre que par le biais d'une modification de la circulaire du Conseil fédéral dans le sens des propositions formulées et seulement si la Chancellerie fédérale est prête à assumer
un rôle globalement plus actif. Un rôle plus actif de la Chancellerie fédérale aura aussi pour effet d'harmoniser les prescriptions sur lesquelles les cantons peuvent s'aligner60.

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Voir notamment Krimmer/Fischer (2016), p. 31.

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La CdG-N prie le Conseil fédéral de prendre position au sujet des constatations et recommandations du présent rapport et de l'évaluation du CPA jusqu'au 8 décembre 2017 et de lui communiquer quelles mesures il entend mettre en oeuvre, et dans quels délais, pour concrétiser ses recommandations.

5 septembre 2017

Au nom de la Commission de gestion du Conseil national Le président, Alfred Heer La secrétaire, Beatrice Meli Andres Le président de la sous-commission DFJP/ChF, Luzi Stamm Le secrétaire de la sous-commission DFJP/ChF, Stefan Diezig

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Abréviations ChF LDP Cst.

consid.

DFJP CdG CdG-N CdG-N/E éd.

N.

Org ChF LParl CPA LOGA OLOGA RS OVotE ODP RDS

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Chancellerie fédérale Loi fédérale du 17 décembre 1976 sur les droits politiques (RS 161.1) Constitution (RS 101) considérant Département fédéral de justice et police Commission(s) de gestion Commission de gestion du Conseil national Commissions de gestion des Chambres fédérales Éditeur Note/titre marginal Ordonnance du 29 octobre 2008 sur l'organisation de la Chancellerie fédérale (RS 172.210.10) Loi du 13 décembre 2002 sur l'Assemblée fédérale (loi sur le Parlement; RS 171.10) Contrôle parlementaire de l'administration Loi fédérale du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (RS 172.010) Ordonnance du 25 novembre 1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (RS 172.010.1) Recueil systématique du droit fédéral Ordonnance du 13 décembre 2013 de la ChF sur le vote électronique (RS 161.116) Ordonnance du 24 mai 1978 sur les droits politiques (RS 161.11) Revue de droit suisse