18.035 Message relatif à l'initiative populaire «Davantage de logements abordables» et à un crédit-cadre destiné à alimenter le fonds de roulement en faveur de la construction de logements d'utilité publique du 21 mars 2018

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre l'initiative populaire «Davantage de logements abordables» au vote du peuple et des cantons, en leur recommandant de la rejeter. Dans le même temps, nous vous soumettons un projet d'arrêté fédéral en rapport étroit avec l'initiative fédérale (arrêté fédéral relatif un crédit-cadre destiné à alimenter le fonds de roulement en faveur de la construction de logements d'utilité publique) en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

21 mars 2018

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Alain Berset Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2017-3495

2253

Condensé L'initiative populaire «Davantage de logements abordables» a pour objectif d'étendre l'offre de logements à loyer modéré. À cette fin, l'aide de l'État en faveur des logements à loyer modéré doit être développée. Le Conseil fédéral recommande de rejeter l'initiative populaire. Il soumet un projet d'acte en rapport étroit avec cette dernière, à savoir le projet d'un arrêté fédéral relatif à un créditcadre d'un montant de 250 millions de francs destiné à alimenter le fonds de roulement en faveur des maîtres d'ouvrage s'occupant de la construction de logements d'utilité publique.

Contenu de l'initiative L'initiative populaire «Davantage de logements abordables» de l'Association suisse des locataires a été déposée le 18 octobre 2016 munie de 104 800 signatures valables. Elle demande d'adapter et de compléter l'article constitutionnel sur l'encouragement de la construction de logements et de l'accession à la propriété (art. 108 Cst.) dans le but d'étendre l'offre de logements à loyer modéré.

Avantages et inconvénients de l'initiative L'initiative populaire touche un point important en ce qui concerne l'offre de logements en Suisse. Pour les personnes à la recherche d'un logement, en particulier celles qui disposent d'un faible pouvoir d'achat, il est difficile de trouver un logement qui réponde à leurs besoins. La charge élevée que représente le logement pour les ménages à faible revenu et l'augmentation du trafic des pendulaires en sont des indices. L'ordre de grandeur exigé par l'initiative populaire, qui demande que 10 % des logements construits chaque année appartiennent aux maîtres d'ouvrage d'utilité publique représenterait une charge financière supplémentaire considérable pour la Confédération avant tout, mais aussi pour les cantons. En outre, la fixation d'un tel quota est en contradiction avec une approche libérale de la concurrence entre investisseurs et propriétaires de logements. Pour cette raison, l'initiative populaire n'est pas réaliste ni conforme au marché. Le même constat s'applique au droit demandé pour les cantons et les communes d'introduire un droit de préemption pour des terrains adéquats, ainsi qu'au droit de préemption exigé pour les cantons et communes lors de la vente de bien-fonds appartenant à la Confédération ou à des entreprises liées à cette dernière. Les
mesures demandées pour éviter la perte de logements à loyer modéré à la suite de programmes des pouvoirs publics visant à encourager les assainissements ne sont pas non plus conciliables avec une offre de logements respectant les principes de l'économie de marché.

Les logements d'utilité publique, dont l'encouragement fait aujourd'hui déjà l'objet d'un mandat constitutionnel, jouent un rôle important dans l'accès au logement des couches de la population les plus faibles du point de vue économique et de la classe moyenne, ainsi que dans le maintien de la mixité sociale. À titre de complément au marché, ce segment, qui représente un peu plus de 4 % de l'ensemble du parc immobilier, doit continuer à être soutenu sur la base des dispositions légales actuelles.

2254

Proposition du Conseil fédéral Conformément à la politique qu'il applique actuellement, le Conseil fédéral propose par le présent message à l'Assemblée fédérale de recommander au peuple et aux cantons le rejet de l'initiative populaire «Davantage de logements abordables».

Dans le même temps, il soumet, en s'appuyant sur les résultats de la consultation, un projet d'acte en rapport étroit avec l'initiative. Celui-ci porte sur un crédit-cadre d'un montant de 250 millions de francs visant à alimenter, vraisemblablement à partir de 2020, pendant 10 ans, le fonds de roulement destiné à des prêts en faveur des maîtres d'ouvrage s'occupant de la construction de logements d'utilité publique conformément à la loi sur le logement.

2255

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Table des matières Condensé

2254

1

Aspects formels et validité de l'initiative 1.1 Texte 2258 1.2 Aboutissement et délais de traitement 1.3 Validité

2258

Contexte 2.1 Développement du marché du logement 2.2 Encouragement actuel du logement et de l'accession à la propriété par la Confédération 2.2.1 Encouragement à la propriété du logement 2.2.2 Construction de logements sociaux 2.2.3 Encouragement de la construction de logements d'utilité publique 2262 2.3 Politique des cantons et des communes en matière de logement 2.4 Décisions du Conseil fédéral en matière de politique du logement

2259 2259

3

Buts et contenu de l'initiative 3.1 Buts visés 3.2 Contenu de l'initiative

2265 2265 2265

4

Appréciation de l'initiative 4.1 Appréciation des demandes de l'initiative 4.2 Conséquences en cas d'acceptation 4.3 Avantages et inconvénients 4.4 Compatibilité avec les obligations internationales

2265 2265 2266 2267 2268

5

Conclusions

2268

6

Arrêté fédéral relatif à un crédit-cadre destiné à alimenter le fonds de roulement en faveur de la construction de logements d'utilité publique 6.1 Contexte 6.1.1 Perspectives du marché du logement et de l'offre de logements 6.1.2 Législation sur la construction et sur l'aménagement du territoire 2270 6.1.3 Le rôle des maîtres d'ouvrage d'utilité publique sur le marché du logement 6.1.4 Importance du fonds de roulement destiné à la construction de logements d'utilité publique 6.2 Dispositif proposé 6.3 Appréciation de la solution retenue

2

2256

2259 2259

2260 2261 2262

2263 2263

2269 2269 2269

2271 2273 2274 2275

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6.4

6.5

6.6

Procédure de consultation 6.4.1 Déroulement et résultat de la procédure de consultation 6.4.2 Appréciation du résultat de la consultation 6.4.3 Adéquation des moyens requis 6.4.4 Mise en oeuvre Conséquences 6.5.1 Conséquences pour la Confédération 6.5.1.1 Conséquences financières 6.5.1.2 Conséquences sur l'état du personnel 6.5.2 Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne 6.5.3 Conséquences économiques 6.5.4 Conséquences sanitaires et sociales 6.5.5 Conséquences environnementales Aspects juridiques 6.6.1 Constitutionnalité 6.6.2 Compatibilité avec les obligations internationales 6.6.3 Forme de l'acte à adopter 6.6.4 Frein aux dépenses 6.6.5 Conformité à la loi sur les subventions

2277 2277 2278 2279 2280 2280 2280 2280 2281 2281 2281 2282 2282 2282 2282 2283 2283 2283 2283

Annexes 1 à 3

2286

Arrêté fédéral concernant l'initiative populaire «Davantage de logements abordables» (Projet)

2289

Arrêté fédéral relatif à un crédit-cadre destiné à alimenter le fonds de roulement en faveur de la construction de logements d'utilité publique (Projet)

2291

2257

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Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Texte

L'initiative populaire fédérale «Davantage de logements abordables» a la teneur suivante: La Constitution1 est modifiée comme suit: Art. 108, al. 1 et 5 à 8 La Confédération encourage, en collaboration avec les cantons, l'offre de logements à loyer modéré. Elle encourage l'acquisition d'appartements et de maisons familiales destinés à l'usage personnel de particuliers et les activités des maîtres d'ouvrage et des organisations oeuvrant à la construction de logements d'utilité publique.

1

Elle veille à ce que les programmes des pouvoirs publics visant à encourager les assainissements n'entraînent pas la perte de logements à loyer modéré.

5

Elle s'engage, en collaboration avec les cantons, en faveur d'une hausse continue de la part de logements qui appartiennent à des maîtres d'ouvrage oeuvrant à la construction de logements d'utilité publique par rapport à l'ensemble du parc immobilier d'habitation. Elle veille, en collaboration avec les cantons, à ce qu'à l'échelle de la Suisse 10 % au moins des logements nouvellement construits soient propriété de ces maîtres d'ouvrage.

6

Elle autorise les cantons et les communes à introduire, en vue d'encourager la construction de logements d'utilité publique, un droit de préemption en leur faveur sur des biens-fonds appropriés. Elle leur accorde en outre un droit de préemption sur les biens-fonds propriété de la Confédération ou d'entreprises qui lui sont liées.

7

La loi règle les mesures nécessaires pour atteindre les buts visés par le présent article.

8

Art. 197, ch. 122 12. Disposition transitoire ad art. 108, al. 1 et 5 à 8 (Encouragement de la construction de logements et de l'accession à la propriété) Si les lois d'application afférentes ne sont pas entrées en vigueur dans les deux ans à compter de l'acceptation de l'art. 108, al. 1 et 5 à 8, par le peuple et les cantons, le Conseil fédéral, à cette échéance, édicte provisoirement les dispositions d'application par voie d'ordonnance.

1 2

RS 101 Le numéro définitif de la présente disposition transitoire sera fixé par la Chancellerie fédérale après le scrutin.

2258

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1.2

Aboutissement et délais de traitement

L'initiative populaire fédérale «Davantage de logements abordables» a fait l'objet d'un examen préliminaire par la Chancellerie fédérale le 18 août 20153, et elle a été déposée le 18 octobre 2016 avec le nombre requis de signatures.

Par décision du 15 novembre 2016, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait recueilli 104 800 signatures valables et qu'elle avait donc abouti4.

L'initiative est présentée sous la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral a décidé de présenter en même temps que le message concernant l'initiative populaire un projet d'acte en rapport étroit avec celle-ci. Conformément à l'art. 97, al. 2, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)5, le Conseil fédéral avait jusqu'au 18 avril 2018 pour soumettre à l'Assemblée fédérale un projet d'acte accompagné d'un message. L'Assemblée fédérale a jusqu'au 18 avril 2019 pour se prononcer sur l'initiative populaire. Le Parlement peut prolonger ce délai d'une année si l'un des conseils a pris une décision sur un contre-projet ou un projet d'acte en rapport étroit avec l'initiative fédérale (art. 100 et 105, al. 1, LParl).

1.3

Validité

L'initiative remplit les critères de validité énumérés à l'art. 139, al. 3, de la Constitution (Cst.)6: ­

Elle obéit au principe de l'unité de la forme, puisqu'elle revêt la forme d'un projet entièrement rédigé.

­

Elle obéit au principe de l'unité de la matière, puisqu'il existe un rapport intrinsèque entre ses différentes parties.

­

Elle obéit au principe de la conformité aux règles impératives du droit international, puisqu'elle ne contrevient à aucune d'elles. Elle satisfait ainsi aux exigences de compatibilité avec le droit international.

2

Contexte

2.1

Développement du marché du logement

L'initiative s'inscrit dans un contexte d'évolution du marché du logement marqué, entre 2002 et 2015, par une demande excédentaire, qui a entraîné, en particulier dans les régions urbaines et les régions touristiques, un assèchement du marché et une forte augmentation des prix de l'offre des logements locatifs et des objets en propriété dans certaines zones. La conjoncture soutenue, mais aussi la croissance de la population ont alimenté la demande. L'introduction de la libre circulation intégrale 3 4 5 6

FF 2015 5785 FF 2016 8127 RS 171.10 RS 101

2259

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des personnes pour les ressortissants de l'UE-17 et des États membres de l'AELE au 1er juin 2007 a eu pour effet d'entraîner une croissance de la population résidante bien plus soutenue que les années précédentes. Le phénomène a été particulièrement marqué en 2008 et en 2013, avec, à chaque fois, une croissance annuelle de plus de 100 000 personnes. Rien que pour satisfaire la demande supplémentaire, il aurait fallu une augmentation de l'offre annuelle de plus de 50 000 logements. Or la mise sur le marché, entre 2007 et 2012, de seulement quelque 43 000 nouveaux logements par an a entraîné une baisse constante du taux de vacance entre 2006 (­1,06 %) et 2012 (­0,95 %). Ce n'est qu'à partir de 2013 (0,97 %), lorsque plus de 50 000 nouveaux logements furent construits, que ce taux est reparti à la hausse pour remonter à 1,30 % en moyenne nationale en 2016.

La pénurie entraîna entre 2005 et 2016 la hausse du prix des logements sur le marché, de quelque 30 % pour les logements locatifs, de près de 40 % pour les maisons individuelles, et d'environ 50 % pour les propriétés par étages7. Le mouvement a été prononcé dans certains points chauds, même s'il le fut nettement moins dans les régions périphériques. La forte baisse des taux d'intérêt hypothécaires pendant la période considérée, qui a entraîné une croissance notable de la demande pour des logements en propriété, a concouru à l'augmentation supérieure à la moyenne des prix dans le secteur de la propriété. Même si le taux d'intérêt de référence déterminant pour l'évolution des loyers a baissé de 3,50 % à 1,75 % entre 2008 et 2016, l'indice des loyers, fondé principalement sur les loyers existants, a continuellement augmenté de près de 1 % en moyenne par an pendant cette même période, ce qui donne à penser que de nombreux locataires n'ont pas réclamé de réduction de loyer.

Cependant, cette progression est aussi le résultat d'investissements dans le parc de logements, très souvent réalisés en vue de rénovations énergétiques ou créatrices de plus-value.

2.2

Encouragement actuel du logement et de l'accession à la propriété par la Confédération

L'objet de l'initiative est l'art. 108 Cst., en vertu duquel la Confédération encourage la construction de logements, l'acquisition d'appartements et de maisons familiales destinées à l'usage personnel de particuliers, ainsi que les activités des maîtres d'ouvrage et des organisations oeuvrant à la construction de logements d'utilité publique. Ce faisant, elle doit prendre notamment en considération les intérêts des familles et des personnes âgées, handicapées ou dans le besoin. Ces exigences d'encouragement revêtent toutes la même importance et ont été pleinement concrétisées entre 1975 et 2001 grâce aux mesures instituées au titre de la loi fédérale du 4 octobre 1974 encourageant la construction et l'accession à la propriété de logements (LCAP)8. Le domaine d'encouragement a été ensuite restreint avec l'entrée en vigueur de la loi du 21 mars 2003 sur le logement (LOG)9, par laquelle on a renoncé 7 8 9

Les indices des prix de l'offre établi par Wüest et Partner peuvent être consulté à l'adresse suivante: www.wuestpartner.com > Données > Indices.

RS 843 RS 842

2260

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à des mesures générales d'encouragement de la construction de logements telles que l'acquisition et l'équipement de terrains ou encore la rationalisation de la construction. De plus, les mesures de réduction des coûts du logement des ménages propriétaires ou locataires motivées par des considérations de politique sociale et de facilitation de l'accession à la propriété dans le cadre de la LOG ont été suspendues dans le cadre de la loi fédérale du 19 décembre 2003 sur le programme d'allégement budgétaire 200310. La mise en oeuvre actuelle de l'art. 108 Cst. est présentée ciaprès.

2.2.1

Encouragement à la propriété du logement

La Confédération remplit le mandat d'encouragement de l'accession à la propriété d'un logement à usage personnel au moyen de l'aménagement avantageux de l'imposition de la valeur locative et du traitement fiscal privilégié des versements anticipés des avoirs du 2e pilier et du pilier 3a. En ce qui concerne l'imposition de la valeur locative, l'effet d'encouragement est obtenu par le fait que les cantons fixent la valeur locative imputée à titre de revenu parfois nettement au-dessous des valeurs du marché locatif. Les possibilités de déductions fiscales d'investissements réalisés à des fins d'économie d'énergie et de protection de l'environnement ou encore d'entretien de monuments historiques ont elles aussi un caractère d'encouragement.

Le caractère d'encouragement des versements anticipés des avoirs du 2e pilier et du pilier 3a consiste dans la possibilité de retirer les fonds avant la survenance du cas de prévoyance (âge, décès ou invalidité) en vue de l'acquisition de son logement tout en bénéficiant de la déduction fiscale des cotisations de prévoyance. Le retrait anticipé des avoirs du 2e pilier et du pilier 3a en vue de l'acquisition de son logement est imposé aux conditions privilégiées de la prévoyance.

Le programme de la LCAP appliqué jusqu'à la fin de 2001 prévoyait également des mesures d'encouragement de la propriété d'un logement à usage personnel: les possibilités de cautionnement, de prêts remboursables (avances consenties au titre de l'abaissement de base) et de contributions à fonds perdu destinées à des particuliers (abaissements supplémentaires), moyennant le respect de certaines limites de revenu et de fortune ainsi que de prescriptions d'occupation, ont permis à des ménages économiquement faibles d'accéder à la propriété de leur logement à des conditions avantageuses. Quelque 37 000 propriétaires ont profité de ces possibilités de soutien.

Plus aucun encouragement n'est accordé depuis 2002. Les aides accordées jusqu'alors en vertu des contrats de droit public conclus dans le cadre de la LCAP ne sont encore versées que jusqu'à l'échéance des différents dossiers, qui courent en général sur une durée de 25 ans.

Pendant la période de la LCAP, la Confédération a constitué un fonds de roulement à hauteur de 30 millions de francs géré à titre fiduciaire par la Fondation suisse
pour la promotion de l'accession à la propriété du logement (FPPL). Depuis 1992, cette fondation implantée dans les zones rurales octroie des prêts remboursables et portant intérêt en vue de la rénovation ou de la construction de logements à usage personnel.

10

RO 2004 1633

2261

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Le principal groupe cible est constitué de propriétaires à revenus modestes travaillant dans l'agriculture.

La LOG prévoit également des arrière-cautionnements aux coopératives de cautionnement hypothécaire pour soutenir l'accès à la propriété de logements à prix modéré. Ce soutien a été suspendu en 2008.

2.2.2

Construction de logements sociaux

Jusqu'à la fin de 2001, l'octroi de nouvelles aides à la pierre en vertu de la LCAP pouvait être sollicité par tous les types d'investisseurs qui s'engageaient à respecter les conditions fixées. Avec les abaissements supplémentaires, l'encouragement dans le cadre de la LCAP comporte en outre un élément d'aide à la personne à motivation sociopolitique: des subsides sont versés à titre individuel à des ménages disposant de peu de moyens financiers en vue d'abaisser les coûts de leur logement, dans la mesure où les limites de revenu et de fortune ainsi que les prescriptions d'occupation fixées sont respectées et aussi longtemps qu'elles le sont.

Comme expliqué plus haut, la LOG prévoit elle aussi un volet d'encouragement à des fins sociales dans le domaine du logement locatif et du logement en propriété.

Le Parlement a suspendu l'octroi de prêts directs à taux préférentiel dans le cadre de la loi fédérale du 19 décembre 2003 sur le programme d'allégement budgétaire 200311. Le Conseil fédéral a décidé en 2007 de limiter à partir de 2009 les aides à la construction de logements aux mesures d'encouragement indirect en faveur des maîtres d'ouvrage d'utilité publique par des prêts du fonds de roulement et des prestations de garantie.

2.2.3

Encouragement de la construction de logements d'utilité publique

Conformément à la LOG, le mandat constitutionnel d'encouragement de l'activité des maîtres d'ouvrage et des organisations oeuvrant à la construction de logements d'utilité publique s'effectue de manière indirecte par le biais d'organisations présentes dans toute la Suisse:

11

­

La Confédération a alimenté jusqu'en 2017 un fonds de roulement géré à titre fiduciaire par les deux organisations faîtières des maîtres d'ouvrage d'utilité publique (Coopératives d'habitation Suisse et LOGEMENT SUISSE), qui met à la disposition des promoteurs du secteur public des prêts remboursables rapportant des intérêts.

­

Elle cautionne les emprunts de la Centrale d'émission pour la construction de logements (CCL), dont les membres peuvent lever des fonds à long terme à des taux d'intérêt avantageux.

RO 2004 1633, ici 1645

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­

Elle fournit des arrière-cautions à la Société coopérative de cautionnement hypothécaire pour coopératives suisses de construction et d'habitation (CCH), ce qui facilite le financement de la construction de logements à des taux d'intérêt préférentiels.

Le Parlement a libéré pour la dernière fois en 2015 un crédit-cadre de 1900 millions de francs destiné à des cautionnements en faveur de la CCL et à des arrières-cautionnements en faveur de la CCH pour la période comprise entre fin juin 2015 et 2021. Les trois crédits-cadre octroyés en faveur d'engagements conditionnels n'ont pour l'instant eu aucune conséquence financière pour la Confédération.

2.3

Politique des cantons et des communes en matière de logement

Une grande partie des cantons, qui sont aussi interpellés par l'initiative populaire, ont adopté dans les années 70 et 80 des lois qui complètent les mesures d'encouragement de la Confédération au titre de la LCAP. Ces programmes de soutien perdent en importance au fur et à mesure que les aides de la LCAP arrivent à échéance. Certains cantons, en particulier ceux de Zurich, de Zoug, de Bâle-Ville, de Genève et de Vaud, mettent en oeuvre leurs propres programmes, qui sont indépendants de la Confédération et reposent avant tout sur des aides au financement. Les cantons de Bâle-Ville et de Genève en particulier prévoient également des aides ciblées à la personne destinées aux agents économiques particulièrement faibles.

Cependant, la plupart des cantons ne déploient pas d'activités d'encouragement.

Plusieurs communes et villes ont, à l'instar de Zurich, de Saint-Gall, de Genève et de Lausanne, elles aussi instauré des mesures d'encouragement, entre autres sous forme de prêts, de cautionnements ou de contributions aux frais de loyer. Certaines d'entre elles pratiquent une politique foncière active et cèdent des terrains à bâtir en droit de superficie à des maîtres d'ouvrage d'utilité publique. Enfin, des mesures d'aménagement du territoire sont prises de manière ponctuelle en vue de promouvoir l'offre de logements à loyer ou à prix modérés, par exemple sous la forme de bonus d'utilisation du sol ou de directives en matière de plans d'affectation.

2.4

Décisions du Conseil fédéral en matière de politique du logement

Compte tenu de la situation alors tendue en maints endroits, le Conseil fédéral s'est penché, le 15 mai 2013, sur la situation du marché du logement en se fondant sur une note de discussion du Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR). Il a réaffirmé dans ce contexte que l'offre de logements en Suisse devra être assurée, à l'avenir également, d'abord par le secteur privé et selon les principes de l'économie de marché. Les pouvoirs publics sont chargés de définir les règles du marché, la Confédération étant responsable principalement du droit du

2263

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bail établi comme norme dans le code des obligations (CO)12. En outre, la Confédération doit, en complément au marché, continuer à combler les lacunes de l'offre dans le cadre de l'aide au logement et poursuivre à cette fin le partenariat existant avec les organisations oeuvrant à la construction de logements d'utilité publique. Le Conseil fédéral a par ailleurs examiné des mesures concrètes visant au maintien des logements à loyer modéré existants et à la mise à disposition de logements supplémentaires de ce type. Enfin, en collaboration avec la Conférence des chefs des départements cantonaux de l'économie publique (CDEP) et l'Union des villes suisses (UVS), il a lancé un dialogue en matière de politique du logement entre la Confédération, les cantons et les villes afin d'identifier les besoins éventuels de mesures supplémentaires et de coordonner les activités en matière de politique du logement entre les trois niveaux de l'État. Le rapport du 12 décembre 2016 intitulé «Dialogue en matière de politique du logement entre la Confédération, les cantons et les villes»13 présente la teneur et les résultats de ce dialogue.

Certaines des mesures examinées ont été réalisées par la suite: par exemple, l'obligation pour les propriétaires de reverser à leurs locataires les aides publiques favorisant les mesures énergétiques, la prolongation de 19 à 21 ans du droit aux contributions aux frais de logement en vertu de la LCAP (abaissements supplémentaires), ou encore l'extension du domaine d'application des prêts du fonds de roulement à l'acquisition de terrains dans le but de renforcer le secteur d'utilité publique. Par ailleurs, le Conseil fédéral a proposé une révision partielle du droit du bail dans le CO. Le message du 27 mai 2015 relatif à la modification du code des obligations (Protection contre les loyers abusifs)14 prévoyait entre autres que dans toute la Suisse le loyer précédent devrait désormais être systématiquement communiqué au moyen d'une formule lors d'un changement de locataire et que si le loyer était augmenté, la hausse devait être justifiée. Cependant, le Parlement n'est pas entré en matière.

Après examen, le Conseil fédéral a renoncé à d'autres mesures. Faisaient partie de ces dernières des interventions dans la formation des prix en matière de droit du bail, l'amélioration de l'accès
aux terrains de la Confédération et des entreprises qui lui sont liées en vue de la construction de logements à loyer modéré ou d'utilité publique, un droit de préemption accordé aux communes en faveur de la construction de logements à loyer modéré, ou encore l'adaptation du Programme Bâtiments de la Confédération et des cantons, qui vise à promouvoir les assainissements énergétiques, pour favoriser le maintien de logements bon marché.

12 13

14

RS 220 Le rapport est disponible à l'adresse suivante: www.ofl.admin.ch > Politique du logement > Politique du logement de la Confédération > Dialogue en matière de politique du logement > Documents.

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3

Buts et contenu de l'initiative

3.1

Buts visés

L'initiative a pour objectif d'étendre l'offre de logements à loyer modéré par le biais d'une aide accrue de l'État. Dans ce but, l'encouragement étatique de logements abordables doit être développé. En outre, des dispositions de protection doivent être introduites dans la Cst. afin de préserver les logements à loyer modéré. Par cette initiative, ses auteurs réagissent à l'évolution des marchés au cours de ces dernières années et aux décisions politiques prises au niveau fédéral dans ce contexte.

3.2

Contenu de l'initiative

L'initiative propose d'inscrire les mesures et instruments suivants dans l'art. 108 Cst.: ­

L'encouragement de l'offre de logements à loyer modéré doit prendre le relais de l'encouragement général de la construction de logements tel que conçu jusqu'à présent. Les mesures nécessaires devront être mises en oeuvre d'entente avec les cantons.

­

Des mesures appropriées doivent permettre d'éviter que des programmes des pouvoirs publics destinés à promouvoir des assainissements n'entraînent la perte de logements à loyer modéré.

­

La part des logements nouvellement construits appartenant à des maîtres d'ouvrage d'utilité publique doit s'élever à au moins 10 % à l'échelle de la Suisse.

­

Les cantons et les communes doivent être autorisés à introduire un droit de préemption en leur faveur sur des biens-fonds appropriés, en vue d'encourager la construction de logements d'utilité publique. En outre, la Confédération doit accorder aux cantons et aux communes un droit de préemption sur les biens-fonds qui sont sa propriété ou celle d'entreprises qui lui sont liées.

Les mesures nécessaires en vue de la réalisation des objectifs précités doivent être inscrites dans la loi.

4

Appréciation de l'initiative

4.1

Appréciation des demandes de l'initiative

L'initiative veut permettre à toutes les couches de la population de satisfaire d'une manière appropriée ce besoin élémentaire qu'est le logement. Cette demande fondamentale s'inscrit dans la ligne de l'objectif social de l'art. 41 Cst., selon lequel la Confédération et les cantons doivent s'engager en complément de l'initiative privée à ce que toute personne en quête d'un toit puisse trouver un logement approprié à des conditions supportables. Conformément à cet objectif social, l'initiative entend impliquer désormais aussi les cantons au titre de l'art. 108 Cst. Pour le Conseil 2265

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fédéral également, la politique du logement relève non seulement de la responsabilité de la Confédération, mais aussi de celle des cantons (et des communes). Ces deux niveaux de l'État connaissent les spécificités régionales et locales du marché du logement et disposent par ailleurs d'instruments pour encourager la construction de logements. Cependant, les cantons doivent rester libres de décider de l'ampleur et des moyens de leur engagement en matière d'habitat.

En vue de la mise en oeuvre de son exigence fondamentale, l'initiative entend prendre des mesures en vue de stopper la diminution du nombre de logements abordables due à des assainissements subventionnés d'immeubles par les pouvoirs publics et à augmenter de manière notable la part de logements en mains de maîtres d'ouvrage d'utilité publique. Selon les auteurs de l'initiative, la Confédération et les cantons ne prennent pas suffisamment à coeur la mise en oeuvre du mandat constitutionnel existant. En fixant une valeur cible et en proposant de nouveaux instruments, ils entendent obtenir grâce à la Cst. un engagement plus marqué des pouvoirs publics.

4.2

Conséquences en cas d'acceptation

Pour passer à au moins 10 %, la part de logements nouvellement construits appartenant à des maîtres d'ouvrage d'utilité publique devra plus que tripler par rapport au volume de construction actuel de ces derniers. Cet objectif nécessiterait l'engagement d'importants moyens financiers supplémentaires de la part de la Confédération et des cantons. Même si le volume de construction nécessaire pouvait être atteint grâce au fonds de roulement, ce qui paraît toutefois irréaliste, les prêts octroyés devraient pratiquement quintupler, ce qui nécessiterait des moyens supplémentaires de quelque 120 millions de francs par année. En outre, un programme aussi ambitieux entraînerait un surcroît de travail administratif à ces deux niveaux de l'État.

Compte tenu de la situation des finances publiques, le Conseil fédéral estime qu'une telle surcharge de l'État n'est pas défendable. Qui plus est, il est permis de douter de l'existence d'un nombre suffisant de promoteurs susceptibles d'atteindre ce taux. Le cas échéant, les pouvoirs publics devraient eux-mêmes prendre les choses en main pour que le taux exigé de 10 % puisse être atteint.

Les dispositions exigées par l'initiative en vue d'empêcher la perte de logements à loyer modéré à la suite de programmes des pouvoirs publics visant à encourager les assainissements demanderaient de nouvelles dispositions légales, par exemple en vue d'introduire des interdictions de résiliation, des limitations de loyer lors de la rénovation de bien-fonds subventionnés, ou une augmentation des subventions.

Un droit de préemption en faveur des cantons et des communes aurait pour conséquence que ces organismes publics obtiennent la possibilité, lors de transactions immobilières, d'acquérir le bien-fonds souhaité au prix convenu avec les acheteurs intéressés initialement. Dans certains cas, les cantons et les communes désireux d'investir pourraient acquérir des biens-fonds pour, par exemple, les céder ensuite en droit de superficie à des maîtres d'ouvrage d'utilité publique.

De tels droits de préemption auraient en fin de compte pour effet de restreindre les stratégies commerciales et immobilières de la Confédération et des entreprises qui lui sont liées.

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4.3

Avantages et inconvénients

Le Conseil fédéral est d'avis que la politique actuelle a fait ses preuves. Cette dernière fait confiance aux forces du marché et se montre réservée en matière d'encouragement. Des mesures supplémentaires ne sont pas nécessaires. En outre, il convient d'envisager de manière critique les instruments proposés par l'initiative.

L'exigence que 10 % des nouveaux logements construits appartiennent aux maîtres d'ouvrage d'utilité publique est en contradiction avec une approche libérale de la concurrence entre investisseurs et propriétaires de logements. Le droit de préemption postulée pour les cantons et les communes en faveur de la construction de logements d'utilité publique ne serait pas non plus sans incidence sur le marché, puisqu'elle privilégierait notamment les bénéficiaires de ce droit de préemption par rapport aux autres acteurs du marché. Qui plus est, les cantons disposent aujourd'hui déjà de la compétence d'introduire ce droit sur leur territoire et n'ont pas besoin pour cela d'une délégation de compétence de la Confédération. Sur la base du rapport «Droit de préemption des communes»15 établi par l'Office fédéral du logement (OFL), le Conseil fédéral a décidé, le 17 décembre 2014 déjà, de renoncer pour l'instant au droit de préemption des communes. Il a indiqué à cette occasion qu'il était prêt à revenir sur sa décision si la situation sur le marché du logement devait se tendre dans un avenir proche, un scénario qui ne s'est pas concrétisé. Le taux de logements vacants n'a cessé d'augmenter depuis la décision du Conseil fédéral.

Le droit de préemption exigé pour les cantons et les communes lors de la vente de biens-fonds appartenant à la Confédération ou à des entreprises liées à cette dernière n'est pas approprié et doit par conséquent être rejeté. Les terrains de la Confédération ne se prêtent pas tous à la construction de logements d'utilité publique. Lorsque la Confédération cherche à vendre des terrains ou des immeubles, elle les propose, dans l'ordre, au canton, à la commune, puis aux particuliers. Par conséquent, le canton et la commune ont déjà aujourd'hui la possibilité d'acquérir l'objet au prix du marché. Un droit de préemption illimité n'apporterait rien de plus. Les biens-fonds des CFF ne sont en général pas mis en vente. Les CFF sont tenus par le Conseil fédéral, du fait des
objectifs stratégiques fixés, de tirer des revenus de la gestion de leur domaine immobilier afin, entre autres, de maintenir leurs infrastructures.

Pour des raisons de préservation de la valeur et de durabilité, les assainissements énergétiques des bâtiments sont une bonne chose. Du point de vue des locataires, ils peuvent cependant impliquer la perte d'un logement bon marché. L'exigence de promouvoir des rénovations énergétiques tout en préservant les logements à loyer modéré existants paraît au premier coup d'oeil justifiée par le fait qu'avec le Programme Bâtiments, il existe une forme de subventionnement financée par les locataires par le biais de la taxe sur le CO2. Des propositions visant à prendre en considération cette exigence ont toutefois déjà été débattues au Parlement en lien avec la Stratégie énergétique 2050, et rejetées. Le Conseil national a rejeté le 3 décembre 2014 une proposition de ne soutenir des mesures dans le domaine du bâtiment que 15

Le rapport est disponible à l'adresse suivante: www.ofl.admin.ch > L'OFL > Médias > Communiqués de presse > Le Conseil fédéral entend poursuivre le dialogue en matière de politique du logement (communiqué de presse du 17 décembre 2014).

2267

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lorsque les cantons prennent des mesures pour éviter des hausses de loyer abusives de biens immobiliers à usage locatif et commercial16. Quant au Conseil des États, il a rejeté le 23 septembre 2015 une demande qui visait à restreindre l'encouragement des assainissements lorsque ces derniers entraînent la résiliation de baux17.

4.4

Compatibilité avec les obligations internationales

L'initiative n'entre pas en conflit avec les obligations internationales de la Suisse.

5

Conclusions

Depuis toujours, le marché du logement connaît une évolution cyclique. Dans les phases d'excédent de la demande, les investisseurs réagissent souvent avec un peu de retard pour étendre l'offre. Puis, lorsque le nombre de logements vacants augmente, les investissements reculent, ce qui conduit généralement à tendre à nouveau la situation sur le marché. Selon le Conseil fédéral, la politique du logement ne devrait pas être dictée par ces cycles. En général, les effets des mesures prises se manifestent au mauvais moment, un constat qui vaut pour les interventions demandées par l'initiative. La nouvelle phase du marché a montré que le principe d'un approvisionnement en logements fondé sur l'économie de marché fait ses preuves: sans modification de la réglementation, le côté de l'offre a réagi à une phase d'excédent de la demande en accroissant le volume de nouvelles constructions.

La population est en moyenne suffisamment bien logée, et cela à des conditions supportables. Grâce à des conditions-cadre favorables, de nombreux ménages ont eu depuis l'an 2000 la possibilité d'acquérir un logement ou une maison. Le taux de propriétaires est passé de 34,6 % en 2000 à 38,4 % en 2015. Les locataires qui occupent leur logement depuis un certain temps ont obtenu, pour certains, des réductions de loyer du fait de l'évolution à la baisse du taux hypothécaire de référence.

Les interventions sur le marché comme celles que réclame l'initiative sont superflues. Pour cette raison, et parce que la mise en oeuvre de mesures grèverait par trop le budget de la Confédération et des cantons, le Conseil fédéral recommande de rejeter l'initiative. Le Conseil fédéral est conscient qu'indépendamment de la situation du moment du marché du logement, il y a des groupes de populations qui, en raison de circonstances de vie personnelle, de leur situation financière ou de besoins particuliers en matière de logement, peinent à trouver un logement approprié sans les prestations d'aide et les mesures des pouvoirs publics. Pour cette raison, le Conseil fédéral prévoit de poursuivre, de manière complémentaire au marché et dans une optique de soutien structurel, son encouragement de la construction d'utilité publique. Ce soutien financier accordé par la Confédération pour une période de 10 ans au secteur d'utilité publique peut, et doit, continuer à être complété de manière ciblée par les cantons et les communes.

16 17

BO 2014 N 2112 BO 2015 E 991.

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6

Arrêté fédéral relatif à un crédit-cadre destiné à alimenter le fonds de roulement en faveur de la construction de logements d'utilité publique

6.1

Contexte

6.1.1

Perspectives du marché du logement et de l'offre de logements

Depuis 2013, le nombre annuel de nouveaux logements s'élève plus ou moins à 50 000. Compte tenu des autorisations de construire octroyées, cette valeur aura sans doute été dépassée en 2016 en 2017. Cependant, l'extension de l'offre nette est sans doute légèrement inférieure à ce chiffre étant donné le nombre toujours plus important de constructions de remplacement. La population a légèrement moins augmenté que les années précédentes en 2015 et en 2016, et la hausse devrait avoir encore légèrement ralenti en 2017. De ce fait, la demande n'a pas toujours suivi l'évolution de l'offre si l'on considère le pays dans son ensemble. Le 1er juin 2017, le taux de logements vacants avait progressé par rapport à l'année précédente (1,30 %) pour s'établir à 1,45 %. Près de 80 % des 64 000 logements inoccupés en Suisse au 1er juin 2017 étaient des logements locatifs. Les écarts régionaux se sont creusés.

Alors qu'à l'exception de Berne, le taux de vacance est resté en dessous de 1 % dans toutes les agglomérations des 5 plus grandes villes, l'offre est parfois nettement excédentaire à des emplacements moins centraux. L'étude actualisée traitant des effets de la libre circulation des personnes sur le marché du logement menée sur mandat de l'OFL a elle aussi abouti au constat de l'équilibre de l'offre et de la demande sur l'ensemble du pays, en 201618. Elle constate que la détente du marché du logement locatif se manifeste avant tout dans les segments de prix supérieurs et, dans certaines régions également, de prix moyens. Par contre, l'offre reste limitée dans le segment de prix inférieur19.

L'extension de l'offre a contribué à calmer l'évolution des prix. Pour la première fois depuis de nombreuses années, les prix proposés sur le marché pour les logements locatifs sont en baisse depuis 2016 en de maints endroits. Par contre, les prix des maisons individuelles et des logements en propriété ont continué à augmenter en 2017 à certains emplacements.

Les perspectives à moyen et à long terme du marché du logement sont conditionnées, du côté de la demande, par l'évolution de la conjoncture et de la demande de main-d'oeuvre (étrangère) qui en résulte, la croissance de la population et l'évolution des salaires. Du côté de l'offre, la logique économique veut que les investisseurs fassent preuve de davantage de retenue
dans les régions où l'offre est excédentaire.

La détente constatée a accru les possibilités de choix de la grande majorité des personnes à la recherche d'un logement, même si la situation reste difficile pour les groupes de population défavorisés évoqués plus haut. Il convient en outre de tenir 18

19

Les résultats sont disponibles à l'adresse suivante: www.ofl.admin.ch > Marché du logement > Offre de logements fondés sur l'économie de marché > Libre circulation des personnes et marché du logement.

Voir la carte présentée à l'annexe 1.

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compte du vieillissement démographique et de la sous-utilisation des maisons individuelles qu'elle entraîne. De nombreux propriétaires seraient prêts à déménager si un appartement en location plus petit ne revenait pas plus cher que leur maison individuelle devenue trop grande. Enfin, il convient de garder à l'esprit qu'une étude réalisée en 2015 dans le cadre du Programme national de prévention et de lutte contre la pauvreté montre que 84 % des ménages touchés par la pauvreté, soit 10 % des ménages, n'ont pas de logement adapté. Pour quatre de ces ménages sur cinq, le coût du logement représente plus de 30 % du revenu brut, ce qui entraîne des restrictions dans d'autres domaines de la vie quotidienne. La situation est jugée particulièrement critique dans les villes20.

6.1.2

Législation sur la construction et sur l'aménagement du territoire

Dans les discussions sur la construction de logements à loyer ou à prix modérés, le problème des obstacles causés par les dispositions relatives à la planification et à la construction revient constamment. La hausse des prix survenue au cours des 10 dernières années était due au fait que, pendant longtemps, l'offre de logements n'a pas suivi la demande. La réaction tardive du secteur de la construction a tenu non seulement aux délais de planification et de construction, mais aussi au manque de terrains à bâtir dans les lieux où la demande est forte, à la nécessité de reclasser les friches industrielles et artisanales, et à l'absence en maints endroits d'un cadre législatif en matière de planification et de construction qui permettrait de s'engager dans la densification du milieu bâti. Lorsque ce cadre existe, les projets sont souvent retardés, renchéris, voire condamnés par les oppositions et la longueur des procédures de décision et de recours. En outre, les longs délais de délivrance des autorisations de construire peuvent occasionner des retards et des coûts supplémentaires. Tout cela a conduit à ce que l'offre a pu être étendue avant tout dans des emplacements où le terrain à bâtir était disponible à des prix relativement avantageux, là même où de nombreux logements restent inoccupés en raison de la faiblesse de la demande. Le défi consistera à aménager les conditions de densification du milieu bâti dans les endroits très demandés de telle manière que l'offre ne se développe pas uniquement dans le segment de prix supérieur.

Outre les procédures de planification, les coûts élevés de construction jouent un rôle dans la hausse des prix des logements et des loyers. Ces coûts élevés sont la conséquence du renchérissement des prix de la construction, mais aussi des exigences de confort et de place, et des dispositions légales, entre autres en ce qui concerne l'isolation thermique, l'isolation phonique et la protection contre le feu. Enfin, des dispositions de protection du patrimoine entrent aussi souvent en considération, en parti-

20

Office fédéral des assurances sociales / Office fédéral du logement (éditeurs) (2015): La situation en matière de logement en Suisse: Analyse des conditions de logement des ménages touchés par la pauvreté ou vivant dans la précarité, Programme national de prévention et de lutte contre la pauvreté, rapport de recherche no 15/15. Le rapport est disponible à l'adresse suivante: www.ofl.admin.ch > Marché du logement > Études et publications «marché du logement» > La situation en matière de logement en Suisse.

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culier quand les projets visent à agrandir ou à transformer des bâtiments en vue de densifier le milieu bâti.

Des prescriptions de droit de l'aménagement du territoire et de la construction qui n'entravent pas la construction de logements, mais l'encouragent et la simplifient sont un préalable important à la réalisation d'offres à loyer modéré. Toutefois, ce n'est pas de la Confédération que relève la législation dans ces domaines. Depuis un certain temps, des efforts d'harmonisation ont été entrepris au niveau cantonal.

Un accord intercantonal auquel ont adhéré 16 cantons jusqu'à présent a pour but d'harmoniser la terminologie dans le domaine de la construction. En outre, l'Office fédéral du développement territorial (ARE) a présenté une structure-modèle de loi cantonale sur les constructions21. La recommandation doit contribuer à harmoniser les lois sur les constructions, qui sont structurées différemment selon les cantons, et améliorer l'efficience des processus de construction. Ces efforts devraient améliorer les conditions favorisant la construction de logements à loyer modéré. La numérisation va aussi s'imposer dans les processus de construction et de planification. Le «Building Information Modeling» (BIM), une méthode de travail basée sur un logiciel permettant d'optimiser la planification, la construction et l'exploitation des bâtiments, devrait permettre de rendre les processus plus efficients, ce qui pourrait se traduire par des offres plus avantageuses. Encore faut-il des investisseurs qui ne se fondent pas uniquement sur les prix pouvant être obtenus sur le marché et qui développent de manière ciblée des projets destinés aux personnes à faible capacité financière en quête d'un logement, aux personnes âgées et à d'autres personnes ayant des besoins spécifiques.

6.1.3

Le rôle des maîtres d'ouvrage d'utilité publique sur le marché du logement

Le taux de propriétaires en Suisse étant comparativement bas, la construction de logements d'utilité publique revêt une importance particulière en tant qu'alternative à la propriété du logement et aux conditions «normales» de location du logement.

Lorsque les locataires sont sociétaires, comme c'est le cas dans les coopératives d'habitation, ils disposent d'un droit de regard sur les activités de l'organisation et bénéficient d'une plus grande sécurité du logement par rapport aux conditions normales de location. Cette «troisième voie» en matière de construction de logements concilie ainsi les avantages du logement en propriété et ceux de la location en condition normale (p. ex. mobilité accrue).

Au niveau national, la construction de logements d'utilité publique reste un phénomène marginal. Seulement un peu plus de 4 % des logements occupés appartiennent à des promoteurs d'utilité publique. Ce segment est plus présent dans des villes comme Zurich, Bâle, Lucerne, Bienne ou Thoune, où il représente plus de 10 % du

21

La structure-modèle peut être consultée à l'adresse suivante: www.are.admin.ch > Médias et publications > Publications > Droit de l'aménagement du territoire > Structure ­ modèle de loi cantonale sur les constructions.

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marché. Une étude publiée en novembre 2017 par l'OFL22 confirme que le logement d'utilité publique se distingue par bien des aspects de la location traditionnelle et de la propriété. Il se démarque notamment par la structure (la taille) des bâtiments et des logements, les loyers, la composition sociodémographique des occupants, mais aussi par une consommation de terrain et de surface habitable plus réduite. Par ailleurs, son effet atténuateur sur les prix est le plus marqué aux endroits où le niveau des loyers est le plus élevé: pour le quart des emplacements les plus chers, les loyers coopératifs sont plus de 25 % inférieurs aux loyers des logements locatifs conventionnels. Le principe du loyer basé sur les coûts appliqué par les maîtres d'ouvrage d'utilité publique est particulièrement efficace dans les lieux qui permettent aux promoteurs à vocation commerciale d'exiger des loyers plus élevés. Il s'ensuit que les logements d'utilité publique proposent, dans les centres urbains et chers, des logements abordables pour des personnes économiquement moins bien loties. L'étude permet de conclure que les personnes disposant de ressources financières modestes sont surreprésentées dans les logements à loyer modéré du secteur d'utilité publique. Elle constate que les logements d'utilité publique contribuent à atténuer les effets de la gentrification et à lutter contre les phénomènes de ségrégation sociale et d'éviction dans les lieux où la pression sur les prix est élevée.

Les maîtres d'ouvrage d'utilité publique mettent davantage l'accent non seulement sur la qualité de l'habitat à un prix abordable, mais aussi très fréquemment sur les infrastructures communautaires, le développement durable et l'efficacité énergétique, ainsi que sur les logements pour les familles. Plus de la moitié des constructions ayant bénéficié d'une aide depuis 2003 satisfont au moins à la norme Minergie, alors que cette part est d'environ un quart pour les autres logements construits. Qui plus est, plusieurs maîtres d'ouvrage d'utilité publique sont devenus des pionniers en matière d'expérimentation de nouvelles formes d'habitat et de concepts de mobilité, ainsi que d'intégration de personnes handicapées ou issues de l'asile.

Les avantages de la construction de logements d'utilité publique sont désormais reconnus au-delà de son
champ d'action urbain traditionnel. Sur le plan local, l'évolution du marché du logement est fréquemment observée avec inquiétude, en particulier dans les communes bien situées et susceptibles d'accueillir des pendulaires occupant des emplois bien rémunérés dans le secteur des services, ainsi que dans les communes touristiques. L'arrivée de ménages à hauts revenus et fortunés a tiré vers le haut les prix du sol, des maisons et des appartements, que les membres de la classe moyenne et avant tout les jeunes adultes, qui sont nécessaires au bon fonctionnement des communes, ne sont plus en mesure de payer. Le nombre d'initiatives prises par la population ou les autorités afin de combler, en collaboration avec des organismes de construction de logements d'utilité publique, les lacunes du marché s'est multiplié en conséquence. Ce type d'initiative est également fréquent lorsqu'il s'agit de proposer des logements pour personnes âgées. L'organisation faîtière LOGEMENT SUISSE se concentre sur cette problématique, elle qui dispose d'un concept de logements en propriété dans le segment d'utilité publique destiné en 22

Sotomo (2017): Le point sur le logement d'utilité publique. Une comparaison avec le locatif et la propriété. Office fédéral du logement, Granges. L'étude est disponible à l'adresse suivante: www.ofl.admin.ch > Marché du logement > Études et publications «marchées du logement».

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particulier aux propriétaires âgés de maisons individuelles, dont la propriété est devenue trop grande et qui cherchent une alternative avantageuse permettant de rester propriétaire.

Les aspects économiques, sociaux, politiques et écologiques évoqués ci-dessus justifient le soutien apporté par la Confédération à la construction de logements d'utilité publique aux côtés des cantons et des communes. Celle-ci contribue ainsi ne serait-ce qu'au maintien, ces prochaines années, de la modeste part occupée par ce secteur sur le marché. Toutefois, l'enjeu ne se résume pas à l'élargissement de l'offre. Pour des questions de politique énergétique et dans l'optique de la densification des zones bâties, le soutien des assainissements énergétiques, des rénovations de bâtiments anciens et des démolitions-reconstructions revêt une importance considérable.

6.1.4

Importance du fonds de roulement destiné à la construction de logements d'utilité publique

Le fonds de roulement alimenté par la Confédération existe depuis des décennies. Il ne sert pas à baisser de manière ciblée le loyer de certains logements, mais à renforcer les promoteurs et organisations oeuvrant à la construction de logements d'utilité publique. Ce fonds est par conséquent administré à titre fiduciaire, pour la Confédération, par les deux organisations faîtières des maîtres d'ouvrage d'utilité publique.

Des mandats de prestations règlent la collaboration de la Confédération avec les organisations faîtières ainsi que l'indemnisation des frais. L'OFL est responsable de la fixation des conditions de prêt. En outre, il est représenté dans les deux commissions responsables du fonds de roulement, qui examinent les requêtes et décident de l'octroi des prêts. Chaque année, les deux organisations faîtières établissent les comptes du fonds.

Les maîtres d'ouvrage dont le caractère d'utilité publique a été confirmé par la Confédération peuvent déposer des requêtes de prêts pour la construction, la rénovation complète, la démolition-reconstruction et l'achat d'immeubles. Depuis 2014, ils peuvent solliciter un prêt également pour l'acquisition de terrains, une possibilité dont il n'a été fait usage qu'à trois reprises à la fin de 2016. En outre, il est possible d'encourager de nouvelles formes de logements et de propriété. Le montant du prêt par demande est fonction du nombre de logements. Selon les besoins, les normes énergétiques et les conditions de location (p. ex. prescriptions d'occupation), des montants forfaitaires de 15 000 à 50 000 francs par logement sont accordés. Le montant de prêt maximum est fixé à 3 millions de francs par requête. Afin d'éviter l'agrégation des risques, un maître d'ouvrage ne peut normalement solliciter des prêts avec les moyens du fonds que jusqu'à concurrence de 10 millions de francs.

Il est vérifié, dans le cadre de l'examen de la requête, que le projet présenté satisfait aux critères définis de qualité (p. ex. absence d'obstacles) et de prix (limites de coûts). En outre, ne sont soutenus que des projets dont le besoin est établi. Les nouvelles constructions dans les communes présentant un taux de vacance de plus de 1,5 % ne peuvent généralement bénéficier d'une aide que si la commune participe de manière substantielle au projet, par exemple par l'octroi d'un droit de superficie.

2273

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Sont en outre pris en considération la situation financière du maître d'ouvrage et le financement du projet, qui requiert l'engagement ferme d'une banque. Le versement du prêt intervient au plus tôt au début des travaux ou à la date d'acquisition; il doit préalablement être garanti par gage immobilier.

Pendant la durée du prêt, qui s'élève au maximum à 20 ans pour des montants jusqu'à 30 000 francs par logement et à 25 ans au maximum pour des montants plus élevés, les prêts sont gérés par l'organisation faîtière responsable. Les amortissements annuels versés par les promoteurs retournent au fonds de roulement et permettent de financer de nouveaux projets. Actuellement, le taux d'intérêt d'un prêt s'élève à 1 %. Les organisations faîtières reversent le revenu des intérêts à la Caisse fédérale par l'entremise de l'OFL.

La situation financière des maîtres d'ouvrage d'utilité publique qui ont sollicité des fonds d'encouragement est examinée chaque année par un service externe indépendant, qui attribue une note (rating) entre 1 et 4. Si cette notation de crédit est mauvaise, le service de recouvrement de l'OFL prendra des mesures d'assainissement financier en collaboration avec le maître d'ouvrage et les banques qui le financent.

L'examen approfondi des requêtes ainsi que le suivi étroit des maîtres d'ouvrage servent à minimiser les risques de défaut de paiement. Sous le régime de la LOG, c'est-à-dire depuis 2003, le fonds de roulement n'a encore enregistré aucune perte.

En général, les prêts du fonds de roulement représentent pour le maître d'ouvrage d'utilité publique, en particulier s'il est jeune et ne dispose, comme c'est généralement le cas, que d'un capital propre restreint, une condition indispensable à l'obtention du financement bancaire, et donc à la réalisation de son projet de construction ou d'acquisition. Les prêts comblent ainsi les lacunes de financement initial entre un financement bancaire normal et la part minimale de capital propre de 5 % exigée pour bénéficier de l'aide du fonds de roulement. Les fonds propres se constituent au cours du temps par le biais de l'amortissement du prêt. Les prêts ont donc très souvent la fonction d'une aide de départ. Les quotes-parts d'emprunt de la CCL, qui sont aussi cautionnées par la Confédération en vertu de la LOG, ne peuvent pas assumer ce
rôle. Pour des questions de risques, la CCL finance en effet exclusivement des immeubles existants et déjà loués. À l'instar d'une banque, sa part de financement est plafonnée à 80 % de la valeur de rendement, et elle exige qu'au moins 70 % de cette valeur soit amortie pendant la durée de l'emprunt.

6.2

Dispositif proposé

Le Conseil fédéral propose un crédit-cadre de 250 millions de francs pour l'encouragement de l'offre de logements à loyer ou à prix modérés qui permettra d'alimenter pendant 10 ans le fonds de roulement existant en faveur de la construction de logements d'utilité publique.

L'arrêté fédéral correspondant entrera en vigueur dès que l'initiative populaire «Davantage de logements abordables» sera retirée ou refusée.

2274

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6.3

Appréciation de la solution retenue

Par ce projet d'acte relatif à un crédit-cadre destiné à alimenter le fonds de roulement, le Conseil fédéral confirme qu'il satisfait au mandat constitutionnel et qu'il entend poursuivre le soutien actuel apporté à la construction de logements d'utilité publique. Par ce moyen, les lacunes résultant de la diminution marquée des aides fédérales octroyées aux termes de la LCAP peuvent être partiellement comblées. Les ménages en situation de bénéficier d'abaissements supplémentaires en raison de la situation de leurs revenus et de leur fortune, et en particulier ceux qui ont besoin d'un soutien accru en raison d'une situation d'invalidité, des soins dont ils ont besoin ou de leur âge, sont tributaires d'offres de logement alternatives dans le segment de prix inférieur. L'alimentation du fonds de roulement permet de faire face aux problèmes qui se posent pour certains segments de la demande sans remettre en question la politique d'encouragement en vigueur, qui a fait ses preuves.

Le fait que l'encouragement de l'activité des maîtres d'ouvrage et des organisations oeuvrant à la construction de logements d'utilité publique est un mandat constitutionnel qui se situe au même niveau que l'encouragement à l'accession à la propriété plaide en faveur d'un arrêté fédéral allouant un crédit-cadre en vue de l'alimentation du fonds de roulement. Par la solution proposée, le Conseil fédéral souligne l'importance qu'il accorde non seulement à l'encouragement à l'accession à la propriété, mais aussi au soutien de ce qui représente une «troisième voie» dans la construction de logements, et sa disposition à poursuivre de manière durable son engagement en faveur du secteur d'utilité publique.

Le Conseil fédéral a examiné plusieurs variantes, parmi lesquelles le rejet pur et simple de l'initiative, mais aussi son rejet assorti d'un projet d'acte visant à activer les prêts directs prévus dans la LOG et concernant un crédit-cadre en vue de la mise en oeuvre, ou encore le rejet de l'initiative associé à la présentation d'un contreprojet direct (au niveau de la Cst.) visant à amener à 10 % la part des maîtres d'ouvrage d'utilité publique sur le marché.

La nécessité d'améliorer de manière ciblée la situation dans certaines régions et pour certains segments de la demande malgré le bon fonctionnement global du marché du
logement, de même que l'obligation formulée dans la Cst. d'un engagement identique de la Confédération en faveur des intérêts des propriétaires et de ceux des locataires parlent contre le rejet pur et simple de l'initiative, d'autant plus que la Suisse compte une forte proportion de locataires en comparaison internationale. Le rejet de l'initiative lié à la présentation d'un projet d'acte visant à activer les prêts directs en vertu de la LOG et concernant un projet-cadre pour la mise en oeuvre entraînerait un engagement financier de la part de la Confédération qui ne serait pas défendable et nécessiterait un surcroît de travail administratif. En raison des perspectives des finances fédérales, cette variante ne doit pas non plus être retenue. Le rejet de l'initiative avec la présentation d'un contre-projet direct en vue d'amener à 10 % la part des maîtres d'ouvrage d'utilité publique sur le marché nécessiterait également des moyens financiers considérables et un important travail de concrétisation. Par conséquent, cette option doit elle aussi être écartée.

Lors de l'entrée en vigueur de la LOG, le fonds de roulement disposait de réserves.

Depuis lors, il a bénéficié du transfert en plusieurs tranches du crédit-cadre mis à 2275

FF 2018

disposition en 2003. Les moyens ainsi dégagés ont permis de soutenir depuis 2003 en moyenne tout juste 1500 logements par an. La demande de prêts a été très forte dans les années 2014 à 2016 puisqu'entre 1800 et 2000 logements ont été soutenus chaque année. Elle a pu être satisfaite avec les moyens du fonds encore disponibles.

Même si la demande de prêts a reculé en 2017 par rapport à l'année précédente, elle restera forte ces prochaines années compte tenu des projets planifiés en de nombreux endroits. Toutefois, étant donné que le capital du fonds est aujourd'hui d'environ 510 millions de francs, les amortissements qui y sont reversés ne permettront de financer qu'environ 800 logements par an à long terme. À l'aune du volume d'encouragement moyen consenti jusqu'à présent, le déficit de financement sera de 20 à 25 millions de francs par an ces prochaines années.

Aperçu des conséquences du projet du Conseil fédéral comparées avec l'encouragement actuel sans apports supplémentaires de la Confédération au fonds de roulement Moyens du fonds Nombre de disponibles par an, logements en millions de CHF1 encouragés par an

Depuis l'introduction de la LOG en 2004

45,8

1480

Dès 2018 (sans apports supplémentaires de la Confé- 25,5 dération)

800

En 2020, conformément au projet du Conseil fédéral

50,5

1600

En 2029, conformément au projet du Conseil fédéral

60,5

1900

En 2030, conformément au projet du Conseil fédéral

38,0

1200

1

Montant maximal disponible en moyenne par an compte tenu des remboursements de prêts octroyés. Les calculs ont été fondés sur les hypothèses suivantes: ­ Moyens d'encouragement fin 2017: 510 millions de CHF ­ Apports de la Confédération 2020­2029: 25 millions de CHF par an ­ Durée moyenne des prêts: 20 ans ­ Prêt moyen par logement: env. 32 000 CHF

Pour cette raison, et du fait de sa limitation à 10 ans, il est proposé de mettre à disposition un crédit-cadre de 250 millions de francs. Les apports prévus permettront de satisfaire le besoin de financement nécessaire pour l'encouragement de quelque 1600 logements à loyer modéré par an dès 2020. En 2029, la hausse constante des remboursements de prêts du fonds de roulement permettra d'encourager jusqu'à 1900 logements. À l'instar de celui de 2003, le crédit-cadre sera alloué au fonds sous la forme de tranches budgétisées chaque année en fonction des besoins concrets et de la situation des finances fédérales. 21 millions par an ont été prévus pour les années 2020 et 2021 au budget 2018 assorti d'un Plan intégré des tâches et des finances (PITF) 2019­202123.

23

Le budget 2018 assorti d'un Plan intégré des tâches et des finances (PITF) 2019­2021 peut être consultés à l'adresse suivante: www.efv.admin.ch > Rapports financiers > Rapports financiers > Budget assorti d'un plan intégré des tâches et des finances.

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L'estimation du renchérissement qui a servi à définir le volume du crédit-cadre a été établie compte tenu de la motion 16.3705 Dittli «Compenser le renchérissement uniquement quand il survient» acceptée par les Chambres fédérales figure à l'art. 2 du projet d'arrêté fédéral. Elle est basée sur le niveau de 100,8 points en décembre 2017 de l'indice des prix à la consommation correspondant à la base de «décembre 2015 = 100 points». Les crédits budgétaires annuels seront adaptés à chaque fois en fonction de l'estimation du renchérissement. Aujourd'hui, il convient de partir l'idée que les dépenses correspondantes pourront être intégrées au plus tôt dans le budget 2020. En effet, conformément à l'art. 3, al. 2, du projet d'arrêté fédéral, ce dernier entrera en vigueur dès que l'initiative populaire «Davantage de logements abordables» sera retirée ou aura été rejetée par le peuple. En faisant dépendre l'entrée en vigueur de l'arrêté fédéral du sort de l'initiative populaire, le législateur restera libre de choisir le moyen de la mise en oeuvre au cas où l'initiative serait acceptée.

6.4

Procédure de consultation

6.4.1

Déroulement et résultat de la procédure de consultation

L'avant-projet d'arrêté fédéral relatif à un crédit-cadre destiné à alimenter le fonds de roulement en faveur de la construction de logements d'utilité publique a été mis en consultation entre le 5 avril et le 12 juillet 201724.

61 prises de position ont été enregistrées, dont 58 se prononçaient sur le fond (les cantons d'Appenzell Rhodes-Extérieures et de Thurgovie, de même que la Stiftung Konsumentenschutz ayant renoncé à le faire).

Les opinions divergent sur la proposition d'augmenter le fonds de roulement en faveur de la construction de logements d'utilité publique. Elle a recueilli en tout 47 avis positifs et 11 négatifs. Le projet d'arrêté fédéral est approuvé par 24 cantons, 4 partis politiques (Parti bourgeois-démocratique PBD, Parti démocrate-chrétien PDC, Parti écologiste suisse Les Verts et Parti socialiste suisse PSS), les 3 associations faîtières des communes, des villes et des régions de montagne (Association des communes suisses ACS, Union des villes suisses UVS et Groupement Suisse pour les régions de montagne), 2 associations faîtières de l'économie (Union syndicale suisse USS et Travail Suisse), 10 organisations diverses (Caritas, HabitatDurable Suisse, procap, Conférence suisse des institutions d'action sociale CSIAS, Société suisse des entrepreneurs SSE, Association suisse des locataires ASLOCA, Werkbund Suisse SWB, Coopératives d'habitation Suisse, LOGEMENT SUISSE et Fondation pour la protection des consommateurs) et 4 communes (Zurich, Baden, Laufen, Oberwil BL). S'y opposent 2 partis politiques (PLR ­ Les libéraux-radicaux, Union démocratique du centre UDC), 2 organisations faîtières de l'économie (economiesuisse et Union suisse des arts et métiers USAM), ainsi que 7 organisations intéressées (Chambre genevoise immobilière, Centre patronal, Fédération romande immo24

Le dossier mis en consultation et le rapport sur les résultats de la consultation peuvent être consultés à l'adresse suivante: www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2017 > DEFR.

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bilière FRI, Association suisse des propriétaires fonciers HEV Suisse, Association suisse de l'économie immobilière SVIT, Union suisse des professionnels de l'immobilier USPI et Association Immobilier Suisse AIS).

Certaines prises de position en défaveur du projet demandent de supprimer l'aide au logement au niveau fédéral et de dissoudre le fonds de roulement plutôt que de continuer à l'alimenter. Par ailleurs, un changement de paradigme est proposé, avec le passage de l'aide à la pierre à l'aide à la personne. Enfin, un avis opposé est motivé par l'absence d'études fiables permettant de se forger une opinion.

Pour plus d'un tiers des avis favorables, l'augmentation proposée de la dotation du crédit-cadre n'est pas suffisante: 2 participants à la consultation proposent de la porter à plus de 250 millions de francs; 1 participant évoque le montant de 350 millions, 12 autres celui de 375 millions, et 1 dernier celui de 380 millions de francs.

Certains avis lient l'approbation du relèvement du fonds de roulement à un soutien accru aux cantons et aux communes des zones rurales et des régions de montagne.

D'autres proposent que les logements bénéficiant d'une aide doivent être occupés pour une part définie par des personnes ne disposant que de faibles moyens financiers ou souffrant d'un handicap.

Un quart des opinions exprimées réclament explicitement l'augmentation du fonds de roulement indépendamment du résultat de la votation sur l'initiative populaire «Davantage de logements abordables». Par ailleurs, il a été suggéré à plusieurs reprises de supprimer la mention de prêts sans intérêts à l'art. 1, al. 3, de l'avantprojet d'arrêté fédéral, étant donné qu'un intérêt est dû pour tous les prêts octroyés par le biais du fonds de roulement.

Une nette majorité des participants est favorable à la proposition du Conseil fédéral de rejeter l'initiative populaire «Davantage de logements abordables». Une minorité s'exprime en faveur de l'initiative, tandis que dans une petite partie des réponses, il est sciemment renoncé à prendre position à ce sujet. Plusieurs participants proposent de reprendre certains éléments de l'initiative populaire, comme un droit de préemption des cantons et des communes en faveur de la construction de logements d'utilité publique, un droit de préemption lors de la vente de
biens-fonds qui appartiennent à la Confédération ou à des entreprises qui sont liées à cette dernière, la modification de prescriptions de rendement pour la vente de telles parcelles, ou encore le versement de prêts directs tels que prévus à l'art. 12 LOG.

6.4.2

Appréciation du résultat de la consultation

Avec 47 prises de position favorables sur 58 avis exprimés sur le fond, une très nette majorité des participants à la consultation soutient l'arrêté fédéral proposé. L'approbation des cantons et des associations faîtières des communes, des villes et des régions de montagne est unanime. Le projet d'arrêté fédéral recueille également une nette majorité d'avis favorables de la part des partis et des organisations intéressées.

Les avis ne sont partagés qu'en ce qui concerne les associations faîtières de l'économie, puisque 2 sont en faveur du projet, et 2 contre. Le résultat de la consultation plaide donc en faveur d'un arrêté fédéral relatif à un crédit-cadre destiné à alimenter 2278

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le fonds de roulement faveur de la construction de logements d'utilité publique d'un montant de 250 millions de francs limité à 10 ans.

Quant au contenu du projet d'arrêté fédéral, il convient de relever en particulier 2 demandes de modification: 16 prises de position ont exigé de relever la dotation du crédit-cadre, le consensus s'établissant en faveur d'un montant de 375 millions de francs. Par ailleurs, 15 participants ont réclamé explicitement l'augmentation du fonds de roulement indépendamment de l'initiative populaire «Davantage de logements abordables». Matériellement, ces opinions ne sont pas justifiées: le fait que le fonds de roulement ne constitue qu'un complément au financement de la construction de logements, une activité qui ressortit à l'économie privée, parle en défaveur d'une augmentation plus importante de ce fonds. Par ailleurs, ces propositions ne tiennent guère en considération des perspectives des finances fédérales. Enfin, si le projet d'arrêté fédéral n'était pas lié à l'initiative «Davantage de logements abordables», une voie d'encouragement dont l'importance serait incertaine en cas d'acceptation de l'initiative risquerait d'être renforcée. Dans ce cas de figure, le législateur aurait en effet pour tâche de déterminer les mesures appropriées pour donner suite au nouveau mandat constitutionnel, ce qui pourrait entraîner l'introduction d'autres instruments de mise en oeuvre.

Enfin, la suggestion de supprimer la mention de prêts sans intérêts à l'art. 1, al. 3, de l'arrêté fédéral est considérée comme judicieuse, raison pour laquelle elle a été retenue.

6.4.3

Adéquation des moyens requis

La tâche se fonde sur le mandat général fait à la Confédération à l'art. 108 Cst.

d'encourager la construction de logements et l'accession à la propriété. Par ailleurs, l'art. 41, al. 1, let. e, Cst. dispose que la Confédération et les cantons s'engagent à ce que toute personne en quête d'un logement puisse trouver, pour elle-même et sa famille, un logement approprié à des conditions supportables. Enfin, il est prévu à l'art. 116, al. 1, Cst. que la Confédération doit prendre en considération, dans l'accomplissement de ses tâches, les besoins de la famille. En raison de la part parfois importante des coûts du logement dans le budget des ménages25, la tâche visée par l'encouragement proposé prend une importance particulière. L'expérience montre que l'encouragement par le biais du fonds de roulement s'effectue de manière efficiente, économique et ciblée. Le rapport coût-utilité est très bon26.

25 26

Voir graphique de l'annexe 2.

B,S,S. Volkswirtschaftliche Beratung (2012): Aide au logement au moyen de prêts à taux d'intérêt préférentiel du fonds de roulement: analyse de l'exécution et des effets à l'intention de l'Office fédéral du logement, rapport succinct.

2279

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6.4.4

Mise en oeuvre

Sur la base de mandats de prestations ad hoc, le fonds de roulement est administré, pour la Confédération, à titre fiduciaire et à des fins précises par les deux organisations faîtières des maîtres d'ouvrage d'utilité publique. Cette forme de mise en oeuvre sera maintenue après l'alimentation du fonds de roulement.

6.5

Conséquences

6.5.1

Conséquences pour la Confédération

6.5.1.1

Conséquences financières

Un crédit-cadre de 250 millions de francs destiné au fonds de roulement et limité à 10 ans ou l'inscription dans les comptes de la Confédération des dépenses correspondantes ayant une incidence financière grèverait le budget de celle-ci à hauteur d'environ 25 millions de francs par an. Comme déjà évoqué, le budget 2018 assorti d'un PITF 2018-2021 prévoit 21 millions de francs à cet effet pour les années 2020 et 2021. À cet égard, il convient de relever que les dépenses destinées à l'encouragement du logement vont diminuer progressivement en raison de l'expiration d'engagements pris sous l'ancien droit par la Confédération, en particulier en ce qui concerne les mesures d'encouragement prévues par la LCAP en faveur d'abaissements supplémentaires. Par conséquent, les dépenses de 55 millions de francs inscrites dans le plan financier 2021 sont inférieures à celles de 58 millions de francs figurant dans les comptes d'État 2017. Qui plus est, il n'est pas possible placer sur un même pied les crédits destinés au fonds de roulement et les abaissements supplémentaires en vertu de la LCAP, qui sont des dépenses à fonds perdu, puisque les premiers seront intégrés dans le bilan de la Confédération au patrimoine administratif et porteront des intérêts. Le taux d'intérêt actuel est de 1 %, et les intérêts ont rapporté en 2017 plus de 3,8 millions de francs. Toutefois, même ce type de prêt peut comporter des risques de pertes pour la Confédération selon l'évolution du marché du logement. Mais puisqu'en outre les crédits sont en principe des dépenses qui peuvent être influencées, il subsiste une certaine marge de manoeuvre en ce qui concerne l'évolution des dépenses. Les indemnités versées aux organisations faîtières pour leurs frais de gestion du fonds de roulement sont fonction du nombre de requêtes approuvées chaque année et du montant des prêts à rembourser. Comme le nombre des prêts à gérer augmentera ces prochaines années avec l'alimentation du fonds de roulement, les dépenses annuelles entraînées pour la Confédération par les mandats de prestations confiés aux deux organisations faîtières, qui se sont élevées en 2017 à 1,4 million de francs, devraient augmenter de quelques dizaines de milliers de francs à moyen terme.

2280

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6.5.1.2

Conséquences sur l'état du personnel

L'alimentation du fonds de roulement n'entraîne pas de besoins supplémentaires en matière de personnel. Le suivi des prêts est confié aux deux organisations faîtières oeuvrant à la construction de logements d'utilité publique. La participation de la Confédération à l'examen des requêtes, à la gestion des risques et au suivi des mandats de prestations confiés aux organisations faîtières peut être assumée dans le cadre des ressources en personnel disponibles.

6.5.2

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

Le nouveau crédit-cadre n'aura aucune conséquence directe pour les cantons et les communes, pas plus que pour les centres urbains, les agglomérations ou les régions de montagne. En revanche, il aura un impact indirect positif sur les régions dont le besoin en logements à loyer modéré est avéré et dans lesquelles les maîtres d'ouvrage d'utilité publique sont actifs et peuvent solliciter des prêts du fonds de roulement pour des projets de construction ou de rénovation. Dans tous les cantons à l'exception d'Appenzell Rhodes-Intérieures et d'Obwald, des biens-fonds ont été soutenus au moyen de prêts du fonds de roulement27. Les cantons qui disposent de leur propre programme d'aide au logement ont la possibilité de compléter le soutien assuré par la Confédération par des mesures ciblées. Par ailleurs, de nombreuses communes travaillent en étroite collaboration avec des maîtres d'ouvrage d'utilité publique, en particulier dans le but de proposer des logements destinés aux personnes âgées. L'engagement de la Confédération en faveur de la construction de logements d'utilité publique répond ainsi aux besoins des cantons et des communes devant disposer de logements à loyer modéré à long terme et de logements couvrant des besoins spécifiques. Il est aussi probable que les subventions fédérales auront un effet positif en termes de réduction des dépenses de l'aide sociale.

6.5.3

Conséquences économiques

Les prêts du fonds de roulement sont un instrument d'aide au logement qui est facile d'accès, comparativement avantageux et efficace, et qui a pour objectif de renforcer le secteur d'utilité publique dans le domaine du logement. Le projet est donc d'ordre structurel et non conjoncturel. Les prêts n'entraînent pas de distorsion de la concurrence et leurs effets ne se font pas sentir sur le marché. En effet, avec quelque 2 ou 3 % des nouveaux logements construits chaque année, la part du secteur bénéficiant de cette aide est bien trop petite. Cependant, à des endroits où la demande est forte et où les loyers augmentent, ces prêts peuvent concourir à la stabilité des loyers. En 27

Voir la carte de l'annexe 3. Des immeubles ont été soutenus au moyen de prêts du fonds de roulement dans le canton de Schwyz également. Les prêts concernés ont été remboursés entre-temps.

2281

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outre, grâce aux prêts, les maîtres d'ouvrage se trouvent en mesure de proposer des offres destinées à des besoins spécifiques que le marché ne satisfait pas pleinement.

6.5.4

Conséquences sanitaires et sociales

Les immeubles bénéficiant d'une aide doivent satisfaire à des critères de qualité élevés. Une construction à prix modéré, mais de qualité, sans obstacles, et répondant aux besoins de tous les groupes d'âge sont autant d'éléments qui satisfont aux exigences du développement durable. Les maîtres d'ouvrage d'utilité publique favorisent la cohésion sociale entre autres par le biais d'infrastructures communautaires et encouragent une bonne mixité des quartiers; ils contribuent ainsi au développement durable d'un point de vue économique, environnemental et social. De plus, ils agissent comme un frein à l'éviction de groupes de population économiquement faibles hors des centres urbains.

6.5.5

Conséquences environnementales

Une aide sous forme de prêt du fonds de roulement est aussi une incitation à adopter une norme énergétique aussi élevée que possible pour les immeubles qui en bénéficient. En effet, plus cette norme sera élevée, plus élevé sera aussi le montant pouvant être sollicité. C'est ainsi que les coopératives d'habitation et d'autres maîtres d'ouvrage d'utilité publique jouent désormais un rôle de modèle en matière de construction de logements efficients sur le plan énergétique. De plus, l'encouragement de logements à loyer modéré dans des endroits centraux permet de rapprocher le lieu de domicile du lieu de travail et de diminuer ainsi le trafic des pendulaires. Enfin, les prescriptions d'occupation, qui sont très répandues, entraînent une consommation de surface habitable nettement moindre que celle du secteur locatif traditionnel ou du secteur de la propriété. Globalement, les conséquences environnementales sont positives.

6.6

Aspects juridiques

6.6.1

Constitutionnalité

L'arrêté fédéral se fonde sur l'art 43, let. a, LOG. Celui-ci repose sur l'art. 108 Cst., en vertu duquel la Confédération encourage la construction de logements et l'acquisition d'appartements et de maisons familiales destinés à l'usage personnel de particuliers, ainsi que les activités des maîtres d'ouvrage et des organisations oeuvrant à la construction de logements d'utilité publique. Il prend notamment en considération les intérêts des familles et des personnes âgées, handicapées ou dans le besoin.

2282

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6.6.2

Compatibilité avec les obligations internationales

L'arrêté fédéral n'affecte pas les obligations internationales de la Suisse.

6.6.3

Forme de l'acte à adopter

Conformément aux art. 167 Cst. et 43 LOG, le crédit-cadre doit prendre la forme d'un arrêté fédéral simple.

6.6.4

Frein aux dépenses

Afin de limiter les dépenses, l'art. 159, al. 3, let. b, Cst. prévoit que les crédits d'engagement et les plafonds de dépenses doivent être adoptés à la majorité des membres de chaque conseil s'ils entraînent de nouvelles dépenses uniques de plus de 20 millions de francs ou de nouvelles dépenses périodiques de plus de 2 millions de francs.

Le crédit d'engagement sollicité excédant ces plafonds, son adoption est soumise au frein aux dépenses.

6.6.5

Conformité à la loi sur les subventions

La loi du 5 octobre 1990 sur les subventions28 subordonne l'octroi d'aides financières ou d'indemnités par la Confédération pour l'ensemble de son domaine de compétence aux conditions suivantes: elles sont suffisamment motivées, le but auquel tendent sera atteint de manière économique et efficace, elles sont allouées selon des principes uniformes équitables et elles sont fixées conformément aux impératifs de la politique financière. La subvention dont il est question ici, qui existe depuis des années et dont les dépenses sont inscrites au crédit OFL A235.0104 «Mesure d'encouragement des maîtres d'ouvrage d'utilité publique», est une aide financière.

La justification de l'aide financière est donnée en particulier par l'art. 108 Cst. Au terme de cet article constitutionnel, la Confédération est tenue d'encourager le logement. Sans cet encouragement, il existe un risque de manque de logements abordables, en particulier dans des endroits où la demande est forte et pour des locataires disposant de revenus modestes. Les communes et les cantons prévoient en partie également des mesures d'aide au logement, mais celle-ci n'est pas suffisante, en particulier dans les agglomérations urbaines. L'engagement financier à titre complémentaire dans le domaine de la promotion du logement au niveau fédéral a en outre pour avantage de lier les mesures d'encouragement à des critères uniformes en ce qui concerne le caractère d'utilité publique, le prix avantageux, les normes énergétiques, l'absence d'obstacles ainsi que le maintien de la destination. Les apports financiers de la Confédération destinés à alimenter le fonds de roulement géré à titre fiduciaire par les organisations faîtières des maîtres d'ouvrage d'utilité publique 28

RS 616.1

2283

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garantissent que les moyens sont sollicités par des maîtres d'ouvrage d'utilité publique qui fournissent l'assurance de l'accomplissement des tâches définies par la LOG.

Il est prévu d'atteindre l'objectif visé grâce à un crédit-cadre de 250 millions de francs destinés au fonds de roulement et limité à 10 ans. Ce volume est nécessaire pour le maintien des mesures d'encouragement au même niveau qu'actuellement.

Une réduction des contributions pourrait avoir pour conséquence d'accentuer la pénurie de logements abordables dans des endroits centraux. Les contributions ne sont pas versées à fonds perdu. Au contraire, elles financent des prêts remboursables qui rapportent des intérêts à la Caisse fédérale, actuellement à un taux de 1 %.

Le pilotage matériel et financier des aides fédérales est assuré par le fait que l'octroi des prêts du fonds de roulement est lié aux prescriptions légales fixées dans la LOG.

L'octroi de prêts est conditionné à l'approbation par l'OFL des statuts du maître d'ouvrage qui les sollicite. En plus, des prescriptions, par exemple de construction sans obstacles et en matière de loyer, doivent être respectées. Selon l'emplacement, les limites des frais d'investissement auxquelles il faut se conformer peuvent varier.

Dans le cadre d'un examen technique, les requêtes sont soumises à une évaluation par l'OFL selon le système d'évaluation des logements SEL (édition 2015)29. Qui plus est, le respect des conditions est garanti par le contrat de prêt.

Une violation des conditions de prêt peut entraîner la résiliation du prêt. Comme il s'agit en l'espèce d'aides financières, la Confédération a la possibilité de piloter le volume de la subvention par le biais du processus budgétaire. En outre, le volume des prêts accordés peut être influencé par la manière dont les critères d'octroi sont conçus, en particulier en ce qui concerne la fixation du taux du prêt ou des exigences à respecter par les immeubles.

La procédure d'octroi de la contribution garantit que les moyens disponibles sont utilisés directement en vue du but fixé. Les moyens du fonds de roulement ne sont alloués qu'à des projets de construction qui répondent aux objectifs d'encouragement conformément à la LOG. L'OFL est représenté dans les commissions responsables du fonds de roulement des deux organisations faîtières
des maîtres d'ouvrage d'utilité publique, ce qui permet un accompagnement serré de la procédure d'octroi des prêts. L'OFL contrôle régulièrement l'activité des organisations faîtières, qui sont tenues de présenter périodiquement à l'office un rapport rendant notamment compte de l'efficacité de leur activité. L'encouragement de l'activité d'une organisation oeuvrant à la construction de logements d'utilité publique est suspendu à titre extraordinaire si cette dernière ne remplit plus les principales exigences requises.

L'engagement des ressources au niveau de la Confédération étant réduit en comparaison du volume des contributions, la procédure d'octroi peut être globalement qualifiée d'efficiente.

29

Le système d'évaluation de logements peut être consulté à l'adresse suivante: www.sel.admin.ch.

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Avec la limitation à 10 ans du crédit-cadre, la question de la nécessité de la poursuite au même niveau de l'engagement financier de la Confédération reste ouverte.

En considération de l'objectif du Conseil fédéral de maintenir ces prochaines années, comme les années précédentes, le volume d'encouragement à un peu plus de 1500 logements par année, il ne serait pas judicieux de concevoir un mécanisme de subventionnement strictement dégressif. Selon la situation sur le marché du logement, l'engagement financier des cantons et des communes et les perspectives des finances fédérales, il pourrait être envisagé de réduire les aides financières de la Confédération vers la fin de la période d'engagement.

2285

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Annexe 1

Tension dans le segment inférieur du marché du logement locatif en 2016 (rouge = marché tendu; vert = marché détendu)

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Annexe 2

Charge locative moyenne par classe de revenu 2006-2015

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Annexe 3

Communes comptant un ou plusieurs objets locatifs ayant bénéficié ou bénéficiant d'un prêt du fonds de roulement (état fin 2017)

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