17.072 Message relatif à l'approbation de l'accord entre la Suisse, l'Allemagne et le Grand quartier général des puissances alliées en Europe (SHAPE) sur la participation de la Suisse à l'échange de données sur la situation aérienne (ASDE) du 1er décembre 2017

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'un arrêté fédéral simple portant approbation de l'accord entre la Suisse, l'Allemagne et le Grand quartier général des puissances alliées en Europe (Supreme Headquarters Allied Powers Europe, SHAPE) sur la participation de la Suisse à l'échange de données sur la situation aérienne (ASDE), en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

1er décembre 2017

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Doris Leuthard Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2017-0592

125

Condensé Le Conseil fédéral propose d'adopter un accord entre la Suisse, l'Allemagne et l'OTAN, afin de garantir et d'améliorer la qualité de la surveillance de l'espace aérien en Suisse.

Contexte L'utilisation intensive de l'espace aérien suisse exige une image de la situation aérienne, c'est-à-dire une vue d'ensemble de la situation actuelle du trafic aérien, de très grande qualité. L'espace aérien suisse étant très petit, il est nécessaire d'inclure également l'image de la situation aérienne des pays voisins. A défaut, les temps de réaction pour déclencher un engagement de police aérienne dans le ciel suisse seraient très courts. C'est pourquoi la Suisse a conclu des accords bilatéraux sur la police aérienne comprenant l'échange de l'image de la situation aérienne avec tous ses voisins, à l'exception de la Principauté de Liechtenstein.

Pour des raisons techniques et financières, les Etats voisins qui sont membres de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) génèrent désormais des images de la situation aérienne dans le cadre de l'Alliance et non plus sur une base nationale. L'Italie a déjà franchi cette étape, et la France a annoncé son intention de le faire également. Pour la Suisse, cela entraîne une perte de sources de données.

L'OTAN propose aux Etats membres du Partenariat pour la paix (PPP) de participer au programme Air Situation Data Exchange (ASDE), qui permet l'échange de données sur la situation aérienne. Dans ce cadre, l'OTAN fournit à chaque Etat membre du PPP, sur une base individuelle, les données provenant de son image complète de la situation aérienne dont le pays concerné a besoin pour assurer ses engagements de police aérienne. Il n'y a pas de transmission de données militaires confidentielles. L'ASDE se fondant sur le principe de la réciprocité, la Suisse ne transmettra pas non plus de données militaires sensibles.

La participation à l'ASDE permettra d'améliorer la coordination transfrontalière pour l'exécution de mesures de police aérienne et de rallonger les délais de préalerte et les temps de réaction des Forces aériennes suisses dans le cadre du service de police aérienne. D'autres pays neutres ou non membres de l'Alliance tels que la Finlande, l'Autriche ou la Suède participent déjà à l'ASDE et expriment des avis très positifs sur la qualité du système.
Sur le plan du droit de la neutralité, la participation de la Suisse à l'ASDE ne pose pas de problème, car il s'agit uniquement de transmettre des données de l'image nationale de la situation aérienne revêtant une importance dans le cadre des tâches de police aérienne et de l'amélioration de la sécurité de l'espace aérien. Aucune information concernant la défense aérienne ne sera communiquée. Dans le cadre de l'ASDE, la Suisse n'échangera donc pas de données pouvant avantager un Etat participant à un conflit armé international.

126

De plus, l'accord inclut une clause suspensive qui permet en tout temps à la Suisse de cesser unilatéralement l'échange de données par l'intermédiaire de l'ASDE. Il ne fait donc aucun doute que ni la crédibilité ni l'efficacité de la neutralité suisse ne seront remises en question par une participation à l'ASDE.

L'accord sur l'ASDE règle la collaboration entre la Suisse, l'Allemagne et le Grand quartier général des puissances alliées en Europe (SHAPE). L'inclusion de l'ensemble des trois parties est nécessaire parce que SHAPE exploite l'ASDE mais ne dispose pas d'un lien direct avec la Suisse. Ce dernier est mis en place par l'Allemagne. Puisque l'ASDE consiste essentiellement en un échange de données par voie électronique, il est nécessaire de régler de nombreux détails techniques qui peuvent changer rapidement en raison des progrès technologiques. L'accord tient compte de cette situation: les documents de référence correspondants figurent à l'annexe A, et leur adaptation technique est possible sans devoir modifier l'accord sur le plan formel à chaque changement. En outre, il est précisé que l'accord prime toujours les adaptations techniques et que celles-ci ne peuvent jamais modifier les droits et les devoirs figurant dans l'accord, ce qui garantit un fonctionnement technique optimal dans un cadre juridique et politique stable.

La mise en place de l'interface avec l'ASDE induit un coût unique de 1,2 million de francs, tandis que les coûts d'exploitation de l'échange de données sont estimés à 0,2 million de francs par an. La participation à l'ASDE ne requiert pas le versement de taxes annuelles ou de taxes de participation. Dans le domaine du personnel, aucune ressource additionnelle n'est nécessaire. Le risque lié à la mise en oeuvre technique est jugé faible.

127

FF 2018

Message 1

Grandes lignes du projet

1.1

Contexte

Disposer d'une image actuelle de la situation aérienne, c'est-à-dire une vue d'ensemble de la situation actuelle du trafic dans l'espace aérien, est important. La qualité de cette image exerce une influence directe sur la sécurité de l'espace aérien et sur l'efficacité du service suisse de police aérienne: l'image de la situation aérienne est nécessaire à la sauvegarde de la souveraineté sur l'espace aérien et sert de base à l'application des règles de l'air.

En raison de l'exiguïté de l'espace aérien suisse, l'image de la situation aérienne des pays voisins doit également être incluse. A défaut, les temps de réaction demandés aux Forces aériennes suisses seraient très courts lors de leurs engagements de police aérienne au sein de l'espace aérien national.

C'est pourquoi la Suisse a conclu avec tous ses voisins1, à l'exception de la Principauté de Liechtenstein, des accords sur la police aérienne prévoyant aussi l'échange de l'image de la situation aérienne. Ces accords ont facilité la coopération transfrontalière, notamment lors de grands événements tels que le Forum économique mondial, le Sommet de la francophonie en 2010, la Conférence sur la Syrie à Genève en 2014 ou le Conseil ministériel de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe à Bâle en 2014, et contribué ainsi à la protection de l'espace aérien suisse.

L'importance de pouvoir détecter de façon précoce les situations nécessitant une action de police aérienne est régulièrement démontrée dans le cadre du trafic aérien normal. Ainsi, en juillet 2016, un avion de ligne israélien effectuant un vol régulier de New York à Tel-Aviv a dû être escorté dans l'espace aérien suisse, car il y avait des informations concernant la présence d'une bombe à bord. Ce survol du territoire national a duré sept minutes environ. Sans échange de l'image de la situation aérienne avec les pays voisins ni identification immédiate et certaine par les différentes centrales d'engagement nationales, la coordination des manoeuvres d'interception requises aurait été bien plus longue et difficile, notamment parce qu'un grand nombre d'objets se trouve en permanence dans l'espace aérien suisse.

Cependant, les Etats voisins qui sont membres de l'OTAN ont commencé à transférer à l'OTAN la souveraineté sur les données relatives à leur situation aérienne
nationale (Italie) ou à abandonner leurs propres capacités de distribution de l'image de la situation aérienne afin d'utiliser la solution technique proposée par l'OTAN (annonce de la France). Les raisons invoquées pour expliquer ces changements sont les progrès technologiques et des restrictions financières à l'échelon national.

1

128

Avec la France (RS 0.513.234.91); l'Italie (RS 0.513.245.41); l'Allemagne (RS 0.513.213.61) et l'Autriche (RS 0.513.216.31)

FF 2018

Ces évolutions ont pour conséquence que l'échange de l'image de la situation aérienne avec les pays voisins tel qu'il est réglé dans les accords bilatéraux sur la police aérienne ne sera bientôt plus possible, entraînant une perte de sources d'informations pour la Suisse.

L'OTAN propose aux Etats membres du Partenariat pour la paix (PPP) de participer au programme Air Situation Data Exchange (ASDE). Dans ce cadre, l'Alliance fournit à chaque Etat membre du PPP, sur une base individuelle, les données provenant de son image complète de la situation aérienne dont le pays concerné a besoin pour assurer ses engagements de police aérienne. Ces données concernant la situation aérienne permettront d'améliorer la coordination transfrontalière pour l'exécution de mesures de police aérienne et de rallonger les délais de préalerte et les temps de réaction des Forces aériennes suisses dans le cadre du service de police aérienne.

Les données militaires confidentielles qui figurent sur l'image de la situation aérienne de l'OTAN ne sont pas transmises aux Etats membres du PPP dans le cadre de l'ASDE. Cette règle s'applique également dans l'autre sens: la Suisse ne fournira pas à l'Alliance des données militaires sensibles. Puisque l'ASDE ne livre pas de données confidentielles sur l'image de la situation aérienne militaire de l'OTAN et des Etats partenaires, il convient seulement au service de police aérienne, et non à la défense aérienne contre des objets militaires.

Certains Etats membres du PPP utilisent déjà l'ASDE afin de compléter leur propre image de la situation aérienne. Il s'agit par exemple de pays neutres ou non membres de l'Alliance tels que la Finlande, l'Autriche ou la Suède2. Les contacts bilatéraux avec ces Etats ont clairement montré que ces derniers font le même usage de l'ASDE que celui que prévoit la Suisse, à savoir compléter l'image nationale de la situation aérienne en temps de paix. La Suisse a également précisé dans les conventions techniques liées à l'ASDE qu'elle participe à l'échange de données au moyen de ce programme uniquement dans le mode prévu en temps de paix et pour les exercices du service de police aérienne.

L'ASDE ne concurrence pas la surveillance civile de l'espace aérien, qui se limite aux utilisateurs coopératifs de l'espace aérien, ou des projets tels que Single
European Sky. Il vise plutôt à compléter la surveillance militaire nationale de l'espace aérien dans le domaine de la police aérienne, à permettre une identification certaine de chaque élément présent dans l'espace aérien même au-delà de la frontière et à contribuer à accroître la sécurité et l'efficacité du service de police aérienne.

Dans le contexte de la fin des échanges bilatéraux de l'image de la situation aérienne avec les pays voisins, l'ASDE offre à la Suisse une solution qui peut être appliquée rapidement afin de lui permettre de compléter sa propre image de la situation aérienne et de continuer ainsi à assurer l'efficacité de son service de police aérienne.

De plus, si le système suisse de surveillance de l'espace aérien (Florako) devait subir une panne partielle, l'ASDE continuerait de livrer des données.

2

Les autres Etats admis à l'ASDE sont la Bosnie et Herzégovine, la Géorgie, la Macédoine, la Moldova, le Monténégro et l'Ukraine. Certains d'entre eux n'ont toutefois pas encore atteint le niveau technique leur permettant de participer à l'ASDE.

129

FF 2018

1.2

Relation avec la neutralité

La participation de la Suisse à l'ASDE ne pose aucun problème au niveau du droit et de la politique de neutralité.

Sur le plan du droit de la neutralité, la participation de la Suisse à l'ASDE ne pose pas de problème, car il s'agit uniquement de transmettre des données de l'image de la situation aérienne revêtant une importance dans le cadre des tâches de police aérienne et de l'amélioration de la sécurité de l'espace aérien. Aucune information militaire concernant la défense aérienne ou les exercices correspondants ne sera communiquée. Dans le cadre de l'ASDE, la Suisse n'échangera donc pas de données pouvant avantager un Etat participant à un conflit armé international.

Même en l'absence de soutien militaire, il convient encore de s'assurer, sur le plan de la politique de neutralité, que la crédibilité et l'efficacité de la neutralité suisse ne soient pas remises en question par une participation à l'ASDE. C'est pourquoi une clause suspensive a été introduite à l'art. 8.2 de l'accord. Elle donne le droit en tout temps à la Suisse de suspendre unilatéralement l'échange de données au moyen de l'ASDE si elle considère cette mesure nécessaire au maintien de sa neutralité. La suspension entre en vigueur après l'envoi par la Suisse d'une notification écrite à ses partenaires (art. 8.2). Le droit de résiliation ordinaire avec un délai de six mois (art. 8.1) reste valable durant cette période et pourrait être utilisé par la Suisse si cette étape supplémentaire devait paraître nécessaire.

Si la Suisse souhaite mettre un terme à la suspension et reprendre l'échange de données au moyen de l'ASDE, elle peut le faire en recourant à l'art. 8.2, let. a, dès que toutes les parties ont réglé les conditions techniques de la reprise de la collaboration (p. ex. la reprise des mises à jour introduites par l'OTAN pendant la suspension; art. 8.2, let. b). En outre, la Suisse s'engage à assumer les coûts résultant de la suspension (art. 8.2, let. c).

Avec cette clause suspensive, tous les aspects sont réglés du point de vue de la Suisse: cette dernière prend ses décisions de façon indépendante et peut obtenir une suspension en tout temps si elle considère que l'échange de données par l'intermédiaire de l'ASDE est problématique sur le plan de la neutralité. Ainsi, la crédibilité de son statut d'Etat neutre au regard
du droit international public est toujours garantie. Le Conseil fédéral est compétent pour prendre la décision de suspendre l'accord ou mettre un terme éventuel à la suspension.

1.3

Position du Conseil fédéral

La qualité de l'image de la situation aérienne est fondamentale pour une sécurité optimale de l'espace aérien. Jusqu'à présent, l'échange de données avec les Etats voisins qu'elle requiert était réglé à l'échelon bilatéral. En raison des développements récents, cette solution ne pourra plus être utilisée à l'avenir avec les pays limitrophes qui sont membres de l'OTAN. Il n'est pas dans l'intérêt de la Suisse de renoncer durablement à cet échange de données, car cela serait fortement préjudiciable à la sécurité de l'espace aérien.

130

FF 2018

L'ASDE offre une bonne solution pour combler rapidement et intégralement les lacunes qui émergent dans l'échange de données avec les Etats voisins concernant l'image de la situation aérienne. En participant à ce programme, la Suisse ne se soumettra pas non plus à des obligations qui pourraient lui porter préjudice: elle ne dépendra pas de l'OTAN pour établir sa propre image de la situation aérienne nationale, le rôle de l'ASDE étant uniquement d'apporter des compléments et des précisions, et elle ne livrera pas à l'Alliance des données qui dépasseraient le cadre de l'aviation civile ou de son propre service de police aérienne. Au contraire, la Suisse restera entièrement souveraine.

Ce maintien de la souveraineté est également mis en exergue par le fait que l'accord contient une clause suspensive garantissant à la Suisse (plus précisément au Conseil fédéral) de pouvoir décider de façon autonome et en tout temps si elle considère qu'une suspension temporaire de l'échange de données est nécessaire afin de satisfaire aux exigences de la politique de neutralité. De même, elle peut décider d'ellemême de mettre un terme à la suspension sans devoir mener des négociations avec l'OTAN. En effet, l'accord prévoit expressément la possibilité de reprendre l'échange de données.

Les expériences réalisées par la Finlande, l'Autriche et la Suède, des pays qui participent déjà à l'ASDE, montrent clairement que le programme fonctionne parfaitement. Ces Etats utilisent l'ASDE en situation normale afin de compléter leur image nationale de la situation aérienne et expriment des avis positifs concernant la qualité des données ainsi que la disponibilité et la fiabilité du programme.

1.4

Nécessité de conclure un accord

La participation de la Suisse à l'ASDE exige de régler les compétences, la prise en charge des coûts et les bases techniques. Il est donc indispensable de conclure un accord entre la Suisse, l'Allemagne, qui sert de point de raccordement pour l'échange de données, et le Grand quartier général des puissances alliées en Europe (SHAPE), en sa qualité d'exploitant de l'ASDE.

1.5

Déroulement des négociations

Le 29 octobre 2014, le Conseil fédéral a donné le mandat d'ouvrir les négociations.

Des vérifications formelles et informelles ont été menées en vue d'une possible participation de la Suisse à l'ASDE. Le 28 octobre 2015, les organes compétents de l'OTAN, de ses Etats membres et de la Suisse se sont rencontrés à Bruxelles dans le cadre d'une séance formelle afin de clarifier les prérequis et les conditions générales d'une participation suisse. Ces contacts ont montré que la Suisse remplit tous les prérequis. Au vu de sa neutralité, la Suisse a demandé l'insertion de la clause suspensive, qui a été entièrement acceptée par l'OTAN.

Le 22 janvier 2016, le Conseil de l'Atlantique Nord de l'OTAN a décidé d'autoriser la Suisse à participer à l'ASDE, ce qui a permis aux organes compétents de l'Alliance d'ouvrir des négociations détaillées et des concertations d'ordre technique avec 131

FF 2018

la Suisse. Les détails requis ont ensuite été clarifiés lors de plusieurs rondes de discussions. Ces dernières ont notamment permis d'identifier un problème technique (concernant principalement les capacités et vitesses de transmission des données) dont la résolution a conduit à un retard de six mois environ. Les parties estiment que le risque résiduel lié à la mise en oeuvre technique est faible.

Du côté suisse, les négociations ont été menées sous la conduite de l'Etat-major de l'armée (Relations internationales Défense) avec l'aide du Département fédéral des affaires étrangères, du Secrétariat général du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), des Forces aériennes et de la Base d'aide au commandement de l'armée. Dans le cadre de l'élaboration du projet, le Département fédéral de justice et police et le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication ont ponctuellement apporté un soutien et reçu des informations.

1.6

Renonciation à une consultation

L'accord ne prévoit aucune adhésion à des organisations pour la sécurité collective ou à des communautés supranationales, ne contient aucune disposition fixant des règles de droit, et sa mise en oeuvre ne nécessite pas l'édiction de lois fédérales. En vertu des art. 140, al. 1, let. b, et 141, al. 1, let. d, ch. 3, de la Constitution (Cst.)3, il est donc possible de renoncer à une consultation.

2

Commentaires sur l'accord

2.1

Aperçu

Le protocole d'accord (Memorandum of Understanding) règle la collaboration entre la Suisse, l'Allemagne et SHAPE concernant la participation de la Suisse à l'ASDE.

L'inclusion de l'ensemble des trois parties est nécessaire parce que SHAPE exploite l'ASDE mais ne dispose pas d'un lien direct avec la Suisse. Ce dernier est mis en place par l'Allemagne, l'interlocuteur des Forces aériennes suisses étant le centre de contrôle de l'espace aérien allemand. L'Allemagne prépare également l'infrastructure de transmission jusqu'à la frontière suisse et assure l'exploitation.

L'accord lui-même règle les droits et les devoirs des parties. Il s'agit essentiellement d'un texte standard de l'OTAN. La Suisse est toutefois parvenue à y insérer des éléments contraignants qu'elle juge fondamentaux (clause suspensive).

Puisque l'ASDE consiste essentiellement en un échange de données, il est nécessaire de régler de nombreux détails techniques qui peuvent changer rapidement en raison des progrès technologiques. L'accord tient compte de cette situation: les documents de référence correspondants figurent à l'annexe A et peuvent être adaptés au niveau technique par les autorités désignées à l'art. 3.2 sans devoir modifier l'accord sur le plan formel.

3

132

RS 101

FF 2018

En outre, il est précisé que l'accord prime toujours les adaptations techniques et que celles-ci ne peuvent jamais modifier les droits et les devoirs figurant dans l'accord.

Cette structure flexible garantit un fonctionnement optimal dans un cadre juridique et politique stable.

2.2

Commentaire des dispositions

Définitions (art. 1) La nature technique de l'ASDE exige que différentes notions soient définies. En particulier, il convient de relever que l'ASDE est un système destiné à l'échange de données non classifiées. En d'autres termes, chaque partie est responsable de la sélection des données transmises et doit veiller à ce qu'aucune donnée qui ne doit pas être échangée ne soit importée dans le programme.

Objet (art. 2) L'accord fixe les principes et les procédures de l'établissement et du fonctionnement d'une connectivité ASDE entre la Suisse et l'organe chargé de la transmission des données en Allemagne. Il est subordonné au droit international et national en vigueur, les conflits éventuels étant résolus au profit du droit en vigueur.

Portée et dispositions générales (art. 3) L'accord définit le cadre de la participation de la Suisse à l'ASDE. Pour la mise en oeuvre, les organes compétents des trois parties sont désignés. Pour l'OTAN, il s'agit de SHAPE, pour l'Allemagne du Ministère fédéral de la défense, et pour la Suisse du DDPS.

Documents de référence (art. 4) Les aspects techniques sont réglés par cinq documents de référence énumérés à l'annexe A qui visent à piloter la mise en oeuvre de l'accord. Ces documents fixent les spécifications techniques de l'ASDE et peuvent être adaptés par les organes compétents mentionnés à l'art. 3 (art. 4.2). Cette disposition délègue ainsi au DDPS la compétence d'approuver les changements apportés aux documents de référence ou l'ajout de nouveaux documents de référence. En vertu de l'art. 48a, al. 1, de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration4, le Conseil fédéral peut déléguer au domaine départemental Défense la compétence de conclure d'autres arrangements techniques ayant une portée limitée.

En outre, l'art. 4.3 indique expressément que l'accord prime les documents de référence.

4

RS 172.010

133

FF 2018

Responsabilités (art. 5) Cet article fixe les responsabilités des différentes parties. Dans ce cadre, SHAPE assume le rôle de gestionnaire du système.

L'Allemagne s'engage essentiellement à mettre en place la connexion jusqu'à la frontière suisse et à prendre toutes les mesures opérationnelles permettant d'assurer l'exploitation.

De son côté, la Suisse s'engage à assurer l'exploitation de l'ASDE jusqu'à sa frontière et à mettre en place les installations nécessaires dans la centrale d'engagement de la défense aérienne. De plus, elle autorise, après annonce (voir aussi l'art. 7), le personnel technique des partenaires à accéder au site où sont installés les moyens de télécommunication nécessaires à l'échange afin de résoudre des problèmes techniques, de même que pour effectuer des tests concernant l'interopérabilité, si cela est nécessaire. Enfin, la Suisse s'assure que toutes les dispositions de sécurité sont respectées.

Aspects financiers (art. 6) Chaque partie assume en principe les coûts engendrés chez elle par la mise en oeuvre de l'accord.

L'installation de l'ASDE est financée par l'OTAN. Sur demande de la Suisse, l'Alliance peut fournir, contre paiement, une assistance technique concernant le raccordement de l'ASDE au système suisse Milve NG.

En cas de dérangement, la partie qui a causé ce dernier doit assumer les coûts qui en découlent. Les parties concernées règlent la répartition des coûts liés aux mesures d'assistance et d'entretien.

Les coûts engendrés par des travaux tels que des mises à niveau de logiciels ou de matériel informatique font l'objet de décisions communes, les modalités de paiement étant convenues au cas par cas.

Sécurité (art. 7) Les données échangées au sein de l'ASDE ne sont pas classifiées et peuvent être utilisées par les parties à l'accord et transmises à d'autres Etats partenaires agréés de l'ASDE. Dans le cas de la Suisse, l'Allemagne, la France et l'Italie sont automatiquement intégrées dans le programme par l'OTAN. Cet article autorise aussi la collaboration au sein de l'ASDE avec l'Autriche, un Etat participant au programme agréé par l'OTAN, sans que cela soit toutefois obligatoire.

Les parties acceptent que des inspections soient menées par des experts désignés.

Ces dernières doivent être annoncées et coordonnées conformément aux procédures nationales
en vigueur. La Suisse n'est donc pas tenue d'accepter des inspections qui n'ont pas été annoncées.

SHAPE peut adapter l'ASDE si cela est nécessaire pour des raisons de sécurité de fonctionnement, d'urgence ou de sûreté. Si cela se produit, les parties sont immédiatement informées et peuvent mettre un terme à leur participation à l'ASDE. A cette fin, les parties doivent être joignables en tout temps.

134

FF 2018

Commencement, durée et fin (art. 8) L'accord entre en vigueur au jour de la dernière signature et reste valable jusqu'à sa résiliation écrite par l'une des parties, dans le respect d'un préavis de six mois.

L'art. 8.2 donne le droit à la Suisse de suspendre l'échange de données unilatéralement et temporairement si elle considère cette mesure nécessaire au maintien de sa neutralité. La suspension se distingue de la résiliation par le fait qu'elle permet à la Suisse de reprendre intégralement l'échange de données lorsque celle-ci le juge opportun.

La suspension prend fin dès que les mesures techniques (p. ex. mises à jour) et les aspects financiers éventuels sont réglés. La Suisse assume les coûts résultant de la reprise après la suspension.

Modification et interprétation (art. 9) L'accord peut être complété ou modifié uniquement par écrit et avec l'accord de toutes les parties. Les différends éventuels sont réglés par la voie de la consultation entre les parties.

Interlocuteurs (art. 10) Chaque Etat partie à l'accord désigne un interlocuteur principal.

3

Conséquences sur les finances et le personnel

La participation à l'ASDE exige de munir le système Milve NG, qui est déjà utilisé en Suisse et qui sert à diffuser l'image de la situation aérienne militaire établie par Florako, d'une interface avec l'ASDE. Pour cela, il est nécessaire de développer un logiciel ad hoc, ce qui engendrera un coût unique de 1,2 million de francs environ.

Tant la Suisse que l'OTAN estiment que le risque lié à la mise en oeuvre technique est faible.

Les coûts d'exploitation de l'échange de données entre la Suisse et le point de raccordement situé en Allemagne sont estimés à 0,2 million de francs par an. La participation à l'ASDE ne requiert pas le versement de taxes annuelles ou de taxes de participation.

Tous les coûts liés à la participation à l'ASDE sont financés au moyen du budget ordinaire du DDPS.

Au niveau du personnel, la participation à l'ASDE ne nécessite pas de ressources additionnelles.

135

FF 2018

4

Relation avec le programme de la législature

Le projet ne figure ni dans le message du 27 janvier 2016 sur le programme de la législature 2015 à 20195 ni dans l'arrêté fédéral du 14 juin 2016 sur le programme de la législature 2015 à 20196. Le message et l'accord concernant la participation de la Suisse à l'ASDE sont toutefois conformes à la ligne directrice 3 énoncée dans le message et l'arrêté fédéral sur le programme de la législature 2015 à 2019, selon laquelle la Suisse pourvoit à la sécurité et agit en partenaire international fiable, et respectent les objectifs figurant sous cette ligne directrice: «La Suisse prévient la violence, la criminalité et le terrorisme et lutte efficacement contre ces phénomènes», «La Suisse connaît les menaces intérieures et extérieures qui pèsent sur sa sécurité et dispose des instruments nécessaires pour y parer efficacement» et «La Suisse se mobilise activement en faveur de la stabilité internationale tout en préservant son indépendance et sa neutralité».

5

Constitutionnalité

Bien qu'il soit désigné sous le terme de protocole d'accord (Memorandum of Understanding), l'accord en question doit, de par sa nature, être compris comme un traité international avec des parties étrangères.

Conformément à l'art. 54, al. 1, Cst., les affaires étrangères relèvent de la compétence de la Confédération. Cette dernière a donc la compétence de conclure des traités avec des Etats étrangers. En vertu de l'art. 166, al. 2, Cst., l'Assemblée fédérale est compétente en matière d'approbation des traités internationaux.

Aux termes de l'art. 141, al. 1, let. d, Cst., les traités internationaux sont sujets au référendum lorsqu'ils sont d'une durée indéterminée et ne peuvent pas être dénoncés, qu'ils prévoient l'adhésion à une organisation internationale ou qu'ils contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales. L'accord peut est résilié en tout temps (cf. art. 8) et ne prévoit pas d'adhésion à une organisation internationale.

Reste à savoir si l'accord contient des dispositions importantes fixant des règles de droit ou si sa mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales. Par «dispositions importantes qui fixent des règles de droit», l'art. 22, al. 4, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement7 entend les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences. Sont par ailleurs importantes les dispositions qui, en droit interne, doivent, à la lumière de l'art. 164, al. 1, Cst., être édictées dans une loi au sens formel. L'accord fixe le cadre juridique d'une collaboration entre l'OTAN, l'Allemagne et la Suisse pour l'échange de données dans le domaine de la sécurité de l'espace aérien. Il vise à faciliter l'échange systématique de renseignements sur la situation aérienne en cas de menace aérienne non militaire.

5 6 7

136

FF 2016 981 FF 2016 4999 RS 171.10

FF 2018

Par conséquent, l'accord ne contient pas de dispositions importantes fixant des règles de droit. De plus, il est expressément mentionné que les droits international et national en vigueur priment les dispositions de l'accord et que les conflits éventuels sont résolus au profit du droit en vigueur (art. 2).

La mise en oeuvre de l'accord ne requiert pas de changement législatif en Suisse. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté fédéral portant approbation de l'accord n'est pas sujet au référendum en matière de traités internationaux en vertu de l'art. 141, al. 1, let. d, Cst.

137

FF 2018

138