ad 16.456 Initiative parlementaire CIP-E Dénonciation et modification des traités internationaux.

Répartition des compétences Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil des États du 14 mai 2018 Avis du Conseil fédéral du 15 août 2018

Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Conformément à l'art. 112, al. 3, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement, nous prenons position comme suit sur le rapport du 14 mai 2018 de la Commission des institutions politiques du Conseil des États concernant l'initiative parlementaire «Dénonciation et modification des traités internationaux. Répartition des compétences»1.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'expression de notre haute considération.

15 août 2018

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Alain Berset Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

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2018-1541

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Avis 1

Contexte

La Commission des institutions politiques du Conseil des États (CIP-E) a déposé l'initiative parlementaire 16.456 «Dénonciation et modification des traités internationaux. Répartition des compétences» le 25 août 2016. La Commission des institutions politiques du Conseil national a donné suite à l'initiative le 17 novembre de la même année. Un avant-projet a été mis en consultation du 9 janvier au 16 avril 2018.

Le 14 mai 2018, la CIP-E a transmis au Conseil des États son rapport concernant l'initiative parlementaire2 (ci-après «rapport»), tout en invitant le Conseil fédéral à prendre position.

La CIP-E, dans le cadre de l'initiative parlementaire 16.456, a élaboré un projet de loi fédérale sur les compétences en matière de conclusion, de modification et de dénonciation des traités internationaux (ci-après «projet de loi»). L'initiative vise à définir qui a la compétence de modifier et de dénoncer les traités internationaux.

Cette compétence n'appartiendrait plus en principe au Conseil fédéral, contrairement au droit actuel. La CIP-E veut en effet abandonner l'interprétation qui a été faite jusqu'à présent de l'art. 184, al. 1, de la Constitution (Cst.)3, qui donne au Conseil fédéral une compétence autonome en matière de dénonciation des traités internationaux. L'initiative énonce que «si l'Assemblée fédérale ou le peuple a la compétence d'approuver la conclusion d'un traité international, elle ou il doit aussi avoir la compétence d'en approuver la dénonciation. En outre, il y a lieu d'examiner si la compétence de modifier un traité international doit être définie de manière analogue à la compétence de conclure le traité en question.»

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Avis du Conseil fédéral: «parallélisme matériel» en matière de dénonciation et de modification des traités internationaux

Le projet de loi pose comme principe le parallélisme, fondé sur des critères matériels et non sur des critères formels4. C'est le contenu de la modification ou de la dénonciation du traité qui doit dicter si la modification ou la dénonciation sera soumise à l'approbation de l'Assemblée fédérale, voire si l'arrêté d'approbation sera soumis ou sujet au référendum. On applique donc à la question de la compétence de dénoncer et de modifier les traités le même critère ­ la portée ­ qu'à la conclusion des traités. En d'autres termes, pour déterminer qui a cette compétence, on ne se réfère pas automatiquement à l'autorité compétente pour conclure le traité en question mais à la portée de la modification ou de la dénonciation (soit, dans ce dernier cas, à la portée du traité à dénoncer au moment de la dénonciation). On peut donc parler de «parallélisme matériel». Le principe du parallélisme matériel ne s'applique 2 3 4

FF 2018 3591 RS 101 FF 2018 3591 3592 3603 s.

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toutefois pas aux cas dans lesquels le Conseil fédéral conclut, modifie ou dénonce seul un traité parce qu'il y est habilité par une loi fédérale ou par un traité international approuvé par l'Assemblée fédérale. Il est entendu qu'une délégation au Conseil fédéral de la compétence de conclure le traité l'habilite aussi à le modifier ou à le dénoncer.

La nouvelle règlementation concernant la dénonciation implique qu'un traité international approuvé par l'Assemblée fédérale mais qui, au cours du temps, a perdu de son importance, qui est devenu obsolète ou dont le contenu a été remplacé par un autre traité sans qu'il ait fait l'objet d'une modification formelle pourra continuer à être dénoncé par le Conseil fédéral, si la dénonciation est de faible portée. Dans ce cas, le Conseil fédéral pourra donc dénoncer de son propre chef des traités qui n'étaient à l'origine pas de portée mineure. À l'inverse, la dénonciation de traités internationaux dont la conclusion ne relevait pas de l'Assemblée fédérale pourrait requérir l'approbation de cette dernière, voire une procédure référendaire, si elle n'est pas de portée mineure. Comme on l'a dit plus haut, ce n'est pas l'attribution de la compétence de conclure le traité qui est déterminante, mais uniquement la portée de la dénonciation.

Sur le plan formel, la modification d'un traité correspond à la conclusion d'un traité.

Pour déterminer la compétence de modifier un traité international, on applique aujourd'hui les mêmes règles que pour la conclusion d'un instrument de droit international, c'est-à-dire que l'on se fonde sur la portée des dispositions considérées. Le Conseil fédéral peut conclure seul une modification de portée mineure d'un traité international, en application de l'art. 7a, al. 2 à 4, de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA)5, même si la conclusion de ce traité a été approuvée par l'Assemblée fédérale ou bien sujette ou soumise au référendum. Les modifications de cet ordre sont aujourd'hui déjà portées à la connaissance du Parlement dans le rapport sur les traités internationaux (qui contiendrait aussi, à l'avenir, les dénonciations). Le parallélisme matériel visé par l'initiative parlementaire n'est pas une nouveauté pour ce qui concerne la modification des traités; il correspond au droit
en vigueur.

En considération de ce qui précède, le Conseil fédéral approuve le parallélisme matériel tel qu'il est exposé ci-dessus, tant pour la modification que pour la dénonciation des traités internationaux. Il est favorable à la création d'une norme de compétence concernant la dénonciation des traités et à la formulation d'une règle plus claire ayant trait à la compétence de les modifier. Il est d'avis qu'une base constitutionnelle est nécessaire pour mettre en oeuvre l'initiative parlementaire. Cette norme devrait ensuite être concrétisée au niveau de la loi.

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RS 172.010

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Considérations sur le projet de loi et sur une modification de la Constitution

3.1

Considérations sur le projet de loi

Les considérations qui suivent sont fondées sur deux prémisses: le Conseil fédéral est favorable à la création d'une norme de compétence ayant trait à la dénonciation des traités internationaux fondée sur le principe du parallélisme matériel (voir ch. 2).

Il estime cependant qu'une base constitutionnelle est nécessaire pour mettre en oeuvre l'initiative parlementaire (voir ch. 3.2).

Loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)6 Art. 152, al. 3ter L'art. 152, al. 3bis, en vigueur prévoit que le Conseil fédéral renonce à appliquer un traité international à titre provisoire si les commissions compétentes des deux conseils s'y opposent. La nouvelle disposition proposée prévoit au contraire que les traités ne peuvent pas être appliqués à titre provisoire ni dénoncés en procédure d'urgence si les commissions compétentes des deux conseils s'opposent à l'application à titre provisoire ou à la dénonciation urgente.

Le Conseil fédéral rejette la disposition proposée pour plusieurs raisons.

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­

Ce qui est donné comme une correction rédactionnelle dans le rapport7 est, à bien y regarder, un changement matériel. Le projet crée bel et bien une compétence de décision des commissions. L'application provisoire (ou la dénonciation d'urgence) d'un traité international ne relèverait plus d'une décision du Conseil fédéral. En fin de compte, cela reviendrait à transférer le pouvoir de décision concernant l'approbation de certains traités internationaux aux commissions. Certes, en droit actuel, la loi peut déléguer certaines compétences aux commissions, mais l'application ou la dénonciation de traités internationaux n'en font pas partie (voir art. 153, al. 3, Cst.).

­

L'art. 152, al. 3bis, LParl est entré en vigueur le 1er mai 2015, en même temps que l'art. 7b, al. 1bis, LOGA, après des débats nourris entre le Conseil des États et le Conseil national. Ces deux dispositions sont le résultat d'un compromis obtenu de haute lutte, selon lequel la compétence de décision a été laissée au Conseil fédéral, le Parlement se voyant accorder un vaste droit de surveillance. Il ne faut pas s'écarter sans nécessité de ce compromis ­ d'autant que ce point ne présente pas de connexité matérielle avec l'initiative parlementaire.

RS 171.10 FF 2018 3591 3606

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Loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration8 Art. 7a, al. 1 L'art. 7a, al. 1, P-LOGA prévoit que le Conseil fédéral peut conclure, modifier ou dénoncer seul des traités internationaux dans la mesure où une telle compétence lui est attribuée par une loi fédérale ou par un traité international approuvé par l'Assemblée fédérale. Pour des raisons de sécurité du droit, il doit apparaître clairement que, lorsqu'une loi fédérale ou un instrument international délègue au Conseil fédéral la compétence de conclure des traités, la compétence de dénoncer et de modifier ces traités est incluse, même en l'absence d'une mention explicite; il convient dès lors de compléter ainsi la disposition: «L'attribution de la compétence de conclure un traité international comprend celle de le modifier et de le dénoncer.» Art. 7a, al. 1bis L'art. 7a, al. 1bis, P-LOGA prévoit que le Conseil fédéral dénonce seul des traités internationaux lorsque la Constitution prescrit leur dénonciation. La procédure d'approbation de la dénonciation prévue par le projet de loi ne s'applique pas dans ce cas, par exception à la règle générale. La raison en est que si le constituant décide qu'un traité international doit être dénoncé, ni l'Assemblée fédérale, ni le peuple (et les cantons) n'ont à avaliser encore une fois cette dénonciation ­ quelle qu'en soit la portée. Cette disposition s'applique même si le Conseil fédéral n'est pas mentionné dans la norme constitutionnelle en question9.

Le Conseil fédéral propose de biffer cette disposition pour plusieurs raisons.

8 9

­

Si la norme constitutionnelle intime de manière suffisamment claire au Conseil fédéral de dénoncer seul un traité international, elle représente du droit constitutionnel directement applicable, qui prime la loi fédérale (laquelle est de rang inférieur). L'art. 7a, al. 1bis, P-LOGA et la règle de primauté qu'il instaure ne sont donc pas nécessaires. Ils ne le seraient pas non plus avec la concrétisation requise de l'initiative parlementaire au niveau constitutionnel.

Dans ce cas, le constituant exprimerait sa volonté de donner au Conseil fédéral une compétence autonome de dénonciation, en dérogation au principe général (lex specialis).

­

L'art. 7a, al. 1bis, P-LOGA pourrait de surcroît s'avérer contreproductif: si, concernant une question constitutionnelle (la dénonciation des traités internationaux), on prévoit dans une loi fédérale que la Constitution prime, on ne manquera pas de donner l'impression que toutes les normes constitutionnelles (directement applicables) adressant un mandat aussi clair soit-il au Conseil fédéral ont un moindre degré de validité lorsqu'aucune loi fédérale ne règle leur primauté, et l'on affaiblira la valeur de ces normes.

RS 172.010 FF 2018 3591 3606 s.

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Art. 7b, al. 1bis Concernant l'application des traités à titre provisoire, les mêmes considérations s'appliquent à cette disposition qu'à l'art. 152, al. 3ter, P-LParl (voir plus haut).

Art. 7bbis, al. 2 Concernant la dénonciation urgente de traités, les considérations relatives à l'art. 152, al. 3ter, P-LParl s'appliquent mutatis mutandis à cette disposition (voir plus haut).

Art. 48a, al. 1 Si la nouvelle formulation vise à ce que non seulement la conclusion, mais aussi la modification et la dénonciation de traités internationaux puissent être déléguées par le Conseil fédéral à un département, un groupement ou un office10, la 2e phrase devrait aussi inclure la possibilité de déléguer les dénonciations de portée mineure à un groupement ou à un office.

3.2

Considérations sur une modification de la Constitution

Le Conseil fédéral est d'avis que l'initiative parlementaire nécessite une mise en oeuvre par la voie d'une révision de la Constitution. Les résultats de la consultation montrent aussi que le niveau auquel l'initiative doit être concrétisée n'est pas une question secondaire mais qu'il est considéré comme un point important. Le rapport sur les résultats de la consultation montre qu'un sixième des participants à la consultation estime qu'une modification de la Constitution est absolument nécessaire. Un autre sixième des participants est d'avis que la question de la nécessité d'une modification constitutionnelle doit être examinée de manière plus approfondie. Par conséquent, un tiers des participants à la consultation n'est pas convaincu par une mise en oeuvre de l'initiative parlementaire au niveau de la loi, voire même la rejette expressément.

La modification de la Constitution peut se faire dans le cadre des dispositions actuelles; il s'agit seulement d'adapter légèrement les art. 140, al. 1, let. b, 141, al. 1, let. d, 166, al. 2, et 184, al. 2, Cst. (voir ch. 4).

10

FF 2018 3591 3607 s.

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3.2.1

Arguments en faveur d'une modification de la Constitution

3.2.1.1

Teneur matérielle des règles sur la compétence de dénoncer

La question de savoir qui est compétent pour conclure les traités internationaux est selon le droit en vigueur de rang constitutionnel, et il devrait en aller de même pour la question de savoir qui est compétent pour dénoncer les traités internationaux. La dénonciation d'un traité peut être aussi importante, pour la Suisse et les sujets de droit, que sa conclusion. La conception dominante, aujourd'hui, est que la dénonciation d'un traité ne revient pas simplement à recouvrer sa souveraineté en se dégageant de certaines obligations, mais qu'elle peut entraîner la perte de droits individuels. Si un traité international qui fonde des droits et des obligations pour les particuliers est dénoncé, cela a des conséquences directes sur le statut juridique des individus, ce qui justifie que la dénonciation ait la même légitimité démocratique que la conclusion du traité11. Les normes régissant la dénonciation, comme celles régissant la conclusion de traités, ont trait à des questions centrales de notre système politique. Les prescriptions sur les compétences des organes supérieurs de l'État et sur leurs rapports les uns avec les autres font partie des fondements du régime étatique et, de par leur importance, doivent être réglées dans la Constitution. Celle-ci devrait fixer expressément les compétences fondamentales des organes de l'État, entre autres pour des raisons de transparence.

3.2.1.2

Formulation et systématique

Lorsque le style et la structure d'une norme constitutionnelle sont similaires à celles d'une disposition légale, parce qu'elle présente un certain niveau technique ou une haute densité normative, l'interprétation obéit principalement aux mêmes méthodes que pour les actes de niveau législatif. Les nouvelles règles concernées aux art. 166, al. 2, 184, al. 2, 140, al. 1, let. b, et 141, al. 1, Cst. sont formulées comme des dispositions légales. Dès lors, pour ce type de dispositions, à la différence de ce qui se passe pour les normes constitutionnelles qui doivent très largement être concrétisées, la méthode grammaticale (sous réserve des autres méthodes d'interprétation applicables) a la même fonction que pour des dispositions légales: le choix des mots et la syntaxe sont le point de départ de toute interprétation et seuls des motifs impérieux justifient que l'on s'écarte d'une formulation claire.

Selon la grande majorité de la doctrine, le Conseil fédéral a la compétence de dénoncer les traités en vertu de l'art. 184, al. 1, Cst., qui le charge des affaires étrangères sous réserve des droits de participation de l'Assemblée fédérale. Cette règle correspond à la conception constitutionnelle des rôles, selon laquelle le Conseil fédéral dirige la politique extérieure. Il est chargé d'entretenir les relations internationales et représente la Suisse à l'étranger. Il est donc appelé à accomplir des actes de droit international, dont la négociation, la signature, la ratification, la dénoncia11

Même réflexion dans le rapport, FF 2018 3591 3599 s.

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tion et la suspension de traités internationaux. Selon cette doctrine, de la même manière que le Conseil fédéral décide d'entreprendre des négociations et de signer des traités, il peut décider d'y renoncer. Puisque c'est à lui de décider s'il est opportun ou non de s'engager dans une relation conventionnelle, il doit aussi pouvoir décider de mettre fin à une telle relation. La dénonciation n'est pas qu'un acte juridique, elle est aussi un acte politique. La compétence qu'a le Conseil fédéral de dénoncer les traités peut aussi être déduite du fait que ni un référendum, ni un arrêté d'approbation de l'Assemblée fédérale ne sont nécessaires pour y procéder.

Si l'on ne partage pas cette conception, le texte constitutionnel ne contient aucune règle de compétence concernant la dénonciation des traités internationaux. Rien ne laisse entendre, dans le texte des normes pertinentes, qu'elle requiert l'approbation de l'Assemblée fédérale ou une procédure référendaire. Les art. 166, al. 2, 184, al. 2, 140, al. 1, let. b, et 141, al. 1, let. d, Cst. ne citent que les compétences en matière de conclusion de traités internationaux, mais non en matière de dénonciation. Certains auteurs de doctrine ont cependant récemment souligné qu'il était nécessaire, dans le système actuel des compétences fixé par la Constitution, que le Parlement participe davantage à la dissolution des relations conventionnelles, réclamant pour les uns qu'il doive approuver la dénonciation des traités les plus importants12, considérant pour les autres que l'on doit déjà partir du principe d'un parallélisme entre approbation et habilitation à dénoncer les traités13.

Pour ce qui est de la systématique, la compétence de dénoncer les traités internationaux a un lien matériel étroit avec la compétence de conclure les traités. Du point de vue du Conseil fédéral, ces deux points doivent donc être réglés ensemble sur le plan tant de la matière (art. 166, al. 2, 184, al. 2, 140, al. 1, let. b, et 141, al. 1, let. d, Cst.)

que du degré normatif (niveau constitutionnel). Il convient donc, notamment du point de vue de la hiérarchie des actes, d'inscrire les normes régissant la dénonciation au même niveau que celles régissant la conclusion de traités. Si l'on veut modifier la compétence du Conseil fédéral de dénoncer seul des traités, il convient de le faire dans un acte du même rang que la norme déjà ancienne qui lui attribue cette compétence.

3.2.1.3

Nouveau: transfert de compétence

L'initiative parlementaire, s'écartant de la pratique actuelle, vise un transfert de compétence du Conseil fédéral vers l'Assemblée fédérale. L'interprétation qui a été faite pendant de nombreuses années de l'art. 184, al. 1, Cst., et selon laquelle le Conseil fédéral est en principe compétent pour dénoncer les traités internationaux, doit être abandonnée. Il convient de traduire ce changement, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité du droit, par une nouvelle norme dans la Constitution. Le fait 12

13

Giovanni Biaggini, BV Kommentar. Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft, 2e éd., Zurich 2017, art. 166, no 15; Astrid Epiney, Basler Kommentar zu Art. 166 BV, Bâle 2015, no 15.

Jörg Künzli, Basler Kommentar zu Art. 184 BV, Bâle 2015, no 27; Nina Blum/Vera Naegeli/Anne Peters, Die verfassungsmässigen Beteiligungsrechte der Bundesversammlung und des Stimmvolkes an der Kündigung völkerrechtlicher Verträge, ZBl 2013, p. 541 s., 543.

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que la compétence du Conseil fédéral n'ait que très rarement trouvé application n'y change rien; ce qui est déterminant, du point de vue juridique, est que le Parlement, pour autant que l'on sache, a longtemps partagé cette interprétation.

3.2.1.4

Extension des droits populaires

L'initiative parlementaire vise à renforcer la légitimité démocratique du droit international à l'intérieur du pays et donc à étendre les droits populaires: l'arrêté d'approbation d'une dénonciation édicté par le Parlement sera, selon sa portée, sujet au référendum et donc au vote du peuple (référendum facultatif) ou soumis au référendum et donc au vote du peuple et des cantons (référendum obligatoire).

Il doit ressortir clairement de la Constitution à quoi s'appliquent les droits populaires. L'approbation de la conclusion de traités internationaux par le peuple (et, en cas de référendum obligatoire, par les cantons) est réglée à juste titre de manière très précise dans la Constitution, sans grande marge de manoeuvre sémantique. Il devrait en aller de même pour la dénonciation de traités. La transparence des normes réglant le domaine d'application des droits populaires est essentielle dans une démocratie.

Si l'on veut que les dispositions sur les droits politiques soient accessibles à tous les citoyens qui lisent la Constitution, et non pas uniquement aux experts en droit qui ont les clefs de leur interprétation, elles doivent être explicites et suffisamment claires. Les citoyens doivent trouver la règlementation concernant leurs droits de participer à un référendum sur la dénonciation de traités internationaux à l'endroit où ils peuvent s'attendre à la trouver, c'est-à-dire à l'endroit où le référendum sur la conclusion de traités internationaux est réglé.

Édicter ces normes au niveau constitutionnel exprimerait clairement le fait qu'au titre de la démocratie directe, les droits des citoyens ont tout autant valeur constitutionnelle lorsqu'il s'agit de la dénonciation que de la conclusion de traités internationaux.

3.2.1.5

Arguments du rapport de la CIP-E

Les arguments ci-dessous, avancés par la CIP-E à l'encontre d'une modification de la Constitution, ne s'opposent pas à une modification de la Constitution.

­

Rien ­ qui s'opposerait à une modification de la Constitution ­ ne peut être déduit du rejet, lors de l'examen de la Constitution fédérale du 18 avril 1999, de la proposition visant à inscrire dans le texte une compétence du Conseil fédéral découlant directement de la Constitution pour la conclusion de traités internationaux.

­

Le «parallélisme matériel» tel qu'il est recherché par la mise en oeuvre de l'initiative est, à juste titre, un souhait politique, mais n'est pas une réalité juridique. Par conséquent, la solution souhaitée ne découle pas du droit en vigueur, mais nécessite une concrétisation juridique.

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­

3.2.2

De plus, l'argument selon lequel une modification de la Constitution n'est pas nécessaire parce que le principe de l'actus contrarius prévoit le parallélisme n'est pas pertinent. Le principe de l'actus contrarius signifie que la compétence de modifier et d'abroger le droit découle de la compétence pour édicter ce droit. Certes, la validité du principe de l'actus contrarius pour le droit interne est incontestée. C'est pourquoi il est évident que l'art. 141, al. 1, let. a Cst. ne peut être interprété que de façon à ce que non seulement l'adoption d'une loi, mais également sa modification et son abrogation sont sujettes au référendum facultatif. Dans le domaine du droit international, au contraire, le principe de l'actus contrarius n'est pas appliqué jusqu'à présent. Il doit être concrétisé dans le cadre de la mise en oeuvre de l'initiative parlementaire. C'est précisément cette concrétisation qui justifie l'initiative.

Considérations sur une modification de la Constitution

Le référendum en matière de traités internationaux est aujourd'hui réglé clairement au niveau constitutionnel, à l'art. 140, al. 1, let. b, Cst. (référendum obligatoire concernant l'adhésion à des organisations de sécurité collective ou à des communautés supranationales) et à l'art. 141, al. 1, let. d, Cst. (référendum facultatif en matière de traités internationaux qui: 1. sont d'une durée indéterminée et ne sont pas dénonçables, 2. prévoient l'adhésion à une organisation internationale, 3. contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales). Le référendum sur l'arrêté d'approbation de l'Assemblée fédérale concernant la dénonciation d'un traité international n'est en revanche pas explicitement prévu: l'adhésion à une organisation de sécurité collective ou à une communauté supranationale est soumise au référendum obligatoire, mais non le fait de s'en retirer; le référendum peut être demandé contre l'approbation de la conclusion d'un traité mentionné à l'art. 141, al. 1, let. d, Cst., mais non contre l'approbation de sa dénonciation.

Les modifications, proposées au ch. 5 du présent avis, de l'art. 140, al. 1, let. b, Cst.

pour le référendum obligatoire et de l'art. 141, al. 1, let. d, Cst. pour le référendum facultatif créeraient la base constitutionnelle ­ inexistante à ce jour ­ du référendum en matière de dénonciation de traités internationaux.

La modification de l'art. 166, al. 2, Cst. créerait la base constitutionnelle de la compétence de l'Assemblée fédérale en matière d'approbation de la dénonciation de traités internationaux.

Pour une meilleure compréhension, il est aussi recommandé de modifier l'art. 184, al. 2, Cst., pour compléter les actes de politique extérieure du Conseil fédéral relatif à la conclusion de traités (signature et ratification) par la dénonciation. Il serait en outre approprié de déterminer plus clairement dans quels cas le Conseil fédéral soumet des traités à l'approbation de l'Assemblée fédérale, en ajoutant un renvoi à l'art. 166, al. 2, Cst.

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4

Conclusion

Le Conseil fédéral est favorable à une nouvelle règle de compétence concernant la dénonciation et la modification des traités internationaux selon le principe du parallélisme matériel (voir ch. 2). Il approuve la création d'une nouvelle norme de compétence concernant la dénonciation des traités et d'une formulation plus claire concernant la compétence de modifier les traités. Il est d'avis cependant qu'une base constitutionnelle et une concrétisation au niveau de la loi sont nécessaires pour des raisons de transparence et de sécurité du droit, étant donné que la nouvelle règlementation proposée modifie une pratique constitutionnelle ancienne.

5

Propositions du Conseil fédéral pour une mise en oeuvre de l'initiative au niveau constitutionnel

Sur la base des réflexions qui précèdent, le Conseil fédéral propose les modifications de la Constitution suivantes: Art. 140, al. 1, let. b (Référendum obligatoire) 1

Sont soumises au vote du peuple et des cantons: b.

l'adhésion à des organisations de sécurité collective ou à des communautés supranationales et la sortie de ces organisations ou communautés;

Art. 141, al. 1, let. d (Référendum facultatif) Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le demandent dans les 100 jours à compter de la publication officielle de l'acte, sont soumis au vote du peuple: 1

d.

la conclusion et la dénonciation des traités internationaux qui:

Art. 166, al. 2 (Relations avec l'étranger et traités internationaux) Elle approuve la conclusion et la dénonciation des traités internationaux, à l'exception de ceux dont la conclusion ou la dénonciation relève de la seule compétence du Conseil fédéral en vertu d'une loi ou d'un traité international.

2

Art. 184, al. 2 (Relations avec l'étranger) Il signe, ratifie et dénonce les traités. Il soumet leur conclusion et leur dénonciation à l'approbation de l'Assemblée fédérale dans les cas visés à l'art. 166, al. 2.

2

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Propositions du Conseil fédéral pour une mise en oeuvre de l'initiative au niveau de la loi

Le Conseil fédéral propose en outre les modifications de lois suivantes:

Loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement14 Art. 152, al. 3ter Si les commissions compétentes des deux conseils s'opposent à l'application à titre provisoire ou à la dénonciation urgente d'un traité, il y renonce.

3ter

Loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration15 Art. 7a, al. 1 et 1bis Le Conseil fédéral peut conclure, modifier ou dénoncer seul des traités internationaux dans la mesure où une telle compétence lui est attribuée par une loi fédérale ou par un traité international approuvé par l'Assemblée fédérale. L'attribution de la compétence de conclure un traité international comprend celle de le modifier et de le dénoncer.

1

1bis

Biffer

Art. 7b, al. 1bis Biffer Art. 7bbis, al. 2 Si les commissions compétentes des deux conseils s'opposent à la dénonciation urgente d'un traité, il y renonce.

2

Art. 48a, al. 1 Le Conseil fédéral peut déléguer à un département la compétence de conclure, de modifier et de dénoncer un traité international. En ce qui concerne les traités internationaux de portée mineure et les modifications et dénonciations de portée mineure, il peut également déléguer cette compétence à un groupement ou à un office.

1

14 15

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