Cautionnements de navires de haute mer Rapport des Commissions de gestion des Chambres fédérales du 26 juin 2018

2018-1995

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L'essentiel en bref Les faits Pour garantir l'approvisionnement de la Suisse en biens vitaux en cas de guerre ou de crise, la Confédération soutient l'acquisition de navires suisses de haute mer depuis 1959 en octroyant des cautionnements aux armateurs suisses. Depuis 2008, le secteur du transport maritime connaît toutefois une crise importante, qui n'a pas épargné les armateurs suisses. Cela a conduit la Confédération à honorer des cautionnements pour 13 navires de haute mer, lesquels ont ensuite été vendus. Pour que la Confédération puisse respecter ces engagements, le Conseil fédéral a dû soumettre au Parlement un crédit supplémentaire de 215 millions de francs en mai 2017.

Dans le cadre de la gestion de cette crise, il s'est avéré que l'Office fédéral pour l'approvisionnement économique du pays (OFAE) n'avait pas correctement informé le Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR), jusqu'en juin 2015, des problèmes rencontrés par la flotte suisse. Bien que le département ait par la suite lancé différentes mesures pour gérer la crise, celles-ci n'ont pu empêcher que plusieurs armateurs n'aient pas réussi à résoudre leurs problèmes financiers, ce qui a donné lieu à la demande de crédit supplémentaire mentionnée ci-dessus. Le Parlement a adopté ce crédit le 15 juin 2017.

Eu égard aux pertes considérables essuyées par la Confédération, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG-N/E, ci-après: CdG) ont institué, le 4 juillet 2017, un groupe de travail ad hoc (ci-après: groupe de travail) chargé de vérifier s'il était nécessaire que la haute surveillance parlementaire intervienne dans le domaine des cautionnements de la flotte suisse de haute mer. Sur la base des premières investigations, les CdG ont décidé, le 25 septembre 2017, d'ouvrir une inspection en la matière. Celle-ci était axée en particulier sur la façon dont le DEFR et le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) avaient assumé leur rôle de surveillance à l'égard, respectivement, de l'OFAE et de l'Office suisse de la navigation maritime (OSNM), sur l'information de l'ensemble du Conseil fédéral et sur les enseignements tirés de cette affaire pour les autres cautionnements de la Confédération et pour la gestion des risques de la Confédération. L'inspection a également mis en lumière
le rôle du Contrôle fédéral des finances (CDF), qui avait effectué des audits auprès de l'OFAE en 2010 et 2014 et qui, après que les problèmes eurent été rendus publics, avait été chargé par le DEFR, en avril 2016, de mener une enquête administrative concernant les événements survenus au sein de l'OFAE.

La vente des bateaux et l'analyse des processus et responsabilités au sein de l'OFAE n'ont par contre pas fait l'objet de l'inspection des CdG, dans la mesure où ces aspects ont déjà été ou sont traités par d'autres organes. Ainsi, les événements survenus au sein de l'OFAE ont été examinés dans le cadre de l'enquête administrative du CDF, tandis que la Délégation des finances (DélFin) procède depuis mi-

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2015 à des investigations concernant les cautionnements et plus particulièrement le processus de vente des bateaux.

Procédure Lors de ses investigations, le groupe de travail a entendu plusieurs personnes, notamment le chef et le secrétaire général du DEFR, des représentants de l'OFAE (anciens ou actuels) et des représentants du CDF. En outre, il a passé en revue les prescriptions légales pertinentes et analysé de nombreux documents relatifs à ce sujet, comme des procès-verbaux de séances entre le DEFR et l'OFAE, des notes d'information de l'OFAE à l'intention du DEFR et du DEFR à l'intention du Conseil fédéral, ainsi que les matrices des risques issues des rapports sur les risques de la Confédération.

Principaux résultats L'enquête a montré que l'OFAE n'avait pas réagi à temps à la crise liée aux cautionnements des navires de haute mer, qu'il n'avait pas suffisamment informé le DEFR et, par conséquent, qu'il n'avait pas respecté de manière adéquate l'obligation qui lui incombait de signaler les problèmes au département.

Pour les CdG, le problème central réside également dans le fait que le DEFR a longtemps adopté une attitude passive envers l'OFAE et n'a pas assez remis en question les activités de l'office dans le cadre de ses tâches de surveillance. En particulier, le problème des cautionnements des navires de haute mer n'a jamais été abordé lors des entretiens de gestion jusqu'au moment où la crise a pris de l'ampleur, en juin 2015; de même, les problèmes mentionnés dans les notes d'information et dans les rapports sur les risques n'ont pas été suffisamment pris au sérieux. En conséquence, personne n'a réalisé que la gestion, par l'OFAE, de la question des cautionnements des navires de haute mer était lacunaire. Sur ce point, il est également significatif, aux yeux des commissions, que les compétences et les responsabilités de la direction de l'office aient parfois été interprétées de façon complètement différente au sein de l'OFAE ainsi qu'entre la tête du département et la direction de l'office, ce qui pourrait avoir contribué à l'émergence des problèmes relatifs aux cautionnements.

Les CdG estiment cependant que, une fois que la crise a éclaté, en juin 2015, le DEFR a amélioré la surveillance qu'il exerçait à l'égard de l'OFAE. Elles relèvent également que, à partir de juin 2015, le DEFR
a informé l'ensemble du Conseil fédéral de cette problématique de manière appropriée.

Par ailleurs, les commissions accueillent positivement le fait que, à la suite des problèmes rencontrés dans le secteur des cautionnements de la flotte suisse de haute mer, des leçons ont été tirées dans d'autres domaines aussi. Elles mentionnent en particulier les mesures visant à mieux tenir compte, dans le cadre de la gestion des risques de la Confédération, des risques liés aux cautionnements et à d'autres engagements similaires de la Confédération.

Une autre conclusion de l'enquête des CdG ­ moins positive en l'occurrence ­ concerne le CDF et l'enquête administrative menée par celui-ci auprès de l'OFAE.

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Les CdG sont clairement d'avis que le CDF n'aurait pas dû mener cette enquête, en raison de problèmes d'indépendance. De plus, elles estiment que l'enquête n'a pas été menée avec la rigueur requise, considérant que l'ancien chef de l'Etat-major (1991­2012) et l'ancienne déléguée (2006­2015) n'ont pas été inclus dans l'enquête. Les CdG ne comprennent pas la décision du CDF de ne pas auditionner ces deux personnes. Sur le fond, elles se demandent finalement si le CDF est l'organe approprié ­ en termes de compétences techniques ­ pour mener une enquête administrative, sachant qu'il continue de penser que sa façon de faire était correcte et rejette les critiques sur son absence d'indépendance. Dans ce contexte, il y a lieu de critiquer également le DEFR, qui a apparemment sous-estimé la question de l'indépendance du CDF.

En outre, les investigations concernant le rôle du CDF ont montré que, lors de l'enquête administrative du CDF, il y avait eu confusion entre les prescriptions de l'ordonnance sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (OLOGA), relatives aux enquêtes administratives, et celles de la loi sur le Contrôle des finances (LCF), relatives au CDF. A l'avenir, il y a lieu d'éviter de mélanger de la sorte les normes applicables.

Sur la base de ces constatations, les CdG ont formulé huit recommandations à l'intention du Conseil fédéral. Elles invitent le Conseil fédéral à prendre position sur leurs constatations et recommandations d'ici au 1er octobre 2018 au plus tard.

Elles invitent également le CDF à se prononcer jusqu'à la même date au sujet des constatations le concernant.

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Table des matières L'essentiel en bref

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1

Introduction 1.1 Contexte 1.2 Objet de l'enquête 1.3 Procédure 1.4 Structure du rapport

6241 6241 6242 6243 6244

2

Bases légales 2.1 Direction et surveillance exercées au sein des départements 2.1.1 Considérations générales et considérations spécifiques au DEFR 2.1.2 Gestion des risques 2.2 Enquête administrative 2.2.1 Droit d'être entendu 2.2.2 Indépendance

6244 6244

Les faits 3.1 Direction et surveillance de l'OFAE par le département 3.1.1 Remarques liminaires 3.1.2 Structures organisationnelles de l'OFAE 3.1.3 Phase 1: période allant jusqu'à juin 2015 3.1.4 Phase 2: à partir de juin 2015 3.2 Information de l'ensemble du Conseil fédéral 3.3 Direction et surveillance exercées par le DFAE à l'égard de l'OSNM 3.3.1 Surveillance exercée par le DFAE à l'égard de l'OSNM 3.3.2 Collaboration future entre l'OFAE et l'OSNM 3.4 Rôle du CDF 3.4.1 Introduction 3.4.2 Droit d'être entendu 3.4.3 Indépendance des organes chargés de l'enquête dans le cadre d'une enquête administrative 3.5 Enseignements tirés de cette affaire pour les cautionnements et les autres obligations comparables de la Confédération 3.5.1 Cautionnements et autres obligations 3.5.2 Enseignements tirés par la Confédération

6250 6250 6250 6251 6253 6261 6265

Appréciation 4.1 Direction et surveillance exercées par le département à l'égard de l'OFAE 4.1.1 Phase 1: jusqu'en juin 2015 4.1.2 Phase 2: à partir de juin 2015 4.2 Information de l'ensemble du Conseil fédéral

6279

3

4

6245 6247 6249 6249 6249

6266 6267 6267 6268 6268 6270 6272 6276 6276 6278

6280 6280 6287 6288 6239

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4.3

4.4

4.5

Direction et surveillance exercées par le DFAE à l'égard de l'OSNM 4.3.1 Echange d'informations au sein du DFAE concernant la flotte des navires de haute mer 4.3.2 Collaboration future entre l'OFAE et l'OSNM Rôle du CDF 4.4.1 Attribution d'un mandat d'enquête administrative 4.4.2 Droit d'être entendu et but d'une enquête administrative 4.4.3 Indépendance des organes chargés des enquêtes 4.4.4 Autres recommandations Enseignements à tirer en matière de cautionnements et autres obligations de la Confédération

6288 6289 6289 6290 6290 6292 6296 6300 6301

5

Conclusions

6302

6

Suite de la procédure

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Abréviations

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Liste des personnes auditionnées

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Rapport 1

Introduction

1.1

Contexte

Autrefois, le transport par bateau de matières premières et d'autres marchandises de grande consommation revêtait une importance toute particulière. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, la Confédération est intervenue comme armateur afin de garantir l'approvisionnement de la Suisse en biens importants. En 1947, elle a cédé ses quatre navires à des armateurs privés suisses, faisant ainsi passer la flotte marchande suisse entièrement en mains privées. De 1948 à 1959, la Confédération a octroyé des prêts à taux préférentiel pour financer la flotte maritime. Depuis 1959, elle recourt exclusivement à l'instrument du cautionnement pour soutenir le transport maritime et l'acquisition de navires de haute mer battant pavillon suisse. Ce changement accompli pour garantir l'approvisionnement et la sécurité a permis aux armateurs suisses de financer leurs navires à des conditions très favorables1. L'octroi de ces cautionnements avait pour objectif d'assurer l'approvisionnement économique du pays en garantissant les moyens de transport (par voie maritime) 2.

La flotte maritime suisse (flotte maritime) a été continuellement développée au siècle dernier, un développement encouragé de manière ciblée dans les années 90 (introduction du cautionnement solidaire, augmentation du montant maximal cautionné de 70 à 85 %). En 2002, le crédit-cadre de cautionnement a été relevé à 600 millions de francs. Le Parlement a augmenté ce crédit-cadre pour la dernière fois en 2008, de 500 millions de francs, pour parvenir à un total de 1,1 milliard de francs3.

Après l'augmentation du besoin en tonnage suite à l'ouverture du marché chinois au début des années 20004, le secteur a connu en 2008 une crise sans précédent, qui n'a pas épargné les armateurs suisses. La Confédération a dû honorer des cautionnements pour 13 navires de haute mer, lesquels ont ensuite été vendus5. Le soutien étatique et l'espoir d'une reprise prochaine ont retardé l'assainissement du marché, qui était pourtant urgent mais qui n'a pu débuter qu'en 20166. Pour que la Confédération puisse respecter ses engagements en matière de cautionnement, un crédit supplémentaire de 215 millions de francs a été soumis au Parlement, qui l'a adopté le 15 juin 2017.

1

2 3 4 5 6

Message du Conseil fédéral du 16.5.2017 concernant un crédit supplémentaire destiné à honorer des cautionnements de la Confédération au moyen du crédit-cadre en vue de garantir une flotte suffisante de navires de haute mer battant pavillon suisse, ch. 11, www.admin.ch > Documentation > Communiqués > Cautionnement de navires de haute mer: signature des contrats de vente et approbation du message sur le crédit supplémentaire (état: 11.12.2017).

Art. 27, 36 et 37 de la loi du 17.6.2016 sur l'approvisionnement du pays (LAP; RS 531); art. 22, al. 1, de l'ancienne LAP.

Message, ch. 13 Message, ch. 12 Lettre du DEFR au groupe de travail du 20.10.2017, p. 1 s.

Message, ch. 12

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En été 2015, le Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR) avait déjà décidé de ne plus octroyer de nouveaux cautionnements pour des navires sauf dans des cas exceptionnels, c'est-à-dire lorsqu'une demande de cautionnement avait été approuvée avant la construction du navire. Fin 2016, le Conseil fédéral a décidé, se fondant sur un rapport du DEFR7 et considérant que l'importance de la navigation maritime pour garantir la sécurité d'approvisionnement de la Suisse doit être relativisée8, de ne pas proposer au Parlement le renouvellement du crédit-cadre pour les cautionnements en 20179.

Par ailleurs, en avril 2016, le DEFR a lancé une enquête administrative 10 afin de faire la lumière sur les événements entourant les cautionnements de la flotte suisse de haute mer au sein de l'organe compétent en la matière, à savoir l'Office fédéral pour l'approvisionnement économique du pays (OFAE). C'est le Contrôle fédéral des finances (CDF) qui a été chargé de mener cette enquête.

Eu égard aux pertes considérables essuyées par la Confédération (cf. supra), les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont institué, le 4 juillet 2017, un groupe de travail ad hoc11 (ci-après: groupe de travail) chargé de vérifier s'il était nécessaire que la haute surveillance parlementaire intervienne dans le domaine des cautionnements de la flotte suisse de haute mer. A cette fin, le groupe de travail a auditionné des représentants du DEFR et du CDF le 17 août 2017.

Se fondant sur les résultats de cette audition, les CdG ont décidé, le 25 septembre 2017, de lancer une inspection en la matière.

1.2

Objet de l'enquête

Les CdG ont décidé que l'enquête porterait sur les éléments suivants:

7

8 9 10

11

12

1)

surveillance exercée par le DEFR sur l'OFAE; surveillance/information de l'ensemble du Conseil fédéral;

2)

surveillance exercée par le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) sur l'Office suisse de la navigation maritime (OSNM) 12;

DEFR: Rapport sur l'importance de la navigation maritime pour la politique d'approvisionnement, 21.12.2016, www.bwl.admin.ch > Thèmes > Logistique > Mesures > Recours aux navires suisses de haute mer (état: 20.6.2017).

Le Conseil fédéral ne renouvellera pas le crédit-cadre pour la promotion de la flotte suisse de haute mer, communiqué de presse du Conseil fédéral du 21.12.2016.

Message, ch. 13 Contrôle fédéral des finances (Eidgenössische Finanzkontrolle): Gewährung und Begleitung von Bürgschaften für die Schweizer Hochseeflotte, Administrativuntersuchung, finale Version, 4.4.2017 (uniquement en allemand, non publié).

Le groupe de travail est composé de la conseillère nationale Yvonne Feri (présidente), des conseillers nationaux Martin Candinas, Thomas de Courten, Michael Töngi (à partir de mars 2018, auparavant: Louis Schelbert) et Erich von Siebenthal, de la conseillère aux Etats Géraldine Savary et des conseillers aux Etats Andrea Caroni, Joachim Eder, Hans Stöckli et Beat Vonlanthen.

Considérant que le CDF a lui aussi critiqué l'activité de l'OSNM dans le domaine de la navigation maritime dans son rapport du 28.2.2017 (cf. ch. 3.3), les CdG ont décidé d'intégrer la surveillance exercée par le DFAE sur l'OSNM dans leur inspection.

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3)

rôle du CDF à la lumière de ses contrôles effectués à l'OFAE en 2010 et 2014;

4)

enseignements tirés de cette affaire pour les autres cautionnements de la Confédération et pour la gestion des risques de la Confédération.

Par contre, les événements survenus au sein de l'OFAE ne font pas l'objet de cette inspection, car ils faisaient déjà l'objet de l'enquête administrative du CDF. Le processus de vente et les interactions entre l'OSNM et l'OFAE ne sont pas non plus pris en considération dans l'inspection, car la Délégation des finances (DélFin) procède déjà à des investigations en la matière13.

Les CdG présentent dans le rapport ci-après une appréciation des faits à leur connaissance, en tant qu'organes politiques chargés de la haute surveillance parlementaire sur la gestion du Conseil fédéral et de l'administration. Eu égard au principe de séparation des pouvoirs, elles font preuve ­ autant que possible ­ d'une retenue particulière au sujet des éléments faisant l'objet de procédures judiciaires en cours.

L'inspection des CdG se concentre sur la période à partir de 2009, car les CdG ne disposent d'aucune donnée substantielle antérieure à cette date. La reconstitution des faits sur une telle période a représenté un défi et le groupe de travail a essayé de combler les lacunes des informations écrites en organisant des auditions (cf. ch. 1.3).

1.3

Procédure

Le groupe de travail s'est réuni à neuf reprises et a auditionné plusieurs personnes: le chef et le secrétaire général du DEFR, l'ancienne cheffe et l'ancien secrétaire général du Département fédéral de l'économie (DFE), des représentants de l'OFAE (anciens et actuels) ainsi que des représentants de l'Administration fédérale des finances (AFF), du CDF et du DFAE. En outre, le groupe de travail a demandé à différentes autorités et personnes de lui faire parvenir certains documents et renseignements écrits, qu'il a ensuite analysés. S'appuyant sur ces informations, le groupe de travail a pu se faire une idée plus précise de la problématique. Des documents et auditions supplémentaires ne lui auraient pas permis d'obtenir des informations inédites et pertinentes.

A l'issue des auditions, les personnes entendues ont reçu pour vérification les extraits de procès-verbal les concernant. De plus, les chapitres du projet de rapport du groupe de travail consacrés aux faits les concernant leur ont été envoyés pour avis dans le cadre de la consultation de l'administration (correction d'erreurs formelles et matérielles). Le groupe de travail a ensuite traité les réponses issues de la consultation de l'administration et de l'audition, avant d'adapter son rapport lorsque cela se révélait nécessaire.

Se fondant sur les clarifications menées par le groupe de travail, les CdG ont approuvé, lors de leur séance du 26 juin 2018, le rapport d'inspection à l'intention du Conseil fédéral, puis ont pris la décision de le publier.

13

Lettre des CdG à la DélFin du 25.9.2017.

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Il convient de souligner concernant le présent rapport que, conformément au mandat décrit plus haut, les appréciations et les conclusions qu'il contient ne se réfèrent globalement pas à l'enquête relative aux événements internes à l'OFAE, car cette question a déjà fait l'objet de l'enquête administrative du CDF.

1.4

Structure du rapport

Le rapport est structuré de la manière suivante: le chap. 2 présente les principales bases légales pertinentes. Le chap. 3 expose les faits déterminants en subdivisant les différents éléments en fonction de l'objet de l'enquête. Le chap. 4 contient l'évaluation et répond aux questions principales soulevées lors de l'inspection en se référant au chap. 3. Enfin, le chap. 5 est consacré aux conclusions dans les grandes lignes.

2

Bases légales

L'objet de l'enquête porte en particulier sur la direction et la surveillance exercées par le DEFR à l'égard de l'OFAE. Le présent chapitre expose les normes les plus importantes à ce sujet, d'abord d'un point de vue général, puis plus précisément en ce qui concerne le DEFR. De plus, les principaux éléments spécifiques à l'OFAE sont abordés pour autant qu'ils soient nécessaires à la compréhension du rapport.

Enfin, le rapport présente des explications relatives à la gestion des risques, laquelle fait également partie de l'objet de l'enquête.

Un des chapitres du présent rapport traitant du rôle du CDF dans l'enquête administrative, certaines bases légales qui concernent ce type d'enquêtes et qui sont importantes dans le cadre de l'inspection sont encore brièvement exposées.

2.1

Direction et surveillance exercées au sein des départements

Au plus haut niveau hiérarchique des règles de droit, la Constitution fédérale (Cst.) 14 dispose que le Conseil fédéral est l'autorité directoriale et exécutive suprême de la Confédération15. Il dirige l'administration fédérale, assure l'organisation rationnelle de celle-ci et veille à la bonne exécution des tâches qui lui sont confiées 16. Il est également chargé de surveiller l'administration fédérale17.

Les dispositions essentielles concernant la direction et la surveillance exercées au sein de l'administration fédérale sont inscrites, hormis certaines règles spécifiques, dans la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA) 18 et 14 15 16 17 18

Constitution (Cst.; RS 101).

Art. 174 Cst. (RS 101).

Art. 178, al. 1, Cst. (RS 101).

Art. 187, al. 1, let. a, Cst. (RS 101).

Loi du 21.3.1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA; RS 172.010).

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dans l'ordonnance sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (OLOGA)19. D'autres actes législatifs revêtent également une certaine importance dans ce domaine (voir ci-après).

2.1.1

Considérations générales et considérations spécifiques au DEFR

a) Généralités L'art. 8, al. 3, LOGA dispose que le Conseil fédéral exerce, en tant que gouvernement collégial, une surveillance constante et systématique de l'administration fédérale. La surveillance de l'administration, qui est exercée tant par le Conseil fédéral que par les départements, doit garantir l'exécution des tâches fixées par la Constitution et les lois20.

Chacun des membres du Conseil fédéral dirige un département 21. Les chefs de département définissent les objectifs de l'administration fédérale et fixent des priorités22. Ils doivent procéder à une appréciation des prestations de l'administration fédérale et réexaminer périodiquement les objectifs qu'ils lui ont fixés 23.

Les unités administratives sont tenues d'examiner périodiquement et systématiquement leurs tâches, leurs prestations, leurs procédures et leur organisation24.

Le chef ou la cheffe de département dirige le département et en porte la responsabilité politique25. Il ou elle définit les grandes lignes de la gestion du département et son organisation dans le cadre de LOGA, ainsi que la structure des offices qui lui sont rattachés26. Le Conseil fédéral édicte une ordonnance sur l'organisation de chaque département, laquelle règle les objectifs, les principes et les compétences décisionnelles du département concerné et des offices qui lui sont rattachés 27. En outre, les départements se dotent chacun d'un règlement d'organisation28 fixant leurs principes de direction et d'organisation29.

Au sein de son département, le chef ou la cheffe de département a toujours qualité pour donner des instructions, procéder à des contrôles et intervenir personnellement dans une affaire, sous réserve de dispositions particulières30.

19 20 21 22 23 24 25 26 27 28

29 30

Ordonnance du 25.11.1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (OLOGA; RS 172.010.1).

Art. 24, al. 1, OLOGA (RS 172.010.1).

Art. 35, al. 2, LOGA (RS 172.010).

Art. 36, al. 1, LOGA (RS 172.010).

Art. 36, al. 3, LOGA (RS 172.010).

Art. 27, al. 1, OLOGA (RS 172.010.1).

Art. 37, al. 1, LOGA (RS 172.010).

Art. 37, al. 2, let. a et c, LOGA; art. 43, al. 4, LOGA (RS 172.010).

Art. 28, let. a et b, OLOGA (RS 172.010.1).

Art. 29 OLOGA (RS 172.010.1); art. 16 de l'ordonnance sur l'organisation du Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (Org DEFR; RS 172.216.1).

Art. 29, al. 1, let. a et b, OLOGA (RS 172.010.1).

Art. 38 LOGA (RS 172.010).

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Les offices de l'administration fédérale centrale sont subordonnés à un département et sont liés par les instructions données par ce département31.

Chaque département dispose d'un secrétariat général. Le ou la secrétaire général est le chef ou la cheffe de l'état-major du département32. Le secrétariat général assiste le chef ou la cheffe du département dans la planification, l'organisation et la coordination des activités du département ainsi que dans les affaires de son ressort33. Il ou elle assume les tâches de surveillance que lui confie le chef ou la cheffe du département, en se tenant à ses instructions34. Ainsi, le secrétariat général du DEFR (SG-DEFR) exerce, conformément à l'Ordonnance sur l'organisation du Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (Org DEFR)35, les fonctions définies à l'art. 42 LOGA et assume des fonctions centrales 36 (soutien du chef ou de la cheffe du département, stratégie, planification, contrôle et coordination, recherche d'informations)37. Les départements sont tenus d'instaurer un contrôle interne38 et de consigner leurs activités en assurant la gestion systématique des dossiers39. (Concernant la gestion des dossiers et l'archivage, voir le ch. 4.1.1.)

b) Position de l'OFAE S'agissant de l'organisation de l'approvisionnement économique du pays, l'Org DEFR renvoie à la loi sur l'approvisionnement du pays (LAP)40 et à l'ordonnance sur l'approvisionnement économique du pays (OAEP)41. L'ordonnance ayant précédé l'Org DEFR, soit l'ordonnance sur l'organisation du Département fédéral de l'économie (Org DFE), renvoyait à la LAP en vigueur à l'époque et à l'ordonnance d'organisation de l'approvisionnement du pays 42 (qui a précédé quant à elle l'OAEP)43.

L'ordonnance d'organisation de l'approvisionnement du pays et la LAP du 8 octobre 1982 étaient en vigueur jusqu'en 2017. Elles ont toutes deux été remplacées, cette année-là, par de nouveaux actes législatifs. L'entrée en vigueur de l'OAEP, le 1er juin 2017, a permis d'adapter légèrement les dispositions relatives à l'organisation de l'approvisionnement économique du pays. Cependant, les dispositions qui suivent étaient déjà appliquées sous le régime de l'ancienne ordonnance.

Le Conseil fédéral nomme un délégué ou une déléguée à l'approvisionnement économique du pays, qui est issu des milieux économiques 44. Celui-ci ou celle-ci 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44

Art. 7, al. 3, OLOGA (RS 172.010.1).

Art. 41, al. 1 et 2, LOGA (RS 172.010).

Art. 42, al. 1, LOGA (RS 172.010).

Art. 42, al. 2, LOGA (RS 172.010).

Ordonnance du 14.6.1999 sur l'organisation du Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (RS 172.216.1).

Art. 4, al. 1, Org DEFR (RS 172.216.1).

Art. 4, al. 1, let. a à c, Org DEFR (RS 172.216.1).

Art. 21, al. 3, OLOGA (RS 172.010.1).

Art. 22, al. 1, OLOGA (RS 172.010.1).

Loi fédérale du 17.6.2016 sur l'approvisionnement économique du pays (LAP; RS 531).

Ordonnance d'organisation de l'approvisionnement du pays du 10.5.2017 (OAEP; RS 531.11).

Ordonnance d'organisation de l'approvisionnement du pays du 6.7.1983 (RS 531.11).

Art. 9 Org DEFR (RS 172.216.1); art. 9 Org DFE, état au 1.4.2007 (RS 172.216.1).

Art. 58, al. 1, LAP (RS 531); art. 53, al. 1, aLAP.

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dirige à titre accessoire l'ensemble de l'organisation chargée de l'approvisionnement économique du pays (dont fait partie l'OFAE45)46. L'ancienne ordonnance d'organisation de l'approvisionnement du pays disposait en outre que le délégué devait diriger toute l'organisation de l'approvisionnement économique du pays selon les instructions du chef ou de la cheffe du DEFR47. Le délégué ou la déléguée fixe également les objectifs et les priorités de l'organisation de l'approvisionnement économique du pays et coordonne l'activité des organes d'exécution en leur donnant des instructions (l'ancienne ordonnance d'organisation de l'approvisionnement du pays disposait seulement qu'il pouvait donner des instructions)48. L'ancienne LAP précisait de plus que le délégué ou la déléguée était subordonné au département49.

L'OAEP en vigueur dispose que cette organisation est subordonnée au département50 alors que, jusqu'à la révision mentionnée plus haut, il était indiqué que l'organisation relevait du chef du département51.

2.1.2

Gestion des risques

S'agissant de la direction et de la surveillance en matière de finances, ce sont la loi sur les finances (LFC)52 et l'ordonnance sur les finances de la Confédération (OFC)53 qui sont pertinentes. S'y ajoutent les directives sur la politique de gestion des risques menée par la Confédération54, les directives sur la gestion des risques de la Confédération55 ainsi qu'un manuel56 édictés par l'AFF.

Du point de vue de la gestion financière de l'administration, il revient au Conseil fédéral de prendre les mesures nécessaires dans le cadre du contrôle interne57. Le 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54

55

56

57

Art. 2, al. 2, OAEP; art. 4, let. a, de l'ordonnance d'organisation de l'approvisionnement du pays du 6.7.1983 (RS 531.11).

Art. 2 OAEP; art. 3 de l'ordonnance d'organisation de l'approvisionnement du pays du 6.7.1983 (RS 531.11).

Art. 8, al. 3, de l'ordonnance d'organisation de l'approvisionnement du pays du 6.7.1983 (RS 531.11).

Art. 5, al. 1, OAEP; art. 8, al. 1, de l'ordonnance d'organisation de l'approvisionnement du pays du 6.7.1983 (RS 531.11).

Art. 53, al. 1, aLAP (RS 531).

Art. 1 OAEP (RS 531.11).

Art. 2 de l'ordonnance d'organisation de l'approvisionnement du pays du 6.7.1983 (RS 531.11).

Loi du 7.10.2005 sur les finances de la Confédération (loi sur les finances, LFC; RS 611.0).

Ordonnance du 5.4.2006 sur les finances de la Confédération (OFC; 611.01).

Directives du Conseil fédéral du 24.9.2010 sur la politique de gestion des risques menée par la Confédération (FF 2010 5965), ci-après: Directives sur la politique de gestion des risques.

Directives de l'AFF du 31.3.2016 sur la gestion des risques de la Confédération, www.efv.admin.ch > Thèmes > Politique budgétaire, Bases > Politique de gestion des risques et de l'assurance (état au 29.11.2016), ci-après: Directives de l'AFF.

AFF: Handbuch der Eidgenössischen Finanzverwaltung vom 28. September 2017 zum Risikomanagement Bund (uniquement en allemand),www.efv.admin.ch > Themen > Finanzpolitik, Grundlagen > Risiko- und Versicherungspolitik (état au 29.11.2017), ci-après: Handbuch 2017 der EFV.

Art. 39 LFC (RS 611.0).

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système de contrôle interne (SCI) comprend des mesures réglementaires, organisationnelles et techniques. Les directeurs des unités administratives sont responsables de l'introduction, de l'utilisation et de la supervision du système de contrôle dans leur domaine de compétence58. Les départements et la Chancellerie fédérale (Chf) gèrent les risques dans leur domaine de compétence selon les directives du Conseil fédéral59. Ces dispositions n'ont pas changé depuis l'entrée en vigueur des versions révisées de la LFC et de l'OFC.

Le 3 décembre 2004, le Conseil fédéral a pour la première fois adopté les principes de gestion des risques60. Le 24 septembre 2010, il a émis des directives sur la politique de gestion des risques menée par la Confédération, qui ont remplacé les principes établis en 2004. Il y est indiqué que la gestion des risques est un instrument de pilotage, qu'elle fait partie intégrante des processus de travail et de conduite et qu'elle contribue à une exécution soigneuse et économe des tâches61. La gestion des risques vise à protéger le patrimoine et la réputation de la Confédération62 et à faire en sorte que les moyens disponibles soient employés de manière efficace et économique63. Pour atteindre ces objectifs, les instructions préconisent entre autres de prendre les mesures requises en se fondant sur l'exposition aux risques identifiée64.

Ces mesures visant à éviter ou réduire les risques doivent être mises en oeuvre selon la situation et le niveau des risques concernés65. La gestion des risques comprend une gestion appropriée des urgences, des crises et de la continuité66. Le Conseil fédéral, les départements, la Chancellerie fédérale et l'AFF réexaminent régulièrement la politique de gestion des risques67. Les départements doivent quant à eux assumer la responsabilité des risques les concernant et contrôler régulièrement et complètement leur exposition à ces risques68.

Se fondant sur le ch. 6, al. 1, des directives, l'AFF a édicté des directives sur la gestion des risques de la Confédération, selon lesquelles les départements doivent examiner les principaux risques des unités administratives69 et les mesures prises doivent être listées70. Les rapports sur les risques doivent comprendre la description des mesures déjà mises en oeuvre et des mesures à prendre pour réduire le risque 71.
L'AFF a, pour la première fois en 201172, publié un manuel de gestion des risques de la Confédération dans lequel elle donne des informations et des indications détail58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72

Art. 36, al. 3, OFC (RS 611.01).

Art. 50, al. 1, OFC (RS 611.01).

Politique de gestion des risques de la Confédération: nouvelles instructions du Conseil fédéral, communiqué de presse de l'AFF du 24.9.2010.

Directives sur la politique de gestion des risques, ch. 4, al. 1.

Directives sur la politique de gestion des risques, ch. 3, al. 1, let. c.

Directives sur la politique de gestion des risques, ch. 3, al. 1, let. d.

Directives sur la politique de gestion des risques, ch. 3, al. 2, let. c.

Directives sur la politique de gestion des risques, ch. 4, al. 5.

Directives sur la politique de gestion des risques, ch. 4, al. 6.

Directives sur la politique de gestion des risques, ch. 4, al. 8.

Directives sur la politique de gestion des risques, ch. 5, al. 4, let. a et c.

Directives de l'AFF, ch. 3, p. 7.

Directives de l'AFF, ch. 4.4, p. 11.

Directives de l'AFF, ch. 4.6, p. 11.

AFF: Handbuch der Eidgenössischen Finanzverwaltung vom 21. Nov. 2011 zum Risikomanagement (consulté uniquement en allemand, plus disponible sur Internet), ci-après: Handbuch 2011 der EFV.

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lées sur l'organisation de la gestion des risques au sein de la Confédération et en décrit les outils. Ce manuel a déjà fait l'objet de deux révisions73, qui n'ont toutefois pas entraîné de changements en ce qui concerne les dispositions mentionnées ciaprès. Pour ce qui est des processus de gestion de risques, le manuel prévoit que, dans le cadre de la résolution de problèmes, les mesures doivent être décrites de manière claire et, si nécessaire, subdivisées en étapes individuelles. De plus, il préconise de nommer un responsable des mesures et de fixer un délai pour leur mise en oeuvre74.

2.2

Enquête administrative

Ainsi qu'il l'a déjà été dit, le CDF a été chargé par le DEFR de mener une enquête administrative afin de faire la lumière sur les événements entourant les cautionnements de la flotte suisse de haute mer au sein de l'OFAE 75. Les bases légales concernant deux aspects des enquêtes administratives, soit le droit d'être entendu et l'indépendance des personnes chargées de l'enquête, sont brièvement exposées ci-après (explications détaillées au ch. 4.4).

2.2.1

Droit d'être entendu

Afin de déterminer clairement les faits, l'organe chargé de l'enquête procède à l'administration des preuves conformément aux dispositions de l'art. 12 de la loi fédérale sur la procédure administrative (PA)76; il ne peut cependant pas procéder à des auditions de témoins77. Les autorités et les employés de la Confédération touchés par une enquête administrative sont tenus de collaborer à la constatation des faits78. Ils peuvent consulter toutes les pièces qui les concernent et prendre position79. Ils ont en outre le droit d'être entendus80.

2.2.2

Indépendance

Les personnes auxquelles sont confiées des enquêtes administratives doivent répondre à des critères quant à leur personne, à leurs aptitudes professionnelles et à leurs compétences techniques81 et ne doivent pas exercer d'activité dans l'unité à 73

74 75 76 77 78 79 80 81

AFF: Handbuch der Eidgenössischen Finanzverwaltung vom 29. Apr. 2013 zum Risikomanagement (consulté uniquement en allemand, plus disponible sur Internet), ci-après: Handbuch 2013 der EFV. Version actuelle en allemand 28.9.2017; version actuelle en français 31.3.2016.

Handbuch 2017 der EFV, ch. 3.5.2, p. 30.

Cf. ch. 1.1.

Loi fédérale du 20.12.1968 sur la procédure administrative (PA; RS 172.021).

Art. 27g, al. 1, OLOGA (RS 172.010.1).

Art. 27g, al. 2, OLOGA (RS 172.010.1).

Art. 27g, al. 4, OLOGA (RS 172.010.1) avec renvoi aux art. 26 à 28 PA (RS 172.021).

Art. 27g, al. 5, OLOGA (RS 172.010.1) avec renvoi aux art. 29 à 33 PA (RS 172.021).

Art. 27d, al. 1, let. a, OLOGA (RS 172.010.1).

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contrôler82. Les dispositions de l'art. 10 PA relatives à la récusation s'appliquent par analogie83, étant entendu qu'elles ne s'appliquent toutefois pas à l'ensemble d'une autorité, mais seulement aux personnes physiques concernées84.

3

Les faits

Le présent chapitre décrit les faits pertinents pour l'enquête. Ceux-ci sont issus d'une part de différents documents à disposition des CdG et d'autre part d'indications transmises par les personnes auditionnées. L'appréciation des faits est ensuite présentée au chap. 4.

3.1

Direction et surveillance de l'OFAE par le département

3.1.1

Remarques liminaires

Afin de compléter les explications juridiques fournies plus haut85, le chap. 3.1.2 abordera certaines particularités organisationnelles spécifiques à l'OFAE. D'une part, ces spécificités de la structure organisationnelle de l'office permettront de mieux éclairer les faits exposés; d'autre part, elles entreront en ligne de compte dans l'appréciation des CdG.

Les ch. 3.1.3 et 3.1.4 permettront de dégager une description concrète des faits en considérant deux phases: la première s'étend de 200986 à juin 2015, moment où l'OFAE a demandé le soutien du DEFR pour régler la problématique des cautionnements de la flotte suisse de haute mer. Jusque-là, le dossier relevait en effet de la seule responsabilité de l'office; par la suite, le chef du DEFR a chargé le secrétaire général du département de le prendre en charge afin d'assurer la gestion de la crise87. La seconde phase commence donc en juin 2015 et se termine à la mise en oeuvre des recommandations du CDF en 2017; elle peut elle aussi être divisée en deux temps: une phase allant jusqu'à la clôture de l'enquête administrative et une autre couvrant la mise en oeuvre des recommandations émises à la suite de cette enquête.

82 83 84

85 86 87

Art. 27d, al. 1, let. b, OLOGA (RS 172.010.1).

Art. 27d, al. 4, let. b, OLOGA.

Breitenmoser, Stephan / Spori Fedail, Marion (2016), «Artikel 10 (N 33)». In Waldmann, Bernhard / Weissenberger, Philippe (Ed.): «Praxiskommentar Verwaltungsverfahrensgesetz (VwVG)», Zurich: Schulthess Juristische Medien AG.

Voir ch. 2.1.1.

Voir ch. 1.2.

Lettre du DEFR du 20.10.2017, pp. 3 ss.

6250

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3.1.2

Structures organisationnelles de l'OFAE

Le secrétaire général du DEFR a affirmé que l'OFAE était un office ordinaire, accompagné toutefois par une organisation de milice. Le délégué à l'approvisionnement économique du pays est issu de cette organisation de milice. En outre, le secrétaire général a confirmé que, dans le cadre des réflexions sur la réorganisation de l'OFAE, le DEFR avait conclu que ce type d'organisation convenait à l'approvisionnement économique du territoire et qu'il était judicieux de le conserver; il lui semblait en effet important que cette branche bénéficie des efforts conjugués de l'Etat, des entreprises et des milieux économiques. Une fusion avec d'autres unités administratives du DEFR n'a toutefois pas été envisagée lors de ces réflexions sur la réorganisation88.

Le chef du DEFR, l'ancienne cheffe du DFE (2006­2010) et l'ancien secrétaire général du DFE (2003­2010) ont fait valoir sur ce point que l'organisation spécifique de l'OFAE permet de bénéficier d'un grand savoir-faire et de connaissances approfondies89. L'ancienne cheffe et l'ancien secrétaire général du DFE ont par ailleurs souligné le fait que la structure actuelle de l'OFAE était, pour des raisons d'organisation, plus avantageuse au niveau des coûts que celle d'un office ordinaire90.

L'ancienne déléguée à l'approvisionnement économique du pays (2006­2015) a déclaré qu'elle ne pouvait envisager une autre structure pour cet office, car les milieux économiques ne pourraient, selon elle, satisfaire à leur mission d'approvisionnement du pays en cas de crise qu'avec l'aide de personnes connaissant parfaitement leur domaine. Elle a également ajouté qu'elle avait pu constater en diverses occasions que cette organisation avait pu être mobilisée sans aucun problème 91. Le directeur suppléant de l'OFAE a également relevé que l'implication d'une organisation de milice était le coeur même de ce système, car les milieux économiques devaient être impliqués et la plausibilité des mesures, comme des activités, devait être établie92. Concédant que les représentants de l'organisation de milice occupaient des postes dans l'économie privée, parallèlement à leurs activités dans le domaine de l'approvisionnement du territoire, l'ancien chef de l'Etat-major (1991­2012) a toutefois fait valoir qu'il était clair, tant pour l'ancienne déléguée (2006­2015) que pour les
collaborateurs à la tête de cette organisation, qu'ils se devaient d'être entièrement disponibles pour l'OFAE dans les situations de crise. Il a poursuivi en soulignant que, si la Suisse devait être confrontée à un événement majeur, il était possible que le système de milice soit débordé, mais que pour l'instant un tel événement n'était pas susceptible d'arriver93. Sur la question de l'adéquation du système de milice, le secrétaire général du DEFR a précisé que, concernant l'augmentation du 88 89

90 91 92 93

Procès-verbal de l'audition du secrétaire général du DEFR, p. 15.

Procès-verbal de l'audition du chef du DEFR, p. 7; procès-verbal de l'audition de l'ancienne cheffe du DFE (2006­2010), p. 4; procès-verbal de l'audition de l'ancien secrétaire général du DFE (2003­2010), p. 2.

Procès-verbal de l'audition de l'ancienne cheffe du DFE (2006­2010), p. 4; procès-verbal de l'audition de l'ancien secrétaire général du DFE (2003­2010), p. 2.

Procès-verbal de l'audition de l'ancienne déléguée à l'approvisionnement économique du pays (2006­2015) [ci-après: l'ancienne déléguée (2006­2015)], p. 11 s.

Procès-verbal de l'audition du directeur suppléant de l'OFAE, p. 10.

Procès-verbal de l'audition de l'ancien chef de l'Etat-major (1991­2012), p. 14.

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crédit de cautionnement en 2007, l'organisation de milice n'avait pas été impliquée: c'est l'Etat-major de l'OFAE qui en portait la responsabilité. Selon lui, on pouvait avancer qu'on n'en serait pas arrivé à cette situation (remarque des CdG: c'est-à-dire l'augmentation des cautionnements décidée par le Parlement) si l'organisation de milice avait été effectivement impliquée, car elle aurait pu agir plus efficacement pour contrer la trop grande influence de certaines personnes94. Ces affirmations ont été contestées par l'ancien chef de l'Etat-major de l'OFAE95.

Pour ce qui est de la répartition des compétences au sein de l'OFAE, l'ancienne déléguée (2006­2015) a souligné que le chef du DEFR était également le «chef» de l'OFAE96, ce que l'intéressé a contesté97. Elle a ajouté que le directeur suppléant de l'office est responsable des activités opérationnelles et de la mise en oeuvre des décisions prises. La surveillance de l'Etat-major de l'OFAE et des autres cadres relève également de ses responsabilités. La déléguée, quant à elle, était chargée de la stratégie. L'ancienne cheffe du DFE (2006­2010) a ensuite précisé que les fonctions au sein de l'office étaient réparties entre le délégué, qui était responsable de la stratégie, et le directeur suppléant, qui endossait le rôle de directeur des opérations98.

Toujours en ce qui concerne les fonctions du délégué à l'approvisionnement économique du pays, l'ancien secrétaire général du DFE (2003­2010) a déclaré que celuici portait d'un côté la responsabilité du fonctionnement des processus internes de l'office et était de l'autre côté également compétent pour les questions straté94 95

96

97

98

Procès-verbal de l'audition du secrétaire général du DEFR, p. 14.

Dans le cadre de la consultation réalisée par le groupe de travail au sujet du présent rapport, l'ancien chef de l'Etat-major de l'OFAE a indiqué que l'organisation de milice avait été incluse dans le processus lié à l'augmentation du crédit de cautionnement et que celle-ci avait soutenu le projet de l'OFAE. Il conteste en ce sens l'affirmation selon laquelle l'état-major de l'office aurait fait preuve d'une influence dominante vis-à-vis de l'organisation de milice.

Procès-verbal de l'audition de l'ancienne déléguée (2006­2015), p. 7. Dans le cadre de la consultation réalisée par le groupe de travail au sujet du présent rapport, l'ancienne déléguée (2006­2015) a affirmé que les pouvoirs décisionnels concernant l'approvisionnement économique du pays relevaient «du DEFR sur le plan formel, du chef du DEFR sur le plan personnel et du Conseil fédéral sur le plan institutionnel». Elle a en outre fait valoir que l'OFAE, malgré son appellation, n'était pas un office au sens matériel, mais un organe effectuant des tâches d'état-major pour le DEFR, et que la fonction de déléguée ne pouvait donc pas être comparée à celle de directrice d'office. Par conséquent, elle considère qu'elle devait prendre des décisions et agir selon les instructions du chef du DEFR.

Procès-verbal de l'audition du chef du DEFR, p. 8. Dans le cadre de la consultation de l'administration sur le présent rapport, le chef du DEFR a précisé qu'il gérait l'OFAE selon les mêmes principes que les autres offices, que la déléguée disposait des compétences nécessaires pour assumer la direction d'un office et qu'elle en faisait usage. Le DEFR a fait valoir que, du fait des compétences étendues de la déléguée, il a d'ailleurs fallu lui retirer la responsabilité opérationnelle du dossier des navires de haute mer après l'éclatement de la crise, en juin 2015, pour la confier au directeur suppléant. Le DEFR a par ailleurs indiqué que «les conventions d'objectifs annuelles conclues avec l'ancienne déléguée, sur proposition de cette dernière, constituaient, comme chez les autres offices, la base pour définir les grands axes et les priorités quant à la direction de l'office. Si le département n'a pas apporté l'attention nécessaire au problème des cautionnements de navires de haute mer,
c'est en grande partie parce que la déléguée a choisi de ne pas aborder concrètement ces problèmes avec le chef du DEFR dans le cadre des conventions d'objectifs.» Procès-verbal de l'audition de l'ancienne cheffe du DFE (2006­2010), p. 5.

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giques99. L'ancien chef de l'Etat-major (1991­2012) a également ajouté que l'ancienne déléguée (2006­2015) faisait partie de l'organisation de milice; l'octroi d'un cautionnement et la surveillance entrant dans le cadre des activités opérationnelles de l'OFAE, il a affirmé qu'ils relevaient donc de la responsabilité du directeur suppléant100.

Lors de son audition, le directeur suppléant de l'OFAE a, quant à lui, affirmé que la répartition des rôles actuelle au sein de l'équipe dirigeante était optimale et fonctionnait très bien. Concernant le rôle du délégué en général, il a admis que celui-ci serait extrêmement sollicité en cas de crise tant au sein de la Confédération qu'au sein de sa propre entreprise, mais que cela valait également pour les 250 autres collaborateurs de l'organisation de milice101. L'ancienne déléguée (2006­2015) travaillait à 25 % pour l'approvisionnement économique du pays102, alors que le délégué actuel occupe ce poste à 40 %103. Le chef du DEFR a informé les commissions du fait que le département ne trouvait pas de spécialiste prêt à travailler plus d'un mi-temps pour l'OFAE au regard du salaire offert pour cette fonction104.

3.1.3

Phase 1: période allant jusqu'à juin 2015

a) Réaction du département aux notes d'information de l'OFAE Notes d'information Avant que la situation ne prenne une ampleur considérable, l'OFAE a adressé au DEFR neuf notes d'information entre 2011 et juin 2015; dans ces notes, l'office informait le département de l'évolution de la situation concernant les cautionnements de la flotte suisse de haute mer. Il ressort de ces différentes notes que l'OFAE a bien informé le DEFR de la situation dès le mois de novembre 2011 (auparavant, aucune note d'information n'avait été délivrée sur ce sujet) 105. Dans la première note datant du 10 novembre 2011, l'office a fait part au département des difficultés financières rencontrées par un armateur A106. Dans les notes envoyées ultérieurement, il informait également le département qu'un autre armateur, l'armateur B, rencontrait lui aussi des problèmes financiers107.

Dans ses notes d'information, l'OFAE détaille les problèmes rencontrés par ces armateurs: ainsi, la première note fait déjà mention du fait que, sans mesures appropriées, l'armateur concerné pourrait faire faillite, ce qui aurait pour conséquence que des cautionnements devraient être octroyés108. La note du 4 septembre 2012 indique pour la première fois que des recherches sont en cours afin de trouver des investis99 100 101 102 103 104 105

Procès-verbal de l'audition de l'ancien secrétaire général du DFE (2003­2010), p. 6.

Procès-verbal de l'audition de l'ancien chef de l'Etat-major (1991­2012), p. 4.

Procès-verbal de l'audition du directeur suppléant de l'OFAE, p. 11.

Lettre de l'ancienne déléguée (2006­2015) du 15.1.2018, p. 2.

Procès-verbal de l'audition du chef du DEFR, p. 7.

Procès-verbal de l'audition du chef du DEFR, p. 7.

Notes d'information de l'OFAE à l'intention du DEFR des 10.11.2011, 20.4.2012, 4.9.2012, 14.12.2012, 18.6.2013, 19.9.2013, 25.2.2014, 27.11.2014 et 23.1.2015.

106 Note d'information de l'OFAE à l'intention du DEFR du 10.11.2011, pp. 1 ss.

107 Voir par ex. la note d'information de l'OFAE à l'intention du DEFR du 14.12.2012.

108 Note d'information de l'OFAE à l'intention du DEFR du 10.11.2011, p. 3.

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seurs pour la compagnie maritime de l'armateur B. Les difficultés liées à cette recherche sont mentionnées dans plusieurs notes d'information par la suite109. Enfin, dans sa note du 27 novembre 2014, l'office admet que les signes qui avaient laissé penser à une stabilisation de la situation financière des armateurs ne s'étaient pas vérifiés110. Or, selon les documents consultés et les auditions qui ont été menées, il ne semble pas que le DEFR ait réagi à ces informations111.

Dans ces notes, l'office affirme toutefois à plusieurs reprises qu'une solution est en vue, et que selon lui, la recherche d'investisseurs pourrait encore se révéler fructueuse112 et les répercussions sur la Confédération pourraient donc être limitées.

L'office rappelle par ailleurs dans une des notes que, si la Confédération ne pouvait pratiquement pas éviter de subir des pertes en cas de réalisation du gage, elle serait par la suite propriétaire des bateaux concernés et aurait dès lors le temps nécessaire pour trouver une solution optimale pour les indemnités113.

En 2013, après avoir reçu la note du 18 juin 2013, le département a demandé à l'OFAE si ce dernier avait besoin qu'il intervienne114. Il lui a été répondu que son intervention n'était alors pas nécessaire115. Par la suite, on ne constate aucune autre réaction du DEFR aux notes d'information de l'OFAE.

Pour apporter des précisions quant à la fonction de ces notes d'information, le chef du DEFR a expliqué qu'elles étaient généralement utilisées lorsqu'il devait être mis au courant de certains faits sans qu'il y ait obligatoirement lieu de prendre des mesures. Il a également précisé qu'il ne pouvait prendre une décision que si une proposition était déposée116.

109

110 111

112 113 114 115 116

Note d'information de l'OFAE à l'intention du DEFR des 4.9.2012, pp. 1 ss, 14.12.2012, 18.6.2013, 19.9.2013 et 25.2.2014. La note du 14.12.2012 indique par ex. que la recherche d'investisseurs était infructueuse (jusque-là). La note du 18.6.2013 présentait cette recherche comme un énorme défi.

Note d'information de l'OFAE à l'intention du DEFR du 27.11.2014, pp. 1 ss.

Dans le cadre de la consultation de l'administration sur le présent rapport, le DEFR a fait valoir à ce sujet les arguments suivants: «Dans la note d'information du 23 janvier 2015 transmise en complément de la note d'information du 27 novembre 2014, l'OFAE a expliqué que le contrat de cautionnement arriverait définitivement à échéance le 7 juin 2015, après une durée de 15 ans, et qu'il n'était pas possible de prendre d'autres mesures immédiates. Il a ajouté que des discussions avaient déjà été menées avec l'AFF et la banque créancière et que celle-ci allait décider en mars 2015 si elle comptait entamer les démarches nécessaires en vue d'une sollicitation des cautionnements. Pour le DEFR, la suite de la procédure, la marge de manoeuvre à disposition et la nécessité d'une éventuelle intervention de sa part ont ainsi été clarifiées.» Note d'information de l'OFAE à l'intention du DEFR du 18.6.2013, pp. 1 ss.

Note d'information de l'OFAE à l'intention du DEFR du 18.6.2013, p. 2.

Courriel du SG-DEFR à l'OFAE du 25.6.2013.

Courriel de l'OFAE au DEFR du 26.6.2013.

Lettre du DEFR du 21.1.2018, p. 2.

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Informations fournies par les personnes auditionnées Les informations mentionnées précédemment et tirées des documents analysés ont globalement été confirmées par les personnes entendues au cours des auditions. Le secrétaire général du DEFR a indiqué que l'OFAE avait tiré la sonnette d'alarme dans l'une de ces notes d'information117. Le chef du département avait alors immédiatement demandé dans quelle mesure le DEFR pouvait apporter son soutien à l'office, qui lui avait fait savoir qu'il n'en avait à ce moment-là pas besoin. La note suivante, envoyée quelques mois plus tard au département, avait donné une impression bien meilleure de l'évolution de la situation118. Le directeur suppléant de l'OFAE a confirmé l'avis du chef du DEFR119. Pour sa part, l'ancienne déléguée (2006­2015) ne s'en souvenait pas, mais elle doutait avoir rejeté une offre de soutien qui serait venue du département120. Le chef du DEFR a par ailleurs précisé que, dans ce genre de situation, le département demandait toujours un complément d'information à l'office concerné121.

b) Traitement par le département du rapport sur les risques établi par l'OFAE Matrices des risques (riskmaps) Comme indiqué au ch. 2.1, les départements établissent un récapitulatif des risques qu'ils encourent dans une matrice des risques: ces risques y sont classés en fonction de la probabilité de leur réalisation et des répercussions qu'ils pourraient alors avoir122. Ces matrices comportent différentes rubriques, dont les répercussions possibles et leur probabilité d'occurrence ­ mentionnées plus haut ­ mais aussi la description du risque considéré, ses causes et les mesures à prendre le cas échéant.

En 2009, l'OFAE a intégré pour la première fois le cautionnement de la flotte suisse de haute mer dans le rapport sur les risques en le qualifiant de troisième plus gros risque pour l'office. Dans la description du risque, l'OFAE précisait en 2009 que la Confédération était responsable auprès des banques si l'un des propriétaires des bateaux suisses se trouvait dans l'incapacité d'honorer le remboursement de son prêt. La possibilité de recours de la Confédération contre l'emprunteur était également mentionnée tout comme le droit de gage sur les bateaux. Il était également précisé que la valorisation de la créance et sa réalisation restaient à déterminer 123.
Dans la rubrique concernant les causes, il était mentionné que la Confédération était responsable en tant que garant si un armateur n'était plus en mesure de remplir ses obligations envers une banque et que, dans ce cas, elle devrait assumer le paiement de sommes considérables (jusqu'à 30 millions de francs)124.

117 118 119 120 121 122 123 124

Les documents analysés, surtout les notes d'information, montrent que cela était le cas en 2013.

Procès-verbal de l'audition du secrétaire général du DEFR, p. 11.

Procès-verbal de l'audition du directeur suppléant de l'OFAE, p. 6.

Procès-verbal de l'audition de l'ancienne déléguée (2006­2015), p. 10.

Procès-verbal de l'audition du chef du DEFR, p. 4.

Handbuch 2017 der EFV, annexe 1, p. 56 (uniquement en allemand).

Matrice des risques de l'OFAE du 15.10.2009, p. 3.

Matrice des risques de l'OFAE du 15.10.2009, p. 3. Du point de vue des CdG, le montant cité ne devrait couvrir les frais que pour un seul bateau.

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La matrice des risques informait également sur les mesures mises en oeuvre par rapport aux risques identifiés, soit des mesures de sûreté et de contrôle, notamment un contrôle permanent de la solvabilité par les banques, le devoir d'information incombant aux banques, une surveillance financière et économique permanente par l'OFAE, l'inspection des bateaux par l'OFAE, l'obtention de sûretés par la Confédération (droit de gage sur les bateaux, cession des prétentions sur les assurances des bateaux)125.

En 2009, les possibles répercussions des risques étaient jugées comme modérées et la probabilité de leur réalisation comme rare126. En 2012, les appréciations inscrites dans ces rubriques ont été relevées à «importantes» pour les répercussions et «probable» pour la probabilité d'occurrence. Les données concernant la description, les causes et les mesures à prendre n'ont toutefois pas été modifiées127.

Force est de constater que les indications des rubriques portant sur la description et les causes n'ont pratiquement pas changé durant plusieurs années, ne connaissant que quelques adaptations. Les indications concernant les mesures à prendre sont d'ailleurs restées les mêmes jusqu'au rapport sur les risques de 2015, qui n'a pas non plus apporté de changement.

Informations fournies par les personnes auditionnées et par d'autres sources Le directeur suppléant de l'OFAE a confirmé que l'office a fait parvenir le rapport sur les risques aux responsables des finances et de la logistique du SG-DEFR. Il souligne toutefois qu'il n'a pas connaissance de ce qui a été fait de ce rapport une fois qu'il a été remis128. L'ancienne déléguée (2006­2015) a également informé les commissions qu'aucun des cinq rapports sur les risques envoyés au DEFR entre 2010 et 2015 n'avait suscité de réaction de la part du département 129.

S'exprimant sur les processus relatifs à la gestion des risques au niveau du département, le secrétaire général du DEFR a indiqué que les matrices des risques étaient remplies par l'office lui-même, retravaillées ensuite au niveau du service chargé des ressources et de la logistique du SG-DEFR et examinées sur le fond par des rapporteurs, qui possèdent les connaissances approfondies nécessaires 130. Le secrétaire général adjoint du DEFR vérifie la procédure prévue pour les risques dont la probabilité
est la plus grande. Les matrices des risques sont ensuite soumises au secrétaire général, qui porte la responsabilité de leur contenu131. Les risques étant nombreux, 125 126 127 128 129

Matrice des risques de l'OFAE du 15.10.2009, p. 3.

Matrice des risques de l'OFAE du 15.10.2009, p. 3.

Matrice des risques de l'OFAE du 6.11.2012, p. 3.

Procès-verbal de l'audition du directeur suppléant de l'OFAE, p. 7.

Procès-verbal de l'audition de l'ancienne déléguée (2006­2015), p. 9. Il faut préciser que le terme «rapports» recouvre les rapports sur les risques, qui sont établis annuellement. La question des cautionnements de la flotte suisse de haute mer n'a été introduite dans le rapport sur les risques qu'en 2009 (matrice des risques d'octobre 2009).

130 Le secrétaire général du DEFR souligne toutefois que le SG-DEFR ne dispose pas de grandes connaissances, ni n'a une grande expérience, en ce qui concerne la flotte de haute mer (procès-verbal de l'audition du secrétaire général du DEFR, p. 11). Le chef du DEFR confirme ces propos en ajoutant que les rapporteurs ne reçoivent pas de formation spéciale pour le contrôle des matrices des risques (lettre du DEFR du 21.1.2018, p. 4).

131 Selon les informations fournies par le DEFR, le secrétaire général contrôle aujourd'hui personnellement toutes les matrices des risques (lettre du DEFR du 21.1.2018, p. 7).

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le chef du département n'est, quant à lui, pas en mesure de contrôler toutes les matrices132.

Dans le cadre de l'inspection, le chef du DEFR a reconnu que, jusqu'à ce que la crise éclate en juin 2015, la gestion des risques avait été insuffisante et inadéquate au niveau de l'office comme du département. Lui-même n'avait pris conscience de l'ampleur des risques qu'à partir du 25 juin 2015 lorsqu'il en avait été avisé par l'OFAE133. Jusqu'au mois de juin 2015, ni lui ni le secrétariat général du département ne s'étaient rendus compte de l'ampleur que pourraient prendre les risques et les dommages potentiels liés aux cautionnements en haute mer 134. Il a toutefois indiqué qu'il avait aussi l'impression, a posteriori, que l'ancienne déléguée (2006­ 2015) ne l'avait pas informé correctement135.

Le chef du DEFR a en outre souligné qu'aucune recherche d'informations importantes pour l'évaluation des risques n'avait été faite à l'époque (par ex. prix minimal en cas de vente aux enchères des bateaux; cadre légal). Il a toutefois précisé que, depuis 2015, les bases de l'évaluation des risques financiers ont fondamentalement changé136.

Lors de son audition, l'ancienne cheffe du DFE (2006­2010) a signalé que le rapport sur les risques était discuté avec l'office au moins une fois par an depuis 2007 ou 2008137. Concernant la gestion des risques, l'ancien secrétaire général du DFE (2003­2010) a indiqué que celle-ci reposait sur une approche aussi bien descendante (top-down) qu'ascendante (bottom-up). Les unités identifiaient et évaluaient les risques les concernant (approche bottom-up). La plausibilité de ces risques était ensuite évaluée à l'échelon du département (approche top-down). Il s'agissait en particulier de déterminer si les risques avaient été entièrement identifiés, s'ils avaient été établis de manière cohérente par rapport à l'année précédente et si des changements étaient intervenus à ce niveau. Ce contrôle était effectué en premier lieu par des rapporteurs qui, d'après l'ancien secrétaire général du DFE, disposaient des connaissances requises à cet effet138.

De son côté, l'AFF a expliqué au groupe de travail qu'elle établissait les normes méthodologiques et les exigences minimales en matière de gestion des risques, et proposait des formations adéquates. De plus, elle utilise une application
informatique spécifique et doit établir un rapport139. Une fois par an, elle mène des entretiens avec les départements en vue d'actualiser et de définir la plausibilité des risques indiqués. Si elle repère un problème, celui-ci est soumis à la Conférence des secrétaires généraux et, à un certain degré, il fait également l'objet d'une discussion au sein du Conseil fédéral (risques du Conseil fédéral). L'AFF ne peut toutefois procéder à un examen matériel des informations fournies par les départements, car elle n'a pas les connaissances techniques nécessaires ­ connaissances qu'ont en 132 133 134 135 136 137 138 139

Procès-verbal de l'audition du secrétaire général du DEFR, pp. 11 s.

Lettre du DEFR du 20.10.2017, pp. 7 s.

Lettre du DEFR du 30.11.2017, p. 3.

Procès-verbal de l'audition du chef du DEFR, pp. 5 s.

Lettre du DEFR du 20.10.2017, p. 8.

Procès-verbal de l'audition de l'ancienne cheffe du DFE (2006­2010), p. 3.

Procès-verbal de l'audition de l'ancien secrétaire général du DFE (2003­2010), p. 4.

Rapport de l'AFF à l'intention des CdG du 11.10.2017, p. 2.

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revanche les unités administratives140. Lors du contrôle du rapport sur les risques effectué en décembre 2012, l'AFF a demandé au DEFR si la probabilité de l'occurrence des risques en matière de cautionnement des navires de haute mer et leurs répercussions était correctement estimée. Par la suite, une nouvelle évaluation a été réalisée141. Concernant les informations identiques contenues dans différents rapports sur risques, les représentants de l'AFF ont souligné que le fait que des informations restent identiques pendant plus de dix ans était un signe que les risques encourus n'étaient pas suffisamment pris au sérieux142.

c) Entretien de gestion entre le département et l'office En substance, le chef du DEFR a expliqué que la surveillance exercée sur l'OFAE s'était déroulée d'après une conception tout à fait normale de la gestion, et selon laquelle il avait régulièrement rencontré (quatre fois par an) l'OFAE. Lors de ces réunions, les représentants de l'office étaient certes bien préparés; toutefois, ils n'ont pas démontré de manière convaincante que la gestion de l'OFAE était efficace. Il a également reconnu que la gestion et la surveillance exercées par le département sur l'OFAE alors qu'il était en place avaient été insuffisantes 143.

Le secrétaire général du DEFR a indiqué que le département avait organisé des séances avec l'OFAE dans le cadre de son activité de gestion et de surveillance (remarque: discussions entre le chef du département et d'autres personnes compétentes du SG-DEFR d'une part et le directeur et des représentants de l'office concerné d'autre part). Ces séances avaient lieu à des fréquences différentes selon la taille de l'office. Pour ce qui est de l'OFAE, elles se tenaient à l'origine tous les trois mois environ; plusieurs de ces séances ont toutefois été annulées par la déléguée, faute d'objets à traiter, à la suite de quoi le rapporteur compétent du DEFR était intervenu144. L'ancienne déléguée (2006­2015) a déclaré qu'elle ne pouvait prendre position sur ce point et qu'elle ne comprenait pas les propos du secrétaire général du DEFR145.

L'ancienne cheffe du DFE (2006­2010) et l'ancien secrétaire général du DFE (2003­2010) ont confié que l'OFAE était dirigé avec une grande rigueur (comme d'autres offices du département); des réunions bimensuelles étaient réalisées avec
la direction, auxquelles participait l'ancienne déléguée146. Sur ce point, l'ancienne cheffe du DFE (2006­2010) a ajouté que le rapporteur compétent prenait contact au moins une fois par semaine avec l'office147.

140 141

142 143 144 145 146 147

Procès-verbal de l'audition des représentants de l'AFF, p. 2.

Comme indiqué précédemment, les appréciations inscrites dans les rubriques concernées ont été relevées en 2012 à «importantes» pour les répercussions et «probable» pour la probabilité d'occurrence.

Procès-verbal de l'audition des représentants de l'AFF, pp. 1 s.

Procès-verbal de l'audition du chef du DEFR, pp. 1 ss.

Procès-verbal de l'audition du secrétaire général du DEFR, pp. 12 s.

Procès-verbal de l'audition de l'ancienne déléguée (2006­2015), p. 8.

Procès-verbal de l'audition de l'ancienne cheffe du DFE (2006­2010), p. 3; procès-verbal de l'audition de l'ancien secrétaire général du DFE (2003­2010), pp. 2 et 6.

Procès-verbal de l'audition de l'ancienne cheffe du DFE (2006­2010), p. 3.

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Selon les informations fournies par le DEFR, les dates des entretiens ayant eu lieu avant 2009 ne sont plus connues et les procès-verbaux des séances ayant eu lieu avant 2013 ne sont plus disponibles148. L'ancienne cheffe du DFE (2006­2010) a toutefois affirmé que des procès-verbaux de ces séances avaient bien été établis149.

A partir de 2013, les procès-verbaux ont été dressés sous la forme de courriels, qui étaient envoyés par le DEFR aux personnes ayant participé à la séance (et parfois à des tierces personnes). Il ressort de ces procès-verbaux que, entre le moment où ils ont commencé à être dressés et celui où la crise a pris de l'ampleur, soit en juin 2015, la question des cautionnements de la flotte suisse de haute mer n'a jamais été abordée lors des réunions150.

Le directeur suppléant de l'OFAE a fait valoir que, en raison de la confidentialité entourant les cautionnements de la flotte suisse de haute mer, l'ancienne déléguée (2006­2015) ne souhaitait pas à l'époque discuter des notes d'information établies sur ce sujet lors des séances entre le département et l'office, mais entendait plutôt passer par le canal d'entretiens bilatéraux, en marge des rapports des directeurs d'office (rencontre du chef du département et du secrétaire général avec les directeurs d'office). Toutefois, il n'a pas pu confirmer qu'elle avait effectivement procédé ainsi151. L'ancienne déléguée (2006­2015) a, quant à elle, contesté ces propos152.

Le chef du DEFR a déclaré que la déléguée n'avait jamais ni lors des séances entre le département et l'office ni dans le cadre d'entretiens bilatéraux (par ex. lors de l'entretien de fin d'année), activement abordé avec lui les problèmes liés au cautionnement de navires de haute mer153.

Il a également souligné que les thèmes abordés lors des séances avec l'office sont principalement fixés par l'office (obligation de proposer un ordre du jour)154.

d) Réexamen des bases des cautionnements Dans le cadre de son audition, le chef du DEFR a déclaré que la base des cautionnements des navires de haute mer, et plus précisément la nécessité de ces cautionnements pour garantir l'approvisionnement économique du pays, n'avait pas fait l'objet d'un examen périodique de la part du DEFR. L'ancienne déléguée (2006­ 2015) a confirmé ces propos et s'est référée au rapport «Orientation
stratégique de l'approvisionnement économique du pays»155 approuvé par le département et publié en novembre 2014. Selon elle, cette stratégie visait à garantir une flotte suffisante de navires de haute mer battant pavillon suisse156. Le directeur suppléant de l'OFAE a fait valoir que des travaux préparatoires en vue d'une analyse des besoins fondée sur la politique d'approvisionnement avaient été entrepris en 2013, mais n'avaient pas 148 149 150 151 152 153 154 155

Vue d'ensemble des dates de séances du DEFR du 5.10.2017.

Procès-verbaux de l'audition de l'ancienne cheffe du DFE (2006­2010), p. 6.

Vue d'ensemble des dates de séances du DEFR du 5.10.2017.

Procès-verbal de l'audition du directeur suppléant de l'OFAE, p. 5.

Lettre de l'ancienne déléguée (2006­2015) du 15.1.2018, p. 2.

Lettre du DEFR du 30.11.2017, p. 3.

Lettre du DEFR du 21.1.2018, p. 3.

Office fédéral pour l'approvisionnement économique du pays, «Orientation stratégique de l'approvisionnement économique du pays», novembre 2014, www.bwl.admin.ch > L'OFAE > Stratégie (état au 17.1.2018).

156 Lettre de l'ancienne déléguée (2006­2015) du 15.1.2018, pp. 5 s.

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été poursuivis. Ce n'est qu'en 2016 que ces travaux ont été repris157. A ce propos, le chef du DEFR a confirmé que ce sont les investigations menées en 2016 et 2017158 qui ont permis de constater que les risques de pénurie en matière d'approvisionnement économique du pays ne se situaient pas au niveau de la flotte de haute mer, mais étaient plutôt dus à la redistribution des marchandises par voie terrestre (transport routier). Le département n'avait pas conscience du fait que la capacité en navires de haute mer était trop importante159. L'ancienne déléguée (2006­2015) a indiqué que, généralement, pour le chef du DEFR, l'important était que la mission d'approvisionnement du pays soit assurée en permanence et que la disponibilité des moyens logistiques en matière de fret maritime soit garantie pour les milieux économiques afin qu'ils soient en mesure, en cas de crise, de remplir leur rôle et de veiller à l'approvisionnement du pays160.

L'ancien secrétaire général du DFE (2003­2010) a souligné que ni le Conseil fédéral ni le département n'avaient remis en cause la nécessité pour la Suisse de disposer de sa propre flotte de navires de haute mer. Les cautionnements relatifs à ces navires ont par contre été régulièrement remis en question. A l'époque toutefois, on attendait de l'Etat qu'il intervienne davantage (programmes d'impulsion, crédits hôteliers) 161.

Revenant sur le message remis en 2007 par le Conseil fédéral relatif au crédit supplémentaire destiné à honorer des cautionnements de la Confédération, l'ancienne cheffe du DFE (2006­2010) et l'ancien secrétaire général du DFE (2003­2010) ont affirmé que ce dernier n'avait donné lieu à aucune discussion au sein du Conseil fédéral. Seul le DFJP avait demandé, dans un co-rapport, de renoncer aux cautionnements des navires de haute mer et de laisser les entreprises concernées exercer leur activité sur le marché162.

Le chef du DEFR a déclaré au groupe de travail qu'on (remarque des CdG: vraisemblablement le département ou le Conseil fédéral) aurait déjà dû se rendre compte, à ce moment-là, qu'il était inutile de demander un crédit supplémentaire, mais que les connaissances à ce sujet manquaient alors163.

157 158

159 160 161 162 163

Procès-verbal de l'audition du directeur suppléant de l'OFAE, p. 6.

Les investigations en question se réfèrent vraisemblablement au «Rapport sur l'importance de la navigation maritime pour la politique d'approvisionnement» du DEFR du 21.12.2016 (www.admin.ch > Documentation > Communiqués > «Le Conseil fédéral ne renouvellera pas le crédit-cadre pour la promotion de la flotte suisse de haute mer» [état au 19.12.2017]).

Procès-verbal de l'audition du chef du DEFR, p. 5.

Lettre de l'ancienne déléguée (2006­2015) du 15.1.2018, p. 8.

Procès-verbal de l'audition de l'ancien secrétaire général du DFE (2003­2010), p. 3.

Procès-verbal de l'audition de l'ancienne cheffe du DFE (2006­2010), p. 5; procès-verbal de l'audition de l'ancien secrétaire général du DFE (2003­2010), p. 2.

Procès-verbal de l'audition du chef du DEFR, p. 2.

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3.1.4

Phase 2: à partir de juin 2015

a) Introduction En juin 2015, le DEFR a été informé par deux notes de l'OFAE de la situation de la flotte de haute mer et des problèmes qui se posaient164.

Dans sa note d'information du 23 juin 2015, l'OFAE indiquait que la situation s'était aggravée et que, financièrement, le groupe d'entreprises C était dans une mauvaise posture, ce qui augmentait considérablement le risque de devoir honorer les cautionnements le concernant. L'AFF et la banque concernée avaient refusé une demande de refinancement, soit une demande de relèvement du prêt cautionné dans les limites des amortissements déjà réalisés 165. En tout, les difficultés de ces entreprises pouvaient obliger la Confédération à honorer des cautionnements à hauteur de 200 millions de francs. Pour ce qui était du groupe d'entreprises B, les opérations d'assainissement étaient toujours en cours, sans succès toutefois. L'Office suisse de la navigation maritime (OSNM), chargé de la surveillance des navires de haute mer battant pavillon suisse166, avait demandé au groupe d'entreprises B, eu égard aux quatre sociétés propriétaires appartenant au groupe, de maintenir son capital propre au niveau minimum fixé dans l'ordonnance sur la navigation maritime, soit à 8 %.

Sinon, les entreprises risquaient d'être radiées du registre des navires suisses167. Au total, les cautionnements à honorer pour le groupe d'entreprises B pouvaient se monter à presque 100 millions de francs168.

Dans sa note d'information du 24 juin 2015, qualifiée de demande urgente de soutien, l'OFAE a ajouté que, en ce qui concernait le groupe d'entreprises C, la Confédération devait tabler sur une insuffisance de gage considérable étant donné 164

165 166 167

168

En ce qui concerne l'information transmise par l'OFAE au DEFR à la fin juin 2015, il a été fait référence en partie à une note d'information de l'office du 25.6.2015. Il a également été question des différentes versions de cette note. Les CdG n'ont pas pu éclaircir toutes les questions sur ce point. Elles estiment toutefois que ces questions ne sont pas primordiales puisqu'elles portent surtout sur des événements internes à l'OFAE, qui, comme indiqué au ch. 1.2, ne font pas l'objet de son inspection. Pour les CdG, c'est le fait que le DEFR a pris conscience de l'ampleur de la crise à partir de la fin juin 2015 qui est essentiel.

Message, ch. 21, p. 20.

Art. 8, al. 2, de la loi fédérale du 23.9.1953 sur la navigation maritime sous pavillon suisse (RS 747.30).

Dans le cadre de la consultation réalisée par le groupe de travail au sujet du présent rapport, l'ancien chef de l'Etat-major de l'OFAE a déclaré que l'appréciation juridique réalisée par l'OSNM concernant le capital propre du groupe d'entreprises B s'était révélée erronée et que l'OSNM était finalement revenu sur sa menace de les radier du registre des navires suisses. Dans la réponse qu'il a fait parvenir au groupe de travail, l'OSNM a démenti l'argumentation de l'ancien chef de l'Etat-major, indiquant que les fonds propres requis pour les navires étaient clairement définis à l'art. 5e, al. 3, de l'ordonnance sur la navigation maritime (RS 747.301) et que, selon la définition concernée, les prêts avec postposition de créances n'étaient pas des fonds propres. L'office estime par conséquent qu'il est faux d'affirmer que l'appréciation de l'OSNM et du directeur suppléant de l'OFAE n'était pas correcte. C'est pour d'autres raisons, selon lui, que l'OSNM a renoncé à retirer la lettre de mer au sens de l'art. 27, al. 2, de la loi sur la navigation maritime (RS 747.30) [entre-temps, les dispositions relatives aux fonds propres étaient de nouveau respectées].

Note d'information de l'OFAE à l'intention du DEFR du 23.6.2015, pp. 1 s.

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l'absence d'amortissement depuis 2009 et la valeur très basse des navires. En cas de faillite, cette valeur pourrait encore diminuer, puisqu'il ne serait plus possible de les faire naviguer faute de liquidités. L'OFAE proposait une réévaluation des crédits, mais une des banques concernées exigeait pour cela d'obtenir une déclaration garantissant l'absence de dommage qui aurait fait exploser le cadre du cautionnement à respecter pour la réévaluation des crédits. Il a alors été demandé au DEFR de prendre contact avec ladite banque pour essayer de la convaincre de cette réévaluation169.

b) Mesures prises par le DEFR à partir de juin 2015 Le chef du DEFR a confié qu'il avait, sur la base d'une analyse des informations contenues dans les notes des 23 et 24 juin 2015, pris les décisions suivantes (points 1 à 3)170: 1) Mesures en vue d'éviter un effondrement imminent La décision prise par le DEFR afin d'éviter un effondrement imminent171 s'appuie sur la gestion de crise et l'intention d'éviter une perte intégrale pour la Confédération. Elle concerne notamment la procédure de vente, dont la surveillance fait partie du mandat de la DélFin. Par conséquent, les CdG ont informé la DélFin qu'elles renonçaient à poursuivre leur contrôle sur cette procédure dans la mesure où cette question était déjà suivie par la délégation dans le cadre de son mandat de haute surveillance172. C'est pourquoi ce thème ne sera pas approfondi dans ce rapport.

2) Mesures de contrôle de la politique en matière de cautionnement des navires de haute mer A la demande du DEFR lui-même, le Conseil fédéral l'a chargé, le 1er juillet 2015, de procéder à un réexamen de la politique de maintien d'une flotte suffisante de navires de haute mer battant pavillon suisse, notamment de l'instrument des cautionnements173. Le 18 décembre 2015, le DEFR a été chargé de procéder jusqu'à décembre 2016 à un contrôle de la politique de la Confédération en la matière. Le 21 décembre 2016, le Conseil fédéral a décidé, sur la base du rapport du DEFR174, qui avait constaté la forte diminution de l'importance de la flotte suisse dans la perspective de l'approvisionnement du pays, de ne pas proposer au Parlement de renouveler le crédit-cadre de cautionnement175.

169 170 171 172 173 174

175

Note d'information de l'OFAE à l'intention du DEFR du 24.6.2015, pp. 1 s.

Lettre du DEFR du 20.10.2017, p. 3.

On entend par là l'insolvabilité de certains armateurs et la possible perte intégrale que subirait la Confédération dans ce cas (lettre du DEFR du 20.10.2017, p. 3).

Lettre des CdG à la DélFin du 25.9.2017.

Lettre du DEFR du 20.10.2017, p. 5.

DEFR: Rapport sur l'importance de la navigation maritime pour la politique d'approvisionnement, 21.12.2016, www.admin.ch > Documentation > Communiqués > «Le Conseil fédéral ne renouvellera pas le crédit-cadre pour la promotion de la flotte suisse de haute mer» (état au 19.12.2017).

Lettre du DEFR du 20.10.2017, p. 5.

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3) Enquête sur la crise concernant les cautionnements de la flotte suisse de haute mer Le chef du DEFR a décidé qu'une enquête devait être menée sur la crise concernant les cautionnements de la flotte suisse de haute mer. Cette décision a été à la base de l'enquête administrative menée par le CDF. Celui-ci a procédé au contrôle de la procédure suivie et des processus utilisés par l'OFAE en matière de cautionnements de la flotte en vue de déterminer leur pertinence.

Le chef du DEFR a ajouté que le CDF avait déjà mené une enquête pour le DEFR, enquête qui lui avait donné satisfaction. Se fondant sur cette expérience, le DEFR avait donc décidé de lui confier aussi le mandat concernant l'enquête administrative.

Tout comme le secrétaire général du département, il a reconnu que cette décision avait également été prise pour des raisons financières, car le département, qui avait déjà connu une enquête administrative externe, n'avait plus vraiment les ressources pour en financer une seconde176. L'enquête administrative du CDF est abordée au ch. 4.4.

4) Autres mesures Le chef du DEFR a également informé le groupe de travail que, le 9 juillet 2015, il avait décidé, eu égard aux problèmes internes de ressources en personnel177, de confier la responsabilité stratégique des projets en lien avec les navires de haute mer et la responsabilité du réexamen de la politique de cautionnement au secrétaire général du DEFR, ainsi que la responsabilité opérationnelle du dossier des navires de haute mer au directeur suppléant de l'OFAE, la déléguée de l'époque (2006­ 2015) conservant celle de la révision de la loi sur l'approvisionnement du pays. Le contrat de travail de la déléguée s'est achevé à la fin de l'année 2015178. Cette dernière a souligné que la responsabilité concernant la flotte de haute mer ne lui avait pas été retirée en juin, puisqu'elle ne lui avait pas été attribuée auparavant 179.

Il ressort du procès-verbal des séances ayant eu lieu après le mois de juin 2015 que, à partir de ce moment-là, la question de la flotte suisse de haute mer a fait l'objet de discussions entre le DEFR et l'OFAE.

Après l'éclatement de la crise, le rapport sur les risques de l'OFAE a subi quelques adaptations, notamment en 2016180. Un représentant de l'AFF a déclaré, lors de son audition, que la direction du département avait
pris davantage conscience de l'importance de la gestion des risques et faisait preuve d'une plus grande sensibilité sur cette question181. Le chef du DEFR a précisé que le département établissait désormais sa propre matrice des risques fondée sur celles des offices, qui est ensuite 176 177

178

179 180 181

Procès-verbal de l'audition du chef du DEFR, p. 9; procès-verbal de l'audition du secrétaire général du DEFR, p. 8.

Le chef du DEFR se réfère ici en particulier à une note du SG-DEFR du 8.7.2015, dans laquelle le secrétariat général faisait part des points de vue différents du directeur suppléant et de la déléguée à l'approvisionnement économique du pays de l'époque.

Lettre du DEFR du 20.10.2017, p. 5; lettre du DEFR du 30.11.2017, p. 3. Le chef du DEFR a précisé lors de son audition qu'il avait décidé la résiliation anticipée de ce contrat de travail (procès-verbal de l'audition du chef du DEFR, p. 9).

Procès-verbal de l'audition de l'ancienne déléguée (2006­2015), p. 12.

Rapports sur les risques de l'OFAE 2015 et 2016.

Procès-verbal de l'audition des représentants de l'AFF, p. 4.

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discutée et pondérée. Il a souligné que les discussions sur la question étaient plus approfondies qu'auparavant182.

Par ailleurs, de nouveaux instruments, tels que le compte rendu de l'observation du marché et des comptes rendus hebdomadaires, ont été introduits183. Les comptes rendus hebdomadaires sont apparus en juin 2016: ils sont établis par l'OFAE, complétés par le SG-DEFR et transmis au chef du département. Ils offrent, s'agissant des armateurs concernés, un aperçu de l'état des travaux visant à surmonter la crise 184.

Le compte rendu de l'observation du marché est une mesure prise par l'OFAE sur la base des recommandations du CDF contenues dans le rapport sur l'enquête administrative (sur la mise en oeuvre des recommandations du CDF, cf. let. c).

A partir du mois de juin 2015, le DEFR a informé à différentes reprises le Conseil fédéral de la situation de la flotte suisse de haute mer (cf. ch. 3.2).

c) Mesures prises pour mettre en oeuvre les recommandations émises à la suite de l'enquête administrative En novembre 2016185, le CDF a présenté au DEFR son rapport sur les conclusions de l'enquête administrative, qui contenait plusieurs recommandations. Ce rapport n'a pas été publié jusqu'à présent. Les recommandations émises par le CDF concernent entre autres la surveillance de l'office en matière de cautionnements, les conditions-cadres juridiques ainsi que les processus internes à l'OFAE. Elles se réfèrent en outre aux questions de personnel, notamment à la conduite de l'office et à la position du directeur suppléant186. Le chef du DEFR a accepté les recommandations et a ordonné qu'elles soient mises en oeuvre187.

Lors de l'audition du 17 août 2017, le secrétaire général du DEFR et l'actuel délégué à l'approvisionnement économique du pays188 ont présenté au groupe de travail un état des lieux de la mise en oeuvre des recommandations. Le secrétaire général a fait savoir que le département avait ordonné la mise en oeuvre de l'ensemble des recommandations du CDF. Le chef du département est informé tous les mois des progrès faits au niveau de cette mise en oeuvre et reçoit en plus des comptes rendus hebdomadaires189. Le délégué a, quant à lui, informé le groupe de travail qu'une organisation de projet avait été mise en place pour piloter l'application des recommandations 182 183 184 185

186

187 188 189

Procès-verbal de l'audition du chef du DEFR, p. 6.

Lettre du DEFR (répertoire des documents) du 20.10.2017, p. 1.

Lettre du DEFR (répertoire des documents) du 20.10.2017, p. 3.

A la suite de la demande de consultation du rapport déposée par un journaliste invoquant la loi sur la transparence, d'une part, et des demandes de modifications déposées auprès du Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence par différentes personnes concernées par le rapport d'enquête administrative après leur audition, le rapport a été partiellement adapté par le CDF. La version définitive est celle du 4.4.2017 (ci-après: rapport d'enquête administrative).

Rapport d'enquête administrative, p. 49. Le délégué du DEFR a déclaré au CDF, le 18.10.2016, que le directeur suppléant de l'OFAE avait sa confiance et qu'il le considérait comme tout à fait capable de continuer son travail. De même, le chef du DEFR a affirmé faire entièrement confiance au directeur suppléant (procès-verbal de l'audition du chef du DEFR, p. 19).

Procès-verbal de l'audition du secrétaire général du DEFR, p. 3.

Le délégué a pris ses fonctions en janvier 2016.

Procès-verbal de l'audition du secrétaire général du DEFR, p. 3 (voir chap. 4).

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et que la mise en oeuvre avait été répartie en plusieurs sous-projets. Le calendrier établi, qui prévoyait que la mise en oeuvre serait terminée au deuxième semestre 2017, a pu être respecté. Parmi les recommandations émises ont été concrétisés l'établissement d'un manuel sur la navigation maritime, la modification de l'ordonnance sur le cautionnement de prêts pour financer des navires suisses de haute mer190, l'extension du système de contrôle interne, la création d'un poste de préposé aux affaires juridiques et à la conformité ainsi qu'une réglementation de la procédure concernant la documentation justificative191.

3.2

Information de l'ensemble du Conseil fédéral

Ce chapitre vise à décrire à partir de quand et dans quelle mesure le DEFR a informé le Conseil fédéral des événements concernant la navigation de haute mer. Comme sous le ch. 3.1, la période prise en considération débute en 2009. Au ch. 3.1, les faits ont été divisés en deux phases (de 2009 à juin 2015; de juin 2015 à 2017). Il n'est pas nécessaire de procéder de même sous le présent chiffre, car le DEFR n'a pas informé le Conseil fédéral des problèmes rencontrés par la navigation de haute mer avant juin 2015.

Le secrétaire général du DEFR a indiqué au groupe de travail que le Conseil fédéral avait été informé par oral immédiatement après que les problèmes eurent été portés à la connaissance du DEFR en juin 2015192. Dans un délai d'une semaine, l'ordonnance sur le cautionnement de prêts pour financer des navires suisses de haute mer193 a été modifiée afin d'empêcher une faillite imminente des entreprises concernées194 (le DEFR a adressé une proposition en ce sens au Conseil fédéral195). Selon le secrétaire général, le Conseil fédéral a dès lors été informé de tous les changements majeurs touchant les armateurs196. A chacun de ces changements, une pesée d'intérêts a été effectuée. Sur ce point, le secrétaire général a indiqué, en substance, que le DEFR avait certes informé le Conseil fédéral, mais qu'il avait veillé (comme pour la DélFin) à ne pas lui fournir trop d'informations afin d'éviter d'éventuelles indiscrétions. Selon lui, si certaines informations avaient été rendues publiques, les créanciers des armateurs auraient pu séquestrer des navires197, ce qui aurait entraîné

190 191 192 193 194 195 196 197

Ordonnance du 14.6.2002 sur le cautionnement de prêts pour financer des navires suisses de haute mer (RS 531.44).

Procès-verbal de l'audition du délégué, pp. 5 s.

Procès-verbal de l'audition du secrétaire général du DEFR, p. 13.

Ordonnance du 14.6.2002 sur le cautionnement de prêts pour financer des navires suisses de haute mer (RS 531.44).

Procès-verbal de l'audition du secrétaire général du DEFR, p. 13.

Proposition du DEFR du 30.6.2015.

Le DEFR a confirmé ce point de vue dans la lettre (répertoire des documents) qu'il a adressée le 20.10.2017 aux CdG (p. 5).

Le séquestre est une mesure de précaution selon laquelle le débiteur de la créance concernée ne peut provisoirement plus disposer du bien séquestré.

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la faillite des entreprises concernées et une perte intégrale pour la Confédération; en outre, les navires n'auraient pas tous pu être revendus198.

Les documents du DEFR montrent que le Conseil fédéral a été informé à plusieurs reprises par le département depuis l'éclatement de la crise, en juin 2015. Il y a tout d'abord eu la proposition de modification de l'ordonnance adressée au Conseil fédéral en juin 2015, laquelle a été approuvée par le Conseil fédéral199. Puis, le 1er juillet 2015, le DEFR a proposé au Conseil fédéral de réexaminer la politique visant à garantir un nombre suffisant de navires de haute mer battant pavillon suisse, et notamment l'instrument du cautionnement200. Cette proposition a elle aussi été approuvée par le Conseil fédéral201. Dans une note datée du 2 mai 2016, le Conseil fédéral a été informé du projet visant à mener une enquête administrative; il a ensuite été informé de l'état de cette enquête et de ses résultats en novembre 2016202.

Par ailleurs, le DEFR a informé le Conseil fédéral à diverses reprises, à partir de juin 2015, de l'évolution de la situation dans laquelle se trouvaient les armateurs connaissant des difficultés financières; enfin, à partir de décembre 2016, il l'a régulièrement informé des projets de vente203.

3.3

Direction et surveillance exercées par le DFAE à l'égard de l'OSNM

Les CdG ont décidé que leur inspection porterait aussi sur la direction et la surveillance exercées par le DFAE à l'égard de l'OSNM, lequel est rattaché à la Direction du droit international public (DDIP) sur le plan organisationnel204. Par conséquent, le présent chiffre présente brièvement les échanges d'informations au sein du DFAE et la surveillance exercée par le département sur l'OSNM. Il aborde également la collaboration de l'OSNM avec l'OFAE 205.

198

199

200 201 202 203

204 205

Procès-verbal de l'audition du secrétaire général du DEFR, pp. 13 s. Le secrétaire général a indiqué à ce sujet que, si le moteur d'un navire mis sous séquestre était arrêté, par ex., le carburant présent dans les tuyaux se solidifierait et tous les tuyaux devraient par la suite être démontés (procès-verbal de l'audition du secrétaire général du DEFR, pp. 13 s.).

Décision du Conseil fédéral du 1.7.2015, ch. 1. Le DEFR a indiqué à ce sujet que cette révision introduisait une nouvelle réglementation concernant le refinancement et les prolongations (à titre exceptionnel) de la durée des cautionnements que la Confédération peut accorder (lettre du DEFR du 20.10.2017, p. 3).

Décision du Conseil fédéral du 1.7.2015, ch. 2; lettre du DEFR du 20.10.2017, pp. 4 s.

Décision du Conseil fédéral du 1.7.2015, ch. 2. Ce mandat de réexamen a débouché sur le rapport du DEFR du 21.12.2016 mentionné plus haut.

Note d'information du DEFR du 2.5.2016, ch. 4; note de discussion du DEFR du 8.11.2016, ch. 5.

Voir à ce sujet les documents suivants, par ex.: notes d'information du DEFR des 17.8.2015, 10.11.2015, 29.8.2016 et 29.9.2016; note de discussion du DEFR du 14.12.2016; notes d'information des 31.1.2017, 9.3.2017 et 22.5.2017.

Voir ch. 1.2.

Voir ch. 3.3.2.

6266

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Les CdG ont par ailleurs pris acte du rapport du CDF du 28 février 2017 concernant l'OSNM, auquel elles n'ont rien à ajouter206.

3.3.1

Surveillance exercée par le DFAE à l'égard de l'OSNM

Au sujet des échanges d'informations au sein du DFAE, la secrétaire générale adjointe du DFAE a expliqué que l'OSNM était piloté avec rigueur par la DDIP et que le chef de l'OSNM était tenu d'informer le directeur de la DDIP d'éventuels problèmes en temps voulu. Elle a ajouté que la DDIP, de son côté, était tenue aux mêmes obligations vis-à-vis du secrétariat général du DFAE et du chef du DFAE, obligations qu'elle avait d'ailleurs respectées. La secrétaire générale adjointe du DFAE a également souligné que le DFAE, le secrétaire général et le chef du département avaient demandé des renseignements dans le cadre de l'information usuelle au sein du Conseil fédéral et étaient informés de l'état de la situation. Elle a ajouté que le chef de l'OSNM se rendait une fois par semaine à Berne à l'occasion de séances consacrées à un échange d'informations général207.

Le chef de l'OSNM a indiqué aux CdG que l'office menait habituellement des entretiens bilatéraux avec le directeur de la DDIP au sujet de la flotte suisse de haute mer. Ainsi, selon lui, la DDIP a été informée des événements dans ce domaine; il a par ailleurs précisé que l'OSNM était encore aujourd'hui en contact étroit avec la DDIP pour discuter de ces questions208.

3.3.2

Collaboration future entre l'OFAE et l'OSNM

La collaboration entre l'OFAE et l'OSNM ne fait fondamentalement pas l'objet de la présente enquête, car la DélFin traite déjà de cette question209. Les CdG ayant toutefois reçu certaines informations à ce sujet, elles évoquent brièvement celui-ci, en se limitant néanmoins aux considérations ci-après.

Les CdG ont ainsi appris que, en vue de l'établissement d'une stratégie commune en matière de surveillance, l'OSNM et l'OFAE avaient signé, fin août 2017, une convention visant à régler leur coopération, à la suite d'une recommandation émise en ce sens par le CDF le 28 février 2017210. Aux termes de cette convention, les objectifs sont les suivants: augmenter sensiblement la fréquence des inspections et régler de manière contraignante la collaboration entre les deux offices211. La convention 206

207 208 209 210 211

Contrôle fédéral des finances: Audit de l'octroi et de l'accompagnement de l'enregistrement de la flotte commerciale battant pavillon suisse ­ Direction du droit international public (DFAE), 28.2.2017, www.efk.admin.ch > Publications > Relations avec l'étranger (état au 29.1.2018).

Procès-verbal de l'audition de la secrétaire générale adjointe du DFAE, p. 2.

Procès-verbal de l'audition du chef de l'OSNM, p. 6.

Voir ch. 1.2.

Rapport d'audit du CDF du 28.2.2017, p. 19.

Convention de coopération entre l'OFAE et l'OSNM des 29 et 31.8.2017 (non publiée), p. 1, ci-après: Convention de coopération.

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prévoit également que les deux offices discutent de leurs rapports d'inspection et que chacun d'eux ne prenne des mesures qu'après avoir consulté l'autre office. De plus, l'OSNM doit informer l'OFAE de tout événement pertinent pour le droit des pavillons qui concerne un navire financé par des cautionnements de la flotte suisse de haute mer212.

Lors de son audition, la secrétaire générale adjointe du DFAE a indiqué que les responsabilités des deux offices étaient différentes, mais que ceux-ci échangeaient des informations. Selon elle, l'OFAE et, partant, le DEFR étaient responsables de la gestion de la crise relative aux cautionnements de la flotte suisse de haute mer. En ce qui concerne le capital propre dont les armateurs doivent disposer, elle a souligné que l'OSNM pouvait leur retirer leur lettre de mer en cas de manquements 213, mais que cela entraînerait alors le séquestre immédiat du navire, ce qui ne serait pas dans l'intérêt de la Confédération. En effet, tous les efforts du DEFR visant à résoudre la crise et à limiter les dommages seraient alors réduits à néant214. En substance, le chef de l'OSNM a partagé cet avis, ajoutant que le Conseil fédéral s'était rendu otage des armateurs en édictant l'ordonnance sur le cautionnement de prêts pour financer des navires suisses de haute mer, car cette ordonnance exclut de facto les possibilités de sanction de l'OSNM215. Il a également indiqué qu'il avait soulevé ce problème aussi bien auprès de la DDIP que de l'OFAE, ce à quoi le chef de l'Etatmajor (1991­2012) lui aurait répondu que l'OSNM devait supprimer la règle du capital propre pour résoudre ce problème. Le chef de l'OSNM a estimé qu'il était irréaliste de proposer au Parlement de modifier la loi en conséquence (suppression des obligations en matière de capital propre). De plus, selon lui, le Parlement n'aurait probablement pas soutenu un tel projet216.

3.4

Rôle du CDF

3.4.1

Introduction

Attribution du mandat d'enquête Le 20 mai 2016, le CDF a ouvert l'enquête administrative mentionnée plus haut, centrée sur les faits indiqués le 9 mai 2016 par le chef du DEFR 217. Le CDF a clos les investigations menées dans le cadre du mandat d'examen le 30 juin 2016218.

L'enquête avait formellement été confiée à la directrice suppléante du CDF 219. Les représentants du CDF ont précisé, lors de leur audition du 17 août 2017, que l'enquête administrative avait été menée sous l'égide de la directrice suppléante du

212 213 214 215 216 217 218 219

Convention de coopération, ch. 3.2, let. e, p. 2.

La lettre de mer est l'équivalent du permis de circulation pour un bateau; sans elle, un navire ne peut pas naviguer sous pavillon suisse.

Procès-verbal de l'audition de la secrétaire générale adjointe du DFAE, pp. 1 s.

Procès-verbal de l'audition du chef de l'OSNM, p. 4.

Procès-verbal de l'audition du chef de l'OSNM, p. 5.

Rapport d'enquête administrative, ch. 1.1, pp. 4 ss.

Rapport d'enquête administrative, ch. 2.1, p. 7.

Mandat d'enquête du DEFR du 7.5.2016, p. 1.

6268

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CDF et supervisée par le directeur du CDF220. Il ressort du mandat d'examen du DEFR que la personne chargée de l'enquête devait exercer ses compétences en toute indépendance dans le cadre de l'enquête administrative221. Elle devait de plus exécuter ce mandat dans le cadre de son activité et du budget ordinaire du CDF222. Concernant la communication sur l'enquête administrative, le mandat d'enquête prévoyait que celle-ci relève de la responsabilité du SG-DEFR et que le CDF coordonne la communication des résultats du rapport avec le SG-DEFR, conformément à loi sur le Contrôle des finances (LCF)223. Sur la question des dispositions légales applicables, le mandat précisait que la LCF et les actes normatifs connexes s'appliquaient, sous réserve des dispositions pertinentes relatives à la conduite d'une enquête administrative224. Le directeur du CDF avait approuvé le mandat d'enquête225.

Objet de l'enquête L'enquête administrative devait permettre de clarifier diverses questions relatives aux cautionnements des navires de haute mer. Il s'agissait notamment de déterminer comment l'OFAE avait contrôlé les conditions d'octroi des cautionnements et comment certains événements critiques avaient été traités 226.

Les CdG ont pris acte du rapport d'enquête administrative en août 2017. A la lecture des résultats, plusieurs questions se sont posées quant à la procédure suivie et au rôle du CDF. Les deux aspects suivants figuraient au premier plan: ­

Droit d'être entendu: pour quelle raison l'ancien chef de l'Etat-major (1991­ 2012) [dont le comportement avait été jugé très négativement] et l'ancienne déléguée (2006­2015) [dont le comportement a aussi été jugé négativement et qui était en sus la plus haute responsable au sein de l'OFAE], qui étaient tous deux cités nommément dans le rapport, n'ont pas été impliqués dans l'enquête ni auditionnés, alors que d'autres personnes, jugées moins négativement, ont été entendues?

­

Indépendance des organes de contrôle: eu égard à deux audits menés par le CDF auprès de l'OFAE en 2010 et 2014, qu'en est-il de l'indépendance des collaborateurs du CDF qui ont pris part à l'enquête administrative?

Les commissions se sont penchées de manière approfondie sur ces questions et livrent leurs réflexions et leurs conclusions ci-après.

220 221 222 223

Procès-verbal de l'audition des représentants du CDF du 17.8.2017, p. 5.

Mandat d'enquête du DEFR du 7.5.2016, ch. 4, p. 3.

Mandat d'enquête du DEFR du 7.5.2016, ch. 6, p. 3.

Mandat d'enquête du DEFR du 7.5.2016, ch. 10, p. 4. En outre, le ch. 7 du mandat d'enquête prévoit que la personne chargée de l'enquête a le droit d'entrer en contact en tout temps avec d'autres personnes travaillant pour le donneur d'ordre ou avec des tiers dans le cadre de son enquête.

224 Mandat d'enquête du DEFR du 7.5.2016, ch. 13, p. 4.

225 Mandat d'enquête du DEFR du 7.5.2016, p. 5.

226 Rapport d'enquête administrative, ch. 1.3 à 1.4, pp. 5 s. et ch. 2.1, p. 7.

6269

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3.4.2

Droit d'être entendu

Dans le cadre de l'enquête, le CDF a consulté différents documents et auditionné plusieurs personnes227.

Après la clôture de l'enquête administrative, plusieurs personnes ont déposé des demandes auprès du DEFR, en invoquant la loi sur la transparence (LTrans) 228, pour avoir accès au rapport d'enquête. Conformément aux dispositions de cette loi, quatre personnes qui étaient personnellement mentionnées dans le rapport d'enquête ont obtenu du DEFR la possibilité de s'exprimer sur l'accès à ce document. Trois d'entre elles ont pris position sur le fond; celles-ci ont annoncé qu'elles refusaient que les documents soient accessibles et ont demandé que des corrections soient apportées au rapport; elles ont en effet affirmé, entre autres, que le CDF avait contrevenu, dans le cadre de l'enquête administrative, au droit d'être entendu. Ce dernier a finalement procédé à quelques adaptations et apporté quelques compléments, qui toutefois n'ont, selon lui, en rien modifié son appréciation229.

Dans son rapport d'enquête, le CDF a indiqué qu'une enquête de ce genre n'est pas dirigée contre des personnes en particulier, mais vise à clarifier des faits et à vérifier si une intervention d'office est nécessaire dans l'intérêt public230. Il a également souligné que l'ancien chef de l'Etat-major (1991­2012) et l'ancienne déléguée (2006­2015) étaient d'anciens employés de la Confédération, contre lesquels aucune mesure disciplinaire ne pourrait donc être prononcée: c'est pourquoi ils n'avaient pas été impliqués dans l'enquête231. Lors de l'audition du 17 août 2017, les représentants du CDF ont fait savoir que celui-ci avait entre autres recouru à l'expertise d'un cabinet d'avocats spécialisés dans les enquêtes administratives pour déterminer quelles personnes devaient se voir accorder le droit d'être entendues232. Ils ont complété leurs propos à l'audition du 22 janvier 2018 en précisant qu'il était clair pour eux qu'ils ne devraient entendre que des collaborateurs de l'OFAE dans le cadre de cette enquête et que la conformité de cette manière de procéder sur le plan légal avait été clarifiée233.

A ce stade, il faut encore souligner que, dans sa lettre au groupe de travail du 27 septembre 2017 (version allemande du 25 octobre 2017), le CDF avait dit se fonder, s'agissant du droit d'être entendu dans le cadre d'une enquête administrative, 227 228 229

230 231 232 233

Voir ch. 3.4.1.

Loi fédérale du 17.12.2004 sur le principe de la transparence dans l'administration (Loi sur la transparence, LTrans; RS 152.3).

Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence: Empfehlung nach Art. 14 des Öffentlichkeitsgesetzes betr. Eidgenössisches Departement für Wirtschaft, Bildung und Forschung WBF/Eidgenössische Finanzkontrolle EFK, 26.9.2017, ch. 2 ss (uniquement en allemand), Empfehlung WBF vom 26. September 2017: WBF / Administrativuntersuchungsbericht, www.edoeb.admin.ch > Öffentlichkeitsprinzip > Empfehlungen > 2017 (état au 18.1.2018).

Rapport d'enquête administrative, ch. 1.2, p. 4.

Rapport d'enquête administrative, ch. 2.4, p. 8. Dans sa lettre du 27.9.2017 adressée aux CdG, le CDF a pris position sur la question du droit d'être entendu.

Procès-verbal de l'audition des représentants du CDF du 17.8.2017, p. 4.

Procès-verbal de l'audition des représentants du CDF du 22.1.2018, p. 4. La validité de la procédure a certainement été clarifiée par le cabinet d'avocats spécialisés auquel le CDF a recouru.

6270

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sur un «avis de droit» émanant d'un cabinet d'avocats, renvoyant à l'annexe 2 de la lettre. Or, aucun avis de droit n'était joint à ce courrier. Lors de l'audition du 22 janvier 2018, les représentants du CDF ont précisé qu'il ne s'agissait en fait pas d'un avis de droit, mais d'une note établie par le cabinet en question en date du 15 mars 2017. Cette note a été transmise aux CdG après l'audition234.

Après qu'une demande d'accès au rapport d'enquête administrative a été déposée, le DEFR a chargé le CDF d'en examiner le contenu et de procéder éventuellement aux adaptations nécessaires dans le rapport. Par lettre du 4 avril 2017, le CDF a pris position sur cette demande et apporté quelques explications concernant le droit d'être entendu235. Il a rappelé au département que, selon l'art. 27g, al. 1, OLOGA en relation avec l'art. 12 PA, l'audition de tiers n'est qu'une possibilité et non une obligation. La décision d'entendre certaines personnes relève de la libre appréciation de l'organe chargé de l'enquête. En l'espèce, cette enquête portait sur des faits; elle ne comportait donc pas de droit de participation pour les employés de la Confédération, et encore moins pour d'anciens employés 236. Cette conception des enquêtes portant sur des faits a été réaffirmée par le CDF dans sa lettre 237 du 27 septembre 2017 adressée aux CdG238. Toutefois, les représentants du CDF ont affirmé, lors de l'audition du 17 août 2017, que le droit d'être entendu avait dû être accordé au directeur suppléant de l'OFAE239.

Dans sa lettre du 27 septembre 2017 adressée aux CdG, le CDF a en outre indiqué que le droit d'être entendu aurait considérablement compliqué la procédure pénale en cours; c'est pourquoi le CDF avait décidé de renoncer à mener certaines auditions240. Cette «procédure pénale» était fondée sur une plainte du CDF, déposée auprès du Ministère public de la Confédération (MPC) le 6 juin 2016, en vertu de l'art. 22a de la loi sur le personnel de la Confédération (LPers)241, plainte qui visait entre autres l'ancien chef de l'Etat-major (1991­2012) dans le cadre des cautionnements de la flotte suisse de haute mer. Cette argumentation a été réitérée par les représentants du CDF lors de leur audition du 22 janvier 2018; ceux-ci ont également précisé que la procédure aurait en effet été compromise si le CDF avait,
par exemple, présenté des preuves à l'ancien chef de l'Etat-major (1991­2012) dans le cadre de son droit d'être entendu, privant par-là fedpol [recte: le Ministère public de la Confédération] de la possibilité d'en faire de même. En outre, l'ancien chef de 234

235

236 237 238 239 240

241

Le CDF, dans le cadre de la consultation de l'administration sur le présent rapport, a indiqué que «la discussion sur la différence entre un avis de droit et une note écrite établie par un cabinet d'avocat dans le cadre d'une procédure [lui semblait] très théorique».

Le CDF a précisé qu'il avait chargé un cabinet d'avocats d'examiner cette question; ce dernier lui avait renvoyé une note, que le CDF avait validée et reprise ensuite telle quelle dans sa lettre au DEFR (procès-verbal de l'audition des représentants du CDF du 22.1.2018, p. 4).

Lettre du CDF au DEFR du 4.4.2017, pp. 3 s.

Lettre du CDF du 27.9.2017 (version allemande du 25.10.2017), p. 1.

Lettre du CDF du 27.9.2017 (version allemande du 25.10.2017), p. 1.

Procès-verbal de l'audition des représentants du CDF du 17.8.2017, p. 4.

Lettre du CDF du 27.9.2017 (version allemande du 25.10.2017), p. 1. Sur ce point, il faut préciser que, à la suite de la plainte déposée contre l'ancien chef de l'Etat-major (1991­2012), le MPC avait prononcé une décision de non-entrée en matière et l'avait notifiée au CDF en octobre 2016.

Loi du 24.3.2000 sur le personnel de la Confédération (LPers, RS 172.220.1).

6271

FF 2018

l'Etat-major aurait ainsi pu établir une stratégie de défense, ce qui aurait fortement affecté l'efficacité de l'enquête pénale242.

Par ailleurs, les représentants du CDF ont souligné que celui-ci avait dû mener l'enquête rapidement; or, accorder le droit d'être entendus à l'ancien chef de l'Etatmajor (1991­2012) et à l'ancienne déléguée (2006­2015) aurait freiné d'autant la procédure et aurait nécessité des ressources très importantes243.

Dans le cadre de la procédure relative aux demandes d'accès, deux des personnes mentionnées dans le rapport d'enquête ont proposé, en se fondant sur des dispositions de la LTrans, que le rapport ne soit pas rendu accessible. Pour motiver leur demande, elles ont invoqué le fait que la publication du rapport final de l'enquête administrative constituerait une violation grave de leurs droits de la personnalité.

Ces deux personnes ont notamment critiqué la version des faits présentée dans le rapport, et l'une d'elles a également explicitement déploré le fait que son droit d'être entendue n'avait pas été garanti dans le cadre de l'enquête administrative244.

La question de savoir à qui il incombait de statuer sur les demandes d'accès au rapport s'est ensuite posée. Pour trancher cette question, les deux personnes précitées ont finalement décidé de faire appel au TAF, lequel a rendu deux décisions incidentes et un arrêt le 14 mai 2018245. Le TAF a décidé qu'il incombait au DEFR, en tant qu'autorité ayant ordonné l'enquête administrative, de statuer sur lesdites demandes en se fondant sur les dispositions de la LTrans, et non pas au CDF. Pour l'instant, le TAF n'a pris encore aucune décision en ce qui concerne les requêtes formulées par les recourants, à savoir que le DEFR renonce au traitement de toutes les données se référant aux recourants, que ces données soient détruites et que le rapport final de l'enquête administrative ne soit pas rendu accessible.

3.4.3

Indépendance des organes chargés de l'enquête dans le cadre d'une enquête administrative

En tant qu'organe suprême de la Confédération en matière de surveillance financière246, le CDF effectue des contrôles auprès des différents organes de la Confédération et plus particulièrement au sein de l'administration fédérale centrale. Dans ce cadre, il a, en 2010247 et en 2014248, mené des audits auprès de l'OFAE.

242 243 244 245

Procès-verbal de l'audition des représentants du CDF du 22.1.2018, p. 4.

Procès-verbal de l'audition des représentants du CDF du 22.1.2018, p. 4.

Décision incidente du TAF A-6908/2017 du 14.5.2018, p. 2.

Décisions incidentes du TAF A-6908/2017 et A-7102/2017 du 14.5.2018 et arrêt du TAF A-6211/2017 du 14.5.2018.

246 Art. 1 de la loi du 28.6.1967 sur le Contrôle des finances (LCF; RS 614.0).

247 Contrôle fédéral des finances: Office fédéral pour l'approvisionnement économique ­ Audit de la conduite financière et de divers champs d'activité, septembre 2010, no 10092, publié en juin 2017, www.efk.admin.ch > Publications > Economie & agriculture (version caviardée; état au 9.1.2018), ci-après: Audit 2010 du CDF.

248 Contrôle fédéral des finances: Examen de la mise en oeuvre de la stratégie pour l'approvisionnement économique du pays ­ Office fédéral pour l'approvisionnement économique du pays, rapport d'audit du 23.6.2014 (non publié), ci-après: Audit 2014 du CDF.

6272

FF 2018

Audit effectué en 2010 En 2010, le CDF a effectué un audit auprès de l'OFAE en vue d'évaluer la légalité et la régularité de sa conduite financière ainsi que ses fonctions de contrôle et de surveillance dans ses différents domaines d'activité, notamment dans le domaine de la flotte suisse de haute mer249.

Dans le même temps, le CDF a évalué la gestion financière de l'OFAE ainsi que l'organisation du SCI, notamment du point de vue de la régularité des comptabilisations, de la pertinence de la gestion des documents à établir, de la pertinence de la définition des fonctions de contrôle et de surveillance dans les différents domaines d'activité et enfin de la mise en oeuvre des dispositions dans la pratique250. L'objet de cet audit recoupe donc de fait, par certains éléments, celui de l'enquête administrative.

Le CDF est arrivé entre autres à la conclusion que, pour ce qui était de l'établissement des comptes annuels, il existait un SCI conforme aux dispositions édictées par l'AFF251. En outre, il a constaté que, si le recours à une flotte de haute mer pouvait représenter un danger financier, la démarche était encadrée par de nombreuses mesures de garantie et de contrôle, si bien que la probabilité de réalisation des risques pouvait être évaluée comme rare252. Le CDF était d'avis que des mesures adéquates avaient été mises en oeuvre pour réduire les risques au maximum et que l'évaluation de l'OFAE quant à la probabilité de leur réalisation était plausible253.

Les bilans et comptes de résultat des sociétés propriétaires avaient été contrôlés de manière approfondie et le CDF s'était dit convaincu que des mesures seraient immédiatement engagées si les analyses laissaient présager d'éventuels problèmes financiers (par ex. une trésorerie tendue). D'après lui, le secteur du transport maritime était géré de manière appropriée et professionnelle, même si certaines procédures courantes n'étaient pas encore consignées, ce qui devait impérativement être fait, entre autres parce que le «capitaine254» de la flotte de haute mer de l'OFAE quitterait son poste dans un délai de deux ans. Le chef de l'Etat-major ayant assuré au CDF que la documentation demandée serait établie, le CDF avait renoncé à émettre une recommandation sur le sujet255.

De plus, le CDF était parvenu à la conclusion que les raisons avancées par l'OFAE pour que la Suisse dispose d'une flotte de haute mer étaient cohérentes et que cette solution était économique pour la Confédération256.

249 250 251 252 253 254

Audit 2010 du CDF, p. 4.

Audit 2010 du CDF, p. 4.

Audit 2010 du CDF, p. 6.

Audit 2010 du CDF, p. 9.

Audit 2010 du CDF, p. 10.

Il s'agit ici de l'ancien chef de l'Etat-major (1991­2012) [procès-verbal de l'audition de l'ancienne cheffe du DFE (2006­2010), p. 3].

255 Audit 2010 du CDF, p. 11.

256 Audit 2010 du CDF, p. 11.

6273

FF 2018

Les représentants du CDF ont informé les CdG du fait que cet audit avait été réalisé de manière lacunaire257: l'enquête n'avait pas été menée de manière assez approfondie et le CDF avait plutôt travaillé en se fondant sur des plausibilités, souvent tirées des entretiens avec l'ancien chef de l'Etat-major (1991­2012). Les facteurs externes, tels que le contexte économique du moment, n'avaient pas été pris en considération258. Les représentants du CDF ont ajouté que ce dernier avait dû, à l'époque, procéder à l'audit de tout un office dans un délai de 40 jours et qu'aujourd'hui le CDF ne procédait plus ainsi, mais menait des investigations approfondies pour éviter ce type de situation259.

Audit effectué en 2014 Dans le cadre de cet audit, le CDF a contrôlé la mise en oeuvre de la stratégie pour l'approvisionnement économique du pays260, dans laquelle il est fait mention de la flotte de haute mer261. De fait, l'audit a donc également porté sur ce point; le CDF a cependant précisé aux CdG que la flotte suisse de haute mer n'en était pas l'objet principal262.

Dans son rapport d'audit 2014, le CDF a relevé que la surveillance opérée par l'OFAE dans le domaine de la flotte de haute mer consistait, d'une part, à inspecter les bateaux et, d'autre part, à analyser des documents (dont le rapport annuel remis par les propriétaires des navires qui bénéficiaient des cautionnements)263. Le CDF a par ailleurs affirmé qu'aucun élément n'avait, durant cet audit, indiqué que la gestion des risques n'était pas assurée de manière adéquate264. De plus, le CDF a conclu que le cycle quadriennal appliqué au processus de stratégie et de planification de l'approvisionnement économique du pays comportait de nombreux éléments positifs et qu'il n'avait pas relevé d'éléments qui amèneraient à conclure que ce cycle n'était pas correctement réalisé265.

257

258

259

260 261 262 263 264 265

Le CDF, dans le cadre de la consultation de l'administration sur le présent rapport, a fait valoir que ce point était également souligné de manière transparente dans le rapport d'enquête administrative.

Procès-verbal de l'audition des représentants du CDF du 17.8.2017, ch. 2.2, p. 4. De même, dans le rapport d'enquête administrative, il est souligné que l'audit de 2010 n'avait pas été assez approfondi et n'avait pas pris en compte le contexte économique (rapport d'enquête administrative, p. 7).

Procès-verbal de l'audition des représentants du CDF du 22.1.2018, p. 3. Le CDF, dans le cadre de la consultation de l'administration sur le présent rapport, a indiqué qu'il avait publié son rapport de 2010 en juin 2017 sur son site Internet en y apportant la précision suivante: «considéré aujourd'hui, ce jugement se fonde sur un examen trop superficiel qui n'a en particulier pas pris en compte le contexte économique de la navigation en haute mer. Comme l'indique le «Message concernant un crédit supplémentaire destiné à honorer des cautionnements de la Confédération aux navires de haute mer» du 16 mai 2017, l'enquête administrative a mis à jour «de possibles irrégularités», qui ont conduit en été 2016 au dépôt d'une plainte pénale. Ces irrégularités n'ont été observables qu'après la période d'audit de l'époque.» Audit 2014 du CDF, p. 5.

Orientation stratégique de l'approvisionnement économique du pays, p. 13.

Procès-verbal de l'audition des représentants du CDF du 17.8.2017, p. 4.

Audit 2014 du CDF, p. 13.

Audit 2014 du CDF, p. 14.

Audit 2014 du CDF, p. 2.

6274

FF 2018

Le CDF a également indiqué aux CdG que les résultats de l'audit 2014 n'étaient pas utilisables ni pertinents dans le cadre de l'enquête administrative, car le contrôle n'avait pas porté principalement sur le cautionnement des navires de haute mer 266.

Les représentants du CDF ont ajouté que, si la gestion des risques avait bien été l'un des éléments sur lesquels portait l'audit de manière générale, ce dernier avait surtout examiné de manière approfondie deux domaines dont ne faisait pas partie la question du cautionnement des navires de haute mer267.

Dans le cadre de l'audition du 17 août 2017, le CDF a rapporté en outre qu'une des personnes qui avaient participé à l'enquête administrative avait aussi participé à l'audit de 2014, soulignant toutefois que cette personne s'était alors penchée sur un autre sujet268. La personne en question était un expert en subventions269. Lors de l'audition du 22 janvier 2018, les représentants du CDF ont ajouté que cet expert n'avait justement pas traité les cautionnements de la flotte de haute mer dans le cadre de l'audit de 2014270. Il était le seul à avoir déjà exercé une activité ayant un lien avec l'OFAE; aucune des autres personnes participant à l'enquête administrative n'avait eu, dans le cadre de ses autres activités, affaire avec l'OFAE et le domaine des cautionnements des navires de haute mer 271.

Enquêtes administratives réalisées par des membres de l'administration fédérale ou par des personnes extérieures à l'administration fédérale Sur la question des enquêtes administratives confiées à des personnes extérieures à l'administration fédérale, les représentants du CDF ont indiqué, lors de l'audition du 22 janvier 2018, qu'ils voyaient plus d'avantages à ce qu'une enquête administrative soit confiée au CDF (plutôt qu'à une personne extérieure à l'administration fédérale). Ils fondaient cet avis sur le fait que le donneur d'ordre peut toujours influer sur les résultats d'une enquête administrative confiée à une personne extérieure, par exemple via la liste des questions à poser (incluse dans le mandat d'enquête) 272. Les représentants du CDF ont souligné que, en la matière, le CDF pouvait, contrairement aux personnes extérieures, livrer son rapport d'enquête administrative à la DélFin immédiatement et sans l'avoir caviardé au préalable. Ils ont rappelé que les CdG avaient aussi reçu le rapport d'enquête administrative du CDF273.

266 267 268 269 270 271 272

Procès-verbal de l'audition des représentants du CDF du 17.8.2017, p. 4.

Procès-verbal de l'audition des représentants du CDF du 22.1.2018, p. 3.

Rapport d'enquête administrative, ch. 2.2, p. 7.

Procès-verbal de l'audition des représentants du CDF du 17.8.2017, p. 4.

Procès-verbal de l'audition des représentants du CDF du 22.1.2018, p. 4.

Procès-verbal de l'audition des représentants du CDF du 22.1.2018, p. 6.

Les représentants du CDF ont avancé qu'il était également possible d'influer sur l'enquête à travers le budget alloué. En outre, le choix des experts peut, selon eux, déjà donner des indications sur le degré de dépendance des experts par rapport au donneur d'ordre (procès-verbal de l'audition des représentants du CDF du 22.1.2018, p. 2). Le CDF, dans le cadre de la consultation de l'administration sur le présent rapport, a fait valoir qu'en réalisant cette enquête administrative, il pouvait effectuer sous une autre forme l'audit qu'il avait déjà prévu à l'OFAE. Selon le CDF, cet audit était essentiel pour faire suite à l'annonce d'irrégularité grave, faite par le CDF au Conseil fédéral en application de l'art. 15, al. 3, LCF le 19 avril 2016.

273 Procès-verbal de l'audition des représentants du CDF du 22.1.2018, p. 2. Il faut souligner que les CdG ont exigé le rapport de la part du DEFR et non du CDF.

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FF 2018

3.5

Enseignements tirés de cette affaire pour les cautionnements et les autres obligations comparables de la Confédération

Ce chiffre traite des enseignements qui peuvent être tirés de la problématique des cautionnements de la flotte suisse de haute mer. Il s'agit notamment d'identifier les autres cautionnements octroyés par le Confédération et de savoir si les cautionnements sont pris en considération de manière adéquate dans la gestion des risques de la Confédération274.

Les cautionnements existants et les autres obligations ainsi que leur prise en considération dans la gestion des risques sont présentés ci-dessous (ch. 3.5.1). Les enseignements que la Confédération a déjà tirés de cette affaire sont exposés ensuite (ch. 3.5.2).

3.5.1

Cautionnements et autres obligations

Généralités Il convient tout d'abord de rappeler que les cautionnements constituent des engagements conditionnels275. Les engagements de garantie font également partie des engagements conditionnels276. 90 % des engagements conditionnels de la Confédération sont des cautionnements ou des engagements de garantie277.

274

La gestion des risques du DEFR en matière de cautionnement de la flotte suisse de haute mer a déjà fait l'objet du ch. 3.1 et n'est pas traitée ici.

275 Selon le Compte d'Etat 2016, il existe deux sortes d'engagement conditionnel: un engagement conditionnel est soit «une obligation susceptible de survenir du fait d'événements passés, dont l'existence doit être concrétisée par des événements futurs. La survenance de ces événements ne peut pas être influencée (par ex. cautionnements), soit un engagement actuel résultant d'événements passés qui, sur la base de la faible probabilité de survenance ou en raison d'un manque de mesure fiable, n'est pas porté au bilan (les critères pour la comptabilisation d'une provision ne sont pas remplis, par ex. litige juridique ouvert avec faible probabilité de perte)». Si la sortie de fonds doit être considérée comme probable, il ne s'agit pas d'un engagement conditionnel, mais d'une provision (Le Conseil fédéral: Rapport sur le compte de la Confédération 2016 [Compte d'Etat], 22.3.2017, p. 122, www.efv.admin.ch > Rapports financiers > Compte d'Etat [état: 5.2.2018]).

276 Rapport sur le compte de la Confédération 2016, p. 122.

277 Rapport de l'AFF à l'intention des CdG du 11.10.2017, p. 1.

6276

FF 2018

Liste des cautionnements et des engagements de garantie existants S'agissant des cautionnements et des engagements de garantie, il existe des engagements en cours dans les domaines suivants au sein de la Confédération278: Cautionnements: ­

Construction de logements à caractère social (organe compétent: Office fédéral du logement [OFL])

­

Entreprises de transport concessionnaires actives dans le trafic régional de voyageurs (Office fédéral des transports [OFT])

­

Navigation de haute mer (OFAE)

­

Fonds de technologie (Office fédéral de l'environnement [OFEV])

­

Eurofima (société de financement de matériel roulant) [secrétariat général du DETEC, SG-DETEC]

­

Promotion économique (Secrétariat d'Etat à l'économie [SECO])279

Octrois de garanties280: ­

Capitaux de garantie pour les banques de développement (DFAE)

­

Arrêté sur l'aide monétaire (Secrétariat d'Etat aux questions financières internationales [SFI])

­

Garanties de crédit envers la BNS pour les prêts au FMI (SFI)

­

Entraide en matière de prestations de l'assurance-maladie (Office fédéral de la santé publique [OFSP])

­

Réserves obligatoires (OFAE)

Les engagements conditionnels et autres engagements les plus élevés se trouvent dans les domaines Eurofima (5,5 milliards de francs environ), Construction de logements à caractère social (presque 3,3 milliards de francs, plus la possibilité d'autres engagements à hauteur de 1,4 milliard de francs sur la base du crédit-cadre existant), Entreprises de transport concessionnaires actives dans le trafic régional de voyageurs (presque 2 milliards de francs, après déduction des amortissements 278

L'AFF souligne que d'autres domaines prévoient la possibilité d'octroyer des cautionnements. Elle mentionne par ex. la promotion du cinéma et de la culture, même s'il n'y a actuellement aucun cautionnement dans ce domaine. D'autres cautionnements pourraient être octroyés à l'avenir, par ex. en faveur du Parc suisse d'innovation (rapport de l'AFF du 11.10.2017, p. 3). Ces cautionnements en faveur du Parc suisse d'innovation sont mentionnés par le DEFR dans sa note d'information du 26.6.2017 à l'intention du Conseil fédéral (sous «Bürgschaften und Eventualverbindlichkeiten WBF»), dans laquelle le DEFR informe le Conseil fédéral notamment de l'effectif des cautionnements et des risques financiers qu'ils représentent.

279 Une distinction est faite entre, d'une part, le système de cautionnement en faveur des PME et, d'autre part, les cautionnements et contributions au service de l'intérêt dans les régions de montagne (rapport de l'AFF du 11.10.2017, p. 8).

280 Parmi les octrois de garanties, on trouve également la déclaration de garantie Vera / Pevos, sur laquelle l'AFF a livré l'information suivante: «A la clôture, durant l'année en cours, de la procédure menée contre la Confédération, le crédit d'engagement pourra être inscrit au compte d'Etat 2017». L'AFF a ensuite choisi de ne plus s'exprimer sur le sujet (rapport de l'AFF du 11.10.2017, p. 12).

6277

FF 2018

déjà versés) et Capitaux de garantie pour les banques de développement (8,3 milliards de francs)281.

Les engagements conditionnels suivants sont intégrés dans la gestion des risques des offices et des départements concernés: Construction de logements à caractère social, Navigation de haute mer, Garanties de crédit envers la BNS pour les prêts au FMI et Réserves obligatoires282. Jusqu'à présent, les autres engagements conditionnels n'y ont pas été intégrés, notamment ­ selon l'AFF ­ parce que l'influence de la Confédération sur les risques concernés est réduite, parce que les engagements sont restreints ou parce que le risque d'un défaut élevé est faible283.

Dans son rapport d'activité 2017284, la DélFin a indiqué que la somme de tous les engagements conditionnels de la Confédération s'élevait à environ 20 milliards de francs, selon les résultats d'un audit réalisé par le CDF285. Aux termes du rapport, pour environ 5 % de ces engagements (soit un milliard de francs), la probabilité que la Confédération doive effectuer des versements est élevée (les cautionnements restants pour la flotte de haute mer en font manifestement partie). Pour 20 % des engagements (4 milliards de francs), la probabilité que les risques se réalisent est considérée comme moyenne; pour le reste, elle est considérée comme faible.

3.5.2

Enseignements tirés par la Confédération

Selon les informations fournies par les représentants de l'AFF lors de leur audition par les CdG, les enseignements que l'AFF a tirés de la crise ayant frappé les cautionnements de la flotte suisse de haute mer se situent à deux niveaux, à savoir au niveau de l'exécution et au niveau de la législation, lorsque des bases légales sont créées pour octroyer de nouveaux cautionnements ou lorsque de nouveaux crédits d'engagements sont soumis au Parlement286.

Dans le cadre de l'exécution, il s'agit désormais d'accorder plus d'attention aux risques. Lors des entretiens annuels qu'elle mène avec les départements et les unités administratives au sujet du contrôle de la plausibilité des risques, l'AFF abordera la question des risques de manière proactive. En ce qui concerne les cautionnements Eurofima, lesquels ne sont actuellement pas intégrés dans la gestion des risques, les représentants de l'AFF ont indiqué que, même s'ils partaient du principe que les risques concernés n'étaient pas très importants, l'AFF aborderait cette question avec

281

282 283 284 285 286

Il y a certaines différences entre les données de la liste de l'AFF et celles de la note d'information du DEFR. Par ex., le DEFR écrit, à propos des réserves obligatoires, que la somme totalement garantie est de 318 millions de francs (état au 31.12.2016), alors que l'AFF parle d'un «volume de garanties de prêts de 296 millions».

Les informations fournies par l'AFF n'indiquent pas clairement si l'arrêté sur l'aide monétaire est intégré dans la gestion des risques de la Confédération.

Rapport de l'AFF à l'intention des CdG du 11.10.2017, pp. 3 s.

Rapport de la DélFin aux CdF du 13.3.2018 concernant la haute surveillance sur les finances de la Confédération en 2017, ch. 4.6.1.

Rapport du CDF à l'intention de la Délégation des finances des Chambres fédérales du 1.2.2018, Risques liés aux cautionnements et aux garanties.

Procès-verbal de l'audition des représentants de l'AFF du 1.11.2017, p. 3.

6278

FF 2018

le DETEC287. Dans ce contexte, les représentants de l'AFF ont également mentionné l'aide à la construction de logements: même si celle-ci est intégrée à la gestion des risques de la Confédération, l'AFF considère que le montant du dommage maximal de 50 millions de francs estimé par l'OFL et le DEFR est relativement bas, ce qui l'amènera à aborder ce sujet avec l'OFL et le DEFR288.

En ce qui concerne d'éventuelles nouvelles bases légales prévoyant de nouveaux cautionnements ou garanties, les représentants de l'AFF ont souligné que la question des risques devait là aussi être davantage prise en considération. Ils souhaitent désormais présenter ces risques en toute transparence dans les chapitres concernés du message du Conseil fédéral, afin de permettre au Parlement d'examiner de nouvelles bases légales pour des cautionnements ou des crédits d'engagement en connaissance de cause. Ils ont ajouté que ce serait toutefois une erreur de laisser tomber purement et simplement les cautionnements et les garanties. En effet, selon eux, ceux-ci permettent parfois d'atteindre d'importants objectifs en matière d'encouragement et de réaliser en partie des économies. Ils ont précisé que de nombreux cautionnements avaient un bon rapport coûts-utilité et que, jusqu'à présent, les pertes n'avaient globalement pas été très importantes289.

4

Appréciation

L'art. 26 de la loi sur le Parlement290 se réfère entre autres, en ce qui concerne l'exercice de la haute surveillance parlementaire, aux critères de la légalité et de l'opportunité291. Pour ce qui est de la légalité, la question est de savoir si les autorités fédérales qui sont l'objet de la haute surveillance ont respecté les prescriptions légales en agissant comme elles l'ont fait; quant à l'opportunité, les CdG contrôlent si les mesures prises correspondent aux objectifs visés 292.

287

288

289 290 291 292

Procès-verbal de l'audition des représentants de l'AFF du 1.11.2017, p. 3. En ce qui concerne le fait que les garanties octroyées à Eurofima n'apparaissent pas comme des risques, l'AFF a indiqué aux CdG que «cela se justifie, parce que la capacité d'influence de la Confédération sur Eurofima est réduite (celle-ci dispose de réserves importantes et d'une notation de crédit de AA+)» et parce que «les CFF sont gérés par la Confédération à travers la définition d'un objectif d'endettement» (rapport de l'AFF du 11.10.2017, pp. 8 s.).

Les représentants de l'AFF ont toutefois souligné qu'il y avait de bonnes raisons de ne pas réévaluer à la hausse ce montant maximal, car il faudrait vraiment que les prix des immeubles s'effondrent pour que la Confédération soit confrontée à un risque majeur (procès-verbal de l'audition des représentants de l'AFF du 1.11.2017, p. 3).

Procès-verbal de l'audition des représentants de l'AFF du 1.11.2017, pp. 3 s.

Loi du 13.12.2002 sur l'Assemblée fédérale (loi sur le Parlement, LParl; RS 171.10).

Art. 26, al. 3, let. a et c, LParl (RS 171.10).

Thomas Sägesser (2014): Artikel 26 (N 35 und 39). In: Graf, Martin/ Theler, Cornelia / von Wyss, Moritz (éd.): Parlamentsrecht und Parlamentspraxis der Schweizerischen Bundesversammlung. Bâle: Helbing & Lichtenhahn.

6279

FF 2018

Les commissions se fondent sur les faits décrits au ch. 3 pour prendre position sur les points suivants293.

4.1

Direction et surveillance exercées par le département à l'égard de l'OFAE

4.1.1

Phase 1: jusqu'en juin 2015

a) Légalité de la direction et de la surveillance Les bases légales concernant la direction et la surveillance exercées par les départements ont été exposées au ch. 2.1. Il est tout à fait normal que les dispositions qui régissent la direction et la surveillance de manière générale soient plutôt de nature élémentaire et laissent aux chefs de département une grande marge de manoeuvre.

Néanmoins, il subsiste deux points (développés ci-après) qui prêtent le flanc à la critique.

Gestion des risques Les départements et la Chf doivent gérer les risques dans leur domaine de compétence selon les directives du Conseil fédéral 294. Pour atteindre les buts de la gestion des risques, il convient notamment «de prendre les mesures requises en se fondant sur l'exposition aux risques identifiés»295. Les mesures visant à éviter ou à atténuer les risques sont décidées et mises en oeuvre «selon la situation et le niveau des risques concernés»296. Le Conseil fédéral, les départements, la Chancellerie fédérale et l'AFF doivent réexaminer régulièrement la politique de gestion des risques 297. Les départements ont notamment pour tâche d'assumer la responsabilité des risques les concernant et «de contrôler régulièrement et complètement leur exposition aux risques»298.

Les rapports sur les risques doivent comprendre la description des mesures déjà mises en oeuvre et des mesures à prendre pour réduire le risque299. Dans le cadre de la résolution des problèmes, les mesures appropriées doivent être décrites de manière claire et un délai doit être fixé pour leur mise en oeuvre 300.

293

294 295 296 297 298 299 300

Les CdG présentent dans le rapport ci-après une appréciation des faits à leur connaissance, en tant qu'organes politiques chargés de la haute surveillance parlementaire sur la gestion du Conseil fédéral et de l'administration. Eu égard au principe de séparation des pouvoirs, elles font preuve ­ autant que possible ­ d'une retenue particulière au sujet des éléments faisant l'objet de procédures judiciaires en cours.

Art. 50, al. 1, OFC; voir ch. 2.1.

Directives sur la politique de gestion des risques, ch. 3, al. 2, let. c.

Directives sur la politique de gestion des risques, ch. 4, al. 5.

Directives sur la politique de gestion des risques, ch. 4, al. 8.

Directives sur la politique de gestion des risques menée par la Confédération, ch. 5, al. 4, let. a et c.

Directives de l'AFF, ch. 4.6, p. 11.

Handbuch 2017 der EFV, ch. 3.5.2, S. 30; Handbuch 2013 der EFV, ch. 3.5.2, S. 27; Handbuch 2011 der EFV, ch. 3.5.2, S. 26.

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FF 2018

Si les directives de l'AFF ne peuvent être invoquées pour la période antérieure à 2016, les dispositions de la LFC et de l'OFC et celles des directives du Conseil fédéral étaient en vigueur respectivement depuis 2005/2006 et 2010 (voir plus haut).

En outre, les critères établis par le manuel de l'AFF étaient déjà valables depuis fin 2011.

Ainsi qu'il l'a été dit précédemment301, jusqu'en 2009 l'OFAE n'a pas fait figurer les cautionnements de la flotte suisse de haute mer dans ses rapports sur les risques.

Après avoir commencé à le faire, il y a toutefois indiqué des données dont certaines sont restées identiques pendant plusieurs années, notamment au sujet des mesures (de 2009 à 2015, celles-ci étaient exactement pareilles).

C'est la raison pour laquelle les CdG considèrent que l'OFAE n'a pas respecté les prescriptions applicables à la gestion des risques et plus particulièrement les directives du Conseil fédéral. Il est notamment incompréhensible pour elles que le changement intervenu en 2012 dans les «conséquences» et la «probabilité» (en hausse dans les deux cas) n'ait pas entraîné une adaptation des autres rubriques (entre autres de la description et des mesures).

Aux yeux des CdG, une déclaration d'un représentant de l'AFF est révélatrice à cet égard: l'indication de données identiques dans les matrices des risques pendant dix ans serait souvent le signe qu'un risque n'est pas pris assez au sérieux302. Même si dans le cas présent, des données identiques n'ont pas été fournies pendant dix ans, elles l'ont quand même été durant plusieurs années à partir de 2009.

Cette appréciation ne concerne toutefois pas uniquement l'OFAE, mais aussi le département, qui est en fin de compte responsable des rapports sur les risques et qui n'a visiblement jamais remis en question des données qui sont restées les mêmes pendant des années. Les commissions estiment que l'absence d'intervention sur la base des données identiques pendant des années ne fait que démontrer que le DEFR ne s'est pas intéressé à la question de la flotte de haute mer jusqu'en 2015.

D'ailleurs, le chef du DEFR semble partager ce point de vue. Même si l'OFAE n'a pas suffisamment respecté son devoir d'information 303, cette situation est grave aux yeux des CdG, car les rapports sur les risques ne peuvent jouer leur rôle si le département
compétent n'y reflète pas assez fidèlement ses propres risques et les données y afférentes.

Les CdG avaient déjà identifié ce problème précédemment; en janvier 2018, elles ont adressé au Conseil fédéral un rapport assorti de recommandations à ce sujet304, dans lequel elles lui demandaient notamment de mettre à jour régulièrement les risques305. Par conséquent, les commissions renoncent à formuler dans le présent rapport une recommandation explicite de même teneur.

301 302 303 304

Voir ch. 3.1.3.

Voir ch. 3.1.3.

Voir ch. 3.1.3.

Rapport sur les risques à l'intention du Conseil fédéral ­ Etat des lieux, rapport des CdG du 30.1.2018 (FF 2018 1433).

305 Voir ch. 3.1 et recommandation 2 du rapport mentionné dans la note 304.

6281

FF 2018

Gestion et archivage des dossiers L'enregistrement de l'activité de l'administration sous la forme d'une gestion systématique des dossiers, qui repose sur l'art. 22, al. 1, OLOGA, a déjà été mentionné306. Ont une valeur archivistique «les documents qui ont une importance juridique ou administrative ou qui ont une grande valeur d'information»307. Selon l'art. 2, al. 1, de la loi fédérale sur l'archivage308 (LAr), les raisons susceptibles de donner aux documents une «valeur» justifiant qu'ils soient archivés sont multiples309.

L'ordonnance sur l'archivage310 (OLAr) dispose que les «services tenus de proposer leurs documents» doivent veiller à ce que ceux-ci permettent de vérifier ultérieurement leurs activités et d'en rendre compte et qu'ils doivent prendre les mesures nécessaires à cet effet311. De plus, l'art. 3, al. 2, OLAr renvoie aux instructions312 du Département fédéral de l'intérieur (DFI) concernant la gestion des documents.

Celles-ci précisent notamment que la gestion des documents permet à l'administration de rendre des comptes à elle-même et au Conseil fédéral ainsi qu'à «des tiers» ou au Parlement313. Ces règles d'archivage sont valables respectivement depuis 1998 et 1999.

Il a déjà été dit que le DEFR n'avait pas pu retrouver les procès-verbaux des séances avec l'office antérieures à 2013. La cheffe du DFE de 2006 à 2010 a pourtant affirmé que les séances avec l'office avaient toujours fait l'objet d'un procès-verbal durant cette période314. Le DFE, puis le DEFR, n'a donc pas respecté les prescriptions précitées concernant l'archivage, alors que, d'après les CdG, il était de son ressort d'y veiller.

Les CdG ne comprennent pas pourquoi ces procès-verbaux restent introuvables.

Elles relèvent que le département n'a pas respecté les prescriptions ad hoc.

Elles estiment en outre qu'un courriel ne constitue pas la forme adéquate pour le procès-verbal d'une séance entre la direction du département et celle de l'office.

Recommandation 1

Etablissement et archivage adéquats des procès-verbaux relatifs aux entretiens de gestion

Les CdG invitent le Conseil fédéral à mettre en place les moyens appropriés pour que les procès-verbaux relatifs aux entretiens de gestion soient établis et archivés de manière adéquate et que les prescriptions existantes relatives à la gestion des documents et à l'archivage soient respectées dans la pratique.

306 307 308 309 310 311 312 313 314

Voir ch. 2.1.1; une nouvelle version de l'art. 22, al. 1, OLOGA est entrée en vigueur en 2013, mais l'obligation en question est restée applicable.

Art. 3, al. 3, LAr (RS 152.1).

Loi fédérale du 26.6.1998 sur l'archivage (LAr; RS 152.1).

Art. 2, al. 1, LAr (RS 152.1).

Ordonnance du 8.9.1999 relative à la loi fédérale sur l'archivage (ordonnance sur l'archivage, OLAr; RS 152.11).

Art. 3, al. 1, OLAr (RS 152.11).

Instructions du Département fédéral de l'intérieur du 13.7.1999 concernant la gestion des documents dans l'administration fédérale (FF 1999 4988), ci-après: instructions du DFI.

Art. 2, al. 2, des instructions du DFI.

Voir ch. 3.1.3.

6282

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b) Opportunité Prise en charge de la direction et de la surveillance Au préalable, il convient de signaler que le chef du DEFR a déclaré aux CdG que la direction et la surveillance exercées à l'égard de l'OFAE avaient été insuffisantes depuis qu'il était à la tête du département315. Les CdG se félicitent de cette autocritique et considèrent qu'elle constitue un paramètre notable en vue de l'élucidation des faits en matière de la flotte de haute mer.

Pour les CdG, il semble toutefois important d'approfondir encore certains points.

Notes d'information adressées par l'OFAE au DEFR Depuis 2011, l'OFAE avait attiré l'attention du DEFR, au moyen de notes d'information, sur l'existence de problèmes dans le secteur de la navigation maritime, tout en lui laissant entendre parfois qu'une solution était proche316. Hormis une demande de précisions à l'OFAE au sujet de l'une de ces notes, en 2013, le département semble n'avoir eu aucune réaction à cet égard.

Les CdG estiment que l'OFAE a plusieurs fois fait preuve, dans ses notes d'information, d'un optimisme exagéré en dépit des problèmes qu'il y décrivait et qu'il a ainsi contribué à ce que le DEFR ne se soit pas penché sur lesdits problèmes. Elles considèrent ainsi que l'office n'a pas suffisamment respecté son obligation de signaler les problèmes («dette portable»). De plus, il est à tout le moins permis de se demander si les appréciations positives de l'office étaient objectivement justifiées étant donné les problèmes en question (la recherche d'investisseurs est par exemple visiblement demeurée longtemps vaine, mais l'OFAE paraissait généralement optimiste à ce propos). En conséquence, le DEFR aurait dû réagir aux notes d'information (et ce, plus d'une fois). L'explication du chef du DEFR, selon laquelle les notes d'information étaient censées, conformément à la pratique, l'informer de certains faits sans impliquer que des mesures concrètes soient prises, n'y change rien.

Les commissions jugent que cette omission ­ ajoutée au fait que le thème de la flotte de haute mer n'a pas été abordé lors des entretiens de gestion (voir ci-dessous) ­ est grave. Quant à savoir si une réaction préalable du département aurait peut-être désamorcé la problématique des cautionnements de la flotte suisse de haute mer, la question reste ouverte.

Rapports sur les risques
Comme déjà mentionné précédemment, ni l'OFAE ni le département n'ont suffisamment suivi les prescriptions de la Confédération applicables à la gestion des risques317. Il est évident que cette façon de faire est inopportune. C'est pourquoi les CdG demandent que les prescriptions en matière de gestion des risques soient davantage respectées et que les rapports sur les risques des offices soient soumis à un contrôle de plausibilité plus strict au niveau de l'office et du secrétariat général.

Aussi les commissions se félicitent-elles que le secrétaire général du DEFR accorde 315 316 317

Voir ch. 3.1.3.

Voir ch. 3.1.3.

Voir ch. 4.1.1.

6283

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une plus grande importance aux matrices des risques318. Cependant, ce contrôle ne remplace pas une implication préalable professionnelle au niveau du secrétariat général (voir ci-dessous).

Comme il l'est dit plus haut, l'opportunité se réfère, dans le cadre de la haute surveillance parlementaire, à la proportionnalité entre les objectifs fixés et les mesures choisies pour les atteindre.

Les notes d'information et les séances avec les offices visent en particulier à ce que l'unité administrative (en l'occurrence, l'OFAE) tienne le chef de département au courant de la situation concernant les objets importants et l'informe des éventuels problèmes y afférents. Ce n'est qu'ainsi que ce dernier peut assumer sa responsabilité de direction et de surveillance. Sur ce point, les CdG considèrent qu'il existe, d'une part, une «dette portable» de la part de l'office (signalement des problèmes) et, d'autre part, une «dette quérable» de la part du département (demande, au besoin, d'informations plus précises). Pour que la direction et la surveillance exercées par le département à l'égard d'un office fonctionnent, il faut un flux d'informations constructif, étant entendu que celui-ci doit circuler dans les deux sens, et non seulement partir de l'office en direction du département. De l'avis des commissions, le département doit évidemment pouvoir se fier à certaines indications de l'office, sans avoir à tout remettre en question. Cela présuppose toutefois qu'il n'y ait aucun indice de l'existence d'éventuels problèmes, même si l'office ferme les yeux sur ces problèmes. Or, c'est justement ce qui est arrivé: alors que le DEFR disposait de données signalant d'éventuels problèmes, grâce aux rapports sur les risques et aux notes d'information, il est resté trop longtemps passif. Les CdG sont par conséquent d'avis que le DEFR n'a pas agi en l'occurrence avec toute l'opportunité requise.

Les commissions attendent du Conseil fédéral qu'il veille à ce que la direction et la surveillance incombant aux départements soient assumées de manière plus active dans tous les départements et qu'elles ne soient plus perçues simplement comme des tâches passives.

Dans ce contexte, les CdG estiment que la gestion des risques dans les départements devrait être professionnalisée. Le Conseil fédéral doit notamment veiller à ce que les
départements accordent l'importance requise à la fonction de «responsable de la gestion des risques»319 et que les personnes concernées assument effectivement les tâches liées à cette fonction, et ce, de manière efficace. Selon les directives de l'AFF sur la gestion des risques, le «responsable de la gestion des risques» ne doit pas uniquement piloter et coordonner le processus: il est également responsable de l'analyse matérielle des risques et apporte son soutien technique à la direction du département, de sorte que celle-ci dispose d'un compte-rendu adéquat sur les risques et des bases requises pour la prise de décisions, contribuant ainsi à améliorer la gestion des risques au sein du département320.

318 319

Voir ch. 3.1.3.

Directives du 24.9.2010 sur la politique de gestion des risques menée par la Confédération (FF 2010 5965), section 5 (Fonctions en matière de gestion des risques), al. 4; Directives de l'AFF du 31.3.2016 sur la gestion des risques de la Confédération.

320 Directives de l'AFF du 31.3.2016 sur la gestion des risques de la Confédération, p. 7.

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Vu ce qui précède, les CdG renoncent à formuler une recommandation à ce sujet.

Elles se pencheront toutefois sur cette question dans le cadre de leur groupe de travail «Reporting sur les risques», exigeront alors que les améliorations nécessaires soient entreprises et veilleront à leur mise en oeuvre.

Séances réunissant le département et l'office Il a déjà été mentionné que les procès-verbaux des séances avec l'office antérieures à 2013 n'avaient pas pu être retrouvés par le département et que, depuis cette annéelà, les procès-verbaux de ces séances étaient établis sous la forme de courriels321. Il ressort de ces procès-verbaux que, depuis 2013 jusqu'à l'éclatement de la crise, en juin 2015, les cautionnements de la flotte suisse de haute mer n'ont jamais été évoqués au cours des séances avec l'office322.

D'un côté, les CdG estiment que l'OFAE aurait dû, sur la base des notes d'information dans lesquelles il signalait les problèmes liés aux cautionnements de la flotte suisse de haute mer, aborder ce sujet dans le cadre des séances avec le département. D'un autre côté, les commissions ne comprennent pas pourquoi le département n'a jamais décidé d'inscrire cette problématique à l'ordre du jour avant le début de la crise, en juin 2015, alors que les notes d'information de l'OFAE précitées indiquaient depuis fin 2011 l'existence de problèmes.

Contrôle des bases des cautionnements de la flotte suisse de haute mer Dans les faits, le département n'a jamais remis en question, avant le début de la crise liée aux cautionnements et la publication du rapport qui en a résulté, en décembre 2016323, la nécessité de la navigation en haute mer pour l'approvisionnement économique du pays324. Selon les CdG, cette absence de contrôle correspond à l'attitude passive du DEFR à l'égard des notes d'information de l'OFAE. On peut certes porter au crédit du département, par exemple, le fait que le CDF n'a pas non plus remis en question, dans son évaluation de 2010, la nécessité du système des cautionnements de la flotte suisse de haute mer325 et le fait que rien n'indique que l'OFAE aurait incité le DEFR à se pencher sur la question des bases de ces cautionnements.

Néanmoins, on aurait pu attendre du département que, dans le cadre de ses tâches de direction et de surveillance, il réfléchisse de lui-même et avec une certaine régularité à la nécessité de voir des navires battre pavillon suisse afin de couvrir les besoins d'approvisionnement du pays.

321 322

Voir ch. 3.1.3.

En ce qui concerne l'évocation des cautionnements de la flotte suisse de haute mer dans les rapports des directeurs d'office ou en marge de ceux-ci, les CdG ont reçu des informations contradictoires (voir ch. 3.1.3). Il n'est pas possible d'établir clairement si ou comment ce sujet a été discuté. Il y a aussi des divergences quant à d'éventuelles annulations, par l'OFAE, de séances avec le département, un point que les CdG ne sont pas parvenues à clarifier dans le cadre de leur inspection.

323 Voir ch. 3.1.4.

324 Voir ch. 3.1.3.

325 Voir ch. 3.4.3.

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Organisation de l'OFAE Les CdG se sont également demandé dans quelle mesure la structure organisationnelle de l'OFAE avait pu favoriser l'émergence des problèmes liés aux cautionnements de la flotte suisse de haute mer. Plusieurs personnes auditionnées ont en effet soulevé cette question326. Les CdG prennent note que les personnes interrogées considèrent pour la plupart cette structure comme étant positive ou pertinente.

Celles-ci ont souligné en particulier que l'économie devait être impliquée dans l'organisation de l'approvisionnement économique du pays. Le secrétaire général du DEFR a révélé que des réflexions avaient déjà eu lieu à propos d'une éventuelle réorganisation, mais qu'elles avaient abouti à la conclusion que la structure organisationnelle actuelle était bonne327.

Les commissions ne doutent pas de la nécessité d'impliquer l'économie dans l'approvisionnement économique du pays. Actuellement, cela se fait, d'une part, à travers la fonction de délégué et, d'autre part, à travers les structures de milice au niveau des secteurs spécialisés de l'office. Les CdG se demandent pourtant si la structure organisationnelle actuelle ne devrait pas être adaptée, sans renoncer à impliquer l'économie. Concrètement, les commissions sont d'avis que la direction de l'OFAE et l'organisation de l'approvisionnement économique du pays par le délégué ou la déléguée constituent une activité qu'il est très difficile d'exercer à titre accessoire, comme l'illustre le cas d'espèce. Certes, les CdG prennent acte du fait que le taux d'occupation de la fonction de délégué a été augmenté à 40 %, mais elles doutent quand même qu'un poste à 40 % soit suffisant pour accomplir cette tâche.

Au vu de ce qui précède, la question qui s'impose pour les CdG est celle de savoir si, au lieu d'une fonction de délégué, il ne vaudrait pas mieux opter pour une place de directeur d'office à part entière. Les CdG estiment que l'intégralité de la responsabilité de direction devrait être du ressort d'une seule personne (aussi bien sur le plan stratégique que sur le plan opérationnel). L'inspection a montré que les idées étaient parfois diamétralement opposées, tant au sein même de l'office qu'entre la tête du département et la direction de l'office, au sujet de la fonction et des compétences du délégué et du directeur suppléant,
ce qui pourrait avoir contribué à l'émergence des problèmes relatifs aux cautionnements328. Dans ce contexte, la répartition des responsabilités au sein de l'office et entre la direction de l'office et le département est à clarifier.

Du point de vue des CdG, il vaudrait en outre la peine d'examiner la possibilité d'intégrer l'OFAE, compte tenu de sa taille modeste, dans un autre office (par ex. le SECO).

326 327 328

Voir ch. 3.1.2.

Voir ch. 3.1.2.

Voir ch. 3.1.2. A ce sujet, les CdG estiment que l'argument soulevé par l'ancienne déléguée (2006­2015) dans le cadre de la consultation relative au présent rapport (cf. note de bas de page 96), selon lequel l'OFAE ne constituerait pas un office au sens matériel, n'est pas déterminant. Indépendamment de la forme organisationnelle de l'OFAE, la fonction de déléguée ou de délégué constitue clairement une fonction de cadre incluant une responsabilité de conduite.

6286

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Les CdG invitent ainsi le Conseil fédéral à examiner la structure organisationnelle de l'OFAE dans le sens des considérations ci-dessus et à leur présenter le résultat de cet examen.

Recommandation 2

Examen de la structure organisationnelle de l'OFAE

Les CdG invitent le Conseil fédéral à examiner la structure organisationnelle de l'OFAE au niveau de la direction, à évaluer en particulier la possibilité de créer une fonction de directeur d'office à part entière et à leur faire part de ses conclusions. La structure de milice au niveau des secteurs spécialisés doit être maintenue. Les avantages de la fonction de délégué sont à expliciter. Dans ce cadre, la répartition des responsabilités au sein de l'office et entre la direction de l'office et le département est à clarifier.

Le Conseil fédéral est par ailleurs prié d'examiner, dans ce contexte, l'opportunité d'une intégration de l'OFAE dans un autre office.

4.1.2

Phase 2: à partir de juin 2015

Les décisions fondamentales du chef du DEFR ont déjà été exposées (effondrement imminent évité; examen de la politique concernant les cautionnements de la flotte de haute mer et analyse de la crise liée à ces cautionnements)329. D'après les CdG, ces décisions ont été essentielles en termes de direction et ont constitué la base nécessaire aux démarches qui ont dès lors suivi. Les commissions pensent que le DEFR a ainsi pu, d'une part, s'attaquer rapidement aux problèmes les plus urgents (gestion de la crise) et, d'autre part, se pencher sur d'autres questions importantes (examen de la politique concernant les cautionnements de la flotte de haute mer; analyse de la crise liée à ces cautionnements).

En outre, les CdG constatent que le DEFR a progressé sur plusieurs points depuis l'éclatement de la crise et qu'il a notamment modifié sa perception de la surveillance dont la responsabilité lui incombe. Ainsi, les commissions notent avec satisfaction que la navigation en haute mer est désormais régulièrement évoquée lors des séances avec l'office et que les rapports sur les risques ont subi certaines retouches; elles sont néanmoins d'avis qu'il est encore trop tôt pour constater un changement à long terme en matière de gestion des risques. Les commissions approuvent également les comptes rendus hebdomadaires concernant les navires de haute mer et le reporting sur l'observation du marché. Dans l'ensemble, on peut relever que la sensibilité envers les problèmes liés aux cautionnements de la flotte suisse de haute mer, qu'il fallait qualifier d'insuffisante durant la phase 1, a considérablement augmenté depuis l'éclatement de la crise, en juin 2015. Pour les CdG, il est important que les dispositions qui s'imposent soient prises au niveau du département afin d'accroître la sensibilité envers l'exercice de la surveillance, par exemple en ce qui concerne la gestion des risques. A cet égard, on peut rappeler ici le ch. 4.1.1, où sont formulées des recommandations en ce sens. Considérant l'appréciation qui a été faite de la 329

Voir ch. 3.1.4.

6287

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phase 1, les CdG estiment qu'il n'y a pas lieu de prendre d'autres mesures pour ce qui est de la phase 2.

S'agissant des recommandations du CDF qui découlent de l'enquête administrative, les CdG saluent les efforts entrepris par le DEFR et l'OFAE en vue de les mettre en oeuvre. Elles demandent cependant que la structure organisationnelle soit examinée (voir recommandation 2, ci-dessus)330.

Enfin, les CdG se félicitent que le Conseil fédéral ait régulièrement été informé, depuis l'été 2015, de l'évolution du dossier de la flotte suisse de haute mer (voir ch. 4.2).

4.2

Information de l'ensemble du Conseil fédéral

Dans l'exposé des faits (voir ch. 3.2), il apparaît clairement que le DEFR n'a pas informé le Conseil fédéral des problèmes rencontrés dans le cadre de la flotte des navires de haute mer avant le mois de juin 2015331. Cette absence d'information s'explique par le fait que le DEFR n'a lui-même été conscient de ces problèmes qu'à partir du mois de juin 2015332.

Les CdG se limitent, dans le cadre de leur fonction de haute surveillance, à donner une appréciation générale de la communication entre le DEFR et le Conseil fédéral.

A ce propos, force est de constater que les commissions ne disposent d'aucun indice permettant d'affirmer que le département n'a pas informé le Conseil fédéral de façon assez régulière ou qu'il l'a fait de façon inadéquate.

Les CdG sont d'avis que le DEFR, après avoir pris connaissance des problèmes relatifs à la flotte des navires de haute mer, en a informé le Conseil fédéral très rapidement et de façon adéquate et qu'il a également tenu le Conseil fédéral au courant de l'évolution de la situation de façon tout à fait correcte. De même, les CdG considèrent comme appropriée la façon dont le Conseil fédéral a été rapidement mis au courant, en mai 2016, de la réalisation future d'une enquête administrative.

Sur ce point, les CdG estiment donc qu'il n'y a pas lieu de prendre des mesures.

4.3

Direction et surveillance exercées par le DFAE à l'égard de l'OSNM

Les CdG exposent ci-après leur appréciation de l'échange d'informations au sein du DFAE concernant la flotte des navires de haute mer et évaluent également la collaboration entre l'OSNM et l'OFAE.

330

Voir ch. 3.4.3 pour les détails concernant l'attribution de l'enquête administrative au CDF.

331 Voir ch. 3.2.

332 Voir ch. 3.1.3 et 4.1.1.

6288

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4.3.1

Echange d'informations au sein du DFAE concernant la flotte des navires de haute mer

Tant la secrétaire générale adjointe du DFAE que le chef de l'OSNM ont affirmé lors de leur audition que leurs supérieurs respectifs au sein du DFAE avaient été informés des événements importants333.

Les commissions ne disposent d'aucun indice permettant de penser que ces affirmations ne sont pas correctes. Partant du principe que la transmission des informations est garantie également lors de changements à la tête du département, elles considèrent qu'il n'y a pas lieu d'intervenir dans le cadre de la haute surveillance parlementaire.

4.3.2

Collaboration future entre l'OFAE et l'OSNM

Les CdG saluent la convention de coopération conclue en août 2017 par l'OSNM et l'OFAE. Elles estiment que les dispositions de cet accord (notamment celles concernant la consultation préalable à la mise en oeuvre de mesures et l'information relative aux événements importants) sont pertinentes et que leur application systématique permettra d'améliorer la collaboration entre ces deux offices.

Les CdG relèvent que les représentants du DFAE ont affirmé, lors de leurs auditions, que la possibilité donnée par la loi de retirer la lettre de mer aux bateaux financés par les cautionnements de la Confédération ne pouvait être appliquée dans la pratique parce qu'elle irait à l'encontre des intérêts de la Confédération. Elles prennent acte du problème évoqué par ces derniers, mais considèrent que supprimer les dispositions concernant les fonds propres nécessaires inscrites dans la législation sur la navigation maritime enverrait un mauvais signal au vu de la crise des cautionnements des navires de haute mer. Conscientes que l'on pourrait objecter que cette obligation de conserver un minimum de fonds propres rend la situation difficile du fait qu'elle ne permet pas de recourir à certaines mesures de contrainte (concrètement, au retrait des lettres de mer), les CdG pensent toutefois que la réglementation actuelle reste une solution bien meilleure que l'abandon des dispositions sur les fonds propres. En outre, il faut souligner que le DEFR avait décidé, à l'été 2015, de n'accorder désormais que de manière exceptionnelle des cautionnements pour les navires de haute mer. Par conséquent, le problème abordé se limite désormais en principe aux cautionnements de la flotte suisse de haute mer toujours en cours334.

Par ailleurs, les CdG partent du principe, eu égard à la collaboration entre l'OSNM et l'OFAE prévue dans leur convention de coopération, que les éventuelles difficultés financières rencontrées par les armateurs pourront à l'avenir être identifiées plus tôt et pourront donc être traitées de manière plus efficace.

333 334

Voir ch. 3.3.1.

Le secrétaire général du DEFR a précisé que les cautionnements encore en cours se situaient entre 520 et 530 millions de francs (procès-verbal de l'audition du secrétaire général du DEFR, p. 17). Même si elles ne se prononcent pas sur les autres cautionnements visés au ch. 3.5.1, les CdG attendent que ceux-ci fassent l'objet d'un contrôle méticuleux à l'avenir.

6289

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Par conséquent, les CdG ne voient pour l'instant aucune raison d'intervenir au niveau de la haute surveillance; elles soulignent toutefois qu'il ne sera possible de livrer une appréciation définitive qu'une fois que la DélFin aura achevé ses travaux à ce sujet.

4.4

Rôle du CDF

Le présent chapitre traite de différentes questions concernant le rôle du CDF dans l'enquête administrative relative à l'OFAE.

Il soulève d'abord quelques questions de fond ayant trait à l'enquête administrative concernée. En particulier, il s'agit de définir qui peut être chargé d'une enquête administrative (ch. 4.4.1). Les CdG analysent ensuite la manière de procéder du CDF pour ce qui est des modalités du droit d'être entendu (ch. 4.4.2). Enfin, elles se penchent sur l'indépendance de l'organe chargé de l'enquête et prennent position sur les éventuelles différences constatées à cet égard entre les enquêtes administratives réalisées à l'interne de l'administration fédérale et celles qui sont réalisées par des personnes extérieures à l'administration fédérale (ch. 4.4.3).

Les CdG évaluent ci-après ces questions en tant qu'organe politique de l'Assemblée fédérale chargé d'exercer la haute surveillance parlementaire sur la gestion du Conseil fédéral et de l'administration fédérale.

4.4.1

Attribution d'un mandat d'enquête administrative

Selon l'art. 27d, al. 1, OLOGA, toute enquête administrative doit être confiée à des «personnes». S'agissant de l'enquête administrative qui nous occupe, elle a été confiée, sur le plan formel, à la directrice suppléante du CDF, donc à une personne physique.

Cependant, l'impression qui se dégage du mandat d'enquête du DEFR est que ledit mandat n'a pas été confié concrètement à la personne précitée, mais au CDF en tant qu'autorité: d'après le mandat d'enquête, le mandataire devait effectuer l'enquête dans le cadre de son activité et du budget ordinaire du CDF. De plus, le DEFR précisait que les dispositions de la LCF seraient appliquées à défaut de normes adéquates en matière d'enquête administrative335. Les renseignements fournis par le DEFR et le CDF dans le cadre de l'inspection portent en outre à croire que le département comme le CDF considèrent que ce dernier a effectué l'enquête administrative en tant qu'autorité336. Dans ses considérations ayant conduit aux décisions incidentes et à l'arrêt du 14 mai 2018, le TAF part, lui aussi, du principe que l'enquête administrative a été menée par le CDF et non par la directrice suppléante du CDF.

Les CdG se demandent si la nature de cette attribution est conforme à la teneur de 335 336

Voir ch. 3.4.

Par ex., la lettre du DEFR du 10.10.2017 indique qu'on a chargé le «CDF» de l'enquête administrative; en outre, il est question des recommandations formulées par le CDF dans la lettre du DEFR du 20.10.2017 (p. 6). De plus, dans sa lettre du 4.4.2017 adressée au DEFR, le CDF parle du mandat confié au CDF (p. 1).

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l'art. 27d OLOGA337. Par ailleurs, il est permis de se demander également si l'application simultanée des dispositions concernant l'enquête administrative (OLOGA) et des normes relatives au contrôle des finances (LCF) est admissible 338.

Du point de vue des CdG, le TAF s'est exprimé sur le fond au sujet de cette problématique dans les décisions susmentionnées. Il a relevé que le CDF, en sa qualité d'autorité fédérale, dispose certes de droits de souveraineté dans le cadre de ses compétences, mais que la conduite de l'enquête administrative ne fait toutefois pas partie des attributions du CDF telles qu'elles sont prévues par la loi. Ainsi, le CDF a mené l'enquête administrative en dehors du cahier des charges qui lui est attribué conformément à la LCF339. Dans ce cadre, il ne disposait en principe d'aucun droit de souveraineté340. À cet égard, les CdG estiment qu'il y a lieu de se demander si le fait que le DEFR ait mandaté le CDF pour réaliser une enquête administrative contrevient au principe de la légalité. Dans le cas d'espèce, le TAF a en effet considéré que ce mandat ne constituait pas un mandat spécial au sens de l'art.1 LCF.

L'attribution d'un tel mandat spécial devrait faire l'objet d'une décision prise par l'ensemble du Conseil fédéral341. Dans ce contexte, les CdG estiment en outre qu'il était inadéquat de mentionner, dans le mandat d'enquête, que la LCF était applicable subsidiairement aux dispositions de la LOGA et de l'OLOGA dans le cadre de l'enquête administrative.

Par ailleurs, les CdG font remarquer que, si l'autorisation donnée par le directeur du CDF à l'attribution de l'enquête administrative à la directrice suppléante du CDF a bien été confirmée formellement dans le mandat d'enquête, la réalisation de l'enquête administrative n'en a pas moins été supervisée par le directeur du CDF342.

Les CdG doutent que la directrice suppléante du CDF ait pu, dans ces circonstances, exécuter son mandat d'enquête en toute «indépendance» vis-à-vis du CDF en tant qu'autorité.

337

338

339 340 341 342

Le TAF ne se prononce pas explicitement sur cette question dans son arrêt A-6211/2017 du 14.5.2018. Au consid. 3.4.2, il relève simplement que «au vu de l'art. 27d, al. 2, OLOGA, selon lequel l'enquête peut également être confiée à des personnes extérieures à l'administration fédérale, il résulte que tant des organes internes ou externes à l'administration fédérale peuvent être chargés d'une enquête administrative» (phrase originale en allemand, trad.).

Une telle application simultanée se retrouve par ex. au ch. 10 du mandat d'enquête: moyennant une formulation que les CdG jugent troublante en ce qui concerne la communication sur l'enquête administrative, il y est question de la LCF, mais la souveraineté en termes de communication est laissée au DEFR.

Le problème de l'application simultanée des dispositions de la LCF et de celles de l'OLOGA en matière d'enquête administrative transparaît aussi à travers la plainte pénale déposée par le CDF le 6.6.2017 (voir ch. 4.4.3, «Enquêtes administratives réalisées par des membres de l'administration fédérale ou par des personnes extérieures à l'administration fédérale»). Le CDF a déposé une plainte pénale en vertu de la LPers, donc en s'appuyant sur sa fonction d'organe de surveillance financière et non en qualité d'organe d'enquête administrative (voir ch. 3.4.2).

Voir p. ex. arrêt du TAF A-6211/2017 du 14.5.2018, consid. 3.3.2.

Voir p. ex. arrêt du TAF A-6211/2017 du 14.5.2018, consid. 3.3.3.

Arrêt du TAF A-6211/2017 du 14.5.2018, consid. 3.3.2.

Voir ch. 3.4.

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Toutefois, un examen approfondi de ces questions dépasserait le cadre de l'objet de cette inspection. C'est pourquoi les CdG y renoncent et abordent ce point dans les recommandations 3 et 4343.

Pour conclure, les CdG souhaitent rappeler qu'elles ont déjà, dans le cadre de l'inspection sur les événements ayant mené à la démission du président de la BNS le 9 janvier 2012, émis des critiques sur le fait de confier des mandats à titre personnel à des représentants du CDF, car ceux-ci sont indissociables de la fonction qu'ils occupent au sein de l'organe suprême en matière de surveillance financière344.

4.4.2

Droit d'être entendu et but d'une enquête administrative

Pour commencer, il convient d'expliquer le but d'une enquête administrative. Aux termes de l'art. 27a, al. 1, OLOGA, l'enquête administrative est «une procédure spéciale du contrôle [...], qui vise à établir si un état de fait exige une intervention d'office pour sauvegarder l'intérêt public». Réalisée par un organe impartial, elle permet de faire toute la lumière sur certains événements345.

L'art. 27g, al. 2, OLOGA prévoit ce qui suit: «Les autorités et les employés de la Confédération touchés par une enquête administrative sont tenus de collaborer à la constatation des faits.» Selon l'art. 27g, al. 4, OLOGA, «[l]es autorités et les personnes touchées par une enquête administrative peuvent consulter toutes les pièces qui les concernent et s'exprimer». Il revient à l'organe chargé de l'enquête de décider qui est «touché» par celle-ci, puis d'accorder à cette personne le droit d'être entendue. Peuvent être touchés par une enquête administrative au sens de l'art. 27g OLOGA non seulement les employés de la Confédération en fonction, mais aussi des tiers (par ex. d'anciens employés de la Confédération). Si elles sont touchées par l'enquête, ces personnes doivent se voir octroyer le droit d'être entendues en vertu de l'art. 27g, al. 4, OLOGA.

Les enquêtes administratives doivent être menées avec le plus grand soin, parce que, dans le cas contraire, leurs conclusions ne sont ni exploitables, ni pertinentes 346. Une enquête administrative doit donc garantir certains aspects de la procédure, dont fait partie le «traitement équitable»347.

Dans l'exposé des faits du ch. 3.4.1, il est mentionné que le rapport d'enquête administrative du CDF critique notamment le comportement de l'ancien chef de l'Etatmajor (1991­2012) ainsi que celle de l'ancienne déléguée (2006­2015)348. Les CdG 343 344

345

346 347 348

Voir ch. 4.4.4.

Gestion par le Conseil fédéral des événements ayant mené à la démission du président de la BNS: entre dimension politique et compétences de surveillance, rapport des CdG du 15.3.2013, ch. 3.2.4 (FF 2013 5078).

Rüdy, Bernhard (2013): Administrativuntersuchungen und ihre dienstrechtlichen Konsequenzen. In: Schweizerische Vereinigung für Verwaltungsorganisationsrecht, Verwaltungsorganisationsrecht ­ Staatshaftungsrecht ­ öffentliches Dienstrecht, Jahrbuch 2012, Stämpfli Verlag, ch. 1, p. 120.

Rüdy, ch. 1, p. 121.

Rüdy, ch. 4.2, p. 125.

Voir ch. 3.4.1.

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estiment que l'ancien chef de l'Etat-major (1991­2012), principal concerné par le rapport, et l'ancienne déléguée (2006­2015), responsable suprême à l'OFAE, n'ont pas bénéficié d'une procédure conforme au droit en ce sens qu'ils n'ont justement pas été inclus dans l'enquête et, par conséquent, n'ont pas bénéficié du droit d'être entendus, tandis que d'autres personnes ont été prises en compte et ont pu s'exprimer dans le cadre du droit d'être entendues. De plus, le CDF adopte une position contradictoire puisque, d'une part, il déclare qu'il n'y a eu aucun droit de participation dans cette enquête administrative et que, d'autre part, il ressort de ladite enquête que certaines personnes ont pu s'exprimer sur le sujet dans le cadre d'interrogatoires. Les CdG considèrent que cette procédure est contraire au principe de la bonne foi. A leurs yeux, l'affirmation du CDF selon laquelle il n'y aurait eu aucun droit de participation dans cette enquête administrative est encore contradictoire sur un autre point: lors de l'audition du 17 août 2017, les représentants du CDF ont déclaré que le droit d'être entendu avait dû être accordé au directeur suppléant de l'OFAE.

L'argument du CDF selon lequel il ne voulait pas que l'enquête administrative gêne l'enquête pénale du MPC n'est que partiellement admissible, selon les CdG. D'une part, les CdG reconnaissent que les enquêtes administratives doivent, sur la base de l'art. 27b, al. 1, OLOGA, tenir compte des enquêtes pénales en cours. D'autre part, l'al. 2 du même article prévoit que, lorsqu'un conflit de procédure est prévisible, l'autorité qui a ordonné l'ouverture de l'enquête suspend l'enquête administrative ou y met fin. Les déclarations des représentants du CDF n'ont pas permis de clarifier si le CDF avait pris en considération cette façon de procéder. En outre, la mesure dans laquelle les autorités de poursuite pénale auraient pu être influencées dans l'accomplissement de leurs tâches par l'interrogatoire de l'ancien chef de l'Etatmajor (1991­2012) n'est pas tout à fait claire pour les commissions étant donné l'absence d'explications plus précises de la part du CDF. Contrairement à ce qui s'applique aux employés de la Confédération en fonction, la collaboration de l'ancien chef de l'Etat-major (1991­2012) à l'enquête administrative aurait été facultative,
de sorte que d'éventuels problèmes concernant l'évaluation des preuves349 dans une procédure pénale ne se seraient pas posés. Pour les CdG, la seule complication éventuelle notable pour une enquête pénale en cours aurait pu consister dans une information préalable sur les démarches des autorités liées à 349

Le problème est le suivant: les employés de la Confédération en fonction qui sont touchés par une enquête administrative sont tenus de collaborer à la constatation des faits dans le cadre d'une enquête administrative (art. 27g, al. 2, OLOGA). Cette obligation contraste avec la position d'un prévenu dans une procédure pénale, lequel ne doit justement pas prendre part à la procédure et ne doit pas non plus s'incriminer. En conséquence, il pourrait y avoir des problèmes d'évaluation de preuves dans une procédure pénale faisant suite à une enquête administrative, parce que le prévenu, lors de la procédure antérieure (soit la procédure administrative) a dû collaborer à la constatation des faits et s'est donc éventuellement incriminé. De cette manière, le droit légal dont il jouit dans le cadre d'une procédure pénale de ne pas être amené à s'incriminer est en somme bafoué. C'est pourquoi l'art. 27h, al. 2, OLOGA prévoit que l'organe chargé de l'enquête administrative doit informer les personnes qui seront interrogées qu'elles peuvent refuser de déposer «si la révélation des faits dont elles ont connaissance est susceptible de les exposer à une procédure pénale ou disciplinaire». Cette problématique ne concerne justement pas les anciens employés de la Confédération, car, comme ils sont alors considérés comme des tiers, leur collaboration à une enquête administrative est facultative (art. 27h, al. 3, OLOGA).

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l'enquête contre l'ancien chef de l'Etat-major (1991­2012) et dans l'éventuelle collusion qui se serait ensuivie. Cependant, cet argument aurait été écarté en octobre 2016 par l'ordonnance de non-entrée en matière rendue par le MPC (le CDF a été informé de cette non-entrée en matière par le MPC), de sorte que le droit d'être entendu aurait pu être accordé sans que cela nuise à une enquête pénale350. En outre, il convient de relever, s'agissant de l'argumentation du CDF selon laquelle le prévenu aurait pu élaborer une stratégie de défense s'il avait bénéficié du droit d'être entendu, qu'un prévenu a légalement tout à fait le droit de développer une stratégie de défense et que ce point ne saurait constituer un motif pour lui refuser celui d'être entendu.

Les CdG admettent que le CDF a dû effectuer l'enquête administrative sous la pression du temps. Ce n'était toutefois pas une raison pour renoncer à obtenir des moyens de preuve qui auraient pu être essentiels en déniant le droit d'être entendu à la personne qui était concernée au premier chef, alors qu'on l'avait accordé à des personnes qui l'étaient dans une moindre mesure. Enfin, l'argument du CDF selon lequel accorder le droit d'être entendu à l'ancien chef de l'Etat-major (1991­2012) aurait représenté une grosse charge de travail est totalement incompréhensible.

Même si solliciter l'ancien chef de l'Etat-major (1991­2012) aurait donné du travail et pris du temps, le CDF aurait dû l'interroger ­ vu le rôle central qui lui est attribué dans le rapport.

L'argument du CDF selon lequel l'enquête portait uniquement sur les faits et que c'est pour cela que le droit d'être entendu ne devait pas être octroyé351 n'est pas non plus recevable aux yeux des CdG: celles-ci doutent que le CDF ait réalisé une enquête administrative purement axée sur les faits, car dans son rapport il juge à diverses reprises le comportement de certaines personnes et formule même une recommandation concrète en matière de droit du personnel concernant le directeur suppléant de l'OFAE352. Par ailleurs, le CDF se contredit en affirmant, d'un côté, dans le rapport d'enquête administrative, qu'une enquête de ce genre n'est pas dirigée contre des personnes en particulier, mais vise à clarifier des faits et à vérifier si une intervention d'office est nécessaire. Il suggère ainsi qu'il
s'agit uniquement de l'établissement des faits et que la question de savoir si ou dans quelle mesure une procédure disciplinaire peut ensuite être ouverte ne joue aucun rôle. De l'autre côté, toujours dans son rapport, le CDF déclare qu'il a renoncé à interroger l'ancienne déléguée (2006­2015) et l'ancien chef de l'Etat-major (1991­2012) parce que, étant donné que ces personnes avaient quitté le service public, il n'aurait de toute façon pas été possible de prendre des mesures disciplinaires contre elles353. Il ressort toutefois de cette argumentation que la question de savoir si une procédure disciplinaire peut être ouverte à la suite de l'enquête administrative a bel et bien joué un rôle. En outre, dans le même texte auquel se réfère le CDF pour son argumentation, 350

Le 7.11.2016, le CDF a remis son rapport d'enquête administrative au DEFR (note du DEFR du 14.7.2017, p. 1), mais la procédure d'enquête n'en était pas terminée pour autant. On en veut pour preuve notamment que le CDF a modifié encore en avril 2017 son rapport d'enquête administrative à la suite des demandes d'accès déposées en vertu de la LTrans.

351 Voir ch. 3.4.2.

352 Voir ch. 3.1.4.

353 Voir ch. 3.4.2.

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il est dit que la distinction qui était faite en son temps entre les enquêtes administratives et les enquêtes disciplinaires n'a plus cours354.

Il convient en sus de souligner le point suivant: de l'avis des CdG, il est hautement discutable que le but de l'enquête administrative au sens de l'art. 27a, al. 1, OLOGA ­ c'est-à-dire établir l'existence d'un certain état de fait ­ puisse être atteint quand deux moyens de preuve considérés au préalable comme potentiellement très importants ­ à savoir les déclarations de l'ancien chef de l'Etat-major (1991­2012) et celles de l'ancienne déléguée (2006­2015) ­ n'ont pas été retenus pour l'enquête355.

Les CdG estiment qu'il y a là un risque que des indications utiles et importantes soient négligées, et qu'il soit par conséquent impossible d'établir clairement les faits.

En résumé, les CdG sont clairement d'avis que le CDF a eu tort de ne pas inclure les deux personnes susmentionnées dans l'enquête administrative en leur refusant le droit d'être entendues. On ne saurait considérer que cette lacune de procédure a été comblée par les avis donnés par l'ancienne déléguée (2006­2015) et par l'ancien chef de l'Etat-major (1991­2012) dans le cadre de la demande d'accès déposée en vertu de la LTrans.

Les CdG sont en outre déconcertées par le fait que le CDF s'est référé, en s'adressant à elles, à un prétendu «avis de droit» sur le thème du droit d'être entendu, alors que les CdG ont appris, après s'être renseignées plus avant, qu'il s'agissait d'une simple note356. Elles condamnent ces indications trompeuses et attendent du CDF qu'il communique désormais en toute transparence. Enfin, les CdG relèvent encore que, pour elles, il est compréhensible qu'un organe chargé d'une enquête administrative fasse ponctuellement appel à un cabinet d'avocats afin d'obtenir des réponses à certaines questions juridiques complexes. Ce qui ne l'est pas, par contre, c'est que le CDF ait dû être conseillé par un cabinet d'avocats même pour des questions de procédure basiques (droit d'être entendu). De l'avis des CdG, les compétences techniques requises pour la réalisation d'une enquête administrative (voir art. 27d, al. 1, let. a, OLOGA) sont ainsi remises en question pour ce qui est du CDF357.

354 355

Rüdy, ch. 1, pp. 120 s.

La déclaration des représentants du CDF selon laquelle il était clair que seul le personnel de l'OFAE serait interrogé est incompréhensible (voir ch. 3.4.2). Ce qui aurait dû être décisif, c'était la question de savoir si la personne concernée pouvait fournir des indications importantes sur les faits et non celle de savoir si elle était encore employée par l'office au moment de l'enquête. Du reste, le CDF n'a pas contesté le fait que l'OLOGA laissait la porte ouverte à de tels interrogatoires (voir ch. 3.4.2).

356 Le CDF, dans le cadre de la consultation de l'administration sur le présent rapport, a indiqué que «la discussion sur la différence entre un avis de droit et une note écrite établie par un cabinet d'avocat dans le cadre d'une procédure [lui semblait] très théorique».

357 Voir également à ce sujet les explications données au ch. 4.4.3.

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4.4.3

Indépendance des organes chargés des enquêtes

Bases légales Il a déjà été mentionné dans le présent rapport que les organes chargés de mener une enquête administrative doivent remplir certains critères: par exemple, ils ne doivent pas exercer d'activité dans le même domaine que celui faisant l'objet de l'enquête358. En outre, les dispositions de l'art. 10 PA relatives aux récusations s'appliquent359. Elles permettent de garantir qu'un contrôle objectif sera effectué par une autorité impartiale et n'ayant pas d'idées préconçues360. Il suffit, pour étayer un doute raisonnable quant à l'indépendance d'un organe, qu'il y ait des circonstances qui, selon toute opinion objective, sont considérées comme des indices de partialité ou de préjugés361.

D'après les commissions, la question de l'indépendance se pose d'une part pour l'expert en subventions et, d'autre part, pour le CDF en général, qui a de fait mené l'enquête administrative en tant qu'autorité, alors même que les règles de récusation ne s'appliquent juridiquement pas à une autorité dans son ensemble, mais aux personnes physiques chargées des enquêtes (voir ci-après)362.

Prise en compte de la question de l'indépendance lors de l'attribution d'un mandat d'enquête administrative Comme cela a été mentionné, l'expert en subventions qui a participé à l'enquête administrative avait déjà pris part à l'audit de l'OFAE en 2014. Lors de cet audit, le CDF était notamment parvenu à la conclusion qu'aucun élément n'indiquait que la gestion des risques n'était pas assurée de manière adéquate363. Même si l'enquête administrative pose un regard critique sur la gestion des risques de l'OFAE au regard de la flotte des navires de haute mer, il n'est pas exclu que des questions relatives à l'indépendance des personnes impliquées demeurent. Au vu des explications fournies, la question de savoir si ce point pose un problème au niveau juridique (indépendance nécessaire et objectivité) reste ouverte.

Indépendamment de toute appréciation juridique, les CdG considèrent qu'il n'est pas opportun ni compréhensible que l'expert en subventions ait également été impliqué dans l'enquête administrative. Cette appréciation ne se limite pas seulement à l'expert, mais concerne aussi, de manière plus générale, la réalisation d'une enquête administrative par le CDF: en effet, vu de l'extérieur, il n'est pas compréhensible qu'une autorité qui, selon ses propres dires, a réalisé un audit lacunaire en 2010 dans 358 359 360

Voir ch. 2.2.2.

Art. 27d, al. 4, PA (RS 172.021).

Breitenmoser, Stephan / Spori Fedail, Marion (2016): Artikel 10 (N 2). In: Waldmann, Bernhard / Weissenberger, Philippe (éd.): Praxiskommentar Verwaltungsverfahrensgesetz (VwVG). Zurich: Schulthess Juristische Medien AG.

361 Breitenmoser, Stephan / Spori Fedail, Marion (2016): Artikel 10 (N 2). In: Waldmann, Bernhard / Weissenberger, Philippe (éd.): Praxiskommentar Verwaltungsverfahrensgesetz (VwVG). Zurich: Schulthess Juristische Medien AG.

362 Breitenmoser, Stephan / Spori Fedail, Marion (2016): Artikel 10 (N 33). In: Waldmann, Bernhard / Weissenberger, Philippe (éd.): Praxiskommentar Verwaltungsverfahrensgesetz (VwVG). Zurich: Schulthess Juristische Medien AG.

363 Voir ch. 3.4.3.

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un domaine, puisse quelques années plus tard investiguer dans le cadre d'une enquête administrative sur d'éventuels dysfonctionnements dans le même domaine.

Les CdG sont d'avis que la directrice suppléante du CDF, et donc le CDF, n'aurait pas dû accepter de prendre en charge l'enquête administrative.

Au-delà de ce cas concret, les commissions estiment que le CDF ­ qui est l'organe de surveillance financière supérieur dans tous les domaines de l'administration fédérale ­ ne devrait jamais mener d'enquête administrative; elles se fondent pour cela sur l'art. 27d, al. 1, let. b, OLOGA (qui dispose que l'organe de contrôle ne doit pas exercer d'activité dans l'unité à contrôler). Elles demandent donc au Conseil fédéral d'apporter dès que possible une précision allant dans ce sens afin d'éviter tout problème relatif au principe d'indépendance de l'organe de contrôle à l'avenir.

En outre, il faut ici rappeler que, des questions de procédure basiques ayant été soumises à un cabinet d'avocats, on peut se demander si le CDF dispose des compétences techniques prévues à l'art. 27d, al. 1, let. a, OLOGA364.

Les explications données jusqu'ici montrent que le DEFR n'aurait pas dû confier cette enquête administrative au CDF, respectivement à sa directrice suppléante. Il aurait dû se rendre compte que le CDF n'avait, en raison des audits qu'il avait menés en 2010 et en 2014, vraisemblablement pas l'indépendance nécessaire pour mener à bien cette enquête. Par conséquent, les commissions ont du mal à comprendre que le département n'ait pas désigné une autre personne, par exemple un avocat spécialisé, pour réaliser cette enquête. Le manque de ressources financières invoqué n'est, pour elles, pas une raison convaincante: les CdG sont résolument d'avis qu'un département doit pouvoir mettre à disposition des moyens suffisants pour mener à bien une enquête indépendante lorsque cette dernière porte sur des événements d'une certaine portée. De même, on ne peut en aucun cas renoncer à appliquer des mesures de gestion et de surveillance ­ qui incluent également l'instauration de conditionscadres correctes pour la réalisation d'une enquête administrative ­ pour des raisons financières.

Au-delà de ce cas concret, la question générale de l'indépendance des autorités chargées d'enquêtes administratives mérite, du point de
vue des CdG, d'être examinée en profondeur. Les commissions se demandent notamment si et dans quel cas, en plus du CDF, des unités telles que le service juridique d'un office ou le secrétariat général d'un département seraient soumises à des restrictions en vertu de l'art. 27d, al. 1, let. b, OLOGA. A ce titre, elles invitent le Conseil fédéral à préciser la disposition légale pertinente.

Recommandation 3

Indépendance de l'organe chargé d'une enquête administrative

Les CdG invitent le Conseil fédéral à préciser les dispositions de l'art. 27d, al. 1, let. b, OLOGA, selon lesquelles un organe chargé d'une enquête administrative ne doit pas exercer d'activité dans le domaine à contrôler.

364

Voir ch. 4.4.2.

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Enquêtes administratives réalisées par des membres de l'administration fédérale ou par des personnes extérieures à l'administration fédérale Comme cela a été mentionné plus haut, l'OLOGA donne la possibilité de confier une enquête administrative à des personnes externes à l'administration fédérale (par ex. à des avocats ou des professeurs de droit). Il apparaît aux CdG, au vu des propos tenus par les représentants du CDF lors de l'audition du 22 janvier 2018, qu'il est nécessaire d'apporter quelques éclaircissements sur ce point.

La remarque du CDF selon laquelle le mandant peut influer sur les résultats d'une enquête qu'il a confiée à une personne externe est certes pertinente, mais il faut souligner que cela est en principe autorisé par la loi: ainsi, l'orientation de l'enquête administrative est automatiquement fixée au moment où l'objet de l'enquête est défini. De plus, cela se justifie du fait que l'enquête administrative est un instrument destiné à la surveillance des unités administratives (en l'occurrence par le département). Enfin, il faut rappeler que le département peut tout autant influer sur une enquête lorsque celle-ci est menée par un organe interne à l'administration (et donc aussi par le CDF).

Les CdG ne sont absolument pas convaincues par l'argument avancé par le CDF selon lequel il peut, contrairement à un organe de contrôle externe, livrer son rapport d'enquête administrative à la DélFin immédiatement et sans l'avoir caviardé au préalable365. Il faut en effet rappeler que la LCF n'est pas applicable en matière de communication du rapport, car, conformément à l'OLOGA, c'est l'autorité qui a demandé l'ouverture de l'enquête (ici le DEFR) qui est compétente en ce qui concerne le rapport d'enquête et c'est elle qui décide de son utilisation366. Comme il est souligné plus haut, l'enquête administrative est bien un instrument destiné à la surveillance des unités administratives et non à la surveillance financière au sens de la LCF, ni à la haute surveillance parlementaire. Par conséquent, le CDF n'aurait pas dû mettre la DélFin au courant des résultats de l'enquête administrative sans avoir au préalable obtenu l'accord du DEFR, à moins que la DélFin ne les ait exigés en vertu du droit d'être informée que lui confère la loi sur le Parlement, droit qui n'est pas remis en cause par l'enquête administrative367.

365

Les représentants du CDF s'appuient ici sur l'art. 14, al. 1, LCF, qui prévoit que le CDF établit un rapport qu'il remet à la DélFin, mais qui n'a pas de validité propre dans le cadre d'une enquête administrative.

366 Art. 27e, al. 1, let. c, d et h, OLOGA (RS 172.010.1) en relation avec le ch. 10 du mandat d'enquête du DEFR; art. 27j, al. 3 et 4, OLOGA (RS 172.010.1).

Le ch. 10 du mandat d'enquête renvoie certes à la LCF (d'une manière toutefois peu claire), mais laisse au DEFR la compétence relative à la communication sur l'enquête administrative, et donc à ce qu'il advient du rapport d'enquête. Les CdG considèrent qu'il s'agit d'un autre exemple malheureux d'application conjointe de règles applicables à l'enquête administrative (celles de l'OLOGA) et de règles contenues dans la LCF.

367 Voir également à ce sujet la décision incidente du TAF A-6908/2017 du 14.5.2018, consid. 4.4.3: «Il serait par conséquent dérangeant et incompatible avec l'organisation de l'administration fédérale centrale, subdivisée en départements (voir art. 43 LOGA et art. 7 OLOGA) que le CDF, en tant qu'autorité externe affiliée à un autre département, puisse décider de la publication d'informations relevant du domaine de compétence et de responsabilité d'un autre département.» (phrase originale en allemand, trad.).

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Enfin, les CdG mettent l'accent sur une autre problématique: le CDF avait déposé une plainte pénale contre l'ancien chef de l'Etat-major (1991­2012) auprès du MPC sur la base des résultats de l'enquête mais, selon ses propres affirmations, en vertu de la loi sur le personnel de la Confédération (LPers) et, partant, au titre d'organe suprême en matière de surveillance financière selon la LCF. Ce faisant, il a, selon les CdG, outrepassé ses compétences, car l'appréciation des suites à donner à une enquête administrative relève, selon l'art. 27j, al. 4, OLOGA, exclusivement de l'autorité qui a ordonné l'enquête, et non de l'organe chargé de l'enquête368; seul le DEFR aurait pu donc déposer une plainte pénale. Il n'est pas possible de déroger à cette disposition, même en introduisant des prescriptions autres dans le mandat d'enquête369. Par ailleurs, l'art. 27j, al. 5, OLOGA dispose que «les résultats d'une enquête administrative peuvent donner lieu à l'ouverture d'autres procédures, prévues en particulier par le droit du personnel». Sur ce point aussi, les CdG considèrent qu'il revient à l'autorité qui a ordonné l'enquête d'ouvrir ou non d'éventuelles autres procédures; sinon, il y aurait contradiction avec l'art. 27j, al. 4, OLOGA et l'autorité qui a ordonné l'enquête empiéterait sur le domaine de compétences de l'organe chargé de l'enquête370. On peut également relever qu'un expert externe auquel on aurait confié une enquête administrative ne serait pas non plus habilité à déposer une plainte pénale en vertu de la LPers. On voit là le problème posé par la réalisation d'une enquête administrative par le CDF: celui-ci ne peut porter à la fois la «casquette» d'organe suprême de la Confédération en matière de surveillance financière et celle d'organe de surveillance des unités administratives371.

Recommandation 4

CDF et enquêtes administratives

Les CdG prient le Conseil fédéral de clarifier explicitement s'il est licite et judicieux que le CDF (ou ses responsables), en tant qu'organe suprême en matière de surveillance financière et autorité indépendante, mène des enquêtes administratives sur mandat des départements dans le cadre de la surveillance des unités administratives.

368

Chancellerie fédérale, Erläuternder Bericht zur Änderung der Regierungs- und Verwaltungsorganisationsverordnung (RVOV), novembre 2004, p. 5 (uniquement en allemand, non publié). Voir également l'arrêt du TAF A-6211/2017 du 14.5.2018, consid. 3.7.

369 Dans le cas présent, le mandat d'enquête ne contient pas de règle dérogatoire. Si le ch. 7 prévoit que la personne chargée de l'enquête peut, en tout temps, prendre contact avec des tiers dans le cadre de l'enquête, le dépôt d'une plainte pénale n'y est ­ au vu des déclarations ­ pas mentionné.

370 Voir également la décision incidente du TAF A-6908/2017 du 14.5.2018, consid. 4.4.3.

371 Les CdG avaient déjà soulevé un problème identique en 2013. Voir à ce sujet: Gestion par le Conseil fédéral des événements ayant mené à la démission du président de la BNS: entre dimension politique et compétences de surveillance, rapport des CdG du 15.3.2013, ch. 3.2.4 (FF 2013 5079).

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4.4.4

Autres recommandations

D'autres recommandations ne portant ni sur le droit d'être entendu ni sur l'indépendance de l'organe chargé de l'enquête administrative ont été formulées par les CdG sur la base des considérations exposées plus haut. Elles sont présentées ci-après.

Questions d'ordre général sur les enquêtes administratives Aux yeux des CdG, différentes questions se posent concernant les enquêtes administratives en général: des enquêtes administratives peuvent-elles être confiées à des autorités plutôt qu'à des personnes? Peut-on autoriser qu'un tiers non mentionné dans le mandat d'enquête (dans ce cas précis, le directeur du CDF) supervise l'enquête administrative ou la personne chargée de l'enquête372?

L'examen de ces questions va plus loin que l'objet du présent rapport, c'est pourquoi les CdG demandent au Conseil fédéral d'éclaircir ces points et de lui remettre un rapport373.

Recommandation 5

Questions d'ordre général concernant les enquêtes administratives

Les CdG invitent le Conseil fédéral à examiner si une enquête administrative ne peut être confiée qu'à des personnes conformément à l'art. 27d OLOGA ou s'il est possible de la confier à des autorités; il devra également examiner dans quelle mesure la supervision d'un employé de la Confédération chargé d'une enquête par un supérieur peut influer sur son indépendance.

Examen portant sur la création d'un centre de compétences pour les enquêtes administratives Comme le montrent les considérations ci-dessus, nombre de questions (d'ordre juridique) se posent en matière d'enquête administrative aussi bien avant l'attribution du mandat que pendant l'enquête proprement dite. Dans le cas présent, ces questions n'ont pas fait l'objet d'un examen suffisamment approfondi, ni par le DEFR ni par le CDF, et ce bien que ces deux autorités disposent chacune de leur propre service juridique. Les CdG sont d'avis qu'il faut professionnaliser les enquêtes administratives afin de garantir une certaine homogénéité des procédures d'enquête au sein de l'administration fédérale; dans cette optique, les commissions invitent le Conseil fédéral à examiner la possibilité d'instaurer un centre de compétences interne à l'administration fédérale, qui apporterait une expertise aussi bien au mandant qu'au mandataire d'une enquête et les conseillerait tout au long de la procédure.

372 373

Voir ch. 4.4.1.

Il faut préciser ici que les CdG ont chargé le Contrôle parlementaire de l'administration de réaliser une évaluation portant sur les procédures en vigueur dans le cadre des enquêtes administratives et des procédures disciplinaires, ce qui devrait amener celui-ci à examiner des questions très similaires.

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Recommandation 6

Centre de compétences en matière d'enquêtes administratives

Les CdG invitent le Conseil fédéral à examiner la possibilité de créer, au niveau de la Confédération (par ex. au sein de l'Office fédéral de la justice), un centre de compétences en matière d'enquêtes administratives chargé de conseiller l'autorité ayant ordonné l'enquête et le mandataire chargé de l'enquête notamment au regard des questions de droit.

4.5

Enseignements à tirer en matière de cautionnements et autres obligations de la Confédération

Les considérations ci-après présentent jusqu'à quel point les CdG estiment qu'il faut intervenir au niveau des cautionnements et des autres obligations contractées par la Confédération et comment elles évaluent les enseignements tirés par la Confédération de la crise des cautionnements pour les navires de haute mer.

Dans l'exposé des faits, il a été souligné que la Confédération devait supporter des obligations très élevées sous la forme de cautionnements et de garanties. Certaines de ces obligations sont intégrées dans la gestion des risques de la Confédération, d'autres pas. L'AFF a expliqué aux CdG pourquoi certaines obligations n'étaient pas considérées comme des risques374. Si les commissions peuvent comprendre les raisons pour lesquelles les cautionnements et autres obligations ne sont pas tous intégrés à la gestion des risques de la Confédération, elles estiment toutefois que la Confédération devrait déterminer si les obligations qui ne sont pas considérées comme des risques ne devraient pas être réexaminées à la lumière des enseignements tirés des problèmes liés aux cautionnements de la flotte de haute mer et, plus concrètement, si elles ne devraient pas être prises en considération dans la gestion des risques.

Les commissions approuvent entièrement les conclusions de l'AFF, qui préconise de prêter plus d'attention aux risques non seulement lors de l'exécution mais aussi au moment de prendre en charge d'éventuelles nouvelles obligations.

S'agissant de l'exécution, la question se pose pour les CdG de savoir si le Conseil fédéral ne devrait pas fixer des critères applicables à l'ensemble de l'administration fédérale pour l'octroi de cautionnements ou la prise en charge de garanties. Elles invitent donc le Conseil fédéral à examiner l'éventualité d'édicter des directives allant dans ce sens ou d'établir une liste desdits critères.

En ce qui concerne d'éventuelles nouvelles obligations, les CdG attendent du Conseil fédéral qu'il informe mieux et plus en détail le Parlement des potentielles conséquences financières et des risques éventuels lorsqu'il lui soumet ses projets et ses messages, afin que le Parlement puisse examiner les projets d'un oeil critique dans le cadre de sa fonction législative.

374

Voir ch. 3.5.1.

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Recommandation 7

Examen de l'intégration de certaines obligations dans la gestion des risques

Les CdG invitent le Conseil fédéral à examiner la nécessité d'intégrer dans la gestion des risques les cautionnements ou autres obligations similaires de la Confédération qui n'y figuraient pas jusque-là.

Recommandation 8

Examen de l'élaboration de directives uniformes pour l'exécution des cautionnements et autres obligations

Les CdG invitent le Conseil fédéral à déterminer si des directives uniformes concernant l'octroi de cautionnements et d'autres obligations similaires doivent être édictées au regard de la crise touchant les cautionnements de la flotte des navires de haute mer.

5

Conclusions

Dans le cadre de leur enquête, les CdG se sont concentrées en particulier sur la surveillance exercée par le DEFR sur l'OFAE et par le DFAE sur l'OSNM, l'information de l'ensemble du Conseil fédéral, le rôle du CDF et les enseignements tirés de cette affaire. La vente des bateaux et l'analyse des processus et responsabilités au sein de l'OFAE n'ont pas fait l'objet de l'inspection des CdG, dans la mesure où ces aspects ont déjà été ou sont traités par d'autres organes.

Les CdG ont déjà fait part des principales constatations résultant de leur inspection dans les différents chapitres concernés. Les conclusions les plus fondamentales sont résumées ci-après.

L'enquête a montré que l'OFAE n'avait pas réagi en temps utile à la crise qui frappait les cautionnements de la flotte suisse de haute mer, qu'il n'avait pas suffisamment informé le DEFR et, par conséquent, qu'il n'avait pas respecté de manière adéquate l'obligation qui lui incombait de signaler les problèmes au département. Ce qui est aussi déterminant aux yeux des CdG, c'est que le DEFR s'est longtemps comporté de façon trop passive envers l'OFAE et qu'il n'a pas assez remis en question les activités de l'OFAE dans le cadre de ses tâches de surveillance. Cette situation s'illustre notamment par le fait que, jusqu'au moment où la crise a pris de l'ampleur, soit en juin 2015, le thème des cautionnements de la flotte suisse de haute mer n'a jamais été abordé dans le cadre des entretiens de gestion et par le fait que la mention de l'existence de problèmes à ce propos dans les notes d'information et dans les rapports sur les risques n'a jamais été prise en considération. En conséquence, les processus de l'OFAE en matière de cautionnement maritime, qui étaient lacunaires, sont restés dans l'ombre durant une longue période. Pour les commissions, il convient également de noter à ce sujet que, au sein de l'OFAE comme entre la tête du département et la direction de l'office, les compétences et les responsabilités de la direction de l'office étaient parfois interprétées de manière complètement

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différente, ce qui pourrait avoir contribué aux problèmes rencontrés dans le domaine des cautionnements de la flotte suisse de haute mer.

Les CdG estiment cependant que, une fois que la crise a éclaté, en juin 2015, le DEFR a amélioré la surveillance qu'il exerçait à l'égard de l'OFAE. Elles relèvent en outre que le DEFR a informé l'ensemble du Conseil fédéral sur le sujet de façon appropriée à partir du mois de juin 2015.

Les CdG estiment également positif le fait que, sur la base des problèmes liés aux cautionnements de la flotte suisse de haute mer, certains enseignements ont été tirés à d'autres niveaux aussi. Citons par exemple, d'une part, les efforts visant à améliorer la collaboration entre l'OFAE et l'OSNM, qui ont d'ailleurs abouti à la conclusion d'une convention de coopération entre les deux offices, et, d'autre part, les mesures destinées à mieux tenir compte des risques relatifs aux cautionnements et à d'autres engagements similaires dans le cadre de la gestion des risques de la Confédération.

Une autre conclusion ­ moins positive en l'occurrence ­ des investigations des CdG se rapporte au CDF et au fait que celui-ci a conduit l'enquête administrative touchant l'OFAE. Pour les CdG, il est évident que le CDF n'aurait pas dû être chargé de cette enquête, et ce, en raison des problèmes que cette situation engendrait en termes d'indépendance. A cela s'ajoute le fait que l'enquête a été menée, du point de vue des CdG, de manière lacunaire, en ce sens que ni l'ancien chef de l'Etat-major (1991­2012) ni l'ancienne déléguée (2006­2015) n'ont été appelés à y collaborer.

Les CdG ne comprennent pas la décision du CDF de ne pas interroger ces deux personnes. Le fait qu'aujourd'hui encore le CDF juge cette procédure justifiée et nie l'existence de problèmes au sujet de son manque d'indépendance soulève, selon les commissions, des questions fondamentales sur les compétences techniques du CDF en tant qu'organe chargé d'effectuer des enquêtes administratives. Sur ce point, le DEFR n'est pas exempt de critiques, puisqu'il a apparemment sous-estimé la question de l'indépendance du CDF.

Les investigations menées sur le rôle du CDF ont par ailleurs montré qu'il y avait eu, dans le cadre de l'enquête administrative du CDF, un mélange des dispositions concernant l'enquête administrative (OLOGA) et
des normes applicables au CDF en vertu de la LCF. Il y aura lieu d'éviter à l'avenir des confusions de ce type.

Sur la base de ces constatations, les CdG ont formulé huit recommandations à l'intention du Conseil fédéral.

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6

Suite de la procédure

Les CdG invitent le Conseil fédéral à prendre position sur les constatations et recommandations ci-dessus d'ici au 1er octobre 2018 au plus tard. Elles invitent également le CDF à se prononcer jusqu'à la même date au sujet des constatations le concernant.

26 juin 2018

Au nom des Commissions de gestion des Chambres fédérales: La présidente de la CdG-E, Anne Seydoux-Christe, conseillère aux Etats Le vice-président de la CdG-N, Erich von Siebenthal, conseiller national La présidente du groupe de travail, Yvonne Feri, conseillère nationale La secrétaire des CdG, Beatrice Meli Andres

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Abréviations AFF BNS CDF CdG ChF Cst.

DDIP DEFR DETEC DélFin DFAE DFE DFI DFJP FMI LAP LAr LCF LFC LOGA LParl LPers LTrans MPC OAEP OFAE OFC OFEV OFL

Administration fédérale des finances Banque nationale suisse Contrôle fédéral des finances Commissions de gestion des Chambres fédérales Chancellerie fédérale Constitution (RS 101) Direction du droit international public Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication Délégation des finances des Chambres fédérales Département fédéral des affaires étrangères Département fédéral de l'économie Département fédéral de l'intérieur Département fédéral de justice et police Fonds monétaire international Loi fédérale du 17 juin 2016 sur l'approvisionnement économique du pays (loi sur l'approvisionnement du pays; RS 531) Loi fédérale du 26 juin 1998 sur l'archivage (RS 152.1) Loi fédérale du 28 juin 1967 sur le Contrôle fédéral des finances (loi sur le Contrôle des finances; RS 614.0) Loi du 7 octobre 2005 sur les finances de la Confédération (loi sur les finances; RS 611.0) Loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (RS 172.010) Loi du 13 décembre 2002 sur l'Assemblée fédérale (loi sur le Parlement; RS 171.10) Loi du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération (RS 172.220.1) Loi fédérale du 17 décembre 2004 sur le principe de la transparence dans l'administration (loi sur la transparence; RS 152.3) Ministère public de la Confédération Ordonnance du 10 mai 2017 sur l'approvisionnement économique du pays (RS 531.11) Office fédéral pour l'approvisionnement économique du pays Ordonnance du 5 avril 2006 sur les finances de la Confédération (RS 611.01) Office fédéral de l'environnement Office fédéral du logement 6305

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OFSP OFT OLAr

Office fédéral de la santé publique Office fédéral des transports Ordonnance du 8 septembre 1999 relative à la loi fédérale sur l'archivage (ordonnance sur l'archivage; RS 152.11) OLOGA Ordonnance du 25 novembre 1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (RS 172.010.1) Org DEFR Ordonnance du 14 juin 1999 sur l'organisation du Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (RS 172.216.1) Org DFE Ordonnance du 14 juin 1999 sur l'organisation du Département fédéral de l'économie (RS 172.216.1) OSNM Office suisse de la navigation maritime PA Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (RS 172.021) PFPDT Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence SCI Système de contrôle interne SECO Secrétariat d'Etat à l'économie SFI Secrétariat d'Etat aux questions financières internationales SG-DEFR Secrétariat général du DEFR SG-DETEC Secrétariat général du DETEC TAF Tribunal administratif fédéral

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Liste des personnes auditionnées Ayoubi, Semya

Secrétaire générale adjointe du DFAE

Brupacher Trivigno, Stefan

Secrétaire général du DEFR

Christ, Brigitte

Directrice suppléante du CDF

Dürler, Reto

Chef de l'OSNM

Eichmann, Michael

Chef de l'Etat-major de l'OFAE de 1991 à 2012

Flessenkämper, Alfred

Directeur suppléant de l'OFAE

Girgis-Musy, Gisela

Déléguée à l'approvisionnement économique du pays de 2006 à 2015

Heynen, Nicole

Co-directrice de la section Gestion des risques et politique en matière d'assurance de l'AFF

Huissoud, Michel

Directeur du CDF

König, Peter

Examinateur Finances 3, responsable de l'enquête administrative

Leuthard, Doris

Conseillère fédérale, cheffe du DFE de 2006 à 2010

Meier, Werner

Délégué à l'approvisionnement économique du pays (depuis 2015)

Schneider-Ammann, Johann

Conseiller fédéral, chef du DEFR

Schwaar, Karl

Directeur suppléant de l'AFF

Thurnherr, Walter

Chancelier de la Confédération, secrétaire général du DFE de 2003 à 2010

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