18.036 Message concernant la modification de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (Adaptation des franchises à l'évolution des coûts) du 28 mars 2018

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'une modification de la loi fédérale sur l'assurance-maladie, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous proposons simultanément de classer l'intervention parlementaire suivante: 2016

M 15.4157

Assurance obligatoire des soins. Adapter le montant des franchises à l'évolution des coûts (E 21.9.2016, Bischofberger; N 8.12.2016)

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

28 mars 2018

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Alain Berset Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2017-3110

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Condensé La présente modification de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (LAMal) vise l'adaptation régulière des franchises aux coûts de l'assurance obligatoire des soins.

Contexte En raison du développement démographique (d'ici à 2045, le nombre des personnes âgées de plus de 80 ans va plus que doubler en Suisse) et des progrès médicotechniques, les coûts de la santé sont en constante augmentation. L'évolution des coûts de ces dernières années est aussi due à un recours accru aux soins, dont l'ampleur ne s'explique pas entièrement d'un point de vue médical. De 1996 à 2016, l'assurance obligatoire des soins a dépensé chaque année en moyenne 4 % de plus par assuré pour le remboursement des prestations médicales.

Dans le cadre de sa stratégie «Santé2020», le Conseil fédéral a déjà lancé des mesures ayant permis d'économiser plusieurs centaines de millions de francs par an. Il examine encore d'autres mesures permettant de maîtriser cette hausse importante des coûts. L'objectif est de garantir des soins de qualité et de permettre à la population d'y accéder, mais également de contenir la hausse des coûts, de maintenir la charge financière des primes d'assurance-maladie à un niveau supportable et de limiter l'augmentation des dépenses de la Confédération et des cantons dans le domaine de la réduction des primes.

Contenu du projet Le Conseil fédéral et le Parlement entendent renforcer la responsabilité individuelle des assurés afin de contribuer à limiter la hausse des coûts. En exécution de la motion n o 15.4157, déposée par le conseiller aux États Ivo Bischofberger et intitulée «Assurance obligatoire des soins. Adapter le montant des franchises à l'évolution des coûts», le présent projet prévoit d'adapter le montant des franchises à l'évolution des coûts de l'assurance obligatoire des soins.

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Message 1

Présentation du projet

1.1

Contexte

Entre 1996, date de l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (LAMal)1, et 2016, les coûts bruts à la charge de l'assurance obligatoire des soins sont passés de 12 à 30 milliards de francs par an. Ils ont ainsi plus que doublé en 20 ans. Cette augmentation s'explique en partie par l'évolution démographique (vieillissement de la population), par les progrès dans les domaines médical et technique et par l'accroissement de la consommation de prestations médicales. Le Conseil fédéral a adapté la franchise ordinaire à plusieurs reprises; depuis 1996, celle-ci a également doublé. Le présent projet répond à la motion n o 15.4157 du conseiller aux États Ivo Bischofberger et intitulée «Assurance obligatoire des soins. Adapter le montant des franchises à l'évolution des coûts», qui vise à adapter régulièrement le montant des franchises à l'évolution des coûts de l'assurance obligatoire des soins afin de limiter quelque peu la hausse des coûts.

1.2

Dispositif proposé

Le projet prévoit d'adapter le montant des franchises à l'évolution des coûts de l'assurance obligatoire des soins. Cette modification vise à renforcer la responsabilité individuelle des assurés et à leur faire prendre conscience du montant des coûts qu'ils génèrent.

1.3

Résultats de la procédure de consultation

Le 28 juin 2017, le Conseil fédéral a ouvert la consultation sur la modification de la LAMal (adaptation des franchises à l'évolution des coûts). Celle-ci s'est terminée le 19 octobre 2017.

Les avis des cantons étaient partagés: quatorze d'entre eux ont approuvé le projet sans réserve, deux ont émis des réserves, deux autres n'ont pas précisé s'ils soutenaient le projet ou non, un canton a déclaré ne pas y être opposé tandis que sept cantons l'ont rejeté. Certains cantons doutent que les économies que le projet devrait permettre de réaliser compenseront les frais supplémentaires qui devront être remboursés aux bénéficiaires de prestations complémentaires (cf. ch. 3.2); ils craignent dès lors un report de la charge financière sur eux-mêmes et sur les communes et une augmentation du nombre des bénéficiaires de l'aide sociale.

1

RS 832.10

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Les détails de la consultation sont disponibles dans le rapport sur les résultats de la consultation2.

1.4

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen

Le droit des assurances sociales de l'Union européenne ne prévoit pas une harmonisation des systèmes nationaux de sécurité sociale. Les États membres peuvent, dans une large mesure, déterminer librement la structure, le champ d'application personnel, les modalités de financement et l'organisation de leurs systèmes de sécurité sociale. Ils doivent cependant observer les principes de coordination définis dans les règlements (CE) no 883/20043 et 987/20094, tels que l'interdiction de la discrimination, la prise en compte des périodes d'assurance et la fourniture des prestations au-delà des frontières. Depuis l'entrée en vigueur, le 1 er juin 2002, de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes5, ces principes sont aussi contraignants pour la Suisse.

1.5

Mise en oeuvre

La compétence de fixer les franchises incombe au Conseil fédéral. Celui-ci modifiera les dispositions concernées de l'ordonnance du 27 juin 1995 sur l'assurancemaladie (OAMal)6 lorsque les franchises devront être adaptées.

1.6

Classement d'une intervention parlementaire

Le Conseil fédéral propose de classer l'intervention parlementaire suivante: motion no 15.4157, intitulée «Assurance obligatoire des soins. Adapter le montant des franchises à l'évolution des coûts». Cette motion charge le Conseil fédéral de modifier la LAMal de manière à ce que le montant des franchises, en particulier celui de la franchise ordinaire, soit régulièrement adapté à l'évolution des coûts à la charge

2

3

4

5 6

Le rapport sur les résultats de la consultation est disponible à l'adresse suivante: www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2017 > DFI.

Règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, JO L 166 du 30.4.2004, p. 1.

Une version consolidée (non contraignante) du présent règlement est publiée au RS 0.831.109.268.1.

Règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n o 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, JO L 284 du 30.10.2009, p. 1. Une version consolidée (non contraignante) du présent règlement est publiée au RS 0.831.109.268.11.

RS 0.142.112.681 RS 832.102

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de l'assurance obligatoire des soins. Le présent projet répond entièrement à cette demande, de sorte que la motion peut être classée.

1.7

Rapport entre le projet et un autre projet de modification de la LAMal

La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS) de chaque conseil a décidé de donner suite à l'initiative parlementaire n o 15.468, intitulée «LAMal. Renforcer la responsabilité individuelle». L'avant-projet de modification de la LAMal élaboré par la CSSS-N prévoit que les assurés qui contractent une forme particulière d'assurance avec franchise à option doivent conserver la franchise choisie durant une période de trois années civiles. Il a été mis en consultation le 18 septembre 20177. L'objet du présent message et celui de l'initiative parlementaire sont étroitement liés: l'assuré qui choisit une franchise à option doit savoir que le montant de cette dernière risque d'être modifié durant la période pour laquelle il s'est engagé.

2

Commentaire de la disposition

Art. 64, al. 3, 2e phrase Le Conseil fédéral est compétent pour fixer le montant de la franchise ordinaire (art. 64, al. 3, 1re phrase, LAMal) et des franchises à option (art. 62, al. 2, let. a, LAMal). Il a déjà adapté les différentes franchises à plusieurs reprises. Ainsi, lors de l'introduction de la LAMal en 1996, la franchise ordinaire se montait à 150 francs par an. Elle est ensuite passée à 230 francs par an de 1998 à 2003 et finalement à 300 francs par an lors de la dernière adaptation en 2004. De leur côté, les franchises à option ont été modifiées en 1998 et en 2005.

En adoptant la motion no 15.4157, le Parlement a chargé le Conseil fédéral de lui présenter un projet qui inscrive dans la loi une adaptation régulière du montant des franchises à l'évolution des coûts. Le présent projet prévoit que les franchises seront adaptées par paliers en fonction de l'évolution des coûts moyens par assuré des prestations brutes de l'assurance obligatoire des soins. La périodicité de l'adaptation des franchises dépendra de l'évolution des coûts.

Tant lors de l'introduction de la LAMal qu'en 2016, les coûts bruts par personne étaient plus de douze fois supérieurs à la franchise ordinaire (prestations brutes par personne en 2016: 3777 francs; franchise ordinaire: 300 francs). Il convient de conserver ce rapport. Pour mettre en oeuvre la nouvelle disposition légale, le Conseil fédéral augmentera la franchise ordinaire de 50 francs lorsque les coûts bruts moyens par assuré des prestations définies aux art. 25 à 31 LAMal auront dépassé le montant équivalant à treize fois la franchise ordinaire (soit 13 × 300 = 3900). Le 7

Le projet mis en consultation est disponible à l'adresse suivante: www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2017 > CP.

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rapport 1:12 entre la franchise ordinaire et les coûts bruts pourra ainsi être maintenu.

Les franchises à option devront également augmenter de 50 francs lors de l'adaptation de la franchise ordinaire. Le Conseil fédéral sera dès lors amené à modifier régulièrement les dispositions d'exécution correspondantes (art. 103, al. 1, et 93, al. 1, OAMal).

Un tel mécanisme permet d'obtenir un montant arrondi pour les franchises, ce qui simplifie le système pour les assurés et pour les assureurs. L'initiative parlementaire no 15.468 prévoit par ailleurs l'obligation de conclure les formes d'assurance avec franchise à option pour trois ans. Avant de choisir une franchise à option, les assurés sauront ainsi de quel montant celle-ci risque d'augmenter pendant la durée de leur engagement. En outre, comme chaque échelon de franchise est adapté en même temps et dans la même mesure, le risque de participer aux coûts assumé par les assurés ayant choisi une franchise plus élevée et, par voie de conséquence, la réduction de primes qui en découle (art. 95, al. 2bis, OAMal) restent identiques.

Une hausse de 50 francs permet de conserver les mêmes montants pour les franchises durant plusieurs années, ce qui garantit la stabilité du système.

Les franchises des enfants ne sont pas soumises à ce mécanisme d'adaptation.

L'augmentation des franchises des enfants irait en effet à l'encontre de la volonté de soulager le budget des familles que le Parlement a exprimée en adoptant la modification du 17 mars 2017 de la LAMal8.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

3.1.1

Conséquences financières

Pour autant qu'elle amène les assurés à faire preuve de davantage de retenue dans le recours aux prestations médicales, l'augmentation des franchises entraînera une diminution des coûts bruts de l'assurance obligatoire des soins et une réduction des subsides de la Confédération destinés à la réduction des primes (art. 66 LAMal). Il n'est toutefois pas possible de la quantifier.

3.1.2

Conséquences sur l'état du personnel

La mise en oeuvre de la modification législative n'a pas de conséquences en matière de personnel pour la Confédération.

8

FF 2017 2213

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3.2

Conséquences pour les cantons et les communes

Si l'augmentation de la participation aux coûts conduit les assurés à recourir plus modérément aux prestations et qu'elle entraîne de ce fait une baisse de la somme à la charge de l'assurance obligatoire des soins, les cantons pourront réaliser des économies dans le domaine de la réduction des primes. Comme pour la Confédération (ch. 3.1.1), ces économies ne peuvent pas être chiffrées.

L'augmentation des franchises se répercutera sur la prime de l'assurance obligatoire des soins et donc sur la prime moyenne cantonale qui sert de base pour le calcul des prestations complémentaires. Le présent projet est ainsi susceptible de réduire les dépenses reconnues couvertes par les prestations complémentaires et, par voie de conséquence, le montant de la prestation complémentaire annuelle. La Confédération ne participe pas, dans le cadre des prestations complémentaires, au financement de la prime moyenne prise en compte pour le calcul des prestations complémentaires (art. 39, al. 4, de l'ordonnance du 15 janvier 1971 sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité9).

Par ailleurs, aux termes de l'art. 14, al. 1, let. g, de la loi du 6 octobre 2006 sur les prestations complémentaires (LPC)10, les frais payés au titre de la participation aux coûts sont remboursés aux bénéficiaires de prestations complémentaires. À ce titre, le présent projet implique une augmentation des frais de maladie couverts par les prestations complémentaires. Ceux-ci sont financés par les cantons (art. 16 LPC).

Étant donné que depuis l'introduction de la LAMal, la franchise ordinaire a augmenté dans la même proportion que les coûts par assuré, il n'y a pas lieu de s'attendre à d'autres conséquences financières que celles qui se sont produites dans le passé.

L'augmentation des franchises des adultes pourrait amener davantage d'assurés à demander l'aide sociale. Les cantons et les communes doivent donc s'attendre à une hausse des dépenses dans ce domaine.

3.3

Conséquences pour l'assurance-maladie

L'adaptation des franchises à l'évolution des coûts contraindra les assureurs à adapter régulièrement leur système informatique. Ils ont déjà dû procéder à de pareils ajustements dans le passé. La fréquence de ces travaux va cependant augmenter, mais les coûts qui en découlent ne sont pas importants.

3.4

Conséquences économiques

Tous les assurés adultes devront supporter une participation aux coûts plus élevée s'ils dépassent leur franchise. Les assurés adultes malades assumeront par conséquent eux-mêmes une plus grande partie de leurs coûts. La charge pour l'assurance obligatoire des soins se réduira d'autant, ce qui se traduira par une diminution 9 10

RS 831.301 RS 831.30

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des primes. Les économies qui en découleront devraient être supérieures aux coûts supplémentaires que les assurés devront assumer eux-mêmes parce qu'ils feront preuve de davantage de retenue dans le recours aux prestations. Comme la franchise ordinaire a augmenté dans la même proportion que les coûts par assuré depuis l'introduction de la LAMal et que les franchises à option ont aussi déjà été modifiées, les conséquences économiques ne devraient pas être différentes de celles qu'ont entraînées les adaptations antérieures des franchises. Les années où les franchises seront adaptées, l'augmentation des primes sera un peu plus faible que lors des années sans adaptation (hausse d'environ 0,5 % inférieure).

4

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies du Conseil fédéral

Le projet n'est pas annoncé dans l'arrêté fédéral du 14 juin 2016 sur le programme de la législature 2015 à 201911. Il est compatible avec la stratégie Santé2020 que le Conseil fédéral a adoptée le 23 janvier 2013.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

En vertu de l'art. 117, al. 1, de la Constitution (Cst.)12, la Confédération a la compétence de légiférer en matière d'assurance-maladie.

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales

Le présent projet porte sur le financement du système d'assurance-maladie sociale.

Comme exposé au ch. 1.4, le droit européen applicable en Suisse n'impose pas de normes dans ce domaine. Le projet est donc conforme au droit européen repris par la Suisse.

5.3

Forme de l'acte à adopter

Le projet prévoit une disposition importante au sens de l'art. 164, al. 1, Cst. puisqu'il concerne les obligations des assurés. Il doit donc prendre la forme d'une loi fédérale sujette au référendum.

11 12

FF 2016 4999 RS 101

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5.4

Frein aux dépenses

Aux termes de l'art. 159 Cst., les dispositions relatives aux subventions, ainsi que les crédits d'engagement et les plafonds de dépenses doivent être adoptés à la majorité des membres de chaque conseil s'ils entraînent de nouvelles dépenses uniques de plus de 20 millions de francs ou de nouvelles dépenses périodiques de plus de 2 millions de francs. Comme le projet ne prévoit ni de dispositions relatives aux subventions ni de décisions de financement, il n'est pas soumis au frein aux dépenses.

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