18.009 Rapport sur la politique extérieure 2017 du 21 février 2018

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Nous vous soumettons le rapport sur la politique extérieure 2017, en vous priant de bien vouloir en prendre acte.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs l'assurance de notre haute considération.

21 février 2018

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Alain Berset Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2017-2427

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Condensé Le présent rapport brosse un tableau général de la politique extérieure menée par la Suisse en 2017. En vertu de l'art. 148, al. 3, de la loi sur le Parlement et de la décision du Conseil fédéral du 11 mai 2011, le Conseil fédéral fait rapport à l'Assemblée fédérale sur les activités de politique extérieure de la Suisse et examine à cette occasion un thème prioritaire en profondeur.

Le chap. 1 présente les lignes d'évolution actuelles de la politique mondiale. Parmi celles-ci, il y a lieu de citer les basculements géopolitiques toujours à l'oeuvre dans ce monde multipolaire qui, en 2017, était notamment placé sous le signe d'un nouveau gouvernement américain et de l'affirmation par la Chine de son ambition de jouer un rôle de leadership mondial. La situation internationale reste marquée par de nombreuses crises. Si de nouvelles fractures sont apparues, des avancées ont cependant été réalisées en 2017 sur la voie de la stabilisation. La tendance à accorder plus de poids à la prévention dans l'agenda international de la paix comme dans celui du développement reflète une priorité traditionnelle de la politique extérieure de la Suisse.

Les contributions de cette politique à la sécurité en Europe, thème prioritaire de ce rapport, sont exposées dans le chap. 2. Celui-ci montre comment la Suisse oeuvre pour la résolution de la crise de l'ordre européen en s'engageant pour le rapprochement entre la Russie et l'Occident. Dans le cadre des institutions de sécurité, elle s'emploie également à promouvoir la coopération dans des domaines comme le cyberespace et la lutte contre le terrorisme. Enfin, l'exemple des Balkans occidentaux illustre comment elle s'emploie à promouvoir la stabilité au niveau sous-régional en mettant à profit les instruments de la coopération internationale.

Les chap. 3 à 6 présentent l'état de mise en oeuvre des quatre axes de la stratégie de politique étrangère 2016­2019 du Conseil fédéral. Le bilan est mitigé. En matière de politique européenne, il est en deçà des attentes du Conseil fédéral; les relations entre la Suisse et l'UE restent fragiles et doivent être clarifiées. Des progrès ont été accomplis avec des États voisins sur plusieurs dossiers bilatéraux importants, mais des points majeurs requièrent toujours une clarification, notamment en ce qui concerne l'Italie. S'agissant
des 3 autres axes ­ relations avec des partenaires mondiaux, paix et sécurité ainsi que développement durable et prospérité ­, le bilan est positif. Les avancées réalisées revêtent différentes formes: approfondissement des relations avec la Chine et l'Inde dans le cadre de visites d'État et, respectivement, de visites présidentielles; nouveaux mandats de puissance protectrice conférés par l'Iran et l'Arabie saoudite; rôle crucial dans des processus de paix, au Mozambique et en Colombie entre autres, et dans les négociations de paix sur la Syrie et sur Chypre que la Suisse a accueillies sur son territoire. D'autres exemples comprennent la nomination d'un Suisse au poste de secrétaire général de l'OSCE, la présidence du Groupe des fournisseurs nucléaires, le statut d'observateur obtenu auprès du Conseil de l'Arctique, l'ouverture d'un bureau humanitaire à Damas ou encore les résultats concrets de la coopération suisse au développement, présentés dans le présent rapport.

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Le chap. 7 offre un bref aperçu des prestations fournies par le DFAE et aborde divers aspects liés aux ressources, tandis que le huitième et dernier chapitre identifie les objectifs de politique extérieure pour l'année 2018. Figurent parmi ceux-ci le renforcement des relations de la Suisse avec l'Europe, un engagement global en faveur du renforcement de la sécurité ainsi qu'une politique extérieure bénéficiant d'une solide assise dans la politique intérieure.

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Table des matières Condensé

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Lignes d'évolution de la politique mondiale

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Thème prioritaire: contributions de la politique étrangère à la sécurité en Europe

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La question européenne au coeur de la politique étrangère 3.1 Relations avec l'UE: entre normalisation et divergences persistantes 3.2 Le Brexit et la Suisse 3.3 Intensification de la coopération en matière de sécurité et de migration 3.4 Questions fiscales et commerciales 3.5 Relations étroites avec les États voisins 3.6 États membres de l'UE et de l'AELE: des partenaires de première importance

4

5

Renforcement de l'ancrage mondial de la politique extérieure de la Suisse 4.1 Continent américain 4.2 Asie et Pacifique 4.3 Proche-Orient, Moyen-Orient et Afrique du Nord 4.4 Europe de l'Est et Asie centrale 4.5 Afrique subsaharienne Demandes de contributions à la paix et à la sécurité 5.1 Les bons offices et la promotion civile de la paix en point de mire 5.2 Droits de l'homme et protection des minorités 5.3 Droit international et justice pénale internationale 5.4 Importance croissante de la politique de sécurité extérieure 5.5 Engagement en faveur d'une ONU capable d'agir 5.6 Renforcement de la Genève internationale 5.7 Le Conseil de l'Europe mis à l'épreuve dans son rôle de défenseur de valeurs

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Nouvelle orientation de la coopération internationale et des politiques extérieures sectorielles 6.1 Mise en oeuvre du message sur la coopération internationale 2017­2020 6.2 Application d'exigences politiques 6.3 Lien stratégique avec la politique migratoire extérieure 6.4 Aide humanitaire: demande en hausse 6.5 Évolutions récentes dans les politiques sectorielles

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Services consulaires, informations et ressources

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Appréciation et perspectives

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Rapport 1

Lignes d'évolution de la politique mondiale

La transformation du monde s'est encore accélérée au cours de l'année sous revue.

Les certitudes anciennes s'érodent, et la situation internationale est marquée par des aléas et des crises en grand nombre. Outre ces enjeux d'une importance indiscutable pour la diplomatie internationale, l'année sous revue a aussi ouvert de nouvelles perspectives. À titre d'exemple, l'économie mondiale connaît actuellement une reprise aussi nette dans les pays industriels que dans les pays émergents 1. La Suisse se doit de saisir ces occasions.

Un monde multipolaire sous de nouveaux auspices Le basculement des équilibres de puissance du Nord vers le Sud et de l'Occident vers l'Orient modifie le monde en profondeur. Depuis la première réunion des États du G20 en 1999, la part des principaux pays industriels (G7) à la puissance économique mondiale a chuté de plus de 44 à 30,8 % tandis que celle des principaux pays émergents (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) passait de 18,3 à 31,3 %, la Chine réalisant le bond le plus impressionnant, de 7,1 à 17,8 %2.

La mondialisation a beaucoup contribué à la réduction de la pauvreté et des inégalités dans le monde, mais elle a accru certaines inégalités dans différents pays, dont des pays industriels. Ces inégalités s'aggravent parfois sous l'effet de la corruption, dont on constate l'augmentation partout dans le monde3. Par ailleurs, la répartition plus large des pouvoirs économiques et politiques a renforcé la concurrence entre États. Ces dernières années ont également été marquées par un retour de la politique de puissance, par l'importance croissante des États à régime autoritaire et par une augmentation des dépenses militaires dans de nombreux pays 4 alors que les institutions publiques continuent de s'éroder. La confusion due à l'influence de groupements non étatiques a augmenté. L'ordre international libéral, qui repose sur la coopération multilatérale, sur le droit international, sur les droits de l'homme et sur la démocratie est confronté à des enjeux de plus en plus nombreux.

À cet égard, l'année sous revue a été marquée par 3 développements: Premièrement, les États-Unis d'Amérique, sous la nouvelle administration, ont relativisé encore plus que les années précédentes leur rôle de garant de cet ordre libéral sur lequel ils exercent une influence majeure. Il
est trop tôt pour saisir pleinement la signification du slogan America first pour la politique extérieure américaine. Outre des dossiers dont l'orientation a été sérieusement modifiée, comme ceux de l'Iran, du conflit au Proche-Orient, du climat ou des migrations, certains ont été, jusqu'à présent, essentiellement gérés dans la continuité (Afghanistan, Syrie ou Russie, 1 2 3 4

Source: Banque mondiale, Perspectives économiques mondiales 2018.

Ces chiffres reposent sur le PIB corrigé du pouvoir d'achat au cours du dollar de 2011.

Source: Banque mondiale, Indicateurs du développement dans le monde 2017.

Source: Transparency International, Indice de perception de la corruption 2016.

Source: Institut international de recherche pour la paix de Stockholm (Stockholm International Peace Research Institute [SIPRI]), base de données sur l'industrie d'armement.

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p. ex.). Ce que l'on constate, c'est un retrait progressif des engagements multilatéraux. Dans le domaine économique, les États-Unis se sont retirés de l'accord de partenariat transpacifique (Trans-Pacific Partnership [PTP]) et exigent des modifications de l'Association de libre-échange nord-américaine (ALENA). Cet abandon progressif de leur rôle hégémonique va de pair avec une diminution de leur influence politique dans différentes régions et sur différents foyers de tensions géopolitiques, notamment au Proche-Orient et en Asie de l'Est.

Deuxièmement, on assiste aussi à des glissements «politectoniques» dans des démocraties européennes. Comme aux États-Unis, c'est là le signe d'un scepticisme croissant vis-à-vis de la mondialisation et d'une perte de confiance dans les élites politiques. Si l'on ne connaît pas encore la profondeur des bouleversements qui affectent le système des partis, on voit que la montée de partis protestataires aux aspirations souvent nationalistes et anti-libérales a des conséquences sur la politique extérieure et menace d'affaiblir davantage l'ordre international libéral.

Troisièmement, au cours de l'année sous revue, différentes puissances non occidentales ont manifesté leur volonté croissante d'intervenir dans la définition de l'ordre mondial. Les vides laissés par la mutation de la politique étrangère américaine n'y sont pas pour rien. La Chine revendique d'une voix plus forte un rôle de leadership mondial, se présentant comme une grande puissance responsable, qui défend la mondialisation économique et le multilatéralisme. Son président a tenu à ce sujet un discours-programme remarqué dans le monde entier lors de la visite d'État ­ l'une des plus importantes historiquement ­ qu'il a effectuée dans notre pays au début de l'année sous revue. Avec les «nouvelles routes de la soie» (Belt and Road Initiative), Pékin poursuit une vision géostratégique ambitieuse. Cette initiative vise à créer des réseaux d'infrastructure afin de favoriser le commerce et de mieux connecter la Chine à l'Asie centrale, à l'Afrique, à l'Europe, au Proche-Orient et à l'Asie du Sud et du Sud-Est. Ce modèle de développement axé sur l'international offre des chances économiques à de nombreux acteurs. En même temps, il permet à la Chine de pérenniser des routes d'approvisionnement maritimes très
importantes, d'améliorer son accès à des matières premières et à des infrastructures critiques et d'accroître son influence géopolitique.

La Russie se présente elle aussi de plus en plus comme une puissance suprarégionale, développant son influence surtout au Proche-Orient et au Moyen-Orient. Dans cette zone, l'émergence d'un monde multipolaire est particulièrement marquée vu les politiques étrangères ambitieuses de différentes puissances régionales telles que l'Arabie saoudite, l'Iran et la Turquie.

Dans un monde multipolaire, le multilatéralisme a moins de chances de réussir, surtout lorsque les intérêts des grandes puissances sont en jeu. La Syrie, l'Ukraine et le Yémen font partie des dossiers sur lesquels le Conseil de sécurité des Nations Unies a été largement incapable d'agir en 2017. L'action commune n'est pas pour autant vouée à l'échec: en Gambie et en Colombie, par exemple, le Conseil de sécurité a posé des jalons importants pour la paix. Et s'agissant de la Corée du Nord, il est parvenu à un consensus sur le durcissement du régime de sanctions.

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Des crises, des nouvelles lignes de fracture mais aussi des progrès en matière de stabilisation La multiplication des crises reste caractéristique de la situation mondiale. Pendant l'année sous revue, plusieurs conflits se sont accentués. On a aussi vu apparaître de nouvelles lignes de fracture, notamment au Proche-Orient. On ne peut pas dire pour autant que les crises sont toujours plus nombreuses et plus graves. Dans certaines régions, on note de sérieux progrès en matière de stabilité et de coopération. Arrêtons-nous un instant sur quelques points sensibles. Pour un commentaire plus détaillé des tendances observées dans les différentes régions, il est renvoyé au chap. 4.

Le nombre élevé de crises irrésolues depuis de nombreuses années tient en partie à ce que les conflits actuels sont généralement très complexes et difficiles à résoudre, ce qui fait qu'ils durent longtemps. En cause: l'augmentation du nombre de groupes armés impliqués mais aussi un mélange souvent diffus de conflits d'intérêts locaux, régionaux et mondiaux, typiques d'un monde multipolaire. Sur le plan humain, les conséquences en sont très étendues. 66 millions de personnes ont été déplacées de force. L'aide humanitaire parvient à peine à couvrir la moitié des besoins mondiaux en la matière. Le présent rapport montre que la Suisse a poursuivi en 2017 son engagement d'envergure en faveur de la prévention et de la gestion des conflits de même que de l'aide aux personnes concernées. Elle a notamment montré son engagement en matière de politique de paix dans plus d'une douzaine de contextes de médiation, elle a renforcé la coopération au développement dans des contextes fragiles et oeuvré comme co-facilitateur du Pacte mondial sur la migration, le processus de gestion des migrations le plus important du monde. Elle est aussi restée très engagée sur le plan de l'aide humanitaire, par exemple dans le contexte de famine qui sévit au Soudan du Sud, en Somalie, au Nigéria et au Yémen, ou encore au Myanmar, où la violence qui ravage dans l'État de Rahkine a généré une crise humanitaire d'une ampleur exceptionnelle.

L'ordre du jour de la politique de sécurité internationale a été dominé en 2017 par les tensions croissantes qui agitent la péninsule coréenne. La Corée du Nord a poursuivi et même accéléré ses programmes nucléaire et balistique,
en violation de ses obligations internationales. La résolution politique de la crise suppose une alliance entre les États-Unis et la Chine. De manière générale, la paix qui règne depuis bientôt 40 ans entre les États d'Asie de l'Est se fragilise à vue d'oeil sur fond de conflits historiques latents, de montée des nationalismes et de croissance record des dépenses d'armement. Les négociations en vue d'un code de conduite en mer de Chine méridionale ont certes produit quelques résultats, mais les parties ne démordent pas de leurs prétentions territoriales.

Du point de vue économique, l'évolution de la zone Asie-Pacifique reste stable.

Quel sera l'aspect de l'intégration régionale après le retrait américain de l'accord de partenariat transpacifique (TPP, conçu sans la Chine)? Il est trop tôt pour le dire. Il n'était pas absolument prévu que les 11 États membres restants se mettraient d'accord pour négocier un nouvel accord de libre-échange sans Washington. La dynamique de la région en matière économique et de politique de sécurité dépendra aussi de l'évolution des relations entre les États-Unis et la Chine.

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Au Proche-Orient et au Moyen-Orient, la situation se caractérise par une forte instabilité doublée d'un phénomène de polarisation et de fragmentation que l'on observe depuis de nombreuses années. La région est de plus en plus paralysée par les tensions entre l'Arabie Saoudite et l'Iran. Les sanctions contre le Qatar ont ouvert une nouvelle ligne de fracture entre les monarchies sunnites du Golfe. Des guerres civiles, une fragilité générale et un déficit de gouvernance observé à grande échelle empêchent la région de prendre son essor. S'agissant du conflit israélo-palestinien, aucune amélioration n'est envisageable à ce stade compte tenu de la reconnaissance par les États-Unis de Jérusalem comme la capitale d'Israël, de la poursuite des activités liées à l'implantation de colonies de peuplement israéliennes et des divisions persistantes entre Palestiniens.

Mais la situation n'est pas désespérée. Par exemple, le processus de réconciliation entre le Fatah et le Hamas a repris en Égypte, on a assisté à une certaine désescalade militaire en Libye, et l'Iran et l'Arabie saoudite ont accepté de confier la défense de leurs intérêts consulaires respectifs à la Suisse. Même si l'exécution de ces mandats de puissance protectrice n'a pas encore commencé, il s'agit d'un élément concret de la détente dont la région a un besoin impérieux. Il faudra par ailleurs garder à l'oeil les projets de réforme saoudiens pour diversifier l'économie et moderniser la société du pays. Leur réussite pourrait avoir des effets positifs au-delà des frontières nationales. Autre élément d'importance stratégique: la destruction du califat décrété en 2014 par l'organisation «État islamique» (EI). Alors que le nombre des candidats au djihad a nettement diminué depuis 2016, la menace terroriste djihadiste reste élevée en Europe.

L'année sous revue a par ailleurs amené une certaine détente dans la crise européenne des réfugiés et des migrants, qui est très liée à la persistance des crises au sud de la Méditerranée. En 2017, quelque 170 000 personnes ont traversé cette mer pour se réfugier en Europe, contre 360 000 l'année précédente. Cette baisse tient largement aux mesures prises au sud de la Méditerranée avec le soutien notamment de la Suisse, qui a accueilli en novembre la troisième rencontre du Groupe de contact pour la Méditerranée
centrale. L'Europe reste cependant soumise à une forte pression migratoire. La grande majorité des migrants viennent actuellement d'Afrique de l'Ouest, principalement poussés par des motifs économiques. La résolution du problème des migrations passe par un engagement à long terme en faveur d'une croissance durable en Afrique, avec des investissements dans l'éducation et dans la formation professionnelle, mais aussi par une politique étrangère cohérente en matière de migrations de la part de l'Europe. Ce dernier point est l'une des tâches les plus difficiles auxquelles doive s'atteler l'Union européenne (UE).

Par rapport aux régions en crise depuis la Syrie jusqu'au Sahel, l'environnement européen de la Suisse reste relativement stable. Certes, l'Europe est elle aussi confrontée simultanément à plusieurs situations de crise5, mais l'UE paraît aujourd'hui plus solide qu'il y a un an. Si la crise de la dette n'est pas terminée, l'euro s'est remis de son affaiblissement. La zone euro connaît une croissance économique inédite depuis la crise de sa monnaie. Le chômage recule. Sur le plan politique, aucun État 5

Voir chap. 2, Thème prioritaire: contributions de la politique étrangère à la sécurité en Europe.

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ne semble vouloir quitter l'UE à la suite du Royaume-Uni. Bien au contraire: après des années d'une gestion de crise quasi-permanente, l'UE s'est recentrée, fin 2017, sur un projet stratégique. En adoptant la «Coopération structurée permanente», 25 des 28 États membres ont décidé d'approfondir significativement leur collaboration dans les domaines de la sécurité et de la défense.

Il est trop tôt pour dire dans quelle direction évolue l'UE et quelle sera son influence sur la configuration du système international dans le monde multipolaire. Du point de vue de la Suisse, le livre blanc sur l'avenir de l'Europe que la Commission a présenté en mars est remarquable par un aspect en particulier: aucun des 5 scénarios ne remet en question l'unité et les quatre libertés fondamentales du marché intérieur.

Cette position de principe devrait aussi caractériser les négociations du Brexit, dont la deuxième phase traitera, à partir de 2018, des futures relations entre le RoyaumeUni et l'UE. Si le Royaume-Uni vise un accès au marché allant au-delà d'un accord de libre-échange, les négociations auront sans doute pour thèmes principaux l'octroi des libertés du marché intérieur et des questions institutionnelles.

La prévention, idée directrice des programmes de paix et de développement La prévention des conflits, troisième ligne d'évolution mondiale, s'établit de plus en plus comme une idée directrice tant dans l'agenda international de la paix que dans celui du développement. Cette tendance s'explique par le fait que les conflits, nombreux et d'une durée souvent longue, menacent de dépasser le système international de maintien de la paix tout en freinant le développement de nombreux pays. Le nouveau secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a d'ailleurs hissé la prévention des conflits au rang de priorité, confirmant ainsi la primauté de la politique, telle qu'elle est inscrite dans la Charte des Nations Unies de 1945.

Parmi les lignes directrices importantes de l'engagement de l'ONU pour la paix et la sécurité figure la résolution «Consolidation de la paix après les conflits» adoptée en avril 20166. Selon cette résolution, la prévention doit se concevoir comme une tâche permanente sur l'ensemble du cycle du conflit, sachant que les 3 piliers du système de l'ONU: le développement, la paix et la sécurité et
les droits de l'homme sont interdépendants et se renforcent mutuellement. L'idée est d'opposer aux multiples causes et moteurs des crises une approche multidimensionnelle en employant les différents instruments d'une manière cohérente et complémentaire.

L'Agenda 20307, avec ses 17 objectifs de développement durable, les liens qu'il établit entre le développement économique et social d'une part et l'environnement et la protection du climat d'autre part, et sa promesse de ne laisser personne de côté, rappelle que la coopération au développement apporte elle aussi une contribution majeure à la prévention des conflits et de la fragilité. Dans l'objectif 16, la communauté internationale définit pour la première fois la paix comme un objectif de développement officiel. Elle montre ainsi qu'une perspective de développement peut contribuer à l'avènement de sociétés plus pacifiques et inclusives. Le but, en l'occurrence, est de réduire les violences, de mettre fin à la torture et de lutter contre le 6 7

Résolution 2282 (2016) pour renforcer l'efficacité des activités de maintien de la paix de l'ONU, www.un.org/press/fr/2016/cs12340.doc.htm.

Agenda 2030 de développement durable, https://sustainabledevelopment.un.org/fr/ development-agenda/.

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crime organisé et la corruption tout en promouvant l'état de droit et les institutions participatives. Les objectifs de développement durable de l'Agenda 2030 s'appliquent à tous les États. Leur mise en oeuvre accorde une grande importance à la mobilisation de partenariats innovants avec le secteur privé et la société civile.

Le secrétaire général de l'ONU a lancé au cours de l'année sous revue un processus de réforme visant à rendre encore plus efficace l'engagement de l'ONU pour la paix et la sécurité ainsi que le développement et les droits de l'homme. La Suisse soutient ce processus dont les chances de succès sont toutefois incertaines. Les explications qui suivent montrent que la prévention revêt déjà une grande importance dans la politique extérieure de la Suisse et qu'elle guide les concepts qui sont développés au niveau international.

2

Thème prioritaire: contributions de la politique étrangère à la sécurité en Europe

La stabilité régionale en Europe revêt une importance capitale pour la Suisse, au même titre que l'accès de son économie au marché intérieur de l'UE. Or, même si l'environnement immédiat de notre pays est relativement stable, notre sécurité est exposée à divers risques: il suffit de penser à la situation conflictuelle avec la Russie, à l'aggravation de la menace terroriste ou aux cyberattaques d'origine étatique. Le besoin de sécurité occupe donc de nouveau le devant de la scène, y compris en Europe.

Garantir la sécurité du pays est une tâche fondamentale de la Confédération. Selon le rapport de 2016 sur la politique de sécurité de la Suisse, la politique étrangère fait partie des 8 instruments de la politique de sécurité8. De son côté, la sécurité tend à gagner en importance en tant que domaine d'activité de la politique étrangère. C'est ainsi que dans sa stratégie de politique étrangère 2016­2019, le Conseil fédéral a désigné l'engagement en faveur de la paix et de la sécurité comme l'un des quatre axes stratégiques de la politique étrangère de la Suisse9.

Fondant son action sur une approche globale de la sécurité, la politique extérieure de la Suisse a développé toute une panoplie d'instruments ad hoc. En font partie les instruments de la politique de sécurité extérieure au sens strict, tels que la maîtrise des armements, le désarmement et la non-prolifération, la cybersécurité et la lutte contre le terrorisme. Ces instruments, qui prennent une importance croissante dans le contexte actuel, sont axés principalement sur le respect et le développement de normes internationales.

La politique étrangère contribue aussi de manière importante à la sécurité par la promotion de la paix ainsi que, de manière générale, au moyen des instruments de la coopération internationale. Citons pour exemples les bons offices de la Suisse en 8

9

Stratégie de politique étrangère 2016­2019, www.eda.admin.ch > Le DFAE > Stratégie et mise en oeuvre de la politique étrangère. Les autres instruments sont les suivants: l'armée, la protection de la population, le Service de renseignement de la Confédération, la police, la politique économique, l'administration des douanes et le service civil.

Sur ce sujet, voir le chap. 5 Paix et sécurité.

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tant que médiatrice, facilitatrice de dialogue ou puissance protectrice, ou encore ses programmes innovants de promotion civile de la paix, dans lesquels elle met à profit son expertise en matière de partage du pouvoir et de fédéralisme. À cela s'ajoute, dans le cadre de la politique d'aide au développement, son engagement dans les contextes fragiles, qui s'est sensiblement accru ces dernières années. Les 13 stratégies de coopération adoptées en 2017 mettent toutes l'accent sur la thématique de la fragilité et sur la lutte contre les causes des conflits. Enfin, d'autres instruments sont aussi mis en oeuvre pour renforcer la sécurité: la promotion des droits de l'homme, de l'état de droit, de la bonne gouvernance et de la démocratie, la protection de la population civile, ainsi que l'engagement en faveur du droit international public et d'un ordre international réglementé et équitable.

Plusieurs mesures ont été prises pour garantir l'utilisation cohérente et complémentaire de ces instruments, parmi lesquelles figurent les objectifs stratégiques définis dans le message sur la coopération internationale 2017­202010. Cette cohérence et cette complémentarité sont en outre poursuivies dans de nombreuses stratégies par pays, par région ou par thème ainsi qu'au moyen de l'intégration des instruments de la politique étrangère dans le réseau extérieur de la Suisse.

Le présent chapitre consacré au thème prioritaire présente les contributions de la politique étrangère au renforcement de la sécurité en Europe. Par Europe, on entend ici la zone géographique couverte par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui comprend les espaces euro-atlantique et euro-asiatique.

Défis actuels de la sécurité en Europe Le recul de la sécurité dans l'espace de l'OSCE résulte de la montée des tensions entre la Russie et l'Occident, dont les visions respectives de l'ordre européen sont de plus en plus divergentes. Les fondements de cet ordre ont été fixés au lendemain de la guerre froide dans la «Charte de Paris pour une nouvelle Europe», adoptée par les États participants à la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe (CSCE)11. Dans une «Europe entière et libre», chaque État doit avoir la liberté d'être partie ou non à des traités d'alliance. La charte désigne en outre la démocratie
comme un des piliers de la sécurité en Europe. Le processus de la CSCE s'est ensuite transformé en celui de l'OSCE, afin d'intensifier le dialogue sur la sécurité et de soutenir les États participants en matière de démocratie, de droits de l'homme et d'état de droit. Ces objectifs et le renforcement de l'OSCE nécessaire à leur réalisation ont été confirmés dans la Charte de sécurité européenne de 1999.

Dans l'intervalle, ce consensus sur une vision libérale de l'ordre européen s'est érodé, chaque bloc en rejetant la responsabilité sur l'autre. Moscou fait valoir que l'élargissement de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et de l'UE vers l'Est a signé la mort du projet d'espace commun de sécurité, les intérêts légitimes de la Russie n'ayant en l'occurrence pas été respectés. Les pays occidentaux soulignent quant à eux que chaque État a le droit de déterminer librement sa politique extérieure, en particulier sa politique d'alliances. Ils reprochent à la Russie de s'être éloignée des valeurs libérales inscrites dans la Charte de Paris et de ne pas 10 11

Message du 17 février 2016 sur la coopération internationale 2017­2020, FF 2016 2179.

Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe.

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respecter la souveraineté ni l'intégrité territoriale de ses États voisins. Ils renvoient en outre aux nombreux efforts entrepris pour approfondir le partenariat avec la Russie, parallèlement à l'élargissement vers l'Est.

Avec l'éclatement du conflit ukrainien en 2014 et l'annexion de la Crimée en violation du droit international, ces divergences larvées se sont transformées en affrontement ouvert. La Russie a affûté sa rhétorique anti-occidentale et renforcé son potentiel militaire à la frontière ouest, recourant en outre davantage à la propagande, à la cyberguerre et aux menaces militaires. L'OTAN, de son côté, a relancé le développement de son dispositif de défense commune en Europe, une mesure conçue principalement comme une assurance politique donnée aux partenaires est-européens de l'alliance. Il est cependant évident que l'OTAN considère de nouveau la dissuasion de la Russie comme une tâche prioritaire. C'est ainsi que l'on observe aujourd'hui une triple nouvelle tendance: une augmentation du nombre de soldats américains stationnés en Europe, une croissance des dépenses consacrées à la défense dans les pays européens de l'alliance et, enfin, dans le contexte nord-européen, une réintroduction ou une extension de l'obligation de servir12.

Les relations entre la Russie et les pays occidentaux sont aujourd'hui empreintes d'une profonde méfiance et sont également marquées par des activités militaires imprévisibles et par l'application réciproque de sanctions. Et rien n'indique que cette situation conflictuelle soit près de se désamorcer, d'autant moins qu'il n'y a pas de consensus sur la question fondamentale du futur ordre sécuritaire européen. Alors que les pays occidentaux exigent le respect de l'ordre établi, la Russie et certains autre États semblent vouloir le renégocier en profondeur. Dans ces conditions, régler les conflits en Ukraine et dans le Caucase du Sud paraît très difficile. La rivalité entre la Russie et l'Occident menace en outre de miner la poursuite des efforts de stabilisation des Balkans.

À cette crise de l'ordre européen, s'ajoute l'aggravation des risques terroristes et de cyberattaques. Les attentats djihadistes commis dans des villes comme Ankara, Berlin, Bruxelles, Londres, Manchester, Nice, Paris et Saint-Pétersbourg ont clairement contribué à accroître le sentiment
d'insécurité. Le retour en Europe des voyageurs du djihad pose également un sérieux problème de sécurité. Dans le cyberespace, l'espionnage, la criminalité et les attaques lancées contre des infrastructures critiques ne cessent d'augmenter. La désinformation et la propagande ­ deux instruments d'influence très utilisés pendant la guerre froide ­ sont adaptées aux nouvelles possibilités techniques et font leur grand retour. Pour les États, les cyberattaques sont devenues une menace des plus graves. Dans le même temps, ils sont de plus en plus nombreux à développer leurs propres cybercapacités offensives.

Enfin, il est encore un autre sujet de préoccupation: le recul de la démocratie et de la liberté dans un nombre considérable de pays de l'espace de l'OSCE. Ces 10 dernières années, le niveau de la démocratie a diminué dans pas moins de 29 des 50 États européens participants examinés et n'a augmenté que dans 9 d'entre eux. La régression concerne 11 des États de l'ancienne UE15, même si l'Europe occidentale reste la région du monde présentant le niveau de démocratie le plus élevé. Sur les 13 États 12

La Lituanie et la Suède, qui ne fait pas partie de l'alliance, ont réintroduit l'obligation de servir et la Norvège a décidé, en 2016, d'y soumettre également les femmes.

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qui ont adhéré à l'UE en 2004 et se situent depuis lors au milieu des classements mondiaux fondés sur le niveau de démocratie, 6 ont vu ce niveau diminuer. Enfin, le constat s'impose que la démocratie recule également dans 11 des 19 États d'Europe de l'Est et d'Asie centrale non-membres de l'UE13.

Jeter des ponts pour contribuer à surmonter la crise de l'ordre européen Les défis de la politique de sécurité en Europe sont multiformes, si bien que les contributions de la politique étrangère suisse à leur maîtrise sont aussi très variées. Les pages qui suivent présentent 3 des axes stratégiques de l'engagement de la Suisse: contributions au règlement de la crise de l'ordre européen, contributions à la promotion de la coopération européenne en matière de sécurité et engagements régionaux en faveur de la paix et du développement au moyen des instruments de la coopération internationale.

Depuis qu'elle a présidé l'OSCE en 2014, la Suisse a fait du règlement de la crise de l'ordre européen qui oppose la Russie et les pays occidentaux l'une des priorités de sa politique étrangère. Elle s'engage non seulement dans le règlement des conflits locaux, mais également en faveur d'une clarification de questions de sécurité paneuropéenne. Au niveau local, la Suisse est particulièrement active dans le conflit ukrainien. Elle soutient la structure de gestion de crise de l'OSCE et accompagne les difficiles pourparlers sur la mise en oeuvre des accords de Minsk, en s'appuyant sur des processus de dialogue complémentaires. Elle a en outre assisté la Commission internationale humanitaire d'établissement des faits (CIHEF), qui enquêtait, à la demande de l'OSCE, sur un incident mortel survenu dans l'Est de l'Ukraine. C'était la première fois que la CIHEF menait une enquête de ce type. La coopération au développement, qui est présente en Ukraine depuis plus de 15 ans, a encore renforcé son soutien au processus de réforme. La Suisse est par ailleurs le seul pays à fournir de l'aide humanitaire de part et d'autre de la ligne de contact. Enfin, elle participe à hauteur de 200 millions de dollars à l'action d'aide internationale visant à stabiliser l'Ukraine sur le plan financier.

L'engagement de la Suisse est également très diversifié dans le Caucase du Sud. Elle joue le rôle de puissance protectrice pour la Géorgie en
Russie et pour la Russie en Géorgie. Depuis 2014, elle met à disposition l'envoyé spécial de la présidence de l'OSCE dans la région. De plus, dans le cadre de sa politique de bons offices, elle a été à plusieurs reprises le pays hôte des rencontres entre les présidents de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan en vue du règlement du conflit du Haut-Karabagh. Les programmes que la stratégie suisse de coopération régionale 2017­2020 prévoit pour le Caucase du Sud (Géorgie, Arménie et Azerbaïdjan) mettent l'accent sur la promotion de la paix, sur la démocratie et sur l'état de droit.

La Suisse a été l'un des premiers pays à défendre l'idée de la tenue d'un dialogue à l'échelle européenne sur les questions clés de la sécurité sur le continent. Elle est en effet persuadée que le règlement des conflits locaux dans les zones de voisinage de la Russie et de l'UE/OTAN et la résolution de la crise globale de l'ordre européen ne peuvent progresser que conjointement. Un consensus sur l'ouverture, entre les États

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Les calculs sont fondés sur le «Democracy Index» de l'«Economist Intelligence Unit».

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de l'OSCE, d'un «dialogue structuré» sur la sécurité en Europe n'a toutefois pu être atteint qu'à la fin de 2016.

Dans le cadre de ce dialogue, la Suisse s'engage notamment en faveur de pourparlers visant à relancer la maîtrise des armements conventionnels en Europe. En particulier dans les régions où règnent de fortes tensions entre la Russie et l'OTAN, il est indispensable de prévoir des mesures de limitation des armements ­ qui ont un effet stabilisateur ­ ainsi que des mesures pragmatiques en matière de transparence et de vérification. La Suisse s'est donc associée à une initiative du Ministère allemand des affaires étrangères, qui vise à lancer un débat sur la perception des menaces, ainsi que sur les objectifs, les principes, le champ d'application et les caractéristiques d'un nouvel ordre européen. Il sera toutefois difficile de faire des progrès significatifs en l'absence de consensus américano-russe. La Suisse se mobilise en outre pour le renforcement et l'actualisation des mesures de confiance et de sécurité arrêtées dans le Document de Vienne de 2011 de l'OSCE. Ces mesures prévoient notamment l'échange d'informations sur les forces armées ainsi que sur la planification et le budget de la défense, l'annonce des activités militaires importantes et les mécanismes de vérification correspondants. Or ce régime n'est plus adapté aux réalités militaires du XXIe siècle et n'assure pas le niveau de transparence nécessaire, surtout en période de crise. Les négociations sur l'actualisation du Document de Vienne sont toutefois bloquées en raison des tensions géopolitiques actuelles.

Promotion de la coopération européenne en matière de sécurité Les institutions de sécurité sont une composante essentielle du système de sécurité européen. Avec leur caractère inclusif et paneuropéen, l'OSCE et le Conseil de l'Europe continuent de gagner en importance, mais connaissent aussi de fortes tensions internes. Quant à l'OTAN et à l'UE ­ qui ont beaucoup contribué au maintien de la paix dans l'environnement de la Suisse ­, elles sont toutes deux aux prises avec une profonde transformation.

La promotion de la coopération en matière de sécurité est un thème prioritaire des politiques extérieure et de sécurité de la Suisse depuis les années 90. Coopérer avec d'autres États pour maîtriser les défis communs est
dans l'intérêt de notre pays, car cela renforce sa sécurité. Les priorités de la Suisse en matière de coopération avec les institutions de sécurité européennes sont présentées ci-après.

Garantir la capacité d'action de l'OSCE fait depuis longtemps partie des priorités de la politique extérieure de la Suisse. Dans l'approche de l'OSCE axée sur une sécurité globale et coopérative ainsi que dans son engagement en faveur d'un dialogue inclusif, on retrouve des éléments essentiels de la stratégie de politique étrangère du Conseil fédéral. La nomination de l'ambassadeur Thomas Greminger à la fonction de secrétaire général de l'OSCE est un signe de reconnaissance du rôle de bâtisseur de ponts que joue la Suisse dans cette organisation de première importance: avec ses 57 États participants, l'OSCE est la plus grande organisation régionale de sécurité du monde, dans laquelle se retrouvent, autour d'une même table, notamment la Russie, les États-Unis et les partenaires européens de ces derniers au sein de l'OTAN. Outre l'instauration du dialogue structuré sur les questions de sécurité évoqué plus haut, les enjeux considérés comme cruciaux par la Suisse sont le développement des capacités de l'OSCE en matière de prévention des conflits et la valorisation de la dimen1791

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sion économico-environnementale de son action. La Suisse se concentre également sur l'amélioration du respect des obligations des États participants dans le domaine des droits de l'homme, d'autant plus que l'actuelle crise de l'ordre sécuritaire européen fondé sur le droit se fait profondément sentir dans cette dimension humaine de l'action de l'OSCE.

La promotion de la cybercoopération est un autre aspect important de la politique de la Suisse au sein de l'OSCE. Notre pays a par exemple contribué de manière déterminante à l'adoption d'un train de mesures visant à instaurer un climat de confiance dans le cyberespace. Il s'agit en l'occurrence de réduire les risques de conflits liés à l'utilisation des technologies de l'information et de la communication, en encourageant la transparence et la coopération. En application de l'une de ces mesures, la Suisse et l'Allemagne se sont associées pour proposer la création d'un mécanisme de consultation interétatique, qui serait déclenché en cas de cyberincident grave. À ce jour, cette idée n'a cependant pas recueilli le consensus nécessaire. Au niveau tant mondial qu'européen, les États ont encore beaucoup de difficultés à s'accorder sur des normes et des règles communes en matière de cybersécurité.

En tant qu'organisation défendant des valeurs, le Conseil de l'Europe est secoué en profondeur par la crise de l'ordre sécuritaire libéral. Durant l'année sous revue, les différends croissants observés au sein de l'organisation ont amené la Russie et la Turquie à respectivement suspendre et réduire leur contribution à son budget. Comptant 47 États membres, le Conseil de l'Europe reste cependant une plateforme de dialogue inclusif éminemment importante. La Suisse s'y engage prioritairement en faveur d'un recentrage des activités de l'organisation sur sa mission première, à savoir la promotion des droits de l'homme, de l'état de droit et de la démocratie dans les États membres. Cet engagement est présenté plus en détail au chap. 5.7.

Compte tenu des défis auxquels elle doit faire face actuellement, l'OTAN, qui compte 29 pays membres, se concentre de nouveau davantage sur les questions de défense collective. Ce recentrage s'opère au détriment de ses tâches relevant de la sécurité coopérative, ce qui a aussi des répercussions sur sa politique de partenariat et,
partant, sur le Partenariat pour la paix (PPP). L'OTAN n'en reste pas moins un cadre de référence de première importance pour tous les États européens, en raison notamment de ses opérations en Afghanistan, au Kosovo et en mer Méditerranée. Celles-ci mobilisent actuellement 18 000 soldats au total, dont un contingent de l'armée suisse au Kosovo. La Suisse s'engage activement en faveur du maintien du PPP, se mobilisant en particulier dans les domaines suivants: réforme du secteur de la sécurité, formation au déminage, gestion et élimination sûres et sécurisées des armes légères et des munitions ainsi que plans civils d'urgence. Elle est en outre un partenaire actif de projets du fonds fiduciaire PPP en Europe de l'Est, en Asie centrale, au ProcheOrient et en Afrique du Nord, qui visent la démilitarisation et la transformation des forces armées. La Suisse a également intensifié sa coopération avec l'OTAN dans le domaine du cyberespace: elle participe à des exercices et a l'intention de devenir État partenaire du Centre d'excellence OTAN pour la cyberdéfense en coopération (CCDCoE), basé à Tallinn, en Estonie.

L'UE risque de voir diminuer son pouvoir transformateur dans une partie de son voisinage. La transformation de ses États voisins en démocraties et en économies de marché se révèle difficile, du fait notamment que les candidats actuels au processus 1792

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d'adhésion sont plus éloignés de ces valeurs que ceux des vagues d'adhésion précédentes. La mise en oeuvre d'une politique étrangère et de sécurité commune (PESC) reste en outre une entreprise exigeante, même si l'UE a fait la preuve d'une certaine capacité d'action dans ce domaine, par exemple en prenant des sanctions contre la Russie. La PESC est un cadre de référence important pour la Suisse, en raison notamment de la décision de l'UE de renforcer sa politique commune de sécurité et de défense (PCSD) par une «coopération structurée permanente» et par l'association de la PCSD à sa politique migratoire extérieure, en cours d'élaboration. Avec leur approche globale des questions de sécurité et leurs valeurs, l'UE et ses États membres sont des partenaires naturels de notre pays dans ses efforts visant à accroître la sécurité.

La coopération entre l'UE et la Suisse en matière de PESC est certes encore timide, mais la participation de notre pays à diverses missions civiles ou militaires de l'UE n'en est pas moins très appréciée. En revanche, la coopération en matière de sécurité intérieure est beaucoup plus intense. Les efforts actuels de consolidation de l'architecture de Schengen dans le contexte de la lutte contre le terrorisme sont dans l'intérêt de la Suisse. Le système d'information de Schengen (SIS) ne cesse de gagner en importance dans le travail quotidien des autorités policières, douanières et migratoires. Abstraction faite de la coopération de Schengen, la Suisse examine dans chaque cas particulier s'il est dans son intérêt de participer à de nouveaux instruments de l'UE visant à renforcer la coopération. Un exemple en la matière est donné par la coopération de Prüm, qui permet d'échanger des profils ADN, des empreintes digitales ainsi que les données de véhicules et de leurs détenteurs. En tant qu'État tiers d'Europol, la Suisse bénéficie en outre du soutien de cette agence et participe à des enquêtes internationales. Enfin, elle est membre d'un groupe informel d'États européens (G15) qui s'occupe de questions liées au terrorisme et aux voyageurs du djihad.

Outre la coopération avec les institutions sécuritaires présentée ci-dessus, la Suisse encourage la coopération en matière de sécurité selon des formats de dialogue plurilatéral. Citons pour exemple le format «DACHLI»14, dans le cadre
duquel les ministres des affaires étrangères des pays germanophones approfondissent notamment des questions liées à l'OSCE. De plus, en 2017, la ministre de la défense allemande a tenu pour la première fois une réunion avec ses homologues autrichien et suisse dans le cadre du format «DACH». La Suisse a en outre institutionnalisé de nombreux dialogues bilatéraux avec des États européens, y compris avec la Russie et la Turquie. S'appuyant sur l'indépendance de sa politique extérieure, la Suisse se mobilise, surtout dans les contextes de crise, pour qu'un dialogue confidentiel sur les questions de fond soit maintenu. Elle considère en outre que les dialogues bilatéraux lui offrent un cadre approprié pour défendre ses valeurs, et mène par exemple chaque année des consultations sur les droits de l'homme avec la Russie. Enfin, elle aborde systématiquement la question des droits de l'homme lors de consultations et de rencontres politiques de haut niveau. En 2017, ce fut le cas notamment avec le Kazakhstan, le Kirghizistan, la Moldavie, la Russie, l'Ukraine et le Tadjikistan.

14

Allemagne (D), Autriche (A), Suisse (CH), Liechtenstein (LI) et Luxembourg (L).

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Engagement sous-régional pour la sécurité en Europe: exemple des Balkans occidentaux Le troisième axe prioritaire de la politique extérieure de notre pays en matière de renforcement de la sécurité en Europe est celui de l'engagement en faveur de la stabilité sous-régionale, fondé sur les instruments de la coopération. Pour l'illustrer, prenons l'exemple des Balkans occidentaux15. Les guerres des années 90 ont mis en évidence l'importance des Balkans pour la sécurité en Europe et par conséquent en Suisse. Deux décennies après les accords de Dayton et la fin de la guerre du Kosovo, la situation générale s'est certes améliorée, mais sans qu'une paix durable ne soit garantie pour autant. Malgré les remarquables progrès réalisés à ce jour ­ y compris dans la coopération régionale ­, nombre de défis importants subsistent: le nationalisme, les questions frontalières non résolues, les tensions ethniques parfois sciemment attisées, la corruption et la criminalité organisée. À cela s'ajoutent la faible croissance économique, le taux élevé de chômage des jeunes et l'absence de progrès dans la mise en place d'institutions inclusives et de l'état de droit. On observe en outre un renforcement des rivalités entre l'UE, la Russie et la Turquie dans la région, ce qui peut entraver la poursuite de la stabilisation.

Opérant dans les Balkans occidentaux depuis les années 90, la Suisse y met en oeuvre ses stratégies de coopération pour l'Albanie, la Bosnie et Herzégovine, le Kosovo, la Macédoine et la Serbie, coordonnées à l'échelle de l'ensemble de l'administration fédérale. Elle compte parmi les rares acteurs dans la région dont l'impartialité et la crédibilité sont reconnues par toutes les parties. Ses stratégies ont pour objectifs de promouvoir la démocratie et l'état de droit et de favoriser la décentralisation, de manière à ce que les processus de décisions politiques soient plus proches des citoyens. Parmi les résultats obtenus à ce jour, citons pour exemple la participation des femmes à la vie politique en Albanie: en 2017, elles occupaient plus d'un tiers des sièges des parlements communaux. Au nombre des priorités figurent aussi la création d'emplois, une formation professionnelle orientée vers le marché ainsi que la réforme des systèmes de santé et d'approvisionnement en eau. La Suisse a par ailleurs conclu
des partenariats migratoires efficaces avec la Bosnie et Herzégovine, le Kosovo et la Serbie. Au Kosovo, elle soutient en outre, dans le cadre de la promotion civile de la paix, le dialogue entre Belgrade et Pristina, également facilité par l'UE. Depuis 2010, elle met à disposition une plateforme de dialogue, qui permet aux représentants des gouvernements, des parlements et des sociétés civiles serbes et kosovars de discuter de questions relevant du processus de normalisation.

Elle s'engage en outre en faveur de la réconciliation et de la protection des droits de l'homme.

Conformément à la décision du Conseil fédéral, l'effectif maximal de la Swisscoy sera ramené de 235 à 190 militaires dès avril 2018. Une nouvelle réduction à 165 militaires interviendra en octobre 2019. Selon les estimations, les dépenses occasionnées par cet engagement, qui se chiffrent aujourd'hui à 44,2 millions de francs, diminueront ainsi à 33,2 millions. De plus, le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) 15

Les activités de la coopération internationale suisse en Ukraine et dans le Caucase du Sud ont déjà été présentées avec les contributions au règlement de la crise de l'ordre européen.

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d'établir pour fin 2018, en collaboration avec le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), un rapport sur les possibilités d'allouer à la promotion civile de la paix des moyens actuellement consacrés à l'engagement militaire. Enfin, la contribution de l'armée suisse à la mission de l'EUFOR Althea en Bosnie et Herzégovine se poursuit, avec le détachement d'un contingent de 27 militaires au plus.

L'idée de base est toujours la même: l'engagement militaire et civil en faveur de la stabilité des Balkans occidentaux est dans l'intérêt de la sécurité de la Suisse. Le fait est que la Suisse et la communauté internationale devront régulièrement réexaminer leur engagement dans la région à la lumière de l'évolution de la situation.

3

La question européenne au coeur de la politique étrangère

Les 4 chapitres qui suivent présentent l'état de la mise en oeuvre des priorités de la stratégie de politique étrangère 2016­2019, en commençant par les relations avec l'UE. La question de savoir comment la Suisse conçoit ces relations revêt une importance stratégique majeure. L'UE est, de loin, le principal partenaire économique de la Suisse. En 2017, quelque 53 % des exportations suisses étaient destinées à l'UE, tandis qu'environ 71 % des importations en provenaient. De plus, les filiales d'entreprises suisses établies au sein de l'UE y offraient quelque 800 000 emplois.

Comme souligné au chap. 1, à la fin de l'année sous revue l'UE avait retrouvé de son dynamisme par rapport aux années précédentes. Son économie, en particulier dans la zone euro, n'avait plus été en aussi bonne forme depuis 2011. Quant à la crise de la dette, qui était encore le sujet dominant de toutes les réunions de l'Eurogroupe jusqu'au milieu de 2017, elle s'est progressivement atténuée, améliorant encore le tableau. Cette reprise économique sur son principal marché d'exportation était une bonne nouvelle pour la Suisse, d'autant plus que l'euro se renforçait face au franc, au grand soulagement de notre industrie exportatrice. Durant l'année sous revue, les choses se sont également calmées dans le domaine de la migration par rapport à l'année précédente, même si les affrontements en vue de l'adoption d'une politique migratoire cohérente au sein de l'UE se poursuivent.

L'objectif de la normalisation des relations entre la Suisse et l'UE n'a pas pu être atteint durant l'année sous revue. Certes, les tensions qui régnaient ces dernières années suite au gel de plusieurs dossiers bilatéraux par l'UE, au lendemain de la votation populaire sur l'art. 121a de la Constitution (Cst.)16, se sont atténuées, et les travaux ont pu reprendre dans bon nombre de ces dossiers. Aucun progrès n'a cependant été réalisé dans ceux que l'UE lie à l'accès au marché et, partant, à la question d'une solution institutionnelle. Un nouveau différend est même apparu en relation avec la reconnaissance de l'équivalence de la réglementation boursière suisse. La Commission européenne a certes reconnu cette équivalence juste avant la fin de 2017, mais pour une durée limitée à un an, faisant dépendre toute éventuelle prolongation de la réalisation de progrès dans les négociations sur les questions institutionnelles. Cela a mis clairement évidence que la normalisation des relations avec 16

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l'UE reste un processus fragile, exposé à des coups d'arrêt, et que l'objectif défini dans la stratégie de politique étrangère 2016­2019 consistant à instaurer avec l'UE une relation de partenariat contractuelle susceptible d'évoluer est encore loin d'être atteint.

3.1

Relations avec l'UE: entre normalisation et divergences persistantes

En décembre 2016, le Parlement a adopté la révision de la loi fédérale sur les étrangers visant à mettre en oeuvre l'art. 121a Cst., en veillant à en garantir la compatibilité17 avec l'accord sur la libre circulation des personnes (ALCP). Les conditions étaient ainsi créées pour assurer la normalisation des relations entre la Suisse et l'UE.

Les premières étapes de cette normalisation sont intervenues dès janvier 2017, avec l'extension de la libre circulation des personnes à la Croatie 18 et l'association pleine et entière de la Suisse au programme-cadre de recherche de l'UE «Horizon 2020».

Au printemps, les discussions ont repris dans divers dossiers jusqu'alors gelés et, lors d'une rencontre qui s'est tenue en avril, Doris Leuthard, présidente de la Confédération, et Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, arrêtaient un calendrier de reprise des travaux dans plusieurs autres dossiers en suspens.

En novembre 2017, lors d'une deuxième rencontre qui s'est tenue à Berne, la présidente de la Confédération et le président de la Commission européenne ont dressé le bilan ­ globalement positif ­ des progrès réalisés jusqu'alors. Ils ont relevé en particulier la mise à jour de l'accord sur la reconnaissance mutuelle en matière d'évaluation de la conformité (ARM)19, intervenue en juillet. Cette mise à jour a permis de maintenir l'accès au marché pour 7 secteurs de produits dans lesquels l'UE et la Suisse avaient modifié leurs prescriptions respectives. Fin décembre, l'ARM a été actualisé pour 4 autres secteurs de produits.

Cette même rencontre a également été l'occasion de signer un accord sur le couplage des systèmes d'échange de quotas d'émission suisse et européen. Ce couplage au niveau interétatique est une première mondiale. Il renforce le système d'échanges de quotas d'émission en tant qu'important instrument de la politique climatique. En décembre, un échange de lettres a jeté les bases d'un approfondissement de la coopération scientifique et technique avec l'Agence européenne des produits chimiques. Il a également été possible d'annoncer l'ouverture de négociations sur la coopération de la Suisse avec l'Agence ferroviaire européenne, un dossier précédemment bloqué, et sur sa participation à l'Agence du système global de navigation par satellite européen. La prochaine décision relative à l'actualisation de l'accord sur les assurances 17 18

19

FF 2016 8633 L'application de l'ALCP conclu entre la Suisse et l'UE a été assurée dans le cadre habituel, indépendamment de la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst. Le 10 mai 2017, le Conseil fédéral décidait en outre d'activer la clause de sauvegarde prévue dans l'ALCP vis-à-vis des personnes en provenance de Roumanie et de Bulgarie. Les conditions quantitatives convenues dans l'accord étaient en effet réunies, si bien que les autorisations de séjour ont été contingentées pour une durée de 12 mois à compter du 1 er juin 2017 et sont depuis lors débloquées trimestriellement.

RS 0.946.526.81

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fait également partie des résultats concrets récemment obtenus. Par ailleurs, en avril 2017, la Suisse et l'UE ont signé un accord administratif qui a ouvert la voie à une collaboration plus intense dans le domaine de l'aide humanitaire et de la protection de la population, aussi bien en Suisse qu'à l'étranger. Enfin, la procédure dite d'«évaluation des piliers» s'est achevée avec succès en octobre, créant ainsi les bases du financement de projets suisses par les instruments financiers de l'UE.

Il reste cependant toute une série de dossiers dans lesquels aucun progrès n'a été réalisé pendant l'année sous revue, du fait que l'UE les lie au règlement des questions institutionnelles. Il s'agit de dossiers relevant de domaines politiques, comme la santé, les médias et la culture, ou encore de la reconnaissance de l'équivalence de la réglementation boursière.

En novembre 2017, compte tenu de la dynamique globale des relations entre la Suisse et l'UE observée depuis le début de l'année, le Conseil fédéral a décidé de poser les jalons d'une nouvelle contribution de la Suisse en faveur de certains États membres de l'UE. Les entretiens exploratoires préalablement menés avec les États partenaires potentiellement bénéficiaires avaient déjà permis d'identifier les besoins et les intérêts dans les domaines que le Conseil fédéral juge prioritaires, à savoir la formation professionnelle et la migration. Le Conseil fédéral a donc chargé le DFAE de préparer pour mars 2018, en collaboration avec le Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR) et le Département fédéral de justice et police (DFJP), un projet de mise en oeuvre de cette contribution, en vue de la procédure de consultation. La Suisse soutient les pays d'Europe de l'Est depuis la fin de la guerre froide, dans le cadre de sa coopération avec cette région. Son engagement vise à établir de solides relations bilatérales et à intensifier les relations économiques avec les États partenaires. Depuis 2007, la Suisse contribue de façon autonome à la réduction des disparités économiques et sociales au sein de l'UE élargie et a déjà soutenu à ce titre des projets dans 13 États membres. Durant l'année sous revue, ce ne sont pas moins de 210 projets au total qui se sont achevés avec succès dans les 10 pays qui ont adhéré à l'UE en 2004.
Fin 2017, force a été de constater que l'objectif de la normalisation des relations bilatérales entre la Suisse et l'UE n'avait pas pu être atteint. Cette situation résulte en particulier de la décision de la Commission européenne, tombée en décembre, de limiter à un an la durée de la reconnaissance de l'équivalence de la réglementation boursière suisse selon l'art. 23 du règlement de l'UE concernant les marchés d'instruments financiers (Markets in Financial Instruments Regulation, MiFIR). Suite à cette décision, on ne sait pas si, après 2018, les négociants de l'UE pourront continuer à échanger sur une bourse suisse les actions suisses qui sont également admises au négoce sur une bourse de l'UE. La Commission européenne a en l'occurrence lié le maintien de la reconnaissance de l'équivalence aux progrès qui seront réalisés dans les négociations d'un accord-cadre institutionnel. Le Conseil fédéral a critiqué ce lien comme étant inadéquat et discriminatoire, taxant en outre la décision de l'UE de tentative d'affaiblissement de la place financière suisse. Le Conseil fédéral a donc chargé le Département fédéral des finances (DFF) de lui soumettre, pour fin janvier 2018, des propositions visant à contrer cette tentative d'affaiblissement, moyennant par exemple l'abolition des droits de timbre. Il se réserve en outre le droit, pour ce qui est du versement d'une nouvelle contribution de la Suisse à certains États mem1797

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bres de l'UE, de réévaluer les travaux en cours concernant le projet à mettre en consultation. Le Conseil fédéral a par ailleurs souligné que pour surmonter les différends actuels, il était nécessaire de mener des discussions objectives dans un climat de confiance.

Depuis quelques années, la voie bilatérale se heurte à ses limites chaque fois qu'un accord sectoriel soulève des questions d'ordre institutionnel en relation avec l'accès réciproque au marché. C'est pourquoi la Suisse et l'UE ne sont plus parvenues à conclure de nouvel accord d'accès au marché depuis 2008. Les négociations sur les questions institutionnelles se sont poursuivies en 2017. Au cours des 19 cycles de négociation menés depuis leur ouverture, en 2014, des progrès ont certes été accomplis, mais on est encore loin d'une solution globale. Le Conseil fédéral est déterminé à poursuivre et à conclure ces négociations, pour autant qu'elles aboutissent à une solution servant les intérêts de la Suisse.

3.2

Le Brexit et la Suisse

Le 29 mars 2017, le Royaume-Uni a formellement notifié son intention de sortir de l'UE aux autorités compétentes de cette dernière, et les négociations sur son retrait ont débuté en juin. L'UE a insisté pour qu'elles se déroulent en 2 phases, avec, dans un premier temps, les négociations sur le retrait proprement dit, suivies de celles sur les relations après le retrait, cette seconde phase ne devant débuter que lorsque des progrès suffisants auraient été réalisés dans la première. Les négociations sur le retrait portent principalement sur le statut des citoyens de l'UE au Royaume-Uni et des citoyens du Royaume-Uni au sein de l'UE, sur le statut de la frontière entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande ainsi que sur les obligations financières du Royaume-Uni envers l'UE. En décembre 2017, le Conseil européen a considéré que les progrès réalisés dans cette première phase étaient suffisants pour que les négociations sur les futures relations de l'UE et du Royaume-Uni puissent commencer. Ces négociations doivent s'ouvrir au printemps 2018. Les deux parties reconnaissent la nécessité d'une phase de transition entre le moment du retrait et celui de l'entrée en vigueur de leurs nouvelles relations. En l'état des négociations, le Royaume-Uni semble viser des relations fondées sur un accord global de libreéchange. Si cette solution devait prévaloir, les relations entre le Royaume-Uni et l'UE différeront de celles entre la Suisse et l'UE, qui reposent sur un accès sélectif au marché.

La décision de retrait du Royaume-Uni aura également des répercussions sur ses relations bilatérales avec la Suisse, qui se fondent actuellement, pour l'essentiel, sur les accords bilatéraux conclus entre la Suisse et l'UE. Afin de garantir le maintien de ces relations bilatérales, voire de les intensifier, le Conseil fédéral met en oeuvre la stratégie qu'il a adoptée en octobre 2016 sur les futures relations entre la Suisse et le Royaume-Uni. Cette stratégie a pour objectif principal de maintenir au-delà du Brexit les droits et les obligations mutuels liant actuellement les deux pays. À cet effet, les services compétents suisses et britanniques ont multiplié les entretiens exploratoires tout au long de l'année sous revue, sur fond d'intensification des contacts politiques.

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3.3

Intensification de la coopération en matière de sécurité et de migration

Depuis quelques années, la coopération entre la Suisse et l'UE dans le domaine de la sécurité intérieure ne cesse de s'intensifier et de se développer. En novembre 2017, les deux partenaires ont paraphé un protocole permettant aux autorités suisses de poursuite pénale d'accéder à la banque de données Eurodac. De plus, les négociations sur la participation de la Suisse à la coopération de Prüm ont abouti. Grâce à cette coopération, les États participants peuvent échanger des profils ADN, des empreintes digitales ainsi que des données de véhicules et de leurs détenteurs.

L'accès à ces instruments permet à la Suisse d'approfondir de manière sélective sa coopération avec d'autres États membres de l'UE, au-delà de son association aux accords de Schengen et de Dublin. Dans le même ordre d'idées, la Suisse souhaite également bénéficier d'un accès direct au système d'information Europol, afin d'éviter que des failles de sécurité ne résultent de simples retards dans les échanges d'informations.

En 2017, l'acquis de Schengen s'est développé sous l'effet notamment de la menace terroriste qui plane sur le continent européen. Désormais, les personnes bénéficiant pourtant de la libre circulation sont également soumises à un contrôle au passage des frontières extérieures de l'espace Schengen. De même, l'adoption d'un système dit d'entrée/sortie nécessite l'enregistrement biométrique des ressortissants de pays tiers se rendant dans l'UE pour des séjours de courte durée. De plus les États Schengen ont décidé de modifier la directive de l'UE sur les armes, afin de restreindre l'accès aux armes les plus dangereuses. Exerçant son droit de participation, la Suisse s'est engagée en faveur de l'adoption de règles conformes au principe de proportionnalité, ainsi que de dispositions spécifiques à la Suisse, qui continuent d'autoriser la remise de l'arme de service, comme le veut la tradition. La Suisse s'est également associée aux mesures communes de protection des frontières extérieures de Schengen, qui jouent un rôle important dans ses politiques migratoire et de sécurité. Durant l'année sous revue, le Parlement a approuvé la reprise et la mise en oeuvre du règlement de l'UE relatif au nouveau Corps européen de garde-frontières et de garde-côtes. Cette nouvelle agence a succédé à Frontex, à laquelle l'Administration
fédérale des douanes (AFD) participait depuis 2011 par le truchement de son Corps des gardes-frontière. En sus de ses engagements ordinaires, la Suisse a mis 16 garde-frontières à la disposition de l'équipe d'intervention rapide de la nouvelle agence.

En 2017, les délibérations sur la nouvelle mouture du règlement de Dublin n'ont progressé qu'à grand peine, et il n'a pas été possible de trouver un accord sur le mécanisme de répartition proposé, prévoyant que les examens des demandes d'asile dans les situations de crise soient équitablement répartis entre les États Dublin. Dans le cadre de sa participation volontaire au programme de relocalisation de l'UE, la Suisse a accueilli, entre 2015 et 2018, quelque 900 personnes en quête de protection en provenance d'Italie et environ 600 en provenance de Grèce, remplissant ainsi ses engagements. Durant l'année sous revue, elle a en outre accru son soutien aux travaux du Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) et détaché jusqu'à 14 experts dans les centres d'enregistrement italiens et grecs. En 2017, la situation migratoire en Europe était moins tendue que durant les années précédentes, ce qui s'explique principalement par la fermeture de la route des Balkans, par la mise en 1799

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oeuvre de la déclaration UE-Turquie de mars 2016 et par les efforts entrepris pour juguler la migration par la route de la Méditerranée. En plus de mettre l'accent sur le renforcement de la protection aux frontières, la Commission européenne s'est concentrée sur le développement d'une politique migratoire extérieure globale et sur la coopération avec les pays de transit et d'origine. Dans ses échanges d'expériences avec les États membres de l'UE, la Suisse a insisté sur les avantages que présente l'approche globale fondée sur les principes du partenariat qui caractérise sa propre coopération avec les pays de transit et d'origine.

La Suisse a en outre continué à soutenir les efforts entrepris par l'UE ­ dans le cadre de sa politique commune de sécurité et de défense ­ pour assurer à l'Europe un voisinage stable et pacifique. C'est ainsi qu'elle a renouvelé le détachement d'environ 30 experts civils et militaires auprès de missions de promotion de la paix de l'UE en Ukraine, au Sahel et dans les Balkans occidentaux. La politique de coopération de la Suisse en matière de sécurité l'a en outre amenée à participer pour la première fois à un projet de coopération de l'Agence européenne de défense.

3.4

Questions fiscales et commerciales

En 2017, l'UE a renforcé ses mesures de lutte contre l'évasion fiscale et le transfert de bénéfices des entreprises, en s'appuyant en partie sur les recommandations du projet «Érosion de la base d'imposition et transfert de bénéfices» de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui font référence en la matière. Or, selon leurs modalités d'application, certaines de ces mesures pourraient avoir des répercussions sur l'attrait de la place fiscale suisse. En janvier 2017, le groupe «Code de conduite (fiscalité des entreprises)» du Conseil de l'UE a par ailleurs informé 92 États que leur politique fiscale allait être soumise à une évaluation. En juin, la Suisse, dont le régime fiscal est critiqué au niveau international, a présenté comment elle entendait réformer ce régime à la faveur du Projet fiscal 17 et du processus législatif qui en découle. Dans les conclusions du Conseil européen publiées le 5 décembre 2017, la Suisse, conformément à ses attentes, n'a pas été inscrite sur la «liste noire» des États non coopératifs aux yeux de l'UE. Elle est cependant mentionnée en annexe parmi les États et les juridictions qui se sont engagés dans un processus de mise en conformité de leurs règles fiscales avec les normes internationales. Le Conseil de l'UE a salué l'implication dont a fait preuve la Suisse pour mettre fin à son régime fiscal controversé et il a exprimé l'espoir que les engagements pris seront mis en oeuvre. Avec le Projet fiscal 17, la Suisse a effectivement entamé un tel processus.

Quant à la politique commerciale bilatérale de la Suisse, elle n'échappe pas non plus aux effets des développements en cours au niveau européen. Ratifié par le Parlement européen en février 2017, l'accord économique et commercial global (AECG) conclu entre l'UE et le Canada est en grande partie appliqué à titre provisoire depuis septembre. De plus les négociations d'un accord de libre-échange entre l'UE et le Japon se sont achevées en décembre et la proposition a été faite d'ouvrir des négociations visant la conclusion d'accords similaires avec l'Australie et la NouvelleZélande. Compte tenu de ces développements, les États membres de l'Association 1800

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européenne de libre-échange (AELE) examinent la mise à jour de leur propre accord de libre-échange avec le Canada. Enfin, la Suisse, qui dispose aussi d'un accord bilatéral de libre-échange avec le Japon, va suivre de près les effets de l'accord conclu entre celui-ci et l'UE.

3.5

Relations étroites avec les États voisins

Cultiver d'étroites relations basées sur la confiance avec l'Allemagne, la France, l'Italie, le Liechtenstein et l'Autriche reste une priorité de la politique extérieure suisse. Les États voisins représentent en effet un tiers du commerce extérieur global de notre pays et près des deux tiers de ses échanges avec l'UE. Ils font donc traditionnellement l'objet d'une intense pratique de visites diplomatiques: durant l'année sous revue, un tiers de tous les contacts de haut niveau ont concerné ces 5 pays.

Outre la politique européenne et la libre circulation des personnes, les infrastructures de transport ont souvent occupé une place de choix dans les discussions, de même que des questions environnementales, énergétiques et sécuritaires.

Les relations avec l'Allemagne ont été marquées par la célébration du 150e anniversaire de l'ouverture d'une légation suisse à Berlin. Les échanges ont été très intenses, avec des discussions portant surtout sur l'Europe, la migration, le volet financier du G20, la sécurité et les transports. Durant l'année sous revue, on a compté pas moins de 13 visites de conseillers fédéraux. De plus, depuis l'été 2017, un diplomate allemand travaille pour la première fois au sein du DFAE, après que ce dernier eut déjà détaché des collaborateurs suisses auprès du Ministère allemand des affaires étrangères. La coopération avec l'Allemagne dans le domaine de la politique de la paix s'est par ailleurs intensifiée à la faveur de la réalisation de projets conjoints, notamment en matière de médiation.

Toutefois, les relations avec l'Allemagne sont insatisfaisantes à plus d'un égard: la réglementation des procédures d'approche de l'aéroport de Zurich est certes stable, mais des améliorations de la sécurité sont bloquées pour des raisons politiques. De plus, tant que la ratification de l'accord aérien international de 2012 par l'Allemagne sera gelée, la Suisse pâtira d'un manque de sécurité du droit et, partant, de sécurité de la planification. Quant à l'interruption de plus de 7 semaines du corridor ferroviaire Rhin-Alpes, suite à une avarie survenue à Rastatt, elle a mis en évidence les faiblesses du réseau ferroviaire européen, retardant encore l'aménagement du tronçon entre Karlsruhe et Bâle, pourtant convenu avec l'Allemagne dès 1996. La Suisse a donc proposé d'améliorer la coordination
internationale au sein des organes de gestion des corridors ferroviaires européens. Elle a en outre convenu avec l'Allemagne, au plus haut niveau politique, d'analyser l'événement en détail et d'en tirer les enseignements.

Parmi les nombreux contacts entretenus avec la France en 2017, relevons la visite, en mai, de la présidente de la Confédération auprès d'Emmanuel Macron à Paris, peu après l'entrée en fonction de ce dernier, ainsi que celle, en décembre, du nouveau chef du DFAE auprès de Jean-Yves Le Drian, son homologue français. Le cadre institutionnel des relations avec la France a connu des développements positifs dans plusieurs domaines. L'accord entre la Suisse et la France relatif au régime fis1801

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cal applicable à l'aéroport de Bâle-Mulhouse est entré en vigueur fin 2017. Cet accord crée des conditions-cadres avantageuses, qui favoriseront le développement des infrastructures aéroportuaires ces prochaines années. Par ailleurs, les travaux en relation avec la résiliation de la convention concernant l'assistance aux indigents, conclue avec la France en 1931 et dénoncée par cette dernière en 2016, sont achevés. La validité des arriérés de paiement de la France, en particulier auprès des cantons, a été confirmée. Au terme des négociations, il a donc été convenu que la France paiera le montant de 41,5 millions de francs en 2019. Cet accord a été sanctionné par un échange de lettres entre les deux ministres des affaires étrangères. Des entretiens techniques ont en outre eu lieu sur le projet de raccordement ferroviaire de l'aéroport de Bâle-Mulhouse. La France et la Suisse ont par ailleurs relancé leur dialogue sur les questions fiscales et sur l'accès aux marchés financiers. Les deux pays ont également intensifié leur coopération dans le domaine de la protection du patrimoine culturel. L'Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (ALIPH), une initiative de la France et des Émirats arabes unis, a élu domicile à Genève, en tant que fondation. Enfin, des progrès ont été réalisés dans le domaine des transports ferroviaires transfrontaliers.

Durant l'année sous revue, la Suisse a également entretenu d'étroits contacts avec l'Italie. Lors de la visite de la présidente de la Confédération à Rome, en mai, ainsi qu'à l'occasion de diverses rencontres entre ministres des affaires étrangères ­ parmi lesquelles la première visite à l'étranger du conseiller fédéral Ignazio Cassis ­, les discussions ont porté en particulier sur la politique européenne, sur les questions fiscales et sur la problématique de la migration. La coopération relevant des accords de Schengen et de Dublin à la frontière italo-suisse fonctionne bien. Par ailleurs, lors de la réunion de la commission culturelle intergouvernementale «Consulta», à Lugano, en septembre, il a été convenu d'améliorer la coordination des mesures de promotion de la langue italienne, de la protection du patrimoine culturel ainsi que de divers projets communs, en particulier dans le domaine du cinéma. De plus, dans le cadre
de la coopération transfrontalière, la communauté de travail «Regio Insubrica» est devenue un important forum réunissant le canton du Tessin, la Lombardie et le Piémont. Dans le domaine des transports, on a inauguré la liaison ferroviaire entre Mendrisio et Varese.

D'autres chantiers n'ont par contre pas pu être menés à terme en 2017: les discussions sur les questions fiscales ainsi que sur d'autres questions en relation avec l'accès des prestataires de services financiers transfrontaliers au marché et avec l'enclave italienne de Campione d'Italia se sont poursuivies sans progrès significatifs.

De plus, l'accord sur l'imposition des frontaliers paraphé en 2015 n'a toujours pas été signé, malgré un intense travail de persuasion de la part de la Suisse.

Les relations aussi stables qu'étroites entretenues avec le Liechtenstein se sont poursuivies avec une grande intensité, à tous les niveaux, tout au long de l'année sous revue. En mai, Doris Leuthard, présidente de la Confédération, accueillait à Berne Adrian Hasler, chef du nouveau gouvernement du Liechtenstein, en visite de présentation. D'autres membres de ce nouveau gouvernement, à savoir le vice-premier ministre Daniel Risch et la ministre Dominique Gantenbein, ont également été reçus à Berne, en août. En décembre, le nouveau conseiller fédéral Ignazio Cassis recevait encore Aurelia Frick, ministre des affaires étrangères. Relevons encore 1802

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qu'une nouvelle convention contre les doubles impositions est entrée en vigueur au milieu de 2017.

Les relations avec l'Autriche ont été jalonnées de nombreuses visites diplomatiques, dont celle du nouveau président autrichien Alexander Van der Bellen, à Berne, mi-février 2017. Début décembre, le conseiller fédéral Ignazio Cassis s'est rendu à Vienne, où il a rencontré Sebastian Kurz, qui était encore ministre des affaires étrangères. Les principaux thèmes à l'ordre du jour étaient l'Europe et la migration. En mai, Wolfgang Sobotka, alors ministre de l'intérieur, a visité le centre de procédure d'asile de Zurich et s'est entretenu de questions de migration avec la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga. En 2017, la coopération avec l'Autriche s'est par ailleurs intensifiée dans les domaines de la police et de l'armée. En juillet, un nouvel accord révisé de coopération policière transfrontalière liant la Suisse, l'Autriche et le Liechtenstein20 est entré en vigueur. Il vise à accroître l'efficacité de la coopération transfrontalière des autorités compétentes en matière de douane et de sécurité. Le 28 septembre, la Suisse et l'Autriche signaient également un nouvel accord révisé sur la police aérienne21. Enfin, en tant qu'État hôte de l'OSCE, l'Autriche est un important partenaire de la Suisse pour les questions de sécurité. En 2017, la coopération des deux pays dans ce domaine a été d'autant plus intense que la présidence de l'OSCE était assurée par l'Autriche.

3.6

États membres de l'UE et de l'AELE: des partenaires de première importance

Il est particulièrement important pour la Suisse d'entretenir de bonnes relations avec ses États voisins, et plus généralement avec les États membres de l'UE et de l'AELE. Dans le cadre de ces relations, au-delà de la discussion de questions bilatérales et multilatérales, la Suisse s'emploie en permanence à sensibiliser ses interlocuteurs aux exigences de la voie bilatérale ainsi qu'à ses préoccupations à l'approche du Brexit.

C'est ainsi qu'en avril 2017, la présidente de la Confédération Doris Leuthard s'est rendue à Tallinn, en Estonie, pour des discussions avec ce pays peu avant qu'il n'accède à la présidence de l'UE, puis, en novembre, en Bulgarie, appelée à exercer cette présidence durant le premier semestre 2018. En juin, elle a reçu en Suisse le roi de Belgique. Début août, elle s'est rendue à Copenhague pour une rencontre de travail avec le premier ministre danois Lars Løkke Rasmussen, prolongeant ensuite son voyage par une visite au Groenland. Fin novembre, répondant à l'invitation du président du Portugal Marcelo Rebelo de Sousa, elle a mis le cap sur Lisbonne pour une visite présidentielle. Les chefs précédent et actuel du DFAE ont en outre rencontré leurs homologues de Finlande, de Croatie, de Lettonie, de Malte, des Pays-Bas, de Slovaquie et de Chypre. En octobre, on a célébré à Berne, lors d'une rencontre au niveau des ministres des affaires étrangères, le centenaire des relations diplomatiques entre la Suisse et le Luxembourg. Enfin, la campagne que la Suisse a menée 20 21

RS 0.360.163.1 FF 2017 5721

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avec succès pour obtenir le statut d'observateur auprès du Conseil de l'Arctique lui a permis d'intensifier ses contacts avec les pays nordiques.

Évaluation et perspectives La normalisation des relations avec l'UE n'a guère progressé durant l'année sous revue. La question européenne restera donc au coeur de la politique étrangère de la Suisse en 2018 également. Le Conseil fédéral a toujours pour objectif stratégique de consolider la voie bilatérale et de la rendre viable à long terme.

C'est dans l'intérêt aussi bien de la Suisse et de son économie que de l'UE, dont notre pays est le troisième partenaire commercial le plus important.

Le Conseil fédéral poursuit une solution qui inclue l'accès au marché intérieur de l'UE, garantisse la sécurité du droit et soit durablement compatible avec les politiques intérieure et extérieure de la Suisse. Cela présuppose toutefois que la Suisse et l'UE s'accordent sur la conception de fond de leurs relations bilatérales. Or un tel accord nécessite, d'une part, qu'une discussion objective sur la politique européenne du pays ait lieu en Suisse et, d'autre part, que l'UE soit disposée à tenir compte de ce qui est faisable eu égard aux impératifs de la politique intérieure suisse.

Les relations de la Suisse avec ses États voisins et avec les autres capitales européennes ont évolué de manière différenciée. Toutes doivent cependant être renforcées, compte tenu notamment de la politique de la Suisse à l'égard de l'UE.

Dans les relations avec les États voisins, il s'agit en outre de régler certaines questions encore ouvertes. C'est le cas en particulier avec l'Italie, la priorité de la Suisse étant d'aboutir à la signature de l'accord bilatéral sur l'imposition des frontaliers. Avec l'Allemagne, il s'agit de trouver un accord sur les procédures d'approche de l'aéroport de Zurich. Enfin, en 2018, le Conseil fédéral va suivre de près l'évolution de la situation du Royaume-Uni, à la lumière des négociations sur le Brexit et de la redéfinition des relations bilatérales qui s'ensuivra.

4

Renforcement de l'ancrage mondial de la politique extérieure de la Suisse

Dans notre monde multipolaire, l'Europe reste une référence primordiale pour la politique extérieure de la Suisse, laquelle doit néanmoins prendre des accents plus globaux du fait des basculements géopolitiques exposés au chap. 1. Étant donné qu'elle n'est pas membre de l'UE et veut mener une politique extérieure indépendante, la Suisse doit déployer des efforts particuliers à l'échelle tant bilatérale que multilatérale si elle veut défendre efficacement ses intérêts et ses valeurs dans un monde globalisé. En complément de sa politique européenne, elle accorde toujours plus d'importance au renforcement de ses relations avec des pays qui ne font pas partie de l'Europe.

Ces dernières années, la politique extérieure de la Suisse s'est internationalisée.

L'Afrique du Sud, le Brésil, la Chine, les États-Unis, l'Inde, le Japon, la Russie et la Turquie sont les pays prioritaires, identifiés sur d'autres continents par le Conseil 1804

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fédéral durant la dernière décennie, avec qui la Suisse cherche à institutionnaliser le dialogue et à renforcer ses relations économiques. Dans sa stratégie de politique étrangère 2016­2019, le Conseil fédéral définit l'approfondissement des relations avec des partenaires mondiaux et des organisations régionales extra-européennes comme l'un des 4 axes stratégiques de la politique étrangère de la Suisse. C'est sur cette base que la Suisse a intensifié ses relations avec de nombreux États et acteurs hors du continent européen.

Les pages suivantes présentent les activités déployées par la Suisse au cours de l'exercice dans les différentes régions du globe, avec à chaque fois, en prélude et en complément aux explications fournies au chap. 1, les principaux développements en matière de politique régionale.

4.1

Continent américain

Dans le domaine de la politique étrangère et de la politique de sécurité, l'administration Trump a certes elle aussi pour objectif de maintenir les États-Unis au rang de première puissance mondiale. Cependant, le désengagement du pays du PTP et de l'accord de Paris sur le climat, sa passivité à l'égard des institutions de Bretton Woods et la réduction de son engagement au sein de l'ONU offrent l'opportunité à des pays rivaux comme la Chine d'endosser un rôle plus important dans la définition de l'ordre mondial.

La détermination affichée par le président Trump pour mettre en oeuvre ses promesses électorales telles que la renégociation de l'ALÉNA et la construction d'un mur le long de la frontière mexicaine a envenimé les relations des États-Unis avec les pays voisins. En Amérique du Sud, le MERCOSUR (Mercado Común del Sur), sous l'influence d'un État argentin qui renoue avec la croissance, et l'Alliance du Pacifique semblent avoir retrouvé un peu de leur élan. Le Brésil montre lui aussi de premiers signes de reprise économique sous le nouveau gouvernement provisoire. Le pays reste toutefois sous pression en raison des affaires de corruption et du scandale Petrobras qui le touchent. Les scandales auxquels sont mêlées des personnalités politiques de haut rang ont secoué le continent tout entier et eu pour conséquence l'ouverture de procédures judiciaires dans plusieurs pays. La violence qui sévit en Amérique centrale continue de pousser les habitants du Guatemala, du Honduras et du Salvador à émigrer vers le Nord, déclenchant, notamment au Mexique, une crise des réfugiés qui a peu fait parler d'elle jusqu'à présent. Enfin, le Venezuela s'enfonce toujours plus dans une crise politique, économique et humanitaire qui s'accompagne de plus en plus d'affrontements sanglants avec l'opposition.

Dans cet environnement qui évolue rapidement, la Suisse mise sur le développement de ses bonnes relations pour préserver ses intérêts. Les relations qu'elle entretient avec les États-Unis, deuxième partenaire commercial et principal destinataire des investissements directs suisses, restent bonnes, diversifiées et axées sur une coopération concrète. La Suisse souhaiterait mettre l'accent sur le maintien et le renforcement des conditions-cadres dans le domaine des relations économiques et financières ainsi que sur la coopération en matière de paix et de sécurité. Elle entretient des relations particulières avec les États-Unis en raison du mandat de puissance pro1805

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tectrice qu'elle assume pour le pays en Iran. La coopération est également étroite dans les domaines suivants: promotion du commerce et des investissements, formation, notamment professionnelle, axée sur les besoins du marché, prévention de l'extrémisme violent, lutte contre l'extrémisme, recouvrement d'avoirs et santé.

OEuvrant pour un partenariat constructif, la Suisse a cependant également fait part à des représentants du gouvernement américain de ses inquiétudes concernant certaines mesures, notamment la reconnaissance unilatérale de Jérusalem comme capitale d'Israël.

La Suisse a par ailleurs renforcé ses relations avec d'autres pays du continent américain au niveau présidentiel (Argentine, Bolivie, Pérou) et ministériel (Canada). Dans le domaine de la promotion de la paix, elle continue d'apporter son soutien à la Colombie, en particulier pour la mise en oeuvre de l'accord de paix signé avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et les négociations du gouvernement colombien avec l'Armée de libération nationale (ELN). La Suisse s'engage par ailleurs dans la lutte contre la corruption et l'impunité en Amérique centrale et est active au Brésil dans le domaine de la coopération judiciaire. Elle soutient des projets qui relèvent de la coopération au développement en Amérique centrale, en Bolivie, en Colombie, à Cuba, en Haïti et au Pérou. Elle encourage les efforts de réforme communale et de décentralisation menés pour mieux associer les citoyens aux décisions politiques. En Amérique centrale, la Suisse oeuvre en faveur de la réforme judiciaire et du traitement du passé en vue de remédier aux causes des conflits. Elle encourage également la création d'emplois et de revenus ainsi que la mise en oeuvre de mesures visant à protéger les couches les plus pauvres de la population des effets du changement climatique et de la raréfaction des ressources en eau. Dans ses relations avec les pays d'Amérique, la Suisse accorde également une place importante à la promotion des droits de l'homme et elle n'hésite pas à prendre position si nécessaire, comme elle l'a fait pour dénoncer l'escalade de la violence au Venezuela.

Pour renforcer ses intérêts, la Suisse a conclu des partenariats, par exemple avec le Mexique dans le domaine de la migration mondiale. Elle préserve également ses intérêts
en coopérant avec des organisations régionales telles que l'Organisation des États Américains (OEA), l'Alliance du Pacifique et la Communauté des Caraïbes (CARICOM).

4.2

Asie et Pacifique

En 2017 aussi, la Chine et l'Inde ont confirmé leur rôle de grande puissance en influant sur les développements politiques et économiques de la région Asie-Pacifique. En plus de s'impliquer davantage dans la politique internationale, la Chine tente de plus en plus d'établir un ordre international qui prenne en considération ses propres besoins. Comme évoqué au chap. 1, elle a continué de mettre en oeuvre un projet important, l'initiative des nouvelles routes de la soie (Belt and Road Initiative).

Sa croissance économique pérenne confère à l'Inde une puissance accrue, d'autant plus que ce sous-continent participe de plus en plus à la définition de l'ordre régional. Conséquence: les rivalités entre l'Inde et la Chine se sont intensifiées, pendant 1806

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que la situation sécuritaire de la région était dominée par les conflits non résolus en Afghanistan et au Cachemire, par exemple, et par la difficile transition politique dans des pays comme le Népal et le Sri Lanka. Dans ce contexte, les États-Unis ont laissé un vide en se retirant du PTP. Ils restent toutefois un acteur important en Asie et surtout un allié crucial de pays tels que la Corée du Sud et le Japon.

En Asie de l'Est, la Suisse a pu renforcer ses relations bilatérales avec la Chine, notamment à l'occasion de la visite d'État effectuée par le président chinois en Suisse en janvier, mais aussi dans le cadre de contacts de haut niveau et de dialogues sectoriels bien établis, par exemple dans les domaines du libre-échange, des questions financières, des droits de l'homme, de la politique de sécurité, de la coopération internationale, des sciences et de l'énergie. Conclu en 2016, le partenariat stratégique innovateur a pu être confirmé et a pris la forme d'un dialogue stratégique annuel entre ministres des affaires étrangères. Les contacts qui ont eu lieu au niveau présidentiel et ministériel ont permis en outre des échanges de vues critiques sur les droits de l'homme. Enfin, la Suisse a eu l'occasion à plusieurs reprises de manifester au plus haut niveau l'intérêt qu'elle porte à l'initiative des nouvelles routes de la soie, entre autres pour des raisons économiques. Étant donné qu'elle entretient des relations bilatérales étroites et diverses avec la Chine, la Suisse a intérêt à participer à cette initiative, sans oublier de défendre systématiquement les sujets qui la préoccupent, tels que le respect du droit international et des normes internationales (droits de l'homme, état de droit, financement pérenne de projets et transparence).

La place financière de Hongkong jouant un rôle central dans la connexion de l'économie chinoise à l'économie mondiale, les contacts avec les autorités régionales ont été renforcés.

La coopération bilatérale avec le Japon repose sur un cadre juridique solide constitué d'accords bilatéraux, en particulier dans les domaines économiques et scientifiques.

Les relations ont pu être intensifiées au cours de l'année en matière de questions financières, de recherche et d'innovation ainsi que dans le domaine de l'échange parlementaire. Comme exposé au chap. 1,
les tensions ont redoublé d'intensité sur la péninsule coréenne étant donné que la Corée du Nord a poursuivi sans relâche ses programmes nucléaire et balistique, ce qui a eu pour conséquence le durcissement des sanctions imposées par la communauté internationale. La Suisse a mis en oeuvre et strictement respecté toutes les sanctions de l'ONU qui frappent ce pays. Elle a condamné les essais nucléaires réalisés par la Corée du Nord, en violation du droit international. Elle est convaincue que seuls des négociations et un processus diplomatique permettront de trouver une issue au problème sécuritaire que pose la crise nucléaire dans la péninsule coréenne. Elle s'est dite prête à répondre à toute sollicitation pouvant contribuer aux efforts de promotion de la stabilité et de la paix dans la région.

En Asie du Sud, la Suisse a intensifié ses relations bilatérales avec l'Inde, marquées par de nombreux dialogues thématiques menés à intervalles réguliers, par exemple sur les marchés financiers et la formation professionnelle adaptée aux besoins du marché. En visite à New Delhi à la fin août, la présidente de la Confédération Doris Leuthard a tenté de relancer les négociations engagées depuis longtemps déjà en vue de la conclusion d'un accord de libre-échange entre l'Inde et l'AELE. Dans le cadre de consultations politiques ou de rencontres bilatérales au niveau des hauts fonction1807

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naires, la Suisse a renforcé ses relations avec d'autres États d'Asie du Sud, tels que le Bangladesh et le Sri Lanka, avec qui un partenariat migratoire est envisagé. Elle poursuit également en Asie du Sud-Est sa stratégie d'approfondissement des relations avec les pays de la région, laquelle s'est traduite en 2017 par des visites bilatérales effectuées en particulier à Singapour, aux Philippines, au Myanmar et en Indonésie. Les relations avec la place financière de Singapour ont été approfondies dans le cadre de contacts de haut niveau et les contacts économiques et scientifiques avec l'Indonésie, membre du G20, ont été renforcés, tandis que les échanges ont pu être intensifiés avec le nouveau gouvernement philippin dans le domaine de l'extrémisme violent et du développement économique.

L'action que la Suisse déploie depuis plusieurs années au Myanmar en matière de politique de la paix a été poursuivie et des discussions de haut niveau ont été menées sur le processus de paix, la transition démocratique et la protection des minorités. La Suisse a accentué son aide humanitaire à la suite de l'intensification de la crise dans l'État de Rakhine. Dans la zone Pacifique, les relations avec l'Australie ont bénéficié d'un élan supplémentaire dans le cadre du dialogue politique organisé chaque année. L'économie, la formation, la recherche et la coopération multilatérale sont au coeur de la collaboration.

La Suisse s'emploie également à élargir ses relations avec les organisations régionales de la zone Asie-Pacifique. Elle a pris part pour la première fois à une rencontre des ministres des affaires étrangères de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE) dans le cadre du partenariat de dialogue sectoriel. La Suisse et l'ANASE ont par ailleurs élaboré un plan de travail conjoint pour la période 2017­2021, notamment dans les domaines de la sécurité humaine et de la réduction des risques de catastrophe. Outre l'ANASE, la Suisse tire profit du Dialogue Asie-Europe pour approfondir ses relations avec des partenaires européens et asiatiques et faire valoir des demandes concrètes.

4.3

Proche-Orient, Moyen-Orient et Afrique du Nord

L'année a été agitée au Proche-Orient, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, qui doivent faire face à des affrontements et à une situation humanitaire tendue dans des régions en crise qui génèrent d'importants mouvements de réfugiés. En Libye, la situation reste fragile. Les combats se poursuivent en Syrie, malgré un «État islamique» considérablement affaibli. En Irak, les tensions entre les différentes communautés ethniques et religieuses ainsi que le référendum sur l'indépendance du Kurdistan irakien font craindre un morcellement du pays qui ne manquerait pas d'être dangereux. Au Yémen, les discussions de paix menées par l'ONU sont au point mort, alors que les restrictions d'accès à l'aide humanitaire, dues à une décision politique, aggravent la crise humanitaire. D'autres États se distinguent par le caractère toujours plus autoritaire de leurs gouvernements respectifs, qui s'en prennent à ceux qui réclament une société plus ouverte. Le changement de cap pris par la politique américaine dans la région, avant tout la reconnaissance par les États-Unis de Jérusalem comme capitale d'Israël, contribue lui aussi à la polarisation de cette région.

L'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis poursuivent une politique extérieure 1808

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toujours plus ambitieuse et ne redoutent plus une confrontation avec l'Iran. De nouvelles alliances voient le jour, sans oublier de nouveaux fronts et lignes de conflit.

Aucun progrès n'a été enregistré en 2017 dans le conflit israélo-palestinien.

En 2017 aussi, la Suisse est restée en contact fréquent et régulier avec les pays de cette région. Lors de visites de travail effectuées par des ministres, de nombreux dialogues ont été menés, généralement sur des sujets de politique, d'économie et de politique migratoire. Le Proche-Orient et le Moyen-Orient continuent d'occuper une place prépondérante dans l'engagement de la Suisse pour la paix et la sécurité. Ce dernier porte en priorité sur l'appui fourni à l'ONU dans le processus de paix syrien, les programmes de politique de la paix au Liban et en Libye, les nouveaux mandats de puissance protectrice concernant l'Iran et l'Arabie saoudite ainsi que l'engagement en faveur d'une solution à deux États pour mettre un terme au conflit du Proche-Orient. La Suisse défend l'idée de la création, sur la base des frontières de 1967, d'un État palestinien viable, d'un seul tenant et souverain, avec Jérusalem-Est comme capitale, vivant en paix et en sécurité aux côtés d'Israël. Elle ne reconnaîtra pas une modification des frontières de 1967, y compris de Jérusalem, sauf s'il s'agit du résultat d'un accord négocié par les deux parties.

Un nouveau programme a été lancé avec la Jordanie et le Liban dans le cadre de la coopération au développement. Sa contribution a pour but de couvrir les besoins fondamentaux des réfugiés syriens. Le programme vise en outre à réduire les tensions entre les réfugiés et la population des pays qui les accueillent. De plus, les projets de politique migratoire permettent de renforcer les capacités d'accueil et de protection. Concernant l'Afrique du Nord, la nouvelle stratégie de coopération de la coopération internationale prévoit d'intensifier l'engagement dans le domaine migratoire et la prévention de l'extrémisme violent22. L'aide humanitaire de la Suisse est elle aussi très présente dans la région. L'engagement dans la crise syrienne est la plus grande opération humanitaire de l'histoire de la Suisse, qui a, depuis le début de la guerre, apporté une aide d'un montant de près de 316 millions de francs, dont 66 millions pour l'année
sous revue. Ainsi, la Suisse a permis à 87 000 enfants d'être scolarisés entre 2012 et 2017 et elle contribue chaque mois à la couverture des besoins les plus urgents de 30 000 femmes souffrant de sous-nutrition. Au Yémen, où la population subit la famine la plus grave de l'histoire du pays, la Suisse a organisé en avril à Genève, de concert avec la Suède et l'ONU, une conférence des pays donateurs, qui a permis de récolter 1,1 milliard de dollars américains pour les personnes dans le besoin.

La promotion des intérêts financiers et économiques reste une question importante.

À titre d'exemple, le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann, accompagné de délégations de représentants de l'économie, s'est rendu en Arabie saoudite, en Israël et dans le Territoire palestinien occupé. À l'occasion d'une visite du conseiller fédéral Ueli Maurer, la Suisse et Israël sont convenus de renforcer leur coopération dans le domaine financier. Lors d'un événement organisé en Jordanie dans le cadre du Forum économique mondial, le conseiller fédéral Didier Burkhalter s'est engagé avec plus de 100 jeunes entrepreneurs arabes en faveur de la promotion des start-up dans la région. Dans le sillage de la «feuille de route» conclue avec l'Iran en 2016 pour 22

Cf. chap. 6.3, Lien stratégique avec la politique migratoire extérieure.

1809

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intensifier les relations entre les deux pays, des dialogues ont été engagés dans les domaines économique et financier. Après l'approbation par le Parlement, le 4 décembre 2017, de l'arrêté fédéral concernant la participation de la Suisse à l'exposition universelle 2020 de Dubaï23, Présence Suisse a engagé les travaux de mise en oeuvre. Cette participation représente pour la Suisse l'occasion d'augmenter sa notoriété dans la région et d'y présenter ses atouts. Elle ouvre des perspectives intéressantes, en particulier dans les domaines de la recherche, de l'innovation et de l'économie.

4.4

Europe de l'Est et Asie centrale

Du fait de son poids politique, de son influence sur la sécurité européenne et mondiale ainsi que de relations bilatérales traditionnellement étroites, la Russie reste un partenaire à la fois important et compliqué de la Suisse. Depuis quelques années, les relations bilatérales sont marquées par le conflit persistant entre la Russie et l'Occident ainsi que par l'annexion de la Crimée au mépris du droit international. La Suisse mise sur un dialogue régulier, constructif et critique sur ces questions. Elle n'a pas repris les sanctions de l'UE à l'égard de la Russie. Le Conseil fédéral a toutefois pris des mesures pour que le territoire suisse ne serve pas au contournement de ces sanctions24. La coopération par le biais de nombreux dialogues thématiques, qui a évolué sur la base d'une convention conclue en 2007, se poursuit. Au cours de l'exercice, l'ancien et l'actuel chef du DFAE ont rencontré leur homologue russe Sergueï Lavrov, respectivement en marge de l'Assemblée générale de l'ONU et du Conseil ministériel de l'OSCE. Le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann s'est quant à lui rendu à Moscou pour une visite de travail.

Le dialogue critique et constructif que la Suisse mène avec la Turquie pour tenter d'améliorer la situation actuelle s'inscrit lui aussi dans la droite ligne de sa politique extérieure indépendante. La Suisse y exprime ses inquiétudes concernant l'ampleur des mesures et les restrictions touchant aux principes de l'état de droit et aux droits de l'homme depuis la tentative de coup d'État de 2016 et elle demande aux autorités turques de respecter leurs obligations internationales, notamment de renoncer à espionner et à harceler les membres de la diaspora turque en Suisse. En raison de sa situation géopolitique et de son poids économique, la Turquie est un acteur important qui a des liens nombreux et divers avec notre pays. Le Conseil fédéral entend donc poursuivre la coopération. Il convient de souligner les efforts considérables que la Turquie entreprend pour héberger les plus de 3 millions de personnes qui, fuyant les pays voisins, ont trouvé refuge chez elle.

Comme décrit plus en détail au chap. 2, le conflit non résolu du Donbass reste l'un des principaux sujets au coeur des relations bilatérales avec l'Ukraine. À l'occasion de la visite du chef du DFAE dans la région en
conflit, la Suisse a réitéré son engagement en Ukraine. Dans le Caucase du Sud, elle continue de se concentrer sur la promotion de la paix et la coopération au développement. L'un des axes particuliers 23 24

FF 2018 29 Ordonnance du 27 août 2014 instituant des mesures visant à empêcher le contournement de sanctions internationales en lien avec la situation en Ukraine, RS 946.231.176.72.

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de la stratégie de coopération régionale renouvelée en 2017 vise à promouvoir une collaboration constructive digne de bonnes relations de voisinage entre les républiques du Caucase du Sud. La présidente de la Confédération s'est rendue en Géorgie en décembre 2017.

La Suisse veille à une collaboration étroite, au sein des institutions de Bretton Woods, avec les pays d'Asie centrale et l'Azerbaïdjan, important partenaire économique de la Suisse. Lors de l'exposition universelle d'Astana, la Suisse a témoigné de sa force d'innovation dans le domaine de l'énergie et elle a souligné son soutien à l'initiative de diplomatie de l'eau (Blue Peace) pour une gestion interétatique de ressources d'eau qui diminuent en Asie centrale. L'initiative apporte également une contribution ciblée à la réduction des causes de conflit. La poursuite de cet engagement est elle aussi au coeur de la stratégie de coopération régionale 2017­2021, redéfinie en 2017.

4.5

Afrique subsaharienne

C'est une image contrastée que l'Afrique subsaharienne a donnée d'elle en 2017. La plupart des élections présidentielles et législatives se sont déroulées de manière relativement pacifique, en Angola, au Ghana, au Liberia, au Rwanda et au Sénégal. Le recours déposé par l'opposition kenyane pour dénoncer des irrégularités et des violations des droits ayant été admis par la plus haute cour du pays, une nouvelle élection présidentielle a été organisée à la fin octobre. Comme le montre l'exemple de la Gambie, les crises politiques peuvent souvent être résolues sans recours à la violence. Au Zimbabwe, le changement de pouvoir s'est également déroulé dans la légalité, le président Mugabe ayant été contraint à la démission après 37 années à la tête de l'État. Dans certains pays, le processus électoral continue de ne pas respecter entièrement les critères démocratiques. Les élections en République démocratique du Congo ont été une fois de plus repoussées, le gouvernement a répondu aux manifestations par l'usage de la violence. La situation politique demeure également précaire au Burundi, notamment en raison du projet de révision constitutionnelle.

À cela s'ajoutent les problèmes globaux auxquels est toujours confronté le continent: changement climatique, catastrophes naturelles, terrorisme, conflits non résolus et pauvreté. Une partie des mouvements de population est due à des événements climatiques extrêmes tels que la sécheresse dans la Corne de l'Afrique et des inondations en Afrique de l'Ouest. La situation sécuritaire reste critique dans la région du lac Tchad, au Soudan du Sud, en République centrafricaine et dans la région des Grands Lacs. Le terrorisme, surtout répandu en Somalie, au Burkina Faso, au Mali et dans la région du lac Tchad, soulève des inquiétudes. De plus, certains pays africains souffrent d'une mauvaise gouvernance et de la corruption. Un nombre important de migrants et de personnes qui ont fui leur pays sont originaires de pays africains.

Dans le même temps, le continent enregistre de nombreux réfugiés et déplacés internes: l'Ouganda, l'Éthiopie, la République démocratique du Congo et le Kenya sont les pays qui comptent le plus de réfugiés en Afrique; la République démocratique du Congo, le Soudan, le Nigéria et le Soudan du Sud enregistrent quant à eux le plus de déplacés internes.

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Dans le domaine économique, tout laisse présager une évolution dynamique. Les prix des matières premières augmentant pendant que la production se diversifie, la croissance devrait repartir à la hausse. Outre les investisseurs occidentaux traditionnels, des concurrents de Chine et des pays du Golfe attirés surtout par le secteur des matières premières et des projets d'infrastructures d'ampleur se pressent sur le marché africain. Les entreprises suisses manifestent elles aussi un intérêt accru pour les marchés africains émergents, mais le climat reste en partie défavorable aux investissements.

Il est de l'intérêt de la Suisse de renforcer et de diversifier ses relations avec l'Afrique subsaharienne. La Suisse profite de cette embellie de l'économie dans certaines parties du continent pour relancer la conclusion d'accords sectoriels, par exemple dans les domaines du trafic aérien et de la double imposition. Dynamique, la coopération avec le Nigéria s'inscrit dans des dialogues institutionnalisés, qui portent notamment sur les questions migratoires et les droits de l'homme. Du fait de la gravité de la situation humanitaire et sécuritaire dans la Corne de l'Afrique, l'engagement de la Suisse dans cette région ne faiblit pas. Différentes rencontres de haut niveau avec des représentants de la région ont porté principalement sur les migrations, les droits de l'homme, le développement économique et la lutte contre la corruption. Une attention particulière a été accordée à l'Érythrée, la Suisse envisageant d'y renforcer sa présence diplomatique25. L'instabilité règne toujours dans la région des Grands Lacs, où, de ce fait, la Suisse met l'accent sur la politique de la paix et la coopération au développement, notamment au Burundi et en République démocratique du Congo. L'Afrique du Sud et le Ghana restent des partenaires importants de la Suisse en Afrique, en particulier pour la coopération économique, scientifique et multilatérale. Au Mozambique, la Suisse a apporté une contribution déterminante à la conclusion d'un accord de cessez-le-feu ­ la trêve était respectée depuis Noël 2016. Le gouvernement mozambicain a fait appel à la Suisse pour que, dans le cadre de sa politique de bons offices, elle accompagne le processus de paix, l'opposition armée approuvant elle aussi cette médiation. Cet engagement est
le fruit d'une présence de longue date de la Suisse au Mozambique, puisque celle-ci y met en oeuvre sa coopération au développement depuis bientôt 40 ans.

Au niveau multilatéral, la Suisse a renforcé sa coopération avec l'UE et dans le cadre du «Pacte avec l'Afrique». De plus, elle a continué de formaliser sa coopération avec des organisations régionales. La coopération se poursuit avec l'Union africaine et l'Autorité intergouvernementale pour le développement au travers de programmes, pendant qu'une coopération a été convenue avec la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest dans les domaines de la migration, de la paix et de la sécurité. Parce qu'elle compte en son sein un nombre important de pays africains, l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) reste pour la Suisse une plateforme importante qu'elle utilise pour défendre ses intérêts de politique extérieure. Concrètement, la Suisse collabore avec l'OIF dans les domaines des droits de l'homme et de la prévention de l'extrémisme violent ainsi que pour la mise en oeuvre de la stratégie économique et de la stratégie jeunesse de l'organisation.

25

Concernant l'Érythrée, cf. aussi chap. 6.3, Lien stratégique avec la politique migratoire extérieure.

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Appréciation et perspectives Le Conseil fédéral tient le cap s'agissant de la mise en oeuvre du deuxième objectif de la stratégie de politique étrangère 2016­2019: l'approfondissement des relations avec des partenaires mondiaux. Dans la pratique, l'Asie tire son épingle du jeu. En effet, aucune autre région hors d'Europe ne peut se targuer de visites diplomatiques de haut niveau d'une telle intensité, les relations avec la Chine ayant la primauté. Il n'en demeure pas moins que la politique extérieure de la Suisse consolide son ancrage dans toutes les régions du monde. On compte ainsi parmi les États avec lesquels de nouvelles consultations politiques ou d'autres formes d'approfondissement des relations politiques ont été définies, l'Afghanistan, l'Algérie, l'Angola, l'Argentine, le Bangladesh, le Cambodge, l'Éthiopie, le Ghana, l'Inde, la Jordanie, le Koweït, le Mexique, Oman, le Pérou et le Sénégal. La même dynamique se dessine au niveau économique, comme le Conseil fédéral en a rendu compte dans le rapport sur la politique économique extérieure26. Les efforts iront dans le même sens en 2018.

La Suisse doit définir pays par pays les champs thématiques dans lesquels elle vise une coopération accrue, sachant que l'objectif premier reste la défense de ses intérêts. La promotion des valeurs sur lesquelles repose l'ordre international libéral en fait partie. Comme exposé dans les chapitres qui suivent, le Conseil fédéral aura à coeur de définir l'ancrage mondial de sa politique extérieure en veillant à la concordance des intérêts et des valeurs suisses.

5

Demandes de contributions à la paix et à la sécurité

Conformément aux orientations définies par la stratégie de politique étrangère 2016­2019 du Conseil fédéral, la Suisse renforce son engagement en faveur de la paix et de la sécurité. Comme indiqué au chap. 2, elle applique une approche globale de la sécurité et met l'accent sur la prévention et la médiation. En matière de promotion de la paix et de la sécurité, elle utilise une large palette d'instruments, qui inclue aussi le développement durable. Il ne peut y avoir de paix durable sans développement durable, et l'inverse est aussi vrai.

5.1

Les bons offices et la promotion civile de la paix en point de mire

La Suisse est toujours très sollicitée pour des contributions à la paix et à la sécurité, surtout dans le domaine des bons offices. Pendant l'année sous revue, la Suisse a accepté deux nouveaux mandats de puissance protectrice qu'elle assume entre l'Iran et l'Arabie saoudite. Ces mandats, politiquement importants, démontrent que des mesures de désescalade restent possibles dans une région traversée par des lignes de 26

Rapport du 10 janvier 2018 sur la politique économique extérieure 2017 et rapport sur les mesures tarifaires prises en 2017, FF 2018 791

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fracture. La Suisse reste aussi très sollicitée pour des missions de facilitation de dialogues et de négociations. En 2017 aussi, elle a accueilli des pourparlers de paix, par exemple sur la Syrie et sur Chypre.

En matière de médiation, la Suisse intervient actuellement dans 15 contextes différents, où elle assume des rôles très divers. Par exemple, elle soutient l'ONU dans le cadre du conflit syrien, en mettant à sa disposition des experts spécialisés dans les questions constitutionnelles et l'échange de prisonniers. En outre, à la demande de l'ONU, elle facilite la conduite de dialogues informels destinés à compléter le processus officiel de négociations inter-syriennes, qui reste très laborieux. C'est ce qu'illustre la Civil Society Support Room, une plateforme créée à l'initiative de la Suisse en 2016, au Palais des Nations à Genève. En 2017, 250 représentants de la société civile issus de toutes les régions de Syrie ont participé à ce dialogue politique.

La Suisse joue également un rôle important en matière de médiation et de soutien à la médiation, comme actuellement au Mozambique et en Colombie. C'est ce qu'illustrent aussi les efforts qu'elle déploie pour mettre fin à la division entre l'Autorité palestinienne et le Hamas, qui dure depuis plus de 10 ans. Le processus de réconciliation relancé par l'Égypte a enregistré des progrès en 2017, mais n'a pas encore débouché sur un gouvernement palestinien unifié et opérationnel, préalable indispensable dans la perspective d'une solution à deux États. Dans tous ces exemples, la Suisse n'agit pas seule aujourd'hui, mais avec des États partenaires.

Elle a en outre fait oeuvre de pionnier en matière de professionnalisation de la médiation en inaugurant à l'EPF de Zurich une nouvelle formation axée sur la médiation au service de la paix et sanctionnée par un Master of Advanced Studies (MAS). Cette formation unique dans le monde doit permettre de disposer de davantage de médiateurs professionnels. Des représentants et représentantes de la Suisse, d'une douzaine d'autres États, de l'ONU et d'organisations africaines participent au premier cycle de formation.

Dans le domaine de la promotion civile de la paix, la Suisse s'est forgé ces dernières années une expertise dans des thématiques qui revêtent une grande importance pour le règlement des conflits
actuels. Il s'agit, par exemple, du partage du pouvoir, des élections et des processus démocratiques. La Suisse anime ainsi un dialogue au Zimbabwe, afin que les élections puissent s'y dérouler sans violence en 2018. Par ailleurs, elle a renforcé les capacités des autorités électorales en Tunisie, au Burkina Faso et au Kirghizistan. Au Sri Lanka et au Myanmar, où des réformes constitutionnelles sont en cours, elle a également soutenu les débats sur des modèles possibles de partage du pouvoir et organisé une série de visites d'études en Suisse. Le traitement du passé et la prévention des atrocités ainsi que la prévention des violences basées sur le genre et la participation des femmes aux processus de paix constituent d'autres thèmes importants de la promotion civile de la paix. Le détachement de personnel civil au sein d'organisations internationales et pour des opérations de maintien de la paix constitue un autre instrument éprouvé de la politique de paix de la Suisse. En 2017, 160 experts ont pris part à 197 missions dans 37 pays. En Ukraine, par exemple, la Suisse a affecté jusqu'à 16 experts à la mission spéciale

1814

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d'observation de l'OSCE,27 ce qui a impliqué la mobilisation simultanée de 99 personnes en moyenne, dont 43 % de femmes. Parmi ces personnes, on comptait 27 conseillers en sécurité humaine, qui ont opéré dans les pays prioritaires de la politique suisse de la paix. Enfin, la participation aux missions d'observation électorale conduites par l'OSCE, l'UE et l'OEA fait traditionnellement partie des priorités de l'engagement de notre pays.

5.2

Droits de l'homme et protection des minorités

Les droits de l'homme sont soumis à des pressions croissantes dans le contexte actuel. S'agissant de la Suisse, les droits de l'homme ­ et les valeurs en général ­ constituent le fondement de ses structures démocratiques et sont indissociablement liés à la défense de ses intérêts telle que la conçoit l'art. 54, al. 2 de la Constitution qui définit le but de la politique étrangère 28. Le dialogue sur les droits de l'homme s'inscrit dans des relations bilatérales vivantes et fondées sur la confiance. Pendant l'année sous revue, la Suisse a eu des échanges approfondis sur les droits de l'homme avec le Brésil, le Sénégal, le Nigéria, l'Afrique du Sud, la Russie, l'Iran, le Bahreïn, l'Inde, la Chine, le Vietnam et l'Indonésie. Dans les organisations multilatérales et régionales également, la Suisse s'engage en faveur du renforcement des droits de l'homme.

L'abolition de la peine de mort, que la Suisse juge contraire aux droits de l'homme, est un thème important pour elle. Alors que la tendance mondiale à l'abolition de la peine capitale se poursuit, plusieurs pays envisagent de la réintroduire. À travers un plan d'action pour les années 2017­2019, la Suisse essaie de contrecarrer ces tendances. Parmi les thèmes clés de son engagement bilatéral et multilatéral figurent aussi la prévention de la torture, la non-discrimination, la protection des défenseurs des droits de l'homme et la mise en oeuvre du plan d'action national pour l'application des principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme, avec une attention particulière pour les grandes manifestations sportives. La Suisse a également renforcé son engagement multilatéral pour l'égalité des sexes, les droits des femmes et l'autonomisation des femmes. Par la stratégie «Égalité des genres et droits des femmes», le DFAE fait de la promotion de ces causes un thème transversal de toute la politique étrangère de la Suisse.

La protection des droits des minorités est inscrite dans le droit international En février 2017, le Conseil fédéral a approuvé le quatrième rapport de la Suisse sur la mise en oeuvre de la convention-cadre sur la protection des minorités nationales29.

Dans sa politique extérieure, la Suisse soutient en particulier les projets qui promeu27 28

29

Voir aussi sur ce point le chap. 2, Thème prioritaire: contributions de la politique étrangère à la sécurité en Europe.

«La Confédération s'attache à préserver l'indépendance et la prospérité de la Suisse; elle contribue notamment à soulager les populations dans le besoin et à lutter contre la pauvreté ainsi qu'à promouvoir le respect des droits de l'homme, la démocratie, la coexistence pacifique des peuples et la préservation des ressources naturelles.» www.eda.admin.ch > Politique extérieure > Droit international public > Conventions internationales pour la protection des droits de l'homme > Convention-cadre du Conseil de l'Europe pour la protection des minorités nationales

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vent les droits des personnes faisant partie de groupes de population vulnérables.

C'est ainsi qu'en Syrie, elle a continué d'apporter son appui à un projet réalisé avec l'Église orthodoxe syrienne en faveur d'enfants de toutes confessions qui ont été traumatisés par la guerre. En Irak, la Suisse a renouvelé son soutien à un projet des organisations Ceasefire Centre for Civilian Rights, Minority Rights Group et Sinjar Foundation for Human Development, une fondation créée par des Yézidis. Parmi les engagements de la Suisse en faveur de minorités religieuses figure encore son appartenance à l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (International Holocaust Remembrance Alliance, IHRA), qu'elle a présidée en 2017. Enfin, la Suisse est active dans la lutte contre le racisme et la xénophobie.

En 2017, la situation est restée globalement tendue pour de nombreuses personnes appartenant à des minorités religieuses ou autres dans plusieurs régions du monde.

Ce fut le cas par exemple pour les chrétiens dans divers pays du Proche-Orient et du Moyen-Orient, pour les Yézidis en particulier en Syrie et en Irak et pour les musulmans de l'État de Rakhine, au Myanmar. La Suisse met à profit les consultations politiques bilatérales ainsi que les dialogues sur les droits de l'homme pour aborder les questions des droits des minorités et de la lutte contre la discrimination. Au niveau multilatéral, elle soutient les résolutions adoptées dans ce domaine par le Conseil des droits de l'homme et par l'Assemblée générale des Nations Unies, de même que les efforts menés par le Conseil de l'Europe et l'OSCE. En 2017, la Suisse a par exemple de nouveau signé la résolution de l'ONU sur la liberté de religion ou de conviction ainsi que la déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques. En ce qui concerne la situation dans l'État de Rakhine, la Suisse a invité les autorités du Myanmar, aussi bien dans le cadre du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies que lors de discussions bilatérales, à respecter les engagements internationaux qu'elles ont pris dans le domaine des droits de l'homme ainsi qu'à prévenir et à élucider toute violation de ces derniers.

5.3

Droit international et justice pénale internationale

Le respect et le renforcement du droit international humanitaire font traditionnellement partie intégrante de la politique extérieure de la Suisse. Les conflits en cours au Proche-Orient et au Moyen-Orient, les tensions entre la Russie et l'Occident ainsi que la lutte contre le terrorisme mettent le droit international humanitaire à rude épreuve. Des mesures sont notamment requises pour améliorer la protection des infrastructures médicales et des écoles. Mais il faut aussi faire mieux respecter les conventions de Genève elles-mêmes. La Suisse a appelé les États non parties à ratifier les deux protocoles additionnels aux conventions de Genève. Conjointement avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), elle a en outre poursuivi les consultations pluriannuelles en vue de la création d'un forum des États parties. Cette démarche repose sur la conviction qu'il est indispensable d'instaurer un dialogue sur la mise en oeuvre du droit international humanitaire.

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La Suisse s'implique également dans la lutte contre l'impunité des auteurs des crimes les plus graves au regard du droit international. Aussi oeuvre-t-elle au renforcement de la Cour pénale internationale (CPI). Elle a notamment soutenu avec succès la résolution adoptée en décembre 2017 par les États parties au Statut de Rome en vue de l'activation de la compétence de la CPI à l'égard du crime d'agression. Par ailleurs, elle se félicite que l'utilisation de trois nouvelles catégories d'armes, pour laquelle la qualification de crime de guerre a été retenue, relèvera à l'avenir de la juridiction de la CPI. Enfin, elle salue la création par l'Assemblée générale des Nations Unies d'un mécanisme de lutte contre l'impunité en Syrie, au financement duquel elle a contribué en tant qu'État hôte. En 2017, elle s'est aussi engagée de nouveau en faveur du renforcement d'institutions pénales nationales, assurant par exemple la formation de procureurs spécialisés dans la poursuite de crimes de guerre.

La restitution d'avoirs de potentats occupe une place importante sur la scène internationale, car elle est étroitement liée à la lutte contre la corruption, aux droits de l'homme et au développement durable. La politique proactive menée par la Suisse continue à susciter un grand intérêt, notamment au sein du Groupe de travail anticorruption du G20. Fin 2017, la Suisse a participé à la Conférence des États parties à la convention des Nations Unies contre la corruption et au premier forum mondial sur le recouvrement d'avoirs. Par ailleurs, elle a organisé à Addis Abeba, avec l'Éthiopie et l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, un colloque sur le recouvrement d'avoirs d'origine illicite en vue du financement du développement durable.

La Suisse a en outre signé un accord trilatéral prometteur avec le Nigéria et la Banque mondiale concernant la restitution de quelque 321 millions de dollars, une deuxième tranche des fonds Abacha, au profit de la population nigériane. Elle a engagé des négociations avec le Kenya, Jersey et le Royaume-Uni en vue de la conclusion d'un accord établissant un cadre juridique et politique pour des restitutions futures.

En outre, le blocage des avoirs des présidents déchus Ben Ali (Tunisie) et Ianoukovitch (Ukraine) ainsi que des personnes politiquement exposées de leur entourage a été prolongé jusqu'en 2019.

5.4

Importance croissante de la politique de sécurité extérieure

L'action extérieure menée en vue de renforcer la sécurité européenne est présentée cette année dans le chapitre consacré au thème prioritaire. Dans le domaine de la sécurité internationale et des menaces transnationales, la politique extérieure de la Suisse se fixe trois priorités à l'échelle mondiale: maîtrise des armements conventionnels, désarmement et non-prolifération, lutte contre le terrorisme et prévention de l'extrémisme violent ainsi que création d'un climat de confiance entre les États dans le cyberespace. Cet engagement en matière de politique de sécurité extérieure gagne en importance dans le contexte politique international actuel.

La politique en matière de maîtrise des armements, de désarmement et de non-prolifération est un axe prioritaire de la politique de sécurité telle que définie dans la stratégie de politique étrangère 2016­2019. L'objectif est d'accroître la stabilité et la 1817

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sécurité internationales, d'une part, en soutenant la capacité d'action des organisations internationales et l'efficacité du multilatéralisme et, d'autre part, en renforçant la confiance et la transparence. La négociation du traité sur l'interdiction des armes nucléaires dans le cadre de l'Assemblée générale des Nations Unies a marqué une avancée importante en 2017. Pour la première fois, il existe maintenant une norme interdisant expressément les armes nucléaires, comme c'était déjà le cas pour les armes chimiques et biologiques. La non-participation des États nucléaires et de la quasi-totalité des États membres de l'OTAN à ce processus compromet toutefois l'efficacité de cette interdiction. Ce traité risque en outre d'accentuer le clivage politique entre États nucléaires et États non nucléaires. La Suisse examine donc avec soin s'il y a lieu ou non d'adhérer au traité. L'année sous revue a également été marquée par la mise en oeuvre du Traité sur le commerce des armes entré en vigueur en 2015 et dont le secrétariat est établi à Genève. Pour ce qui est des systèmes d'armes autonomes, la Suisse réaffirme l'importance fondamentale que revêtent les normes du droit international dans leur développement et leur utilisation, mais pour l'heure, elle se prononce contre leur interdiction préventive par le droit international.

La Suisse a en outre à coeur de promouvoir une gestion et une élimination sûres et sécurisées des stocks d'armes et de munitions et d'oeuvrer à la non-prolifération des armes légères. Elle soutient par ailleurs des programmes de déminage de l'ONU en Afrique par la mise à disposition d'experts.

En matière de lutte contre le terrorisme, la Suisse se mobilise, d'une part, pour que les mesures prises soient compatibles avec les dispositions du droit international et fondées sur les principes de l'état de droit. D'autre part, elle est très impliquée dans la prévention de l'extrémisme violent (PEV). Elle se fonde pour ce faire sur la Stratégie de la Suisse pour la lutte antiterroriste que le Conseil fédéral a adoptée en 201530 et sur un plan d'action du DFAE. L'objectif est de traiter les multiples causes politiques, économiques et sociales du terrorisme. En Afrique de l'Ouest, par exemple, la Suisse contribue à la prévention de ce fléau par des projets s'adressant spécifiquement aux
adolescents. En Tunisie et au Liban, elle soutient les autorités dans le développement de stratégies nationales de PEV, lesquelles sont élaborées avec le concours de citoyennes et de citoyens. Mais la Suisse s'engage aussi pour la prévention dans le domaine de la communication stratégique, de l'Internet et des médias sociaux. Dans le cadre du Forum mondial contre le terrorisme, elle a lancé, avec le Royaume-Uni, une initiative consistant à élaborer des recommandations d'action à l'intention des gouvernements. Les recommandations de Zurich-Londres visant à prévenir et combattre l'extrémisme violent et le terrorisme en ligne ont été adoptées en septembre 2017 au niveau des ministres. La Suisse et le Royaume-Uni se proposent maintenant d'appuyer l'application de ces recommandations par la mise à disposition d'outils et l'organisation de réunions d'experts régionales.

La question de la cybersécurité occupe une place de plus en plus importante dans la politique extérieure. En matière de cybersécurité, le DFAE défend les intérêts de la Suisse par rapport à d'autres États et à des organisations internationales en se fondant sur la Stratégie nationale de protection de la Suisse contre les cyberrisques. La Suisse a pour objectif stratégique l'instauration d'un cyberespace libre, ouvert et sûr, fondé sur la confiance mutuelle et des règles internationales communes. Mais la réa30

Stratégie de la Suisse pour la lutte antiterroriste du 18 septembre 2015, FF 2015 6843.

1818

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lité est tout autre: la neutralité d'Internet est menacée, et les cyberattaques lancées par des États sont de nouveau à l'ordre du jour. Sur ces questions également, la Suisse prône un juste équilibre, là où c'est possible et utile, tout en se plaçant dans le camp occidental lorsque des valeurs essentielles sont en jeu.

Ces deux dernières années, la Suisse s'est surtout investie dans le Groupe d'experts gouvernementaux de l'ONU chargé d'examiner les progrès de la téléinformatique dans le contexte de la sécurité internationale, qui s'occupe de l'élaboration de normes internationales de comportement des États et de l'applicabilité du droit international dans le cyberespace. Ce groupe n'est pas parvenu à adopter un rapport de consensus, en raison de conflits d'intérêts concernant le principe général d'applicabilité du droit international à l'utilisation du cyberespace, ainsi que la mise en oeuvre pratique de certains principes de ce droit inscrits dans la Charte des Nations Unies.

Cela montre que l'établissement de règles du jeu claires en ce qui concerne le comportement des États dans le cyberespace est un chantier qui ne pourra être mené à bien que sur le long terme, les intérêts des grandes puissances étant très divergents en la matière. À ce stade, il reste difficile de savoir dans quelles enceintes et avec quels objectifs et instruments les débats futurs sur la cybersécurité se poursuivront au niveau international. La Suisse aura à coeur de continuer à participer activement au développement et au renforcement du cadre normatif relatif au cyberespace. Il s'agira également de renforcer la Genève internationale dans son rôle de lieu de dialogue sur le cyberespace.

5.5

Engagement en faveur d'une ONU capable d'agir

La Suisse attache une grande importance à la capacité d'action des organisations internationales. Une ONU capable d'agir est pour elle une priorité majeure. L'ONU est devenue pour la Suisse, pendant les 15 ans qui se sont écoulés depuis son adhésion, un instrument essentiel et efficace de sa politique étrangère.

La Suisse soutient le secrétaire général de l'ONU dans ses efforts pour placer la prévention des conflits au coeur des travaux des Nations Unies et pour réformer l'organisation conformément au concept de pérennisation de la paix31. Il est évident que la prévention de la violence exige moins de ressources que les opérations militaires de maintien de la paix, souvent très longues. Mais jusqu'à présent, les États ont eu du mal à institutionnaliser la prévention et à la mettre en pratique.

Dans les débats en cours sur la réforme de l'ONU, la Suisse s'investit sur plusieurs volets d'action de l'organisation. S'agissant des deux piliers que sont la paix et le développement, elle s'engage en faveur du renforcement des capacités de prévention des conflits. Dans le domaine des droits de l'homme, l'accent est mis sur le renforcement du fonctionnement de l'ensemble des organes conventionnels des droits de l'homme au sein de l'ONU. Lorsqu'il s'agit de faire rapport aux organes conventionnels, la participation de la société civile au processus est, pour la Suisse, une priorité. Dans le cadre de la réforme de la gestion de l'ONU, la Suisse a plaidé avec

31

Voir à ce sujet le chap. 1, Lignes d'évolution de la politique mondiale.

1819

FF 2018

force pour une administration moderne et efficace, en particulier dans le domaine du personnel et des finances.

Par son «appel du 13 juin», la Suisse contribue en outre à renforcer la cohérence et la coopération entre les trois piliers de l'organisation que sont la sécurité, le développement et les droits de l'homme. Cet appel, qui a reçu le soutien de quelque 70 États, demande à ce que les droits de l'homme soient mieux pris en compte dans la politique de sécurité, moyennant un renforcement des échanges entre le Conseil des droits de l'homme à Genève et le Conseil de sécurité à New York.

De 2016 à 2018, la Suisse siège à nouveau au Conseil des droits de l'homme de l'ONU. Dans le cadre de sa vice-présidence, en 2017, elle s'est mobilisée pour un meilleur financement du Conseil. La Suisse s'est activement engagée dans le traitement de nombreuses situations de pays, dans le cadre de l'Examen périodique universel (EPU), exigeant systématiquement le respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Dans son dialogue politique avec les autres États, la Suisse s'appuie sur l'EPU pour faire avancer la réalisation des objectifs définis dans ses politiques en matière de droits de l'homme, de paix et de développement. En novembre 2017, elle a elle-même été soumise à son troisième EPU.

Sa candidature au Conseil de sécurité pour les années 2023 et 2024 reste, pour la Suisse, une priorité de sa politique concernant l'ONU. Les élections auront lieu en juin 2022. Pendant l'année sous revue, les activités ont essentiellement porté sur l'échange d'expériences avec des membres du Conseil de sécurité, anciens et actuels, et des candidats à un siège au Conseil de sécurité, comme la Nouvelle-Zélande, la Suède et l'Espagne. Par ailleurs, les travaux préparatoires progressent au sein de l'administration.

5.6

Renforcement de la Genève internationale

La Genève internationale constitue pour la Suisse une chance extraordinaire. Siège principal de l'ONU en Europe, berceau du CICR et siège de plus de trente autres organisations internationales ainsi que de 250 organisations non gouvernementales (ONG), Genève est l'un des principaux centres mondiaux oeuvrant au renforcement de la gouvernance mondiale. Elle permet à la Suisse de gagner en influence au niveau international et de faire valoir ses positions avec une efficacité accrue.

Diverses mesures sont prises sur la base du message concernant les mesures à mettre en oeuvre pour renforcer le rôle de la Suisse comme État hôte32. Les organisations internationales doivent disposer à Genève d'un parc immobilier sûr, approprié et moderne. C'est pourquoi la Suisse soutient les travaux de remise en état de leurs bâtiments de siège, par l'octroi de prêts de la Confédération. Par ailleurs, afin de développer les réseaux de la Genève internationale, plusieurs plateformes ad hoc ont été créées et des conférences ont été organisées, notamment dans les domaines suivants: désarmement, égalité des sexes, drogues, santé, numérisation, diplomatie scientifique et environnement.

32

Message du 19 novembre 2014 concernant les mesures à mettre en oeuvre pour renforcer le rôle de la Suisse comme État hôte, FF 2014 9029.

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FF 2018

Trois centres à Genève jouent un rôle déterminant dans le rayonnement international de la ville dans les domaines de la paix et de la sécurité: le Centre de politique de sécurité (GCSP), le Centre international de déminage humanitaire (CIDHG) et le Centre pour le contrôle démocratique des forces armées (DCAF). Par leurs activités de conseil et leur travail politique, ils contribuent de manière importante à la réforme de la gouvernance et de l'architecture multilatérale dans les domaines de la promotion de la paix, de la sécurité et de la transformation des conflits. L'année sous revue a été placée sous le signe de l'intensification de la collaboration au sein de la Maison de la Paix.

5.7

Le Conseil de l'Europe mis à l'épreuve dans son rôle de défenseur de valeurs

La Suisse attache également une grande importance à la capacité d'action du Conseil de l'Europe. Comme déjà mentionné dans le chapitre consacré au thème prioritaire, le Conseil de l'Europe, qui a pour mandat de promouvoir les droits de l'homme, l'état de droit et la démocratie dans ses 47 États membres, apporte une importante contribution à la sécurité sur le continent européen. En 2017, l'attention s'est focalisée sur l'état d'urgence qui a été prolongé à plusieurs reprises dans pas moins de trois pays membres (Turquie, Ukraine et France) et sur la compatibilité des mesures prises avec la convention européenne des droits de l'homme (CEDH)33.

Dans son rapport intitulé «Situation de la démocratie, des droits de l'homme et de l'État de droit», le secrétaire général Thorbjørn Jagland a mis en garde contre les tendances, observées dans plusieurs pays membres, à assouplir la séparation des pouvoirs, à restreindre l'indépendance de la justice et à brider la société civile et les médias. L'annonce faite par la Russie de son intention de suspendre le paiement de ses contributions tant que les droits de vote et de représentation de la délégation des parlementaires russes n'auront pas été rétablis représente une mise à l'épreuve supplémentaire. En outre, la Turquie a fait savoir en novembre qu'elle veut réduire à un minimum ses contributions ordinaires.

Les développements en Turquie et en Ukraine constituent l'une des raisons expliquant l'augmentation des requêtes pendantes à la Cour européenne des droits de l'homme. Il est donc particulièrement important de poursuivre les efforts de réforme engagés à l'initiative et avec le soutien de la Suisse. La Cour a rendu 10 arrêts concernant la Suisse. Dans 4 cas au moins, elle a constaté une violation de la CEDH.

Pendant l'année sous revue, la délégation suisse a notamment joué un rôle actif dans la procédure qui a conduit à la démission du président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, éclaboussé par un scandale de corruption. Par ailleurs, des parlementaires suisses participent à des missions d'observation d'élections et à l'établissement de rapports. La délégation suisse est aussi très engagée au sein du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux; elle compte dans ses rangs des conseillers et conseillères d'État et des responsables politiques locaux issus de toute la Suisse.

33

RS 0.101

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Évaluation et perspectives La Suisse est bien placée pour oeuvrer efficacement en faveur de la paix et de la sécurité. L'indépendance de ses positions en matière de politique extérieure et la crédibilité qu'elle en retire dans son action de médiation et de promotion du droit, mais aussi la vaste expérience et les instruments novateurs dont elle dispose dans ces domaines sont pour elle autant d'atouts. Les contributions que la Suisse apporte à un environnement régional et mondial plus stable servent aussi ses propres intérêts en termes de sécurité et de prospérité. La Suisse a été très sollicitée en 2017 pour des missions de bons offices, ce qui montre que les activités qu'elle mène au titre de sa politique de paix sont appréciées. Le monde multipolaire a besoin de bâtisseurs de ponts.

Face aux crises qui marquent les évolutions politiques mondiales, l'objectif stratégique du Conseil fédéral de renforcer l'engagement pour la paix et la sécurité démontre toute sa pertinence. La Suisse continuera, ce faisant, à miser sur les points forts de sa politique étrangère, notamment une approche privilégiant la prévention et la médiation ainsi que la conception globale de la sécurité qui sous-tend ses activités. En matière de politique de sécurité extérieure, il convient de renforcer l'engagement dans le domaine du cyberespace. D'une manière générale se pose la question de la place à accorder à la numérisation dans la politique étrangère.

Dans le même temps, la Suisse continuera de définir des priorités claires. Elle s'engagera en particulier dans les domaines où elle peut réellement avoir un impact positif et où les conditions-cadres locales et internationales sont propices à l'exercice d'un tel rôle. La stratégie de politique étrangère 2016­2019 et le message sur la coopération internationale 2017­2020 avec ses priorités géographiques et thématiques lui fournissent à cet effet un important cadre de référence.

6

Nouvelle orientation de la coopération internationale et des politiques extérieures sectorielles

L'axe stratégique «développement durable et prospérité» inscrit dans la stratégie de politique étrangère 2016­2019 englobe aussi bien la coopération internationale (CI) que diverses politiques sectorielles qui se situent au croisement des politiques intérieure et extérieure. Ces politiques sectorielles recouvrent la politique financière et économique internationale, l'environnement, la santé, l'énergie, la formation, la recherche et le développement, la culture et la communication. Tous ces domaines ont en communde se référer au principe directeur du développement durable, tel qu'il est défini dans l'Agenda 2030, lui-même décrit dans le chap. 1.

Afin de garantir un développement durable, il est indispensable de coordonner divers domaines politiques selon certains principes. Cette coordination passe par un dialogue intersectoriel destiné à assurer une cohérence politique propice au développement durable. Une préparation adéquate des affaires sur le plan interdépartemental et

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FF 2018

la prise de décision au niveau du Conseil fédéral garantissent que les politiques sectorielles tiennent compte d'intérêts différents, qu'elles sont aussi cohérentes que possible et ne sapent pas les objectifs de la politique étrangère. Le développement durable fixe dès lors également un cadre qui favorise la cohérence des politiques extérieures sectorielles. Dans ce contexte, les domaines politiques qui revêtent de l'importance pour la Suisse concernent par exemple les flux financiers illicites, la transparence dans le négoce de matières premières, la sécurité alimentaire et l'intégration des pays en développement dans les régimes fiscaux internationaux.

6.1

Mise en oeuvre du message sur la coopération internationale 2017­2020

Les efforts de la communauté internationale en faveur du développement portent leurs fruits: dans les pays en développement, le nombre de personnes souffrant de pauvreté extrême a reculé au cours des 15 dernières années, le taux de scolarisation à l'école primaire a enregistré une nette hausse à l'échelle mondiale et la mortalité infantile a diminué de plus de moitié. Par le biais de sa coopération au développement, la Suisse a contribué à ces résultats encourageants. Elle a par exemple ouvert aux populations des perspectives sur place, corrigé les inégalités, renforcé l'intégration sociale des groupes défavorisés et amélioré la gestion des ressources naturelles.

Ces progrès atténuent par ailleurs les causes de conflits. Par cet engagement, notre pays exprime sa responsabilité et sa solidarité, tout en augmentant sa propre sécurité.

En adoptant l'Agenda 2030, la communauté internationale s'est dotée pour la première fois d'un cadre opérationnel contraignant pour tous. Non contente d'avoir participé activement à la négociation de cet agenda, la Suisse oeuvre tout aussi résolument à sa mise en oeuvre. À l'été 2018, elle présentera son premier rapport complet sur la réalisation de l'Agenda 2030 devant l'ONU, à New York. Elle y expliquera les priorités qu'elle s'est données et présentera des exemples de partenariats et d'activités dans divers secteurs de la société suisse.

L'année sous revue était la première année de mise en oeuvre du message du 17 février 2016 sur la coopération internationale 2017­202034. Les efforts de la Suisse au service de la paix et des droits de l'homme, qui font partie intégrante de ce message, ont été présentés plus en détail dans le chap. 5. La présente section se concentre dès lors sur les activités menées dans le cadre de la coopération au développement et du développement économique. À ce titre, il convient de mentionner premièrement que la Suisse a renforcé son engagement dans le domaine de l'éducation de base et de la formation professionnelle. Tout enfant ou adolescent doit avoir accès à une éducation de base solide et à une formation professionnelle adaptée au marché de l'emploi, gages d'une insertion professionnelle durable. Dans ce domaine, notre pays accorde une priorité géographique à l'Afrique, où 20 millions de jeunes arrivent chaque année sur le marché
du travail.

Deuxièmement, la Suisse multiplie ses activités dans les contextes fragiles. La moitié des ressources de la coopération bilatérale au développement est destinée à la sta34

FF 2016 2179

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bilisation d'États et de régions fragiles, en particulier au Proche-Orient et en Afrique subsaharienne. S'alignant sur les principes directeurs de l'ONU en matière de maintien de la paix, la Suisse a pris des mesures visant à renforcer le lien entre aide humanitaire et coopération au développement et à garantir l'application cohérente de ces deux instruments.

Troisièmement, la Suisse entend intensifier la collaboration avec le secteur privé en matière de coopération au développement et d'aide humanitaire. Économie et développement durable ne sont pas antinomiques. Au contraire, la durabilité tend de plus en plus à devenir un facteur de réussite de l'action entrepreneuriale, tandis que les objectifs de développement durable de l'Agenda 2030 prennent explicitement en considération la dimension économique de la durabilité. Dans les pays en développement, la Suisse s'efforce donc de collaborer non seulement avec des entreprises locales, mais aussi avec des sociétés multinationales, afin d'exploiter au mieux les compétences clés de ses partenaires et d'atteindre des objectifs communs au service du développement. La Confédération a déjà conclu plus de 100 partenariats de ce genre, par exemple avec Nestlé, Swiss Re, Coop, Mars et des entreprises locales dans les pays visés. Elle encourage aussi de jeunes entrepreneurs et entrepreneuses ainsi que de jeunes pousses dans les pays en développement afin de promouvoir le développement économique, mais aussi pour stimuler les «forces démocratiques» dans des pays où les ONG sont toujours plus malmenées. Outre la coopération concrète avec des entreprises privées, la Suisse soutient également la mise au point de méthodes innovantes destinées à mobiliser des fonds privés pour financer le développement et l'aide humanitaire. Elle apporte ainsi son appui au «Programme for Humanitarian Impact Investment» du CICR.

Quatrièmement, la Suisse veut jouer un rôle de précurseur pour s'attaquer aux défis globaux tels que la sécurité alimentaire, le changement climatique et l'environnement, la santé, l'eau et les migrations. Dans ce domaine, le Panel mondial sur l'eau et la paix (un groupe indépendant mis sur pied par la Suisse) a présenté en septembre à Genève et à New York un rapport exemplaire. Il y fait des recommandations sur la manière de prévenir ou de régler les conflits
liés à l'eau et montre comment une coopération transfrontalière accrue dans ce domaine peut contribuer à la paix 35. Le rapport se fait également l'écho de plusieurs préoccupations essentielles aux yeux de la Suisse, comme le renforcement des mécanismes internationaux de la diplomatie de l'eau, la création de nouveaux mécanismes de financement et le développement du droit international humanitaire dans le domaine de la protection des ressources et des infrastructures hydriques dans les conflits armés.

6.2

Application d'exigences politiques

Une grande priorité est accordée à l'application de diverses exigences politiques en matière de coopération internationale. Les travaux ont ainsi débuté pour mettre en oeuvre une motion du conseiller national Christian Imark, dont le Conseil fédéral avait proposé l'acceptation après sa reformulation par le Conseil des États et que les 35

«Une question de survie», rapport du Panel mondial de haut niveau sur l'eau et la paix.

www.genevawaterhub.org/fr/ressource/une-question-de-survie.

1824

FF 2018

Chambres fédérales ont ensuite adoptée36. Le texte finalement voté charge le gouvernement «d'examiner et, le cas échéant, de modifier les lois, ordonnances et règlements concernés, de manière à ce que la Suisse ne puisse pas subventionner, même indirectement, les projets de coopération au développement menés par des organisations non gouvernementales (ONG) impliquées dans des actions racistes, antisémites ou d'incitation à la haine».

Le Parlement cherche par ailleurs une bonne manière de mettre en évidence l'efficacité de la coopération internationale. Le rapport sur le message sur la coopération internationale 2017­2020 inclura dès lors les objectifs définis et comportera des indicateurs de référence correspondants. Les évaluations externes sont aussi un instrument important pour mesurer l'efficacité. Durant l'année sous revue, une telle évaluation s'est par exemple penchée sur les partenariats institutionnels de la DDC avec les organisations non gouvernementales suisses. L'examen conclut que les partenariats renforcent les compétences des organisations partenaires et accroissent leurs ressources humaines et financières. Grâce à leur savoir-faire et à leur longue expérience, les organisations de la société civile offrent, en contrepartie, un appui décisif à la Confédération dans la mise en oeuvre du message sur la coopération internationale. L'évaluation a en outre révélé qu'il est possible d'améliorer encore la cohérence entre ces partenariats et l'orientation stratégique de la coopération internationale de la Suisse. Publié également en 2017, un document a évalué la contribution de la Suisse au siège du CICR. Il montre la grande pertinence et l'efficacité de cette contribution. Les auteurs de l'évaluation ont recommandé d'approfondir le dialogue institutionnel entre la DDC et le CICR ainsi que d'améliorer l'apprentissage mutuel lors de la gestion de crises humanitaires.

Une autre exigence politique concerne le cadre financier de la coopération internationale. L'application du programme de stabilisation 2017­2019 a réduit les moyens financiers alloués à la coopération d'un total de 586,8 millions de francs par rapport au plan financier 2017­201937. La Suisse doit dès lors démanteler prématurément certains de ses programmes et prendra plus de temps que prévu pour intensifier son engagement en
faveur de la stabilisation et de la prévention des conflits dans les contextes fragiles. Des coupes budgétaires grèveront également les projets dans la formation, et le retrait du Bhoutan, du Vietnam et du Pakistan devra être organisé plus tôt que prévu. En septembre, le Parlement a confirmé une pratique appliquée jusqu'alors par le Conseil fédéral, qui consiste à exprimer, dans les budgets et les crédits-cadres de la coopération internationale, les moyens alloués à l'aide publique au développement (APD) en fonction du revenu national brut (RNB). Entre 2015 et 2016, la proportion globale de l'APD suisse s'est accrue, passant de 0,51 à 0,53 % du RNB. Après déduction des coûts de l'asile comptabilisés dans l'APD, le ratio APD/RNB était de 0,43 % en 2016, alors qu'il était de 0,44 % en 2015. Dans le budget 2018 et le plan financier 2019­2021, le Conseil fédéral a prévu d'autres compressions de l'ordre de 150 millions de francs par an.

36 37

Motion 16.3289 «Couper court au détournement des derniers publics à des fins de racisme, d'antisémitisme et d'incitation à la haine».

FF 2016 4519

1825

FF 2018

6.3

Lien stratégique avec la politique migratoire extérieure

Le lien stratégique entre coopération internationale et politique migratoire extérieure reflète également une volonté du Parlement. L'objectif consiste avant tout à réduire les causes des migrations et des déplacements forcés ainsi qu'à mettre en place une collaboration appropriée dans ce domaine avec les pays d'origine. Le respect de cette priorité de la politique extérieure passe en outre par une collaboration étroite de divers services de la Confédération. La structure interdépartementale pour la coopération migratoire internationale (structure IMZ) a dès lors été renforcée durant l'année sous revue38.

Le lien stratégique établi entre coopération internationale et politique migratoire extérieure vise à assurer la défense bien comprise des intérêts de la Suisse. Ce lien peut se situer à trois niveaux différents: Le lien politique doit surtout être établi au niveau des relations bilatérales avec les principaux pays d'origine et de transit. Il permet à la Suisse d'exposer en détail ses préoccupations en matière de politique migratoire lors de consultations ou de contacts politiques avec des pays comme le Maroc, le Sri Lanka, la Côte d'Ivoire, le Nigéria, la Tunisie et l'Éthiopie.

Avec l'Érythrée, la Suisse s'est efforcée d'intensifier le dialogue, tant sur le plan bilatéral que conjointement avec d'autres États européens confrontés aux mêmes défis.

Ces discussions ont permis d'aborder tous les aspects ayant trait à la migration, tels le développement économique, la situation des droits de l'homme et la sécurité régionale. Comme mentionné plus haut, la Suisse a de plus entrepris de renforcer sa présence diplomatique en Érythrée. Elle a également lancé des projets dans les domaines de l'éducation, de la formation professionnelle et du social afin d'améliorer en particulier les perspectives des jeunes.

Le lien géographique vise à mieux intégrer les phénomènes migratoires dans les stratégies de politique extérieure en vigueur. En 2016, la migration est par exemple devenue un thème prioritaire de plusieurs stratégies régionales, notamment celles concernant la Corne de l'Afrique, le Soudan, le Moyen-Orient, l'Afrique du Nord, le Népal et le Bangladesh. Il est à noter que la Suisse applique systématiquement l'approche dite pangouvernementale, ce qui signifie concrètement que les acteurs concernés sont
toujours impliqués dans l'élaboration et la mise en oeuvre des différentes stratégies de la coopération.

Le lien thématique consiste à intégrer la problématique des migrants et des réfugiés dans les politiques sectorielles de la coopération internationale, afin de gagner en efficacité dans les trois champs d'action complémentaires qui ont été définis, à savoir la prévention des déplacements forcés, la protection sur place et la promotion de l'autonomie économique et sociale des personnes déplacées39.

38 39

Le Conseil fédéral fournit chaque année des informations détaillées dans son rapport sur les activités de la politique migratoire extérieure de la Suisse.

Voir aussi à ce sujet le chap. 6.4 Aide humanitaire ­ demande en hausse.

1826

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La situation en Libye et le long des itinéraires migratoires de la Méditerranée centrale constituent actuellement l'un des grands dossiers régionaux de la politique migratoire extérieure. La Suisse soutient des projets qui offrent la possibilité aux migrantes et aux migrants de retourner dans leur patrie en toute sécurité et dans la dignité et favorisent leur réinsertion. Il importe également de renforcer les structures d'asile et de protection dans les pays tiers. La Suisse s'attache notamment à assurer l'accès d'organisations internationales aux centres de détention et participe à la lutte contre la traite d'êtres humains. Ces défis de la politique migratoire ne pouvant être relevés que par des efforts communs, la Suisse participe activement au Groupe de contact pour la Méditerranée centrale, dont la troisième réunion s'est tenue en novembre 2017 à Berne. L'une des conditions pour résoudre ces problèmes consiste à stabiliser la Libye. Par ses activités de promotion de la paix, la Suisse contribue, dans ce cas aussi, à améliorer durablement la situation sur place sous l'égide de l'ONU.

Au niveau mondial, l'ambassadeur de Suisse auprès des Nations Unies, à New York, facilite, en collaboration avec son homologue mexicain, l'élaboration d'un pacte mondial sur la migration. Ce cadre de référence doit contribuer à assurer une migration sûre et ordonnée ainsi qu'à mieux en exploiter le potentiel. Le retrait des ÉtatsUnis de ce processus représente une gageure pour les promoteurs du pacte. En parallèle, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés dirige les préparatifs d'un pacte mondial sur les réfugiés, qui servira à renforcer le respect des conventions de Genève. Enfin, la Suisse s'attache toujours à améliorer la protection des déplacés internes et des personnes déplacées suite à des catastrophes.

6.4

Aide humanitaire: demande en hausse

Un rapide coup d'oeil sur les conflits actuels et les crises humanitaires montre que leur durée tend à s'allonger. Destinée initialement à être surtout une aide d'urgence à court terme, l'aide humanitaire devient toujours plus indispensable à plus long terme et doit être combinée avec des instruments de promotion de la paix. Elle est par ailleurs confrontée à un nouveau défi: les conflits armés se déroulent de plus en plus souvent en zone urbaine. En outre, les violations du droit international humanitaire sont aujourd'hui plutôt la règle que l'exception et il est souvent très difficile d'accéder aux populations dans le besoin.

En bref, la demande d'aide humanitaire a explosé. En 2017, à peine la moitié des 24 milliards de dollars nécessaires a pu être couverte par des contributions. Hormis la recherche de sources de financement nouvelles et innovantes, cette situation exige aussi des mesures pour accroître l'efficacité. L'aide humanitaire tend ainsi à renoncer à la distribution de matériel de secours pour fournir, là où c'est utile, une aide non liée sous forme d'argent liquide. L'expérience montre que cette solution renforce les marchés locaux tout en venant en aide à la population démunie.

En 2017, la Suisse a concentré ses activités humanitaires sur la crise alimentaire au Soudan du Sud, en Somalie, au Nigeria et au Yémen. Son aide à la Syrie, où 13,5 millions de personnes sont tributaires de l'assistance humanitaire, continue de jouer un rôle crucial. Afin d'optimiser son efficacité, la Suisse a ouvert un bureau humani1827

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taire à Damas. En installant un système de distribution d'eau dans le camp d'Azraq, en Jordanie, elle a assuré un accès direct à de l'eau potable à quelque 35 000 réfugiés syriens. En Ukraine, la Suisse a organisé l'année dernière deux nouveaux convois humanitaires vers les deux côtés de la «ligne de contact». Ces convois ont acheminé du matériel médical, des équipements hospitaliers et des produits chimiques pour traiter l'eau d'un réseau qui approvisionne environ 4 millions de personnes.

Face aux besoins énormes des personnes déplacées au Myanmar et au Bangladesh, la Suisse a renforcé son engagement humanitaire dans la région. Enfin, l'aide humanitaire est également intervenue après des catastrophes naturelles, par exemple lors des incendies de forêt au Monténégro, au Portugal et en Italie ou après le séisme au Mexique en septembre.

6.5

Évolutions récentes dans les politiques sectorielles

L'engagement de la Suisse dans différents secteurs, tels les marchés financiers, la santé, la protection de l'environnement, l'énergie ou la formation, respecte les exigences définies dans la stratégie de politique étrangère 2016­2019 et contribue à instaurer un cadre international propice à la prospérité. Nous nous contentons ci-après de revenir sur quelques secteurs prioritaires.

La politique financière internationale de la Suisse, qui relève de la compétence du Secrétariat d'État aux questions financières internationales (SFI), constitue un sujet de tout premier ordre pour la place financière et économique suisse. Durant l'année sous revue, la garantie de la conformité fiscale et la transparence en matière fiscale ont à nouveau occupé le devant de la scène. Depuis le 1 er janvier 2017, la Suisse applique l'échange automatique de renseignements (EAR) avec un premier groupe de pays et de territoires, auquel appartiennent notamment l'UE et ses États membres.

Elle s'efforce d'étendre son réseau EAR et d'égaler d'autres centres financiers d'importance. Au sein du projet «Érosion de la base d'imposition et transfert de bénéfices» sur l'imposition des entreprises, la Suisse échangera avec d'autres États des informations sur l'activité de multinationales, afin de s'opposer aux déplacements de bénéfices et à la réduction des montants imposables. Dans le cadre du G20 (sur invitation du pays hôte de la réunion), du Forum mondial et du Groupe d'action financière, notre pays participe en outre aux travaux destinés à mettre en oeuvre et à développer les normes internationales régissant le secteur financier et fiscal ainsi qu'à lutter contre le blanchiment d'argent, la corruption et le financement du terrorisme.

En matière de politique environnementale internationale, la Suisse s'attache à renforcer l'exploitation des synergies entre les différentes conventions environnementales internationales. Durant l'année sous revue, elle a plaidé pour cette intensification à l'occasion de la troisième Assemblée de l'ONU pour l'environnement et du Forum politique de haut niveau sur le développement durable 2017. La 23e Conférence des parties à la convention-cadre de l'ONU sur le climat, qui s'est tenue à Bonn en novembre, est parvenue à faire progresser les préparatifs d'une réglementation destinée à appliquer l'accord
de Paris. Bien que beaucoup de points restent en suspens, il est réjouissant que les participants soient parvenus à s'entendre sur un document qui servira de base au texte de l'accord. Outre les négociations, la Suisse 1828

FF 2018

s'est impliquée concrètement en 2017 dans des thématiques ayant trait au climat, dont la forêt, le paysage et l'énergie. À ce titre, les produits chimiques et les déchets constituent également une grande priorité. La convention de Minamata sur le mercure40 est entrée en vigueur en août et son secrétariat est, jusqu'à nouvel avis, sis à Genève.

Dans le domaine de l'énergie, qui relève de l'Office fédéral de l'énergie (OFEN), la Suisse collabore au sein d'institutions multilatérales spécifiques, dont la Conférence ministérielle de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), qui s'est tenue en novembre. Elle a par ailleurs pris part à la rencontre de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) de l'ONU et de l'Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA). Assurant en 2017 et en 2018 la présidence du Groupe des fournisseurs nucléaires, la Suisse a organisé son assemblée plénière à Berne au mois de juin.

Conformément à la stratégie internationale adoptée en 2010 par le Conseil fédéral dans le domaine formation, recherche et innovation, dont la compétence relève du Secrétariat d'État à la formation, à la recherche et à l'innovation (SEFRI), la Suisse a continué, en 2017, à renforcer la collaboration avec ses principaux partenaires. Par ailleurs, elle est désormais membre d'une douzaine d'organisations de recherche, dont les champs d'activité vont de l'astronomie à la biologie en passant par la fusion nucléaire, comme le CERN à Genève ou le laser européen à rayons X «European XFEL» à Hambourg. L'association du Chili à l'initiative EUREKA ouvre des perspectives à la coopération extra-européenne ainsi que des débouchés pour la recherche et le développement en dehors de l'Europe. Réuni le 11 mai à Fairbanks, en Alaska, le Conseil de l'Arctique a accordé le statut d'observateur à la Suisse. Désormais, celle-ci pourra donc participer à différents groupes de travail du conseil, en particulier dans le domaine de la recherche interdisciplinaire sur le changement climatique. La stratégie de la Suisse relative à la coopération internationale en matière de formation professionnelle vise à renforcer et à promouvoir la formation professionnelle suisse au niveau international. La collaboration bilatérale avec les pays prioritaires, en particulier les États-Unis et l'Inde, se poursuit.
Selon sa politique extérieure en matière de santé, la Suisse s'attache à renforcer les systèmes de santé, à favoriser des approches intersectorielles de promotion de la santé, à assurer le financement durable de services de santé accessibles partout et à positionner Genève comme capitale internationale de la santé. Elle est ainsi intervenue dans le débat sur l'accès aux produits médicaux et a soutenu la mise au point de nouveaux médicaments contre des maladies négligées. Elle participe depuis des années à l'harmonisation des normes de qualité relatives aux médicaments, un cadre essentiel pour l'économie exportatrice, et préside actuellement la Commission européenne de pharmacopée, à l'oeuvre au niveau du Conseil de l'Europe. En faisant de sa politique en matière de drogue une stratégie nationale Addictions, la Suisse a suscité de l'intérêt sur le plan international. En avril, elle a ainsi été nommée au sein de la Commission des stupéfiants des Nations Unies pour la période 2018 à 2021.

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Convention de Minamata du 10 octobre 2013 sur le mercure, RS 0.814.82.

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En matière de gouvernance numérique, la Suisse s'efforce de développer l'utilisation et l'administration d'Internet en se fondant sur des principes libéraux, démocratiques et conformes à l'état de droit. En 2017, elle a par exemple accueilli le Forum de l'ONU sur la gouvernance de l'Internet (FGI). Réuni en décembre au Palais des Nations, à Genève, il a été ouvert par la présidente de la Confédération, Doris Leuthardt. Cette session a concrètement démontré le potentiel de Genève comme centre de la politique numérique mondiale. À la tête du comité consultatif gouvernemental de l'Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN), la Suisse a joué un rôle clé dans la réforme de cet organisme après que le gouvernement étatsunien a transféré à la communauté mondiale d'Internet la surveillance et la coordination des noms de domaines. Durant sa période de présidence, d'octobre 2014 à novembre 2017, la Suisse a contribué à améliorer le fonctionnement du comité ainsi que sa collaboration avec la communauté de l'Internet et la société civile dans la cadre de l'ICANN.

Évaluation et perspectives Appliquant sa stratégie de politique étrangère 2016­2019, la Suisse a poursuivi en 2017 ses efforts en vue de réduire la pauvreté, de mettre en place un développement durable et d'instaurer des conditions-cadres internationales propices à la prospérité. Par cet engagement, elle contribue à stabiliser le contexte mondial.

La coopération internationale de la Suisse obtient non seulement des résultats mesurables, mais est également très appréciée. La Suisse poursuivra donc son action, tout en veillant en priorité à établir le lien entre la coopération au développement et les préoccupations relevant de la politique migratoire extérieure.

L'atténuation et la prévention des causes des migrations et des déplacements forcés constituent une tâche de longue haleine à laquelle tant les États européens que la Suisse peuvent et doivent participer. Du point de vue géographique, ces efforts devraient se concentrer sur l'Afrique.

L'année 2018 sera également marquée par la publication du premier rapport suisse sur la réalisation de l'Agenda 2030, rapport que le Conseil fédéral examinera au cours du premier semestre. Le document se fondera notamment sur les résultats de vastes consultations prévues avec la société civile,
l'économie et les milieux scientifiques, ainsi que sur les données issues du dialogue avec les cantons et les communes. Pour être efficace, la réalisation de l'Agenda 2030 doit en effet impliquer toutes les forces vives de la société. Les préparatifs du message sur la coopération internationale 2021­2024 seront également lancés en 2018.

Ce texte expliquera comment la Suisse prévoit, dans un contexte qui ne cesse d'évoluer très rapidement, de promouvoir le développement durable, la stabilité et la paix dans les pays partenaires et de contribuer à réduire les risques globaux afin d'accroître la sécurité. Les risques en question comprennent notamment l'augmentation des disparités économiques et sociales, la fragilité de différents États et régions, les conflits armés, l'absence de perspectives pour les jeunes, le changement climatique et les pénuries d'eau.

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Services consulaires, informations et ressources

Les services consulaires destinés aux ressortissants suisses vivant à l'étranger représentent une tâche centrale du DFAE et un pilier important de la politique extérieure de la Suisse. Depuis des années, les Suisses voyagent toujours davantage et la communauté des Suisses de l'étranger ne cesse de s'agrandir. L'assistance fournie par le DFAE est dès lors de plus en plus sollicitée. Les conditions de sécurité étant très volatiles dans différentes régions du monde, les efforts déployés par le Centre de gestion des crises (KMZ), dans l'intérêt des ressortissants suisses à l'étranger, en matière de prévention et de gestion des crises ainsi que de préparation à celles-ci revêtent plus que jamais une importance significative. Entre 2007 et 2017, les cas traités par la protection consulaire ont augmenté de 80 % (passant de 463 à 832).

En 2017, la Helpline DFAE a permis de répondre directement à 97 % des quelque 65 000 demandes ayant trait aux affaires consulaires. Les conseils aux voyageurs, publiés en ligne, fournissent des indications sur la sécurité à l'étranger, tandis que l'application Itineris permet au DFAE de contacter directement les voyageurs inscrits en cas de crise. Pour offrir des prestations de proximité efficaces aux Suisses de l'étranger, le DFAE a étendu en 2017 les services disponibles sur son guichet unique. Celui-ci permet aux ressortissants suisses de saisir directement des données en ligne. Les voyages à destination de la Suisse se sont également multipliés: en 2017, le nombre des demandes de visa Schengen a augmenté de 12 % par rapport à l'année précédente (520 000 contre 464 000). Assurées par la Direction consulaire à la centrale et par les sections consulaires des représentations suisses à l'étranger, les prestations consulaires mobilisent une part importante des ressources humaines.

L'information et la communication sont une autre prestation du DFAE, qui sert à expliquer de manière appropriée la politique extérieure du Conseil fédéral. Le DFAE publie des communiqués de presse, organise des séances d'information et répond à des questions des médias. Durant l'année sous revue, ces dernières ont notamment porté sur les nouvelles conditions d'entrée aux États-Unis ou l'arrestation en Allemagne d'un Suisse soupçonné d'espionnage. Assurée par Présence Suisse, la communication
internationale a pour vocation d'expliquer la politique extérieure de la Suisse à l'étranger. Afin de défendre les intérêts helvétiques, elle vise à promouvoir une image positive et différenciée de la Suisse, à savoir celle d'un pays innovant, performant et responsable, qui offre une qualité de vie élevée et jouit d'une forte attractivité. Les activités de cette communication comprennent par exemple la collaboration avec l'équipe de l'avion solaire SolarStratos ou l'exposition itinérante «Modern Direct Democracy».

Avec ses quelque 170 représentations de carrière et 200 représentations honoraires, le réseau extérieur suisse est un élément essentiel dans la mise en oeuvre d'une politique extérieure indépendante. Son efficacité est renforcée par la structure modulaire des représentations, qui permet de les adapter aux besoins spécifiques de leur site d'implantation. Lorsque différents acteurs sont en présence, ils sont réunis sous un même toit afin de favoriser la cohérence. Dans 40 cas, le bureau de la coopération internationale est ainsi intégré dans l'ambassade existante. Sur demande du Conseil fédéral et des commissions de gestion, l'introduction d'un système nouveau et harmonisé de développement du personnel doit favoriser la réorganisation du réseau extérieur. Le système de carrière unifié, valable pour toutes les catégories de colla1831

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borateurs transférables, devrait être mis en place en 2019. Les réformes prévues au sein du DFAE constituent un pas de plus vers une culture de travail qui autorise une perméabilité structurée entre les carrières et tient compte davantage encore des prestations à fournir. Au titre du programme de stabilisation 2017­2019, le DFAE a opéré des économies d'un total de 5,2 millions de francs au poste du personnel dans le budget 2017 ainsi que dans les plans financiers 2018 et 2019. Ces réductions de dépenses visent le réseau extérieur et la centrale. Pour le budget 2017, le Parlement a opéré d'autres coupes transversales dans les charges propres: elles ont réduit les ressources du DFAE de 9,5 millions de francs (5,1 millions dans les charges de personnel et 4,4 millions dans les charges de biens et services et d'exploitation).

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Appréciation et perspectives

Durant l'année sous revue, la Suisse a obtenu de bons résultats dans l'application de sa stratégie de politique étrangère 2016­2019. Le bilan demeure néanmoins mitigé.

Pour ce qui est de la politique européenne, il reste en effet en deçà des attentes du Conseil fédéral, les relations entre la Suisse et l'UE restant fragiles et devant être clarifiées. Des progrès ont été enregistrés dans divers grands dossiers bilatéraux avec des États voisins. Mentionnons en particulier l'accord avec la France relatif à la fiscalité applicable à l'aéroport de Bâle-Mulhouse. Avec l'Italie, notamment, nombre de points importants restent cependant à éclaircir.

Pour ce qui est des trois autres axes stratégiques ­ relations avec des partenaires mondiaux, paix et sécurité, développement durable et prospérité ­, le bilan est positif. Les avancées réalisées revêtent différentes formes: approfondissement des relations avec la Chine et l'Inde dans le cadre de visites d'État et, respectivement, de visites présidentielles; nouveaux mandats de puissance protectrice conférés par l'Iran et l'Arabie saoudite; rôle crucial dans des processus de paix, au Mozambique et en Colombie entre autres, et dans les négociations de paix sur la Syrie et sur Chypre que la Suisse a accueillies sur son territoire. D'autres exemples comprennent la nomination d'un Suisse au poste de secrétaire général de l'OSCE, la présidence du Groupe des fournisseurs nucléaires, le statut d'observateur obtenu auprès du Conseil de l'Arctique, l'ouverture d'un bureau humanitaire à Damas ou encore les résultats concrets de la coopération suisse au développement, présentés dans ce rapport.

L'orientation définie dans la stratégie de politique étrangère 2016­2019 a guidé avec efficacité les activités de la Suisse dans le contexte mondial actuel et sera donc maintenue en 2018. Se fondant sur l'article constitutionnel41 qui fixe les objectifs de la politique étrangère de la Suisse, cette stratégie constitue le cadre de référence de cette politique. En 2018, l'un des objectifs-clés consistera à renforcer les relations de la Suisse avec l'Europe. Ce projet comprend des contacts réguliers et approfondis avec les États européens partenaires de la Suisse, mais aussi et surtout l'élaboration de solutions viables avec l'UE.

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Voir chap. 5.2 Droits de l'homme et protection des minorités.

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Le Conseil fédéral accorde la première priorité à la pérennisation de la voie bilatérale avec l'UE. Compte tenu de l'imbrication étroite des activités de notre pays avec celles de ses voisins directs ou plus éloignés, il est indispensable de doter les relations entre la Suisse et l'UE de bases stables. L'accès sectoriel au marché communautaire, ouvert grâce à la voie bilatérale, constitue la meilleure des options dans le cadre de la politique européenne de la Suisse et la seule à même de convaincre une majorité. Il s'agit d'un modèle taillé sur mesure pour répondre aux intérêts réciproques de la Suisse et de l'UE. La Suisse se distingue en cela des 31 États de l'EEE (28 membres de l'UE et 3 membres de l'EEE), qui participent pleinement au marché intérieur, et des États tiers, dont l'accès à ce marché est plus restreint et qui fondent leurs relations avec l'UE sur des accords de libre-échange.

À l'instar de la voie bilatérale, qui est un modèle sui generis, les questions institutionnelles qui lui sont associées requièrent des réponses innovantes, qui soient acceptables et pertinentes pour les deux parties. Si un compromis peut être trouvé, il stabilisera la voie bilatérale et assurera sa pérennité. La définition d'un cadre institutionnel garantira l'accès au marché et une bonne sécurité du droit pour l'économie suisse. Il évitera le risque de blocages politiques et de conditionnalités non pertinentes. Cette solution ne sera cependant pas sans conséquence sur la souveraineté suisse. Les contraintes seront certes moins lourdes qu'en cas d'adhésion à l'UE ou à l'EEE, mais doivent néanmoins être mentionnées. Il importe de considérer objectivement les coûts et l'utilité, tout en tenant compte des divers aspects économiques ainsi que des politiques extérieure et intérieure. Il s'agit de négocier le meilleur accès envisageable au marché tout en garantissant la plus grande souveraineté possible.

L'assise dont bénéficie la politique extérieure dans la politique intérieure revêtira une importance particulière en 2018. Le gouvernement a en effet pour ambition de mener une politique extérieure qui sert les intérêts de la population et de l'économie.

Le Conseil fédéral accorde par ailleurs une grande place à l'engagement en faveur de la paix et de la sécurité. Les efforts visant à accroître la stabilité
internationale améliorent en effet aussi la prospérité et la sécurité en Suisse. L'accent mis sur la prévention et la médiation restera une marque distinctive de cet engagement. La Suisse préservera également l'élément qui caractérise sa politique extérieure, à savoir une conception globale de la sécurité, qui prend en considération le rôle de la coopération au développement dans la réduction des causes des conflits et des migrations.

Il importe enfin d'examiner de près les différentes tendances fondamentales qui marquent la société mondiale. Mentionnons par exemple l'urbanisation, la numérisation, la technologisation, l'automation, l'évolution démographique ainsi qu'une connectivité et une mobilité croissantes. Ces grandes tendances, qui modifient le monde en profondeur et à long terme, déterminent aussi les principaux facteurs du changement pour la population et l'économie suisses. Il vaut la peine et il devient urgent de se pencher davantage sur leur rôle pour la politique extérieure de notre pays.

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