17.069 Message relatif à la modification de la loi sur le droit d'auteur, à l'approbation de deux traités de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle et à leur mise en oeuvre du 22 novembre 2017

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'une modification de la loi sur le droit d'auteur (modernisation du droit d'auteur), le projet d'un arrêté fédéral portant approbation du traité de Beijing sur les interprétations et exécutions audiovisuelles et le projet d'un arrêté fédéral portant approbation du traité de Marrakech visant à faciliter l'accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés aux oeuvres publiées (modification de la loi sur le droit d'auteur) en vous proposant de les adopter.

Par la même occasion, nous vous proposons de classer les interventions parlementaires suivantes: 2010

P

10.3263

La Suisse a-t-elle besoin d'une loi contre le téléchargement illégal de musique?

(CE 10.6.2010 Savary)

2012

P

12.3326

Vers un droit d'auteur équitable et compatible avec la liberté des internautes (CE 5.6.2012 Recordon)

2012

P

12.3173

Pour une juste indemnisation des artistes dans le respect de la sphère privée des usagers d'Internet (CN 15.6.2012 Glättli)

2014

M

14.3293

Redevance sur les supports vierges (CN 12.6.2014 Commission de l'économie et des redevances CN; CE 26.11.2014).

2015

P

14.4150

Révision de la loi sur le droit d'auteur. Inscription d'un droit de prêt (CN 19.3.2015 Bieri)

2017-1799

559

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

22 novembre 2017

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Doris Leuthard Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

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Condensé Le Conseil fédéral veut moderniser le droit d'auteur. Des mesures visant à améliorer la lutte contre le piratage sur Internet, mais sans criminaliser les consommateurs d'offres pirates constituent le noyau du projet de révision. L'adaptation de diverses dispositions légales aux dernières avancées technologiques et aux récents développements juridiques doit en outre permettre de relever les défis du numérique dans le droit d'auteur et de tirer parti des opportunités qu'il offre. Ces amendements doivent profiter en particulier à la recherche. Le projet de révision prévoit par ailleurs une série de mesures destinées à répondre aux préoccupations majeures des artistes, des utilisateurs et des consommateurs. Enfin, il doit permettre à la Suisse de ratifier deux traités de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI).

Contexte La révision partielle de la loi sur le droit d'auteur entrée en vigueur en 2008 a permis d'adapter le droit d'auteur à l'ère du numérique. Or l'application du droit depuis cette révision a montré qu'il était nécessaire d'apporter certains correctifs.

En effet, les outils de lutte contre le piratage sont aujourd'hui insuffisants. Mais le droit d'auteur fait également obstacle à la pleine exploitation du potentiel que recèle le numérique. Au niveau international, deux nouveaux traités sur le droit d'auteur ont été conclus. La Suisse doit les ratifier.

Contenu du projet Le projet prévoit une série de mesures qui visent à moderniser le droit d'auteur suisse. Au centre se trouvent des moyens de lutte efficace contre le piratage qui ne criminalisent pas les consommateurs. Aujourd'hui, de nombreux sites Internet proposent des offres illégales de films, de musique, de jeux vidéo et de livres. Le projet de révision vise à les combattre.

A cet effet, il prévoit des mesures qui doivent être déployées au niveau le plus efficace, à savoir celui des hébergeurs. Un hébergeur est un fournisseur de services Internet qui met à la disposition de ses usagers des espaces de stockage afin qu'ils puissent y stocker des informations. L'objectif de la révision est que les hébergeurs suisses n'hébergent pas des plateformes de piratage et qu'ils suppriment rapidement de leurs serveurs les contenus portant atteinte au droit d'auteur. L'idée est de continuer à privilégier
l'autorégulation mise en place par la branche. Ce moyen de lutte s'avère cependant insuffisant lorsque l'on a affaire à des plateformes de piratage, car les contenus portant atteinte au droit d'auteur sont souvent remis en ligne peu de temps après avoir été retirés des serveurs. C'est pourquoi il est prévu d'obliger les hébergeurs dont les services favorisent des violations du droit d'auteur à faire en sorte que les contenus qu'ils ont retirés de leurs serveurs ne soient pas réintroduits («stay down»). Dans ces cas, il n'est pas nécessaire que le titulaire signale à nouveau la violation de ses droits. Cette mesure permet de briser le cercle frustrant pour les titulaires de droits de la succession de dénonciations, de suppressions et de

561

réintroductions. Le projet de révision prévoit encore une autre mesure de lutte contre le piratage: celle d'inscrire expressément dans la loi l'autorisation de traiter des données pour engager des poursuites pénales dans le cas de violations du droit d'auteur. Par contre, l'idée de la mise en place de mesures de blocage par les fournisseurs d'accès et de l'envoi de messages d'information dans les cas de violations graves sur des réseaux pair à pair n'a pas été retenue dans le projet de révision.

La révision législative englobe par ailleurs d'autres mesures destinées à adapter le droit d'auteur aux récentes évolutions technologiques et juridiques. Les mesures qui profiteront aux utilisateurs et aux consommateurs sont la restriction en faveur des inventaires, la restriction en faveur de la science (elle autorise l'utilisation d'oeuvres sans contrepartie monétaire) et l'article régissant l'utilisation d'oeuvres orphelines.

Le projet de révision propose également des mesures bénéficiant aux artistes: l'allongement de la durée de protection des droits voisins, la protection des photographies dépourvues de caractère individuel et une rémunération pour la vidéo à la demande en faveur des auteurs et des artistes-interprètes. Ces mesures corrigent le déséquilibre entre l'utilisation croissante des oeuvres en ligne et les faibles revenus que les artistes en retirent (connu sous le terme de «value gap»). Enfin, le projet propose l'instauration de licences collectives étendues, l'optimisation de la procédure d'approbation des tarifs et l'information électronique des utilisateurs aux sociétés de gestion.

La révision législative propose des adaptations importantes et ciblées. Le train de mesures est équilibré et prend en considération les intérêts des différentes parties prenantes. Le projet de révision se base sur un compromis trouvé entre les représentants des artistes, des producteurs, des utilisateurs, des consommateurs et des fournisseurs de services Internet dans le groupe de travail sur le droit d'auteur (AGUR12).

Finalement, la révision est l'occasion de proposer la ratification de deux traités internationaux conclus dans le cadre de l'OMPI. Ces deux traités garantissent un standard international qui est déjà ancré dans la législation suisse. De nombreux Etats ont signé les deux accords, de même que l'UE. La mise en oeuvre de ces traités appelle uniquement une adaptation de la restriction en faveur des personnes handicapées.

562

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Table des matières Condensé

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1

Présentation de l'objet 1.1 Contexte 1.2 Nouvelle réglementation proposée 1.2.1 Modernisation du droit d'auteur 1.2.1.1 Mesures de lutte contre le piratage en ligne 1.2.1.2 Autres modifications visant à moderniser le droit d'auteur 1.2.2 Traités de l'OMPI 1.2.2.1 Traité de Beijing 1.2.2.2 Traité de Marrakech 1.3 Justification et appréciation de la solution proposée 1.3.1 Résultats de la procédure de consultation 1.3.1.1 Réalisation et résultat 1.3.1.2 Points incontestés 1.3.1.3 Points litigieux 1.3.1.4 Diverses requêtes 1.3.2 Justification et appréciation de la modernisation du droit d'auteur 1.3.3 Justification et appréciation du traité de Beijing et du traité de Marrakech 1.4 Comparaison avec le droit étranger, notamment européen 1.4.1 Modernisation du droit d'auteur 1.4.2 Traité de Beijing et traité de Marrakech 1.5 Mise en oeuvre 1.5.1 Modernisation du droit d'auteur 1.5.2 Traités de l'OMPI 1.5.2.1 Traité de Beijing 1.5.2.2 Traité de Marrakech et acte de transposition 1.6 Classement d'interventions parlementaires et rapports du Conseil fédéral

566 566 568 568 568

Commentaire des dispositions 2.1 Modernisation du droit d'auteur 2.2 Commentaire des dispositions du Traité de Beijing et du Traité de Marrakech 2.2.1 Traité de Beijing 2.2.2 Traité de Marrakech 2.3 Mise en oeuvre du traité de Marrakech

586 586

2

569 573 573 573 574 574 574 574 574 577 578 579 579 579 582 583 583 584 584 584 585

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3

4

5

Conséquences 3.1 Conséquences pour la Confédération 3.1.1 Conséquences financières 3.1.2 Conséquences sur l'état du personnel 3.2 Conséquences pour les cantons et les communes 3.3 Conséquences économiques 3.3.1 Nécessité et possibilité d'une intervention de l'Etat 3.3.2 Conséquences pour les différents groupes de la société 3.3.3 Appréciation de quelques mesures concrètes 3.3.3.1 Lutter contre le piratage sur Internet 3.3.3.2 Optimiser la gestion collective 3.3.3.3 Assurer la sécurité juridique et l'égalité des droits 3.3.3.4 Créer des incitations 3.3.3.5 Traités internationaux 3.3.4 Conséquences pour l'économie dans son ensemble 3.4 Autres réglementations entrant en ligne de compte 3.5 Aspects pratiques de l'exécution

634 634 634 634 635 635 635 636 637 637 638 639 641 642 642 643 644

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies nationales du Conseil fédéral 4.1 Relation avec le programme de la législature 4.2 Relation avec les stratégies du Conseil fédéral

644 644 644

Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité 5.1.1 Projet de loi pour moderniser le droit d'auteur 5.1.2 Traité de Beijing et Traité de Marrakech 5.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 5.2.1 Projet de loi pour moderniser le droit d'auteur 5.2.2 Traité de Beijing et traité de Marrakech 5.3 Forme de l'acte à adopter 5.4 Frein aux dépenses 5.5 Protection des données

645 645 645 645 645 645 645 646 647 647

Table des abréviations

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Glossaire

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Loi fédérale sur le droit d'auteur et les droits voisins (Loi sur le droit d'auteur, LDA) (Projet)

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Arrêté fédéral portant approbation du traité de Beijing sur les interprétations et exécutions audiovisuelles (Projet)

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Traité de Beijing sur les interprétations et exécutions audiovisuelles

667

Arrêté fédéral portant approbation et mise en oeuvre du traité de Marrakech visant à faciliter l'accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés aux oeuvres publiées (modification de la loi sur le droit d'auteur) (Projet)

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Traité de Marrakech visant à faciliter l'accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés aux oeuvres publiées

681

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Message 1

Présentation de l'objet

1.1

Contexte

Chaque révision du droit d'auteur se heurte au problème de l'extraordinaire complexité des intérêts dans ce domaine. Les antagonismes ne se limitent pas au besoin de protection des auteurs, d'une part, et au besoin des consommateurs de pouvoir accéder le plus librement possible aux oeuvres, d'autre part1. Entre ces deux groupes d'intérêt, il y a encore les producteurs, les bibliothèques, les universités et les fournisseurs de services Internet, qui ont chacun leurs propres revendications. Les artistes et les producteurs aspirent généralement à des droits exclusifs aussi étendus que possible pour assurer leurs moyens de subsistance, leurs activités et leurs investissements. Les utilisateurs et les consommateurs, quant à eux, souhaitent accéder le plus librement et avantageusement possible à des contenus. Un utilisateur peut aussi être un artiste ou un auteur scientifique qui a recours à des oeuvres existantes dans le cadre de son activité2. Cette diversité des intérêts fait de la recherche d'une solution idéale en droit d'auteur une tâche ardue. Il n'est donc pas étonnant que la dernière révision du droit d'auteur ait duré onze ans.

L'évolution technologique rend cependant nécessaire un réexamen périodique des bases législatives régissant le droit d'auteur3. La généralisation d'Internet et la révolution numérique ont modifié en profondeur le comportement des utilisateurs.

Près d'un tiers des Suisses de plus de quinze ans a déjà téléchargé au moins une fois de la musique, des films ou des jeux électroniques sans payer4.

C'est dans ce contexte que le Département fédéral de justice et police (DFJP) a institué l'AGUR12, un groupe de travail réunissant des représentants des artistes, des producteurs, des utilisateurs et des consommateurs. Son institution s'inscrivait dans la conviction qu'une révision du droit d'auteur n'avait de réelles chances d'aboutir que si les différents groupes d'intérêt étaient susceptibles de s'entendre sur un compromis. Le groupe de travail a concentré ses travaux sur les questions suivantes: conférer une protection appropriée aux artistes pour leur travail, veiller à l'application des droits des producteurs, éviter de criminaliser inutilement les consommateurs et apporter aux fournisseurs une sécurité juridique pour les protéger contre des prétentions en dommages et intérêts.

1 2 3 4

566

Govoni, Carlo, «Die Revision des schweizerischen Urheberrechtsgesetzes», UFITA 114/1990, p. 8.

Eidgenössisches Institut für Geistiges Eigentum (éd.), Das Urheberrecht im digitalen Zeitalter ­ Herausforderung oder Sackgasse, Berne 2006, p. 14.

Rapport du Conseil fédéral sur les utilisations illicites d'oeuvres sur Internet en réponse au postulat 10.3263 Savary, août 2011, p. 7.

Rapport du Conseil fédéral sur les utilisations illicites d'oeuvres sur Internet en réponse au postulat 10.3263 Savary, août 2011, p. 7.

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Après douze réunions, les membres de l'AGUR12 se sont entendus, le 28 novembre 2013, sur une série de recommandations communes en vue de moderniser le droit d'auteur. C'est sur la base de ces recommandations qu'a été élaboré l'avant-projet de révision partielle de la loi du 9 octobre 1992 sur le droit d'auteur (LDA)5.

La consultation sur cet avant-projet s'est achevée le 31 mars 2016. Au total, 1224 avis ont été rendus dans le cadre de cette procédure. Si la modernisation du droit d'auteur a été pour l'essentiel accueillie favorablement, il subsistait cependant de profondes divergences sur le contenu concret à donner au projet de révision.

C'est pourquoi le DFJP a tiré au clair avec les membres de l'AGUR12, au terme de la procédure de consultation, les questions ouvertes afin que le projet rencontre une plus forte adhésion. Présidé par l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI), le groupe de travail s'est réuni à cinq reprises entre le 28 septembre 2016 et le 2 mars 2017. Il était composé de représentants des artistes, des producteurs, des consommateurs, des fournisseurs de services Internet, de l'Office fédéral de la justice (OFJ) et d'autres services de l'administration. L'AGUR12 a trouvé un compromis lors de sa dernière réunion. S'articulant autour d'un axe central, la lutte contre le piratage, celui-ci prévoit une série de mesures qui profitent aux différents groupes d'intérêt, à savoir les artistes, les consommateurs, les milieux scientifiques et les institutions dépositaires de la mémoire, les fournisseurs de services Internet et les producteurs. Si aucun des groupes d'intérêt représenté au sein de l'AGUR12 n'a pu imposer l'ensemble de ses revendications, chacun d'entre eux a toutefois pu intégrer dans le compromis des préoccupations importantes, tout en devant faire l'impasse sur d'autres exigences. Le compromis offre donc un équilibre, ce qui était le but recherché par la constitution de l'AGUR12. Il était important que la modernisation du droit d'auteur soit largement soutenue avant que les Chambres fédérales se saisissent du dossier.

Les travaux de l'AGUR12 et les résultats de la consultation sont à la base du présent projet de révision. La lutte contre le piratage en demeure le noyau.

Les mesures de renforcement de la lutte contre le piratage tiennent compte également
des préoccupations du représentant des Etats-Unis pour le commerce, lequel établit un rapport annuel sur la protection mondiale des droits de propriété intellectuelle, le Special 301 Report*6. Les pays présentant, du point de vue des Etats-Unis, des déficits dans la protection des droits de propriété intellectuelle sont mis sur une liste d'observation (watch list*). La Suisse y a été inscrite pour la première fois en 2016 à la demande de l'industrie américaine du copyright7. L'inscription sur cette liste n'a pas de conséquences juridiques, politiques ou économiques immédiates, mais pèse sur les relations bilatérales. Le rapport spécial 301 constate le haut niveau de protection des droits de propriété intellectuelle en Suisse et salue les mesures envisagées dans le domaine du droit d'auteur.

5 6 7

RS 231.1 Les termes suivis d'un astérisque font l'objet d'une entrée dans le glossaire annexé.

Voir Office of the United States Trade Representative, 2016 Special 301 Report, avril 2016, p. 55 s.

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1.2

Nouvelle réglementation proposée

Le projet comporte deux volets: d'une part, les modifications ponctuelles de la loi sur le droit d'auteur rendues principalement nécessaires par les expériences faites avec l'application de la loi actuelle dans le contexte du numérique; d'autre part, deux traités de l'OMPI qui sont soumis au Parlement en vue de leur approbation.

1.2.1

Modernisation du droit d'auteur

1.2.1.1

Mesures de lutte contre le piratage en ligne

La lutte contre le piratage constitue le noyau de la révision de la loi. Fortement préjudiciables, les violations du droit d'auteur sur Internet sont susceptibles d'induire de nombreuses infractions consécutives par d'autres usagers Internet. Les moyens actuels de lutte contre le piratage sont insuffisants. La simsa, l'association faîtière des fournisseurs d'hébergement, a mis en place le Code de conduite Hébergement8*, qui est une forme d'autorégulation. L'autorégulation est toutefois défaillante lorsqu'un hébergeur transforme directement ou indirectement les atteintes aux droits d'auteur en modèle commercial en exploitant ou en hébergeant des plateformes qui favorisent le piratage.

Lorsqu'un hébergeur apprend que l'un de ses clients a stocké sur son serveur des contenus protégés par le droit d'auteur et qu'il les met illicitement en circulation, deux solutions s'offrent à lui selon le code de conduite de la simsa. Il peut, d'une part, informer son client qu'il a reçu un signalement (appelé notification*), le lui transférer et lui demander de supprimer les contenus en cause ou de motiver le caractère légal des contenus dans une prise de position à envoyer à l'expéditeur de la notification. Dans les cas clairs, l'hébergeur a, d'autre part, la possibilité de bloquer entièrement ou en partie l'accès au site Internet concerné à sa seule discrétion et sans contacter sa clientèle au préalable, jusqu'à ce que l'affaire soit clarifiée entre les personnes impliquées ou par les tribunaux et les autorités.

L'autorégulation est toutefois inefficace lorsqu'un hébergeur transforme les atteintes aux droits d'auteur en modèle commercial. Dans ces cas, une fois retirés des serveurs, les contenus illicites sont régulièrement remis en ligne, de sorte que les titulaires des droits se voient obligés de réagir à nouveau. C'est pourquoi, afin de mettre fin au jeu du chat et de la souris, l'autorégulation est complétée par une obligation légale pour les hébergeurs qui génèrent un risque particulier de violations du droit d'auteur. Ces fournisseurs d'hébergement doivent veiller à ce que les contenus qui ont été retirés une fois de leurs serveurs n'y soient pas réintroduits (obligation de stay down*). Dans la pratique, cela ne signifie toutefois pas que les hébergeurs concernés surveillent tous les contenus sur leurs
serveurs; ils doivent simplement contrôler manuellement ou à l'aide de logiciels si les contenus concernés sont proposés sur Internet par le biais de liens* menant sur leurs serveurs. Lorsqu'un hébergeur constate que des contenus portant atteinte au droit d'auteur sont proposés par le biais de son serveur, il est tenu de les supprimer. Cette surveillance ne doit être 8

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www.simsa.ch > Services > Code of Conduct Hosting

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exercée que dans la mesure de ce qui est techniquement et économiquement raisonnable. Les hébergeurs peuvent stipuler contractuellement les moyens mis en oeuvre pour éviter la réintroduction de contenus illicites sur leurs serveurs.

Le code de conduite de la simsa n'offre aucun remède dans les cas de figure où les contenus portant atteinte au droit d'auteur ne sont pas proposés par le biais de serveurs de fournisseurs d'hébergement, comme c'est par exemple le cas des réseaux pair à pair*. Grâce à des logiciels spéciaux, ces derniers permettent de mettre en réseau des ordinateurs privés de manière telle à rendre possible un partage direct des contenus (d'ordinateur personnel à ordinateur personnel). Lorsque des réseaux pair à pair sont utilisés en infraction du droit d'auteur pour échanger des contenus, le titulaire des droits peut déposer une plainte pénale. Pour ce faire, il communiquait jusqu'à présent aux autorités de poursuite l'adresse IP* utilisée pour proposer les contenus. Des incertitudes planent cependant sur le traitement des données lié à cette procédure. Selon un récent arrêt du Tribunal fédéral9, la documentation des adresses IP par les représentants des titulaires des droits n'est pas compatible avec la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD)10. L'art. 77i P-LDA crée par conséquent une base légale pour le traitement des données à des fins de poursuite pénale des violations du droit d'auteur.

Le traitement des données visé à l'art. 77i P-LDA ne se limite cependant pas à la poursuite pénale de violations du droit d'auteur dans les réseaux pair à pair. En effet, les titulaires des droits ont souvent besoin de l'adresse IP du site correspondant pour identifier l'hébergeur d'un site proposant des contenus portant atteinte au droit d'auteur.

La base légale inscrite à l'art. 77i P-LDA n'affecte pas les recommandations du Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT)11 et ne prévaut pas non plus sur la LPD, qui s'applique pleinement aux traitements de données en vertu de l'art. 77i P-LDA. Ces données peuvent aussi être utilisées en vue de faire reconnaître des conclusions civiles par voie d'adhésion ou pour les faire valoir au terme de la procédure pénale. Il s'agit-là d'une précision, à savoir que la disposition sur le traitement des données n'exclut pas les possibilités d'action prévues par le code de procédure pénale (CPP)12.

1.2.1.2

Autres modifications visant à moderniser le droit d'auteur

Outre les mesures de lutte contre le piratage en ligne, le projet de révision envisage des mesures destinées à mieux tirer avantage du potentiel du numérique.

La restriction en faveur des inventaires, la restriction en faveur des oeuvres dites orphelines et la restriction en faveur de la science constituent des éléments-clés en 9 10 11 12

ATF 136 II 508 «Logistep» RS 235.1 www.edoeb.admin.ch > Documentation > Rapports d'activités > 19­2011/12 > Echange de contenus sur Internet ­ Situation juridique après l'arrêt Logistep RS 312.0

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faveur des institutions dépositaires de la mémoire comme les musées, les archives et les bibliothèques, des hautes écoles et d'autres instituts de recherche et des consommateurs.

La restriction en faveur des inventaires définit comment les institutions dépositaires de la mémoire (bibliothèques, établissements d'enseignement, musées, collections et archives qui sont en mains publiques ou accessibles au public) peuvent aménager les inventaires en ligne de leurs fonds afin de remplir leur mandat en tenant compte des possibilités techniques et modernes. La nouvelle disposition autorise la reproduction, dans les inventaires en ligne, de couvertures de livres, de résumés, d'images de petit format et d'extraits de films ou d'oeuvres musicales. Par rapport aux possibilités actuelles, les utilisateurs de ces institutions pourront se faire une idée plus précise de l'offre à leur disposition, ce qui contribue à rehausser l'attractivité et la valeur de ces institutions.

La restriction en faveur des oeuvres orphelines corrige les inconvénients résultant de la durée de protection relativement longue des droits d'auteur. Il n'est pas rare qu'il faille renoncer à l'utilisation d'une oeuvre parce qu'il est impossible de se procurer l'autorisation du titulaire des droits, celui-ci demeurant inconnu ou introuvable. La nouvelle restriction prévoit l'octroi de licences pour les droits d'utilisation (art. 10 PLDA) sur des oeuvres se trouvant dans les fonds d'institutions dépositaires de la mémoire et dont les titulaires des droits n'ont pas pu être identifiés ou retrouvés au prix d'un effort raisonnable. Elle profite non seulement aux institutions dépositaires de la mémoire, mais aussi toute personne souhaitant utiliser les oeuvres orphelines se trouvant dans les fonds de ces institutions. La restriction en faveur des oeuvres orphelines n'est pas nouvelle en soi, mais l'exception actuelle est trop spécifiquement conçue pour les archives des organismes de diffusion. Aussi est-elle étendue aux fonds des bibliothèques, des établissements d'enseignement, des musées, des collections et des archives qui sont en mains publiques ou accessibles au public.

La restriction en faveur de la science autorise, dans l'intérêt de la recherche, les reproductions nécessaires à la fouille de textes et de données* (aussi appelée textand
data-mining). Cette exploration qui consiste à traiter électroniquement une grande quantité de textes et de données à des fins d'analyse et en vue de mettre en évidence des connexions thématiques est devenue un outil de recherche important.

La fouille implique la confection d'une grande quantité de reproductions répondant à une nécessité technique, mais celles-ci ne sont pas provisoires. Il n'est pas clair dans quelle mesure il est nécessaire de demander des droits dans ce contexte. Dans l'affirmative, il est quasiment impossible d'obtenir les autorisations requises pour les reproductions sous la forme de licences individuelles. Dans de nombreux cas, l'effort à déployer, mais éventuellement aussi la rémunération à verser seraient disproportionnés. La restriction en faveur de la science n'est sciemment pas limitée à la recherche non commerciale. En effet, une telle limitation causerait trop de difficultés de délimitation dans la pratique: par exemple lors de coopérations entre hautes écoles et entreprises, lors de recherches menées par des hautes écoles débouchant sur des entreprises spin-off ou dans le cas de recherches, commerciales en soi, dans le domaine non commercial, comme des recherches qui ont pour objet les maladies négligées La restriction en faveur de la science proposée est étendue et n'implique pas le paiement d'une redevance. Elle facilite dès lors considérablement la recherche 570

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et contribue ainsi à renforcer le pôle de recherche suisse. Elle vient compléter les autres restrictions déjà inscrites dans la loi, et qui restent applicables, à savoir celle en faveur de l'utilisation à des fins privées ou le droit de citation que les scientifiques peuvent invoquer pour leurs activités.

Les mesures prévues en faveur des artistes sont l'allongement de la durée de protection des droits voisins, la protection des personnes qui réalisent des photographies dépourvues de caractère individuel (et qui ne sont donc pas protégées par le droit d'auteur) et une rémunération en faveur des auteurs et des artistes-interprètes dans le cadre de services de vidéo à la demande.

La durée de protection des droits voisins des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes passe de 50 à 70 ans. Dans l'UE, la protection est de 70 ans. L'allongement de la durée de protection pour les artistesinterprètes se justifie par le fait qu'avec une durée de protection de 50 ans, leurs prestations ne sont plus protégées vers la fin de leur vie puisqu'ils débutent généralement leur carrière assez tôt. Certains artistes-interprètes connaissent donc à la vieillesse une perte de revenus13. L'allongement de la durée de protection aidera aussi les producteurs à maintenir leurs investissements dans les nouveaux talents14.

Pour des raisons d'égalité de traitement, le projet de révision améliore également le niveau de protection des artistes-interprètes et des producteurs dans l'audiovisuel.

Les photographies sont protégées par le droit d'auteur uniquement si elles présentent un caractère individuel. Par conséquent, les clichés qui documentent les événements actuels ou les photos de produits d'un haut niveau d'exécution ne sont souvent pas protégés. Les photographes qui les réalisent n'ont pas la possibilité de se défendre contre la réutilisation de leurs images, ni d'en retirer un revenu. Le problème n'a fait que s'aggraver avec Internet puisque rien n'est plus facile que de télécharger des photos et de les réutiliser. Le projet de révision propose une protection restreinte par rapport à celle prévalant pour le droit d'auteur pour remédier à cette situation. La durée de protection est limitée à 50 ans à compter de la publication ou, à défaut de publication, de la confection.

La rémunération
pour la vidéo à la demande en faveur des auteurs et des artistesinterprètes complète leur droit de mettre leurs oeuvres ou prestations à disposition sur des plateformes Internet. Ce droit exclusif peut être librement transféré au producteur. S'il y a toutefois cession du droit au producteur, la rémunération revenant aux auteurs et aux artistes-interprètes est perçue par le biais des sociétés de gestion directement auprès de l'exploitant des plateformes avec lequel le producteur a convenu d'un accord. Les artistes attendent de la gestion collective qu'elle corrige d'une certaine façon l'inégalité de pouvoir de négociation dans la gestion individuelle des droits et par conséquent qu'elle réduise le déséquilibre entre l'utilisation croissante des oeuvres en ligne et les faibles revenus que les artistes en retirent (appelé value gap, autrement dit un transfert de valeur inéquitable). Aujourd'hui déjà, les sociétés de gestion en Suisse perçoivent une rémunération en faveur des auteurs d'oeuvres 13

14

Directive 2011/77/UE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2011 modifiant la directive 2006/116/CE relative à la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins, JO L 265 du 11.10.2011, p. 1.

ec.europa.eu > Commission européenne > Le marché unique de l'UE > Droit d'auteur et droits voisins > La durée de protection (consulté la dernière fois le 14.07.2017).

571

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audiovisuelles. Les exploitants de plateformes en ligne de plus grande taille, actifs au plan international, ne connaissent souvent pas cette pratique, ce qui conduit à des problèmes lors de la perception de la rémunération en faveur des auteurs.

L'inscription de la pratique suisse dans la loi a pour finalité l'amélioration de la situation des artistes. Le système de la rémunération pour la vidéo à la demande est limité aux films de producteurs suisses et aux films produits dans des pays prévoyant un droit à rémunération correspondant soumis à la gestion collective, cela pour éviter les doubles rémunérations au plan international.

Le projet de révision propose enfin des adaptations dans le domaine de la gestion collective des droits d'auteur, les principales étant l'introduction de la licence collective étendue* et les améliorations de la procédure d'approbation des tarifs.

La licence collective étendue permet aux sociétés de gestion de concéder des licences pour tous les titulaires des droits, même dans les domaines que la loi ne soumet pas à la gestion collective. Ceux qui ne souhaitent pas être liés par un tel accord de licence ont la possibilité de demander à la société de gestion qui octroie les licences que leurs droits soient exclus de la licence collective (ce qu'on appelle le opt-out). La licence collective étendue constitue la solution idéale dans les cas d'une utilisation d'oeuvres à grande échelle et dans les situations où les coûts pour l'achat d'une licence individuelle pour toutes les oeuvres seraient disproportionnés par rapport aux recettes de la gestion escomptées. S'il s'agit par exemple de l'utilisation de quelques photographies d'un fonds d'archives, il peut être judicieux de clarifier individuellement la propriété des droits. Lorsque l'identification des titulaires des droits ne pose aucune difficulté, il est possible de demander une licence individuelle.

Mais dans les cas où il y a une multitude de titulaires ou si ceux-ci demeurent inconnus ou introuvables à l'issue d'une recherche réalisée au prix d'un effort raisonnable, une solution globale sous la forme d'une licence collective étendue permet de remédier à la situation. Si l'utilisation porte sur des oeuvres orphelines, le projet de révision prévoit un droit pour les utilisateurs de demander à la société de gestion
compétente l'octroi d'une licence collective pour autant que les conditions inscrites dans les tarifs soient respectées.

Les nouveautés concernant la procédure d'approbation des tarifs, ainsi que l'obligation faite aux utilisateurs de communiquer des renseignements aux sociétés de gestion au format électronique ont pour fonction d'accélérer et d'accroître l'efficacité de la gestion collective. Concentration de l'appréciation des faits devant la première instance contribue de manière essentielle à éviter des retards dans l'établissement des faits à un stade avancé de la procédure. Les autres mesures permettant d'accélérer la procédure ont déjà été introduites dans la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (LAMal)15, où elles ont fait leurs preuves.

15

572

RS 832.10

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1.2.2

Traités de l'OMPI

1.2.2.1

Traité de Beijing

Le Traité de l'OMPI du 20 décembre 1996 sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (WPPT)16, ratifié par la Suisse, a conduit à une amélioration de la protection des interprètes de musique et des producteurs de phonogrammes. Les acteurs ne sont pas protégés. Sur le plan international, un musicien suisse peut par conséquent se défendre contre une utilisation illicite de ses prestations, mais pas un acteur. Le Traité de Beijing du 24 juin 2012 sur les interprétations et exécutions audiovisuelles (traité de Beijing, BTAP) supprime cette inégalité de traitement. La LDA protège tant les interprètes de musique que les acteurs de cinéma. En Suisse, ils peuvent s'opposer à la mise à disposition non autorisée de leurs prestations.

1.2.2.2

Traité de Marrakech

Le Traité de Marrakech du 27 juin 2013 visant à faciliter l'accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés aux oeuvres publiées (traité de Marrakech) facilite l'accès des personnes ayant des déficiences visuelles aux oeuvres protégées par le droit d'auteur et contribue ainsi à réduire les inégalités entre voyants et malvoyants.

Selon l'Union mondiale des aveugles (UMA), sur les ouvrages qui sortent chaque année dans le monde, moins de 5 % sont publiés dans des formats accessibles aux déficients visuels. Leur accès aux documents imprimés est déjà restreint par un environnement international marqué par la variété des réglementations nationales du droit d'auteur. Par ailleurs, seule une minorité de pays connaissent dans leur législation nationale du droit d'auteur des dispositions spécifiques en matière de limitations et exceptions en faveur des personnes souffrant de déficiences visuelles.

L'application du droit d'auteur national se limite au territoire national. Compte tenu du principe de territorialité, les exceptions prévues par les législations nationales ne s'appliquent la plupart du temps pas à l'importation ou à l'exportation d'exemplaires d'oeuvres en formats accessibles aux personnes avec des déficiences visuelles, même entre les pays ayant des règles similaires. Aujourd'hui, les organisations compétentes de chaque pays doivent négocier des licences avec les titulaires des droits pour échanger des oeuvres en formats accessibles aux personnes atteintes d'un handicap de lecture ou produire leurs propres versions. Le traité de Marrakech vise à autoriser la production et l'échange transfrontalier d'exemplaires d'oeuvres de ce genre.

16

RS 0.231.171.1

573

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1.3

Justification et appréciation de la solution proposée

1.3.1

Résultats de la procédure de consultation

1.3.1.1

Réalisation et résultat

Ouverte le 11 décembre 2015, la procédure de consultation s'est achevée le 31 mars 2016. Le rapport rendant compte des résultats de la consultation est accessible sur le site Internet de la Chancellerie fédérale17 et de l'IPI18. 1224 prises de position totalisant quelques 8000 pages ont été reçues. Exceptionnels, ces chiffres impressionnants montrent que la modernisation du droit d'auteur est un projet complexe qui touche de nombreuses parties intéressées.

Les participants à la consultation ont généralement admis la nécessité de moderniser le droit d'auteur. Les pistes d'action préconisées divergeaient par contre fortement en de nombreux points. C'est pourquoi le DFJP a engagé, après la consultation, un dialogue avec les différents milieux intéressés dans le but d'élaborer des mesures permettant d'aboutir à un projet plus largement accepté.

1.3.1.2

Points incontestés

Les participants à la consultation ont particulièrement bien accueilli le traité de Beijing et le traité de Marrakech, qui figurent toujours dans le projet de révision.

L'instrument de la licence collective étendue a lui aussi rencontré un écho positif.

Tant les titulaires des droits que les utilisateurs, les consommateurs et les cantons se sont déclarés favorables à l'introduction de licences collectives étendues. Ce dispositif juridique demeure donc dans le projet, mais certains aspects ont été adaptés sur la base des résultats de la procédure de consultation. L'habilitation de la Commission arbitrale fédérale pour la gestion de droits d'auteur et de droits voisins (CAF) à auditionner des témoins pour établir les faits a, elle aussi, été acceptée et fait toujours partie du projet19.

1.3.1.3

Points litigieux

Mesures de lutte contre le piratage sur Internet L'obligation de stay down faite aux hébergeurs figure toujours dans le projet, tout comme le droit accordé aux titulaires des droits de traiter des données personnelles en vue de déposer une plainte pénale20.

17 18 19 20

574

www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2015 > DFJP www.ipi.ch > Droit et politique > Evolutions nationales > Droit d'auteur > Modernisation du droit d'auteur Voir commentaire détaillé de la réglementation proposée sous ch. 1.2.

Voir réglementation proposée, ch. 1.2.1.1.

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Les mesures destinées à impliquer les fournisseurs d'accès (lesquels offrent un accès à Internet à leur clientèle) dans la lutte contre le piratage n'ont, quant à elles, pas réuni de majorité. En particulier les mesures de blocage par les fournisseurs d'accès (couper l'accès aux offres pirates) étaient contestées. En outre, l'envoi d'un message d'information dans les cas de violations graves de droits d'auteur sur les réseaux pair à pair (y compris la possibilité d'engager une procédure civile en cas d'inobservation) a été rejeté. Les mesures envisagées prévoyaient l'envoi d'un message à l'usager dont la connexion est utilisée pour commettre des violations graves. Si celles-ci avaient persistées suite au message, le titulaire des droits aurait eu la possibilité de demander à un tribunal civil d'ordonner l'identification de l'usager sur la base des données qu'il a recueillies (traitement des données personnelles en vue d'intenter une action devant un juge civil). La majorité des participants à la consultation a jugé les mesures proposées disproportionnées, trop onéreuses et par trop compliquées. Etant fortement controversées et n'ayant pas réuni de majorité, elles ne figurent plus dans le présent projet. Grâce à leur suppression, le secret des télécommunications reste intact. Suite à l'abandon d'une grande partie des obligations faites aux fournisseurs, il n'est plus nécessaire non plus de réglementer l'exclusion de la responsabilité des fournisseurs en cas de non-respect de leurs obligations.

Extension du droit d'auteur matériel L'avant-projet de révision mis en consultation prévoyait deux propositions d'extension du droit d'auteur matériel, notamment l'introduction d'un droit de prêt* et l'introduction d'une protection des photographies de presse.

Grâce au droit de prêt, les auteurs reçoivent une rémunération pour le prêt de leurs oeuvres (par ex. dans une bibliothèque). Le droit de prêt a été très contesté lors de la consultation, ce qui s'est confirmé par la suite lors des entretiens qui ont eu lieu après la procédure. C'est pourquoi l'inscription de ce droit dans le projet de révision a été abandonnée.

L'introduction d'une protection des photographies de presse aurait permis de protéger, pendant une durée déterminée, les personnes réalisant des photographies de presse de leur vente ou de
leur reproduction sans autorisation. Sujet sensible, cette proposition a été reformulée: le projet de révision prévoit maintenant une protection des droits des personnes qui réalisent des photographies et des productions obtenues par un procédé analogue qui sont dépourvues de caractère individuel21.

Restrictions au droit d'auteur Si les nouveautés dans le domaine des restrictions au droit d'auteur (oeuvres administratives, redevance sur les supports vierges, oeuvres orphelines, exemplaires d'archives et copies de sécurité, restriction en faveur de la science, restriction en faveur des inventaires) n'ont pas suscité de véritable opposition, les participants à la consultation étaient très divisés sur certains points. Les titulaires des droits étaient d'avis que les restrictions étaient trop larges. Les utilisateurs, les cantons et les communes, en revanche, ont trouvé que les modifications proposées n'allaient pas 21

Voir commentaire de la nouvelle réglementation proposée sous ch. 2.1.

575

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assez loin et se sont montrés critiques envers les rémunérations prévues pour compenser les restrictions.

Après la consultation, il a été possible de trouver un compromis pour les restrictions suivantes: oeuvres orphelines, exemplaires d'archives et copies de sécurité, restriction en faveur de la science et restriction en faveur des inventaires22.

Les autres thèmes sont restés controversés et ne figurent plus dans le présent projet.

La réglementation de la redevance sur les supports vierges prévoyait d'harmoniser la coexistence de paiements aux plateformes en ligne et de taxes sur les supports vierges. L'extension de la restriction relative aux oeuvres administratives (adaptation de la loi fédérale du 26 juin 1998 sur l'archivage23 incluse) aurait généralement exclu les documents administratifs de la protection du droit d'auteur. Pour toutes ces propositions, il n'a pas été possible de s'entendre sur des solutions susceptibles de réunir des majorités.

Surveillance des sociétés de gestion et procédure d'approbation des tarifs L'avant-projet de révision mis en consultation prévoyait d'étendre la surveillance des sociétés de gestion en deux points. Il était prévu, d'une part, de soumettre les domaines de la gestion collective facultative à la surveillance de la Confédération également. D'autre part, l'IPI devait contrôler la gestion et les bases de la répartition de chaque société de gestion non seulement d'un point de vue juridique, mais aussi sous l'angle de l'équité. Les sociétés de gestion et les titulaires des droits notamment ont vivement critiqué les mesures d'extension de la surveillance lors de la consultation, qui étaient controversées dans l'ensemble. Le droit des sociétés coopératives et des associations et les règlements internes des sociétés de gestion arrêtés sur ces bases juridiques fournissent déjà des instruments de contrôle par les membres des sociétés. De plus, il ressort des conclusions d'une étude externe24 commandée par l'IPI que les frais administratifs des sociétés de gestion sont dans l'ensemble adéquats25. Dans cette perspective, des notions juridiques imprécises telle l'obligation d'une gestion saine et économique permettent à l'IPI d'adapter la surveillance de la gestion et des bases de la répartition à chaque situation et de procéder à une interprétation plus stricte
du cadre légal lorsque cela s'avère nécessaire. C'est pourquoi le Conseil fédéral abandonne l'idée de resserrer la surveillance étatique sur les sociétés de gestion sans renoncer toutefois à l'optimisation de l'efficacité de la gestion collective.

Les participants à la consultation ont clairement rejeté l'introduction d'une taxe de surveillance perçue par l'IPI; cette proposition a donc été abandonnée. Cette décision n'a toutefois aucune incidence sur la question des coûts dans les procédures de surveillance de l'IPI sur les sociétés de gestion.

22 23 24

25

576

Voir commentaire de la nouvelle réglementation proposée sous ch. 1.2.1.2.

RS 152.1 Fark, Johannes / Meyer, Beatrice / Zöbeli, Daniel, Analyse de l'adéquation des frais administratifs des sociétés de gestion, décembre 2015, www.ipi.ch > Protéger votre PI > Droit d'auteur > Sociétés de gestion > Surveillance des sociétés de gestion > Rapport (en allemand uniquement).

Ibid., p. 3 de la synthèse.

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Lors de la procédure de consultation, les avis sur l'obligation pour les utilisateurs de renseigner les sociétés de gestion et la proposition de réduire les instances dans la procédure d'approbation des tarifs étaient partagés. Plusieurs mesures visant à accélérer la procédure d'approbation des tarifs sont maintenues. L'obligation pour les utilisateurs de renseigner les sociétés de gestion est reprise dans le projet sous une forme modifiée26.

1.3.1.4

Diverses requêtes

Dans leurs prises de position, les participants à la consultation ont formulé de nombreuses autres requêtes27. Le projet de révision en inclut deux, car il s'est avéré par la suite qu'elles étaient susceptibles de réunir une majorité dans le cadre du compromis trouvé. Il s'agit de la rémunération pour la vidéo à la demande en faveur des auteurs et des artistes-interprètes et de l'allongement de la durée de protection des droits voisins28.

Il n'a pas été possible de dégager un consensus sur les autres requêtes29. C'est pourquoi elles ne font pas partie du projet de révision.

Ne figure pas non plus dans le projet la proposition de divers participants à la consultation d'étendre le droit de citation aux oeuvres des beaux-arts et aux photographies. Bien que le texte de loi ne prévoie pas une telle exception, la littérature, sur la base d'une interprétation historique, a adopté le point de vue que les oeuvres des beaux-arts et les photographies ne peuvent pas être citées. Or, dans la doctrine récente, l'opinion dominante veut que ces oeuvres relèvent aussi du champ d'application du droit de citation30. Compte tenu de cette évolution, une modification législative n'est pas indiquée, d'autant plus que la teneur de loi n'est pas équivoque. Il en va de même pour la requête d'inscrire dans la loi le droit de citation d'une oeuvre entière. Dans l'affaire «Schweizerzeit»31, le Tribunal fédéral a déjà examiné attentivement la question de l'étendue admissible des citations et n'a pas exclu le droit de citation d'une oeuvre entière. Une inscription de ce droit dans la loi nuirait à la sécurité juridique instaurée par le Tribunal fédéral puisqu'elle ouvrirait à nouveau le débat sur les conditions régissant la citation d'une oeuvre entière. Lors de la consultation, les artistes ont exprimé leurs craintes de voir le droit d'exclusivité qu'ils détiennent sur les reproductions en vertu l'art. 10 LDA s'éroder si le droit de citation était reconnu expressément, surtout parce qu'avec un droit de citation étendu, la reproduction de toute image, tant sous la forme analogique que sous la forme numérique, serait interprétée par les utilisateurs comme une citation. Enfin, la requête sollicitant l'extension expresse de la restriction en faveur des catalogues, 26 27

28 29 30 31

Voir commentaire de la nouvelle réglementation sous ch. 2.1.

Voir à ce sujet le rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.3., www.ipi.ch > Droit et politique > Evolutions nationales > Droit d'auteur > Modernisation du droit d'auteur > Résultats de la procédure de consultation.

Voir commentaire de la nouvelle réglementation proposée sous ch. 1.2.1.2.

Voir n. 28.

Macciacchini, Sandro / Oertli, Reinhard, Stämpflis Handkommentar, 2e édition, Berne 2012, URG 25, n. 5 à 8.

ATF 131 III 480

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inscrite à l'art. 26 LDA, aux catalogues en ligne et aux nouveaux médias encore inconnus aujourd'hui n'a pas été retenue non plus. La loi sur le droit d'auteur est neutre du point de vue technologique*. Il est dès lors évident que les nouvelles formes de catalogues tombent déjà sous le champ d'application de l'art. 26 LDA.

1.3.2

Justification et appréciation de la modernisation du droit d'auteur

Le projet de révision adapte en divers points le droit d'auteur aux évolutions technologiques et juridiques. Les mesures de lutte contre le piratage en ligne permettent, entre autres, de créer un espace pour des offres légales, ce qui répond, d'une part, à l'intérêt des titulaires des droits, qui bénéficieront de nouvelles possibilités d'exploiter leurs droits, et d'autre part, à celui des consommateurs, qui auront accès à une offre améliorée.

La nouvelle base légale relative au traitement des données en vue d'une poursuite pénale pour violation du droit d'auteur crée davantage de sécurité juridique tout en garantissant que la protection des données n'entrave pas de manière injustifiée l'application des droits. Elle permet également de tenir compte des préoccupations du représentant des Etats-Unis pour le commerce32.

Les utilisateurs et les consommateurs se montrent critiques vis-à-vis du droit d'auteur. En effet, les utilisations envisagées font souvent long feu en raison de la non-obtention des droits, soit parce les titulaires des droits sont inconnus ou introuvables, soit parce que les coûts d'une licence individuelle sont disproportionnés par rapport à l'utilisation envisagée. L'adaptation des restrictions au droit d'auteur et l'introduction de la licence collective étendue tiennent compte de ces préoccupations et abaissant les obstacles à l'utilisation des oeuvres. Le projet de révision contribue ainsi à l'exploitation du potentiel que renferme le numérique.

Ces dernières années, les chiffres d'affaires réalisées par les plateformes en ligne n'ont cessé de croître, alors que les revenus que les artistes tirent des contenus qu'ils créent n'ont pas augmenté dans les mêmes proportions. Le projet de révision se propose de corriger cette disparité, connue sous le terme de value gap33, par trois mesures: l'allongement de la durée de protection des droits voisins, la protection des photographies dépourvues de caractère individuel et la rémunération pour la vidéo à la demande en faveur des auteurs et des artistes-interprètes.

32 33

578

Voir Office of the United States Trade Representative, 2016 Special 301 Report, avril 2016, p. 55 s.

Leistner, Matthias / Metzger, Axel, «The EU Copyright Package: A Way Out of the Dilemma in Two Stages», International Review of Intellectual Property and Competition Law (IIC), 4/2017, p. 381.

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1.3.3

Justification et appréciation du traité de Beijing et du traité de Marrakech

En Suisse, l'amélioration de la protection des acteurs découlant du traité de Beijing est déjà inscrite dans la loi. Mais la ratification du traité de Beijing offre à ces derniers la garantie que leur protection sur le territoire d'une Partie contractante au traité correspondra à celle dont ils jouissent en Suisse.

Le traité de Marrakech facilite l'accès des personnes souffrant d'un handicap de lecture aux oeuvres publiées qui sont protégées par le droit d'auteur. L'accès amélioré aux oeuvres pour les déficients visuels figure déjà dans le droit suisse. La ratification du traité de Marrakech donne toutefois un signal important sur le plan international; il est de plus compatible avec le mandat inscrit dans la Constitution (Cst.)34 de prévoir dans la loi des mesures en vue d'éliminer les inégalités qui frappent les personnes handicapées (art. 8, al. 4, Cst.).

1.4

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen

1.4.1

Modernisation du droit d'auteur

Au sein de l'UE, la réglementation de l'obligation de stay down faite aux hébergeurs n'est pas unitaire. Alors que cette obligation a été reconnue par la Cour fédérale d'Allemagne (Bundesgerichtshof)35, la Cour de Cassation française l'a rejetée36. En Angleterre (et aussi aux Etats-Unis), on demande la création d'une obligation légale de stay down, mais cette mesure est controversée37. Avec la nouvelle obligation de stay down, les hébergeurs qui favorisent une violation des droits en raison de leur fonctionnement technique ou de leurs objectifs économiques doivent veiller à ce que les contenus portant atteinte au droit d'auteur qui ont été retirés de leurs serveurs sur signalement ne soient pas réintroduits. Pour ce faire, ils doivent empêcher que ces contenus soient rendus à nouveau accessibles ou les supprimer à nouveau sans attendre un nouveau signalement du titulaire des droits. En prévoyant une obligation de stay down limitée aux hébergeurs à l'origine d'un risque particulier de violation des droits, le projet de révision emprunte une voie médiane qui tient compte à la fois des défenseurs et des détracteurs de ces mesures. Leur application se limite aux cas où le risque particulier justifie un devoir étendu de prévention des violations du droit d'auteur. Dans la pratique, ces mesures impliquent une surveillance restreinte ou un filtrage. La Cour de justice de l'UE (CJUE) s'est penchée deux fois sur la question

34 35 36 37

RS 101 BGH, arrêt du 12 juillet 2012 ­ I ZR 18/11 ­ «Alone in the Dark».

Cour de cassation, arrêt no 831 du 12 juillet 2012 (11-13.669) ­ ECLI: FR: CCASS: 2012: C100831.

www.theguardian.com/technology/2016/mar/24/bpi-british-music-labels-piracy-policygoogle (consulté la dernière fois le 14. 7.2017); www.billboard.com/articles/business/7326371/ comments-copyright-office-dmca-safe-harbor-review-music-industry-digital-services (consulté la dernière fois le 14.7.2017).

579

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de l'utilisation de filtres38. De son point de vue, l'obligation de mettre en place un système de filtrage est compatible avec le droit de l'UE pour autant qu'elle soit équitable et proportionnée sans être excessivement coûteuse au sens de la directive sur le commerce électronique39. La proposition de la Commission européenne COM(2016) 593 final40 prévoit implicitement41 à son art. 13 l'utilisation, dans certains cas, de mesures de filtrage tout en exigeant qu'elles soient appropriées et proportionnées. Selon la CJUE, il est interdit d'imposer à un hébergeur une obligation générale de surveillance des données stockées sur son serveur42. La réglementation proposée respecte ces principes.

Le projet ne prévoit pas l'identification des internautes dont le raccordement a été utilisé pour porter atteinte au droit d'auteur dans une procédure civile. Le Conseil fédéral a accordé plus de poids au secret des télécommunications qu'à la possibilité d'ouvrir une procédure de reconnaissance des droits uniquement civile en plus de celle pénale, qui existe déjà. L'identification de ces usagers est dès lors réservée aux autorités de poursuite dans le cadre d'une procédure pénale. Cette approche est compatible avec le cadre juridique de l'UE. Le droit de l'UE ne prévoit pas de droit à l'information relevant du droit civil à l'égard des fournisseurs, mais ne l'interdit pas non plus. Aux termes de l'art. 8, al. 1, de la directive 2004/48/CE43, les Etats membres doivent certes veiller à ce que les autorités judiciaires compétentes puissent ordonner que des informations sur l'origine et les réseaux de distribution des marchandises ou des services qui portent atteinte à un droit de propriété intellectuelle soient fournies. Il faut cependant que les atteintes aient été perpétrées à l'échelle commerciale. La CJUE estime toutefois que cette disposition, en relation avec l'art. 8, al. 3, de ladite directive, ne doit pas être interprétée comme une obligation faite aux Etats membres de prévoir dans leur législation l'obligation de transmettre des données à caractère personnel dans le cadre de la procédure civile, dans le but de garantir une protection efficace du droit d'auteur44.

En comparaison internationale, les autres approches relatives à la lutte contre le piratage sont très hétérogènes. Les Etats-Unis et la France
ont tenté de lutter contre le piratage par le biais d'un système échelonné. L'usager fautif est informé dans un premier temps et sanctionné uniquement en cas de récidive. Les deux systèmes semblent toutefois ne pas avoir donné les résultats escomptés. Le copyright alert 38

39

40

41 42 43 44

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CJUE, arrêt du 24 novembre 2011 dans l'affaire C-70/10, Scarlet/SABAM, ECLI:EU:C:2011:771; CJUE, arrêt du 16 février 2012 dans l'affaire C-360/10, SABAM/Netlog, ECLI:EU:C:2012:85.

Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique»), JO L 178 du 17.7.2000, p. 1.

Proposition de la Commission européenne du 14 septembre 2016 de directive du Parlement européen et du Conseil sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique, COM(2016)593 final.

L'obligation définie à l'art. 13 implique, dans la pratique, un filtrage permettant l'identification des contenus en cause.

CJUE, arrêt du 24 novembre 2011 dans l'affaire C-70/10, Scarlet/SABAM (n. 40), n. 35; CJUE, arrêt du 16 février 2012 dans l'affaire 360/10, SABAM/Netlog, (n. 40), n. 33.

JO L 157 du 30.04.2004, p. 45.

CJUE, arrêt du 29 janvier 2008 dans l'affaire C-275/06, Promusicae/Telefónica, ECLI:EU:C:2008:54, n. 58.

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system aux Etats-Unis a été abandonné45. Le modèle français existe toujours, mais il est très critiqué46. La pratique en matière de blocage de l'accès au réseau par les fournisseurs est elle aussi très variable. Dans l'UE, la Cour suprême a arrêté que le blocage de l'accès n'est pas incompatible avec le droit de l'UE47 bien que ce dernier ne prévoie aucune obligation de ce genre. En Suisse aussi, la proposition d'un système échelonné avec des messages d'information a été fortement critiquée lors de la consultation: une telle approche a été jugée trop contraignante, trop compliquée et trop onéreuse. La solution envisagée et les mesures de blocage par les fournisseurs n'ont donc pas été retenues dans le projet de révision.

Dans l'examen de la restriction au droit d'auteur, la Suisse dispose d'une plus grande marge de manoeuvre que les Etats membres de l'UE. A l'art. 5 de la directive 2001/29/CE48, l'UE a énuméré de manière exhaustive un catalogue d'exceptions.

Elle connaît aussi une disposition concernant les oeuvres orphelines. La proposition de la Commission européenne COM(2016) 593 final49 prévoit, à son art. 3 (fouille de textes et de données), une restriction au droit d'auteur pour les reproductions et les extractions effectuées par des organismes de recherche et déclare sans effet toute disposition contractuelle contraire à cette exception.

Dans le domaine de la gestion collective aussi, les amendements proposés à la LDA s'inscrivent dans les développements au niveau de l'UE50. La nouvelle disposition relative à la communication des renseignements par les utilisateurs aux sociétés de gestion au format électronique reflète l'évolution en Europe en matière de traitement électronique. Le projet de révision prévoit en outre la possibilité pour la CAF d'auditionner des témoins. La rationalisation de la procédure d'approbation des tarifs et la concentration de l'appréciation des faits devant la première instance visent à réduire les coûts et les insécurités juridiques. Ces mesures s'inscrivent aussi dans la mouvance européenne vers une plus grande efficacité de la gestion collective.

L'art. 43a P-LDA relatif aux licences collectives étendues fournit aux sociétés de gestion un instrument qui leur permet de réagir de manière plus flexible aux nouveaux besoins découlant du numérique. Les pays
scandinaves ont fait de très bonnes expériences avec les licences collectives étendues. Celles-ci sont déjà mentionnées expressément dans la directive 93/83/CEE51 et dans la directive 2012/28/UE52

45 46 47 48

49 50 51

variety.com > Digital > News > Internet Service Providers, Studios and Record Labels Call It Quits on Copyright Alert System www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/guerric-poncet/rapport-lescure-l-hadopi-est-mortevive-l-hadopi-13-05-2013-1666125_506.php (consulté la dernière fois le 14.7.2017).

CJUE, arrêt du 27 mars 2014 dans l'affaire C-314/12, UPC Telekabel, ECLI:EU:C:2014:192.

Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information (directive sur la société de l'information), JO L 167 du 22.6.2001, p. 10.

Proposition de la Commission européenne COM(2016) 593 final (n. 42).

Voir directive 2014/26/EU, JO L 84 du 20.3.2014, p. 72, et art. 7 de la proposition de la Commission européenne, COM(2016) 593 final (n. 42).

Directive 93/83/CEE du Conseil du 27 septembre 1993 relative à la coordination de certaines règles du droit d'auteur et des droits voisins du droit d'auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble, JO L 248 du 6.10.1993, p. 15

581

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comme moyen possible d'acquérir des droits. La proposition de l'UE du 14 septembre 2016 de directive sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique53 renferme elle aussi une norme sur les licences collectives étendues, mais avec un domaine d'application très restreint, à savoir l'utilisation d'oeuvres épuisées par des institutions du patrimoine culturel. Le domaine d'application du nouvel art. 43a P-LDA va bien au-delà de celui prévu par la proposition de l'UE et offre par conséquent une très grande souplesse dans l'octroi de licences.

La nouvelle protection des droits de la personne qui réalise une photographie dépourvue de caractère individuel s'inspire de la protection des photographies appliquée en Allemagne et en Autriche, le Lichtbildschutz*. Du point de vue de la systématique législative, toutefois, elle est conçue différemment puisque, matériellement, il s'agit d'une extension de la protection du droit d'auteur et non d'un nouveau droit voisin.

La prolongation de la durée de protection des prestations des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes s'inscrit aussi dans une tendance. L'UE a déjà adopté une prolongation correspondante dans le domaine de la musique. Là aussi, la Suisse va plus loin puisque, pour des raisons d'égalité de traitement, elle élargit le champ d'application au domaine audiovisuel.

La Suisse maintient par contre une différence par rapport au droit de l'UE en continuant à considérer le téléchargement d'offres illégales par les internautes comme faisant partie du champ d'application de la restriction au droit d'auteur en faveur de l'usage privé54. L'approche suisse est plus pragmatique puisque les copies confectionnées lors de l'utilisation d'offres illégales à des fins privées sont aussi soumises à la redevance sur les supports vierges.

1.4.2

Traité de Beijing et traité de Marrakech

Depuis les modifications législatives adoptées en 2008, largement inspirées de la directive sur la société de l'information55, le droit suisse est largement harmonisé avec le droit de l'UE dans le domaine du droit d'auteur et des droits voisins. C'est particulièrement vrai pour la protection des artistes interprètes ou exécutants, qui s'applique d'ores et déjà à leurs prestations, qu'elles soient sonores ou audiovisuelles. La protection prévue par le traité de Beijing étant équivalente à celle prévue dans le droit suisse, la ratification de l'instrument international ne pose aucun problème sous l'angle de l'harmonisation entre le droit suisse et le droit européen.

52 53 54 55

582

Directive 2012/28/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 sur certaines utilisations autorisées des oeuvres orphelines, JO L 299 du 27.10.2012, p. 5 Art. 7 de la proposition de la Commission européenne, COM(2016) 593 final (n. 42).

Voir CJUE, arrêt du 10 avril 2014 dans l'affaire C-435/12, ACI Adam, ECLI:EU:C:2014:254.

Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, JO L 167 du 22. 6.2001, p. 10.

FF 2018

Le traité de Marrakech facilite l'accès des personnes ayant des déficiences visuelles aux oeuvres protégées par le droit d'auteur en prévoyant un standard minimum pour ce qui est de limitations et exceptions. Le droit de l'UE ne contient pas de réglementation spécifique à cet effet et laisse aux Etats membres le soin de prévoir des restrictions au droit d'auteur dans certains cas particuliers. La Commission européenne a élaboré une proposition de directive56 visant à mettre en oeuvre les obligations découlant du traité de Marrakech à l'échelle de l'UE. Cette proposition permettrait d'harmoniser en partie le droit de l'UE dans ce domaine et de le rapprocher du droit suisse en vigueur, qui prévoit déjà une restriction en faveur des personnes handicapées (cf. ch. 1.5.2.2).

1.5

Mise en oeuvre

1.5.1

Modernisation du droit d'auteur

Le projet de révision adapte la protection du droit d'auteur aux nouvelles technologies. Concernant la lutte contre le piratage, l'autorégulation est complétée par une obligation légale de stay down faite aux hébergeurs à l'origine d'un risque particulier de violations du droit d'auteur. Cette mesure permet de lutter efficacement contre l'établissement de plateformes de piratage en Suisse. Une base légale est en outre créée pour le traitement des données en vue d'une poursuite pénale des violations du droit d'auteur, ce qui dissipe les incertitudes résultant de l'arrêt «Logistep»57.

Le projet de révision prévoit par ailleurs d'autres mesures ou modifications: une nouvelle protection est conférée aux photographies dépourvues de caractère individuel, le droit à rémunération des auteurs et des artistes-interprètes pour la vidéo à la demande est soumis à la gestion collective, la durée de protection pour les droits voisins est allongée, une restriction en faveur de la science et une restriction en faveur des inventaires sont introduits et la restriction en faveur des oeuvres orphelines est élargie.

Enfin, dans le domaine de la gestion collective, l'obligation des utilisateurs de renseigner les sociétés de gestion est revue; le projet prévoit par ailleurs de donner la possibilité aux sociétés de gestion d'échanger les données et d'octroyer des licences collectives étendues et il propose des mesures destinées à optimiser la procédure d'approbation des tarifs.

56

57

Proposition de la Commission européenne du 14 septembre 2016 pour une directive du Parlement européen et du Conseil relative à certaines utilisations autorisées d'oeuvres et d'autres objets protégés par le droit d'auteur et les droits voisins en faveur des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés et modifiant la directive 2001/29/CE sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, COM(2016) 596 final, et Proposition de la Commission européenne du 14 septembre 2016 de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'échange transfrontière, entre l'Union et des pays tiers, d'exemplaires en format accessible de certaines oeuvres et autres objets protégés par le droit d'auteur et les droits voisins en faveur des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés, COM(2016) 595 final.

Voir note 10.

583

FF 2018

1.5.2

Traités de l'OMPI

1.5.2.1

Traité de Beijing

Le traité de Beijing prévoit la protection des droits moraux des artistes interprètes ou exécutants actifs dans le domaine de l'audiovisuel (art. 5) et leur confère le droit exclusif d'autoriser la radiodiffusion, la communication au public et la fixation de leurs interprétations audiovisuelles ou visuelles non fixées (art. 6). Pour ce qui est de leurs fixations audiovisuelles, ils ont le droit exclusif de reproduction (art. 7), de distribution (art. 8), de location (art. 9), de mise à disposition du public (art. 10), ainsi que celui de radiodiffusion et de communication au public (art. 11)58.

Au niveau national, les droits visés aux art. 5 à 8, 10 et 11 BTAP figurent à l'art. 33, al. 2, let. a à e, LDA. Pour la location d'exemplaires d'oeuvres, la législation suisse prévoit un droit à rémunération soumis à la gestion collective (art. 13 et 38 LDA) et n'accorde pas de droit exclusif lorsque les exemplaires ont été aliénés par l'artiste ou avec son consentement (le droit de mise en circulation étant dans ce cas épuisé conformément à l'art. 12 LDA). Cependant, étant donné que les revenus de la location sont en baisse depuis des années59, l'art. 9, al. 2, BTAP s'applique et dispense la Suisse de l'obligation de prévoir un droit exclusif.

Le traité de Beijing prévoit à son art. 14 une durée de protection minimale de 50 ans pour les interprétations ou exécutions fixées sur phonogramme ou vidéogramme. La loi sur le droit d'auteur fixe cette protection à 50 ans à compter de la publication de la fixation ou, à défaut de publication, à partir de la confection du support. Le projet de révision prévoit désormais une durée de protection de 70 ans (art. 39 P-LDA).

Tant le droit en vigueur que l'allongement proposé de la durée de la protection sont conformes à la durée de protection minimale prévue par le traité de Beijing.

Enfin, le traité de Beijing oblige les Parties contractantes à protéger au niveau national les mesures techniques et les informations sur le régime des droits jointes aux fixations audiovisuelles (art. 15 et 16). Au plan national, ces obligations sont déjà mises en oeuvre aux art. 39a et 39c LDA60. La ratification du traité de Beijing n'appelle donc pas d'adaptations.

1.5.2.2

Traité de Marrakech et acte de transposition

Aux termes du traité de Marrakech, les Parties contractantes sont tenues d'introduire dans leur législation nationale une limitation ou une exception au droit de reproduction, au droit de distribution et au droit de mise à la disposition du public pour mettre plus facilement des oeuvres en format accessible à la disposition des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés (art. 4). Elles ont en outre l'obligation d'autoriser, à certaines conditions, 58 59 60

584

Voir le commentaire à ce sujet sous ch. 2.2.1.

Voir baisse des redevances dues au titre du tarif commun 5 (location d'exemplaires d'oeuvre) depuis 2008.

Pour un commentaire détaillé de ces dispositions, voir le message du 10 mars 2006 concernant l'arrêté fédéral relatif à l'approbation de deux traités de l'OMPI et concernant la modification de la loi sur le droit d'auteur, FF 2006 3263 3297 à 3308 3299.

FF 2018

l'échange transfrontalier d'exemplaires en format accessible (art. 5) et l'importation de tels exemplaires (art. 6).

Le droit en vigueur prévoit déjà, à l'art. 24c LDA, une restriction au droit d'auteur en faveur des personnes handicapées. Cette disposition s'applique, d'une part, à toutes les catégories d'oeuvres et, d'autre part, sans distinction quant au type de handicap faisant obstacle à la perception de l'oeuvre61. La souplesse de la formulation de l'art. 24c permet une interprétation conforme au traité de Marrakech pour ce qui est de la majorité des obligations qu'il impose. Le droit en vigueur n'empêche pas l'exportation d'exemplaires en format accessible réalisés en vertu d'une restriction légale. Une modification législative est toutefois nécessaire pour autoriser l'importation en Suisse d'exemplaires en format accessible depuis une Partie contractante (cf. explications ci-après au ch. 2.3). Les autres obligations imposées par le traité de Marrakech n'appellent pas de modifications législatives.

1.6

Classement d'interventions parlementaires et rapports du Conseil fédéral

Le projet permet de classer toute une série d'interventions parlementaires:

61 62 63 64 65

­

Le postulat 10.3263 Savary62 demande un examen de la situation des artistes. L'introduction de mesures de lutte contre le piratage, la rémunération pour la vidéo à la demande, la durée de protection pour les droits voisins qui passe de 50 à 70 ans et la protection des droits de la personne qui réalise une photographie dépourvue de caractère individuel ont pour objectif d'améliorer les conditions des artistes et prennent par conséquent en compte les préoccupations de la postulante.

­

Les postulats 12.3326 Recordon63 et 12.3173 Glättli64 demandent l'examen d'une adaptation du système en vue d'obtenir un juste équilibre entre les intérêts des artistes et ceux de la communauté Internet. Comme il ressort des ch. 1.2.1 à 1.2.4 du rapport explicatif, une adaptation du système telle que l'envisagent les postulants n'est pas une solution viable65. Les résultats de la consultation confirment l'avis du Conseil fédéral. L'idée d'un changement de système dans ce sens est dès lors abandonnée. Les licences collectives étendues et l'extension de la restriction en faveur des oeuvres orphelines tiennent cependant compte d'intérêts importants des utilisateurs et simplifient les utilisations numériques.

A ces égards, la restriction instaurée par la LDA est plus étendue que celle prévue par le traité de Marrakech.

Postulat 10.3263 Savary. La Suisse a-t-elle besoin d'une loi contre le téléchargement illégal de musique?, du 19.3.2010.

Postulat 12.3326 Recordon. Vers un droit d'auteur équitable et compatible avec la liberté des internautes, du 16.3.2012.

Postulat 12.3173 Glättli. Pour une juste indemnisation des artistes dans le respect de la sphère privée des usagers d'Internet, du 14.3.2012.

www.ipi.ch > Droit et politique > Evolutions nationales > Droit d'auteur > Modernisation du droit d'auteur > Rapport explicatif

585

FF 2018

­

La motion 14.3293 de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national66 charge le Conseil fédéral de soumettre des alternatives au système de la redevance sur les supports vierges. Même si les services de stockage de données sur Internet remplacent de plus en plus les supports de données physiques, il n'y a pas de vide réglementaire en matière de services cloud*. En effet, ces utilisations sont assimilées à un usage à des fins privées soumis au versement d'une rémunération. L'enregistrement de données (notamment d'oeuvres protégées) sur un serveur distant (du fournisseur de services cloud) constitue une utilisation des oeuvres à des fins privées (art. 19, al. 1, let. a,). Les opérateurs de ces services sont assimilables à des tiers au sens de l'art. 19, al. 2, LDA, qui mettent à la disposition de leurs clients, pendant la durée du contrat, une possibilité de faire des copies et de la capacité de mémoire afin d'enregistrer des oeuvres et des prestations protégées. Ils doivent donc verser la rémunération obligatoire visée à l'art. 20, al. 2, LDA. Pour certains services, notamment les enregistreurs numériques virtuels (virtual PersonalVideo Recorder, vPVR), il existe déjà une gestion collective des droits en Suisse avec le tarif commun TC 1267 des sociétés de gestion. Il n'est donc pas nécessaire de changer de système.

­

Le postulat 14.4150 Bieri68 vise l'inscription d'un droit de prêt. Eu égard aux résultats de la consultation, cette requête n'a pas été retenue pour le projet de révision69.

2

Commentaire des dispositions

2.1

Modernisation du droit d'auteur

Art. 2, al. 3bis Les photographies, qu'elles possèdent un caractère individuel ou non, sont des témoignages multiples de notre vie. En tant qu'instantanés de notre quotidien et de l'histoire, elles revêtent une fonction importante dans notre société. Elles peuvent avoir de la valeur, peu importe leur caractère individuel ou non. Or, aujourd'hui, elles ne sont protégées par le droit d'auteur que si elles sont pourvues d'un caractère individuel et donc considérées comme une oeuvre. Par conséquent, une photographie dépourvue de caractère individuel, aussi importante qu'elle puisse être, n'est pas protégée par le droit d'auteur. C'est pourquoi le Tribunal fédéral a par exemple jugé que la photographie de l'ancien agent de sécurité Christoph Meili tenant dans ses mains de vieux documents bancaires n'était pas protégée parce qu'elle ne possédait

66 67 68 69

586

Motion 14.3293 de la Commission de l'économie et des redevances. Redevance sur les supports vierges, du 8.4.2014.

Voir art. 46 et 47 LDA.

Postulat 14.4150 Bieri. Révision de la loi sur le droit d'auteur. Inscription d'un droit de prêt, du 11.12.2014.

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, p. 10; www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2015 > DFJP.

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pas le caractère individuel requis70. Tous les clichés dépourvus de caractère individuel peuvent être utilisés sans l'accord des photographes, ce qui dérange les photographes suisses. Ils réclament dès lors depuis quelque temps déjà l'instauration, en Suisse, d'une protection pour les photographies sans caractère individuel, comme elle existe en Allemagne et en Autriche, par exemple, sous la notion de Lichtbildschutz.

L'insertion proposée à l'art. 2 répond à cette revendication. La notion d'oeuvre est étendue aux photographies et aux images obtenues par un procédé analogue à la photographie qui sont dépourvues de caractère individuel. La disposition ainsi complétée permet de placer sous la protection du droit d'auteur toutes les photographies, peu importe leur caractère individuel ou non et quelle que soit la qualification du photographe (photographe professionnel ou photographe amateur).

Les photographies dépourvues de caractère individuel peuvent être de nature très diverse (clichés de famille ou de vacances ou encore photographies de produits).

Comme pour toutes les autres oeuvres (art. 2, al. 1, LDA), la valeur esthétique ou la finalité de la photographie est sans importance pour la protection. Il n'est fait aucune distinction entre photographies importantes et photographies insignifiantes. Il faut toutefois que les photographies montrent des objets tridimensionnels. Une photocopie ou un autre type de reproduction de textes, plans, représentations graphiques, autres photographies et documents bidimensionnels ne sont pas protégés. La nouvelle disposition ne protège que les photographies d'objets tridimensionnels réels.

Les productions obtenues par un procédé analogue à la photographie sont également protégées. Cet élargissement de la notion de photographie permet d'inclure les clichés obtenus grâce à des techniques d'imagerie de transmission (par ex. infrarouge ou rayons X) ainsi que les microcopies, macrocopies et reproductions de négatifs71. La protection peut aussi s'appliquer à des images individuelles tirées d'oeuvres audiovisuelles ou des arts visuels (par ex. des photos de plateau). Une succession de photographies individuelles qui donne l'impression d'une image en mouvement est protégée à titre d'oeuvre en vertu de l'art. 2, al. 2, let. g, LDA, si elle est pourvue de caractère individuel.
Les photographies sans caractère individuel doivent être des créations de l'esprit de nature littéraire ou artistique. On parle de création de l'esprit lorsqu'elle est le fait d'un être humain. Par conséquent, l'auteur d'une photographie dépourvue de caractère individuel au sens de la disposition commentée doit nécessairement être une personne. Cette définition exclut donc de la protection les clichés obtenus par des procédés de photographie automatique comme les photos de radars, de caméras de surveillance ou de pièges de caméra.

Les photographes qui réalisent des photographies dépourvues de caractère individuel ont les mêmes droits à rémunération et droits moraux que les autres auteurs. Ils peuvent dès lors exiger notamment d'être mentionnés et décider également où, quand et de quelle manière leurs clichés peuvent être utilisés (art. 9 et 10 LDA). Il y a toutefois une différence en ce qui concerne la durée de protection de leurs oeuvres, 70 71

ATF 130 III 714 Schulze, Gernot, in: Dreier / Schulze, UrhG, Urheberrechtsgesetz Urheberrechtswahrnehmungsgesetz Kunsturhebergesetz, Kommentar, 3e édition, Munich 2008, § 72 n. 6.

587

FF 2018

laquelle est limitée à 50 ans à compter de leur production (art. 29, al. 2, let. abis, P-LDA).

En relation avec l'art. 80, al. 1, LDA, l'extension de la protection aux photographies dépourvues de caractère individuel signifie que les photographies réalisées avant l'entrée en vigueur de la présente révision partielle seront protégées également. En vertu de ce principe du droit transitoire inscrit dans la loi en 1992, les dispositions modifiées de la LDA s'appliquent aussi aux objets créés avant leur entrée en vigueur à condition qu'ils ne soient pas tombés dans le domaine public. En vertu de ce même principe, la protection élargie des prestations des artistes interprètes (art. 33, al. 1, LDA) introduite à la faveur de la révision partielle de 2007 s'est appliquée rétroactivement aux expressions du folklore ayant existé avant l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation. C'est pourquoi la disposition modifiée régissant la protection des photographies dépourvue de caractère individuel s'appliquera aussi aux productions photographiques et à celles obtenues par un procédé analogue à la photographie d'objets tridimensionnels réalisées avant l'entrée en vigueur de la présente révision partielle, sous réserve que ces productions photographiques ne fassent pas partie du domaine public.

Comme ces photographies se trouvent souvent dans des livres, des articles de revues, des prospectus ou dans d'autres types de publications ou qu'elles sont utilisées sur des sites Internet ou dans des expositions, la protection rétroactive est susceptible de poser des problèmes. C'est pourquoi, en vertu de l'art. 80, al. 2, l'application du nouveau droit se limite aux utilisations entreprises après son entrée en vigueur.

Autrement dit, le nouveau droit n'est pas applicable aux utilisations achevées qui étaient licites sous l'ancien droit et qui seraient considérées comme violation du droit d'auteur sous le nouveau droit72. Si, par exemple, une image-symbole (dépourvue de caractère individuel) a été utilisée par le passé dans un article de presse ou un livre, il n'est pas nécessaire d'obtenir par après une autorisation pour cette utilisation passée. En vertu de l'art. 2, al. 3bis, P-LDA, la photo montrant Christoph Meili (une photo dépourvue de caractère individuel)73 sera protégée contre toute utilisation illicite. Mais
la photographe ne peut pas faire valoir rétroactivement des droits sur ce cliché, même s'il a été utilisé à l'époque dans une émission de la British Broadcasting Corporation. Si la même photo est utilisée après l'entrée en vigueur de la présente révision de la LDA, l'accord de la photographe (ou du titulaire des droits) devra être obtenu aussi longtemps que la photo est protégée.

L'art. 80, al. 2, LDA spécifie en outre que les utilisations entreprises avant l'entrée en vigueur du nouveau droit et qui étaient licites sans l'accord du titulaire des droits peuvent être achevées74. Appliquée à la mise à disposition de photographies dépourvues de caractère individuel, cette disposition signifie que leur utilisation est toujours permise à condition qu'elle ait été entreprise sous l'ancien droit. Mais toute 72 73 74

588

ATF 126 II 382 Conformément à l'ATF 130 III 714 Voir message du 19 juin 1989 concernant une loi fédérale sur le droit d'auteur et les droits voisins (loi sur le droit d'auteur, LDA), une loi fédérale sur la protection des topographies de circuits intégrés (loi sur les topographies, LTo) ainsi qu'un arrêté fédéral concernant diverses conventions internationales dans le domaine du droit d'auteur et des droits voisins, FF 1989 III 465 554.

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nouvelle utilisation faite sans l'accord du titulaire est interdite sous réserve des utilisations autorisées par la loi. Si, par exemple, des livres de photos ont été imprimés avant l'entrée en vigueur de la disposition révisée et qu'ils contiennent des clichés dépourvus de caractère individuel, ils peuvent continuer d'être vendus après l'entrée en vigueur. Il en va de même pour les états de fait en relation avec Internet, et ce en raison de la formulation neutre du point de vue technologique qui caractérise la LDA. Lorsque des photographies sans caractère individuel sont utilisées sur un site web, ce dernier peut être maintenu après l'entrée en vigueur de la nouvelle disposition. Mais si des photographies sans caractère individuel sont utilisées à des fins d'illustration d'un site Internet (ancien ou nouveau) après l'entrée en vigueur de la présente révision de la LDA, il faut obtenir le consentement des titulaires des droits. Dans l'intérêt de la sécurité juridique, cette disposition clarifie donc que pour utiliser des photographies sans caractère individuel après l'entrée en vigueur du nouveau droit, il est nécessaire d'obtenir l'accord du détenteur des droits.

Art. 13a

Mise à disposition d'oeuvres audiovisuelles

Les auteurs d'oeuvres audiovisuelles (scénaristes, réalisateurs, etc.) conviennent de leurs honoraires dans le contrat passé avec le producteur. Ils cèdent par ce même contrat tous leurs droits à rémunération, notamment leurs droits exclusifs pour la mise à disposition en ligne (vidéo à la demande, VoD), appelés aussi droits en ligne.

Selon la pratique actuelle, la part des produits issus de la gestion de ces droits qui leur revient n'est pas perçue par les producteurs, mais par les sociétés de gestion.

L'art. 13a inscrit cette pratique dans la loi.

Les auteurs ont droit à une rémunération pour l'utilisation de leurs oeuvres audiovisuelles via des plateformes en ligne. Les tarifs qui définiront le montant de la rémunération pour ces utilisations tiendront compte soit des recettes issues des abonnements, soit des recettes publicitaires encaissées par ces plateformes. Les tarifs étant soumis au contrôle de l'équité, les auteurs ont l'assurance de se voir verser à l'avenir une rémunération équitable pour l'utilisation de leurs oeuvres en ligne. Les producteurs continueront de détenir tous les droits nécessaires pour négocier avec les différentes plateformes. Qui sont principalement les auteurs d'oeuvres audiovisuelles? Ce sont les réalisateurs, parfois aussi les directeurs de la photographie, les chefs décorateurs ou monteurs ou encore les directeurs artistiques. L'utilisation d'une musique existante dans un film ne consacre pas un droit de coauteur en droit suisse (art. 7 LDA). La nouvelle réglementation ne s'applique dès lors qu'aux auteurs de musiques de film originales s'ils sont coauteurs de l'oeuvre audiovisuelle.

Lorsque, pour les besoins d'un film, une musique originale est créée dans le cadre de la réalisation, les compositeurs peuvent être coauteurs. Généralement, ils cèdent leurs droits à la société de production et peuvent faire valoir un droit à rémunération selon la nouvelle disposition.

L'al. 2 prévoit une série d'exceptions au droit à rémunération pour la vidéo à la demande. En vertu de l'al. 2, let. a, aucune rémunération n'est due si l'auteur gère lui-même son droit exclusif. La finalité du droit à rémunération pour l'utilisation des droits en ligne est de permettre une gestion collective de ces droits, même lorsque le droit exclusif a été cédé au producteur. Lorsque l'auteur gère lui-même ses droits, la situation est différente. Le droit à rémunération ne doit pas profiter aux auteurs qui 589

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gèrent eux-mêmes leurs droits sur des plateformes comme YouTube. Cette disposition est analogue à l'art. 40, al. 3, LDA, lequel règle cette question dans le domaine de la musique. L'al. 2, let. b, exclut du droit à rémunération toute une série de catégories d'oeuvres qui ne sont pas pertinentes pour le modèle d'affaires VoD ou pour lesquelles ce droit à rémunération ne fait pas sens. Outre les oeuvres audiovisuelles du domaine de la communication économique, il s'agit surtout d'oeuvres de service ou de commande d'organismes de télédiffusion et d'autres sociétés de médias: par exemple des reportages d'actualités, des programmes de formation ou des magazines, mais aussi des émissions de divertissement comme les quiz, les jeux télévisés, les émissions de téléréalité, qui sont produits par ces entreprises ou pour leur compte et à leurs frais. Pour des oeuvres comme les portraits d'entreprises, les films industriels, les films publicitaires ou promotionnels, les utilisations dans le cadre de services VoD ne sont pas pertinentes. Un film publicitaire est un film court dont le but est de vendre un produit (par ex. un spot publicitaire). La disposition ne doit pas s'appliquer à ces formats. En règle générale, ces productions ne sont pas non plus mises à disposition sur des plateformes payantes en vue d'être téléchargées. Les jeux vidéo sont généralement créés par l'employé dans le cadre d'une relation de travail, autrement dit dans l'exercice de son activité au service de l'employeur ou conformément à ses obligations contractuelles. En vertu de l'art. 17 LDA, l'employeur est, dans ces cas, seul autorisé à exercer les droits exclusifs d'utilisation. Les auteurs d'oeuvres dites de service des organismes de diffusion et d'autres oeuvres journalistiques se trouvent également dans un rapport de travail. La rémunération pour les utilisations subséquentes dans le cadre de services VoD est réglée dans leur contrat de travail. Pour les oeuvres de commande d'organismes de diffusion, comme les émissions de téléréalité ou les jeux télévisés, et d'autres oeuvres de commande journalistiques, les employeurs sont aussi bien les producteurs que les exploitants des plateformes de vidéo à la demande; la réglementation prévue par l'art. 13a ne fait pas sens dans ces cas. L'al. 2, let. b, ch. 2 et 3, empêche le cumul de droits
à rémunération. Les auteurs n'ont ainsi pas droit à une rémunération au titre de l'art. 13a s'ils perçoivent déjà une rémunération pour la mise à disposition sur la base d'une autre disposition. Concrètement, on pense à l'utilisation de productions d'archives des organismes de diffusion (art. 22a LDA) ou d'oeuvres orphelines (art. 22b P-LDA).

L'al. 3 complète l'al. 2. Il garantit que la loi ne donne pas lieu, dans la pratique, à des doubles rémunérations. Comme les droits à rémunération sont aujourd'hui déjà exercés par les sociétés de gestion, un renchérissement pour les consommateurs est peu probable. Le montant de la rémunération doit être négocié avec les associations d'utilisateurs concernées, puis être approuvé par la CAF dans le cadre du contrôle de l'équité. Comme les plateformes connaîtront les montants à verser aux auteurs, elles pourront en tenir compte dans les négociations avec les producteurs dont les productions tombent sous le coup de cette réglementation.

L'al. 4 évite que le droit à rémunération donne lieu à des doubles rémunérations dans un contexte international. L'auteur d'une oeuvre audiovisuelle ne peut prétendre à une rémunération que si la branche à l'étranger connaît la même pratique. Bien que l'existence d'une réglementation légale ne soit pas requise, il faut toutefois que les droits à rémunération des auteurs pour l'utilisation d'une oeuvre audiovisuelle à la création de laquelle ils ont participé soient soumis à la gestion collective. C'est 590

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actuellement le cas dans les pays suivants: Argentine, Belgique, Bulgarie, Canada francophone, Espagne, France, Italie, Luxembourg, Monaco, Pologne.

Art. 22b

Utilisation d'oeuvres orphelines

La disposition crée le cadre légal nécessaire pour permettre l'utilisation d'oeuvres dites orphelines. Selon certaines estimations, jusqu'à 90 % (selon la catégorie d'ouvrages concernés) des oeuvres disponibles dans les musées et les archives sont orphelines75. Aujourd'hui, il n'est pas possible d'utiliser ces oeuvres licitement parce que l'accord des titulaires des droits ne peut pas être obtenu. Le droit en vigueur prévoit certes, à l'art. 22b, une réglementation pour l'utilisation d'oeuvres orphelines, mais celle-ci n'est applicable qu'aux oeuvres sur phonogrammes et vidéogrammes. Or le problème des oeuvres orphelines concerne toutes les catégories d'oeuvres. C'est pourquoi le projet de révision prévoit un élargissement du champ d'application de l'art. 22b.

Dans la pratique, ce sont surtout les photographies provenant de fonds de personnalités importantes ou de collectionneurs et qui sont stockées dans des archives accessibles au public qui posent problème. Alors que la personnalité photographiée est connue dans de nombreux cas, il n'est souvent pas possible de déterminer l'identité du photographe. Comme l'accord de l'auteur ne peut pas être obtenu, il est impossible d'utiliser ces photographies malgré le grand intérêt du public. La nouvelle réglementation vise à rendre ces utilisations possibles.

Aux termes de l'al. 1, une oeuvre est réputée orpheline aussi longtemps que le titulaire des droits sur l'oeuvre est inconnu ou introuvable. Les critères retenus qui permettent de qualifier une oeuvre d'orpheline s'appliquent à toute oeuvre au sens de la LDA.

Aux termes de l'al. 1, l'utilisateur doit effectuer une recherche au prix d'un effort raisonnable. Il s'est acquitté de ce devoir lorsqu'il a consulté les bases de données déterminantes pour la catégorie d'oeuvres à laquelle appartient l'oeuvre dont il envisage l'utilisation et que le titulaire des droits demeure inconnu ou introuvable. Il incombe à l'utilisateur de prouver que la recherche a été faite au prix d'un effort raisonnable et qu'elle n'a pas abouti (art. 8 du code civil76). Comme les moyens d'effectuer ces recherches sont en constante évolution, il n'est pas possible de prescrire par la voie légale quels inventaires doivent être consultés. Ils seront vraisemblablement spécifiés dans les tarifs applicables des sociétés de gestion
(art. 46 et 47 LDA) ou dans les notices qui s'y rapportent. Voici ce que devrait comporter une recherche de nos jours: pour les oeuvres monographiques, les principaux catalogues des ouvrages livrables des libraires et éditeurs, les catalogues des bibliothèques nationales, le registre ISBN complet et l'annuaire téléphonique électronique; pour les oeuvres des arts visuels, les photographies ou les illustrations, le répertoire des artistes de la société de gestion allemande Verwertungsgesellschaft Bild Kunst, les bases de données de Keystone, Sikart, Foto.ch et les annuaires téléphoniques électroniques.

75 76

Pour plus de détails voir le ch. 3.3.3.3 et notamment la n. 134.

RS 210

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En vertu de l'al. 2, les droits d'utilisation visés à l'art. 10, al. 2, LDA sont soumis à la gestion collective, à l'exception du droit à la reconnaissance de la qualité d'auteur (art. 9 LDA) et du droit d'adaptation (art. 11 LDA). Autrement dit, il est interdit de modifier une oeuvre ou de créer une oeuvre dérivée sans l'accord des titulaires des droits. Pour ce qui est des droits visés à l'art. 10 LDA, la loi autorise les sociétés de gestion à gérer collectivement les droits sur les oeuvres orphelines jusqu'à l'échéance du droit d'auteur ou jusqu'à ce que les ayants droit réels soient connus et qu'ils puissent à nouveau être contactés. La réapparition du titulaire des droits met un terme à l'habilitation légale des sociétés de gestion et l'oeuvre orpheline perd son statut particulier.

La perte du statut d'oeuvre orpheline a des conséquences uniquement sur les faits futurs. Les utilisations déjà autorisées par la société de gestion compétente ne sont pas remises en cause, et les titulaires des droits se voient verser la rémunération perçue. Toute utilisation autorisée peut également être menée à terme. Lorsqu'une personne a par exemple obtenu l'autorisation d'imprimer une édition d'un livre, cette édition peut être vendue même si l'oeuvre n'est plus réputée orpheline. Par contre, si une deuxième édition est envisagée, il faudra négocier directement avec le titulaire des droits et non plus avec la société de gestion.

Les let. a et b précisent les conditions d'utilisation d'une oeuvre orpheline. En vertu de la let. a, l'exemplaire de l'oeuvre destiné à être utilisé doit se trouver dans les fonds d'une bibliothèque, d'un établissement d'enseignement, d'un musée, d'une collection ou d'archives qui sont en mains publiques ou accessibles au public ou dans un fonds d'archives d'un organisme de diffusion. Cette disposition couvre ainsi les collections accessibles au public des institutions dépositaires de la mémoire, mais aussi les exemplaires d'oeuvres qui se trouvent dans les collections d'institutions dépositaires de la mémoire ou dans les archives d'organismes de diffusion qui ne sont pas directement accessibles au public.

L'al. 3 prévoit une fiction juridique: celle que l'oeuvre orpheline est réputée divulguée. Le droit de décider de la première publication de l'oeuvre (art. 9, al. 2, LDA) est un
droit moral de l'auteur. Il est généralement exercé en même temps qu'un droit d'utilisation visé à l'art. 10 LDA, par exemple lorsqu'un livre est édité ou une pièce de musique exécutée. Dans les fonds des institutions dépositaires de la mémoire susmentionnées (al. 1, let. a) se trouvent également des exemplaires d'oeuvres orphelines dont on ne sait pas d'où ils viennent ni qui les a remis à l'institution. Dans de nombreux cas (lettres, extraits de journaux intimes, photographies de la sphère privée, brouillons et ébauches), on ne peut pas dire avec certitude si l'oeuvre a déjà été divulguée une fois ou non, et il n'est guère possible de tirer cette question au clair par la suite. Supposer que les oeuvres orphelines se trouvant dans les institutions dépositaires de la mémoire sont réputées divulguées permet de résoudre ces problèmes. Une oeuvre est réputée divulguée dès lors que son statut d'oeuvre orpheline au sens de l'al. 1 a été constaté. Cette fiction juridique est irréfutable et irréversible. Autrement dit, une oeuvre est réputée divulguée même si le titulaire des droits finit par être connu ou par être retrouvé, ce qui fait perdre son statut particulier à l'oeuvre orpheline.

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L'al. 3 s'applique également à d'autres oeuvres ou parties d'oeuvres incluses dans une oeuvre orpheline au sens de l'al. 1 et soumet leur utilisation aux mêmes conditions que celles qui régissent l'utilisation de l'oeuvre orpheline. Cette réglementation s'inspire de la disposition en vigueur réglant l'utilisation des productions d'archives des organismes de diffusion (art. 22a, al. 2, LDA). Les oeuvres incluses ne doivent toutefois pas déterminer de façon substantielle le caractère spécifique de l'oeuvre orpheline. Si l'on souhaite par exemple utiliser un livre de photographies et que le titulaire des droits est inconnu ou introuvable, mais que les ayants droit de certaines photographies contenues dans le livre sont connus, l'al. 1 ne peut pas s'appliquer à l'oeuvre dans son intégralité parce que son caractère spécifique est déterminé par toutes les photographies qu'elle contient. Si, en revanche, un recueil de poésie dont le titulaire est inconnu ou introuvable est illustré avec des photographies, leur utilisation est autorisée, car elles ne déterminent pas le caractère spécifique du recueil.

L'al. 4 précise que le titulaire des droits peut prétendre à une rémunération pour l'utilisation de son oeuvre dans le passé. Le montant de la rémunération ne peut dépasser la rémunération prévue dans le règlement de répartition applicable. Cette disposition évite que les auteurs inconnus ou introuvables puissent prétendre à une rémunération plus élevée que les ayants droit connus ou joignables en personne.

La nouvelle réglementation ne vise pas à garantir une rémunération complète pour l'utilisation d'une oeuvre orpheline indépendamment de sa durée de protection. Elle ne signifie pas non plus que l'utilisation d'oeuvres tombées dans le domaine public sera payante à l'avenir. Il faut plutôt considérer cette rémunération comme une espèce de prime d'assurance destinée à couvrir le risque, pour les utilisateurs, d'utiliser une oeuvre orpheline. En effet, si le titulaire des droits est identifié après l'utilisation de l'oeuvre orpheline, la société de gestion peut l'indemniser pour des utilisations passées. Le titulaire ne peut pas faire valoir une prétention à une rémunération à l'égard des utilisateurs qui ont agi avec l'autorisation de la société de gestion. Les utilisateurs sont libres de décider s'ils
souhaitent «s'assurer» contre ce risque ou non. Si, d'emblée, il est évident qu'une oeuvre fait partie du domaine public, par exemple une oeuvre datant du moyen âge, une autorisation au sens de l'art. 22b P-LDA est inutile. Mais cette disposition apporte de la sécurité juridique dans les cas peu clairs. Les tarifs devront tenir compte de cet aspect. Lorsque la probabilité de voir un titulaire s'annoncer est faible, il convient de fixer une «prime de risque» basse. Le but n'est pas de constituer des réserves, mais de garantir aux titulaires des droits directement concernés les indemnités auxquels ils ont droit. Ce principe devra également sous-tendre les règlements de répartition.

L'al. 5 prévoit l'application des dispositions régissant les licences collectives étendues (art. 43a P-LDA) lorsqu'un grand nombre d'oeuvres est utilisé. Lorsqu'une bibliothèque souhaite par exemple numériser sa vaste collection d'affiches, elle peut demander à la société de gestion compétente l'octroi d'une licence collective étendue sur la base de l'art. 43a P-LDA. Elle n'a ainsi plus besoin de faire des recherches pour chaque oeuvre, car la licence collective étendue englobe aussi bien les oeuvres d'auteurs connus que les oeuvres orphelines. Cet alinéa constitue en quelque sorte une exception aux restrictions au droit d'auteur inscrites aux al. 1 à 4. Dans le cas de figure prévu par cette disposition, autrement dit lorsqu'il y a des oeuvres orphelines en grand nombre, leur utilisation est possible sans recherches préalables 593

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dans la mesure où la société de gestion assure, par la licence collective étendue, le risque que représente l'absence d'accord des titulaires des droits inconnus.

L'application de l'actuel art. 22b a montré que c'est le seul moyen de garantir la sécurité juridique lors de l'utilisation de tels fonds.

L'al. 6 règle l'affectation du produit de la gestion par la société de gestion compétente pour le cas où aucun titulaire ne s'annonce dans les dix ans après l'octroi de l'autorisation. Pour éviter l'accumulation inutile de réserves, la loi prévoit qu'une fois ce délai écoulé, les provisions peuvent être dissoutes et affectées dans leur intégralité à des fins de prévoyance sociale et d'encouragement des activités culturelles. Cet alinéa constitue donc une lex specialis par rapport à l'art. 48, al. 2, LDA qui régit l'affectation d'une part limitée du produit de la gestion à des fins de prévoyance sociale et d'encouragement d'activités culturelles à condition que l'organe suprême de la société de gestion y consente.

Art. 24, al. 1bis La nouvelle teneur de l'al. 1bis tient compte des adaptations des art. 22b et 24e P-LDA. Les trois articles couvrent ainsi les institutions accessibles au public et celles en mains publiques. Le terme «public» se réfère aussi bien aux collections accessibles au public (par ex. bibliothèques, musées, collections privées) qu'aux institutions en mains publiques qui, bien qu'elles remplissent un service public, ne doivent pas obligatoirement être accessibles au public (par ex. Collection d'art de la Confédération, archives littéraires, archives d'Etat).

Art. 24d

Utilisation d'oeuvres à des fins de recherche scientifique

La numérisation a pour effet de rendre aujourd'hui les informations (textes, sons, images et autres données) disponibles en grandes quantités sous une forme électronique. Ces informations sont analysées de plus en plus souvent de manière automatique, la technique utilisée étant la fouille de textes et de données (text and data mining). Il s'agit d'une méthode scientifique qui a recourt à des procédés analytiques utilisant des algorithmes dans le but d'explorer des données volumineuses peu ou pas structurées et de trouver des motifs, par exemple, pour développer de nouvelles thèses scientifiques ou vérifier des thèses existantes. Le text and data mining est surtout utilisé dans la recherche. Il implique généralement la confection de copies des oeuvres utilisées: le format des exemplaires des oeuvres est modifié et les copies des informations qui doivent être analysées sont enregistrées sur un serveur distinct.

L'application, dans ces cas, du droit de reproduction prévu par la loi sur le droit d'auteur a conduit à des insécurités. Ces enregistrements peuvent-ils être qualifiés de provisoires au sens de l'art. 24a LDA et une restriction au droit d'auteur est-elle nécessaire? Eu égard à la grande importance de la recherche en Suisse, ces insécurités doivent être éliminées par l'inscription d'une réglementation claire dans la loi.

La nouvelle restriction en faveur de la science autorise la confection de copies pour la recherche scientifique à certaines conditions. Les copies peuvent ensuite être conservées à des fins d'archivage et de sauvegarde. Ces utilisations autorisées par la LDA ne donnent pas droit à une rémunération.

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Sur le plan international77 et dans l'UE78, l'inscription de dispositions analogues a été discutée ou proposée. Il ne semble toutefois pas judicieux d'attendre les développements à ces niveaux. L'instauration rapide de cette restriction en faveur de la science est susceptible de conférer un avantage essentiel au pôle de recherche suisse et de contribuer à son développement.

L'al. 1 tient compte des besoins des activités de la recherche scientifique actuelle. Il prévoit d'exclure de la protection du droit d'auteur tous les actes de reproduction techniquement nécessaires d'oeuvres auxquelles il est possible d'accéder licitement.

La disposition est formulée de manière ouverte pour rester applicable à des technologies futures comparables. Par recherche scientifique, on entend la recherche systématique, fondamentale ou appliquée, de nouvelles connaissances dans une discipline scientifique et dans un cadre interdisciplinaire. On peut imaginer qu'un projet de recherche vise aussi la réalisation d'autres objectifs. Pour que la restriction en faveur de la science s'applique, il faut toutefois que la recherche scientifique constitue la finalité principale des travaux.

La confection de reproductions doit répondre à une nécessité technique en vue de l'activité de recherche. Il faut donc que la copie soit confectionnée par l'application d'un procédé technique lié à la recherche ou qu'elle soit fabriquée en vue de l'application d'un tel procédé. Les copies confectionnées pour la fouille de textes et de données, par exemple, font partie du champ d'application de la restriction en faveur de la science. Comme ce procédé technique implique également des actes de reproduction qui, de toute évidence, ne tombent pas sous la portée de l'art. 24a (reproductions provisoires) parce que les fichiers créés doivent être enregistrés à long terme pour des raisons scientifiques, la restriction s'applique non seulement aux reproductions provisoires mais aussi aux copies permanentes. Il est tenu compte ainsi du fait qu'il n'est en général pas possible de savoir au préalable dans quelle partie d'une oeuvre se trouvent les informations essentielles pour la recherche. La disposition n'est pas applicable aux reproductions servant uniquement à éviter les coûts supplémentaires occasionnés par l'acquisition d'autres exemplaires d'oeuvres.
La portée de cette restriction au droit d'auteur ne s'étend pas à l'utilisation des oeuvres en amont des recherches. Seules les oeuvres accessibles licitement peuvent être reproduites à des fins de fouille de textes et de données. La restriction en faveur de la science se limite aux copies nécessaires pour la recherche. Les chercheurs doivent souvent trier et convertir les données stockées avant de procéder à l'analyse proprement dite. Ces actes ne sont toutefois pas considérés comme une adaptation au sens de l'art. 11 LDA. Mais toute exploitation des résultats de recherche obtenus par l'application de la restriction en faveur de la science qui va au-delà de la fouille de textes et de données n'est pas autorisée; elle est soumise aux règles du droit d'auteur. Autrement dit, il est nécessaire d'obtenir le droit de l'auteur si l'exploitation de ces résultats de recherche constitue une adaptation de l'oeuvre originale.

77

78

OMPI, Document de travail provisoire en vue de l'élaboration d'un instrument juridique international approprié (quelle qu'en soit la forme) sur les exceptions et les limitations en faveur des établissements d'enseignement et de recherche et des personnes ayant d'autres handicaps contenant des observations et des propositions de dispositions, SCCR/26/4 PROV., p. 34.

Voir les explications données au ch. 1.4.1.

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La disposition s'applique exclusivement à la recherche scientifique et ne couvre que le droit de reproduction. La restriction n'est ainsi applicable qu'à certains cas spéciaux. Elle complète d'autres restrictions au droit d'auteur que les scientifiques peuvent également faire valoir comme le droit de citation (art. 25 LDA) ou celui de pouvoir utiliser des exemplaires d'oeuvres à des fins d'information interne ou de documentation (art. 19, al. 1, let. c, LDA), lequel permet par exemple la distribution de copies au sein d'un groupe de chercheurs. Elle ne couvre toutefois pas en particulier la mise à disposition et la publication des oeuvres utilisées.

A l'instar de la proposition de directive de la Commission européenne sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique (art. 3)79, l'art. 24d ne fait aucune distinction entre recherche à but commercial et celle à but non commercial. Comme les activités de recherche ne poursuivent souvent pas un but unique et qu'il existe différentes formes de financement, cette distinction constituerait en effet un critère peu praticable. Un projet de recherche d'une haute école financé par l'Etat livrant un résultat commercialement exploitable doit-il être considéré comme de la recherche à but commercial ou non commercial? Et qu'en est-il d'un projet de recherche d'une organisation à but non lucratif financé par une entreprise privée? La finalité de l'art. 24d est d'autoriser la confection de copies d'une oeuvre à des fins scientifiques indépendamment de la question de savoir quel organisme fait la recherche et quel organisme la finance.

L'al. 2 prévoit le droit de pouvoir conserver à des fins d'archivage et de sauvegarde les reproductions confectionnées en vertu de l'al. 1 une fois l'évaluation scientifique terminée. Cet archivage est indispensable pour assurer la vérifiabilité des résultats et de la méthode de recherche. Ce droit ne couvre toutefois pas d'autres utilisations des copies par les chercheurs.

En vertu de l'al. 3, la restriction au droit d'auteur inscrite à cet article ne s'applique pas aux logiciels, lesquels sont régis par l'art. 21 LDA. Il convient en effet de laisser les auteurs décider de l'utilisation de leurs programmes afin d'encourager le développement d'autres logiciels et les investissements correspondants.

Il faut clairement délimiter
les utilisations autorisées en vertu de l'art. 24d de celles admises au titre de l'usage à des fins privées en vertu des art. 19 et 20 LDA. La nouvelle restriction en faveur de la science ne modifie notamment en rien les règles actuelles autorisant la confection de copies et la rémunération correspondante. Elle s'applique uniquement à la confection de copies destinées par exemple à l'analyse de données à des fins de recherche scientifique, ce qui n'englobe pas l'enseignement ni d'autres activités scientifiques. Pour l'utilisation d'oeuvres dans l'enseignement, la LDA prévoit une restriction spécifique à son art. 19, al. 1, let. b. La restriction inscrite à l'art. 24d ne change rien non plus à la restriction en faveur des utilisations autorisées à des fins privées inscrite à l'art. 19, al. 1, let. c, LDA, qui autorise la confection de copies au sein des entreprises à des fins d'information interne ou de documentation.

79

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Voir n. 42.

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Art. 24e

Inventaires

La restriction en faveur des inventaires proposée à l'art. 24e s'inspire de celle en faveur des archives inscrite dans la LDA en 2008 déjà pour l'adapter à l'ère du numérique (art. 24, al. 1bis). Dans un souci de compléter cette disposition, le projet de révision prévoit d'autoriser la reproduction d'extraits d'oeuvres et d'exemplaires d'oeuvres dans des inventaires dans des cas strictement définis, pour autant que cette reproduction vise à mettre en valeur et à faire connaître les fonds. Cette nouvelle disposition prend en considération le fonctionnement habituel des institutions dépositaires de la mémoire et exempte ces dernières de verser une rémunération. Elle s'avère nécessaire dans l'intérêt d'une meilleure accessibilité du public au savoir et à la culture. Ce n'est que grâce à l'optimisation des inventaires numériques que de nombreux produits scientifiques et culturels pourront bénéficier de l'attention nécessaire d'utilisateurs potentiels. Parce qu'elle multiplie les possibilités d'utilisation des oeuvres, cette restriction sert tant les intérêts des auteurs que ceux des utilisateurs.

Les conditions énoncées à l'al. 1 et les précisions apportées à l'al. 2 rendent toutefois impossible une véritable jouissance des oeuvres; en effet, il faut éviter de compromettre leur exploitation normale (par ex. commerce de livres, de tableaux et de films). Il est tenu ainsi compte de l'art. 9, ch. 2, de la Convention du 14 juillet 1967 pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques (convention de Berne)80.

Il importe de trouver un équilibre entre protection des intérêts économiques des ayants droit, protection des auteurs contre l'altération de leurs oeuvres et intérêt public à l'information. Si le format, la résolution, la durée et d'autres paramètres déterminants pour la reproduction des oeuvres doivent être réduits de telle sorte à empêcher une réutilisation commerciale des oeuvres issues des inventaires, ils doivent être tout de même être suffisamment marqués pour permettre à ces derniers de remplir leur but d'information et aux oeuvres reproduites d'être reconnaissables.

Le terme «inventaire» doit être compris au sens large et neutre du point de vue technologique. Il comprend toute forme actuelle ou future d'inventaires publics, qu'ils soient numériques ou analogiques, en ligne ou
hors-ligne. Les «catalogues en ligne» désignés d'inventaires au sens classique tombent également sous ce terme. La forme des oeuvres reproduites ne joue aucun rôle non plus: peuvent dès lors être reproduites les oeuvres analogiques ou numériques, mais aussi les oeuvres purement numériques. Le terme «public» se réfère, dans le premier cas, aux collections accessibles au public (par ex. bibliothèques, musées, collections privées) et, dans le deuxième cas, aux institutions qui sont en mains publiques et qui ne doivent donc pas obligatoirement être accessibles au public (par ex. Collection d'art de la Confédération, archives littéraires, archives d'Etat).

L'al. 2 précise dans une liste non exhaustive ce qu'il faut entendre par «courts extraits» pour certaines catégories d'oeuvres. Pour les oeuvres des beaux-arts, les oeuvres photographiques et autres oeuvres des arts visuels visées à l'al. 2, let. c, les inventaires peuvent montrer un aperçu global de l'oeuvre sous la forme d'une image de petit format à faible résolution. Il en va de même pour la couverture des oeuvres recourant à la langue, ainsi que pour les oeuvres musicales, cinématographiques ou audiovisuelles. Il n'est pas possible d'arrêter des critères fixes concernant la résolu80

RS 0.231.15

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tion et le format. Ce qui importe, c'est que l'oeuvre montrée puisse encore être reconnue pour que la visée informative soit atteinte sans que les exploitations commerciales ultérieures soient comprises.

Pour les oeuvres recourant à la langue visées à l'al. 2, let. a, il n'est pas permis de reproduite de larges parties du texte, car cela dépasserait le simple but d'information. C'est pourquoi seules certaines parties de l'oeuvre qui remplissent ce but d'information, à savoir le titre, le frontispice, la table des matières, la bibliographie, les pages de couverture et les résumés des oeuvres scientifiques disponibles, peuvent être montrées en plus de la couverture.

Conformément à l'al. 2, let. b, les reproductions d'extraits d'oeuvres cinématographiques, musicales ou audiovisuelles sont aussi admises. Dans la mesure où le titulaire des droits (par ex. l'auteur lui-même ou les sociétés de production et les maisons d'édition) ont déjà mis des extraits d'oeuvres à disposition, notamment les bandes annonces de films ou les extraits de phonogrammes, les inventaires peuvent reproduire ces mêmes extraits. La reproduction d'un extrait de faible résolution (par ex. pour les films) ou de format réduit (par ex. pour les oeuvres musicales) est également autorisée. Il est laissé à la pratique le soin de définir concrètement les limites des reproductions autorisées. Du point de vue actuel, la durée maximale d'une reproduction pourrait être de 10 % de la durée totale de l'oeuvre, mais au plus 30 secondes. La reproduction d'un nombre limité de plans fixes de films ou d'oeuvres audiovisuelles serait aussi admise. Lorsqu'une oeuvre audiovisuelle est constituée de diverses parties (par ex. reportages d'une émission télévisée), la reproduction des extraits de chaque partie est autorisée.

Pour les catégories d'oeuvres actuelles ou futures qui ne sont pas mentionnés à l'al. 2, par exemple les oeuvres nées numériques, des critères analogues à ceux exposés ci-dessus s'appliquent. Aux termes de cette nouvelle disposition, les institutions dépositaires de la mémoire sont autorisées à confectionner des instantanés dans le but de faire connaître des pages web archivées et de les reproduire, à titre d'extraits, dans des inventaires, mais sans les fonctions image et son pour les oeuvres audiovisuelles intégrées, auxquelles
s'appliquent les critères visés à l'al. 2, let. c.

Art. 29, al. 2, let. abis, et 4 L'al. 1, let. abis, prévoit pour les productions photographiques et celles obtenues par un procédé analogue à la photographie d'objets tridimensionnels une durée de protection de 50 ans à compter de leur confection. Cette disposition tient compte de la nouvelle catégorie d'oeuvres inscrite à l'art. 2, al. 3bis, P-LDA, à savoir les photographies dépourvues de caractère individuel, qui sont désormais considérées comme des oeuvres au sens de la LDA. La durée de protection est similaire à celle prévue par les législations allemande et autrichien pour les photographies, ce qui contribue à une certaine harmonisation des cadres légaux du moins dans l'espace germanophone.

A la différence d'autres oeuvres, les auteurs de photographies dépourvues de caractère individuel sont rarement connus, alors que l'objet photographié permet souvent de tirer des conclusions sur le moment de la prise de vue. Il est dès lors plus simple, pour définir la durée de protection, de prendre comme point de référence le moment de la prise de vue que la durée de vie du photographe. Le nouvel al. 4 précise que la 598

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durée de protection de 50 ans à compter de la confection s'applique également lorsque les photographes sont coauteurs ou inconnus.

Art. 35a

Mise à disposition de prestations dans des oeuvres audiovisuelles

Les artistes interprètes ou exécutants conviennent de leur cachet pour leur participation à une prestation dans le contrat passé avec le producteur. Ils cèdent par ce même contrat tous leurs droits à rémunération sur leur prestation, y compris leurs droits en ligne. Le projet de révision prévoit pour eux le versement d'une part du produit de la gestion de leurs droits sur les oeuvres audiovisuelles non plus par les producteurs, mais par les sociétés de gestion, à l'instar de ce qui se fait aujourd'hui déjà pour les auteurs (cette pratique est inscrite à l'art. 13a P-LDA). La réglementation à l'art. 35a fait écho à celle de l'art. 13a, al. 1 à 4, P-LDA. Le commentaire de ces dispositions vaut donc aussi pour l'art. 35a.

Aujourd'hui, les artistes interprètes ou exécutants de l'audiovisuel ne perçoivent généralement pas, par le biais de leurs cachets, la part de la rémunération qui leur revient pour leur participation à une prestation, bien que la loi leur octroie un droit exclusif à cet effet. Afin de les faire participer au produit de la gestion de leurs droits en ligne, le projet de révision prévoit de leur attribuer un droit à rémunération qui sera exercé par les sociétés de gestion. Les tarifs applicables à la gestion de ces droits devront être négociés en tenant compte soit des recettes générées par les abonnements, soit des recettes publicitaires encaissées par les plateformes. Les tarifs étant soumis au contrôle de l'équité, les artistes interprètes ou exécutants ont l'assurance de se voir verser à l'avenir une rémunération équitable pour l'utilisation de leurs oeuvres en ligne. Les producteurs continueront de détenir tous les droits nécessaires pour négocier avec les différentes plateformes.

L'al. 2 prévoit une série d'exceptions à ce droit à rémunération. Par exemple, l'exploitation personnelle par les artistes interprètes ou exécutants de leur droit exclusif (art. 35a, al. 2, let. a), différentes catégories d'oeuvres qui ne sont pas pertinentes pour les modèles d'affaires dans le domaine de la vidéo à la demande ou pour lesquelles ce droit à rémunération ne fait pas sens (art. 35a, al. 2, let. b, ch. 1).

L'al. 2, let. b, ch. 2 et 3, évite le cumul de droits à rémunération. Il est renvoyé au commentaire de l'art. 13a, al. 2, P-LDA pour les explications à ce propos.

L'al. 3 complète
l'al. 2. Il garantit que la réglementation légale ne donne pas lieu, dans la pratique, à des doubles rémunérations. Le montant de la rémunération doit faire l'objet de négociations avec les associations d'utilisateurs concernées, puis être approuvé par le CAF dans le cadre du contrôle de l'équité. Comme les plateformes connaissent longtemps à l'avance les montants à verser aux artistes interprètes ou exécutants, elles pourront tenir compte de ces coûts dans les négociations avec les producteurs dont les productions tombent sous le coup de cette réglementation. La nouvelle rémunération ne devrait pas conduire à un renchérissement des prix pour le consommateur.

L'al. 4 permet d'éviter que le droit à rémunération ne donne lieu à des doubles rémunérations dans un contexte international. L'artiste interprète ne peut prétendre à une rémunération que si la branche à l'étranger connaît la même pratique. Bien que l'existence d'une réglementation légale ne soit pas requise, il faut toutefois que les 599

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droits à rémunération des artistes interprètes ou exécutants pour l'utilisation de leur prestation dans une oeuvre audiovisuelle à laquelle ils ont contribué soient soumis à la gestion collective. Dans sa proposition de directive COM(2016) 593 final81, la Commission européenne prévoit également une «rémunération supplémentaire appropriée» pour les auteurs et les artistes interprètes ou exécutants. Si l'UE devait aussi soumettre ce droit à rémunération à la gestion collective, il pourra être exercé, en vertu du principe de réciprocité, lorsque des oeuvres audiovisuelles européennes sont mises à disposition en Suisse et que des films suisses sont proposés par des services à la demande dans l'UE.

Art. 39, al. 1 L'adaptation de l'al. 1 a pour effet d'allonger la durée de protection des prestations des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes de 50 à 70 ans. A l'avenir, les artistes-interprètes et les producteurs suisses auront une part aux recettes générées par la vente d'un album durant 70 ans.

Cet amendement permet d'harmoniser le droit suisse et le droit de l'UE en ce qui concerne la durée de protection dans le domaine de la musique, ce qui devrait simplifier la gestion transfrontalière des droits, et notamment la répartition des recettes dans le cadre de la gestion collective (des frais supplémentaires liés à l'organisation pourront par ex. être évités). A la différence de la réglementation européenne, qui prévoit une durée de protection de 70 ans seulement pour les phonogrammes, l'égalité de traitement en Suisse impose l'allongement de la durée de protection pour les oeuvres audiovisuelles également. Mais il ne devrait pas résulter de désavantages de cette légère différence entre les législations européenne et suisse. Contrairement à ce qui se passe pour les phonogrammes, le droit à rémunération des auteurs d'oeuvres audiovisuelles et des artistes interprètes ou exécutants qui y participent est généralement exercé par le producteur ou par une société de gestion. L'allongement de la durée de protection des droits des artistes interprètes ou exécutants n'a par conséquent, dans ces cas, qu'une incidence sur la répartition du produit de la gestion entre les ayants droit.

Dans l'ATF 124 III 266, le Tribunal fédéral s'est prononcé contre la possibilité
de réinstaller un auteur dans ses droits suite à l'allongement d'une durée de protection.

Il n'existe pas de raison objective de prévoir une réglementation divergente pour la protection de prestations, de phonogrammes et de vidéogrammes. Ainsi, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, les droits des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes échus au moment de l'entrée en vigueur de la nouvelle durée de protection ne renaissent pas, ce qui permet de protéger les personnes qui ont agi en toute bonne foi pensant que les oeuvres n'étaient plus protégées. Cette disposition fait écho à l'art. 18 de la convention de Berne.

La durée de protection d'une émission reste inchangée: elle prend fin 50 ans après sa diffusion.

81

600

Voir n. 42.

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Titre 3b

Obligation des fournisseurs de services qui sauvegardent des informations saisies par les usagers

Les mesures de lutte contre le piratage doivent être déployées au niveau des hébergeurs parce que c'est là que leur efficacité est la plus grande. Un hébergeur offre l'infrastructure technique permettant la mise en ligne automatisée de données. Suivant la configuration de cette installation, il dispose des moyens techniques pour réagir à des infractions aux droits d'auteur et pour retirer au besoin de son serveur des contenus indésirables82. Dans le projet de révision, un hébergeur est défini comme un «fournisseur d'un service qui sauvegarde les informations saisies par les usagers»83. Par «sauvegarde», il faut entendre, du point de vue du fournisseur une sauvegarde passive, alors que les usagers enregistrent (activement) des contenus sur les serveurs du fournisseur.

Le projet de révision veut faire en sorte que les hébergeurs suisses n'hébergent pas de plateformes de piratage et qu'ils interviennent rapidement via leurs serveurs en cas de violations du droit d'auteur. Dans ce but, le système actuel de l'autorégulation est complété par une obligation légale qui est faite aux hébergeurs qui hébergent des plateformes de piratage. En effet, ce sont sur ces plateformes que les contenus illicites retirés une fois sont en général immédiatement réintroduits. L'obligation, inscrite à l'art. 39d, de veiller à ce que les contenus violant le droit d'auteur ne soient pas réintroduits une fois qu'ils ont été retirés (obligation de stay down) ne concerne que les hébergeurs à l'origine d'un risque particulier de violations du droit d'auteur et sur les serveurs desquels des contenus illicites retirés sont remis en ligne de façon répétée. Ces hébergeurs sont tenus de faire en sorte que les contenus qui portent atteinte au droit d'auteur demeurent supprimés une fois qu'ils ont été retirés de leurs serveurs, et si ces contenus sont rendus accessibles à nouveau sur leurs serveurs, ils ont l'obligation de les retirer sans nouveau signalement de l'infraction par les titulaires des droits. Cette obligation introduite à la faveur de la présente révision législative permet de lutter efficacement et sur le long terme contre les plateformes de piratage en Suisse sans toucher au système actuel (y compris l'autorégulation84). L'obligation de stay down concrétise la demande dite en prévention de l'atteinte prévue à l'art. 62,
al. 1, let. a, LDA et permet de garantir la possibilité de faire valoir cette prétention à l'égard des hébergeurs à l'origine d'un risque particulier de violations du droit d'auteur. Les autres prétentions en cas de violations du droit d'auteur restent par ailleurs intactes.

Art. 39d Dans la procédure dite de «notification et notification» (notice and notice), prévue dans le code de conduite de la branche, un titulaire de droits signale à l'hébergeur qu'un contenu hébergé sur son serveur porte atteinte au droit d'auteur; le fournisseur d'hébergement en informe l'usager Internet concerné. Celui-ci se voit ainsi donner la possibilité de retirer le contenu incriminé ou de justifier sa licéité. Lorsque la 82 83 84

Voir aussi le rapport du Conseil fédéral Responsabilité civile des fournisseurs du 11 décembre 2015, p. 19.

Voir art. 39d P-LDA.

Voir le Code de conduite Hébergement de la simsa (n. 9).

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notification révèle une violation évidente du droit d'auteur (par ex. la mise à disposition illégale d'un film avant sa première), l'hébergeur peut de lui-même bloquer le contenu ou le retirer de ses serveurs; il en informe sans tarder l'internaute et le titulaire des droits concerné. Si un contenu retiré est réintroduit par la suite, la procédure se répète.

Le droit en vigueur prévoit déjà un instrument juridique permettant d'obtenir la suppression de contenus illicites. Sur la base de l'art. 62, al. 1, let. b, LDA, un titulaire peut intenter une action en cessation d'une violation de ses droits. Si un contenu retiré est réintroduit sur les serveurs, les tribunaux doivent être saisis une nouvelle fois.

Cette situation est insatisfaisante du point de vue des titulaires des droits. Lorsque des contenus portant atteinte au droit d'auteur sont réintroduits sur les serveurs peu après en avoir été retirés, ni l'arsenal de l'autorégulation (notice and notice et take down), ni l'action en cessation inscrite à l'art. 62, al. 1, let. b, LDA ne sont efficaces.

L'action en prévention de l'atteinte (art. 62, al. 1, let. a, LDA) est soumise à des conditions strictes de sorte qu'il demeure une certaine insécurité juridique.85 La nouvelle disposition permet d'y remédier en concrétisant la demande dite en prévention et en garantissant la possibilité de faire valoir cette prévention à l'égard des hébergeurs à l'origine d'un risque particulier de violations du droit d'auteur. En vertu de l'art. 39d, ceux-ci sont tenus d'agir lorsqu'une oeuvre ou un autre objet protégé est à nouveau rendu accessible de manière illicite à des tiers par le biais de leurs services. Cette disposition contribue à la reconnaissance des prétentions en cessation de violation à l'égard des hébergeurs. Par ailleurs, elle empêche la réintroduction rapide de contenus illicites retirés et met fin au jeu du chat et de la souris dans lequel les pirates de contenu excellent.

Les hébergeurs ne sont tenus de se conformer à l'obligation de stay down que si les conditions énoncées à l'al. 1, let. a à c, sont toutes réunies. Conformément à la let. a, les oeuvres ou objets protégés doivent déjà avoir été mis à disposition de tiers de manière illicite par le biais du même service, que ce soit de façon directe (oeuvres sauvegardées sur les serveurs de
l'hébergeur) ou de façon indirecte par le biais de liens sauvegardés sur les serveurs de l'hébergeur qui redirigent vers les oeuvres ou les objets qui sont enregistrés ailleurs. Il est donc question de contenus ou de liens illicites qui ont déjà été retirés une fois des serveurs de l'hébergeur et qui ont été remis en ligne par après.

Selon la let. b, la violation du droit doit avoir été signalée au fournisseur. Dans la pratique, cette information lui parviendra probablement le plus souvent sous une forme électronique. Cette notification doit décrire la violation du droit et contenir suffisamment d'indications pour que l'oeuvre ou l'objet protégé en cause puissent être clairement identifiés (par ex. grâce à une empreinte numérique).

La nouvelle réglementation vise les hébergeurs qui sont à l'origine d'un risque particulier de violations du droit d'auteur. Aux termes de la let. c, il y a un risque particulier lorsque le service fourni par l'hébergeur favorise les violations du droit d'auteur en raison de son fonctionnement technique ou de ses objectifs écono85

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Voir à ce propos le rapport du Conseil fédéral Responsabilité civile des fournisseurs du 11 décembre 2015, p. 44 ss.

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miques. Il suffit qu'un seul des critères mentionnés à la let. c soit rempli pour que l'on puisse supposer la favorisation de telles violations. Les critères sont définis au moyen de termes juridiques indéfinis et devront être précisés dans chaque cas particulier par le juge. Le choix de cette formulation permet notamment de tenir compte des développements futurs.

Lorsque le juge examinera les critères de la let. c dans le cas particulier, il devra prendre en considération un ensemble d'éléments susceptibles, dans leur appréciation globale, de générer un risque particulier. Ces éléments ne doivent toutefois pas nécessairement représenter en soi déjà un risque particulier de violation du droit d'auteur.

Les éléments qui permettent aux usagers de rendre à nouveau accessibles, rapidement et sans effort, via le service des contenus retirés ou qui facilitent cette réintroduction peuvent être un indice pour un fonctionnement technique favorisant un risque de violation. Un tel fonctionnement en soi ne constitue pas un risque particulier au sens de la let. c. Par contre, la conjonction d'un tel fonctionnement et d'autres éléments, par exemple un nombre anormalement élevé de dénonciations légitimes de violations de droits d'auteur, une accumulation de liens vers des collections de liens renvoyant à des contenus illicites ou un fonctionnement qui permet une utilisation du service sans que les utilisateurs aient à établir leur identité au moyen de preuves suffisantes, peut générer un tel risque.

Un système qui incite (par ex. des ristournes, des systèmes de bonifications ou encore d'autres rabais octroyés sur la base de statistiques d'accès ou de téléchargement) les usagers à mettre à la disposition d'un vaste public des contenus de tiers poursuit vraisemblablement des objectifs économiques constituant un risque.

L'obligation peut être mise oeuvre par différentes mesures, dont le choix est laissé à l'hébergeur. Les mesures doivent toutefois être appropriées pour que l'obligation légale soit considérée comme remplie. L'al. 2 limite cependant l'obligation à des mesures qui peuvent être raisonnablement exigées de l'hébergeur d'un point de vue technique et économique compte tenu du risque de violation. L'étendue de l'obligation dépendra donc du cas particulier et notamment de l'espace de mémoire, de la taille
et du professionnalisme du fournisseur. Les petits fournisseurs ne se verront pas imposer de lourdes obligations si leurs services ne disposent pas des capacités suffisantes pour héberger des offres pirates; en effet, ils ne joueront qu'un rôle secondaire dans la lutte contre le piratage en ligne. Le serveur d'un particulier, par exemple, qui sert à échanger des photos et des fichiers au sein d'une famille, ne possède en règle générale pas une bande passante suffisante pour être utilisé comme une plateforme de piratage. Dans un tel cas, il suffirait par exemple de limiter l'accès au serveur à certains membres de la famille (par ex. au moyen d'un mot de passe) pour que l'obligation de stay down soit remplie.

Si l'hébergeur incriminé ne prend aucune mesure de stay down ou des mesures insuffisantes pour supprimer les contenus illicites, le titulaire des droits peut demander qu'un tribunal émette une injonction préventive (art. 62, al. 1, let. a, LDA en relation avec les art. 62, al. 1bis et 39d P-LDA).

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Illustration Obligation d'intervenir afin de prévenir la remise en ligne illicite (stay down)

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Art. 40, al. 1, let. b L'art. 40, al. 1, let. b, LDA est adapté en raison des nouveaux droits à rémunération liés aux droits en ligne (art. 13a et 35a P-LDA), qui sont obligatoirement soumis à la gestion collective.

Chap. 2a

Licences collectives étendues

Réglées à l'art. 43a P-LDA, les nouvelles licences collectives étendues font l'objet d'un nouveau chap. 2a. Comme il s'agit d'un instrument inédit dans l'ordre juridique suisse, il convient tout d'abord de le placer dans son contexte, d'en exposer la finalité et de présenter des modèles historiques avant de commenter les différents alinéas de la disposition.

La LDA prévoit de nombreuses restrictions au droit d'auteur (titre 2, chap. 5) qui visent à faciliter l'utilisation d'oeuvres protégées dans l'intérêt général. Ces dispositions garantissent aussi que les auteurs reçoivent, malgré ces limitations de leurs prérogatives, une rémunération dans les cas qui se justifient. Ces exceptions prennent en compte également l'intérêt public, par exemple pour les utilisations dans le cadre scolaire (art. 19, al. 1, let. b, LDA) ou celles par les archives et les institutions dépositaires de la mémoire afin qu'elles puissent confectionner des exemplaires d'archives et des copies de sécurité (art. 24 LDA). Or l'expérience montre que le législateur a toujours un temps de retard sur les évolutions technologiques; l'ère du numérique, qui favorise l'apparition de nouveaux besoins en matière d'utilisation, réclame davantage de flexibilité. Lorsque, par exemple, la provenance d'un grand nombre de photographies revêtant une valeur historique importante demeure floue, cela peut empêcher un musée de se procurer les droits nécessaires à la numérisation des clichés pour pouvoir les mettre en ligne sur son site web. Les coûts de transaction occasionnés par l'identification et la localisation des titulaires des droits sur les oeuvres, qu'il s'agisse de photographies ou d'autres catégories d'oeuvres (par ex.

films d'archives, livres ou articles de journaux ou de magazines ayant une valeur historique ou culturelle) peuvent être disproportionnés. Ces problèmes très pratiques sont susceptibles de faire obstacle à des utilisations souhaitables dans l'intérêt public. De nombreux biens culturels ne peuvent ainsi pas être mis à la disposition du public, à moins que ne soit adapté l'outil juridique qu'est la licence.

Aussi l'art. 43a P-LDA prévoit-il la possibilité, pour les sociétés de gestion, d'octroyer sous certaines conditions des licences collectives étendues lorsque l'utilisation porte sur un grand nombre d'oeuvres divulguées
et de prestations protégées. Les licences peuvent également porter sur des oeuvres et des prestations de titulaires qui ne sont pas membres de la société de gestion qui octroie les licences et qui ne sont pas non plus couverts par des accords de réciprocité. Cet instrument juridique simplifie l'accès aux oeuvres, car il évite aux utilisateurs des coûts de transaction liés à l'identification et à la localisation de titulaires et à l'acquisition de tous les droits. Lorsqu'une licence collective étendue a été octroyée, les sociétés de gestion représentent les titulaires couverts par la licence et leur versent une part du produit issu de la gestion des droits, qu'ils soient membres de la société ou non.

Elles doivent toutefois représenter un nombre significatif de titulaires de droits dans le domaine d'application de la licence. Les titulaires peuvent s'informer au préalable

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sur les utilisations prévues sur un portail créé spécialement à cet effet (par ex. sur le site Internet des sociétés de gestion) afin de pouvoir s'opposer le cas échéant à l'utilisation de leurs oeuvres ou de leurs prestations.

La nouvelle réglementation vise à rendre possibles de nouvelles formes d'utilisation pour lesquelles une acquisition individuelle des droits n'est pas envisageable et qui ne sont pas couvertes par les exceptions existantes. Elle procure en outre une sécurité aux utilisateurs puisqu'elle prévient le risque qu'ils soient exposés à des prétentions juridiques ou financières imprévues de la part des titulaires. Dans la pratique, les licences collectives étendues devraient surtout profiter aux utilisations d'oeuvres d'archives, qui comptent généralement une part considérable d'oeuvres orphelines.

Grâce à ces licences, il sera possible de faire l'économie des laborieuses démarches à effectuer pour identifier et localiser les titulaires. En rendant ces fonds accessibles au public, les licences collectives étendues contribuent non seulement à faire connaître le patrimoine historique et culturel, mais elles permettent aussi de préserver les intérêts des titulaires des droits, qui devront être indemnisés pour l'utilisation de leurs oeuvres, pour autant qu'ils puissent être identifiés avant l'échéance du délai de prescription. L'instrument des licences collectives étendues permet d'élargir encore un peu davantage l'éventail des utilisations licites d'oeuvres protégées et d'endiguer les utilisations illégales.

L'art. 43a P-LDA s'inspire des expériences faites avec cet instrument dans d'autres pays. Le dispositif juridique de la licence collective étendue, connue au plan international sous le terme de extended collective license, est originaire des pays scandinaves, où il a fait ses preuves depuis les années soixante et où son domaine d'application a été étendu. D'autres pays se sont inspirés de ce modèle et connaissent cet instrument: le Danemark, la Finlande, la Hongrie, l'Islande, la Norvège, le Royaume-Uni, la Russie et la Suède86. Par le passé, on avait surtout recours aux licences collectives étendues dans le cadre scolaire, lors de l'acquisition de droits par les organismes de diffusion, lors de retransmissions et, plus récemment, pour des projets de numérisation à grande échelle
dans les bibliothèques.

Le champ d'application des licences collectives étendues peut être défini dans la loi, mais ne doit pas l'être nécessairement. Ainsi, les lois danoise et suédoise sur le droit d'auteur ne prescrivent plus de champ d'application87 respectivement depuis 2008 et 2013, ce qui facilite l'établissement d'accords de licence pour toutes sortes d'utilisations et à des fins diverses. En comparaison, la proposition de directive de la Commission européenne sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique contient une disposition sur les licences collectives étendues dont le champ d'application matériel et personnel est très restreint88. Dans le but de garantir une

86 87

88

606

Voir Trumpke, Felix: Exklusivität und Kollektivierung, Baden-Baden et Berne 2016, p. 148 s.

Voir art. 50 de la loi danoise sur le droit d'auteur. Voir le site Internet du ministère de la Culture où sont publiées les licences collectives étendues en vigueur, http://kum.dk/Kulturpolitik/Ophavsret/Godkendelser/ (consulté la dernière fois le 14.7.2017).

Utilisation d'oeuvres indisponibles par les institutions de gestion du patrimoine culturel, art. 7 de la proposition de directive de la Commission européenne, COM(2016) 593 final (n. 42).

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grande flexibilité dans l'octroi de telles licences, l'art. 43a P-LDA ne limite pas le champ d'application des licences collectives étendues.

Art. 43a L'al. 1 précise les conditions d'octroi de licences collectives étendues. La société de gestion doit être au bénéficie d'une autorisation conformément aux art. 40 et 41 LDA («sociétés de gestion agréées»). Elle doit en outre représenter un nombre significatif de titulaires de droits dans le domaine d'application de la licence (art. 1, let. b). En d'autres mots, elle doit être représentative non seulement de la catégorie d'oeuvres et de prestations couvertes par la licence, mais aussi des titulaires de droits. Pour remplir ce critère, il devrait suffire, dans la pratique, que les membres de la société de gestion soient actifs dans la catégorie d'oeuvres et de prestations concernés et qu'il existe des accords de réciprocité avec des sociétés soeurs étrangères dont les membres créent des oeuvres et fournissent des prestations susceptibles d'être couvertes par la licence. Cette condition permet de s'assurer que les sociétés de gestion qui passent des accords en vertu de l'art. 43a soient suffisamment légitimées pour les étendre à des auteurs et artistes non membres, donc à des titulaires de droits qui n'ont confié l'exercice de leurs droits ni à la société de gestion octroyant la licence étendue collective ni à une société soeur liée par accord.

Il faut séparer la question de la légitimité de celle du champ d'application des licences collectives étendues octroyées par les sociétés de gestion agréées. Une licence collective étendue peut s'appliquer uniquement aux droits exclusifs non soumis au régime de l'autorisation au sens des art. 40 et 41 LDA, donc aux droits pour lesquels le législateur n'a pas prévu de gestion collective obligatoire. Elle ne peut en outre pas couvrir les utilisations autorisées en raison d'une restriction au droit d'auteur. En effet, selon une jurisprudence constante du Tribunal fédéral (ATF 127 III 26, ATF 133 III 572), tant les restrictions au droit d'auteur prévues par la loi que l'obligation légale d'une gestion collective des droits ont un caractère contraignant; les ayants droit ne peuvent donc pas disposer librement de leurs droits.

Ces derniers ne peuvent dès lors faire l'objet ni d'une licence individuelle ni d'une
licence collective; ils se soustraient par conséquent au champ d'application de la licence collective étendue. Lorsqu'il existe un besoin pratique d'utiliser des oeuvres et des prestations protégées dans un champ d'application directement adjacent à celui d'une restriction au droit d'auteur et que les conditions de l'art. 43a sont remplies, l'octroi de licences collectives étendues peut être admis. D'autres institutions que celles énumérées à l'art. 24, al. 1bis, P-LDA pourraient par exemple être autorisées, par le biais d'une licence collective étendue, à confectionner des exemplaires d'archives et des copies de sécurité. Mais il ne serait pas possible d'octroyer une telle licence aux institutions auxquelles s'appliquent la restriction légale au droit d'auteur. La disposition régissant l'utilisation d'oeuvres orphelines (art. 22b, al. 4, P-LDA) fait figure d'exception à cet égard. Bien que l'art. 22b P-LDA consacre lui aussi une restriction au droit d'auteur (les droits ne peuvent être exercés que par une société de gestion agréée sur la base d'un tarif approuvé par la CAF), celle-ci ne s'applique qu'aux utilisations d'oeuvres individuelles (art. 22b, al. 1 à 4). Lorsqu'un grand nombre d'oeuvres d'auteurs inconnus ou introuvables doit être utilisé, l'art. 22b, al. 5, P-LDA soumet expressément cette utilisation au régime prévu par 607

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l'art. 43a. Il en va de même lorsque les fonds d'archives et de bibliothèques renferment un grand nombre d'oeuvres orphelines et d'oeuvres dont les auteurs sont connus. Le seuil quantitatif devra être défini de cas en cas en fonction des catégories d'oeuvres et des droits concernés et en gardant en particulier à l'esprit la finalité de la disposition, à savoir faciliter les utilisations de masse. Les deux réglementations diffèrent pour l'essentiel en un point: l'utilisation d'oeuvres orphelines présuppose l'établissement de la preuve que les recherches visant à retrouver le titulaire des droits sont restées vaines alors que, dans le cas d'une licence collective étendue, la société de gestion évalue elle-même le risque d'une violation de droits et décide de l'assumer lorsqu'elle octroie la licence.

L'octroi de licences collectives étendues en vertu de l'art. 43a est soumis à une seconde condition: celle que l'utilisation sous licence ne compromette pas l'exploitation normale des oeuvres ou des prestations protégées (art. 43a, al. 1, let. a).

Il est donc essentiel de faire la distinction entre utilisation sous licences collectives étendues et gestion ordinaire de droits exclusifs. Pour ce faire, il convient de prendre en considération les visées distinctes des deux activités. Les licences collectives étendues visent principalement à permettre l'utilisation d'un grand nombre d'oeuvres dans les cas où des coûts de transaction démesurés ou des difficultés pratiques rendraient impossible l'obtention des autorisations individuelles. Elles ne doivent en revanche pas favoriser des offres commerciales qui feraient concurrence à l'exploitation individuelle des droits ou à la gestion collective facultative. On pense ici en particulier aux offres de streaming* dans les domaines de la musique, du film et des livres électroniques.

En vertu de l'al. 3, les sociétés de gestion doivent informer de l'octroi de licences collectives étendues avant l'entrée en vigueur de celles-ci, afin que les titulaires des droits puissent faire usage de leur droit d'opt-out, autrement dit de leur prérogative d'exclure leurs oeuvres de la licence, qui est réglé à l'al. 4.

L'al. 4 prévoit le droit, pour les titulaires des droits et les titulaires de licences exclusives, d'exclure leurs oeuvres d'une licence collective étendue. L'instrument
des licences collectives étendues vise essentiellement à faciliter et à rendre possible les utilisations de masse en contrepartie d'une indemnisation forfaitaire. Il repose donc sur l'hypothèse que les titulaires ont consenti à l'utilisation de leurs oeuvres et de leurs prestations sous licence. Comme ce n'est pas forcément vrai dans tous les cas, il faut prévoir la possibilité, pour les titulaires, de se soustraire à une licence collective pour qu'ils puissent interdire l'utilisation de leurs oeuvres ou de leurs prestations. L'opt-out permet de garantir la primauté de la liberté contractuelle.

Pour que le droit d'opt-out puisse réellement être exercé, l'al. 3 prescrit que les sociétés de gestion sont tenues d'informer de l'octroi de licences collectives étendues avant l'entrée en vigueur de celles-ci. Elles doivent garantir, notamment pour les titulaires étrangers concernés, que cette information se fasse dans un délai raisonnable avant l'entrée vigueur et l'utilisation prévue et de manière appropriée, par exemple aussi en anglais. Une adresse facilement accessible et identifiable au sens de l'al. 3 peut être, par exemple, une page Internet mise en lien sur la page d'accueil du site Internet d'une société de gestion. Il serait également envisageable que les sociétés de gestion mettent à la disposition des titulaires une adresse électronique spéciale ou un formulaire en ligne pour qu'ils puissent exercer leur opt-out.

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L'information doit dans tous les cas contenir au moins les données suivantes: la licence collective étendue, les titulaires de droits concernés et la possibilité de s'opposer à la licence.

Aux termes de l'al. 5, les dispositions régissant les tarifs (art. 46 et 47 LDA) et celles réglant la surveillance des tarifs (art. 55 à 60 LDA) ne sont pas applicables aux utilisations sous licences collectives étendues. La gestion d'oeuvres sous licences collectives étendues, en revanche, est soumise aussi bien à l'obligation de renseigner et de rendre compte (art. 50 LDA) qu'à la surveillance prévue aux art. 52 à 54 LDA.

Cela s'explique par le fait qu'une licence collective étendue peut aussi porter sur les oeuvres de titulaires qui ne peuvent pas exercer de contrôle sur la société de gestion octroyante étant donné qu'ils n'en sont pas membres. La surveillance de la gestion doit porter en particulier aussi sur le mécanisme de l'opt-out et sur le respect du principe de l'égalité de traitement (art. 45, al. 2, LDA).

Le produit de la gestion doit être réparti en vertu des principes inscrits à l'art. 49 LDA comme pour les autres domaines de la gestion collective. La répartition se fait donc en fonction des recettes générées par les différentes oeuvres et prestations; de plus, la société de gestion doit faire en sorte qu'une part appropriée du produit issu de la gestion revienne aux auteurs et aux artistes interprètes ou exécutants. Les règlements régissant la déduction pour les frais administratifs, la déduction des contributions destinées à des fins de prévoyance sociale et d'encouragement d'activités culturelles et l'usage des montants pour les cas où les auteurs ne sont pas identifiables s'appliquent aussi aux licences collectives étendues. Afin de pouvoir organiser au mieux la répartition, les utilisateurs devraient fournir aux sociétés de gestion des informations précises sur l'utilisation des oeuvres tombant dans le champ d'application d'une licence collective étendue. Une telle obligation d'annonce devrait être réglée dans l'accord de licence.

Art. 51, al. 1 et 1bis Aux termes de l'art. 51, al. 1, LDA en vigueur, les utilisateurs sont tenus de fournir aux sociétés de gestion tous les renseignements dont elles ont besoin pour fixer les tarifs, leur application et la répartition du produit de leur gestion
aux titulaires des droits dans la mesure où l'on peut raisonnablement l'exiger d'eux. Cet alinéa est précisé dans le cadre de la présente révision en ce sens que ces renseignements peuvent être fournis dans un format conforme à l'état de la technique et permettant un traitement automatique. Il décrit une pratique qui existe déjà en partie. Comme par le passé, les sociétés de gestion définiront les formats autorisés en collaboration avec les utilisateurs. Par ailleurs, un nouvel al. 1bis précise que l'échange de ces renseignements entre sociétés de gestion est autorisé. Cet échange s'avère indispensable en particulier parce que les sociétés de gestion sont tenues, conformément à l'art. 47 LDA, d'établir des tarifs communs et de désigner l'une d'entre elles comme organe commun d'encaissement lorsque plusieurs sociétés de gestion exercent leur activité dans le même domaine d'utilisation. Il convient donc de s'assurer que les renseignements puissent être échangés.

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Ces nouveautés ont pour objectif de développer la gestion électronique des droits et de diminuer les frais administratifs liés à la gestion collective. La gestion électronique des droits permet d'introduire des rationalisations administratives et de réduire les coûts pour les utilisateurs et les sociétés de gestion. Les économies réalisées profiteront aux titulaires, puisque les sociétés de gestion verront leurs frais administratifs diminuer et qu'elles pourront établir les décomptes et distribuer le produit de la gestion plus rapidement.

Cette disposition inscrit dans la loi la fourniture des renseignements par voie électronique, qui est déjà une réalité. Conformément à l'art. 51, al. 1, les utilisateurs doivent fournir les informations dans un format conforme à l'état de la technique et permettant un traitement automatique. Les normes, processus ou formats utilisés permettent un traitement automatique des données si les informations annoncées peuvent être importées dans les systèmes de traitement des données des sociétés de gestion sans devoir subir de transformations substantielles. Ce qui est déterminant à cet égard, c'est de pouvoir faire l'économie d'étapes manuelles de travail. Le format électronique présente le double avantage que les utilisateurs peuvent réutilisées les données d'année en année et que les risques d'erreur liés au traitement manuel des informations diminuent.

Au vu de l'évolution fulgurante de la technique, il ne fait pas sens d'énumérer dans la LDA les formats admis. Le format des données est conforme à l'état de la technique lorsqu'il repose sur des normes ou des processus internationaux ou européens usuels dans la branche.

Comme aujourd'hui, l'obligation de renseigner les sociétés de gestion ne s'applique aux utilisateurs que dans la mesure où l'on peut raisonnablement l'exiger d'eux. Il ne serait pas raisonnable d'obliger un utilisateur à fournir les renseignements dans un format conforme à l'état de la technique et permettant un traitement automatique par exemple s'il était disproportionné pour lui, compte tenu des circonstances du cas d'espèce, de se conformer à ce format. Les utilisateurs qui font un usage occasionnel d'un nombre réduit d'oeuvres, par exemple une petite association qui utilise une fois par année de la musique de fond pour animer une manifestation,
doivent par conséquent pouvoir fournir les informations requises dans le format qu'ils utilisent habituellement.

Le but du nouvel al. 1bis est de faire en sorte que les utilisateurs n'aient à fournir les renseignements qu'une seule fois. La disposition crée la base légale permettant l'échange d'informations entre sociétés de gestion. Elle autorise les sociétés de gestion à transmettre les renseignements fournis en vertu de l'al. 1 à d'autres sociétés de gestion disposant d'une autorisation de l'IPI (cf. art. 40 ss LDA), mais seulement dans la mesure où cet échange s'avère indispensable pour l'exercice de leur activité. Un échange de données allant au-delà de ce cadre nécessite un motif justificatif tel que prévu à l'art. 13 LPD.

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Art. 62, al. 1bis L'al. 1bis de l'art. 62 LDA est complété par la mention de la violation des obligations visées à l'art. 39d P-LDA. Il permet de préciser que les hébergeurs89 qui ne se conforment pas à leurs nouvelles obligations de stay down génèrent un risque particulier de violation de droits d'auteur et de droits voisins. Dans ces cas, les titulaires de droits peuvent intenter une action civile pour obtenir des hébergeurs qu'ils se conforment à leurs obligations légales. Le juge devra en particulier déterminer si l'hébergeur incriminé était tenu de supprimer les contenus illicites de ses serveurs ou non.

La procédure est régie par les dispositions générales du code de procédure civile (CPC)90. Si l'hébergeur ne donne pas suite au jugement du tribunal, la partie demanderesse peut demander au tribunal civil l'exécution de la décision conformément aux art. 335 ss CPC.

Art. 74, al. 2 Par le biais de la gestion collective, les sociétés de gestion autorisent l'utilisation d'oeuvres et de prestations protégées sur la base de tarifs ou font valoir des droits à rémunération inscrits dans la loi. Lorsque la LDA prévoit une gestion collective obligatoire, les sociétés de gestion sont tenues de négocier avec les associations d'utilisateurs déterminants des tarifs qui sont ensuite soumis au contrôle de l'équité par la CAF. La décision de cette dernière peut faire l'objet d'un recours devant le Tribunal administratif fédéral (TAF), avec possibilité de saisir ensuite le Tribunal fédéral.

Le régime offrant ces deux instances de recours existe depuis 2005, date de la création du TAF. Les expériences faites à ce jour montrent que les procédures peuvent s'enliser, ce qui fait obstacle à une application effective du droit. Il est par exemple arrivé à plusieurs reprises que le tarif approuvé par la CAF soit contesté par un recours et que le jugement définitif n'ait été rendu qu'après la durée de validité du tarif concerné. Afin de remédier à cette situation, les modifications de l'al. 2 visent à rationnaliser la procédure de recours devant le TAF, d'une part en ôtant l'effet suspensif aux recours contre les décisions de la CAF et, d'autre part, en excluant la prolongation des délais pour le dépôt de réponses, en supprimant la possibilité de compléter les motifs dans la procédure administrative (mémoires
complémentaires) et en autorisant qu'à titre exceptionnel seulement l'échange d'écritures ultérieur. Ces mesures permettront de diminuer les risques liés aux coûts et les insécurités juridiques sans pour autant compromettre la protection juridique.

La rationalisation de la procédure de recours passe par les mesures détaillées ciaprès. L'al. 2 précise que la procédure de recours devant le TAF est régie par la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF)91 et la loi fédérale du

89

90 91

Concernant la terminologie, voir le commentaire de la section «Titre 3b Obligation des fournisseurs de services d'hébergement Internet qui sauvegardent des informations saisies par les usagers».

RS 272 RS 173.32

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20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA)92 et prévoit des exceptions qui sont spécifiées aux let. a à d dudit alinéa.

En vertu de la let. a, les recours contre les décisions de la CAF n'ont pas d'effet suspensif. Cette mesure raccourcit la procédure d'une étape puisque le TAF ne doit plus se prononcer sur la question de l'effet suspensif. La CAF n'a en outre plus besoin d'ordonner des mesures provisionnelles pour combler un vide tarifaire. Un effet suspensif pouvait en effet conduire à un vide tarifaire parce qu'il n'était pas possible d'appliquer le tarif contesté pendant la durée du recours. A l'avenir, les utilisateurs devront s'acquitter de la rémunération prévue par un tarif approuvé par la CAF même si le tarif en question fait l'objet d'un recours devant le TAF. Si le recours est approuvé, les indemnisations payées leur seront remboursées. Si le recours est rejeté, l'argent encaissé peut être distribué rapidement aux ayants droit.

L'abolition de l'effet suspensif permet par conséquent d'éviter des lenteurs, des indemnisations lacunaires et des obstacles à l'utilisation des oeuvres et des prestations.

Les mesures détaillées aux let. b à d figurent aussi à l'art. 53 LAMal93. A la let. d, il est précisé que cette disposition ne s'applique qu'au deuxième échange d'écritures mentionné à l'art. 57, al. 2, PA et pas au débat dont il est aussi question dans ledit article. Par ailleurs, un deuxième échange d'écritures n'est pas exclu s'il s'avère nécessaire pour des raisons juridiques ou factuelles (voir en particulier ATF 138 I 484). Eu égard à la possibilité pour la CAF d'auditionner des témoins à l'avenir (voir la nouvelle disposition inscrite à l'art. 14, al. 1, let. g, PA), il importe qu'il soit tenu compte de tous les aspects juridiques et factuels dès la procédure d'autorisation.

Titre 5a

Traitement des données personnelles en vue de déposer une plainte ou une dénonciation pénale

Quand des infractions au droit d'auteur sont commises sur Internet, le titulaire rencontre souvent des difficultés pour documenter ces violations. S'il se rend souvent très vite compte qu'il est victime d'une violation de ses droits, il ne sait par contre en règle générale pas qui est l'auteur de l'infraction. Quand le contenu illicite se trouve sur un site Internet muni de mentions légales, il peut contacter l'exploitant du site et demander qu'il remédie à la situation. Or, dans de nombreux cas, il n'y a pas de mentions légales ou alors l'exploitant du site ne donne pas suite à la requête du titulaire. Des problèmes analogues se posent lorsque la violation des droits a lieu sur des réseaux pair à pair. Pour pouvoir agir dans de tels cas, le titulaire doit faire appel aux autorités de poursuite pénale dans le but d'identifier l'auteur de l'infraction. L'identification se fait à partir de l'adresse IP (IP = protocole Internet).

Cette adresse est attribuée à chaque appareil connecté au réseau et permet de l'identifier et de le joindre. On distingue en particulier deux types d'adresses IP: les adresses statiques et les adresses dynamiques. Les adresses IP statiques sont attribuées de manière permanente à un ordinateur ou au serveur d'un site Internet. Elles sont comparables aux numéros de téléphone fixe ou aux adresses postales. Les 92 93

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RS 172.021 RS 832.10

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adresses IP dynamiques, par contre, sont provisoires. Lorsque le routeur établit une connexion avec Internet, une adresse IP que personne d'autre n'utilise lui est assignée. Au plus tard lors de la prochaine connexion à Internet, le même retour se voit assigner (éventuellement) une autre adresse IP non utilisée à ce moment-là. Comme les fournisseurs de services Internet doivent documenter l'attribution des adresses IP à leur clientèle, il est possible d'identifier la personne à qui a été assignée une certaine adresse à un instant T.

Les adresses IP permettant de remonter à l'identité de personnes physiques ou morales, le traitement de ces données est soumis à la LPD. Tant que l'identité de la personne physique ou morale derrière une adresse IP peut être déterminée, ces adresses doivent être considérées comme des données personnelles. Aux termes de l'art. 15, al. 3, de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (LSCPT)94, les fournisseurs de services Internet sont tenus de conserver durant six mois les données de connexion. Identifier une personne physique ou morale devrait être possible au moins durant cette période. Dès que l'identification de la personne physique ou morale n'est plus possible, les données ne sont plus considérées comme personnelles.

Lorsque l'exploitant d'un site Internet dispose d'une adresse IP statique, une simple capture d'écran d'une page Internet de laquelle ressort le nom de domaine de la page peut par exemple déjà être assimilée à un traitement de données. En effet, un nom de domaine n'est rien d'autre qu'une adresse IP convertie en un nom plus facilement lisible. Les noms de domaine (ou adresses IP) pouvant être attribués à des personnes physiques ou morales à l'aide de base données, leur sauvegarde, leur collecte et leur transmission sont considérées comme un traitement de données.

En règle générale, les appareils des particuliers qui surfent sur Internet se voient assigner des adresses dynamiques. Dès que l'usager se déconnecte, l'adresse IP utilisée est libérée et peut être attribuée à un autre internaute. C'est pourquoi, lorsque des contenus illicites sont échangés par le biais de réseaux pair à pair, l'auteur de l'infraction au droit d'auteur ne peut être identifié par le biais d'une adresse IP que
pendant la durée de connexion à Internet. La collecte seule, a posteriori, d'adresses IP par les autorités de poursuite ne permet pas tirer des conclusions sur l'identité des internautes. Pour pouvoir poursuivre une atteinte au droit d'auteur, les autorités de poursuite doivent connaître l'adresse IP, la date et l'heure de l'infraction. Ces données sont nécessaires pour identifier le titulaire du raccordement par le biais du fournisseur d'accès. Dans la perspective de faire valoir ses droits et de réunir les preuves nécessaires, le titulaire doit donc non seulement identifier l'oeuvre à laquelle il a été porté atteinte, mais connaître aussi la date et l'heure de la violation ainsi que l'adresse IP. Le Tribunal fédéral a jugé dans une affaire concrète (cf. ATF 136 II 508; Logistep) que la collecte d'adresses IP par un particuliers n'était pas compatible avec la LPD et donc illicite. Il a cependant souligné qu'il ne s'agissait pas, de manière générale, de faire primer la protection des données sur la protection du droit d'auteur. Il incombe au législateur et non au juge de prendre les mesures nécessaires pour assurer une protection des droits d'auteur appropriée aux nouvelles technolo-

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RS 780.1

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gies95. L'art. 77i P-LDA constitue la base légale qui tient compte de ce jugement de la Cour suprême. Il apporte la clarté nécessaire pour permettre à un titulaire de droits de traiter les données en vue de déposer une plainte ou une dénonciation pénales.

Cette nouvelle disposition n'a cependant pas d'incidence sur la procédure engagée à la suite de la plainte. En particulier, elle ne restreint pas le pouvoir d'appréciation des autorités de poursuite quant au principe de l'opportunité des poursuites. Elle ne libère pas non plus les autorités de leur responsabilité en matière d'administration et d'exploitation des preuves. Pour le reste, les dispositions du CPP s'appliquent au traitement des plaintes et des dénonciations. L'art. 77i P-LDA ne saurait par exemple servir de justification à l'identification d'un usager. La recevabilité d'une telle identification relève de l'art. 14 LSCPT. Le droit de traiter des données personnelles comme il est prévu à l'art. 77i P-LDA ne remet dès lors pas en cause les conditions régissant l'identification de l'usager.

D'aucuns ont argué que, loin d'apporter une réponse au problème fondamental en toile de fond de l'arrêt Logistep, à savoir la possibilité d'obtenir des dommages et intérêts en cas de violation du droit d'auteur sur Internet, le nouvel article aggrave la situation. A leur avis, il serait plus efficace et efficient d'inscrire une solution dans le droit civil, comme le prévoyait l'avant-projet de révision de la LDA. Ils estiment que l'art. 77i P-LDA ne permet toujours pas d'introduire une action civile contre X et que le détour par la voie pénale est toujours nécessaire. A leurs yeux, cet article consacre l'instrumentalisation des autorités de poursuite. Or le Tribunal fédéral se serait, en autres choses, mais justement inscrit en faux contre cette instrumentalisation (cf. ATF 136 II 508, consid. 6.1 en relation avec consid. 6.3.3) L'interdiction de l'abus de droit ne constituerait pas un correctif suffisant à l'instrumentalisation des autorités de poursuite parce qu'en matière de droit de plainte, l'obstacle à l'abus serait de taille. Selon eux, le risque existe que les autorités de poursuite estiment être globalement dispensées, en raison de l'art. 77i, de procéder à une appréciation de l'exploitabilité des moyens de preuve apportées par les
particuliers. Les titulaires des droits, quant à eux, pourraient voir dans l'art. 77i un justificatif à tout type de traitement de données en vue d'engager des poursuites pénales, peu importe le lieu et la nature de leur traitement. Bien que le Tribunal fédéral ne se soit pas prononcé sur la proportionnalité d'une surveillance systématique d'Internet par les particuliers dans l'arrêt Logistep, des doutes demeurent. Sous cet angle, il conviendrait, selon eux, de restreindre le champ d'application de l'art. 77i au moins aux réseaux pair à pair ou aux réseaux décentralisés d'échange de données.

Le Conseil fédéral ne peut pas se rallier à ce point de vue. Comme il est déjà fait mention dans le message relatif au CPP, les conclusions civiles sont, bien souvent, au coeur des préoccupations des lésés. C'est aussi pour cette raison que l'action civile fait l'objet d'une réglementation distincte et détaillée dans le CPP96. Bien qu'on ne puisse pas exclure qu'un lésé engage des poursuites pénales seulement pour faire valoir des prétentions civiles, la coexistence de prétentions civiles et pénales constitue la norme. Aussi le Conseil fédéral ne juge-t-il pas nécessaire de procéder autrement dans le droit d'auteur. Par ailleurs, la nouvelle disposition ne modifie en rien les règles applicables en matière d'interdiction de l'abus de droit.

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ATF 136 II 508, consid. 6.4.

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Le Conseil fédéral ne prévoit pas non plus, avec la disposition proposée, une solution de droit civil séparée. Un angle d'action supplémentaire, voire de nature purement civile, rendrait nécessaire une levée du secret des télécommunications pour faire reconnaître des conclusions civiles. Or, aujourd'hui, le secret des télécommunications ne peut être levé que pour faire valoir des prétentions pénales. Eu égard à l'importance de ce secret et des critiques formulées à l'encontre d'une approche de droit civil lors de la consultation sur l'avant-projet de révision, le Conseil fédéral ne souhaite pas remettre en question ce principe.

L'art. 77i prévoit une réglementation spéciale pour le traitement des données personnelles par les titulaires pour donner les moyens à ces derniers de déposer une plainte ou une dénonciation pénales en cas de violation de leurs droits d'auteurs ou de leurs droits voisins. On ne saurait en tirer la conclusion que la disposition autorise un traitement de données personnelles à d'autres fins et pour engager des poursuites contre d'autres violations de droits. Le traitement des données personnelles est régi par les dispositions de la LPD. Les principes qui y sont énoncés s'appliquent donc automatiquement, mais, par souci de clarté, l'art. 77i les reprend en partie explicitement.

Art. 77i Conformément à l'al. 1, 1re phrase, le titulaire qui subit une violation de son droit d'auteur ou de ses droits voisins est autorisé à traiter des données personnelles. Sont considérées comme telles toutes les informations qui se rapportent à une personne identifiée ou identifiable (art. 3, let. a, LPD). Lorsqu'une adresse IP peut être attribuée sans équivoque à un ordinateur et permet ainsi l'identification de l'usager, elle est réputée être une donnée personnelle.

Le terme de traitement doit être compris selon la définition donnée à l'art. 3, let. e, LPD. On entend par là toute opération relative à des données personnelles, notamment la collecte, la conservation, l'exploitation, l'archivage ou la communication.

L'al. 1, 1re phrase, précise en outre que ce traitement n'est autorisé que dans la mesure où cela est nécessaire au dépôt d'une plainte ou d'une dénonciation pénales.

Cette formulation renvoie aux principes de la proportionnalité et de la finalité énoncée dans la LPD (art. 4,
al. 2 et 3). Le traitement des données personnelles ne peut se faire qu'en vue du dépôt d'une plainte ou d'une dénonciation pénale. Cette disposition n'autorise pas le titulaire à recueillir des données par exemple à des fins publicitaires ou d'étude de marché ou encore à utiliser les données collectées en vue du dépôt d'une plainte ou d'une dénonciation pénales pour un but autre que celui pour lequel elles ont été initialement recueillies. Le titulaire est par ailleurs autorisé à traiter uniquement les données dont il a objectivement besoin, et le but du traitement et la nécessaire atteinte à la personnalité doivent être dans un rapport raisonnable97.

Un traitement disproportionné des données par le titulaire dans le but de les exploiter dans une procédure pénale relèverait de l'appréciation des autorités de poursuite qui devraient alors procéder à une pondération des intérêts.

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Message du 23 mars 1988 concernant la loi fédérale sur la protection des données, FF 1988 II 421 458.

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S'agissant de la collecte des données personnelles, la disposition spécifie que le titulaire doit pouvoir y accéder légalement. Il y aurait collecte illégale de données par exemple si le titulaire agissait en violation d'une disposition légale, en particulier d'une disposition du code pénal (CP)98. Un titulaire n'est dès lors pas autorisé à s'introduire dans un système de traitement des données d'un tiers protégé (hacking) pour se procurer les données dont il a besoin.

Aux termes de l'al. 1, 1re phrase, un titulaire est autorisé à recueillir par exemple les adresses IP de réseaux pair à pair afin de documenter les violations de droit d'auteur commises et de transmettre ces données ensuite aux autorités de poursuite.

L'al. 1, 2e phrase, prévoit que le titulaire peut utiliser les données personnelles traitées pour faire valoir des conclusions civiles par voie d'adhésion ou pour les faire valoir au terme de la procédure pénale. La loi statue ainsi clairement que la première phrase de l'al. 1 n'exclut pas l'application des art. 122 à 126 CPP aux actions civiles, tout en soulignant que le traitement des données personnelles admis en vertu de l'art. 77i doit être adapté aux besoins d'une procédure pénale. Les procédures pénales ont une importance propre; elles ne doivent pas être détournées en vue d'une application du droit civil en cas d'infractions au droit d'auteur. A cet égard, il convient de relever que la question de la conservation des données s'apprécie à l'aune de la finalité de leur traitement. Le traitement est fait dans le but de déposer une plainte ou une dénonciation pénales (et pour faire valoir des conclusions civiles par voie d'adhésion ou les faire valoir au terme de la procédure pénale). Ce sont ces considérations ainsi que les principes généraux régissant la protection des données et les procédures qui doivent guider la conservation des données.

L'al. 2 garantit la transparence du traitement des données, notamment l'obtention de celles-ci. Toute obtention de données et les traitements consécutifs doivent être reconnaissables pour la personne concernée. Autrement dit, la personne concernée doit, eu égard aux circonstances, s'attendre à ce que des données soient recueillies ou avoir été informée en conséquence. Les exigences posées en matière de transparence doivent être examinées
à l'aune des circonstances et des principes généraux de la proportionnalité et de la bonne foi99. La personne qui traite les données est dès lors tenue de communiquer spontanément aux personnes concernées le but, le mode et l'étendue du traitement des données, par exemple dans une forme appropriée sur son site Internet100. Un simple renvoi à la LPD ne suffit pas parce que celle-ci ne prévoit pas un tel devoir d'informer. La LPD ne prescrit une obligation d'informer que lorsqu'il y a un quelconque contact entre la personne concernée (en l'occurrence l'usager) et le responsable (dans ce cas le titulaire des droits), ce qui n'est pas le cas ici. Sans cette obligation de déclarer, le titulaire pourrait traiter les données sans que l'usager concerné n'en ait jamais connaissance. Le droit d'accès au sens de la LPD ne s'avérerait pas non plus efficace dans ce cas: l'usager devrait dévoiler son identi98 99

RS 311.0 Message du 19 février 2003 relatif à la révision de la loi fédérale sur la protection des données (LPD) et à l'arrêté fédéral concernant l'adhésion de la Suisse au Protocole additionnel du 8 novembre 2001 à la Convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel concernant les autorités de contrôle et les flux transfrontières de données, FF 2003 1915 1937.

100 Voir Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence, 19e rapport d'activités 2011/2012, p. 48.

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té, et quand bien même s'il le faisait, il ne serait toujours pas possible de vérifier s'il y a eu traitement de ses données personnelles ou non parce que le titulaire ne détiendrait que l'adresse IP de l'internaute.

L'al. 3 souligne le but du traitement des données énoncé à l'al. 1, 1re phrase: les données personnelles ne peuvent être utilisées qu'aux fins prévues par la loi. Le titulaire n'est pas autorisé à les combiner avec des données collectées dans d'autres buts. Si le titulaire est par exemple un fabricant de matériel ou de logiciels informatiques et qu'il recueille des données à des fins d'étude de marché, il doit conserver ces données séparément des données personnelles qu'il traite en vertu de l'art. 77i.

Art. 81, al. 3 Dans un souci de sécurité juridique, les dispositions des art. 13a et 35a P-LDA ne s'appliquent pas aux accords de licence existants au moment de leur entrée en vigueur.

Modification de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative Art. 14, al. 1, let. g, et 2 L'al. 1 définit quelles autorités peuvent ordonner l'audition de témoins si les faits ne peuvent pas être suffisamment élucidés d'une autre façon. Aujourd'hui, la CAF, qui contrôle et approuve les tarifs pour l'utilisation d'oeuvres protégées par le droit d'auteur convenus entre les sociétés de gestion et les associations représentatives d'utilisateurs, n'est pas habilitée à auditionner des témoins. C'est pourquoi une nouvelle let. g est ajoutée à l'al. 1 pour autoriser cette dernière à le faire.

Dans la perspective de la simplification de la procédure d'approbation des tarifs, les moyens de preuve admis dans la procédure d'approbation des tarifs doivent être étendus afin que la CAF puisse, au besoin, auditionner des témoins. L'al. 1 crée la base nécessaire à cet effet. La nouvelle réglementation vise à concentrer l'appréciation des faits devant la première instance, mais elle n'implique pas une ordonnance automatique d'une audition de témoins. Au contraire, une audition n'est ordonnée que si les faits ne peuvent pas être suffisamment élucidés d'une autre façon et que la CAF le juge nécessaire. Des investigations complètes en vue de l'établissement des faits devant la première instance contribuent de manière essentielle à éviter des lenteurs dans l'appréciation des faits à un stade avancé
de la procédure. Malgré l'introduction d'un nouvel instrument procédural, une simplification de la procédure d'approbation des tarifs est attendue des adaptations générales (compte tenu aussi de l'art. 74, al. 2, LDA).

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Loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (LDIP)101 Art. 109, al. 2bis La LDA prévoit des droits à rémunération pour certaines utilisations d'oeuvres et de prestations protégées qui donnent droit à une indemnisation. Lorsque les rémunérations ne sont pas payées, les droits correspondants doivent pouvoir être réclamés par la voie judiciaire. Dans les cas où le preneur de licence n'a pas de domicile en Suisse, se pose la question du for juridique. Cette question prend toute son importance en relation avec le nouveau droit à rémunération légal à faire valoir à l'égard des plateformes en ligne dans le domaine de la vidéo à la demande. Le for juridique découle de la LDIP sous réserve de traités comme la convention de Lugano102. Le projet de révision propose l'inscription d'un nouvel al. 2bis à l'art. 109 LDIP, qui vise à garantir que l'al. 2, aux termes duquel les autorités judiciaires ou administratives sont compétentes pour connaître les actions portant sur la violation de droits de propriété intellectuelle, s'applique non seulement aux utilisations illicites, mais aussi aux utilisations licites d'un bien immatériel. Non seulement il semble opportun d'apporter cette précision dans la loi, mais elle présente aussi l'avantage de pouvoir poursuivre en Suisse les preneurs de licence établis à l'étranger en vue de faire valoir des droits à rémunération prévus par la loi suisse sur le droit d'auteur et les tarifs établis en vertu de la LDA. En effet, l'al. 2 prévoit notamment la possibilité de demander l'application du droit du for compétent pour la procédure en reconnaissance de la protection du bien immatériel (par ex. un film)103, autrement dit dans le pays où l'utilisation fondant la prétention a eu lieu.

2.2

Commentaire des dispositions du Traité de Beijing et du Traité de Marrakech

2.2.1

Traité de Beijing

Préambule Le Traité de Beijing relève l'impact considérable des technologies de l'information et de la communication sur la production et l'utilisation des interprétations ou exécutions audiovisuelles, tout en soulignant la nécessité d'adapter les règles internationales à cette évolution. Il reconnaît également la nécessité de maintenir un équilibre entre les intérêts des artistes interprètes ou exécutants et l'intérêt public général, notamment en matière d'enseignement, de recherche et d'accès à l'information.

Art. 1

Rapport avec d'autres conventions et traités

Malgré ses liens étroits avec le WPPT déjà ratifié par la Suisse, le traité de Beijing est un traité international indépendant. Il ne constitue pas un arrangement particulier

101 102 103

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RS 291 RS 0.275.12 Jegher, Gion / Vasella, David, in: Basler Kommentar, Internationales Privatrecht, 3e édition, Bâle 2012, art. 109 n. 20.

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au sens de l'art. 20 de la convention de Berne104, révisée à Stockholm. Il ne déroge pas aux obligations découlant du WPPT ou de la Convention internationale du 26 octobre 1961 sur la protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion (convention de Rome)105 et s'applique sans préjudice des droits et obligations découlant de tout autre traité. Dans le but d'une clarification, les parties prenantes aux négociations sont convenues des déclarations communes concernant les art. 1 et 1, al. 3. Les déclarations communes font partie intégrante du traité (cf. texte du traité de Beijing en annexe). Du point de vue juridique, elles sont la même importance que le texte du traité. Elles spécifient qu'aucune disposition du traité n'affecte les droits ou obligations découlant du WPPT ou de l'accord sur les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (accord sur les ADPIC)106, ni ne crée d'obligation de ratifier ou d'adhérer au WPPT. Le traité n'affecte par ailleurs en aucune façon la protection des auteurs.

Art. 2

Définitions

La définition des «artistes interprètes ou exécutants» reprend à l'identique la définition figurant à l'art. 2, let. a, WPPT. La déclaration commune concernant l'art. 2, let. a, vise en particulier les oeuvres improvisées. Elle clarifie que la définition englobe également les personnes qui interprètent ou exécutent une oeuvre artistique ou littéraire créée ou fixée pour la première fois au cours d'une interprétation ou exécution.

La «fixation audiovisuelle» est définie comme «l'incorporation d'une séquence animée d'images, accompagnée ou non de sons ou des représentations de ceux-ci, dans un support qui permette de la percevoir, de la reproduire ou de la communiquer à l'aide d'un dispositif». Cette définition s'inspire de la définition de la notion de «fixation» inscrite à l'art. 2, let. c, WPPT et comprend aussi des éléments visuels.

Comme le confirme la déclaration commune concernant l'art. 2, let. b, elle n'affecte pas la définition de la notion de «fixation» du WPPT.

Les notions de «radiodiffusion» et de «communication au public» sont définies en adaptant les formulations retenues à l'art. 2 WPPT et à l'art. 3 de la convention de Rome de manière à englober la transmission sans fil d'images. Avec ces définitions, les Parties contractantes assurent une égalité de traitement aux artistes interprètes ou exécutants pour leurs prestations visuelles, sonores ou audiovisuelles.

Art. 3

Bénéficiaires de la protection

La protection prévue par le traité s'applique en premier lieu aux artistes interprètes ou exécutants qui sont ressortissants d'une Partie contractante (al. 1). Par ailleurs, l'al. 2 prévoit que la résidence habituelle est assimilée à la nationalité. Le traité s'applique donc également aux artistes interprètes ou exécutants qui, sans être ressortissants d'une Partie contractante, y ont leur résidence habituelle.

104 105 106

RS 0.231.14 RS 0.231.171 RS 0.632.20

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Art. 4

Traitement national

Aux termes de l'al. 1, le traitement national s'applique uniquement en ce qui concerne les droits exclusifs énoncés expressément dans le traité et le droit à rémunération équitable prévu à l'art. 11. Il ne s'étend donc pas aux droits additionnels que pourraient accorder les législateurs nationaux. Le droit de percevoir des redevances ou une rémunération équitable mentionné à l'art. 12, al. 3, constitue un tel droit additionnel et n'est donc pas soumis au principe du traitement national (contrairement au droit à rémunération équitable visé par l'art. 11, al. 2)107. Une Partie contractante prévoyant un tel droit à rémunération au niveau national (en tant que droit additionnel) n'est donc pas tenue d'en faire bénéficier les ressortissants des autres parties contractantes.

L'al. 2 permet aux parties contractantes de limiter la portée et la durée de la protection du droit de radiodiffusion et de communication au public qu'elles accordent aux ressortissants d'une autre Partie contractante aux droits dont jouissent à ce titre ses propres ressortissants dans cette autre partie (principe de réciprocité). En conséquence, une Partie contractante prévoyant un droit exclusif (art. 11, al. 1) peut n'accorder qu'un droit à rémunération équitable aux ressortissants d'une autre Partie contractante ayant opté pour un tel droit en lieu et place du droit exclusif (en vertu de l'art. 11, al. 2). Une Partie contractante garantissant un droit à rémunération équitable est cependant tenue d'accorder ce droit aux ressortissants d'une autre partie, que cette dernière ait opté elle-même pour un droit à rémunération (art. 11, al. 2) ou pour un droit exclusif d'autorisation (art. 11, al. 1)108.

Pour finir, une Partie contractante n'est pas non plus tenue d'appliquer le principe du traitement national en ce qui concerne le droit de radiodiffusion et de communication au public à l'égard d'une partie ayant fait une réserve en vertu de l'art. 11, al. 3, ou dans la mesure où elle a elle-même fait une telle réserve (al. 3).

Art. 5

Droit moral

Les droits moraux conférés par le traité de Beijing concernant les interprétations ou exécutions vivantes et les interprétations ou exécutions fixées sur fixations audiovisuelles correspondent mutatis mutandis à ceux énoncés dans le WPPT s'agissant des interprétations ou exécutions sonores vivantes et des interprétations et exécutions fixées sur phonogrammes. L'al. 1 confère ainsi aux artistes interprètes ou exécutants le droit d'être mentionnés comme tels et le droit à l'intégrité de leurs interprétations ou exécutions. Ceux-ci conservent ces droits moraux même s'ils ont cédé leurs droits économiques.

L'al. 2 a pour but la coordination de la durée de protection des droits patrimoniaux et de celle des droits moraux. L'al. 3 prévoit que les moyens de recours pour sauvegarder les droits moraux reconnus par l'art. 5 sont réglés par la législation de l'Etat où la protection est réclamée.

107 108

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Voir aussi le commentaire de l'art. 12, al. 3, BTAP infra.

Ernst Brem, «Der WIPO-Vertrag von Peking zum Schutz audiovisueller Darbietungen vom 24. Juni 2012 (BTAP) und die Schweiz» in: medialex no 1/13, Berne, p. 10.

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La déclaration commune concernant l'art. 5 clarifie que les modifications effectuées dans le cadre de l'usage autorisé par l'artiste interprète ou exécutant qui relèvent de l'exploitation normale d'une interprétation ou exécution ne constituent pas en soi une modification au sens de l'art. 5, al. 1, let. ii. Il en va de même pour les modifications liées au recours à de nouvelles techniques ou de nouveaux supports.

Art. 6

Droits patrimoniaux des artistes interprètes ou exécutants sur leurs interprétations ou exécutions non fixées

Reprenant la formulation utilisée à l'art. 6 WPPT, cet article confère aux artistes interprètes ou exécutants des droits patrimoniaux sur leurs interprétations ou exécutions non fixées. La protection s'étend tant aux prestations visuelles ou sonores qu'aux prestations audiovisuelles, ainsi qu'à leurs représentations.

Art. 7

Droit de reproduction

Cet article confère aux artistes interprètes ou exécutants le droit exclusif de reproduction tant directe qu'indirecte sur leurs interprétations ou exécutions fixées sur fixations audiovisuelles. La formulation reprend par analogie celle de l'art. 7 WPPT.

La déclaration commune concernant l'art. 7 clarifie que le droit de reproduction s'applique pleinement dans l'environnement numérique. Ainsi, le stockage d'une interprétation ou exécution fixée sous forme numérique sur un support électronique ou la numérisation d'une interprétation ou exécution déjà fixée sur un support analogique constitue un acte de reproduction au sens de cet article.

Art. 8

Droit de distribution

L'art. 8 confère aux artistes interprètes ou exécutants le droit exclusif de distribution sur les copies qui peuvent être mises en circulation en tant qu'objets tangibles (cf. déclaration commune concernant les art. 8 et 9). La réglementation de la question de l'épuisement du droit ressort aux Parties contractantes.

Art. 9

Droit de location

Cette disposition confère aux artistes interprètes ou exécutants le droit exclusif de location sur l'original et les copies des fixations audiovisuelles de leurs interprétations ou exécutions qui peuvent être mises en circulation en tant qu'objets tangibles (cf. déclaration commune concernant les art. 8 et 9). Ce droit se définit en fonction de la législation nationale des Parties contractantes et s'applique à la location commerciale au public, et ce, même si les originaux ou les copies des fixations audiovisuelles ont été distribués par les artistes ou avec leur consentement.

Par ailleurs, la portée de ce droit est limitée par l'al. 2, qui oblige les Parties contractantes à accorder ce droit exclusif de location seulement dans la mesure où la location commerciale résulte en un nombre élevé de copies qui entrave considérablement le droit de reproduction des artistes interprètes ou exécutants.

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Art. 10

Droit de mettre à disposition des interprétations ou exécutions fixées

Le droit de mettre à disposition des interprétations ou exécutions fixées correspond pour l'essentiel au droit de distribution à l'art. 8 BTAP. L'article couvre en particulier les services à la demande.

Art. 11

Droit de radiodiffusion et de communication au public

L'al. 1 confère aux artistes interprètes ou exécutants le droit exclusif d'autorisation pour la diffusion et la communication au public des interprétations ou exécutions fixées. Aux termes de l'al. 2, les Parties contractantes peuvent cependant formuler une réserve permettant de prévoir pour ce type d'utilisations un droit à rémunération équitable à la place du droit d'autorisation. Une telle réserve doit être notifiée au Directeur général de l'OMPI.

Selon l'al. 3, chaque Partie contractante peut également formuler une réserve visant à limiter ou à exclure l'application du droit d'autorisation ou du droit à rémunération équitable mentionnés aux al. 1 et 2. La Suisse utilisera la possibilité prévue à l'art. 11, al. 2 et 3, et fera donc une telle déclaration lors de la ratification du traité de Beijing109.

Art. 12

Cession des droits

La formulation retenue préserve la liberté contractuelle de l'artiste interprète ou exécutant tout en permettant aux Parties contractantes de légiférer sur cette question.

Ainsi, l'al. 1 permet aux Parties contractantes de prévoir une présomption légale selon laquelle la fixation audiovisuelle d'une interprétation ou exécution, effectuée avec le consentement de l'artiste interprète ou exécutant, implique que les droits exclusifs d'autorisation prévus aux art. 7 à 11 du traité sont détenus ou exercés par le producteur ou cédés à celui-ci. Cette présomption peut être renversée par contrat aux conditions prévues par la législation nationale. Celle-ci peut également prescrire la forme écrite pour de tels contrats pour autant qu'ils concernent des fixations audiovisuelles réalisées conformément à la législation nationale (al. 2). L'obligation portant sur la forme écrite ne peut ainsi pas être appliquée à des fixations réalisées conformément à un ordre juridique étranger.

L'al. 3 clarifie que la législation nationale ou tout contrat, qu'il soit individuel ou collectif, peut prévoir un droit de percevoir des redevances ou une rémunération équitable, et ce, pour toute utilisation de l'interprétation ou exécution et indépendamment de toute cession des droits conformément à l'al. 1. Un tel droit à une rémunération équitable a été établi pour la première fois par la directive 92/100/CEE (art. 4)110 dans le but de renforcer la position des artistes interprètes ou exécutants 109

Voir arrêté fédéral relatif à l'approbation du Traité de Beijing sur les interprétations et exécutions audiovisuelles (projet) en annexe. Les réserves ne sont pas publiées dans le RO. Les versions française et anglaise peuvent être consultées sur le site Internet de l'OMPI (www.wipo.int/wipolex/en/details.jsp?id=13105).

110 Directive 92/100/CEE relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle. Le droit à une rémunération équitable figure aujourd'hui à l'art. 5 de la directive 2006/115/CE qui a remplacé la directive 92/100/CEE.

622

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(et des auteurs) et leur permettre d'obtenir une rémunération équitable111, par exemple lors de la négociation de contrats concernant la production d'un film. L'al. 3 clarifie que de telles réglementations restent possibles et relèvent de la compétence des Parties contractantes. Par conséquent, la LDA indique à son art. 49, al. 3, que le produit de la gestion doit être réparti entre le titulaire originaire et les autres ayants droit de telle manière qu'une part équitable revienne en règle générale à l'artiste interprète ou exécutant (ou à l'auteur).

Il convient de relever que le droit de percevoir des redevances ou une rémunération équitable mentionné à l'al. 3 ne fait pas partie des droits expressément reconnus par le traité (art. 6 à 11) et qu'il se distingue donc à cet égard du droit à rémunération équitable qu'une Partie contractante peut prévoir en lieu et place du droit exclusif d'autoriser la radiodiffusion et la communication au public (art. 11, al. 2). Dès lors, le droit à rémunération visé à l'art. 12, al. 3, échappe à l'application du principe du traitement national (cf. art. 4, al. 1).

Art. 13

Limitations et exceptions

Cet article se calque sur la disposition correspondante du WPPT (art. 16) et exige que les limitations et exceptions prévues par les Parties contractantes soient conformes au test des trois étapes. Ainsi, ces limitations et exceptions sont autorisées si elles se restreignent à certains cas spéciaux (1re étape), si elles ne compromettent pas l'exploitation normale d'une interprétation ou exécution (2e étape) et si elles ne causent pas de préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'artiste interprète ou exécutant (3e étape).

La déclaration commune concernant l'art. 13 renvoie à la déclaration commune concernant l'art. 10 du WCT et prévoit que cette dernière est applicable au présent article par analogie. Celle-ci précise que les limitations et exceptions prévues conformément à la convention de Berne demeurent inchangées puisque le test des trois étapes y figure implicitement. De surcroît, le test des trois étapes est pleinement applicable dans l'environnement numérique.

Art. 14

Durée de la protection

Cette disposition prescrit une durée de protection minimale de 50 ans à compter de la fixation de l'interprétation ou exécution audiovisuelle. Le WPPT prévoit une durée de protection minimale analogue.

Art. 15

Obligations relatives aux mesures techniques

Cette disposition oblige les Parties contractantes à prévoir une protection juridique appropriée contre le contournement de mesures techniques efficaces. Le but est de donner aux artistes interprètes ou exécutants les moyens de se protéger efficacement contre le piratage. Le recours à des mesures techniques n'est cependant pas obligatoire.

111

von Lewinski, Silke, The WIPO Treaties on Copyright, A Commentary on the WCT, the WPPT, and the BTAP, 2e édition, Oxford 2015, art. 12 BTAP, n. 9.12.38.

623

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Cette disposition et ses déclarations communes correspondent mutatis mutandis aux art. 11 WCT et 18 WPPT. Seules les mesures techniques efficaces sont protégées contre le contournement. Sont ainsi visées uniquement les mesures techniques offrant au moins une protection minimale. Bien que les Parties contractantes ne soient tenues de protéger que les moyens techniques permettant d'assurer la protection des droits prévus par le traité, ils ont le droit d'étendre cette protection contre le contournement à d'autres droits. Ils sont enfin libres de prévoir des exceptions dans leurs législations.

La déclaration commune concernant l'art. 15 en rapport avec l'art. 13 précise que les mesures techniques ne doivent pas entraver la faculté d'un bénéficiaire de jouir des limitations et exceptions prévues par la législation nationale conformément à l'art. 13. La déclaration commune rappelle par ailleurs que les obligations relatives aux mesures techniques ne s'appliquent pas aux interprétations ou exécutions qui ne sont pas ou plus protégées en vertu de la législation nationale. Lors de la conférence diplomatique de Beijing, la Suisse a formulé une déclaration interprétative concernant la mise en oeuvre de l'art. 15, dont voici la teneur: «It is Switzerland's understanding that Art. 15 with its agreed statement corresponds mutatis mutandis to those in the WCT and the WPPT. The reference in the agreed statement to indicates a way by which undue barriers to the enjoyment of limitations and exceptions may be avoided. It does not create an obligation either to provide for specific proceedings or to establish an administrative or judicial body prior to the enjoyment of exceptions and limitations». Cette précision est importante pour la Suisse parce qu'il n'est pas possible de faire valoir l'interdiction de contournement de mesures techniques efficaces inscrite à l'art. 39a, al. 4, LDA si le contournement a servi exclusivement à rendre possible une utilisation prévue par la loi.

La déclaration commune concernant l'art. 15 relève que l'expression «mesures techniques qui sont mises en oeuvre par les artistes interprètes ou exécutants» doit être interprétée au sens large et inclut les personnes qui agissent au nom des artistes interprètes ou exécutants.

Art. 16

Obligations relatives à l'information sur le régime des droits

Cette disposition oblige les Parties contractantes à prévoir des sanctions matérielles suffisantes et des procédures d'application des droits permettant de protéger les informations électroniques sur le régime des droits. L'al. 2 spécifie le type d'informations visées: celles-ci incluent les informations permettant d'identifier l'artiste interprète ou exécutant, l'interprétation ou exécution ou le titulaire de tout droit sur celle-ci, mais aussi les informations sur les conditions et modalités d'utilisation, ainsi que tout numéro ou code représentant ces informations. Ces éléments doivent être joints à la fixation audiovisuelle d'une interprétation ou exécution. Les Parties contractantes sont libres de protéger d'autres informations.

Calqué sur l'art. 12 WCT, l'al. 1 définit les actes pour lesquels les Parties contractantes doivent prévoir des sanctions juridiques appropriées et efficaces. Il s'agit d'une part de la suppression ou modification non autorisée d'informations électroniques; et d'autre part, de la distribution, importation aux fins de distribution, radiodiffusion ou communication au public ou mise à sa disposition non autorisée en

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connaissance de la suppression ou de la modification préalable non autorisée d'informations électroniques.

La déclaration commune concernant l'art. 16 renvoie à la déclaration commune concernant l'art. 12 WCT et prévoit que cette dernière est applicable au présent article par analogie. Ainsi, cette déclaration précise que l'art. 16 ne doit empêcher ni le libre mouvement des marchandises, ni l'exercice des droits reconnus par le traité de Beijing.

Art. 17

Formalités

A l'instar de l'art. 20 WPPT, cette disposition précise que la jouissance et l'exercice des droits prévus dans le Traité de Beijing ne sont subordonnés à aucune formalité.

Art. 18

Réserves et notifications

A l'exception des réserves expressément autorisées par les art. 11, al. 2 et 3, et 19, al. 2, aucune autre réserve au traité n'est admise.

Art. 19

Application dans le temps

Aux termes de l'al. 1, chaque Partie est tenue d'appliquer le traité aux interprétations ou exécutions fixées existant à l'entrée en vigueur du traité à son égard, ainsi qu'à toute interprétation ou exécution qui a lieu après ce moment. Par contre, l'al. 3 spécifie que le traité est sans préjudice de tout acte accompli, tout accord conclu ou tout droit acquis avant l'entrée en vigueur du traité à l'égard de chaque Partie.

L'al. 2 prévoit une disposition spéciale permettant à chaque Partie contractante de limiter l'application des art. 7 à 11 s'agissant des interprétations ou exécutions fixées qui existaient à l'entrée en vigueur du traité à son égard. Suivant le principe de réciprocité, les autres Parties peuvent prévoir à l'égard de cette Partie une limitation équivalente des droits concernés.

L'al. 3 permet par ailleurs à chaque Partie contractante de prévoir des dispositions transitoires concernant l'application des droits prévus à l'art. 5 et aux art. 7 à 11 par rapport à une interprétation ou exécution qui avait fait l'objet d'actes licites avant l'entrée en vigueur du traité à son égard.

Art. 20

Dispositions relatives à la sanction des droits

L'application du droit reste de la compétence des Parties contractantes. Celles-ci doivent adopter, en conformité avec leur système juridique, les mesures permettant d'assurer l'application du présent traité. Leur législation doit comporter au minimum des procédures d'application des droits et des mesures propres à prévenir et à empêcher tout acte susceptible de porter atteinte aux droits. La procédure pénale n'est pas exigée explicitement.

625

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Art. 25

Signature du traité

Le traité de Beijing était ouvert à la signature pendant un an après son adoption. 71 Etats et l'UE l'ont signé dans ce délai. La Suisse l'a signé le 26 juin 2012 à l'issue de la Conférence diplomatique sur la protection des interprétations et exécutions audiovisuelles sous réserve de ratification.

Art. 26

Entrée en vigueur du traité

Le traité de Beijing entrera en vigueur trois mois après que 30 Parties auront déposé leur instrument de ratification ou d'adhésion. A ce jour, seize Etats112 ont déposé leur instrument de ratification ou d'adhésion. Le traité de Beijing n'est dès lors pas encore entré en vigueur.

2.2.2

Traité de Marrakech

Préambule Le traité de Marrakech relève en particulier la nécessité d'augmenter le nombre d'oeuvres dans des formats accessibles aux aveugles, aux déficients visuels et aux personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés, ainsi que leur circulation transfrontière et constate que la plupart des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés vivent dans les pays en développement et les pays les moins avancés. Il réaffirme par ailleurs les obligations incombant aux Parties contractantes en vertu des traités internationaux en matière de droit d'auteur, de même que l'importance et la souplesse du test des trois étapes applicable aux limitations et exceptions (art. 9, al. 2, convention de Berne).

Art. 1

Rapport avec d'autres conventions et traités

Malgré la référence expresse du préambule à divers accords internationaux (comme la déclaration universelle des droits de l'homme, la convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées et la convention de Berne), le traité de Marrakech se veut être un traité international indépendant qui ne déroge pas aux droits et obligations découlant de tout autre traité. Il ne crée aucune obligation de ratifier un traité existant ou d'y adhérer.

Art. 2

Définitions

Le terme «oeuvres» est défini par référence à la définition énoncée à l'art. 2, al, 1, de la convention de Berne qui est ici limitée, aux fins du traité, aux oeuvres sous la forme de texte, de notations ou d'illustrations y relatives qui sont publiées ou mises d'une autre manière à la disposition du public sur quelque support que ce soit. Le champ d'application du traité ne couvre ainsi pas l'ensemble des catégories 112

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www.wipo.int > Références > Traités administrés par l'OMPI > Traité de Beijing sur les interprétations et exécutions audiovisuelles > Parties contractantes

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d'oeuvres protégées au titre de la convention de Berne. En sont ainsi exclues en particulier les oeuvres audiovisuelles telles que les films, ainsi que les oeuvres acoustiques telles que la musique. La formulation «sur quelque support que ce soit» souligne le fait que contrairement à la forme de l'oeuvre, le support utilisé n'est pas déterminant dans ce contexte. La déclaration commune concernant l'art. 2, let. a, indique expressément que les livres en format audio tels que les livres sonores sont couverts par la définition. Elle illustre l'attention particulière accordée à ce format lors des négociations.

La définition de l'«exemplaire en format accessible» s'oriente à la finalité du format utilisé. Celui-ci doit permettre aux personnes bénéficiaires d'accéder à l'oeuvre aussi aisément et librement qu'une personne sans handicap visuel. La définition englobe ainsi aussi bien la translittération d'oeuvres en braille que leur présentation sous toute autre version adaptée.

L'«entité autorisée» est une entité autorisée ou reconnue par le gouvernement pour offrir aux bénéficiaires du traité, à titre non lucratif, des services en matière d'enseignement, de formation pédagogique, de lecture adaptée ou d'accès à l'information. Sans être bénéficiaires du traité, les entités autorisées sont incluses dans le champ d'application ratione personae. Elles constituent en quelque sorte des intermédiaires agissant pour les bénéficiaires (tels que définis à l'art. 3).

L'obligation qui leur est imposée de définir et suivre leurs propres pratiques dans l'exercice de leurs fonctions et de faire preuve de la diligence requise dans leur gestion des exemplaires d'oeuvres (art. 2, let. c, ch. iv) a pour but principal d'assurer que les exemplaires en format accessible aux aveugles, aux déficients visuels et aux personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés qui sont produits, distribués et mis à disposition en vertu du traité ne soient pas détournés de leur finalité et ne viennent pas concurrencer le marché des oeuvres publiées.

Art. 3

Personnes bénéficiaires

Le cercle des personnes bénéficiaires a été défini par rapport à leur difficulté de lire des textes imprimés. Il englobe aussi bien les personnes aveugles (let. a), celles qui sont atteintes d'une déficience visuelle qui ne peut être réduite de manière suffisante pour qu'elles puissent lire dans la même mesure qu'une personne sans un tel handicap (let. b), ainsi que les personnes atteintes d'un handicap physique qui les empêche de tenir ou manipuler un livre ou encore de maîtriser leurs yeux de manière à pouvoir lire (let. c).

La déclaration commune concernant l'art. 3, let. b, clarifie qu'une personne atteinte d'une déficience visuelle sera considérée comme personne bénéficiaire au titre du traité, et ce, même si elle n'a pas essayé toutes les méthodes de diagnostic et tous les traitements médicaux possibles par tenter de rendre sa fonction visuelle sensiblement équivalente à celle d'une personne non atteinte de cette déficience.

Art. 4

Limitations et exceptions relatives aux exemplaires en format accessible prévues dans la législation nationale

L'al. 1 oblige les Parties contractantes à prévoir dans leur législation nationale un certain nombre de restrictions minimales dans le but de faciliter la mise à disposition 627

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des oeuvres en format accessible aux personnes bénéficiaires. Ce standard minimum inclut une restriction aux droits de reproduction, de distribution et de mise à la disposition du public.

Le texte précise que les changements nécessaires pour rendre l'oeuvre accessible dans le format adapté devraient être autorisés. Etant donné que le traité n'oblige pas les Parties contractantes à prévoir une restriction au droit exclusif de modification, cette précision revêt une importance primordiale. En effet, la transformation d'une oeuvre en format accessible aux aveugles, aux déficients visuels et aux personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés s'accompagne en pratique toujours de certaines modifications. Bien que la formulation retenue à l'al. 1, let. a, utilise le conditionnel, le but visé par cette disposition ainsi que la deuxième partie de la définition du terme «exemplaire en format accessible» à l'art. 2 montrent que l'intention est bien de permettre les modifications nécessaires au changement de format. Le législateur suisse a reconnu ce besoin et prévoit expressément cette possibilité (art. 24c, al. 1, LDA); le message113 mentionne à titre d'exemple une oeuvre littéraire parue sous forme de livre qui pourra être reproduite en braille.

L'al. 1, let. b, précise que les Parties contractantes sont également libres de prévoir une restriction au droit de représentation ou exécution publique dans le but de faciliter l'accès des personnes bénéficiaires aux oeuvres.

Deux options s'offrent aux Parties contractantes s'agissant de la mise en oeuvre de l'obligation énoncée à l'al. 1. La première option consiste à introduire au niveau national une règlementation conforme à l'al. 2. Cette règlementation fixe d'une part les conditions à respecter par les entités autorisées (let. a), et d'autre part, celles applicables aux personnes bénéficiaires et aux personnes physiques agissant en leur nom (let. b). Les entités autorisées peuvent réaliser un exemplaire en format accessible, obtenir un tel exemplaire d'une autre entité autorisée et mettre ces exemplaires à disposition des personnes bénéficiaires lorsque les conditions suivantes sont satisfaites: (i) avoir un accès licite à l'oeuvre, (ii) opérer seulement les changements nécessaires pour rendre l'oeuvre accessible dans le format adapté,
(iii) offrir les exemplaires en format accessible uniquement pour l'utilisation des personnes bénéficiaires et, (iv) poursuivre un but non lucratif.

L'al. 2, let. b, permet aux personnes bénéficiaires ou aux personnes agissant en leur nom de réaliser, pour l'usage personnel de la personne bénéficiaire, un exemplaire en format accessible à condition que cette dernière ait un accès licite à un exemplaire de l'oeuvre.

La deuxième option ouverte aux Parties contractantes pour satisfaire à leurs obligations aux termes de l'al. 1 est décrite à l'al. 3. Il prévoit que les Parties contractantes peuvent satisfaire aux obligations définies à l'al. 1 en adoptant dans leur législation nationale des restrictions au droit d'auteur appropriées qui sont conformes à leurs droits et obligations découlant d'autres accords internationaux, et en particulier au test des trois étapes. Dans ce contexte, la déclaration commune concernant l'art. 4, ch. 3 précise que cette faculté n'affecte pas les limitations et exceptions prévues par la convention de Berne concernant le droit de traduction.

113

628

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FF 2018

Conformément à l'al. 4, les Parties contractantes peuvent formuler une réserve permettant de limiter, au niveau national, le champ d'application des restrictions prévues au titre de cet article aux oeuvres qui ne peuvent être obtenues dans un format accessible sur le marché à des prix raisonnables. Une telle réserve doit être notifiée au directeur général de l'OMPI. La déclaration commune concernant l'art. 4, ch. 4, clarifie que la condition de la disponibilité dans le commerce est sans préjudice du test des trois étapes. Le projet prévoit que la Suisse ratifie le traité de Marrakech sans la réserve mentionnée à l'al. 4114.

Enfin, l'al. 5 réserve aux Parties contractantes la liberté de soumettre les restrictions relatives aux exemplaires en format accessible à rémunération.

Art. 5

Echange transfrontière d'exemplaires en format accessible

Disposition cruciale du traité, l'al. 1 oblige les Parties contractantes à inscrire dans leur législation nationale une règle autorisant l'échange transfrontière, par une entité autorisée d'une autre Partie contractante, d'exemplaires en format accessible aux aveugles, aux déficients visuels et aux personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés. L'échange transfrontière n'est possible qu'entre Parties contractantes. Par ailleurs, cette disposition s'étend uniquement aux exemplaires en format accessible réalisés en application d'une restriction ou de la loi. Ainsi, seuls les exemplaires réalisés de façon licite dans une Partie contractante peuvent être exportés en application de cette disposition.

Deux différentes options sont prévues pour la mise en oeuvre au niveau national de l'obligation prescrite à l'al. 1: soit en prévoyant une restriction conformément à l'al. 2, soit en introduisant d'autres restrictions conformément à l'al. 3. Dans les deux cas, le texte rappelle que les exemplaires en format accessible sont destinés à l'usage exclusif des personnes bénéficiaires.

Aux termes de l'option décrite à l'al. 2 pour la mise en oeuvre de l'obligation prescrite à l'al. 1, les entités autorisées sont autorisées à distribuer ou à mettre à disposition dans une autre Partie contractante, sans l'autorisation du titulaire du droit, des exemplaires en format accessible à l'intention d'une autre entité autorisée (let. a) ou à celle d'une personne bénéficiaire (let. b). Le texte rappelle qu'une entité autorisée doit renoncer à la distribution ou la mise à disposition transfrontière dès lors qu'elle sait ou a des motifs raisonnables de croire que les exemplaires seront utilisés aux profits d'autres personnes.

L'option décrite à l'al. 3 pour la mise en oeuvre de l'obligation prescrite à l'al. 1 consiste à introduire au niveau national d'autres restrictions que celle formulée à l'al. 2. Celles-ci doivent satisfaire aux exigences du test des trois étapes et aux conditions énoncées à l'al. 4.

L'al. 4, let. a, prévoit que lorsqu'une entité autorisée dans une Partie contractante reçoit des exemplaires en format accessible et que cet Etat n'est pas soumis au test des trois étapes en vertu de la convention de Berne, celui-ci doit s'assurer que ces exemplaires sont utilisés au profit exclusif des personnes bénéficiaires sur leur 114

Voir les explications données au ch. 1.5.2.2.

629

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propre territoire. La redistribution des exemplaires en dehors de ce territoire est donc interdite.

L'al. 4, let. b, soumet la distribution et la mise à disposition dans une autre Partie contractante d'exemplaires en format accessible réalisés dans une Partie contractante en vertu de l'art. 5, al. 1, à la condition que la Partie contractante dans laquelle l'exemplaire est réalisé soit partie au WCT ou qu'il applique le test des trois étapes aux restrictions mises en oeuvre en vertu du traité de Marrakech.

Pour finir, l'al. 5 indique qu'aucune disposition du traité ne doit être interprétée de manière à affecter la question de l'épuisement des droits.

Art. 6

Importation d'exemplaires en format accessible

Lorsqu'une Partie contractante permet la réalisation d'exemplaires en format accessible aux aveugles, aux déficients visuels et aux personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés sur son territoire, il doit également en autoriser l'importation sans l'autorisation du titulaire du droit. Cet article permet aux personnes bénéficiaires, aux personnes physiques agissant en leur nom ou aux entités autorisées d'opter pour la variante la plus adaptée dans le cas d'espèce. Elles pourront ainsi réaliser des économies conséquentes en important des exemplaires en format accessible disponibles dans une autre Partie contractante au lieu de les confectionner elles-mêmes. L'importation d'exemplaires en format accessible réalisés dans le pays d'origine en vertu d'une restriction légale n'est pas autorisée selon le droit en vigueur (art. 24c LDA), ce qui explique l'adaptation115.

La déclaration commune concernant l'art. 6 rappelle que les Parties contractantes disposent, pour la mise en oeuvre de leurs obligations en vertu de l'art. 6, des éléments de flexibilité prévus à l'art. 4.

Art. 7

Obligations concernant les mesures techniques de protection

Selon cette disposition, les Parties contractantes qui prévoient une protection juridique contre le contournement de mesures techniques sont tenues de s'assurer que cette protection n'entrave pas la faculté d'une personne bénéficiaire de jouir des restrictions prévues par le traité.

En pratique, cet article s'appliquera uniquement aux Parties contractantes qui sont également parties à un ou plusieurs traités, tels que le WCT, le WPPT ou le traité de Beijing, prévoyant une protection juridique contre le contournement de mesures techniques (cf. les art. 11 WCT, 18 WPPT et 15 BTAP).

La déclaration commune concernant l'art. 7 précise que les entités autorisées restent libres d'appliquer des mesures techniques conformes à la législation nationale lors de la réalisation, la distribution et la mise à disposition des exemplaires en format accessible. Ces mesures peuvent en effet se révéler indispensables pour que les 115

630

Voir arrêté fédéral portant approbation du Traité de Marrakech du 27 juin 2013 visant à faciliter l'accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés aux oeuvres publiées (projet) et les explications données au ch. 1.5.2.2.

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entités autorisées puissent continuer leur activité en faveur des personnes bénéficiaires.

Art. 8

Respect de la vie privée

L'identification des personnes bénéficiaires du traité de Marrakech implique nécessairement une certaine intrusion dans leur vie privée. Cette disposition encourage les Parties contractantes à opter pour une mise en oeuvre qui garantit la protection de la vie privée des personnes bénéficiaires de manière égale à celle de toute autre personne.

Art. 9

Coopération visant à faciliter les échanges transfrontières

Dans le but de faciliter les échanges transfrontières d'exemplaires en format accessible aux aveugles, aux déficients visuels et aux personnes ayant d'autres difficultés de lecture, le traité encourage la mise à disposition d'informations concernant les entités autorisées, ainsi que leurs politiques et pratiques, afin qu'elles puissent notamment s'identifier facilement les unes les autres.

La déclaration commune concernant l'art. 9 précise que ce partage d'information n'implique, pour les entités autorisées, aucune obligation de s'enregistrer, ni aucune autre condition préalable à l'exercice de leurs activités.

Art. 10

Principes généraux de mise en oeuvre

Cette disposition souligne le fait que les Parties contractantes sont libres de décider des moyens à adopter, et de leur forme juridique, pour mettre en oeuvre le traité dans leurs propres systèmes et pratiques juridiques (al. 2). L'al. 3 précise que les Parties contractantes peuvent opter pour des restrictions expressément en faveur des personnes bénéficiaires ou d'autres restrictions appropriées.

Aux termes de la déclaration commune concernant l'art. 10, ch. 2, les restrictions prévues par le traité s'appliquent mutatis mutandis aux droits voisins dès lors qu'une oeuvre constitue une oeuvre au sens de l'art. 2, let. a, du traité.

Art. 11

Obligations générales concernant les limitations et exceptions

L'art. 11 réitère l'obligation des Parties contractantes de respecter le test des trois étapes tel que formulé aux art. 10 WCT, 13 de l'accord sur les ADPIC et 9, al. 2, de la convention de Berne. En vertu de ce test, les limitations et exceptions doivent se limiter à certains cas spéciaux (1re étape), ne pas porter atteinte ni à l'exploitation normale de l'oeuvre utilisée (2e étape), ni causer un préjudice injustifié aux intérêts du titulaire de droits (3e étape).

Art. 12

Autres limitations et exceptions

Cette disposition indique que les restrictions prévues par le traité en faveur des personnes bénéficiaires constituent un standard minimum. Les Parties contractantes restent libres de prévoir d'autres restrictions conformes à leurs droits et à leurs obligations sur le plan international qui répondent à des besoins particuliers. Cette 631

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disposition illustre la difficulté d'élaborer des restrictions spécifiques répondant aux besoins particuliers des bénéficiaires du traité sans que ces règles limitent les flexibilités dont disposent les Parties contractantes au titre d'autres accords internationaux, en particulier de la convention de Berne et de l'accord sur les ADPIC.

Aux termes de l'al. 2, les restrictions prévues spécifiquement en faveur des personnes bénéficiaires ne doivent avoir aucune influence sur les restrictions que les Parties contractantes peuvent prévoir au niveau national en faveur des personnes handicapées.

Art. 16

Droits et obligations découlant du traité

Cet article prévoit que les Parties contractantes jouissent de tous les droits et assument toutes les obligations découlant du traité de Marrakech sauf disposition contraire expresse du traité. La formulation retenue semble ainsi exclure la possibilité de formuler des réserves autres que celles autorisées par l'art. 4, ch. 4.

Art. 17

Signature du traité

Le traité de Marrakech était ouvert à la signature encore pendant un an après son adoption. 60 Etats l'ont signé dans ce délai. La Suisse l'a signé le 28 juin 2013 à l'issue de la Conférence diplomatique pour la conclusion d'un traité visant à faciliter l'accès des déficients visuels et des personnes ayant des difficultés de lecture des textes imprimés aux oeuvres publiées sous réserve de ratification.

Art. 18

Entrée en vigueur du traité

Le traité de Marrakech entrera en vigueur trois mois après que 20 parties auront déposé leur instrument de ratification ou d'adhésion. Le traité est entré en vigueur le 30 septembre 2016 après sa ratification par le Canada le 30 juin 2016 comme vingtième Partie116.

2.3

Mise en oeuvre du traité de Marrakech

Art. 24c

Utilisation par des personnes atteintes de déficiences sensorielles

La LDA prévoit déjà, à son art. 24c, une restriction au droit d'auteur en faveur des personnes handicapées. Cette disposition s'applique à toutes les catégories d'oeuvres et sans distinction quant au type de handicap faisant obstacle à la perception de l'oeuvre. A ces égards, la restriction ancrée dans la LDA est plus large que celle prévue par le traité de Marrakech.

Il est néanmoins nécessaire d'apporter une modification à la disposition pour autoriser l'importation en Suisse, depuis une Partie contractante, d'exemplaires en format accessible aux personnes atteintes de déficiences visuelles (voir art. 6 du traité de 116

632

A ce jour, 28 Etats ont déposé leur instrument de ratification ou d'adhésion; cf. www.wipo.int > Références > Traités administrés par l'OMPI > Traité de Marrakech > Parties contractantes.

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Marrakech). Le droit suisse en vigueur admet en effet uniquement l'importation d'exemplaires d'oeuvres en format accessible aux personnes handicapées qui ont été aliénés dans le pays d'origine par l'auteur ou avec son consentement (art. 12, al. 1, LDA). L'inscription d'un nouvel al. 3 à l'art. 24c permet d'élargir la portée de la disposition pour rendre le droit suisse conforme aux conditions posées à l'art. 6 du traité de Marrakech. Grâce à cet amendement, il sera possible d'importer des exemplaires d'oeuvres en format accessible qui ont été créés en vertu d'une restriction légale au droit d'auteur.

Il découle aussi de ce nouvel al. 3 ce qui est considéré en Suisse comme le système d'un réseau d'«entités autorisées» au sens de l'art. 2 du traité de Marrakech. Aux termes de l'al. 3, seules l'importation et l'exportation d'exemplaires «obtenus par une organisation à but non lucratif dont l'une des activités principales est de fournir aux personnes atteintes de déficiences sensorielles des services en matière d'enseignement, de formation pédagogique, de lecture adaptée ou d'accès à l'information» sont autorisées. Dans la pratique, les associations ou autres structures oeuvrant en Suisse en faveur des personnes atteintes de déficiences sensorielles117 (par ex. la Fédération suisse des aveugles et malvoyants) satisfont à ces critères et pourront donc importer et exporter ces exemplaires en vertu de l'al. 3.

Les utilisations admises en vertu de l'art. 24c, al. 1, LDA doivent être interprétées à la lumière du but poursuivi, à savoir simplifier l'accès des personnes handicapées aux oeuvres protégées.118 Il convient aussi de prendre en considération le but de la loi du 13 décembre 2002 sur l'égalité pour les handicapés (Lhand)119, qui est «de prévenir, de réduire ou d'éliminer les inégalités qui frappent les personnes handicapées»120. Il importe en outre d'atteindre l'objectif formulé dans le traité de Marrakech «en vue de permettre aux déficients visuels et aux personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés d'accéder plus facilement aux oeuvres et d'en faire usage»121. Aussi le champ d'application de la restriction est-il clarifié à l'al. 1. Outre le droit de reproduction, il couvre expressément aussi le droit de mettre en circulation et celui de mettre à disposition. Cette
interprétation de l'al. 1 s'impose aujourd'hui déjà dans les faits. Il apparaît en effet indispensable qu'une oeuvre reproduite en vertu de la restriction légale sous une forme accessible puisse être mise en circulation auprès des personnes bénéficiaires ou mise à leur disposition afin qu'elles puissent effectivement y avoir accès. Cette approche pragmatique va par ailleurs dans le même sens que la jurisprudence du Tribunal fédéral s'agissant de la portée de la restriction au droit de reproduction dans le contexte de l'utilisation à des fins privées122.

117 118

119 120 121 122

Voir tarif commun 10 (2013-2017), ch. 2.

Voir message du 10 mars 2006 concernant l'arrêté fédéral relatif à l'approbation de deux traités de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle et concernant la modification de la loi sur le droit d'auteur, FF 2006 3263 3304 s.

RS 151.3 Voir art. 1, al. 1, LHand.

Traité de Marrakech, dernier considérant du préambule.

Voir ATF 133 III 473, consid. 3.1. Le Tribunal fédéral a considéré que la restriction au droit de reproduction prévue par l'art 19, al. 1, let. c, LDA autorise non seulement la reproduction d'exemplaires, mais également leur mise en circulation au sein de l'entreprise.

633

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L'art. 24c LDA ne prescrit pas de forme spécifique pour la reproduction d'une oeuvre publiée en vue de la rendre accessible aux personnes bénéficiaires. La restriction s'applique ainsi à toute forme de reproduction indépendamment du support utilisé, pour autant que l'exemplaire ainsi créé soit accessible à la personne bénéficiaire123. Cette disposition doit par conséquent s'interpréter dans le sens que certaines atteintes à l'intégrité de l'oeuvre (garantie par l'art. 11, al. 1, LDA) sont implicitement autorisées pour autant qu'elles soient nécessaires à la création de l'exemplaire en format accessible aux personnes handicapées. En plus des modifications d'ordre technique liées au changement de support (format shifting), telles que la conversion d'un texte écrit sur du papier à une version braille, le redimensionnement de la mise en page ou encore le changement des contrastes de couleurs, la restriction autorise également d'autres modifications de l'oeuvre telles que le soustitrage ou l'audiodescription d'un film.

La forme de l'exemplaire à créer en vertu de l'art. 24c LDA doit être choisie en fonction du handicap de la personne à laquelle il est destiné. La restriction autorise par exemple la reproduction en braille d'une oeuvre littéraire parue sous forme de livre afin de la rendre perceptible par une personne malvoyante. Si cette personne ne maîtrise pas le braille, ce format ne sera pas accessible pour elle. Il faudra opter pour un autre format (par ex. livre en gros caractères, e-book ou livre audio). De même, les dialogues et les autres éléments audio d'un film pourront être retranscrits sous forme de sous-titres afin de rendre l'oeuvre perceptible par une personne malentendante. Dans le cas d'une personne malvoyante, on utilisera une technique comme l'audiodescription.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

3.1.1

Conséquences financières

L'IPI est une unité décentralisée de la Confédération. Elle tient donc sa propre comptabilité et couvre entièrement ses dépenses par les taxes perçues sur les titres de protection. La surveillance des nouvelles licences collectives étendues entraînera certes quelques tâches supplémentaires pour l'IPI, mais qui ne nécessiteront pas plus de dix heures de travail supplémentaires par an, qui peuvent être accomplies avec les ressources existantes. Le projet de révision de la LDA n'a donc pas de conséquences financières pour la Confédération.

3.1.2

Conséquences sur l'état du personnel

La révision législative n'a pas de conséquence sur le personnel de la Confédération.

Les ressources humaines actuelles de l'IPI permettent de couvrir le travail supplémentaire lié à la surveillance des nouvelles licences collectives étendues.

123

634

Le tarif commun 10 (2013­2017) cite à son ch. 1.2 les supports sonores, audiovisuels, braille ainsi que la forme numérique.

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3.2

Conséquences pour les cantons et les communes

Le projet de révision n'a pas d'impact direct sur le personnel et les finances des cantons et des communes.

La lutte contre le piratage en ligne sur Internet implique que des données en cas de violation présumée du droit d'auteur soient traitées. Aujourd'hui, la situation juridique dans ce domaine n'est pas claire et insatisfaisante (voir à ce propos le commentaire de l'art. 77i au ch. 2.1). La révision apporte de la sécurité juridique. Il est possible que l'on assiste à une augmentation du nombre de procédures judiciaires pour violation du droit d'auteur. Pour les magistratures, cet accroissement peut être synonyme de travail supplémentaire comparé à la situation actuelle (voir à ce propos le ch. 3.3.3.1).

3.3

Conséquences économiques

3.3.1

Nécessité et possibilité d'une intervention de l'Etat

Le droit d'auteur consacre des droits de propriété garantis par l'Etat sur des oeuvres culturelles. Il crée donc les conditions nécessaires, mais pas suffisantes pour garantir une offre optimale d'oeuvres culturelles dans la société. Ces droits de propriété doivent en plus pouvoir être appliqués. Le droit d'auteur est par conséquent constamment développé et adapté aux nouvelles possibilités technologiques.

En particulier depuis l'avènement d'Internet, il est devenu de plus en plus difficile, pour les titulaires de droits, de faire reconnaître leurs droits de propriété. Si leurs droits ne sont pas imposables avec crédibilité, cela risque de compromettre à long terme les incitations positives du droit d'auteur. C'est pourquoi il incombe à l'Etat de créer les conditions générales favorisant la garantie des droits de propriété.

Une intervention utile de l'Etat dans le marché des biens culturels porte à son maximum l'effet incitatif positif du droit d'auteur pour les artistes tout en diminuant les distorsions négatives des prix et les effets des coûts des transactions pour l'ensemble de la société. Deux types de mesures en particulier permettent de corriger ces deux effets secondaires indésirables: ­

Les restrictions au droit d'auteur: le droit d'auteur interdit en principe d'utiliser l'oeuvre d'autrui; une utilisation doit néanmoins rester possible sous certaines conditions. Sans ces restrictions au droit d'auteur en faveur de certains actes, la production d'autres oeuvres serait trop limitée. Sans le droit de citation (voir art. 25 LDA) et les restrictions en faveur de l'utilisation à des fins privées (voir art. 19 LDA), par exemple, la rédaction d'articles scientifiques serait impossible. Ces restrictions font en outre sens là où le droit d'auteur aurait pour conséquence des coûts de transaction trop élevés comme lors de l'usage d'oeuvres dans les institutions de formation. S'il fallait acheter une licence à chaque fois que l'on copie une page d'un manuel, les coûts de transaction deviendraient prohibitifs et l'utilisation des oeuvres s'en trouverait compromise.

635

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­

La gestion collective: dans certains cas, il serait certes possible, en théorie, de négocier individuellement une licence pour chaque utilisation d'une oeuvre mais, pour des motifs économiques, une telle approche ne fait pas sens et il est indiqué d'avoir recours à la gestion collective. En 2015, le produit de la gestion des droits par les sociétés de gestion suisses s'est élevé à 300 millions de francs124. La gestion collective s'impose par ailleurs lorsque les droits d'auteur ne peuvent pas être exercés au cas par cas pour des raisons pratiques125.

3.3.2

Conséquences pour les différents groupes de la société

Titulaires des droits Les nouveautés introduites par la révision en faveur des titulaires sont la rémunération pour l'utilisation d'oeuvres orphelines, l'extension du droit à rémunération aux artistes-interprètes dans le cadre de la vidéo à la demande, l'introduction d'une licence collective étendue, l'allongement de la protection des droits voisins de 50 à 70 ans et la protection des photographies dépourvues de caractère individuel. On peut s'attendre à ce que ces mesures génèrent des recettes supplémentaires pour les titulaires, lesquels espèrent par ailleurs que l'efficacité accrue de la lutte contre le piratage améliore les possibilités d'exploitation de leurs oeuvres (voir ch. 3.3.3.1), ce qui peut générer des recettes supplémentaires pour les artistes.

Pour les sociétés de gestion, la révision n'a pas d'incidence notable sur leurs ressources. Elles profiteront de gains d'efficacité grâce à une simplification du traitement des données (voir ch. 3.3.3.2).

Hébergeurs Il existe aujourd'hui déjà une autorégulation dans la branche des hébergeurs. La révision prévoit des obligations supplémentaires pour les hébergeurs dont les fonctionnalités techniques ou le modèle d'affaires génère un risque particulier de violation de droits d'auteur. Les charges supplémentaires liées à ces obligations ne concernent que peu de fournisseurs de services Internet126.

124

Voir www.swisscopyright.ch > Recettes et répartition > Flux financiers > Evolution du marché.

125 C'est par exemple le cas pour compenser les pertes de revenu pour l'auteur qui découlent de la restriction en faveur de l'utilisation à des fins privées.

126 La branche est favorable à l'autorégulation existante. En outre, les notifications de violations du droit d'auteur sont déjà en recul; voir à ce propos le sondage de la simsa sur le Code de conduite Hébergement (2015), http://simsa.ch/_Resources/Persistent/2be6be4bbea4d7d7ee569211184b0631b499ab71/ Auswertung-Umfrage-CCH-2016.pdf (consulté la dernière fois le 14.7.2017).

636

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Consommateurs Les consommateurs veulent une offre culturelle aussi vaste que possible à un prix équitable. La révision contribue à ce qu'il y ait à l'avenir aussi suffisamment d'incitations pour la création et concourt ainsi au maintien de l'offre culturelle actuelle.

A l'avenir, les utilisateurs des bases de données des bibliothèques y trouveront des pages de couverture et des tables des matières. Par ailleurs, les consommateurs profiteront vraisemblablement de la possibilité d'utiliser des oeuvres orphelines puisque l'extension de cette restriction devrait accroître la disponibilité du nombre d'oeuvres protégées, tout comme les licences collectives étendues d'ailleurs. Enfin, les personnes actives dans les milieux scientifiques pourront analyser de grands volumes de textes protégés par le droit d'auteur au moyen d'outils techniques.

L'amélioration de la protection des artistes-interprètes dans le cadre de la vidéo à la demande, quant à elle, entraînera seulement une légère augmentation des coûts pour les consommateurs, pour autant que les fournisseurs de tels services répercutent la rémunération due, ce qui paraît peu vraisemblable. L'allongement de 20 ans de la protection des droits voisins ne devrait pas avoir de répercussions significatives non plus (voir ch. 3.3.3).

Petites et moyennes entreprises (PME) Les PME sont les principaux agents sur le marché des biens culturels. Elles ne sont pas toutes concernées de la même manière par les modifications législatives suivant qu'elles appartiennent plutôt au groupe des titulaires ou à celui des utilisateurs. Au final, la révision ne devrait avoir qu'un faible impact sur elles.

3.3.3

Appréciation de quelques mesures concrètes

3.3.3.1

Lutter contre le piratage sur Internet

Stay down pour les hébergeurs Les règles régissant le stay down constituent un arsenal destiné à barrer l'accès d'offres illégales à l'infrastructure Internet suisse. Pour les hébergeurs à l'origine d'un risque particulier de violations du droit d'auteur, l'application des règles du stay down peut avoir un certain coût supplémentaire. En effet, ils devront s'assurer que les contenus portant atteinte au droit d'auteur qui ont été retirés une fois de leurs serveurs ne soient pas réintroduits. Les connaisseurs de la branche estiment que les quelques fournisseurs concernés (env. cinq) devront prévoir chacun au maximum quinze équivalents plein temps. L'effort supplémentaire demandé à la branche dans son ensemble est donc modeste. Cette nouvelle réglementation devrait contribuer à améliorer la réputation de la Suisse sur le marché des biens culturels127 et à réduire les offres pirates dans les secteurs de la musique et du cinéma.

127

La Suisse a par ex. été qualifiée d'insuffisante, ces deux dernières années, dans le rapport spécial 301 du représentant des Etats-Unis pour le commerce, https://ustr.gov > Issue Areas > Intellectual Property > Special 301.

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Traitement des données en cas de violations du droit d'auteur A l'ère du numérique, il est devenu de plus en plus difficile pour les titulaires de faire reconnaître leurs droits. La situation juridique actuelle est donc insatisfaisante.

C'est pourquoi la révision législative prévoit la création d'une base légale autorisant le traitement de données en cas de violations du droit d'auteur. Elle contribue ainsi grandement à désamorcer deux problèmes centraux: premièrement, une situation juridique floue et des coûts administratifs élevés, qui dissuadaient les titulaires à défendre systématiquement leurs droits; deuxièmement, des incitations négatives en conséquence de l'impossibilité à faire reconnaître les droits de propriété. La nouvelle réglementation accroît la sécurité juridique et crée des incitations en faveur de la création, deux facteurs qui contribuent au bon fonctionnement du marché des biens culturels. Pour les titulaires de droits, il sera à l'avenir plus simple d'intenter des actions en justice (voir à ce propos le commentaire de l'art. 77i au ch. 2.1). C'est pourquoi il n'est pas exclu que l'on assiste à une augmentation des procédures judiciaires, qui auront certes des répercussions financières, mais qui devraient avoir également un effet de signal. On peut donc supposer qu'après un accroissement initial des charges financières, la situation se normalise à moyen terme.

3.3.3.2

Optimiser la gestion collective

Information électronique des utilisateurs Dans la mesure où on peut raisonnablement l'exiger d'eux, les utilisateurs doivent fournir aux sociétés de gestion collective des informations sous une forme qui corresponde à l'état actuel de la technique, afin que ces dernières puissent baisser leurs frais administratifs grâce au traitement automatique de ces données; cette baisse devrait, au final, profiter aux auteurs, qui se verront verser davantage d'argent. Les nouvelles dispositions législatives conduisent à une réduction des coûts de transaction et soutiennent l'efficacité sur le marché des biens culturels. Il est possible que les utilisateurs doivent adapter leurs logiciels, ce qui peut générer des dépenses supplémentaires, et convenir avec les sociétés de gestion de la manière de communiquer et transmettre les données. Mais il ne seront tenus de se conformer à cette obligation que dans la mesure où l'on peut raisonnablement l'exiger d'eux, ce qui permet d'éviter des dépenses disproportionnées.

Audition de témoins et réduction des instances dans la procédure d'approbation des tarifs La CAF approuve les tarifs que lui soumettent les sociétés de gestion. Il n'est pas chose aisée de déterminer des tarifs optimaux du point de vue économique. Pour éviter une distorsion dans ce domaine, il est important de disposer d'informations aussi correctes que possibles. C'est pourquoi la CAF doit être habilitée à auditionner des témoins lors de l'approbation des tarifs. Le projet de révision prévoit en outre différentes mesures ayant fait l'objet de concertations avec les cercles intéressés qui sont destinées à accroître l'efficacité de la procédure d'approbation. Ces mesures contribuent elles aussi à réduire les coûts de transaction sur le marché des biens culturels et favorisent l'efficacité économique du droit d'auteur.

638

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3.3.3.3

Assurer la sécurité juridique et l'égalité des droits

OEuvres orphelines Une oeuvre orpheline est une oeuvre dont l'auteur ne peut plus (ou ne peut pas au prix d'un effort raisonnable) être déterminé ou retrouvé. Il demeure donc incertain si elle est protégée par le droit d'auteur ou non. Les photographies provenant de successions de personnalités importantes (voir à ce propos le commentaire de l'art. 22b au ch. 2.1) sont un exemple d'oeuvres orphelines. Jusqu'à présent, l'utilisation d'oeuvres orphelines donnant lieu à une rémunération grâce à la gestion collective n'était possible que pour les oeuvres fixées sur phonogrammes ou vidéogrammes.

Lorsque l'on souhaitait utiliser de telles oeuvres, il fallait verser à la société chargée de la gestion du droit la rémunération prévue dans le tarif correspondant. Dans la pratique, cet instrument juridique n'a été que peu utilisé. En 2015, les recettes issues de l'utilisation d'oeuvres orphelines se sont élevées à 4000 francs128. Le projet de révision étend cette restriction en faveur des oeuvres orphelines à toutes les oeuvres (en particulier aux livres). Il instaure ainsi une sécurité juridique pour les utilisateurs, qui pourront diffuser les oeuvres orphelines, toutes catégories confondues, sans craindre de se voir exposer, ultérieurement, à une action en justice. La disposition légale correspondante réduit par conséquent l'insécurité sur le marché des biens culturels et permet des gains d'efficacité.

Selon des études, la proportion d'oeuvres orphelines dans les archives représente 20 à 30 %. Pour certaines catégories d'oeuvres, par exemple les archives de photographies, la part des oeuvres orphelines peut atteindre 90 %129. Les chiffres pour la Suisse devraient se situer dans le même ordre de grandeur130. En 2016, les bibliothèques suisses ont mis à disposition quelque 57 millions de ressources documentaires. En d'autres mots, elles détiennent environ 11 à 17 millions de ressources documentaires pour lesquelles l'auteur ne peut pas être retrouvé au prix d'un effort raisonnable. Les auteurs bénéficieront des recettes supplémentaires générées par cette nouvelle gestion collective, même si celles-ci devraient rester modestes. En effet, l'introduction d'une réglementation analogue en Grande-Bretagne en 2014 a

128

Voir Rapport annuel 2016 de Swissperform, p. 22; www.swissperform.ch > Service > Rapport annuel 2006 de SWSSPERFORM.

129 Voir par ex. Intellectual Property Office, impact assessment (final), Orphan works (2012): http://webarchive.nationalarchives.gov.uk/20140603102744/http://www.ipo.gov.uk/consu lt-ia-bis1063-20120702.pdf, (consulté la dernière fois le 18.9.2017) ou Korn, Naomi, «In from the Cold ­ An Assessment of the scope of 'Orphan Works' and its impact on the delivery of services to the public», JISC, 2009, et Samuelson, Pamela / Urban, Jennifer M. / Hansen, David R. / Hashimoto, Kathryn / Hinze, Gwen, «Solving the Orphan Works Problem for the United States, 37 Colum». J.L. & Arts 1 (2013), p. 5, n. 14. La British Library estime même que 40 % des oeuvres protégées par le droit d'auteur en sa possession sont orphelines (cf. The Economist du 2.5.2013: «Orphan-works: No longer limbo», www.economist.com/blogs/babbage/2013/05/orphan-works (consulté la dernière fois le 14.7.2017). D'autres estimations, par ex. dans: United States Copyright Office, Orphan works and mass digitalization, 2015, www.copyright.gov > More Policy > Orphan Works and Mass Digitization > Orphan Works and Mass Digitization: A Report of the Register of Copyrights.

130 www.bfs.admin.ch > Trouver des statistiques > 16 ­ Culture, médias, société de l'information, sport > Culture > Bibliothèques

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certes permis l'accès à 91 millions d'oeuvres131, mais jusqu'en avril 2017, seules 461 demandes d'utilisation avaient été reçues132.

Licences collectives étendues L'utilisation d'un grand nombre d'oeuvres susceptibles d'être protégées par le droit d'auteur (par ex. pour la réalisation d'un recueil avec des photos tirées d'une collection de photographies non documentées) pose problème: il n'est pratiquement pas possible, au prix d'un effort raisonnable, de tirer au clair la situation en matière de droit d'auteur pour se prémunir contre d'éventuelles poursuites judiciaires. Les licences collectives étendues sont la solution à ce dilemme. Elles permettent en quelque sorte de s'assurer contre le risque de porter atteinte au droit d'auteur grâce au versement d'une rémunération dont le montant est négocié entre les utilisateurs et les sociétés de gestion. Cette rémunération unique permet d'indemniser toutes les éventuelles prétentions de droit d'auteur. Elle contribue ainsi à diminuer l'insécurité sur le marché des biens culturels et accroît l'efficacité. Comme les licences collectives étendues sont facultatives, il est raisonnable de penser qu'elles ne généreront pas de coûts non désirés. Les sociétés de gestion répartiront le produit issu des licences collectives entre les auteurs, qui engrangeront des recettes supplémentaires.

Droits de la personne qui réalise une photographie dépourvue de caractère individuel Les photographies dépourvues de caractère individuel, qui ne sont pas protégées par le droit d'auteur, peuvent tout de même avoir une valeur économique. Par exemple la photographie montrant l'agent de sécurité Christoph Meili (voir à ce propos le commentaire de l'art. 2 au ch. 2.1). En général, les photographies qui sont des témoignages de moments culturels ou historiques importants peuvent avoir une valeur considérable. Or aujourd'hui, l'utilisation de tels clichés ne donne pas droit à une rémunération. Il est d'usage toutefois que les utilisateurs conviennent du versement d'une rémunération avec les photographes. Le projet de révision inscrit la pratique de la branche dans la loi en prévoyant une protection des photographies dépourvues de caractère individuel au même titre qu'une oeuvre. Quiconque souhaite utiliser ou mettre en circulation ces photos est tenu, lorsqu'il s'agit d'oeuvres
protégées par le droit d'auteur, d'obtenir l'accord du titulaire en général contre versement d'une rémunération. Le projet de révision assure ainsi l'égalité des droits et la sécurité juridique.

Rémunération des auteurs et des artistes-interprètes pour la vidéo à la demande En Suisse, la pratique veut que les auteurs de films aient droit à une rémunération pour l'exploitation de leurs oeuvres par le biais de services à la demande. Cette rémunération est versée aux sociétés de gestion par les exploitants des plateformes de services en ligne. Le projet de révision inscrit cette pratique dans la loi et élargit 131 132

640

Voir www.gov.uk > Announcements > UK opens access to 91 million orphan works.

Voir l'orphan works register de l'Office britannique de la propriété intellectuelle, www.orphanworkslicensing.service.gov.uk/view-register/ (consulté la dernière fois le 14.7.2017).

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sa portée aux artistes-interprètes, garantissant ainsi la sécurité juridique et l'égalité des droits dans ce segment du marché des biens culturels en pleine expansion133.

La réglementation proposée instaure une nouvelle rémunération légale. Comme les artistes-interprètes pourront y prétendre également, les utilisateurs auront des coûts supplémentaires dont ils tiendront compte en fixant leurs prix. En fonction de leur position sur le marché, les producteurs et les fournisseurs de films à la demande devront supporter ces coûts supplémentaires eux-mêmes. Il n'est toutefois pas exclu qu'ils augmentent le prix de leurs produits pour répercuter ces frais, ou du moins une partie, sur les consommateurs, ce qui est susceptible d'avoir un impact sur la demande. Si celle-ci recule, l'économie dans son ensemble sera moins prospère. Si ce scénario se réalise, les titulaires de droits profiteront proportionnellement moins de la nouvelle rémunération. Il ne faut toutefois pas oublier que la nouvelle réglementation ne concerne qu'un petit sous-segment du marché de la vidéo en ligne (voir à ce propos les commentaires des art. 13a et 35a au ch. 2.1).

Durée de protection des droits voisins La durée de protection des prestations des artistiques interprètes ou exécutants ainsi que des phonogrammes et des vidéogrammes est allongée de 50 à 70 ans. Autrement dit, la période pendant laquelle les titulaires de droits auront droit à une rémunération s'allonge de 20 ans134. Pour l'année 2015, les recettes de Swissperform (société qui gère les droits voisins) générées par la gestion des droits s'élevaient à 51,6 millions de francs. En comparaison du total des recettes des sociétés de gestion, à savoir plus de 300 millions de francs, l'impact financier de cet allongement de la durée de protection devrait être limité. Cette modification législative entraînera des coûts supplémentaires pour les utilisateurs, qui en tiendront compte dans leurs prix, ce qui pourra se traduire parfois par des charges additionnelles pour les consommateurs.

3.3.3.4

Créer des incitations

Restriction en faveur de la science Il est impossible de chiffrer l'impact financier de cette restriction. Son incidence sur les titulaires de droits devrait toutefois être minime. Même si certaines ventes s'avéreront inutiles, l'application de la restriction pour la recherche scientifique accroîtra la réputation des oeuvres utilisées pour la fouille de textes en raison de l'obligation de citer les sources. La restriction en faveur de la science ne compromet en aucune façon l'exploitation normale des oeuvres, ni les rémunérations que cette 133

Voir PWC, Media Trend Outlook ­ Video-on-Demand: Der digitale Wandel revolutioniert die Home-Entertainment-Branche, 2015. Selon des estimations de PWC, le marché VoD en Allemagne connaîtra une croissance annuelle moyenne de 23 % jusqu'en 2019.

A ce moment-là, la VoD devrait représenter environ un tiers de l'ensemble du marché du divertissement domestique, www.pwc.de > Brancen & Märkte > Technologie, Medien und Telekommunikation > Alle Studien und Broschüren zum Bestellen und Herunterladen > Media Trend Outlook ­ Video-on-Demand: Der digitale Wandel revolutioniert die Home- Entertainment-Branche.

134 Voir www.swisscopyright.ch > Recettes et répartition > Flux financiers > Evolution du marché.

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dernière peut générer. Elle rend simplement possible l'analyse systématique d'ouvrages par des méthodes de fouille de textes et de données (voir à ce propos le commentaire de l'art. 24d au ch. 2.1), contribuant ainsi à accroître l'attractivité du site scientifique suisse. Cela vaut en tout cas pour les sciences naturelles, mais en particulier aussi pour les sciences sociales135. Comme cette restriction crée des incitations en faveur de l'activité de recherche, elle consolide aussi la place économique suisse.

Restriction en faveur des inventaires Grâce à la restriction en faveur des inventaires, les bibliothèques pourront intégrer les pages de couverture et les tables des matières d'oeuvres protégées par le droit d'auteur dans leurs bases de données, offrant ainsi une plus-value aux utilisateurs de leurs inventaires.

3.3.3.5

Traités internationaux

La mise en oeuvre du traité de Beijing et du traité de Marrakech n'a aucune conséquence financière. Les principes et règles négociés font déjà partie intégrante de la législation suisse.

3.3.4

Conséquences pour l'économie dans son ensemble

Il n'existe pas de statistique nationale appréhendant le marché des biens culturels dans son ensemble. Une étude conduite de concert par l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle et l'Organisation européenne des brevets fournit toutefois quelques indices sur l'impact du droit d'auteur sur l'économie.

Selon cette étude, les secteurs économiques qui se caractérisent par un recours au droit d'auteur au-dessus de la moyenne ont contribué pour environ 7 % au produit intérieur brut dans l'UE136. Cette valeur ajoutée n'est pas directement attribuable au droit d'auteur. Elle émane simplement de branches qui font un usage du droit d'auteur au-dessus de la moyenne en comparaison d'autres secteurs. Dans l'hypothèse d'un ordre de grandeur comparable pour la Suisse, cette valeur ajoutée équivaudrait à quelque 40 milliards de francs (chiffres de 2015)137.

135

Voir par ex. l'article «Geist unter Strom. und die Geisteswissenschaften» dans la NZZ du 20.07.2015, p. 35.

136 Voir EUIPO / EPO, Intellectual property rights intensive industries and economic performance in the European Union, 2016; https://euipo.europa.eu/tunnel-web/ secure/webdav/guest/document_library/observatory/documents/IPContributionStudy/ performance_in_the_European_Union/performance_in_the_European_Union_full.pdf (consulté la dernière fois le 14.7.2017).

137 Chiffres du PIB selon les calculs provisoires de l'Office fédéral de la statistique, www.bfs.admin.ch > Trouver des statistiques > 04 ­ Economie nationale > Comptes nationaux > Produit intérieur brut.

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Selon le Swiss Entertainment and Media Outlook 2016-2020, qui donne une estimation des chiffres d'affaires actuels et un pronostic d'évolution de certains segments du marché suisse des biens culturels, le marché de la musique, qui pèse 757 millions de francs (2015), pourrait connaître une croissance annuelle moyenne de 0,9 % jusqu'en 2020, alors que le marché du film, avec un chiffre d'affaires de 598 millions de francs en 2015, pourrait accuser un recul annuel de 0,6 % en moyenne pour la même période.

Les modifications législatives proposées n'auront pas un impact décelable sur ces chiffres parce qu'elles sont généralement très spécifiques et ont des répercussions sur des segments de marché relativement petits. Elles contribuent toutefois à améliorer le fonctionnement des marchés concernés.

Dans l'ensemble, les modifications proposées constituent une adaptation équilibrée du droit d'auteur aux dernières évolutions technologiques. La révision vise à simplifier la lutte contre les fraudeurs à l'ère du numérique, à optimiser la gestion collective et à garantir une plus grande sécurité juridique. Elle crée des incitations pour la création culturelle et comporte des améliorations pour le site scientifique suisse.

3.4

Autres réglementations entrant en ligne de compte

L'instauration d'un forfait culturel pour gérer collectivement l'utilisation de droits d'auteur sur Internet pourrait offrir un autre angle d'approche. Il impliquerait toutefois un changement de paradigme par rapport à la pratique actuelle. Pour l'heure, cette nouvelle approche n'a encore jamais été testée. Modifier ainsi du tout au tout les conditions-cadres du droit d'auteur serait donc une expérience aux conséquences économiques et sociales incertaines138. Elle appellerait en outre la résiliation de toute une série d'accords en matière de droit de la propriété intellectuelle. C'est pourquoi il ne semble aujourd'hui pas réaliste de proposer le forfait culturel comme solution de rechange à la proposition du Conseil fédéral.

Il serait également possible de maintenir le statu quo, mais la procédure de consultation ouverte en décembre 2015 a démontré qu'il existait un besoin de révision. La modernisation du droit d'auteur fait sens du point de vue économique. Elle assure les conditions générales permettant une meilleure reconnaissance du droit et contribue ainsi à accroître son effet incitatif positif. Elle améliore aussi la gestion collective et réduit les coûts de transaction. Considéré sous ces angles, le maintien du statu quo ne constitue pas une solution réaliste.

138

Il existe quelques rares estimations sur l'impact d'une telle réforme. On en trouve un aperçu par ex. chez Handke, Christian, Urheberrechtsvergütung im digitalen Zeitalter ­ der internationale Forschungsstand, Studie im Auftrag des Bundesministeriums der Justiz und für Verbraucherschutz, 2016.

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3.5

Aspects pratiques de l'exécution

Les modifications proposées par le Conseil fédéral reposent sur un large compromis trouvé entre toutes les parties prenantes concernées. Les principales associations et entreprises ayant négocié ce compromis se sont fortement impliquées dans les discussions. Les modifications s'inspirent ainsi en grande partie des pratiques actuelles (par ex. les réglementations en matière de lutte contre le piratage). Des solutions négociées sont le garant de réglementations légales équilibrées, tout particulièrement lorsqu'il s'agit de réviser le droit d'auteur.

4

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies nationales du Conseil fédéral

4.1

Relation avec le programme de la législature

La révision est prévue dans le message du 27 janvier 2016 sur le programme de la législature 2015 à 2019139 et figure dans la ligne directrice 1, objectif 2: «La Suisse crée un environnement économique optimal à l'intérieur du pays et renforce ainsi sa compétitivité.»

4.2

Relation avec les stratégies du Conseil fédéral

La stratégie du Conseil fédéral «Suisse numérique» d'avril 2016140 a notamment pour objectif d'améliorer l'accès aux contenus numériques, en faisant en sorte par exemple que les consommateurs puissent accéder partout, sur leurs appareils mobiles, aux contenus qu'ils ont achetés. Or cette exigence se heurte aux barrières que pose la portabilité transfrontalière de contenus protégés par le droit d'auteur en Europe et dans le monde141. Dans l'UE, le règlement (UE) 2017/1128142 s'appliquera à partir du 20 mars 2018. Il règle la portabilité de contenus abonnés auprès de fournisseurs de services de contenu en ligne (par ex. Netflix, Spotify ou Amazone Prime). Les questions soulevées par la portabilité transfrontalière de contenus abonnés se posent également pour le consommateur suisse. Comme la Suisse ne peut en principe pas agir unilatéralement dans le domaine du droit d'auteur lorsque des problèmes transfrontaliers se posent, des éclaircissements approfondis seront nécessaires pour savoir comment réduire les barrières à la portabilité pour les consommateurs suisses qui se rendent à l'étranger si tant est que ce soit possible.

C'est pourquoi il s'agit de poursuivre le dialogue avec l'UE pour évaluer les chances de la Suisse d'adhérer au marché unique numérique143. Il serait dès lors prématuré 139 140

FF 2016 981 www.bakom.admin.ch > Suisse numérique et internet > Stratégie Suisse numérique > Stratégie 141 N. 145, ch. 4.2.3.

142 Règlement (UE) 2017/1128 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 relatif à la portabilité transfrontalière des services de contenu en ligne dans le marché intérieur, JO L 168 du 30.6.2017, p. 1.

143 N. 145, ch. 4.8.5.

644

FF 2018

d'envisager une intervention législative dans le droit d'auteur actuellement pour régler cette question.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

5.1.1

Projet de loi pour moderniser le droit d'auteur

Le projet se fonde sur les art. 95 et 122 Cst., qui confèrent à la Confédération la compétence de légiférer sur l'exercice des activités économiques lucratives privées ainsi qu'en matière de droit civil et de procédure civile.

5.1.2

Traité de Beijing et Traité de Marrakech

S'agissant de l'approbation et de la mise en oeuvre du Traité de Beijing et du Traité de Marrakech, le projet de révision se fonde sur l'art. 54, al. 1, Cst., qui dispose que les affaires étrangères relèvent de la compétence de la Confédération. D'autre part, l'art. 184, al. 2, Cst. donne au Conseil fédéral la compétence de signer des traités internationaux et de les ratifier. Enfin, l'art. 166, al. 2, Cst. délègue à l'Assemblée fédérale la compétence de les approuver, sauf si leur conclusion relève de la seule compétence du Conseil fédéral en vertu d'une loi ou d'un traité international (cf.

aussi les art. 24, al. 2, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement [LParl]144, et 7a, al. 1, de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration [LOGA]145). Avec cette approbation, les conditions pour que le Conseil fédéral puisse ratifier les deux traités de l'OMPI sont remplies.

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

5.2.1

Projet de loi pour moderniser le droit d'auteur

Les modifications proposées n'ont pas de conséquences sur les obligations internationales de la Suisse. Elles sont dès lors compatibles avec elles.

5.2.2

Traité de Beijing et traité de Marrakech

Les obligations découlant du traité de Beijing sont conformes à d'autres engagements pris par la Suisse sur le plan international. De plus, l'Accord de libre-échange du 6 juillet 2013 entre la Confédération suisse et la République populaire de

144 145

RS 171.10 RS 172.010

645

FF 2018

Chine146 inclut un chapitre dédié à la propriété intellectuelle (chap. 11 et annexe J).

L'art. 11.3, ch. 2, contient une clause dite de best endeavor selon laquelle les Parties contractantes s'appliquent à ratifier le Traité de Beijing ou à y adhérer. L'accord de libre-échange a été approuvé par l'Assemblée fédérale le 20 mars 2014147; il est entré en vigueur le 1er juillet 2014. En ratifiant le traité de Beijing, la Suisse remplit donc cet engagement.

Les obligations imposées par le traité de Marrakech sont conformes à d'autres engagements pris par la Suisse sur le plan international, notamment dans le cadre de la convention de Berne et de l'accord sur les ADPIC. Le traité prévoit en particulier un critère (art. 11) analogue au test des trois étapes applicable aux restrictions au droit d'auteur énoncé à l'art. 9, al. 2, de la convention de Berne et repris dans l'art. 13 de l'accord sur les ADPIC.

5.3

Forme de l'acte à adopter

Conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 1 à 3, Cst., les traités internationaux sont sujets au référendum dans les cas de figure suivants: lorsqu'ils sont d'une durée indéterminée et non dénonciables (ch. 1), qu'ils prévoient l'adhésion à une organisation internationale (ch. 2) ou qu'ils contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales (ch. 3).

Tant le traité de Beijing que le Traité de Marrakech peut être résilié à tout moment.

La résiliation prend effet un an après la date à laquelle le directeur général de l'OMPI a reçu la notification (art. 28 BTAP et 20 du traité de Marrakech). Tout Etat membre de l'OMPI peut devenir partie à ces traités (art. 23 BTAP et 15 du traité de Marrakech). Comme la Suisse est membre de l'OMPI depuis le 26 avril 1970, elle peut ratifier les deux traités. La ratification n'implique pas une adhésion à une organisation internationale. Les ch. 1 et 2 de l'art. 141, al. 1, let. d, Cst. ne s'appliquent donc pas à ces deux traités.

Selon le ch. 3 de l'art. 141, al. 1, let. d, Cst., un traité international est également sujet au référendum s'il contient des «dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales». Conformément à l'art. 22, al. 4, de LParl, sont réputées «fixer des règles de droit» les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences. On entend par dispositions importantes celles qui, en vertu de l'art. 164, al. 1, Cst., devraient être édictées sous la forme d'une loi fédérale en droit interne. Aux termes de l'art. 164, al. 1, let. c, Cst., les dispositions fondamentales relatives aux droits et aux devoirs des personnes appartiennent à cette catégorie.

Le traité de Beijing étend essentiellement aux acteurs la protection accordée par le WPPT aux artistes interprètes ou exécutants. Allant plus loin que ce qui était requis à l'époque pour transposer le WPPT en droit suisse, le législateur suisse avait accor146 147

646

RS 0.946.292.492 Voir arrêté fédéral du 20 mars 2014; RO 2014 1315.

FF 2018

dé la même protection aux acteurs et aux artistes interprètes ou exécutants lors de la dernière révision de la LDA, supprimant ainsi au niveau national l'inégalité de traitement existante au niveau international. La ratification du traité de Beijing n'appelle aucune modification du droit suisse. Le traité contient des dispositions importantes fixant des règles de droit; certaines règles nécessitent une mise oeuvre par voie légale, d'autres sont auto-exécutoires (par ex. art. 5 et 10 BTAP). Par conséquent, l'arrêté fédéral portant approbation de la ratification du traité de Beijing est sujet au référendum.

Le traité de Marrakech prévoit pour l'essentiel des obligations adressées au législateur des Parties contractantes. Le droit suisse contient aujourd'hui déjà une restriction au droit d'auteur en faveur des personnes handicapées (cf. art. 24c LDA), dont le champ d'application s'étend notamment aux aveugles, aux malvoyants et aux personnes présentant d'autres difficultés de lecture. Bien que cette disposition couvre la plupart des obligations découlant du traité, une modification s'impose afin de permettre l'importation d'exemplaires en format accessible (cf. explications au ch. 1.5.2.2). Le traité de Marrakech contient donc des dispositions dont la mise en oeuvre nécessite la forme d'une loi fédérale. De plus, il convient de préciser la portée de la restriction conformément au traité. Comme celui-ci contient des dispositions importantes fixant des règles de droit, l'arrêté fédéral portant approbation de la ratification du traité de Marrakech est sujet au référendum.

5.4

Frein aux dépenses

Les critères pour la majorité qualifiée visée à l'art. 159, al. 3, Cst. ne sont pas remplis. Le mécanisme du frein aux dépenses ne s'applique donc pas.

5.5

Protection des données

L'art. 77i précise l'admissibilité du traitement des données dans le cadre de la lutte contre la violation de droits d'auteur et de droits voisins. La disposition ne porte pas atteinte aux droits et obligations découlant de la LPD.

La mise en oeuvre du traité de Beijing et du traité de Marrakech n'a aucune incidence en matière de protection des données.

647

FF 2018

Table des abréviations Accord de libre-échange

Accord de libre-échange du 6 juillet 2013 entre la Confédération suisse et la République populaire de Chine; RS 0.946.292.492

Accord sur les ADPIC

Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Annexe 1C de l'Accord du 15 avril 1994 instituant l'Organisation mondiale du commerce; RS 0.632.20)

Adresse IP

Adresse de protocole Internet

AGUR12

Groupe de travail sur le droit d'auteur

ATF

Arrêt du Tribunal fédéral

BGH

Cour fédérale d'Allemagne

BTAP

Traité de Beijing du 24 juin 2012 sur les interprétations et exécutions audiovisuelles (Beijing Treaty on Audiovisual Performances)

CAF

Commission arbitrale fédérale pour la gestion de droits d'auteur et de droits voisins

CC

Code civil; RS 210

CER

Commission de l'économie et des redevances

CJUE

Cour de justice de l'Union européenne

Convention de Berne

Convention de Berne du 24 juillet 1971 pour la protection des oeuvres et littéraires et artistiques; RS 0.231.15

Convention de Rome

Convention internationale du 26 octobre 1961 sur la protection des artistes interprètes ou exécutants des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion; RS 0.231.171

CP

Code pénal; RS 311.0

CPC

Code de procédure civile; RS 272

CPP

Code de procédure pénale: RS 312.0

Cst.

Constitution; RS 101

DFJP

Département fédéral de justice et police

Directive 2004/48/CE

Directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle; JO L 157 du 30.4.2004, p. 45.

Directive sur la société de l'information

Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information; JO L 167 du 22.6.2001, p. 10.

648

FF 2018

Directive sur le commerce électronique

Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur; JO L 178 du 17. 7.2000, p. 1.

DPA

Loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif; RS 313.0

EUIPO

Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle

FF

Feuille fédérale

Gazzetta

Gazzetta ProLitteris

GRUR Int.

Gewerblicher Rechtsschutz und Urheberrecht, Internationaler Teil (partie internationale de la revue sur la propriété industrielle et le droit d'auteur)

IIC

International Review of Intellectual Property and Competition Law (revue internationale sur le droit de la propriété intellectuelle et le droit de la concurrence)

IPI

Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle

ISBN

Numéro international normalisé du livre (International Standard Book Number)

JISC

Britische gemeinnützige Organisation zur Förderung digitaler Technologien in Forschung und Lehre (Joint Information Systems Committee)

JOUE

Journal officiel de l'Union européenne

LAMal

Loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance maladie; RS 832.10

LDA

Loi du 9 octobre 1992 sur le droit d'auteur; RS 231.1

LDIP

Loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé; RS 291

LHand

Loi du 13 décembre 2002 sur l'égalité pour les handicapés; RS 151.3

LOGA

Loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration; RS 172.010

LParl

Loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement; RS 171.10

LPD

Loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données; RS 235.1

LSCPT

Loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication; RS 780.1

LTo

Loi du 9 octobre 1992 sur les topographies; RS 231.2

medialex

Zeitschrift für Medienrecht (revue) 649

FF 2018

ODau

Ordonnance du 26 avril 1993 sur le droit d'auteur; RS 231.11

OEB

Organisation européenne des brevets

OFJ

Office fédéral de la justice

OMPI

Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle

PA

Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative; RS 172.021

PFPDT

Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence

PI

Propriété intellectuelle

PIB

Produit intérieur brut

P-LDA

Projet de révision de la loi sur le droit d'auteur

PME

Petites et moyennes entreprises

ProLitteris

Société suisse de droits d'auteur pour l'art littéraire et plastique

PWC

PricewaterhouseCoopers

RO

Recueil officiel du droit fédéral

RS

Recueil systématique du droit fédéral

SCCR

Comité permanent du droit d'auteur et des droits connexes de l'OMPI

simsa

Association faîtière suisse des fournisseurs de services Internet (Swiss Internet Industry Association)

SUISA

Coopérative des auteurs et éditeurs de musique

Swissperform

Société de gestion des droits voisins

TAF

Tribunal administratif fédéral

TF

Tribunal fédéral

Traité de Beijing

Traité de Beijing du 24 juin 2012 sur les interprétations et exécutions audiovisuelles

Traité de Marrakech

Traité de de Marrakech du 27 juin 2013 visant à faciliter l'accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés aux oeuvres publiées

UFITA

Archiv für Urheber- und Medienrecht (revue juridique sur le droit d'auteur et le droit des médias)

UMA

Union mondiale des aveugles

UrhG

Loi allemande du 9 septembre 1965 sur le droit d'auteur et les droits voisins

VoD

Vidéo à la demande

vPVR

Enregistreur vidéo numérique personnel

650

FF 2018

WCT

Traité de l'OMPI du 20 décembre 1996 sur le droit d'auteur; RS 0.231.151

WPPT

Traité de l'OMPI du 20 décembre 1996 sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes; RS 0.231.171.1

651

FF 2018

Glossaire Adresse IP

L'adresse IP est le numéro d'identification attribué à un appareil (ordinateur, routeur, imprimante) qui est connecté à un réseau informatique utilisant le protocole Internet (IP). Elle permet l'acheminement des données. L'adresse IP de version 4 est la plus utilisée actuellement. Elle est généralement représentée par quatre nombres compris entre 0 et 255, séparés par des points. L'adresse IP de version 6, qui peut déjà être utilisée, est plus longue, ce qui accroît nettement le nombre d'adresses IP disponibles.

AGUR12

Cette abréviation allemande désigne le groupe de travail chargé d'améliorer la gestion collective des droits d'auteur et des droits voisins. Institué le 8 août 2012 par la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, il avait pour mission de dresser un état des lieux du droit d'auteur. Il était composé de représentants des artistes, des producteurs, des utilisateurs et des consommateurs et de représentants de l'administration.

Code de conduite Hébergement (CCH)

Le Code de conduite Hébergement de l'association faîtière simsa présente les principes de comportement à adopter par ses membres pour gérer les contenus illicites.

Droit de prêt

Ce terme désigne une rémunération accordée aux auteurs pour le prêt de leurs oeuvres (par ex. dans une bibliothèque). Ce droit vise à les indemniser pour la plus forte utilisation de leurs oeuvres suite au prêt d'exemplaires.

Fouille de textes et de données (text and data mining)

Ce terme désigne un outil de recherche permettant l'exploration électronique de gros volumes de textes ou de données à l'aide de méthodes statistiques et mathématiques qui permettent d'établir rapidement des connexions thématiques entre les textes ou données analysées.

Fournisseur d'accès

Un fournisseur d'accès est une entreprise qui offre à sa clientèle un accès à Internet et au courrier électronique (courriels) grâce à son infrastructure technique.

Fournisseur de services Internet

Ce terme désigne des fournisseurs qui proposent des services en ligne destinés à permettre ou à simplifier l'accès à Internet ou son utilisation (par ex. mise à disposition d'espaces de stockage ou d'outils de recherche) ou des contenus propres ou de tiers qui sont stockés sur une infrastructure technique. Dans le rapport du Conseil fédéral Cadre juridique pour les médias sociaux du 9 octrobre 2013, les acteurs suivants sont cités dans ce contexte: fournisseurs de contenu, exploitants de plateformes, hébergeurs, fournisseurs d'accès, médias (de masse) traditionnels et autres services de médias et moteurs de recherche.

652

FF 2018

Hébergeur

Un hébergeur (ou fournisseur d'hébergement) est un exploitant de services sur lesquels sont hébergés des contenus déposés par des usagers.

Institutions dépositaires de la mémoire

Ce terme générique rassemble toutes les institutions qui préservent et transmettent du savoir, comme les bibliothèques en mains publiques ou accessibles au public, les établissements d'enseignement, les musées, les collections et les archives.

Licence collective étendue

Il s'agit d'une autorisation d'utilisation octroyée par une société de gestion agréée qui vise à rendre possible l'utilisation d'un grand nombre d'oeuvres dans les cas où il ne serait pas possible d'obtenir des licences individuelles. Les licences collectives étendues s'appliquent en premier lieu aux titulaires de droits. Ceux-ci ont toutefois la possibilité de déclarer à la société de gestion qui octroi la licence qu'ils ne souhaitent pas participer à un tel accord de licence (opt out).

Lichtbildschutz

Terme utilisé en Allemagne et en Autriche pour désigner la protection de photographies dépourvues de caractère individuel.

Lien

Référence qui permet de passer d'un document à un autre ou d'atteindre un autre endroit dans le même fichier généralement à l'aide d'un clic de souris.

Mesures de blocage

Ce terme désigne les moyens que les fournisseurs d'accès peuvent mettre en oeuvre pour bloquer l'accès à des contenus proposés sur Internet (blocage de l'accès). Ces mesures sont déployées généralement pour bloquer l'accès à des contenus illicites (pornographie enfantine).

Neutre du point de vue technologique

Une loi est formulée de manière neutre du point de vue technologique lorsqu'elle est applicable peu importe la technologie utilisée. Cette approche permet à la loi de s'appliquer à des nouvelles technologies inconnues au moment de son entrée en vigueur.

Notification

Dans le Code de conduite Hébergement de la simsa, la notification est, d'une part, le signalement du caractère illicite d'un contenu rendu public par un client de l'hébergeur et, d'autre part, le message par lequel l'hébergeur informe le client de la réception d'un tel signalement.

OEuvres orphelines

OEuvres dont les titulaires des droits sont inconnus ou introuvables.

Rapport spécial 301 (Special 301 Report)

Il s'agit d'un rapport établi tous les ans par le représentant des Etats-Unis pour le commerce qui fait état de la protection des biens immatériels dans le monde.

653

FF 2018

Rémunération pour la vidéo à la demande

Ce terme désigne un droit à rémunération intransmissible que les auteurs et les artistes-interprètes peuvent faire valoir à l'égard de fournisseurs qui mettent à disposition des contenus dans le cadre d'offres de vidéo à la demande.

Réseau pair à pair (peer-to-peer, P2P)

Un réseau pair à pair est un réseau Internet qui permet à plusieurs ordinateurs égaux de communiquer entre eux sans transiter par un serveur central au moyen d'un logiciel P2P.

Chaque ordinateur connecté à ce réseau peut offrir aux autres ordinateurs connecté à ce même réseau des fonctions et des services et utilisés les fonctions et services proposés. Une des applications possibles du pair à pair est le partage illégal de contenus protégés par le droit d'auteur.

Restriction en faveur des inventaires

Restriction au droit d'auteur permettant aux institutions dépositaires de la mémoire comme les bibliothèques et les musées de reproduire dans leurs inventaires, dans des cas strictement définis, des extraits d'oeuvres et d'autres informations à condition que ces données permettent de mettre en valeur leurs fonds et de les faire connaître.

Serveur

Un serveur est un dispositif informatique matériel qui offre des services comme des utilitaires, des données ou d'autres ressources afin que d'autres ordinateurs ou programmes («clients») puissent y accéder via un réseau.

Services cloud

Un service cloud proposent à ses clients des capacités de stockage de leurs données; celles-ci sont accessibles (éventuellement aussi à des tiers) depuis n'importe où via Internet.

Stay down

Ce terme désigne l'obligation faite aux hébergeurs qui génèrent, en raison de leur fonctionnement technique ou de leur modèle commercial (notamment hébergement de sites pirates), un risque particulier de violation de droits d'auteur de faire en sorte que les contenus portant atteinte au droit d'auteur ne soient par réintroduits sur leurs serveurs.

Streaming

Ce terme désigne une technologie permettant la diffusion de données (le plus souvent des vidéos ou des fichiers musicaux) sauvegardées sur un serveur en direct ou en mode continu sans que l'utilisateur ait besoin de les stocker.

Take down

Ce terme désigne l'obligation faite aux hébergeurs de retirer de leurs serveurs des contenus portant atteinte aux droits d'auteur.

C'est aussi un moyen d'action prévu dans le Code de conduite Hébergement de la simsa, l'association de la branche.

Watch list

Cette liste d'observation fait partie du rapport spécial 301. Elle énumère les pays qui, du point de vue des Etats-Unis, présentent des déficits dans la protection des droits de propriété intellectuelle.

654