18.070 Message concernant l'initiative populaire «Pour plus de transparence dans le financement de la vie politique (initiative sur la transparence)» du 29 août 2018

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre au vote du peuple et des cantons l'initiative populaire «Pour plus de transparence dans le financement de la vie politique (initiative sur la transparence)», en leur recommandant de la rejeter.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

29 août 2018

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Alain Berset Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2018-1507

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Condensé L'initiative populaire «Pour plus de transparence dans le financement de la vie politique (initiative sur la transparence)» requiert de la Confédération qu'elle prenne des mesures législatives imposant la publicité du financement des partis politiques et des campagnes précédant les élections à l'Assemblée fédérale et les votations fédérales. Le Conseil fédéral rejette l'initiative en particulier dans la mesure où une réglementation nationale en ce sens ne serait guère compatible avec les particularités du système politique suisse. Il doute en outre que les moyens financiers aient une influence prépondérante sur le succès politique. De plus, il estime qu'une mise en oeuvre efficace de l'initiative entraînerait des lourdeurs administratives et des coûts importants et qu'elle empiéterait sur les compétences des cantons.

Contenu de l'initiative L'initiative populaire «Pour plus de transparence dans le financement de la vie politique (initiative sur la transparence)» a été déposée le 10 octobre 2017 sous la forme d'un projet rédigé et a recueilli 109 826 signatures valables.

L'initiative requiert de la Confédération qu'elle édicte des prescriptions imposant la publicité du financement des partis politiques et des campagnes précédant les élections et votations au niveau fédéral. Elle vise à introduire de nouvelles dispositions dans la Constitution (art. 39a et 197, ch. 12, Cst.).

Elle demande d'une part que les partis politiques représentés au Parlement communiquent chaque année à la Chancellerie fédérale leur budget global, le montant de leurs fonds propres ainsi que le montant et l'origine de toutes les libéralités en argent ou en nature d'une valeur supérieure à 10 000 francs par année et par personne qu'ils ont reçues. L'auteur de chacune des libéralités doit pouvoir être identifié (art. 39a, al. 2, Cst.).

D'autre part, elle prévoit que les personnes qui dépensent un montant supérieur à 100 000 francs en vue d'une élection à l'Assemblée fédérale ou d'une votation fédérale doivent communiquer à la Chancellerie fédérale, avant la date de l'élection ou de la votation, leur budget global, le montant de leurs fonds propres ainsi que le montant et l'origine de toutes les libéralités en argent ou en nature d'une valeur supérieure à 10 000 francs par personne qu'elles ont reçues; l'auteur de
chacune des libéralités doit également pouvoir être identifié (art. 39a, al. 3, Cst.).

De plus, elle demande que la Chancellerie fédérale publie chaque année les informations sur le financement des partis politiques et celles relatives au financement des campagnes précédant les élections et votations suffisamment tôt avant l'élection ou la votation (art. 39a, al. 4, Cst.).

Selon le texte, l'acceptation de libéralités anonymes en argent ou en nature est en outre interdite; la loi règle les exceptions (art. 39a, al. 5, Cst.).

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Par ailleurs, la loi fixe les sanctions applicables en cas de non-respect des obligations de publicité (art. 39a, al. 6, Cst.).

Enfin, une disposition transitoire précise que si l'Assemblée fédérale n'a pas édicté dans les trois ans qui suivent l'acceptation de l'art. 39a les dispositions d'exécution requises, le Conseil fédéral les édicte dans un délai d'un an (art. 197, ch. 12, Cst.).

Avantages et lacunes de l'initiative Le Conseil fédéral comprend certes les préoccupations à la base de l'initiative. La transparence du financement de la vie politique est en effet un élément qui renforce la confiance des citoyennes et des citoyens dans le processus démocratique. Plusieurs cantons (le Tessin, Genève et Neuchâtel) ont déjà édicté des normes relatives à la publicité du financement des partis politiques, et en mars 2018, deux autres cantons (Schwyz et Fribourg) ont accepté des initiatives populaires en ce sens. Par ailleurs, la Suisse est le seul État membre du Conseil de l'Europe à ne disposer d'aucune réglementation sur la publicité du financement des partis politiques et des campagnes électorales au niveau national. Le Groupe d'États contre la corruption (GRECO) a critiqué à plusieurs reprises le fait que la Suisse n'ait encore créé aucune base légale pour davantage de transparence en matière de financement des partis politiques.

Toutefois, les règles prévues dans l'initiative en vue de la publicité du financement des partis politiques et des campagnes précédant les élections et votations ne tiennent qu'insuffisamment compte des particularités et de la complexité du système politique suisse, notamment de la démocratie directe, de la collégialité du gouvernement et du système de milice. Nos institutions se caractérisent par un équilibre subtil de pouvoirs et de contre-pouvoirs qui empêchent les partis politiques d'exercer une influence prépondérante. En outre, dans notre système politique, il est douteux que les moyens financiers aient une influence prépondérante sur le résultat des élections et des votations.

De plus, un contrôle efficace du financement des partis politiques et des campagnes électorales et référendaires occasionnerait des charges disproportionnées. En particulier, la mise en place d'un mécanisme de contrôle et d'exécution efficace imposerait à l'État des dépenses considérables. Par
ailleurs, des prescriptions fédérales en matière de financement des partis politiques et des campagnes électorales ne seraient guère compatibles avec le système fédéraliste de la Suisse.

Enfin, l'initiative présente le risque que les nouvelles règles soient contournées, notamment parce que les donateurs pourraient faire parvenir leurs contributions aux partis ou aux comités de campagne par l'intermédiaire de tiers.

Proposition du Conseil fédéral Par le présent message, le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales de recommander au peuple et aux cantons de rejeter l'initiative populaire «Pour plus de transparence dans le financement de la vie politique (initiative sur la transparence)» sans lui opposer de contre-projet.

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Table des matières Condensé

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1

Aspects formels et validité de l'initiative 1.1 Teneur de l'initiative 1.2 Aboutissement et délais de traitement 1.3 Validité

5680 5680 5681 5681

2

Contexte 2.1 Situation actuelle au niveau fédéral 2.1.1 Cadre légal des partis politiques 2.1.2 Financement des acteurs politiques 2.1.3 Bref historique des tentatives de réglementation et interventions parlementaires 2.2 Évolutions au niveau cantonal 2.2.1 Tessin 2.2.2 Genève 2.2.3 Neuchâtel 2.2.4 Schwyz et Fribourg 2.3 Contexte international 2.3.1 Recommandations du GRECO 2.3.2 Rapport de l'OSCE et lignes directrices de l'OSCE et de la Commission de Venise 2.3.3 Situation juridique en Allemagne 2.3.4 Situation juridique en France 2.4 Efforts volontaires pour davantage de transparence

5682 5682 5682 5683

3

Buts et contenu 3.1 Buts visés 3.2 Dispositif proposé 3.3 Commentaire et interprétation du texte de l'initiative

5703 5703 5703 5704

4

Appréciation de l'initiative et conséquences en cas d'acceptation 4.1 Conformité aux principes et valeurs de la Suisse 4.1.1 Particularités du système politique suisse 4.1.2 Lourdeurs administratives et coûts importants 4.1.3 Conséquences sur le fédéralisme 4.1.4 Contournement des règles

5709 5709 5709 5710 5711 5712

5678

5684 5688 5689 5690 5691 5692 5693 5693 5694 5695 5698 5702

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4.2

4.3 5

Conséquences en cas d'acceptation 4.2.1 Mise en oeuvre 4.2.2 Effets possibles de l'initiative sur les fonds des partis politiques et des comités de campagne 4.2.3 Coûts Compatibilité avec les obligations internationales

Conclusions

Arrêté fédéral relatif à l'initiative populaire «Pour plus de transparence dans le financement de la vie politique (initiative sur la transparence)» (Projet)

5713 5713 5713 5714 5714 5715

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Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Teneur de l'initiative

L'initiative populaire «Pour plus de transparence dans le financement de la vie politique (initiative sur la transparence)» a la teneur suivante: La Constitution1 est modifiée comme suit: Art. 39a 1

Publicité du financement des partis politiques, des campagnes électorales et des campagnes de votation

La Confédération légifère sur la publicité du financement: a.

des partis politiques;

b.

des campagnes en vue d'élections à l'Assemblée fédérale;

c.

des campagnes en vue de votations au niveau fédéral.

Les partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale communiquent chaque année à la Chancellerie fédérale leur bilan et leur compte de résultat, ainsi que le montant et l'origine de toutes les libéralités en argent ou en nature d'une valeur supérieure à 10 000 francs par an et par personne qu'ils ont reçues; l'auteur de chacune des libéralités doit pouvoir être identifié.

2

Quiconque dépense un montant supérieur à 100 000 francs en vue d'une élection à l'Assemblée fédérale ou d'une votation fédérale communique à la Chancellerie fédérale, avant la date de l'élection ou de la votation, son budget global, le montant de ses fonds propres ainsi que le montant et l'origine de toutes les libéralités en argent ou en nature d'une valeur supérieure à 10 000 francs par personne qu'il a reçues; l'auteur de chacune des libéralités doit pouvoir être identifié.

3

La Chancellerie fédérale publie chaque année les informations visées à l'al. 2. Elle publie les informations visées à l'al. 3 suffisamment tôt avant l'élection ou la votation; elle publie le décompte final après que ces dernières ont eu lieu.

4

L'acceptation de libéralités anonymes en argent ou en nature est interdite. La loi règle les exceptions.

5

La loi fixe les sanctions applicables en cas de non-respect des obligations de publicité.

6

1

RS 101

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Art. 197, ch. 122 Disposition transitoire ad art. 39a (Publicité du financement des partis politiques, des campagnes électorales et des campagnes de votation) Si l'Assemblée fédérale n'a pas édicté dans les trois ans qui suivent l'acceptation de l'art. 39a les dispositions d'exécution requises, le Conseil fédéral les édicte dans un délai d'un an.

1.2

Aboutissement et délais de traitement

L'initiative populaire «Pour plus de transparence dans le financement de la vie politique (initiative sur la transparence)» a fait l'objet d'un examen préliminaire de la Chancellerie fédérale le 12 avril 20163 et a été déposée le 10 octobre 2017. Par décision du 31 octobre 2017, la Chancellerie fédérale a constaté qu'elle avait recueilli 109 826 signatures valables et qu'elle avait donc abouti4.

L'initiative se présente sous la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral ne lui oppose pas de contre-projet. Conformément à l'art. 97, al. 1, let. a, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)5, le Conseil fédéral a jusqu'au 10 octobre 2018 pour soumettre un projet d'arrêté et un message à l'Assemblée fédérale. En vertu de l'art. 100 LParl, l'Assemblée fédérale a en outre jusqu'au 10 avril 2020 pour décider d'une recommandation de vote. Elle peut proroger le délai de traitement d'un an si les conditions énumérées à l'art. 105 LParl sont réunies.

1.3

Validité

L'initiative remplit les conditions de validité énumérées à l'art. 139, al. 3, de la Constitution (Cst.):

2 3 4 5

a.

elle obéit au principe de l'unité de la forme, puisqu'elle revêt la forme d'un projet rédigé;

b.

elle obéit au principe de l'unité de la matière, puisqu'il existe un rapport intrinsèque entre ses différentes parties;

c.

elle obéit au principe de la conformité aux règles impératives du droit international, puisqu'elle ne contrevient à aucune d'elles.

Le numéro définitif de la présente disposition transitoire sera attribué par la Chancellerie fédérale après le scrutin.

FF 2016 3447 FF 2017 6519 RS 171.10

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2

Contexte

Le débat sur la publicité du financement des partis politiques et des campagnes en vue d'élections ou de votations s'inscrit dans un contexte national et international qu'il convient de préciser ici. Il s'agit en particulier de tenir compte de la situation juridique en Suisse, des débats menés au sein du Parlement et du Conseil fédéral, des évolutions au niveau cantonal et des critiques du Groupe d'États contre la corruption (GRECO) et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

2.1

Situation actuelle au niveau fédéral

2.1.1

Cadre légal des partis politiques

La Suisse n'a pas de définition juridique spécifique des partis politiques. Ceux-ci prennent en principe la forme de l'association (art. 52 et 60 à 79 du code civil, CC6) afin d'acquérir la personnalité juridique. Les partis peuvent également utiliser la forme juridique de la société simple selon les art. 530 à 552 du code des obligations (CO)7; dans ce second cas, ils ne sont pas dotés de la personnalité juridique. La Constitution du 18 avril 1999 contient toutefois un article relatif aux partis politiques, ce qui n'était pas le cas dans la Constitution de 1874. La disposition en question (art. 137) a la teneur suivante: «Les partis politiques contribuent à former l'opinion et la volonté populaire». Il est toutefois généralement admis que cet article a une portée déclaratoire8.

La Suisse ne connaît pas d'obligation pour les partis politiques de se faire enregistrer. Les partis qui le souhaitent peuvent demander à figurer dans un registre tenu par la Chancellerie fédérale. Cet enregistrement a pour conséquence qu'ils sont dispensés de certaines formalités administratives lors des élections fédérales. L'art. 76a de la loi fédérale du 17 décembre 1976 sur les droits politiques (LDP)9 définit les modalités de base de cet enregistrement: un parti politique peut se faire officiellement enregistrer par la Chancellerie fédérale à condition qu'il revête la forme juridique d'une association au sens des art. 60 à 79 CC et qu'il compte au moins un député au Conseil national sous le même nom ou qu'il soit représenté dans au moins trois parlements cantonaux par au moins trois députés par parlement. Les partis qui revêtiraient la forme de la société simple ne pourraient donc pas s'inscrire.

L'ordonnance de l'Assemblée fédérale du 13 décembre 2002 sur le registre des partis politiques10 définit plus en détail les conditions et la procédure d'enregistrement des partis politiques. En vertu de cette ordonnance, est un parti politique au sens de l'art. 76a LDP toute association dont le but, d'après ses statuts, est principalement politique (art. 2). La Chancellerie fédérale radie d'office le parti politique qui 6 7 8 9 10

RS 210 RS 220 Schiess Rütimann Patricia M., in: Ehrenzeller et al. (éd.), St. Galler Kommentar, Zurich/St-Gall 2014, n. 8 ad art. 137 Cst.

RS 161.1 RS 161.15

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change de nom sans le lui annoncer ou qui ne dispose plus de la représentation parlementaire minimale requise à l'art. 76a, al. 1, LDP. Avant de le radier, elle entend le président ou le secrétaire du parti national dont les noms lui ont été communiqués conformément à ladite ordonnance (art. 5).

2.1.2

Financement des acteurs politiques

En Suisse, les partis politiques ne sont pas financés directement par des fonds publics. Néanmoins, les fonds versés en vertu de l'art. 12 de la loi du 18 mars 1988 sur les moyens alloués aux parlementaires (LMAP)11 peuvent être considérés comme une forme de financement indirect des partis politiques représentés au Parlement fédéral. Conformément à cet article, la Confédération verse une contribution annuelle aux groupes de l'Assemblée fédérale. Conformément à l'art. 10 de l'ordonnance de l'Assemblée fédérale du 18 mars 1988 relative à la loi sur les moyens alloués aux parlementaires (OMAP)12, cette contribution se compose actuellement d'un montant de base de 144 500 francs auquel s'ajoutent 26 800 francs par membre du groupe, soit au total 7 604 300 francs pour les sept groupes parlementaires (contributions de base: 1 011 500 francs, contributions par membre du Conseil national: 5 360 000 francs, contributions par membre du Conseil des États: 1 232 800 francs)13. Durant la législature 2015 à 2019, le groupe de l'Union démocratique du centre perçoit ainsi au total 2 127 700 francs, le groupe socialiste 1 618 500 francs, le groupe libéral-radical 1 377 300 francs, le groupe PDC 1 296 900 francs, le groupe des Verts 492 900 francs, le groupe PBD 358 900 francs et le groupe vert'libéral 332 100 francs. Conformément à l'art. 10, al. 2, OMAP, les divers groupes font rapport à la Délégation administrative, avant la fin du mois de mars de chaque année, sur l'utilisation des contributions de l'année précédente. Il ressort des statuts de certains partis représentés au Parlement qu'ils se financent non seulement par des dons et libéralités privés et des cotisations de leurs membres, mais également par des contributions de leurs parlementaires et de leurs groupes14.

L'ordre juridique suisse ne prévoit pas de limitation du financement des campagnes en vue d'élections ou de votations, ni d'obligation de publication des moyens financiers, recettes et dépenses à cette fin au niveau national, pas plus qu'il ne connaît de financement direct des partis politiques par des fonds publics. Ni les fonds dont disposent les partis politiques et les comités de campagne, ni les noms des donateurs suisses ou étrangers ne doivent être communiqués. Le financement de campagnes par des bailleurs de fonds étrangers a été critiqué lors de la campagne précédant la votation du 10 juin 2018 concernant la loi sur les jeux d'argent. À la lecturede 11 12 13 14

RS 171.21 RS 171.211 Cf. la récapitulation du nombre de parlementaires par groupe au Parlement, disponible à l'adresse www.parlament.ch > Organes > Groupes parlementaires (état: 26 juin 2018).

Cf. entre autres les statuts du PDC suisse (art. 44, let. b), disponibles à l'adresse www.cvp.ch > Le PDC > Centre de téléchargement > Les statuts et les conditions générales (état: 26 juin 2018), du PS Suisse (art. 26), disponibles à l'adresse www.sp-ps.ch > Parti > Statuts du PS Suisse en PDF (état: 26 juin 2018), des Libéraux-Radicaux (art. 31), disponibles à l'adresse www.plr.ch > Parti >Portrait > Statuts (état: 26 juin 2018), du PEV (art. 17) www.evppev.ch > Parti > Statuts du PEV > Les statuts (état: 26 juin 2018).

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l'enquête VOTO relative à la votation populaire fédérale du 10 juin 2018, on constate que la plupart des votants voient d'un oeil critique ce soutien de l'étranger15.

C'est également dans ce contexte que l'initiative parlementaire Fournier du 14 juin 2018 (18.423 «Pas d'ingérence étrangère dans la politique suisse»; voir ch. 2.1.3) et l'interpellation Regazzi du 14 juin 2018 (18.3577 «Récoltes de signatures à l'appui de référendums et d'initiatives populaires. Financements étrangers») ont été déposées.

En lien avec le financement des partis politiques, on rappellera qu'en vertu de l'art. 33, al. 1, let. i, de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD)16, les personnes physiques peuvent déduire de leur revenu les cotisations et libéralités aux partis politiques ayant obtenu 3 % au moins des voix lors des dernières élections au parlement d'un canton, inscrits au registre des partis conformément à l'art. 76a LDP ou représentés dans un parlement cantonal. Au niveau fédéral, la déduction est plafonnée à 10 100 francs au total.

La LIFD ne prévoit aucune déduction de cette nature pour les personnes morales.

Toutefois, les contributions financières d'entreprises (personnes morales et sociétés de personnes) à des partis politiques au niveau fédéral sont déductibles en tant que parrainages politiques à certaines conditions. En principe, les autorités fiscales admettent la déduction de telles dépenses sans limitation en tant que charges justifiées par l'usage commercial, qui doivent néanmoins être proportionnées à la taille de l'entreprise, de même qu'à la nature et à l'importance numérique du public cible, selon la réponse du Conseil fédéral du 22 novembre 2017 à l'interpellation Masshardt du 29 septembre 2017 (17.3886 «Dons d'entreprises en faveur de partis politiques »).

Par contre, les libéralités versées pour les campagnes ou les coûts de campagne ne sont pas déductibles dans le cadre de l'imposition du revenu et du bénéfice 17.

2.1.3

Bref historique des tentatives de réglementation et interventions parlementaires

Dans son rapport de 1988 sur l'aide aux partis politiques18, le Conseil fédéral estimait que pour pouvoir se prétendre démocrates, les partis devaient faire preuve de transparence et publier leurs recettes et leurs dépenses. Un soutien direct par la Confédération justifierait particulièrement cette publication. En faveur d'une consécration légale de ce principe de transparence, le Conseil fédéral évoquait le souci d'assurer la transparence du processus de décision démocratique et celui de parer à toute tentative d'influence des grands bailleurs de fonds sur la formation de l'opinion et de la volonté internes des partis, indépendamment du fait qu'une aide 15

16 17 18

Enquête VOTO de juillet 2018 relative à la votation populaire fédérale du 10 juin 2018, disponible en allemand à l'adresse www.admin.ch > Dokumentation > Volksabstimmungen > Volksabstimmung vom 10. Juni 2018 > Geldspielgesetz > Studie (état: 31 juillet 2018).

RS 642.11 ATF 142 II 293 FF 1989 I 117

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financière de l'État soit octroyée ou non. Le rapport n'a toutefois pas conduit à une consécration légale du principe de transparence19.

Dans le cadre de la réforme de la Constitution, et plus particulièrement de la réforme des droits populaires, le Conseil fédéral a proposé dans son message du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale 20 l'introduction d'un art. 127a, al. 2, qui prévoyait que la loi règle l'exercice des droits politiques, et en particulier la transparence du financement de l'exercice de ces droits. Le Parlement n'a toutefois pas repris cette disposition, notamment parce qu'elle aurait pu ouvrir la voie à un financement public direct des partis politiques.

De très nombreuses interventions parlementaires relatives à la transparence du financement des partis politiques et à la transparence de la vie politique ont été déposées depuis lors. Presque toutes visaient d'ailleurs non à lutter contre des risques de corruption, mais à assurer une égalité de moyens dans le débat politique.

Toutefois, jamais une majorité parlementaire susceptible de faire avancer les travaux législatifs dans ce domaine ne s'est dégagée suite à ces interventions parlementaires.

Même la motion de la Commission des institutions politiques du Conseil des États du 9 mai 2011 (11.3467 «Transparence des sources de financement des campagnes pour les votations fédérales»), qui avait été acceptée par le Conseil des États, a finalement été refusée le 15 mars 2012 par le Conseil national. Il faut relever qu'elle ne visait que les votations fédérales et non les partis politiques et les candidats.

Dans son avis du 18 mai 2011 sur la motion Chopard-Acklin du 11 mars 2011 (11.3116 «Financement des partis. Plus de transparence»), le Conseil fédéral rappelait que la question de savoir s'il y a lieu, et si oui comment, de réglementer le financement des partis politiques et des campagnes précédant des élections ou des votations afin de le rendre plus transparent, avait déjà été étudiée à plusieurs reprises. Le Conseil national avait ainsi été saisi de plusieurs propositions concrètes, notamment par les initiatives parlementaires Gross du 6 juin 1999 (99.430 «Campagnes de votation. Publication des montants de soutien importants»), Nordmann du 22 mars 2006 (06.406 «Transparence du financement des partis
politiques, des lobbies, des campagnes électorales et des campagnes de votation»), du Groupe socialiste du 20 mars 2009 (09.415 «Créer enfin la transparence dans la politique suisse») et Hodgers du 5 juin 2009 (09.442 «Transparence des comptes des partis politiques»), mais le Parlement avait estimé qu'aucun des nombreux modèles élaborés n'était susceptible d'atteindre l'objectif visé.

Considérant les grandes difficultés, mais aussi les nombreuses inconnues qui s'attachent à la mise en oeuvre d'une législation sur la transparence du financement des partis politiques, notamment en ce qui concerne l'applicabilité et les possibilités de sanction, le Conseil fédéral se déclarait en mai 2011 hostile à l'idée de passer par la voie législative, dans son avis sur la motion 11.3116: il estimait du reste que la démocratie directe vivait aussi de la générosité financière des particuliers, qu'une obligation de transparence risquerait de tarir.

19

20

Pour de plus amples explications à ce sujet: Aubert Jean-François/Mahon Pascal, Petit commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, Zurich/Bâle/Genève 2003, N 1 à 3 ad art. 137 et les références citées.

FF 1997 I 1 460­461

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Le 13 décembre 2012, le conseiller national Thomas Minder a déposé l'initiative parlementaire 12.499 «Sociétés anonymes cotées en bourse et sociétés contrôlées par les collectivités publiques. Publication des dons faits aux politiques», qui visait à contraindre les sociétés anonymes cotées en bourse à déclarer le montant total des dons faits à des acteurs politiques, ainsi que le nom et l'adresse des bénéficiaires de même que le montant des dons dépassant 10 000 francs par bénéficiaire et par année.

De plus, les sociétés dominées par la Confédération ou d'autres collectivités publiques auraient dû déclarer dans leurs comptes annuels tous les dons faits à des acteurs politiques. L'initiative parlementaire n'a pas reçu de suite.

Le 23 janvier 2014, la Commission des affaires juridiques du Conseil national a déposé l'initiative parlementaire 14.400 «Publication des dons faits aux acteurs politiques par les entreprises et institutions du secteur public». Elle proposait d'élaborer les bases légales nécessaires afin que les sociétés dont la Confédération ou une autre collectivité publique détient la majorité du capital publient, dans leurs comptes annuels, tous les dons faits aux acteurs, partis et organisations politiques. Les sociétés auraient notamment dû publier les noms des bénéficiaires et les montants des dons. Cette initiative parlementaire n'a pas reçu de suite non plus.

Par son interpellation 14.3633 «Transparence du financement des partis politiques.

Que fait le Conseil fédéral pour mettre en oeuvre les recommandations du GRECO?» du 20 juin 2014, la conseillère nationale Nadine Masshardt posait au Conseil fédéral plusieurs questions relatives à la mise en oeuvre par la Suisse des recommandations du GRECO et l'invitait à réglementer le financement des partis et des campagnes précédant des élections ou des votations21. Dans sa réponse du 28 novembre 2014, le Conseil fédéral a indiqué avoir discuté à plusieurs reprises, depuis avril 2014, du thème du financement des partis politiques. Il a également mentionné que, conformément aux règles du GRECO, la Suisse avait adressé fin avril 2014 un bref rapport au GRECO décrivant l'évolution de la situation en Suisse entre octobre 2013 et avril 2014, dans lequel elle précisait que le Conseil fédéral avait discuté du problème, mais sans prendre de
décision. Conformément aux règles du GRECO, ce rapport, comme les autres remis par les États membres, n'est pas publié. Pour finir, le Conseil fédéral a souligné dans sa réponse à l'interpellation 14.3633 qu'il avait décidé le 12 novembre 2014 de ne pas réglementer le financement des partis politiques.

En lien avec les motions du Groupe des Verts du 19 juin 2015 (15.3714 «Financement des campagnes menées lors des élections et des votations. De la transparence» et 15.3715 «Financement des partis. De la transparence»), visant toutes deux une transparence accrue, le Conseil fédéral et le Parlement ont confirmé en juin 2017 leurs réticences quant à une obligation de publier le financement des partis politiques et des campagnes précédant des élections ou des votations. Les motions chargeaient le Conseil fédéral de présenter un projet de loi visant à assurer la transparence du financement des partis politiques et des campagnes menées lors des élections et des votations. Elles précisaient qu'il fallait rendre obligatoire la déclara21

Les recommandations du GRECO sont publiées dans le rapport d'évaluation de la Suisse du 21 octobre 2011 (Thème II), disponibles à l'adresse www.coe.int > Etat de droit > Menaces contre l'Etat de droit > Groupe d'Etats contre la corruption ­ GRECO > Evaluations > Suisse (état: 18 juillet 2018).

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tion publique des dons dépassant un certain montant faits par des personnes physiques ou morales en faveur des partis politiques et des campagnes menées lors des élections et des votations. Les motions se fondaient sur les critiques exprimées vis-àvis de la Suisse par le GRECO dans son rapport intermédiaire de juin 201422. Conformément à la recommandation du Conseil fédéral, le Parlement a rejeté les deux motions.

Dans son avis du 26 août 2015 sur la motion 15.3715, le Conseil fédéral a fait valoir que dans sa réponse du 29 décembre 2014 à l'interpellation Masshardt 14.3633, il avait renoncé à réglementer ce domaine et que sa position n'avait pas changé depuis lors, arguant que les particularités du système politique suisse sont difficilement conciliables avec une loi sur le financement des partis: la démocratie directe et la fréquence des votations populaires qui en résultent font que les partis ne sont pas les seuls acteurs de la vie politique en Suisse. En outre, les cantons jouissent d'une large autonomie: leur imposer une réglementation nationale uniforme concernant le financement des partis ne serait pas compatible avec le fédéralisme. La vie politique et le financement des partis sont perçus en Suisse comme relevant largement d'un engagement privé et non de la responsabilité de l'État.

Le Conseil fédéral rappelait par ailleurs que dans le cadre de la discussion menée lors des entretiens de la Maison de Watteville le 29 août 2014, diverses solutions ont été évoquées visant à accroître la transparence du financement des partis politiques: deux modèles ont été présentés aux dirigeants des partis participant aux entretiens à propos de l'aménagement de règles de transparence du financement des partis politiques. Le premier modèle prévoyait l'obligation de publier les comptes des partis, par exemple sur une nouvelle plateforme électronique, tandis que le second prévoyait leur publication volontaire sur le registre fédéral des partis politiques. Les deux modèles avaient été préalablement discutés au sein du Conseil fédéral, mais ce dernier souhaitait entendre les dirigeants des partis gouvernementaux avant de prendre une décision, le système en place donnant satisfaction. Tous les partis présents, à l'exception du PS, se sont déclarés favorables au statu quo sans obligation de transparence. À
l'opposé, le PS a souhaité des mesures plus strictes que celles prévues par les deux modèles envisagés par le Conseil fédéral. Dans ces conditions, le Conseil fédéral a déclaré ne pas souhaiter engager de travaux législatifs en la matière, et s'est finalement prononcé contre une réglementation du financement des partis politiques et des campagnes précédant des élections ou des votations23.

Dans son avis du 26 août 2015 sur la motion 15.3714, le Conseil fédéral a par ailleurs rappelé que le Parlement n'avait pas donné suite à l'initiative parlementaire 14.400, de moindre portée que la motion 15.3714. Dans ces conditions, le Conseil fédéral n'entendait pas entreprendre de travaux législatifs.

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23

Rapport annexé au communiqué du 4 juillet 2014 de l'Office fédéral de la justice, disponible à l'adresse www.admin.ch > Communiqués > 4.7.2014 > Communiqué «Publication du rapport intérimaire de conformité du GRECO» (état: 17 juillet 2018); cf. à ce propos ch. 2.3.1.

Communiqué du Conseil fédéral du 29 août 2014, disponible à l'adresse www.admin.ch > Communiqués > 29.8.2014 > Communiqué «Entretiens de Watteville du 29 août 2014» (état: 17 juillet 2018).

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FF 2018

L'initiative parlementaire de la conseillère nationale Bertschy (17.490 «Mesures incitatives pour améliorer la transparence dans le financement des partis») a été déposée le 29 septembre 2017. Elle demande que la LMAP soit modifiée de telle sorte que les contributions accordées aux groupes ne soient plus versées qu'aux groupes des partis qui informent chaque année la Chancellerie fédérale et le public de la provenance et du montant des ressources qu'ils reçoivent. Le Conseil national n'a pour l'heure pas encore traité l'initiative.

Dernière en date, l'initiative parlementaire Fournier du 4 juin 2018 (18.423 «Pas d'ingérence étrangère dans la politique suisse») a été cosignée par 21 autres conseillers aux États. Elle demande que le financement de la récolte de signatures et des campagnes de votation par des fonds provenant de l'étranger soit interdit. Pour que cette interdiction soit effective, les dons anonymes devraient alors par conséquent être interdits et un mécanisme de contrôle, voire de sanction, instauré.

2.2

Évolutions au niveau cantonal

Au niveau cantonal, trois cantons (le Tessin, Genève et Neuchâtel) ont légiféré dans le domaine de la transparence du financement des partis politiques. Le 4 mars 2018, les cantons de Fribourg et Schwyz ont tout deux approuvé une initiative constitutionnelle pour l'adoption de règles sur la transparence financière des partis politiques.

Si dans plusieurs cantons, des initiatives populaires à ce sujet ont été rejetées ces dernières années (en particulier dans les cantons d'Argovie [2014]24 et de BâleCampagne [2013]25), l'acceptation en mars 2018 de deux initiatives dans les cantons de Fribourg et de Schwyz a provoqué de nombreuses interventions et initiatives parlementaires dans d'autres cantons (en particulier à Bâle-Ville26, Bâle-Campagne27, Zoug28 et Vaud29).

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28 29

Annexe à la feuille officielle du 10 octobre 2014 du canton d'Argovie, disponible à l'adresse www.ag.ch > Archiv > Weitere Jahrgänge > 2014 > Amtsblatt Nr. 41 (état: 17 juillet 2018).

Résultats de la votation du 9 juin 2013 dans le canton de Bâle-Campagne, disponibles à l'adresse www.abstimmungsarchiv.bl.ch > Eidgenössische / Kantonale Abstimmung 9.6.2013 > Transparenz-Initiaitve ­ Stoppt die undurchsichtige Politik Formulierte Verfassungsinitiative (état: 17 juillet 2018).

Motion 18.5159 Tim Cunéod du 12 avril 2018, disponible à l'adresse www.grosserrat.bs.ch > Geschäfte & Dokumente > Datenbank > 18.5159 (état: 17 juillet 2018).

Initiative parlementaire du 22 mars 2018, dont le texte est disponible à l'adresse https://baselland.talus.ch > Politik und Behörden > Landrat / Parlament > Geschäfte ab Juli 2015 > Geschäftsnummer: 2018/383 (état: 17 juillet 2018).

Motion 15705 du parti socialiste du 5 mars 2018, disponible à l'adresse https://kr-geschaefte.zug.ch > no d'objet: 15705 (état: 17 juillet 2018).

Motion Venizelos et consorts du 13 mars 2018, disponible à l'adresse www.vd.ch > Autorités > Grand Conseil > La liste des députées et des députés > Venizelos > «Motion Vassilis Venizelos et consorts au nom du groupe des Verts et du groupe socialiste ­ Financement de la politique: pour en finir avec l'obscurantisme vaudois» (état: 17 juillet 2018).

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FF 2018

Dans le cadre de l'élaboration du présent message, l'Office fédéral de la justice (OFJ) a fait parvenir en avril 2018 un questionnaire aux trois cantons (TI, GE et NE) ayant déjà édicté des dispositions légales relatives à la transparence du financement des partis politiques, afin de tenter d'apprécier l'efficacité de leur réglementation en la matière.

2.2.1

Tessin

Le canton du Tessin a été le premier en Suisse à se doter d'une réglementation sur le financement des partis politiques et de prescriptions en matière de transparence. Les obligations de déclaration figurent aux art. 114 et 115 de la Legge du 7 octobre 1998 sull'esercizio dei diritti politici30. Les partis et mouvements politiques doivent déclarer chaque année à la Chancellerie d'État les libéralités dépassant 10 000 francs et fournir l'identité des donateurs. Les informations sont publiées dans la Feuille officielle. Les contraventions à ces dispositions sont sanctionnées par une réduction des aides étatiques, voire par leur suppression. En principe, ces règles s'appliquent également aux organisateurs d'initiatives et de référendums (avant tout aux comités d'initiative) au niveau cantonal. Les candidats sont tenus de déclarer à la Chancellerie, 30 jours avant la date des élections, toute somme dépassant 5000 francs et de fournir l'identité des donateurs. Ces indications sont également publiées dans la Feuille officielle. Les contraventions sont passibles d'une amende de 7000 francs au plus.

Comme au niveau fédéral, le canton du Tessin connaît un financement public des groupes parlementaires. Tout groupe parlementaire (un groupe doit compter au moins cinq élus) perçoit une contribution annuelle de 40 000 francs et 3000 francs par représentant au Parlement. Les parlementaires qui n'appartiennent à aucun groupe perçoivent directement le montant de 3000 francs. Les groupes définissent les modalités du versement et en transfèrent directement une part au parti. Au total, les financements au titre de la Legge du 24 février 2015 sul Gran Consiglio e sui rapporti con il Consiglio di Stato31 avoisinent annuellement les 500 000 francs.

Des réponses au questionnaire adressé début avril 2018 par l'OFJ (cf. ch. 2.2), il ressort que le canton du Tessin ne dispose que de peu d'informations relatives à l'efficacité de sa réglementation. Sa loi sur l'exercice des droits politiques est en cours de révision, et l'examen du message du Conseil d'État du 20 avril 2016 32 y relatif est pendant devant le Grand Conseil. Il est notamment question de trancher l'opportunité de supprimer ou au contraire de renforcer l'obligation des partis politiques de communiquer leurs financements. Il semble toutefois qu'une tendance se
dessine en faveur du système actuel avec une extension de l'obligation de notification aux partis communaux. En tout état de cause, depuis l'an 2000, 70 dons en 30 31 32

Raccolta delle leggi vigenti del Cantone Ticino, 150.100, disponible à l'adresse www4.ti.ch > Raccolta delle leggi > Legislazione > Ricerca > 150.100.

Raccolta delle leggi vigenti del Cantone Ticino, 171.100, disponible à l'adresse www4.ti.ch > Raccolta delle leggi > Legislazione > Ricerca > 171.100.

Disponible sous: www4.ti.ch > Gran Consiglio > Parlamento > Ricerca > Messaggi e atti > Messaggio 7185 (état: 18 juillet 2018).

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FF 2018

faveur de partis politiques et de candidats ainsi que les noms des donateurs ont été notifiés auprès de la Chancellerie à ce jour. Certains des montants annoncés sont même inférieurs au seuil de 10 000 francs imposé par la loi. Ces données étant publiées dans la Feuille officielle tessinoise, il est impossible en l'état de savoir combien de personnes les consultent. Si la Chancellerie demande chaque année aux partis politiques de lui fournir ces informations, le canton n'a toutefois pas de pouvoir de contrôle de l'exactitude ni de l'exhaustivité de celles-ci. Il n'a par ailleurs pas d'indice de contraventions à cette réglementation, que cela soit de la part des partis ou d'autres personnes, même s'il était conscient des limites de la mise en oeuvre de celle-ci à son entrée en vigueur. L'essentiel était en somme de pouvoir donner un signal de transparence. Enfin, aucune sanction n'a été prononcée depuis l'introduction de cette réglementation: lorsqu'existe un soupçon d'absence de notification d'une information requise, le canton prend directement contact avec l'entité concernée qui fournit alors l'information à publier. Il est toutefois plus délicat d'obtenir ces mêmes informations auprès de certains candidats. Le canton tente actuellement de renforcer sa politique d'information auprès des milieux concernés.

2.2.2

Genève

Le canton de Genève a introduit des prescriptions de transparence à l'art. 29A de la loi du 15 octobre 1982 sur l'exercice des droits politiques (LEDP-GE)33. Chaque parti ou groupement présentant une liste de candidats à une élection cantonale ou communale (dans les communes de plus de 10 000 habitants) doit rendre compte annuellement de son bilan à l'autorité compétente et lui fournir une liste de ses donateurs. Les montants des dons ne sont toutefois pas publiés ni attribués aux donateurs. Les contraventions à ces règles sont sanctionnées par l'absence de versement par l'État des participations prévues par la loi. Le 8 novembre 2017, le Conseil d'État du canton de Genève a approuvé un projet de loi portant révision des prescriptions de transparence de la LEDP-GE, lequel est actuellement en examen au Grand Conseil. Les dons anonymes devraient être autorisés jusqu'à un montant total de 5000 francs par an (et interdits au-delà de ce plafond). Les contraventions seraient passibles d'une amende de 60 000 francs au plus. À certaines conditions, tout parti politique, association ou groupement déposant une prise de position sur une votation fédérale, cantonale ou communale devrait enfin communiquer à l'autorité compétente le bilan relatif à la votation en question.

Dans le canton de Genève, les partis représentés au Parlement perçoivent un montant de base de 100 000 francs, auquel s'ajoutent 7000 francs par siège.

Le canton participe par ailleurs aux dépenses des campagnes électorales des partis et d'autres groupements par 10 000 francs au plus par liste; il faut toutefois que la liste recueille au moins 5 % des voix lors d'un scrutin à la proportionnelle, ou que le candidat réunisse au moins 20 % des voix lors d'une élection au scrutin majoritaire.

Une autre aide aux campagnes précédant des élections ou des votations prend la forme d'un remboursement des frais d'affichage supportés par les partis ou d'autres 33

Recueil systématique genevois, rs/GE A 5 05, disponible à l'adresse www.ge.ch > Organisation et documents > Législation.

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FF 2018

groupements, pour un montant annuel total de 650 000 francs environ à la charge de l'État.

Depuis l'entrée en vigueur de la réglementation et selon les informations fournies par la Chancellerie d'État genevoise (cf. ch. 2.2), celle-ci reçoit moins d'une dizaine de demandes par année visant à prendre connaissance des comptes et/ou des bilans ainsi que de l'identité des donateurs. Ces demandes proviennent tantôt des journalistes, tantôt des partis politiques. Les partis représentés au Grand Conseil respectent les obligations prévues par la loi, étant précisé que les sanctions en cas de manquement sont relativement sévères (absence de versement par l'État de 100 000 francs par parti et de 7000 francs par député). À l'entrée en vigueur de la réglementation en revanche, les partis non représentés au parlement cantonal ne la respectaient guère: ils étaient en effet tenus de faire réviser leurs comptes par un organe de révision agréé et indépendant, quel que soit le montant des dépenses engagées dans la campagne. Or la charge financière en résultant était trop importante pour certains d'entre eux, qui devaient de plus attester des dépenses de faibles valeurs. Pour remédier à cette situation, le Conseil d'État genevois a proposé d'instaurer des seuils au-delà desquels les comptes devaient faire l'objet d'un contrôle par un organe de révision indépendant (seuil de dépenses de 10 000 francs pour une campagne de votation, et de 15 000 francs pour les comptes annuels). Il semble que, depuis 2015, la situation se soit améliorée. Du point de vue du contrôle du respect de la réglementation, le canton de Genève n'effectue pas de contrôle des comptes, ni de l'intégralité de la liste des donateurs: ce contrôle est assuré par une fiduciaire indépendante et agréée, mandatée par le parti ou le groupement. L'État ne fait que s'assurer que les exigences et les documents prescrits par la réglementation ont bien été remis dans les délais requis. En 2016, environ 400 comptes de campagne et comptes annuels ont été transmis à la Chancellerie. De ce montant, environ 55 % proviennent des partis politiques cantonaux ou communaux, environ 40 % des groupements ou associations diverses et 5 % des comités référendaires ou d'initiatives. Le montant total des dons effectués depuis 2011 est inconnu, ce qui s'explique en particulier
par le fait que les entités concernées ne sont pas contraintes de publier le montant individuel des dons (au contraire de la liste des donateurs). Le projet de loi du 8 novembre 2017 prévoit toutefois la publication des montants des dons en regard des noms des donateurs.

Quant à la question de savoir si l'entrée en vigueur de cette disposition légale a eu une influence sur le montant des dons reçus par les partis, la réponse est incertaine dans la mesure où le montant des dons n'est pas rendu public.

2.2.3

Neuchâtel

Dans le canton de Neuchâtel, des dispositions légales sur le financement des partis politiques sont entrées en vigueur le 1er janvier 2015 (art. 133a à 133p de la loi du 17 octobre 1984 sur les droits politiques [LDP-NE])34. Les partis représentés au parlement doivent publier leur bilan annuellement. De plus, chaque parti ou autre groupement déposant une liste en vue d'une élection cantonale ou communale doit 34

Recueil systématique de la législation neuchâteloise, RSN 141, disponible à l'adresse rsn.ne.ch.

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déclarer à la Chancellerie d'État toute libéralité de 5000 francs ou plus. En principe, ils doivent remettre à la Chancellerie une liste portant les noms de tous les donateurs et les sommes versées. À défaut, la somme totale des dons reçus peut être déclarée.

Lorsqu'une personne effectue plusieurs dons, ces derniers sont cumulés: dès que le cumul atteint 5000 francs, le nom de la personne doit figurer sur la liste. Les dons anonymes sont interdits. Des dispositions analogues s'appliquent aux candidats aux élections cantonales et communales, de même qu'aux comités d'initiative et aux comités référendaires, qui doivent également déclarer les dons de 5000 francs et plus. Les contraventions aux prescriptions de transparence sont passibles d'une amende de 40 000 francs au plus.

Tout parti représenté au parlement cantonal perçoit une contribution étatique de 3000 francs par siège. Au total, le financement des partis politiques se monte à quelque 340 000 francs par an. Cette forme de financement existait toutefois avant l'entrée en vigueur des prescriptions de transparence et n'en est donc pas une conséquence.

Dans ses réponses au questionnaire de l'OFJ d'avril 2018 (cf. ch. 2.2), le canton de Neuchâtel indique n'avoir reçu depuis l'entrée en vigueur de la réglementation aucune demande visant à connaître les comptes des partis politiques ou les listes de donateurs, à l'exception d'une émanant du bureau du Grand Conseil. Il constate que les partis politiques respectent leur obligation d'annonce des dons, même si de telles annonces sont peu nombreuses (seulement 4 en 2017, pour un total de 38 000 francs). Il n'est à ce stade pas possible de déterminer si le montant des dons aux partis politiques a diminué depuis l'entrée en vigueur de la réglementation. Chaque année, en avril ou en mai, les partis représentés au Grand Conseil déposent leurs comptes à la Chancellerie. La loi n'impose aucun contrôle du respect des ces obligations, si ce n'est sur le plan comptable. Les sanctions prévues en cas de violation des prescriptions relatives à la publicité figurent aux art. 138a et 138b de la LDP-NE. Le canton de dispose toutefois d'aucun rapport ni de chiffres relatifs au nombre d'éventuelles sanctions prononcées depuis l'introduction de cette réglementation.

2.2.4

Schwyz et Fribourg

Le 4 mars 2018, les cantons de Fribourg et Schwyz ont tous deux approuvé une initiative constitutionnelle pour l'adoption de règles sur la transparence financière des partis politiques. Si le oui l'a largement emporté à Fribourg 35 (près de 70 % d'avis favorables), ce n'est pas le cas de Schwyz36 où l'initiative a été acceptée à 50,28 % des voix.

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Résultats de la votation du 4 mars 2018, disponibles à l'adresse https://fr.wabsys.ch > Elections et votations > Votation du 4 mars 2018 > Objets cantonaux > Initiative constitutionnelle «Transparence et financement de la politique» (état: 17 juillet 2018).

Résultats de la votation du 4 mars 2018, disponibles à l'adresse www.sz.ch > Behörden > Abstimmungen, Wahlen > Archiv > 4. März 2018 > Ergebnisse > «Initiative » (état: 17 juillet 2018).

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À Fribourg, le texte de l'initiative entièrement rédigée 37 prévoit en particulier que les partis politiques, groupements politiques, comités de campagne et les organisations prenant part à des campagnes électorales ou de votations doivent publier leurs comptes. Plus précisément, cela comporte notamment la divulgation de l'identité des personnes morales et de leurs dons quel qu'en soit le montant, ainsi que de l'identité des personnes physiques lorsque leurs versements dépassent 5000 francs. De plus, les membres élus des autorités cantonales doivent publier les revenus qu'ils tirent de leur mandat ainsi que les revenus des activités en lien avec celui-ci. Ces données devront être vérifiées par l'administration cantonale ou un organisme indépendant puis rendues accessibles sur Internet ou sur papier.

Dans le canton de Schwyz, le texte accepté par le peuple38 prévoit une modification de la constitution cantonale dans un sens similaire au canton de Fribourg. Tous les partis et groupements politiques, les comités de campagne, les lobbys et autres organisations prenant part à des campagnes électorales ou de votations devront rendre publiques leurs finances. Devront en particulier être publiés les sources de financement et le budget total d'une campagne électorale ou de votation, la raison sociale des personnes morales et le montant des versements qu'elles opèrent, lorsque celui-ci dépasse 1000 francs, de même que l'identité et le montant des dons des personnes physiques lorsqu'ils dépassent 5000 francs. En outre, le texte prévoit que tous les candidats à une fonction publique sur les plans cantonaux ou dans un district, ainsi qu'au niveau exécutif et législatif communal, devront signaler leurs intérêts à l'annonce de leur candidature. Il devra en aller de même des élus à une charge publique au début de l'année civile. Enfin, le canton ou une autorité indépendante vérifiera l'exactitude de ces données. Tout manquement à ces prescriptions sera sanctionné d'une amende.

2.3

Contexte international

2.3.1

Recommandations du GRECO

En ratifiant la Convention pénale du 27 janvier 1999 sur la corruption39 en 2006, la Suisse est automatiquement devenue membre du GRECO. Dans le domaine de la prévention et de la lutte contre la corruption dans le financement des partis politiques, le GRECO tient compte de la Recommandation Rec(2003)4 du 8 avril 2003 40 du Comité des Ministres aux Etats membres sur les règles communes contre la corruption dans le financement des partis politiques et des campagnes électorales, pour élaborer les recommandations spécifiques qu'il adresse à chaque État membre.

37

38

39 40

Texte de l'initiative disponible à l'adresse www.fr.ch > Chancellerie d'Etat > Droits politiques > Droit d'initiative > Répertoire chronologique > 22.04.2015 (état: 18 juillet 2018).

Texte de l'initiative disponible au point 2.3 des explications du canton de Schwyz accompagnant la votation du 4 mars 2018, disponible à l'adresse www.sz.ch > Behörden > Abstimmungen, Wahlen > Archiv > 4. März 2018 > Ergebnisse > «Initiative » (état: 17 juillet 2018).

RS 0.311.55 Disponible à l'adresse www.coe.int > Explorer > Comité des Ministres > Recherche CM > Référence du document: Rec(2003)4 (état: 18 juillet 2018).

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Suite à sa visite en Suisse en mai 2011, le GRECO a adopté le 21 octobre 2011 en séance plénière le rapport concernant notre pays41. Compte tenu de l'absence de réglementation, au niveau national, sur la transparence du financement des partis politiques et des campagnes électorales en Suisse, le GRECO a adressé à la Suisse six recommandations42 qui lui enjoignent d'adopter une réglementation correspondant aux standards internationaux en matière de transparence des comptabilités des partis et des candidats, d'identification des donateurs tout au moins au-delà d'un certain montant, de contrôle et de sanctions.

Depuis le premier rapport de conformité du 18 octobre 2013, la Suisse est en procédure dite de non-conformité pour absence de mise en oeuvre des recommandations sur la transparence43.

2.3.2

Rapport de l'OSCE et lignes directrices de l'OSCE et de la Commission de Venise

Dans son rapport du 30 janvier 2012 relatif aux élections fédérales du 23 octobre 201144, l'OSCE déplore (cf. ch. VIII du rapport) l'absence de réglementation au niveau fédéral. Elle recommande à la Suisse d'envisager l'introduction d'une obligation de publier les comptes des candidats et des partis politiques lors de campagnes électorales, ceci afin d'augmenter la transparence des élections et d'assurer une meilleure information des électeurs. De plus, les autorités devraient examiner jusqu'à quel point cette réglementation devrait être impérative pour les groupes d'intérêt qui font des dons à but politique lors de référendums, d'initiatives populaires et d'élections. Enfin, l'OSCE et la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) ont adopté en octobre 2011 des lignes directrices sur la réglementation des partis politiques dont les § 159 à 217 ont trait au financement des partis politiques et des campagnes électorales.

Par son interpellation du 20 mars 2015 (15.3331 «Où en est la mise en oeuvre des recommandations de la mission d'évaluation électorale du BIDDH de l'OSCE dans la perspective des élections fédérales de 2015?»), la conseillère nationale Kiener Nellen charge le Conseil fédéral de rendre compte de la mise en oeuvre des recom41

42

43

44

Rapport d'évaluation du GRECO du 21 octobre 2011 concernant la Suisse (Thème II), disponible à l'adresse www.coe.int > Etat de droit > Menaces contre l'Etat de droit > Groupe d'Etats contre la corruption ­ GRECO > Evaluations > Suisse (état: 18 juillet 2018).

Les recommandations du GRECO sont publiées dans le rapport d'évaluation de la Suisse du 21 octobre 2011 (Thèmes II), disponibles à l'adresse www.coe.int > Etat de droit > Menaces contre l'Etat de droit > Groupe d'Etats contre la corruption ­ GRECO > Evaluations > Suisse (état: 18 juillet 2018).

Communiqué du 21 novembre 2013 du Département fédéral de justice et police (DFJP), disponible à l'adresse www.bj.admin.ch > News > 2013 > 21.11.2013 > «Le GRECO juge les efforts de la Suisse insuffisants» (état: 17 juillet 2018).

Rapport de la Mission d'évaluation électorale de l'OSCE/BIDDH du 30 janvier 2012 sur les élections à l'Assemblée fédérale du 23 octobre 2011, disponible à l'adresse www.osce.org > Accueil > Institutions et structures > Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme > Elections > Confédération suisse, Elections à l'Assemblée fédérale, 23 octobre 2011 (état: 17 juillet 2018).

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mandations du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'OSCE (BIDDH), comprenant la recommandation de l'OSCE faite aux autorités d'envisager l'introduction d'une obligation de rendre publics les revenus, les sources de financement et les dépenses concernant les campagnes électorales des candidats et des partis. Dans sa réponse du 20 mai 2015, le Conseil fédéral a précisé que la question de l'obligation légale, pour les partis et les candidats, d'établir la transparence sur le financement des campagnes électorales était traitée dans le cadre des recommandations du GRECO. À cet égard, on rappellera que le Conseil fédéral avait décidé le 12 novembre 2014 de ne pas légiférer en la matière (cf. ch. 2.1.3).

Dans son rapport final du 16 février 2016 sur les élections à l'Assemblée fédérale du 18 octobre 2015, le BIDDH a retenu que la Suisse devrait aborder la question du financement des campagnes électorales et s'est déclaré prêt à assister les autorités suisses à améliorer encore le processus électoral et à donner suite aux recommandations contenues dans ce rapport ainsi que les précédents, notamment en ce qui concerne la future réforme du financement des campagnes 45.

2.3.3

Situation juridique en Allemagne

Statut juridique des partis politiques La législation allemande sur la transparence du financement des partis politiques, à savoir la Gesetz du 24 juillet 1967 über die politischen Parteien (PartG)46 constitue l'un des plus anciens cadres réglementaires du continent européen dans ce domaine; elle met l'accent sur la transparence des ressources des partis politiques et elle prévoit un équilibre entre financement privé et financement public des formations politiques.

Comme d'autres pays, l'Allemagne a connu son lot de scandales politico-financiers qui ont éclaté à intervalles réguliers: affaire Flick dans les années 80, affaire Kohl dans les années 90, affaires de corruption dévoilées plus récemment à l'échelon local à Cologne, Hambourg et Wuppertal, ainsi que la dissimulation de certains types de revenus dans la comptabilité des partis politiques. Ces situations révèlent à quel point il est difficile de parvenir à une transparence totale et elles montrent que les mécanismes de contrôle en place en Allemagne ne parviennent pas systématiquement à découvrir les sources de financement illicites.

À son art. 21, la Grundgesetz du 23 mai 1949 für die Bundesrepublik Deutschland (GG)47 contient les principales dispositions relatives à la mission des partis politiques, à certaines conditions que ceux-ci doivent réunir en ce qui concerne leur

45

46 47

Rapport de la Mission d'évaluation électorale de l'OSCE/BIDDH du 16 février sur les élections à l'Assemblée fédérale du 18 octobre 2015, disponible à l'adresse www.osce.org > Accueil > Institutions et structures > Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme > Elections > Confédération Suisse, Elections à l'Assemblée Fédérale, 18 octobre 2015: Rapport final (état: 17 juillet 2018).

Texte légal disponible à l'adresse www.gesetze-im-internet.de/partg (état: 17 juillet 2018).

Texte légal disponible à l'adresse www.gesetze-im-internet.de/gg (état: 17 juillet 2018).

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organisation interne et la formation d'une opinion politique informée, et au contrôle public de leurs finances.

Le principal texte de loi régissant la transparence du financement des activités politiques est la PartG. Les Länder n'ont pas la compétence d'édicter des règles concernant les partis politiques et le financement des partis.

Ressources financières et transparence En vertu de la PartG, les partis doivent dresser, dans leurs comptes, la liste de toutes les recettes importantes: cotisations des membres, contributions des élus, dons, revenus provenant d'activités commerciales et d'intérêts liés à des participations, financement public, recettes diverses, subventions provenant des sections du parti.

Selon le rapport du 22 décembre 2016 du Bundestag sur les états comptables48, les cotisations des membres, les contributions des élus, les dons et le financement public constituent les sources les plus importantes de financement des partis.

Concernant le financement public des partis politiques, deux critères d'attribution sont appliqués: la réussite du parti politique concerné aux élections les plus récentes au Parlement européen ou au Bundestag ou à un Landtag et le montant des contributions et des dons reçus par ce parti (§ 18, al. 1 PartG; cf. également § 21, al. 3 et 4, GG). Ce système repose sur l'idée de refléter l'enracinement du parti politique en question dans la société ainsi que l'expriment les deux critères susmentionnés. Il existe un plafond précis en chiffres absolus qui s'applique au montant total du financement public direct pour tous les partis politiques qui réunissent les conditions requises. Si ce plafond est dépassé, la contribution attribuée à chaque parti sera réduite dans la même proportion. Il existe également un plafond relatif qui s'applique à chacun de ces partis, le montant à verser ne pouvant excéder l'équivalent du total des revenus générés seuls par le parti concerné, de manière à ce qu'aucun parti ne soit financé à plus de 50 % par des moyens publics.

Les partis politiques qui réunissent les conditions requises pour le financement public sont ceux qui, selon le résultat définitif des élections les plus récentes au Parlement européen ou au Bundestag, ont obtenu au moins 0,5 % ou, dans le cadre d'une élection à un Landtag, ont obtenu 1 % des suffrages valablement
exprimés.

Les règles générales de financement des partis s'appliquent aussi aux campagnes électorales. Les dons qui, effectués en une seule ou plusieurs fois par le même donateur, dépassent un montant total de 10 000 euros (y compris cas échéant les cotisations de membres) par année civile doivent être enregistrés avec indication du nom et de l'adresse du donateur ainsi que de leur montant total dans le rapport financier (Rechenschaftsbericht) des partis politiques. Le rapport est ensuite rendu public par le président du Bundestag. Les documents du Bundestag sont publiés sous forme papier mais aussi en version électronique sur le site Internet du Bundestag pour que le grand public puisse aussi avoir facilement accès aux comptes des partis.

48

Cf. disponible à l'adresse www.bundestag.de > Parlament > Präsidium > Parteienfinanzierung > Rechenschaftsberichte (état: 26 juin 2018).

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Enfin, si un parti reçoit un don supérieur à 50 000 euros, il est de plus tenu de signaler immédiatement au président du Bundestag qu'il a reçu ce don. Le président rend alors publics sans délai le don ainsi que le nom et l'adresse du donateur49.

Contrôle C'est principalement le président du Bundestag qui est chargé du contrôle du financement des partis politiques. Il a, lorsqu'il vérifie les finances des partis politiques, le statut d'une autorité (Behörde) au sens de la loi du 25 mai 1976 sur la procédure administrative50. Les décisions qu'il prend dans le cadre de ses compétences en la matière peuvent faire l'objet d'un contrôle juridictionnel administratif. Le président du Bundestag n'est pas lié par des instructions et n'est pas tenu de rendre compte. Il a toutefois l'obligation de publier les états comptables des partis politiques. Il peut s'appuyer sur les services administratifs du Bundestag; ils exercent, au nom du président du Bundestag les activités de contrôle précisées dans la PartG.

Le président du Bundestag n'a, en principe, pas accès aux livres de comptes des partis politiques. La vérification qu'il effectue se limite à l'examen des comptes soumis par un parti. Cependant, si des éléments concrets donnent à penser qu'il y a des données inexactes dans les comptes d'un parti, une procédure de vérification peut être engagée dans certaines circonstances: en ce cas, le parti concerné doit permettre à un commissaire aux comptes nommé par le président du Bundestag d'accéder aux registres et justificatifs nécessaires à l'audit et de les examiner.

Cas échéant, le président du Bundestag fixe, par un acte administratif, la sanction infligée au parti concerné. En cas de soupçon d'infraction à la PartG, d'autres autorités compétentes, comme le parquet, peuvent intervenir51.

Sanctions Selon la PartG, l'absence de remise d'un état comptable dans le délai prescrit ou la remise d'un état comptable inexact peut entraîner des conséquences et des sanctions pécuniaires voire, dans certains cas, des sanctions pénales.

Si un parti réunissant les conditions nécessaires pour être bénéficiaire d'un financement public ne présente pas son état comptable dans le délai prescrit, il perd de manière définitive son droit au partage périodique des fonds publics pour l'année pour laquelle il a déposé sa demande (Anspruchsjahr).

49

50 51

Pour des informations détaillées sur le financement par l'État des partis politiques et les obligations de publicité en Allemagne, cf. les explications du Bundestag du 20 octobre 2017, disponibles à l'adresse www.bundestag.de > Parlament > Präsidium > Parteienfinanzierung > Die staatliche Parteienfinanzierung (état: 26 juin 2018).

Texte légal disponible à l'adresse www.gesetze-im-internet.de/vwvfg (état: 17 juillet 2018).

Pour des informations détaillées sur le contrôle des obligations de publication en Allemagne, cf. les explications du Bundestag du 20 octobre 2017, disponibles à l'adresse www.bundestag.de > Parlament > Präsidium > Parteienfinanzierung > Die staatliche Parteienfinanzierung (état: 26 juin 2018).

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Le chap. 6 de la PartG traite de diverses infractions et des sanctions dont elles sont passibles. Certaines mesures administratives sont applicables aux partis en leur qualité de personne morale et il existe également des sanctions pénales, qui peuvent uniquement être infligées aux personnes physiques52.

Depuis janvier 2016, le président du Bundestag peut, en cas de non-présentation d'un état comptable, infliger une astreinte à la direction du parti de 500 euros au moins à 10 000 euros au plus (§ 38, al. 2, PartG). Cette règle s'applique à tous les partis indépendamment de leur droit à un financement de l'État53. De plus, une association politique perd son statut juridique de parti au sens de la PartG lorsqu'elle n'a pas présenté d'état comptable durant six ans en violation de son obligation de publication des comptes (§ 19a, al. 3, 3e phrase, PartG)54.

2.3.4

Situation juridique en France

Statut juridique des partis politiques En vertu de l'art. 4 de la Constitution française du 4 octobre 195855, «les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie».

Le législateur a précisé la notion de parti politique dans la loi n o 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique56. Rappelant les principes de libre formation et de libre activité, son art. 7 dispose également que les partis et groupements politiques jouissent de la personnalité morale et qu'ils ont le droit d'ester en justice, ainsi que celui «d'acquérir à titre gratuit ou à titre onéreux des biens meubles ou immeubles».

Au-delà, la législation sur la transparence et le financement de la vie politique appréhende la notion de parti sur la base de critères comptables et financiers. Ainsi, l'art. 11 de la loi du 11 mars 1988 dispose que «les partis politiques et les organisations territoriales ou spécialisées qu'ils désignent à cet effet, recueillent des fonds par l'intermédiaire d'un mandataire nommément désigné par eux». Toute organisation qui ne disposerait pas de ses fonds par l'intermédiaire d'un mandataire financier

52

53

54

55 56

Cf. le rapport d'évaluation du GRECO sur l'Allemagne, ch. 85 ss, pp. 17 ss disponible à l'adresse www.coe.int > Etat de droit > Menaces contre l'Etat de droit > Groupe d'Etats contre la corruption ­ GRECO > Evaluations > Allemagne (état: 18 juillet 2018).

Cf. ch. 7 des explications du Bundestag du 20 octobre 2017, disponibles à l'adresse www.bundestag.de > Parlament > Präsidium > Parteienfinanzierung > Die staatliche Parteienfinanzierung (état: 26 juin 2018).

Pour des informations détaillées sur les sanctions en cas de violation des obligations de publication en Allemagne, cf. les explications du Bundestag du 20 octobre 2017, disponibles à l'adresse www.bundestag.de> Parlament > Präsidium > Parteienfinanzierung > Die staatliche Parteienfinanzierung (état: 26 juin 2018).

Texte constitutionnel disponible à l'adresse www.assemblee-nationale.fr > La Constitution > Constitution du 4 octobre 1958 en vigueur (état: 17 juillet 2018).

Texte légal disponible à l'adresse www.legifrance.gouv.fr > Les autres textes législatifs et réglementaires > Numéro du texte: 88-227 (état: 17 juillet 2018).

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ne pourrait pas être qualifiée de «parti politique» au sens de cette loi, même si son but est politique.

En vertu de l'art. 4 de la Constitution, les partis et groupements politiques «se forment et exercent leur activité librement». Il s'ensuit dès lors qu'il n'existe aucune obligation de reconnaissance et/ou d'enregistrement en tant qu'association.

Ressources financières et transparence La loi organique no 88-22657 et la loi no 88-227 du 11 mars 1988 relatives à la transparence financière de la vie politique sont les premiers textes en France à établir un cadre normatif en matière de transparence du financement des partis politiques et des campagnes électorales. Depuis leur entrée en vigueur, plusieurs lois ont par la suite complété le dispositif, dont dernièrement la loi organique n o 2013-90658 et la loi no 907 du 11 octobre 2013 sur la transparence de la vie publique59, ainsi que la loi organique no 2017-133860 et la loi no 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique61.

Ces lois posent six grands principes: 1.

déclaration de patrimoine et d'intérêts pour les titulaires de certaines fonctions ou mandats électifs;

2.

limitation des dépenses électorales pour les candidats aux élections dans les circonscriptions de plus de 9000 habitants;

3.

plafonnement des dons aux candidats et partis;

4.

participation financière de l'État par le biais de financement des partis et de remboursement des dépenses électorales;

5.

contrôle de l'application de la loi par une autorité administrative indépendante, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques;

6.

instauration de sanctions.

Le financement privé des partis politiques est régi par les art. 11 à 11-8 de la loi du 11 mars 1988 et 25 de la loi du 15 septembre 2017. En vertu de ces règles, les dons destinés à un parti ne peuvent lui être versés directement, mais doivent être versés à son mandataire financier qui peut être soit une personne physique, soit une association de financement du parti concerné. Les règles suivantes s'appliquent: les dons de personnes morales sont interdits (y compris les aides sous forme de biens, services ou autres avantages directs ou indirects, comme des prix préférentiels); sont toute57 58 59 60 61

Texte légal disponible à l'adresse www.legifrance.gouv.fr > Les autres textes législatifs et réglementaires > Numéro du texte: 88-226 (état: 17 juillet 2018).

Texte légal disponible à l'adresse www.legifrance.gouv.fr > Les autres textes législatifs et réglementaires > Numéro du texte: 2013-907 (état: 17 juillet 2018).

Texte légal disponible à l'adresse hwww.legifrance.gouv.fr > Les autres textes législatifs et réglementaires > Numéro du texte: 2013-907 (état: 17 juillet 2018).

Texte légal disponible à l'adresse www.legifrance.gouv.fr > Les autres textes législatifs et réglementaires > Numéro du texte: 2017-1338 (état: 17 juillet 2018).

Texte légal disponible à l'adresse www.legifrance.gouv.fr > Les autres textes législatifs et réglementaires > Numéro du texte: 2017-1339 (état: 17 juillet 2018).

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fois admis les dons d'un autre parti ou d'une association de financement de candidats à une élection française; les contributions ou aides matérielles d'un État étranger ou d'un parti politique étranger sont également interdits (ce qui n'exclut donc pas les dons de personnes physiques étrangères); les dons aux partis et groupements politiques (par des personnes physiques) de plus de 150 euros doivent être versés par chèque, virement, prélèvement automatique ou carte bancaire; les dons de personnes physiques au profit d'un ou de plusieurs partis politiques sont plafonnés à 7500 euros par année pour une même personne physique qui doit être dûment identifiée (c'est le rôle du mandataire financier). Il n'existe toutefois pas de dispositions qui plafonneraient les dépenses de partis dans le cadre de leurs activités en raison de leur liberté constitutionnelle.

En ce qui concerne les campagnes électorales, les dispositions y relatives figurent aux art. L52-4 à L52-17 du Code électoral français62 ainsi qu'à l'art. 26 de la loi du 15 septembre 2017. Elles prévoient en particulier que les dons consentis par une personne physique dûment identifiée pour le financement de la campagne d'un ou de plusieurs candidats lors des mêmes élections ne peuvent excéder 4600 euros. Les dons des personnes physiques étrangères sont toutefois interdits, au même titre que les dons des personnes morales dans la même mesure que pour les partis politiques.

Les dons de plus de 150 euros doivent être versés selon les mêmes modalités que pour les partis politiques. Si les dépenses des partis politiques ne sont pas plafonnées, c'est le cas en revanche de celles des campagnes électorales. Le Code électoral institue un plafond des dépenses électorales pour les élections dans les circonscriptions de plus de 9000 habitants. Le montant du plafond est déterminé en fonction du nombre d'habitants de la circonscription d'élection, conformément à un tableau reproduit à l'art. L52-11 du code.

Contrôle La Commission Nationale des Comptes de Campagne et des Financements Politiques (CNCCFP) occupe une place centrale en matière de contrôle. Elle a été créée par la loi no 90-55 du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques63, et mise en place le 19 juin 1990. Elle
est à présent réglée en particulier aux art. L52-14 et L52-15 du Code électoral.

La commission est un organisme collégial et une autorité administrative indépendante et non une juridiction. Les décisions de la CNCCFP sont susceptibles d'un recours contentieux devant le juge de l'élection statuant sur l'inéligibilité du candidat ou devant le tribunal administratif de Paris statuant en plein contentieux sur le montant du remboursement forfaitaire alloué au candidat64. Elle est composée de neuf membres, hauts magistrats, nommés pour cinq ans renouvelables une fois par décret du Premier ministre: trois membres sont nommés sur proposition du vice62

63 64

Texte légal (version consolidée du 15 juillet 2018) disponible à l'adresse www.legifrance.gouv.fr > Les codes en vigueur > Nom du code: Code électoral (état: 18 juillet 2018).

Texte légal disponible à l'adresse www.legifrance.gouv.fr > Les autres textes législatifs et réglementaires > Numéro du texte: 90-55 (état: 17 juillet 2018).

Informations disponibles sur le site Internet de la CNCCFP à l'adresse www.cnccfp.fr (état: 26 juin 2018).

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président du Conseil d'État, trois sur proposition du premier président de la Cour de cassation et trois sur proposition du premier président de la Cour des comptes. Le fonctionnement de la commission est assuré par un secrétariat général, composé d'environ 38 fonctionnaires et agents contractuels. Les fonctionnaires, pour la plupart issus des ministères de la Justice, des Finances et de l'Intérieur sont détachés sur contrat de trois ans renouvelables auprès de la commission.

Les missions de la CNCCFP sont de deux ordres: contrôle des obligations comptables et financières des partis politiques et contrôle des comptes de campagne des candidats.

Les commissaires aux comptes des partis politiques peuvent lui opposer le secret professionnel. Depuis 2013, la CNCCFP peut demander aux partis politiques communication de toutes leurs pièces comptables et de tous les justificatifs nécessaires.

S'agissant du contrôle des comptes de campagnes, la procédure avec le candidat est une procédure contradictoire65.

Pour le grand public, la CNCCFP procède à la publication en ligne, sur son site66, d'un rapport annuel avec un aperçu des comptes des partis et un avis général de sa part.

Les art. 19 à 23 de la loi du 11 octobre 2013 instituent encore la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, autorité administrative indépendante dont la création est l'aboutissement d'un mouvement de renforcement progressif des exigences de transparence qui incombent aux «responsables publics». C'est auprès d'elle que plusieurs d'entre eux déclarent leur patrimoine. Elle a entre autres aussi pour mission de promouvoir la transparence de la vie publique grâce notamment à la publicité des déclarations dont elle est destinataire.

Sanctions Le système des sanctions est dense et complexe. L'art. 26 de la loi du 11 octobre 2013 prévoit des sanctions pénales en cas de manquements à cette loi, qui consistent en particulier en une peine d'emprisonnement et une amende relativement lourde, ainsi que dans certains cas une sanction d'inéligibilité.

65

66

Rapport d'évaluation de la France par le GRECO du 19 février 2009, Thème II, p. 17, n. 69, www.coe.int > Etat de droit > Menaces contre l'Etat de droit > Groupe d'Etats contre la corruption ­ GRECO > Evaluations > France (état: 18 juillet 2018).

www.cnccfp.fr

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2.4

Efforts volontaires pour davantage de transparence

Selon certains médias, plusieurs grandes entreprises publient leurs dons aux partis politiques67. Outre les deux grandes banques UBS et Credit Suisse, qui selon la Handelszeitung ont publié l'ensemble de leurs contributions, Swiss, Axa Winterthur, Nestlé et Raiffeisen ont publié leurs dons dans le domaine politique68.

Selon ses propres sources69, Credit Suisse verse des contributions financières à hauteur maximale d'un million de francs à des partis politiques en Suisse qui disposent d'au moins cinq sièges à l'Assemblée fédérale. En outre, Credit Suisse fait savoir que ses collaborateurs exerçant un mandat politique suite à leur élection sont autorisés à consacrer 20 % de leur temps de travail à leur charge publique tout en conservant l'intégralité de leur rémunération. Selon ses propres sources également 70, Raiffeisen verse annuellement 246 000 francs aux partis représentés à l'Assemblée fédérale suisse. Les fonds sont versés à parts égales au Conseil national et au Conseil des États, puis répartis entre les partis en fonction du nombre de sièges.

Une tendance à la transparence en matière de financement peut également être observée chez les partis politiques et les candidats aux élections. Plusieurs partis ont décidé de publier leurs comptes71. Les candidats aux élections ont quant à eux la possibilité d'indiquer sur la plate-forme Smartvote, dans la rubrique «Financement de la campagne», le budget de leur campagne, réparti entre fonds propres, contributions du parti, donateurs privés, dons d'entreprises et autres ressources. Certains candidats n'hésitent pas à rendre ces informations publiques72.

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68

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71

72

Article de la Bote der Urschweiz du 29 octobre 2017 «Finanzbranche soll alle Spenden offenlegen», disponible à l'adresse www.bote.ch > Suche: «Finanzbranche soll all Spenden offenlegen» (état: 18 juillet 2018); article de la Handelszeitung du 14 mai 2015 «UBS und CS sind die grössten Politik-Mäzene», disponible à l'adresse www.handelszeitung.ch > Suche: UBS und CS sind die grössten Politik-Mäzene (état: 17 juillet 2018); cf. également l'article du 14 janvier 2015 «Parteispenden: Soviel zahlen die UBS und die Credit Suisse», disponible à l'adresse Soviel zahlen die UBS und die Credit Suisse», disponible à l'adresse: www.finews.ch > Suche: Parteispenden: Soviel zahlen die UBS und die Credit Suisse (état: 17 juillet 2018).

Article de la Handelszeitung du 14 mai 2015 «UBS und CS sind die grössten PolitikMäzene», disponible à l'adresse www.handelszeitung.ch > Suche: UBS und CS sind die grössten Politik-Mäzene (état: 17 juillet 2018).

Cf. la présentation de Credit Suisse SA, disponible à l'adresse www.credit-suisse.com > Unternehmen > Verantwortung > Verantwortung in der Wirtschaft & Gesellschaft > Unsere Rolle in der Schweiz (état: 18 juillet 2018).

Cf. la présentation de Raiffeisen, disponible à l'adresse www.raffeisen.ch > Forum Raiffeisen > Activités > Une représentation transparente des intérêts > Soutien du système de milice (état: 18 juillet 2018).

Cf. par ex. le programme du PS de 2010, p. 62, disponible à l'adresse www.sp-ps.ch > Parti > Nous sommes le ps > Notre programme; les principes éthiques et règles de transparence pour les dons aux partis des Verts, disponibles à l'adresse http://www.gruene.ch > Les Verts > Parti > Des finances transparentes > Financement du parti ou encore le communiqué de presse du PRD de la Ville de Berne du 18 mai 2010, disponible à l'adresse www.fdp-stadtbern.ch> Aktuell > Medienmitteilungen > Suchen; Transparenz > FDP.Die Liberalen der Stadt Bern für mehr Transparenz in der Politik; cf. aussi à ce sujet le sondage de la SSR (SRF) du 27 mars 2017, disponible à l'adresse www.srf.ch > Suchfenster: Parteifinanzierung ­ Gelder offenlegen oder nicht? Sieben Parteien geben Antwort (état: 17 juillet 2018).

Cf. les profils des candidats, disponibles à l'adresse smartvote.ch (état: 17 juillet 2018).

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3

Buts et contenu

3.1

Buts visés

L'initiative exige que les partis et les comités de campagnes pour des votations ou des élections communiquent leurs comptes et l'origine des dons de plus de 10 000 francs. Les auteurs de l'initiative entendent ainsi renforcer la démocratie et favoriser la formation de l'opinion73. Selon eux, les citoyens qui veulent se forger une opinion doivent savoir combien coûte une campagne électorale ou une campagne de votation et quels en sont les grands bailleurs de fonds. Les auteurs de l'initiative estiment que la transparence ainsi créée renforcera la confiance dans la classe politique; ils réclament donc l'interdiction des dons anonymes et exigent que les partis et les comités de campagnes connaissent l'origine de l'argent qu'elles acceptent. L'initiative vise également à empêcher que des entreprises fassent des dons élevés à l'insu des actionnaires et du public. Elle ne veut toutefois pas interdire les dons ni rendre publique l'identité des petits donateurs.

3.2

Dispositif proposé

L'initiative sur la transparence exige que la Confédération édicte des prescriptions sur la publicité du financement des partis politiques, des campagnes électorales et des campagnes de votation au plan fédéral. Elle demande que la Constitution soit complétée par un art. 39a et par une disposition transitoire chargeant le Conseil fédéral d'édicter les dispositions d'exécution requises dans un délai d'une année si l'Assemblée fédérale ne les a pas édictés dans les trois ans qui suivent l'acceptation de l'initiative (art. 197, ch. 12, Cst.). Sur le plan matériel, l'initiative pose les exigences suivantes.

Les partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale doivent communiquer chaque année à la Chancellerie fédérale leur bilan et leur compte de résultat ainsi que le montant et l'origine de toutes les libéralités en argent ou en nature d'une valeur supérieure à 10 000 francs par an et par personne qu'ils ont reçues; l'auteur de chacune des libéralités doit pouvoir être identifié (art. 39a, al. 2, Cst.).

De plus, quiconque dépense un montant supérieur à 100 000 francs en vue d'une élection à l'Assemblée fédérale ou d'une votation fédérale doit communiquer à la Chancellerie fédérale, avant la date de l'élection ou de la votation, son budget global, le montant de ses fonds propres ainsi que le montant et l'origine de toutes les libéralités en argent ou en nature d'une valeur supérieure à 10 000 francs par personne qu'il a reçues; l'auteur de chacune des libéralités doit pouvoir être identifié (art. 39a, al. 3, Cst.).

73

Cf. l'argumentaire de l'initiative sur la transparence, disponible à l'adresse transparenz-ja.ch > Downloads (état: 17 juillet 2018).

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La Chancellerie fédérale doit en outre publier chaque année les informations sur le financement des partis politiques, des campagnes électorales et des campagnes de votation, et ce suffisamment tôt avant l'élection ou la votation, ainsi que le décompte final (art. 39a, al. 4, Cst.).

Enfin, l'acceptation de libéralités anonymes en argent ou en nature est interdite, mais la loi peut prévoir des exceptions (art. 39a, al. 5, Cst.). La loi doit également fixer les sanctions applicables en cas de non-respect des obligations de publicité (art. 39a, al. 6, Cst.).

3.3

Commentaire et interprétation du texte de l'initiative

L'initiative sur la transparence prévoit l'insertion dans la Constitution d'un nouvel art. 39a intitulé «Publicité du financement des partis politiques, des campagnes électorales et des campagnes de votation».

Art. 39a, al. 1 L'art. 39a crée une nouvelle compétence législative de la Confédération en la matière. Conformément à l'al. 1 du texte de l'initiative, la Confédération légifère sur la publicité du financement des partis politiques (let. a), des campagnes en vue d'élections à l'Assemblée fédérale (let. b) et des campagnes en vue de votations au niveau fédéral (let. c).

Les al. 2 à 6 précisent le contenu des prescriptions que devra édicter la Confédération. L'initiative fait une distinction entre le financement des partis politiques d'une part, et celui des élections et votations d'autre part: l'al. 2 pose des conditions relatives à la transparence pour le premier cas, l'al. 3 pour le second.

Art. 39a, al. 2 Partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale L'obligation de transparence définie à l'al. 2 concerne les partis représentés à l'Assemblée fédérale. Selon le libellé de l'initiative, il s'agit des partis qui sont représentés au Conseil national ou au Conseil des États. Comme le texte de l'initiative ne fait pas de distinction entre les partis nationaux et les partis cantonaux, les partis cantonaux représentés à l'Assemblée fédérale seraient également soumis à l'obligation de transparence. Deux partis sont actuellement concernés, le ChristlichSoziale Partei Obwalden et le Liberal-demokratische Partei Basel-Stadt74.

En cas d'acceptation de l'initiative, il faudra probablement encore préciser le champ d'application personnel de la nouvelle réglementation pour les cas de figure où des partis cantonaux sont affiliés aux partis nationaux représentés à l'Assemblée fédérale. La question qui se pose est de savoir si la présence du parti national au Parlement implique que les partis cantonaux entrent également dans le champ d'applica74

Selon la liste disponible à l'adressse www.parlament.ch > Organes > Groupes parlementaires > Les partis représentés au Parlement (état: 17 juillet 2018).

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tion de l'initiative et sont eux aussi soumis à l'obligation de transparence, ou inversement: si des partis cantonaux sont représentés à l'Assemblée fédérale, le parti national tombe-t-il dans le champ d'application de l'initiative? Si tel n'était pas le cas, il serait ­ théoriquement ­ possible de dissimuler la provenance de dons en les portant au crédit des partis cantonaux (cf. ch. 4.1.4).

Bilan et compte de résultat Le bilan et le compte de résultat des partis politiques sont soumis aux règles sur la transparence. Si l'initiative est acceptée, il faudra probablement définir ces notions dans la législation d'exécution et décider si les dispositions du CO conviennent ou si des règles de comptabilité spécifiques aux partis politiques et aux candidats aux élections doivent être édictées.

Les notions de bilan et de compte de résultat sont définies dans les articles sur la comptabilité (art. 957 à 963b CO). L'art. 959, al. 1, CO précise que le bilan, qui se compose de l'actif et du passif, reflète l'état du patrimoine et la situation financière de l'entreprise à la date du bilan. Selon l'art. 959b, al. 1, CO, le compte de résultat reflète les résultats de l'entreprise durant l'exercice. Les art. 959a et 959b CO fixent le contenu minimal du bilan et du compte de résultat.

Il faut avoir à l'esprit que les partis politiques ne sont pas automatiquement soumis à l'obligation de tenir une comptabilité au sens des art. 957 à 963b CO, mais seulement à certaines conditions (art. 957 CO). En cas d'acceptation de l'initiative, l'obligation de communiquer le bilan et le compte de résultat conformément à l'art. 39a, al. 2, Cst. forcerait les partis représentés à l'Assemblée fédérale à tenir une comptabilité même s'il ne sont aujourd'hui pas tenus de le faire sur la base du CO.

Libéralités en argent ou en nature Le champ d'application matériel de l'initiative comprend également l'obligation de communiquer «le montant et l'origine de toutes les libéralités en argent ou en nature d'une valeur supérieure à 10 000 francs par an et par personne».

Les auteurs de l'initiative utilisent le terme de «libéralités» en particulier pour parler des dons et autres versements à titre gratuit75. En cas d'acceptation de l'initiative, la législation d'exécution devra probablement régler la question des donations mixtes.
Les libéralités en nature peuvent aussi concerner ­ comme c'est le cas pour le concept juridique de donation76 ­ en particulier les dons de biens mobiliers et d'immeubles. Les libéralités en argent consistent en des transferts d'argent comptant ou en des versements bancaires. Si l'initiative est acceptée, il faudra probablement régler dans la législation d'exécution la question de savoir quels autres avantages économiques seront considérés comme des libéralités au sens de l'initiative (par ex.

75 76

Cf. l'argumentaire de l'initiative sur la transparence, disponible à l'adresse https://transparenz-ja.ch > Downloads, p. 2 (état: 17 juillet 2018).

Schönenberger Beat, Vertragsverhältnisse Teil 1: Innominatkontrakte, Kauf, Tausch, Schenkung, Miete, Leihe, Art. 184-318 CO, in: Amstutz/Breitschmid/Furrer/Girsberger/ Huguenin (édit.), Handkommentar zum Schweizer Privatrecht, Zurich 2016, n o 7 ad art. 239 CO.

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fournir gratuitement des biens ou des services ou encore accorder des prêts sans intérêts).

En ce qui concerne le seuil de 10 000 francs indiqué à l'art. 39a, al. 3, Cst., le législateur devra probablement préciser comment évaluer concrètement les libéralités et les prestations de services. La simple reprise de la valeur comptable permettrait de contourner la règle étant donné que le droit de la comptabilité suisse permet la comptabilisation d'un objet en dessous de sa valeur réelle (art. 960 à 960e CO). Une solution serait d'évaluer les objets à leur valeur marchande.

Communication annuelle Conformément au texte de l'initiative, les informations doivent être communiquées à la Chancellerie fédérale chaque année. En ce qui concerne le bilan et le compte de résultat, il faut avoir à l'esprit que les comptes sont présentés dans le rapport de gestion, lequel doit être établi dans les six mois qui suivent la fin de l'exercice conformément aux dispositions légales sur la présentation des comptes (art. 958, al. 2 et 3, CO). L'exercice ne coïncide pas forcément avec l'année civile.

Identification de l'auteur de la libéralité Le texte de l'initiative exige que l'auteur de chacune des libéralités puisse être identifié. En cas d'acceptation de l'initiative, les partis devront donc pouvoir dire qui a versé quel montant pour que ces informations puissent être publiées conformément à l'al. 4.

Art. 39a, al. 3 Quiconque dépense un montant supérieur à 100 000 francs en vue d'une élection à l'Assemblée fédérale ou d'une votation fédérale Est soumis à l'obligation de communiquer quiconque dépense un montant supérieur à 100 000 francs en vue d'une élection à l'Assemblée fédérale ou d'une votation fédérale. Il peut s'agir de personnes physiques, de personnes morales et de sociétés de personnes77.

Conformément au texte de l'initiative, on entend par «élection à l'Assemblée fédérale» toute élection au Conseil national ou au Conseil des États. Les élections au Conseil national sont régies par les art. 149, al. 2 et 3, Cst. et 16 à 57 LDP. Leur financement n'est pas réglé par le droit en vigueur (cf. ch. 2.1.2). Les élections au Conseil des États relèvent de la compétence des cantons, conformément à l'art. 150, al. 3, Cst.

En ce qui concerne les votations, le texte de l'initiative précise que seules les votations
fédérales sont concernées. Elles peuvent ainsi porter sur des initiatives populaires ou faire suite à des référendums obligatoires ou facultatifs. Les votations cantonales ou communales sont donc exclues du champ d'application de l'initiative.

77

Cf. aussi l'argumentaire de l'initiative sur la transparence, disponible à l'adresse https://transparenz-ja.ch > Downloads, p. 1 (état: 17 juillet 2018).

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Budget global, montant des fonds propres, montant et origine de toutes les libéralités en argent ou en nature Les «fonds propres» se distinguent des «libéralités en argent ou en nature» dans le sens où ils sont constitués des ressources financières dont le comité dispose avant de recevoir les libéralités.

Concernant l'origine des libéralités, il faudra probablement préciser dans la législation d'exécution, en cas d'acceptation de l'initiative, quelles sont les informations concrètes que les bénéficiaires doivent connaître et quelles données ils doivent publier. L'initiative entend garantir que la population sache d'où vient l'argent qui finance les campagnes électorales et les campagnes de votation78. Il s'agira donc probablement de déterminer dans la législation d'exécution les mesures permettant de connaître l'identité exacte du donateur.

Art. 39a, al. 4 Publication par la Chancellerie fédérale du décompte final et d'autres informations visées aux al. 2 et 3 L'al. 4 dispose que la Chancellerie fédérale publie les données mentionnées à l'art. 39a, al. 2, Cst, à savoir le bilan, le compte de résultat ainsi que le montant et l'origine de toutes les libéralités en argent ou en nature d'une valeur supérieure à 10 000 francs par an et par personne. En cas d'acceptation de l'initiative, il s'agira probablement d'indiquer dans la législation d'exécution si ces informations doivent être fournies sous la forme d'un rapport ou si les bilans et comptes de résultat doivent être publiés intégralement. Dans le second cas, il faudra tenir compte du fait que, sans autres précautions, les documents en question pourraient révéler des libéralités en argent ou en nature inférieures à 10 000 francs.

L'al. 4 renvoie également aux informations visées à l'al. 3, ce qui implique la publication des données des personnes physiques ou morales qui dépensent plus de 100 000 francs en vue d'une élection à l'Assemblée fédérale ou d'une votation fédérale, à savoir leur budget global, le montant de leurs fonds propres ainsi que le montant et l'origine de toutes les libéralités en argent ou en nature d'une valeur supérieure à 10 000 francs par personne qu'elles ont reçues.

Il faudra également et probablement définir dans la législation d'exécution sous quelle forme et par quel moyen les informations devront être publiées en
cas d'acceptation de l'initiative. On pourrait par exemple envisager qu'elles soient publiées sur le site Internet de la Chancellerie fédérale, comme le registre des partis politiques79.

Publication des informations suffisamment tôt avant l'élection ou la votation En exigeant que les informations soient publiées suffisamment tôt avant l'élection ou la votation, les auteurs de l'initiative veulent éviter que le public prenne connaissance de ces données au dernier moment. La population doit avoir suffisamment de 78 79

Cf. ch. 3.1 et l'argumentaire de l'initiative sur la transparence, disponible à l'adresse https://transparenz-ja.ch > Downloads/, p. 1, 2 et 3 (état: 17 juillet 2018).

Cf. www.bk.admin.ch > Droits politiques > Registre des partis (état: 17 juillet 2018).

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temps pour se forger une opinion. En pratique, il s'agira de préciser la notion de «suffisamment tôt» en tenant notamment compte des modalités du vote par correspondance. Le matériel de vote étant adressé plusieurs semaines avant la date de la votation ou des élections, les informations devront être disponibles assez tôt pour le corps électoral, de manière à ce que la formation de la volonté populaire puisse tenir compte de ces éléments.

Art. 39a, al. 5 En donnant au législateur le mandat de prévoir les exceptions à l'interdiction d'accepter les libéralités anonymes en argent ou en nature, les auteurs de l'initiative acceptent que dans certaines circonstances les dons anonymes restent possibles. On peut penser aux collectes de fonds dans la rue ou encore aux versements anonymes par voie électronique (SMS par ex.) de petites sommes d'argent à concurrence d'un certain montant.

Art. 39a, al. 6 Sanctions applicables en cas de non-respect des obligations de publicité Le texte de l'initiative prévoit à l'art. 39a, al. 6, que le législateur fixe les sanctions applicables en cas de non-respect des obligations de publicité. Compte tenu du contexte général et de la systématique du texte de l'initiative, il faut entendre par obligations de publicité toutes les obligations introduites par le nouvel art. 39a Cst.

Si l'initiative est acceptée, il faudra fixer les sanctions, administratives ou pénales, dans la législation d'exécution. L'introduction d'amendes ou de peines pécuniaires serait logique, mais on pourrait aussi envisager la réduction ou la suppression des contributions versées par la Confédération au groupe parlementaire du parti qui a manqué à ses devoirs. Il s'agirait également de déterminer quelles autorités, administratives et/ou judiciaires, seraient compétentes.

Art. 197, ch. 12 Cette disposition demande la mise en oeuvre de l'article constitutionnel dans un délai de quatre ans au plus à partir de l'acceptation de l'initiative. Les dispositions d'exécution doivent entrer en vigueur dans les trois ans qui suivent l'acceptation, faute de quoi le Conseil fédéral devra les édicter par voie d'ordonnance dans un délai d'une année.

Des dispositions analogues ont été inscrites dans la Constitution à différentes reprises au cours des dernières années (par ex. à la suite de l'acceptation des initiatives populaires «Contre les rémunérations abusives»80 et «Contre l'immigration de masse»81).

80 81

RO 2013 1303 RO 2014 1391

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4

Appréciation de l'initiative et conséquences en cas d'acceptation

4.1

Conformité aux principes et valeurs de la Suisse

Le Conseil fédéral comprend certes les préoccupations à la base de l'initiative. La transparence du financement de la vie politique est en effet un élément qui renforce la confiance des des citoyens dans le processus démocratique. Trois cantons (Genève, Neuchâtel, le Tessin) ont déjà adopté des normes sur le financement des partis politiques et des initiatives populaires allant dans ce sens ont été acceptées dans deux autres cantons en mars 2018, à savoir Fribourg et Schwyz (cf. ch. 2.2).

Le Conseil fédéral est toutefois opposé à une réglementation dans ce domaine au niveau national pour plusieurs raisons. Il juge qu'elle n'est pas nécessaire compte tenu des particularités du système politique suisse et du fait que les moyens financiers investis ne sont pas le facteur déterminant du succès politique. De plus, une mise en oeuvre efficace exigerait des moyens disproportionnés. Enfin, il n'est pas exclu que l'acceptation de l'initiative ait des conséquences inopportunes sur notre système fédéral et sur le financement de la vie politique.

4.1.1

Particularités du système politique suisse

Le système politique suisse présente de nombreuses particularités: la démocratie directe, le gouvernement collégial constitué de représentants de plusieurs partis souvent opposés, le système politique de milice et le fédéralisme. Ces éléments constituent un ensemble complexe mais efficace, qui génère contrôles réciproques et contre-pouvoirs. Par exemple, notre gouvernement est composé de représentants de quatre ­ voir cinq par le passé ­ partis politiques, qui se partagent sept sièges: tout le processus de décision est donc visible pour les représentants des principaux partis politiques. En outre, contrairement aux autres pays européens, les partis politiques en Suisse ne sont pas les seuls acteurs de la vie politique: il faudrait aussi, comme le demande du reste l'initiative, réglementer le financement de la démocratie directe (respectivement des initiatives et référendums). Ceci pourrait mener à une réglementation potentiellement complexe, et ce tout particulièrement au niveau fédéral où le nombre de votations est élevé. L'application de cette réglementation nécessiterait une surveillance qui, pour être réellement efficace, demanderait des ressources financière et en personnel importantes; il pourrait en découler une charge disproportionnée.

Une réglementation sur la transparence du financement des acteurs politiques n'apporterait pas de réelle plus-value car, comme le Conseil fédéral l'a souvent rappelé dans sa réponse à des interventions parlementaires (cf. ch. 2.1.3), il est malaisé de démontrer que dans notre pays, précisément en raison des particularités de notre système politique, un lien de causalité existe entre les moyens financiers et la réussite politique. La libre formation de l'opinion du citoyen est un processus complexe et l'achat d'espaces publicitaires dans les médias à grand renfort de moyens financiers ne garantit pas le succès: les débats de fond sont aussi importants, sinon davantage, pour l'issue d'une élection ou d'une votation. Une analyse appro5709

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fondie des relations entre moyens financiers et succès électoral réalisée en 2012 par l'institut de recherche sotomo sur mandat du DFJP montre qu'il ne faut pas surévaluer l'influence de l'argent sur les décisions politiques82.

Certaines spécificités de la démocratie directe suisse rendraient la mise en oeuvre de l'initiative difficile pour certains types d'objets soumis en votation. La LDP ne prévoit ainsi pas d'examen préliminaire pour les référendums (art. 60 LDP), alors qu'au contraire elle en prévoit un pour les initiatives populaires. La LDP fixe en outre un nombre minimum et maximum de membres du comité d'initiative dont les noms et adresses doivent être connus et publiés (art. 68 et 69 LDP), alors que ce n'est pas le cas pour les comités référendaires (art. 60 LDP); l'identification des acteurs impliqués dans une demande de référendum peut de ce fait s'avérer compliquée.

Enfin, le fait que les électeurs puissent voter par correspondance dès qu'ils ont reçu les documents qui leur permettent d'exprimer valablement leur vote (art. 8, al. 2, LDP) et qu'ils doivent recevoir ces documents au plus tôt quatre semaines mais au plus tard trois semaines avant le scrutin (art. 11, al. 3, LDP pour les votations, art. 33, al. 2, LDP pour les élections du Conseil national) signifie que les urnes sont dans les faits ouvertes pour une période allant jusqu'à quatre semaines avant la date du scrutin. Dans la mesure où l'initiative demande que les informations relatives au financement d'une campagne de votation soient publiées «suffisamment tôt avant l'élection ou la votation», il pourrait être délicat de déterminer le moment approprié pour la publication des informations correspondantes.

4.1.2

Lourdeurs administratives et coûts importants

Pour être réellement efficaces, les mesures demandées par l'initiative devraient être assorties d'un contrôle indépendant et de sanctions dissuasives. C'est du reste ce que demande le GRECO dans les recommandations qu'il a adressées à la Suisse en 2011 (cf. ch. 2.3.1). Or, la mise en place de mécanismes de contrôle réellement efficaces, comme la France les connait par exemple (cf. ch. 2.3.4, sous «Contrôle»), entraînerait des coûts importants et des lourdeurs administratives. Les scrutins en Suisse ne se limitent pas à des élections parlementaires, comme c'est le cas dans certains autres états d'Europe; ils sont bien plus nombreux compte tenu des votations, et ce particulièrement au niveau fédéral. Le texte de l'initiative ne contient certes pas expressément d'exigences spécifiques pour le contrôle de la réglementation, mais le Parlement voire le Conseil fédéral seraient placés devant le dilemme suivant: soit ne pas prévoir de contrôle réellement efficace, et donc édicter une législation «alibi», soit instaurer des mécanismes de contrôle indépendant efficaces, et alors 82

Communiqué du DFJP du 21 février 2012, disponible à l'adressse www.admin.ch > Documentation > Communiqués > Etude sur le financement des élections et des votations; Le DFJP publie une étude sur les dépenses de campagne des partis (état: 17 juillet 2018) ; cf. également le rapport de février 2012 de l'institut de recherche sotomo de l'Université de Zurich «Das politische Profil des Geldes Wahl- und Abstimmungswerbung in der Schweiz», disponible uniquement en allemand à l'adresse www.ejpd.admin.ch > Accueil DFJP > Actualité > News > 2012 > Etude sur le financement des élections et des votations (état: 17 juillet 2018).

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engendrer des coûts pour les contribuables et/ou les partis politiques et les comités référendaires et d'initiative.

4.1.3

Conséquences sur le fédéralisme

L'initiative demande que la Confédération édicte des prescriptions sur le financement des partis, des élections et des votations. L'introduction de telles dispositions ­ notamment celles sur le financement des élections au Conseil des États ou sur le financement des partis cantonaux représentés à l'Assemblée fédérale ­ ne resterait pas sans effet sur le fédéralisme.

Selon le texte de l'initiative, les élections au Conseil des États sont concernées 83, alors que les cantons sont compétents, conformément à l'art. 150, al. 3, Cst., pour édicter les règles applicables à l'élection de leurs députés à la Chambre haute. Les attributions des cantons portent notamment sur le droit de vote et d'éligibilité, la date de l'élection, la durée du mandat des députés et les modalités du régime électoral84. Conformément à l'art. 2 du règlement du 20 juin 2003 du Conseil des États85, les députés nouvellement élus prêtent serment une fois que le Conseil des États a pris acte des communications des cantons relatives à leur élection, sans qu'il y ait de contrôle supplémentaire86. Pour ce qui est des modalités régissant les élections au Conseil des États, le droit fédéral pose toutefois des limites que les cantons doivent respecter, comme le principe de l'égalité (art. 8 Cst.) et la garantie des droits politiques (art. 34 Cst.). À ces deux principes s'ajoutent l'interdiction de la discrimination en raison du droit de cité (art. 37, al. 2, Cst.), la limitation du délai de carence pour les personnes nouvellement établies (art. 39, al. 4, Cst.), l'interdiction des mandats impératifs (art. 161 Cst.) et l'obligation de prêter serment ou de faire la promesse solennelle selon l'art. 3, al. 3, LParl87. Les art. 144 Cst. et 14 LParl, qui traitent de la question des incompatibilités de fonctions s'appliquent également aux conseillers aux États, même si leur élection est régie par le droit cantonal88.

Comme précisé au ch. 3.3, l'initiative porte également sur les partis politiques cantonaux représentés à l'Assemblée fédérale, qui sont tenus de rendre publics leur bilan et leur compte de résultat.

L'art. 3 Cst. énonce que les cantons «sont souverains en tant que leur souveraineté n'est pas limitée par la Constitution fédérale et exercent tous les droits qui ne sont pas délégués à la Confédération». L'attribution de compétences
en matière de réglementation à la Confédération par le biais d'une modification de la Constitution, comme le prévoit l'initiative, implique une restriction de la souveraineté des cantons. Une restriction de ce type est certes admissible du point de vue juridique, mais il reste à voir si elle est également opportune compte tenu des considérations formu83 84 85 86 87 88

Cf. ch. 4 ad art. 39a, al. 3.

Daniela Thurnherr, in: Waldmann/Belser, Basler Kommentar BV, Bâle 2015, n os 10 ss ad art. 150 Cst. et les références citées.

RS 171.14 Thurnherr, no 6 ad art. 150 Cst.

Thurnherr, no 7 s. ad. art. 150 Cst. et les références citées.

Thurnherr, no 7 s. ad art. 150 Cst.

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lées aux ch. 4.1.1 et 4.1.2 et du risque de contournement des règles présenté au ch. 4.1.4.

4.1.4

Contournement des règles

Les nouvelles dispositions prévues par l'initiative pourraient être contournées de différentes manières. Il serait notamment possible de recourir à des intermédiaires ou de créer des structures juridiques (comme des fondations ou des associations) pour faire des dons en faveur de partis et de comités de campagne sans avoir à révéler son identité. L'identité d'un donateur peut en particulier et selon les circonstances être dissimulée derrière des dons faits en faveur d'organisations qui mènent des campagnes. La limite supérieure prévue par la loi pourrait aussi être contournée par des versements fractionnés, opérés formellement par différentes personnes. De tels risques existent cependant aussi dans d'autres domaines réglementés: en matière de douanes et dans la loi du 10 octobre 1997 sur le blanchiment d'argent (LBA)89, par exemple, les valeurs limites fixées peuvent être contournées, comme le montant maximal de l'initiative90.

En rapport avec le financement des comités de campagne, on constate que de nombreux acteurs contribuent à la vie politique suisse. Cette situation comporte le risque que ces acteurs ne puissent tous faire l'objet d'un contrôle et que les règles soient ainsi plus facilement contournées. Une autre possibilité de contourner les règles est liée à la structure des partis en Suisse. Les partis cantonaux sont souvent ­ comme les partis nationaux d'ailleurs des associations autonomes au sens de l'art. 60 CC et sont par conséquent dotés de leur propre personnalité juridique. Ils disposent le cas échéant de fonds, d'un budget et d'un compte de résultat qui leur sont propres.

En règle générale, les partis cantonaux sont affiliés au parti national. Or l'obligation de transparence touche, conformément au texte de l'initiative, les «partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale». Si seuls les partis nationaux ou cantonaux réellement représentés étaient concernés, les dispositions sur la transparence pourraient être facilement contournées: il suffirait que les donateurs fassent leurs versements au parti cantonal à l'intention du parti national, ou vice versa, pour que leur identité ne doive pas être divulguée. Le même problème se pose avec les sections de jeunesse des partis. En outre, les règles pourraient être contournées en menant des campagnes qui n'apparaissent pas comme
telles. Cela pourrait par exemple être le cas si un parti politique engage une personne qui dans les faits travaille pour la campagne mais qui figure comme membre du personnel du secrétariat dans la comptabilité.

89 90

RS 955.0 Cf. par ex. l'art. 1 de l'ordonnance du DFF du 24 mars 2011 régissant l'exonération fiscale de livraisons de biens sur le territoire suisse en vue de l'exportation dans le trafic touristique (RS 641.202.2), l'art. 3 de l'ordonnance du 11 février 2009 sur le contrôle du trafic transfrontière de l'argent liquide (RS 631.052) ou l'art. 8 LBA.

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4.2

Conséquences en cas d'acceptation

4.2.1

Mise en oeuvre

En cas d'acceptation de l'initiative, son contenu devra être transposé dans la loi. Son champ d'application personnel et matériel devra en particulier être clairement défini.

Le législateur devra par ailleurs introduire un système de contrôle efficace pour garantir le respect des dispositions concernant le devoir de transparence, en particulier pour veiller à l'exactitude des bilans et des comptes de résultats communiqués.

Dans ce contexte, il faut avoir à l'esprit que les partis politiques ne sont pas obligatoirement soumis à l'obligation de faire réviser leurs comptes annuels. Vu l'art. 69b CC, une association ne doit soumettre sa comptabilité au contrôle ordinaire d'un organe de révision que si elle remplit certaines conditions. S'ils ne sont pas soumis au contrôle ordinaire, les partis sont libres de prévoir dans leurs statuts le recours à un réviseur. Pour garantir un contrôle efficace, l'institution d'un organe de contrôle étatique indépendant serait nécessaire.

4.2.2

Effets possibles de l'initiative sur les fonds des partis politiques et des comités de campagne

Les partis politiques se financent principalement par des dons privés. Quant aux campagnes de votation, elles ne sont pas financées par les seuls partis, mais également et notamment par des sociétés, des associations privées, des syndicats ou des organisations non gouvernementales. Les comités de votation sont tributaires du versement de ces dons.

Jusqu'à présent, il était possible de soutenir financièrement un parti ou un comité de campagne de façon anonyme. Le droit en vigueur laisse le donateur décider sous quelle forme et pour quel montant il veut fournir une contribution et choisir s'il veut communiquer ses données. L'obligation de transparence risquerait d'entraîner une réduction des dons aux acteurs politiques. Or un recul des dons nuirait à l'action politique et limiterait les moyens financiers consacrés aux initiatives et aux référendums. L'initiative pourrait aussi compliquer le recours aux nouvelles formes de financement participatif, telles que la participation citoyenne du mouvement libero91. Un tel phénomène n'a certes pas été constaté dans les trois cantons qui disposent déjà d'une législation sur le financement des partis politiques et des campagnes électorales et de votation (cf. ch. 2.2). Si le problème se posait malgré tout, il serait envisageable que l'État finance directement les partis, ce qui serait toutefois contraire à la conception suisse actuelle du financement de la vie politique.

91

https://action.operation-libero.ch

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4.2.3

Coûts

Seul un système de contrôle efficace et fiable, avec menace de sanctions, permettrait de mettre en oeuvre l'obligation de transparence (cf. ch. 4.1.2). La mise en place et l'application d'un tel système à tous les acteurs politiques entraîneraient cependant des coûts élevés. L'État ainsi que les partis et comités concernés verraient leurs frais et charges administratives augmenter. Il faut rappeler dans ce contexte que les campagnes de votation et de référendum sont parfois aussi lancées par des associations, des syndicats ou des fondations: l'introduction des règles prévues par l'initiative toucherait également ces acteurs politiques et les obligerait à publier leurs comptes.

4.3

Compatibilité avec les obligations internationales

L'initiative est compatible avec les engagements internationaux de la Suisse et répond aux exigences formulées au plan international. Les recommandations du GRECO et celles de l'OSCE ne sont toutefois pas juridiquement contraignantes.

Nous renvoyons en outre dans ce contexte à l'art. 7 de la Convention des Nations Unies du 31 octobre 2003 contre la corruption92, qui est consacré au secteur public et qui dispose au par. 3: «Chaque État Partie envisage également d'adopter des mesures législatives et administratives appropriées, compatibles avec les objectifs de la présente Convention et conformes aux principes fondamentaux de son droit interne, afin d'accroître la transparence du financement des candidatures à un mandat public électif et, le cas échéant, du financement des partis politiques.» Pour sa part, la Cour européenne des droits de l'homme a en outre noté qu'il apparaît exister un consensus sur le contrôle des finances des partis politiques, mais que les moyens par lesquels chaque État membre le réalise varient considérablement 93.

Elle a reconnu la nécessité de surveiller les activités financières des partis politiques à des fins de responsabilité et de transparence. Ceci contribue, selon la Cour, à assurer la confiance qu'a la population en le processus politique. Tenant compte du rôle fondamental joué par les partis politiques aux fins du bon fonctionnement d'une démocratie, la Cour a estimé qu'on peut considérer que le public a intérêt à ce qu'ils fassent l'objet d'un contrôle et de sanctions pour toute dépense irrégulière, en particulier lorsqu'ils reçoivent un financement public. La Cour a conclu que le contrôle des finances des partis politiques ne pose pas en lui-même problème sur le terrain de l'art. 11 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)94. Les États membres jouissent donc d'une marge d'appréciation relativement étendue en ce qui concerne les modalités de

92 93

94

RS 0.311.56 CourEDH, arrêt Cumhuriyet Halk Partisi c. Turquie du 26 avril 2016, appl. no 19920/13, § 53, Recueil des arrêts et décisions 2016, disponible à l'adresse www.echr.coe.int > Jurisprudence > Arrêts récents > Rechercher: Affaire Cumhuriyet Halk Partisi c. Turquie (état: 18 juillet 2018).

RS 0.101

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contrôle des finances des partis politiques et les sanctions imposables en cas de transactions financières irrégulières En outre, malgré le fait que l'initiative objet du présent message ne traite pas expressément la problématique du financement des acteurs politiques par l'étranger, on rappellera ici ­ également en regard de l'initiative parlementaire Fournier du 4 juin 2018 (18.423 «Pas d'ingérence étrangère dans la politique suisse!») et de l'interpellation Regazzi du 14 juin 2018 (18.3577 «Récoltes de signatures à l'appui de référendums et d'initiatives populaires. Financements étrangers») (cf. 2.1.2) ­ que selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, l'interdiction faite aux partis politiques de percevoir des fonds de partis étrangers n'est pas en tant que telle incompatible avec l'art. 11 CEDH (Liberté de réunion et d'association). Dans la mesure où une telle interdiction ne met pas en cause la légalité d'un parti politique, ne fait juridiquement pas obstacle à sa participation à la vie politique et ne consiste pas en une censure des thèses qu'il entend développer dans l'arène politique, son impact sur la capacité du parti en question à exercer une activité politique n'a pas été considéré comme immodéré95.

5

Conclusions

Le Conseil fédéral comprend les revendications et les objectifs formulés dans l'initiative. Il la rejette toutefois parce que les règles de transparence qu'elle prévoit sont difficilement conciliables avec les particularités du système politique suisse, notamment avec la démocratie directe et le fédéralisme au niveau national, et qu'elles impliquent des coûts de contrôle disproportionnés. En outre, il n'est pas établi que les moyens financiers investis en Suisse influencent le résultat des élections ou votations de manière déterminante.

Pour ces motifs, le Conseil fédéral rejette l'initiative populaire «Pour plus de transparence dans le financement de la vie politique (initiative sur la transparence)» et propose aux Chambres fédérales de recommander au peuple et aux cantons de la rejeter sans contre-projet.

95

CourEDH, arrêt Cumhuriyet Halk Partisi c. Turquie du 26 avril 2016, appl. no 19920/13, § 69 et 70, Recueil des arrêts et décisions 2016, disponible à l'adresse www.echr.coe.int > Jurisprudence > Arrêts récents > Rechercher: Affaire Cumhuriyet Halk Partisi c. Turquie; (CourEDH, arrêt Parti nationaliste basque ­ Organisation régionale d'Iparralde c. France du 7 juin 2007, appl. no 71251/01, § 47 ss. Recueil des arrêts et décisions 2007, disponible à l'adresse l'adresse www.echr.coe.int > Jurisprudence > Arrêts récents > Rechercher: Parti nationaliste basque ­ Organisation régionale d'Iparralde c. France (état: 18 juillet 2018).

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