Surveillance des liens d'intérêts au sein des conseils d'administration des entreprises proches de la Confédération, à l'exemple du cas de la présidente du conseil d'administration des CFF Rapport de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 28 août 2018

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Rapport 1

Introduction

1.1

Contexte et procédure

Début novembre 2017, des révélations portant sur les pratiques de sociétés offshore ont été publiées par divers médias suisses et internationaux1 sous le titre de «Paradise papers». Dans ce cadre, plusieurs articles de presse ont été consacrés aux activités de l'homme d'affaires suisse Jean-Claude Bastos en Afrique occidentale et ont cité le nom de personnalités publiques liées à celui-ci2. Il y était notamment fait mention de Mme Monika Ribar, actuelle présidente du conseil d'administration des Chemins de fer fédéraux suisses (CFF). Les médias ont indiqué que celle-ci avait assumé, entre mai 2015 et juin 2016, un mandat au sein de l'entreprise Capoinvest Limited, fondée par M. Bastos et chargée de la construction d'un port dans la province angolaise de Cabinda, et qu'elle avait par conséquent été liée «à une entreprise offshore dans le cadre d'une affaire controversée dans un pays sensible»3.

Lors de sa séance du 7 novembre 2017, la Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-E) a décidé de se pencher sur ce dossier, afin d'examiner si et comment le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) et le Département fédéral des finances (DFF) qui représentent les intérêts de la Confédération en tant que propriétaire des CFF, avaient été informés du mandat de Mme Ribar au sein de l'entreprise Capoinvest Limited4.

Les investigations de la CdG-E n'ont pas porté sur les activités de Capoinvest ou sur les détails du mandat assumé par la présidente du conseil d'administration des CFF, mais sur la manière dont celui-ci a été traité par les CFF et la Confédération. La CdG-E considère en outre que ce cas est intéressant sous un angle plus général, au regard des débats actuels5 relatifs à la gouvernance des entreprises proches de la Confédération6. Elle a donc également examiné quels enseignements généraux pouvaient être tirés de cet exemple, en ce qui concerne la surveillance exercée par la Confédération sur ce type d'entreprises en matière de liens d'intérêts.

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Réunis au sein du «Consortium international des journalistes d'investigation» (International Consortium for Investigative Journalism; ICIJ).

Les milliards du peuple angolais font la fortune d'un entrepreneur suisse. In: 24 Heures, 6.11.2017; Das Angola-Abenteuer von SBB-Präsidentin Monika Ribar. In: TagesAnzeiger, 6.11.2017 Le périple de la présidente des CFF en Angola. In: 24 Heures, 6.11.2017.

Ci-après: le mandat de la présidente du conseil d'administration des CFF au sein de Capoinvest Notamment en lien avec les dossiers de la cyber-attaque menée contre RUAG et des pratiques comptables non conformes à la loi chez CarPostal Suisse SA.

Par «entreprises proches de la Confédération», il est entendu dans le présent rapport les sociétés anonymes de droit privé ou public proposant des prestations fournies sur le marché, pour lesquelles la Confédération constitue l'actionnaire majoritaire ou unique.

Ce terme a été préféré à celui d'«entités de la Confédération devenues autonomes», dans la mesure où ce dernier inclut également des établissements autonomes qui ne revêtent pas la forme de la société anonyme, ou qui ne fournissent pas de prestations sur le marché.

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La sous-commission DFI/DETEC de la CdG-E7, compétente en la matière, a été chargée par la commission de procéder aux investigations et de lui rendre compte de ses conclusions. Entre les mois de novembre 2017 et juillet 2018, elle a approfondi ce dossier dans le cadre de cinq séances. Elle s'est adressée à plusieurs reprises par écrit à la cheffe du DETEC, mais également au conseil d'administration des CFF et à l'Administration fédérale des finances (AFF), en leur soumettant diverses questions à ce sujet. Elle a pris connaissance des réponses des organes concernés8 et de divers documents fournis par ceux-ci. Sur la base des informations collectées, la sous-commission a décidé d'élaborer un projet de rapport succinct afin de rendre compte des faits à sa connaissance et de ses conclusions. Celui-ci a été soumis à consultation auprès des entités concernées. Lors de sa séance du 28 août 2018, la CdG-E a ensuite examiné et approuvé la version finale du rapport, y compris les recommandations qu'il contient, et a transmis celui-ci au Conseil fédéral. Lors de cette même séance, elle a également décidé de publier ce rapport.

1.2

Objet du rapport

Dans le cadre du présent rapport, la CdG-E examine de manière rétrospective la manière dont le mandat de la présidente du conseil d'administration des CFF au sein de Capoinvest a été traité par les CFF puis par le DETEC et le DFF, ainsi que le système de surveillance des liens d'intérêts des CFF, qui a été révisé au début de l'année 2018.

En application de l'art. 26, al. 1, de la loi sur le Parlement9, les CdG exercent la haute surveillance sur la gestion du Conseil fédéral et de l'administration fédérale, des tribunaux fédéraux, mais également des autres organes auxquels sont confiés des tâches de la Confédération. À ce titre, les entreprises proches de la Confédération entrent donc également dans le champ de compétences des CdG. Dans ce cas, la haute surveillance parlementaire s'exerce en règle générale de manière indirecte; elle consiste essentiellement à examiner comment le Conseil fédéral et les départements contrôlent et pilotent les entreprises en question, le but étant de s'assurer que les intérêts de la Confédération en sa qualité de propriétaire sont défendus correctement. Cette manière de procéder permet de respecter l'autonomie et la forme juridique de ces entités, telles que voulues par le législateur à la fin des années 1990 et précisées par le Conseil fédéral dans son rapport de 2006 sur le gouvernement

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La sous-commission DFI/DETEC de la CdG-E est composée du Conseiller aux Etats Claude Hêche (président), de la Conseillère aux Etats Géraldine Savary et des Conseillers aux Etats Joachim Eder, Peter Föhn et Werner Luginbühl.

Lettres de la cheffe du DETEC à la sous-commission DFI/DETEC de la CdG-E du 4.12.2017, du 12.1.2018 et du 17.4.2018; lettres du conseil d'administration des CFF à la sous-commission DFI/DETEC de la CdG-E du 6.3.2018, du 17.4.2018 et du 2.5.2018; courriel de l'AFF à la sous-commission DFI/DETEC de la CdG-E du 7.6.2018.

Loi du 13.12.2002 sur l'Assemblée fédérale (Loi sur le Parlement, LParl; RS 171.10)

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d'entreprise10. Les CdG ont détaillé les modalités de leur haute surveillance sur les entreprises proches de la Confédération à plusieurs reprises et ont commandé divers avis de droit à ce sujet11.

Eu égard à ces principes, le présent rapport ne se concentre pas en premier lieu sur le fonctionnement interne des CFF, mais vise à déterminer ­ sur la base de l'exemple concret du mandat de la présidente du conseil d'administration des CFF au sein de Capoinvest ­ si la surveillance exercée par les départements compétents et le Conseil fédéral sur les entreprises proches de la Confédération en matière de mandats et de liens d'intérêts satisfait aux principes de légalité, d'opportunité et d'efficacité12, et si des enseignements de portée générale peuvent être tirés de ce cas.

La CdG-E présente ci-après une appréciation des faits à sa connaissance en tant qu'organe politique chargé de la haute surveillance parlementaire sur la gestion du Conseil fédéral et de l'administration. Elle ne se prononce pas sur la question de fond de l'adéquation juridique du mandat assumé par la présidente du conseil d'administration des CFF au sein de Capoinvest ou de la pertinence de la nomination de Mme Ribar à la présidence du conseil d'administration des CFF.

1.3

Structure du rapport

Dans un premier temps, les principes directeurs ainsi que les bases légales et réglementaires pertinentes concernant le cas examiné sont présentées (chap. 2). La CdG-E relate ensuite les faits dont elle a connaissance (chap. 3), en reconstituant le déroulement chronologique de ceux-ci, puis en détaillant le système de contrôle des liens d'intérêts actuellement en vigueur aux CFF. Dans le même chapitre, la commission rend compte des informations qu'elle a collectées concernant le rôle des départements concernés et du Conseil fédéral en matière de surveillance des liens d'intérêts. Sur la base de ces éléments, elle présente ensuite son appréciation du point de vue de la haute surveillance (chap. 4). La dernière partie (chap. 5) est consacrée aux conclusions.

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Rapport du Conseil fédéral du 13.9.2006 sur l'externalisation et la gestion de tâches de la Confédération (FF 2006 7799) (ci-après: Rapport sur le gouvernement d'entreprise). Voir également: Rapport du Conseil fédéral du 25.3.2009 complétant le rapport sur le gouvernement d'entreprise ­ Mise en oeuvre des résultats des délibérations au sein du Conseil national (FF 2009 2299).

Cf. notamment: Rapport des CdG sur leurs activités (mai 1999/mai 2000) du 23.5.2000 (FF 2000 4242); Uhlmann, Felix (2013): Avis de droit à l'intention des CdG concernant la haute surveillance sur la FINMA, 28.8.2013; Biaggini, Giovanni (2013): Avis de droit sur les possibilités et limites de la haute surveillance du Parlement dans le domaine de l'IFSN, 26.8.2013; Müller, Georg / Vogel, Stefan (2009): Haute surveillance de l'Assemblée fédérale sur les entités autonomes qui assument des tâches de la Confédération, avis de droit à l'intention de la CdG-N, 7.12.2009.

Cf. art. 52, al. 2, LParl

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Principes directeurs, bases légales et réglementaires

2.1

Pilotage et surveillance du Conseil fédéral vis-à-vis des entreprises proches de la Confédération

Les principes directeurs du pilotage et de la surveillance13 exercés par le Conseil fédéral vis-à-vis des entreprises proches de la Confédération figurent dans le rapport de 2006 sur le gouvernement d'entreprise. Le Conseil fédéral y indique qu'il «exerce le rôle de propriétaire et détient en principe seul face à toutes les entités devenues autonomes le droit à l'information, le droit d'intervention et le droit de contrôle qui en découlent»14. Plusieurs outils sont à disposition de la Confédération pour assumer son rôle de propriétaire. Trois principaux sont généralement mentionnés: l'élection du conseil d'administration, la définition et le suivi des objectifs stratégiques ainsi que l'approbation du rapport de gestion et des comptes15.

La nomination des membres du conseil d'administration est détaillée au principe no 5 du rapport sur le gouvernement d'entreprise, qui indique que le Conseil fédéral «établit un profil d'exigences énumérant les conditions auxquelles les membres du conseil d'administration (...) doivent répondre pour garantir une formation d'opinion autonome et objective», qu'il «exerce son droit de nomination sur la base de ce profil d'exigences» et qu'il «veille à assurer une représentation appropriée des intérêts de la Confédération dans le conseil d'administration (...)»16.

Concernant les bases légales relatives aux nominations, le Conseil fédéral renvoie dans son rapport sur le gouvernement d'entreprise au droit de la société anonyme, en précisant que celui-ci «définit les possibilités de gestion et de contrôle d'un actionnaire, et donc du Conseil fédéral, au niveau de la société anonyme de droit privé»17.

La question de l'autonomie des membres du conseil d'administration et de la gestion des conflits d'intérêts est quant à elle mentionnée au principe no 6 du rapport sur le gouvernement d'entreprise: «Les membres du conseil d'administration (...) défen13

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Dans le rapport de 2006 sur le gouvernement d'entreprise, le terme de «contrôle du Conseil fédéral» est utilisé; à ce sujet, la CdG-E se réfère dans le présent rapport au terme générique de «surveillance». Dans le cadre de la consultation relative au présent rapport (lettre de la cheffe du DETEC du 15.8.2018), le DETEC a fait valoir que «le Conseil fédéral ne surveille pas les entreprises liées à la Confédération mais qu'il représente, en vertu des droits des actionnaires prévus par la loi, les intérêts de la Confédération en sa qualité de propriétaire (principal) de ces entreprises. La Confédération n'exerce de surveillance au sens strict que sur les activités réglementées des entreprises liées à la Confédération, dont fait notamment partie le service universel. Cette surveillance régulatoire est assurée par les services administratifs compétents (par ex. OFT, OFCOM) ou par les autorités de régulation indépendantes (par ex. PostCom, ComCom).» Malgré tout, la CdG-E considère qu'une responsabilité de surveillance subsidiaire revient au Conseil fédéral vis-à-vis des entreprises proches de la Confédération (cf. chap. 4.2).

Rapport sur le gouvernement d'entreprise (FF 2006 7799 7860) Cf. à ce sujet notamment: Pratique de la Confédération en matière de gestion de la Poste, des CFF et de Swisscom, Rapport d'expert à l'intention du Contrôle parlementaire de l'administration du 30.8.2011, p. 11, www.parlement.ch > Organes > Commissions > Commissions de surveillance > CdG > Rapports > 2012 (consulté le 1.6.2018).

Rapport sur le gouvernement d'entreprise (FF 2006 7799 7836) Rapport sur le gouvernement d'entreprise (FF 2006 7799 7853). Cf. art. 620 s. de la loi fédérale du 30.3.1911 complétant le Code civil suisse (Livre cinquième: Droit des obligations) (Code des obligations, CO; RS 220).

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dent les intérêts de l'entité devenue autonome. Les membres concernés par des conflits d'intérêts doivent se récuser. Des conflits d'intérêts durables excluent l'appartenance au conseil d'administration (...), ainsi qu'à la direction»18. Plus loin, le rapport précise encore que, «lors de l'établissement des statuts, le Conseil fédéral veille à ce que les conflits d'intérêts dans le conseil d'administration et la direction soient clairement réglementés. Des directives en la matière peuvent être prévues dans la loi d'organisation des entités ayant la forme juridique de la société anonyme de droit public»19.

Les questions du risque de réputation impliqué par les mandats tiers des membres du conseil d'administration et du droit à l'information dont dispose le Conseil fédéral afin d'assumer son rôle de propriétaire lors des nominations ne sont pas spécifiquement détaillées dans le rapport sur le gouvernement d'entreprise.

2.2

Pilotage et surveillance du Conseil fédéral dans le cas des CFF

La législation spécifique à chaque entreprise proche de la Confédération est déterminante pour définir les modalités précises du pilotage et de la surveillance exercés par le Conseil fédéral20. Dans le cas des CFF, il s'agit de la loi sur les chemins de fer fédéraux (LCFF)21. Celle-ci mentionne les possibilités d'intervention suivantes pour le Conseil fédéral vis-à-vis de l'entreprise: définition et contrôle de la mise en oeuvre des objectifs stratégiques (art. 8 LCFF), influence à travers la participation majoritaire à l'assemblée générale (art. 10 LCFF), influence à travers différentes dispositions d'ordre financier (art. 6, 7 et 20 LCFF). Elle ne contient pas de dispositions spécifiques relatives aux liens d'intérêts ou à la déclaration des mandats.

L'art. 10 LCFF précise que les attributions de l'assemblée générale des CFF sont régies par les dispositions du code des obligations sur la société anonyme et que le Conseil fédéral exerce les pouvoirs de l'assemblée générale, tant que la Confédération est l'unique actionnaire22. En vertu de l'art. 698 CO portant sur les pouvoirs de l'assemblée générale, la Confédération en tant qu'actionnaire unique des CFF a ainsi notamment le droit d'adopter et de modifier les statuts, de nommer les membres du conseil d'administration, de donner décharge aux membres du conseil d'administration et de prendre toutes les décisions qui lui sont réservées par la loi ou les statuts.

Concernant le droit à l'information du Conseil fédéral vis-à-vis des CFF, l'art. 697 CO précise que «lors de l'assemblée générale, tout actionnaire peut demander des 18 19 20

21 22

Rapport sur le gouvernement d'entreprise (FF 2006 7799 7837) Rapport sur le gouvernement d'entreprise (FF 2006 7799 7853) Cf. art. 8, al. 4, de la loi du 21.3.1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA; RS 172.010). Cf. également Müller, Georg / Vogel, Stefan (2009): Haute surveillance de l'Assemblée fédérale sur les entités devenues autonomes qui assument des tâches de la Confédération, avis de droit à l'intention de la CdG-N, p. 10.

Loi du 20.3.1998 sur les chemins de fer fédéraux (LCFF; RS 742.31) Dans ce cas des CFF, selon les précisions transmises par le DETEC (lettre de la cheffe du DETEC à la CdG-E du 17.4.2018, p.2), le Conseil fédéral représente «les intérêts de la Confédération en sa qualité d'actionnaire principal». Il est assisté dans l'accomplissement de cette tâche par le Secrétariat général du DETEC et l'AFF.

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renseignements au conseil d'administration sur les affaires de la société (...). Les renseignements doivent être fournis dans la mesure où ils sont nécessaires à l'exercice des droits de l'actionnaire (...)».

Le profil d'exigences du conseil d'administration des CFF, édicté par le DETEC, est accessible en ligne23. Il stipule en particulier que chaque membre est tenu de remplir les exigences de «réputation irréprochable» et d'indépendance («ne pas être lié par des intérêts qui entraveraient une formation indépendante de l'opinion»).

2.3

Règlementation interne des CFF

Les statuts des CFF24 reprennent les dispositions du CO et de la LCFF en ce qui concerne les compétences de l'assemblée générale. Ils ne contiennent pas de dispositions spécifiques relatives aux liens d'intérêts ou à la déclaration des mandats. Ils précisent toutefois que le conseil d'administration exerce «la haute surveillance des personnes chargées de la gestion de l'entreprise pour s'assurer notamment qu'elles observent la loi, les statuts, les règlements et les instructions données» (art. 6.5, let. e). Le règlement d'organisation des CFF précise que le secrétaire du conseil d'administration a pour responsabilité d'«assurer une compliance efficace au niveau du conseil d'administration (notamment en ce qui concerne les liens d'intérêts)»25.

L'ancienne version du code de conduite du conseil d'administration des CFF, valable jusqu'au 31 décembre 2017, prévoyait que la présidence du conseil d'administration (comité Présidence / liens d'intérêt26) était responsable du bon déroulement de la procédure de déclaration des intérêts et de vérifier l'existence d'un risque de réputation pouvant être lié aux mandats27. Selon les informations des CFF, l'analyse des mandats que les membres prévoyaient d'assumer «avait uniquement lieu dans le cas des mandats pour lesquels il existait un potentiel conflit d'intérêts permanent»28, la responsabilité d'annonce revenant au membre concerné.

Le «règlement des CFF sur la déclaration des groupements d'intérêts», valable jusqu'au 31 décembre 2017, précisait que le comité Présidence / liens d'intérêt était chargé de réaliser le processus de déclaration des liens d'intérêts et de formuler des recommandations au conseil d'administration en cas de conflit d'intérêts effectif ou de risque de réputation29. Il stipulait en outre que ce comité était tenu de se réunir au 23

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DETEC: Profil d'exigences du conseil d'administration des CFF SA, www.uvek.admin.ch > Le DETEC > Entreprises liées à la Confédération > Chemins de fer fédéraux CFF > Profil d'exigences du conseil d'administration (consulté le 1.6.2018).

Statuts des Chemins de fer fédéraux suisses CFF, version du 9.6.2011 (non publiés).

Les statuts ont été révisés le 27 avril 2018; les dispositions citées n'ont pas été modifiées sur le fond dans le cadre de cette révision.

Règlement d'organisation des Chemins de fer fédéraux suisses CFF, version du 1.1.2018 (non publié), chap. 7.2, ch. 6.

Constitué de la présidente et du vice-président Code de conduite du conseil d'administration des Chemins de fer fédéraux suisses du 24.10.2007 (valable jusqu'au 31.12.2017; non publié), art. 4.1 et 5.5.

Lettre du conseil d'administration des CFF du 6.3.2018, p. 5 Règlement sur la déclaration de groupements d'intérêts ­ Conseil d'administration des CFF du 19.11.2010 (valable jusqu'au 31.12.2017; non publié), art. 6

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moins une fois par an30 et que, dans le cadre du processus de décision sur des objets susceptibles d'engendrer des conflits d'intérêt pour un membre de la présidence, celui-ci devait se récuser31.

Une version révisée du code de conduite du conseil d'administration32 est entrée en vigueur le 1er janvier 2018, suite à une refonte globale du règlement d'organisation des CFF. Dans ce cadre, les règles et processus en matière de contrôle des liens d'intérêts et de déclaration des mandats ont été modifiés (cf. chap. 3.2).

3

Les faits

3.1

Mandat de la présidente du conseil d'administration des CFF au sein de Capoinvest: chronologie

La chronologie des faits ci-dessous se fonde sur les informations transmises par écrit à la CdG-E par la cheffe du DETEC et le conseil d'administration des CFF33.

Mme Ribar est élue membre du conseil d'administration des CFF en date du 1er mai 2014. Lors de sa séance du 9 mai 2014, le conseil d'administration la nomme viceprésidente à compter du 12 mai 2014. Le 6 mai 2015, elle rejoint l'entreprise Capoinvest Limited en tant que «membre du Board of directors»34.

Fin 2015, dans le cadre de la préparation du rapport gestion annuel des CFF, le secrétaire du conseil d'administration dresse une liste de tous les mandats annoncés par les membres du conseil. Il transmet celle-ci au président du conseil d'administration de l'époque (M. Gygi) et à la vice-présidente (Mme Ribar). Le mandat de Mme Ribar chez Capoinvest ne figure pas dans ce récapitulatif; elle ne l'a pas annoncé, car elle a estimé que Capoinvest «n'était pas une société significative» et n'a donc «pas jugé ce mandat important»35. Elle a par la suite reconnu que cette omission avait constitué une erreur et s'en est excusée36.

Compte tenu de ce récapitulatif, il est décidé de ne pas organiser de séance du comité Présidence / liens d'intérêt, chargé du contrôle des liens d'intérêts. La CdG-E a

30 31 32 33

34 35 36

Règlement sur la déclaration de groupements d'intérêts ­ Conseil d'administration des CFF du 19.11.2010 (valable jusqu'au 31.12.2017; non publié), art. 7 Règlement sur la déclaration de groupements d'intérêts ­ Conseil d'administration des CFF du 19.11.2010 (valable jusqu'au 31.12.2017; non publié), art. 10 Code de conduite du Conseil d'administration des CFF du 1.1.2018 (non publié) Lettres de la cheffe du DETEC à la sous-commission DFI/DETEC de la CdG-E du 4.12.2017, du 12.1.2018 et du 17.4.2018; lettres du conseil d'administration des CFF à la sous-commission DFI/DETEC de la CdG-E du 6.3.2018, du 17.4.2018 et du 2.5.2018 Lettre de la cheffe du DETEC du 4.12.2017, p. 2 Lettre du conseil d'administration des CFF du 6.3.2018, p. 4 Lettre du conseil d'administration des CFF du 6.3.2018, p. 6

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appris que ce comité ne s'était en fait jamais réuni en 2014, 2015 et 201637. Aucune vérification supplémentaire n'est donc effectuée par le comité Présidence / liens d'intérêt au sujet d'éventuels mandats n'ayant pas été annoncés par les membres du conseil d'administration. Selon les CFF, cette procédure est «conforme aux pratiques habituelles en la matière», chaque membre étant chargé de fournir des informations correctes concernant ses mandats38. Par ailleurs, l'analyse des mandats se limitait à l'époque à ceux pour lesquels il existait un potentiel conflit d'intérêts permanent39 (ce principe a été modifié à partir du 1er janvier 2018, cf. chap. 3.2).

Début janvier 2016, le DETEC adresse une demande aux CFF au sujet des mandats assumés par Mme Ribar, en vue de sa nomination future à la présidence du conseil d'administration. Le mandat au sein de Capoinvest n'est pas communiqué, étant donné que le conseil d'administration n'en a pas connaissance40. Des clarifications sont menées par le DETEC concernant certains mandats de Mme Ribar annoncés par les CFF. Mi-janvier 2016, le DETEC demande de nouvelles informations aux CFF concernant les mandats de Mme Ribar41. À la suite de cet échange, le DETEC ne demande pas de précisions complémentaires. Le 27 janvier, le Conseil fédéral valide la candidature de Mme Ribar à la présidence du conseil d'administration des CFF en vue de l'assemblée générale de juin 201642.

Fin février 2016, Mme Ribar examine le chapitre «gouvernance d'entreprise» du rapport de gestion 2015 des CFF. Elle se rend compte à cette occasion que son mandat au sein de Capoinvest n'y figure pas43. Elle annonce le mandat au secrétaire du conseil d'administration en l'informant, par téléphone, des principaux aspects de celui-ci. Ensemble, ils parviennent à la conclusion que le mandat «ne présente aucune relation avec les CFF et aucun risque de réputation», mais qu'il devrait néanmoins être mentionné dans le rapport de gestion 201544. Les CFF précisent que 37

38 39 40 41

42 43 44

Lettre du conseil d'administration des CFF du 17.4.2018, p. 1. En réponse à la question de la CdG-E de savoir pour quelle raison aucune séance n'avait eu lieu, alors que le règlement correspondant prévoyait une séance par année au minimum, les CFF ont signalé dans leur lettre du 2.5.2018 (p. 1) que, à la fin de chaque année, le secrétaire du conseil d'administration de l'époque avait dressé une liste de tous les mandats des membres du conseil, qu'il avait transmis aux membres du comité Présidence / liens d'intérêt et que, «compte tenu de ces éléments, il [avait] été décidé de ne pas organiser de séance du comité Présidence / liens d'intérêt». Les CFF n'ont pas donné davantage d'explications sur les raisons de cette décision.

Lettre du conseil d'administration des CFF du 6.3.2018, p. 5 Lettre du conseil d'administration des CFF du 6.3.2018, p. 5 Le DETEC a également confirmé qu'il n'avait pas eu connaissance de ce mandat à ce moment-là (lettre de la cheffe du DETEC du 4.12.2017, p. 2).

Lettre du conseil d'administration des CFF du 6.3.2018, p. 2 s. Selon les informations transmises par les CFF dans le cadre de la consultation relative au présent rapport (lettre du conseil d'administration des CFF du 13.8.2018), le DETEC «a demandé la confirmation que l'art. 11 de l'ordonnance sur les salaires des cadres [était] respecté et qu'il n'[existait] aucun conflit d'intérêts dans le cadre de la prise du mandat de présidente du conseil d'administration par Monika Ribar. Le secrétaire du conseil d'administration de l'époque a alors confirmé au DETEC à quels mandats Monika Ribar comptait renoncer, respectivement avait déjà renoncé. Les CFF ont également signalé les taux d'occupation des mandats restants de Monika Ribar.» Lettre de la Cheffe du DETEC du 4.12.2017, p. 1 Lettre du conseil d'administration des CFF du 6.3.2018, p. 4 Lettres du conseil d'administration des CFF du 6.3.2018, p. 4, et du 17.4.2018, p. 2

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«déjà à cette époque, Monika Ribar s'est demandé si elle devait poursuivre ce mandat après sa nomination à la présidence du conseil d'administration»45.

Le mandat au sein de Capoinvest est ajouté dans le rapport de gestion 2015 des CFF.

Aucune autre clarification n'est effectuée et aucune information supplémentaire n'est communiquée au conseil d'administration46. Selon les informations à disposition de la CdG-E, le DETEC ou le DFF n'ont pas été spécifiquement informés de cet ajout.

Lors de sa réunion ordinaire du 11 mars 2016, le conseil d'administration des CFF traite le rapport de gestion 2015. Les différents mandats qui y figurent (dont celui au sein de Capoinvest) ne font l'objet d'aucune discussion. Dans sa lettre à la CdG-E, le DETEC en déduit que «le conseil d'administration a pris acte du mandat (...) et constaté qu'il n'y avait aucun lien réel ou potentiel avec les CFF ni risque de réputation» et estime qu'il «n'appartient pas au DETEC d'évaluer cette appréciation»47.

Le 23 mars 2016, le Conseil fédéral prend connaissance du rapport de gestion 2015 des CFF. Il approuve également à cette occasion le rapport sur la réalisation des objectifs stratégiques des CFF, rédigé à l'attention des CdG. Ces dernières prennent connaissance des deux documents lors de leurs séances des 19 et 20 avril 2016 consacrées à la gestion des CFF. La question des mandats n'y est pas abordée.

Au cours du printemps 2016, Mme Ribar procède à une nouvelle évaluation de ses mandats et échange à ce sujet avec le vice-président à venir, M. Siegenthaler. Le mandat au sein de Capoinvest est évoqué. «Compte tenu du temps requis pour assumer les fonctions de présidente du conseil d'administration et l'exposition publique associée à ce rôle», Mme Ribar et M. Siegenthaler arrivent à la conclusion qu'il doit être mis fin à ce mandat, ceci également «pour des raisons de réputation»48. Les CFF indiquent que cette réévaluation s'explique «par le passage de Mme Ribar de la vice-présidence à la présidence du conseil d'administration» et par «l'exposition publique associée au rôle de présidente»; ils précisent que Mme Ribar a également mis fin à d'autres mandats «afin d'avoir suffisamment de temps à consacrer au mandat de présidente»49.

Le 5 juin 2016, Mme Ribar met fin à son mandat au sein de Capoinvest50. Elle est élue le 15
juin 2016 à la présidence du conseil d'administration des CFF.

Mme Ribar n'informe pas le conseil d'administration de la fin de son mandat au sein de Capoinvest (celui-ci n'en prendra formellement connaissance que le 3 mars 2017, lors du traitement du rapport de gestion 2016). Les CFF précisent à ce sujet que «la réglementation concernant la déclaration des mandats (...) ne prévoit pas d'informer le conseil d'administration en cours d'année au sujet des mandats auxquels il a été mis fin»51. Le conseil d'administration n'ayant pas été informé de la fin du mandat, 45 46

47 48 49 50 51

Lettre du conseil d'administration des CFF du 17.4.2018, p. 2 Les CFF précisent à ce sujet que «en 2016, tout comme en 2014 et 2015, le comité Présidence / liens d'intérêt ne s'est pas réuni et n'a donc pas pu être consulté», sans indiquer plus précisément les raisons de cette absence de réunion (cf. note de bas de page 37).

Lettre de la Cheffe du DETEC du 12.1.2018, p. 1 Lettre du conseil d'administration des CFF du 6.3.2018, p. 3 Lettre du conseil d'administration des CFF du 17.4.2018, p. 2 Lettre de la Cheffe du DETEC du 4.12.2017, p. 2 Lettre du conseil d'administration des CFF du 17.4.2018, p. 2

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il n'a donc pas non plus pu en informer le DETEC ou le DFF avant l'assemblée générale.

Le 3 mars 2017, le conseil d'administration des CFF prend connaissance du rapport de gestion 2016, dans lequel le mandat au sein de Capoinvest n'est plus mentionné.

Les CFF n'ont pas précisé, dans leurs lettres à la CdG-E52, si les membres ont à cette occasion été explicitement rendus attentifs à la fin de ce mandat et/ou si une discussion a eu lieu à ce sujet. Le rapport du Conseil fédéral sur l'atteinte des objectifs stratégiques des CFF et le rapport de gestion 2016 des CFF sont traités les 24 et 25 avril 2017 par les CdG. La question des mandats n'y est pas abordée. Le 7 novembre 2017, après avoir pris connaissance des révélations concernant les «Paradise papers», la CdG-E décide de se pencher sur le sujet.

3.2

Adaptations des prescriptions des CFF relatives aux mandats et liens d'intérêts

En date du 1er janvier 2018, dans le cadre d'une refonte du règlement d'organisation des CFF, une nouvelle version du code de conduite du conseil d'administration est entrée en vigueur, et les prescriptions relatives aux mandats et liens d'intérêts ont été modifiées. Les CFF indiquent que cette révision a été réalisée «à des fins de simplification»53.

Selon la nouvelle version du code de conduite des CFF, le comité Personnel et organisation54 du conseil d'administration est désormais responsable du bon déroulement de la procédure de déclaration des mandats. Celui-ci reprend la tâche jusquelà assumée par le comité Présidence / liens d'intérêt, qui a été supprimé. Il veille à la déclaration des intérêts, à l'identification précoce des relations effectives ou potentielles avec les CFF et au respect des règles de récusation55. Il siège au minimum deux fois par année56.

Le code de conduite actuel prévoit que «les membres du conseil d'administration déclarent sans délai tous leurs mandats», et ce avant la prise de mandat effective. Le principe appliqué est celui de la déclaration volontaire57. Le membre concerné fournit des informations sur le mandat prévu et le contexte associé, ainsi que sur 52 53 54 55 56 57

Lettres du conseil d'administration des CFF à la sous-commission DFI/DETEC de la CdG-E du 6.3.2018, du 17.4.2018 et du 2.5.2018 Lettre du conseil d'administration des CFF du 17.4.2018, p. 3 Membres du comité en date du 8.6.2018: Monika Ribar, Alexandra Post Quillet (présidente), Beat Schwab, Daniel Trolliet.

Code de conduite du conseil d'administration des CFF du 1.1.2018 (non publié), art. 5.1 «Reglement des Personal- und Organisationsausschusses des Verwaltungsrates der SBB» du 1.1.2018 (version allemande uniquement; non publié), art. 5.1 Code de conduite du conseil d'administration des CFF du 1.1.2018 (non publié), art. 3.1.

Ces dispositions figuraient déjà dans l'ancienne version du code de conduite. Selon les CFF, le principe de «déclaration volontaire» ne signifie pas que la déclaration se fait selon la bonne volonté des personnes concernées; ce terme est plutôt à comprendre dans le sens d'une «auto-déclaration». Les CFF ont précisé à la CdG-E que «ce n'est pas au membre du conseil d'administration d'évaluer quels mandats doivent être signalés et lesquels ne doivent pas l'être; il se doit d'annoncer tous ses mandats» (lettre du conseil d'administration des CFF du 2.5.2018, p. 2 s.).

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l'entreprise et son environnement, si celle-ci est peu connue. Le contrôle est effectué par la ou le secrétaire du conseil d'administration «au moyen de vérifications dans le registre du commerce (...) et d'autres recherches sur Internet»58. S'il s'agit de gros mandats, «la question du temps requis est également prise en compte dans l'évaluation»59. Sur proposition de la ou du secrétaire, le président ou la présidente du conseil d'administration «se prononce à son tour sur la prise de mandat envisagée»60. Contrairement à l'ancienne pratique, les CFF ont précisé que la présidente «analyse désormais dans tous les cas les mandats que les membres prévoient d'assumer»61.

En cas de différend, la présidente ou le président du conseil d'administration tout comme le membre concerné peuvent en référer au comité Personnel et organisation pour que celui-ci statue en dernier ressort. Dans ce cas, ce dernier «procède si nécessaire à des investigations complémentaires, avant de statuer au plus tard lors de sa prochaine réunion ordinaire, sans la participation de la personne concernée»62.

Lors des réunions du comité Personnel et organisation ainsi que celles du conseil d'administration, la présidente ou le président informe oralement les membres (...)

des résultats des analyses des mandats annoncés. Ces informations sont consignées dans le procès-verbal63.

Concernant les mandats de la présidente ou du président du conseil d'administration, les CFF ont annoncé à la CdG-E que celle-ci ou celui-ci signalerait désormais «continuellement ses mandats au DETEC»64. Depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation début 2018, aucun cas de figure concret ne s'est encore présenté. Les CFF ont indiqué que «si la reprise d'un nouveau mandat par la présidente du conseil d'administration devait être envisagée, celle-ci procéderait comme indiqué dans le code de conduite, en informant tout d'abord par écrit le DETEC et en lui demandant d'examiner les éventuels conflits d'intérêt et risques de réputation. Toutes les informations pertinentes concernant le mandat en question seraient alors mises à disposition du DETEC»65.

Par contre, le DETEC n'est pas informé séparément en cours d'année des nouveaux mandats prévus par les autres membres du conseil d'administration. Ces informations lui sont communiquées dans la partie
«Gouvernance d'entreprise» du rapport de gestion annuel des CFF66. En vue de l'élaboration de ce rapport, il est désormais prévu que le ou la secrétaire du conseil d'administration «procède, en fin d'année, à une enquête sur les mandats détenus par les membres du conseil (...); la direction du groupe CFF est également soumise à cette enquête»67.

58 59 60 61 62 63 64 65 66 67

Lettre du conseil d'administration des CFF du 17.4.2018, p. 3 Lettre du conseil d'administration des CFF du 17.4.2018, p. 4 Code de conduite du conseil d'administration des CFF du 1.1.2018 (non publié), art. 4.1 Lettre du conseil d'administration des CFF du 6.3.2018, p. 5. Cf. chap. 2.3 Code de conduite du conseil d'administration des CFF du 1.1.2018 (non publié), art. 5.2 Lettre du conseil d'administration des CFF du 17.4.2018, p. 4 Code de conduite du conseil d'administration des CFF du 1.1.2018 (non publié), art. 3.1.

Cf. également Lettre du conseil d'administration des CFF du 17.4.2018, p. 4.

Lettre du conseil d'administration des CFF du 17.4.2018, p. 4 Lettre du conseil d'administration des CFF du 17.4.2018, p. 4. Ces dispositions figuraient déjà dans l'ancienne version du code de conduite.

Code de conduite du Conseil d'administration des CFF du 1.1.2018 (non publié), art. 3.2.

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Du point de vue du DETEC, «les conditions sont (...) remplies pour que les mandats soient tous déclarés à temps et qu'un cas similaire (à celui de Capoinvest Limited) ne se reproduise pas». À ce titre, le DETEC estime que des mesures supplémentaires ne sont pas nécessaires. Par ailleurs, le DETEC considère que «la répartition des tâches entre la présidente du conseil d'administration et le comité Personnel et organisation est adéquate»68.

3.3

Surveillance des départements et du Conseil fédéral en matière de mandats et de liens d'intérêts

Face aux CFF, le Conseil fédéral «représente, en vertu des droits de l'actionnaire prévus par la loi, les intérêts de la Confédération en sa qualité d'actionnaire principal de ces entreprises»69. Il est assisté dans l'accomplissement de cette tâche par le DETEC et l'AFF, les deux entités responsables au sein de l'administration. Dans le cadre de son examen, la CdG-E a interrogé la cheffe du DETEC sur sa vision du rôle revenant au département concernant la surveillance sur les entreprises proches de la Confédération en matière de mandats et de liens d'intérêts.

Selon les déclarations de la cheffe du DETEC, le conseil d'administration des CFF est, «d'un point de vue juridique (...), en tant qu'organe de conduite suprême de l'entreprise, pleinement responsable vis-à-vis de l'assemblée générale dominée par la Confédération». Le département estime qu'il existe des règles adéquates permettant d'identifier à temps les liens d'intérêts et qu'il est «de la responsabilité du conseil d'administration des CFF de les faire appliquer rigoureusement»70. Concernant le cas précis de Mme Ribar, la cheffe du DETEC a indiqué qu'il «n'appartient pas au DETEC d'évaluer [l']appréciation» menée par le conseil d'administration des CFF concernant le mandat de Mme Ribar en termes de lien avec les CFF ou de risque de réputation71.

Le DETEC a en outre transmis à la CdG-E des précisions concernant les processus de déclaration des mandats au sein de deux entreprises proches de la Confédération de taille comparable aux CFF, à savoir La Poste Suisse SA et Swisscom SA. Les règles diffèrent entre les trois entreprises. Selon les informations du DETEC72, à La Poste Suisse, les membres du conseil d'administration informent le président avant d'assumer un nouveau mandat. Si le président envisage d'assumer un nouveau mandat, il en informe le président du comité Organisation, Nomination et Rémunération, qui approuve les mandats des membres et du président. Chez Swisscom, chaque membre du conseil d'administration doit immédiatement informer le président de tout changement dans son entourage professionnel et le consulter avant d'assumer un mandat. Si le président envisage d'assumer un nouveau mandat, il consulte au préalable le vice-président. Tous les mandats et autres activités importantes sont mentionnés dans le rapport de gestion. Le DETEC souligne que Swiss68 69 70 71 72

Lettre de la Cheffe du DETEC du 17.4.2018, p. 1 Lettre de la Cheffe du DETEC du 17.4.2018, p. 2 Lettre de la Cheffe du DETEC du 12.1.2018, p. 1 Lettre de la Cheffe du DETEC du 12.1.2018, p. 1 Lettre de la Cheffe du DETEC du 17.4.2018, p. 2

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com, en tant que société cotée en bourse, est tenue d'indiquer de manière détaillée le nombre de fonctions admises occupées par les membres du conseil d'administration.

Par ailleurs, la Poste comme Swisscom font état dans leurs rapports de gestion annuels des mandats assumés par les membres du conseil d'administration et de la direction au cours de l'année sous revue.

La CdG-E a questionné la cheffe du DETEC quant à l'opportunité d'une harmonisation plus étendue des règles et processus en matière de déclaration des intérêts au sein des entreprises soumises à sa surveillance. Celle-ci a indiqué qu'une telle harmonisation n'était actuellement «pas à l'ordre du jour»73.

3.4

Mesures en cas de procédures pénales

Au mois de mai 2018, les médias ont fait écho de l'ouverture de procédures judiciaires en Suisse et à l'étranger relatives à la Banque nationale angolaise et au Fonds souverain angolais, dont une procédure pénale menée par le Ministère public de la Confédération (MPC) contre inconnu. Dans ce cadre, la presse a mentionné que des perquisitions avaient été menées au sein d'entreprises appartenant à M. Bastos74. À la lumière de ces révélations, la CdG-E s'est demandée quelles mesures étaient à disposition de la Confédération dans le cas hypothétique où l'intégrité d'un membre du conseil d'administration d'une entreprise proche de la Confédération était mise en cause dans le cadre d'une procédure pénale liée à un mandat tiers.

Selon les informations fournies par l'AFF75, lorsqu'un membre est touché par une procédure pénale, l'assemblée générale de l'entreprise proche de la Confédération concernée décide au cas par cas si cette situation constitue une rupture de confiance, pouvant en dernier recours avoir comme conséquence une révocation ou nonréélection du membre en question. Dans ce cas, ce sont les dispositions du droit des obligations qui s'appliquent. À ce sujet, l'art. 705 CO confère à l'assemblée générale (dans le cas des CFF: la Confédération) le droit de révoquer les membres du conseil d'administration ainsi que tous les fondés de procuration et mandataires nommés par elle. L'AFF souligne par ailleurs que l'assemblée générale, en tant que pouvoir suprême de la société (art. 698, al. 1, CO) ne constitue pas seulement l'organe électoral, mais également l'organe de surveillance de l'entreprise au sens du droit de la société anonyme et qu'elle est habilitée à ce titre à révoquer en tout temps les personnes qu'elle a nommées. L'AFF précise qu'une telle révocation peut avoir lieu dans le cadre d'une assemblée générale ordinaire ou, en particulier pour les entreprises entièrement en mains de la Confédération, d'une assemblée générale extraordinaire sous forme de «réunion de tous les actionnaires» (art. 701 CO).

73 74

75

Lettre de la Cheffe du DETEC du 17.4.2018, p. 2 Les locaux de Jean-Claude Bastos perquisitionnés. In: 24 Heures, 18.5.2018; Hausdurchsuchung am Hauptsitz von Quantum Global. In: Luzerner Zeitung, 18.5.2018; Razzia bei Jean-Claude Bastos. In: Berner Zeitung, 18.5.2018.

Courriel de l'AFF du 7.6.2018

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4

Appréciation des CdG

4.1

Appréciation sur la base de l'exemple de la présidente du conseil d'administration des CFF

La CdG-E considère que les CFF comme le DETEC ont répondu à ses questions de manière complète et transparente. De manière générale, la commission est d'avis que les récentes adaptations apportées par les CFF à leurs prescriptions en matière de déclaration des mandats (cf. chap. 3.2) démontrent qu'un potentiel d'amélioration existait et constituent un net progrès. Tout comme le DETEC, la commission part du principe que ces mesures devraient garantir qu'un cas similaire à celui du mandat de la présidente du conseil d'administration des CFF au sein de Capoinvest ne se reproduira plus à l'avenir. La CdG-E relève que ces changements ont été effectués après les révélations liées au scandale des «Paradise papers».

Au vu des faits dont elle a pris connaissance, la CdG-E formule ci-après un certain nombre de considérations et recommandations d'ordre général concernant la surveillance des liens d'intérêts au sein des entreprises proches de la Confédération.

Au mois de juin 2018 et à la suite notamment des révélations portant sur les pratiques de comptabilité non conformes à la loi au sein de CarPostal Suisse SA, le Conseil fédéral a annoncé qu'il avait décidé de soumettre le pilotage des entreprises liées à la Confédération à un audit externe d'ici fin 2018, et qu'il avait chargé le DFF, en collaboration avec le DETEC et le DDPS, de commander une analyse correspondante et de l'informer des résultats au cours du premier trimestre 201976.

La CdG-E prie le Conseil fédéral d'intégrer dans cette analyse les considérations et recommandations ci-après, dans le respect de la forme juridique des entités concernées.

Déclaration des mandats Du point de vue de la CdG-E, l'ancien système de déclaration des mandats en vigueur au sein des CFF, qui ne prévoyait pas une analyse systématique des mandats, n'était pas adéquat. Cette disposition a mené à une situation problématique dans le cas de Capoinvest, Mme Ribar n'ayant pas déclaré ce mandat car elle ne le jugeait pas important. La CdG-E estime qu'il ne revient pas aux membres de décider individuellement du degré d'importance ou du risque de réputation attaché aux mandats tiers qu'ils assument, mais que cette responsabilité incombe tout d'abord au conseil d'administration et, dans une certaine mesure, au département compétent (cf.

chap. 4.2). À ce titre, il est
indispensable que tous les mandats soient déclarés de manière exhaustive et transparente. En conséquence, la CdG-E invite le Conseil fédéral à s'assurer que, dans toutes les entreprises proches de la Confédération, les membres ou candidats au conseil d'administration soient tenus de déclarer sans délai l'ensemble de leurs mandats au sein d'organes de direction et de surveillance ainsi que leurs mandats de conseil au sein de sociétés, institutions ou fondations de droit privé ou public, et ce indépendamment de toute appréciation personnelle.

76

Le Conseil fédéral restreint la décharge accordée au conseil d'administration de la Poste, communiqué de presse du Conseil fédéral du 11.6.2018

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Recommandation 1

Déclaration des mandats

La CdG-E invite le Conseil fédéral, en sa qualité d'actionnaire majoritaire, à s'assurer que, dans toutes les entreprises proches de la Confédération, les membres ou candidats au conseil d'administration soient tenus de déclarer sans délai l'ensemble de leurs mandats au sein d'organes de direction et de surveillance ainsi que leurs mandats de conseil au sein de sociétés, institutions ou fondations de droit privé ou public, et ce indépendamment de toute appréciation personnelle.

Comités chargés de la surveillance des liens d'intérêts Dans le cadre de son examen, la CdG-E a constaté que le comité Présidence / liens d'intérêt des CFF, chargé de la surveillance des liens d'intérêts, ne s'était pas réuni en 2014, 2015 et 2016, alors que le règlement correspondant prévoyait que celui-ci siège au moins une fois par année, et qu'il n'avait par conséquent procédé à aucune vérification concernant les mandats de Mme Ribar. Les explications fournies par les CFF n'ont pas permis de comprendre les raisons justifiant cette absence prolongée de réunion. La commission réprouve cette situation et considère qu'il s'agit d'un manquement grave au devoir de surveillance du conseil d'administration, tel que prévu par le droit de la société anonyme et les règlements internes aux CFF. Elle estime qu'il est essentiel que, dans chaque entreprise proche de la Confédération, le comité chargé du contrôle des liens d'intérêts se réunisse régulièrement, et au moins une fois par année lors de la préparation du rapport de gestion. Il est également indispensable que la question des liens d'intérêts soit thématisée de manière périodique au niveau du conseil d'administration. La commission constate avec satisfaction que ce point a pu être réglé dans le cadre de la révision du code de conduite des CFF, puisque ce contrôle est désormais pris en charge par le comité Personnel et organisation, qui se réunit plusieurs fois par année. La CdG-E attend du Conseil fédéral qu'il s'assure qu'une telle pratique est également en vigueur dans les autres entreprises proches de la Confédération.

La CdG-E a en outre constaté dans le cadre de ses recherches que les rapports de gestion des CFF des dernières années présentaient des imprécisions au sujet du comité Présidence / liens d'intérêt. Le rapport 2016 indique que ce comité se réunit pour «une
séance par an»77, alors qu'en réalité aucune séance n'a eu lieu au cours de l'année sous revue. Les CFF ont admis cette erreur et indiqué qu'elle était due à un changement au sein du secrétariat du conseil d'administration78. Les rapports 2015 et 2014 ne mentionnent quant à eux pas le fait que le comité Présidence / liens d'intérêt n'a jamais siégé79, alors que le nombre de séances est indiqué pour tous les autres comités. La commission estime que de telles imprécisions posent problème en termes de transparence et de crédibilité, puisqu'elles empêchent la Confédération en tant qu'actionnaire et les commissions de haute surveillance parlementaire de se faire une idée fidèle de 77 78 79

Rapport de gestion et de développement durable 2016 des CFF, p. 28.

Lettre du conseil d'administration des CFF du 2.5.2018, p. 2 Rapport de gestion et de développement durable 2015 des CFF, p. 18; Rapport de gestion 2014 des CFF, p. 18

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l'activité du conseil d'administration. La CdG-E invite donc le Conseil fédéral à s'assurer que les entreprises proches de la Confédération communiquent de manière transparente et complète sur l'activité de leurs différents comités.

Par ailleurs, du point de vue de la commission, le fait que le comité chargé de la surveillance des liens d'intérêts des CFF ait été composé, jusqu'à fin 2017, uniquement de la présidente et du vice-président du conseil d'administration était problématique en ce qui concerne le contrôle des mandats des deux personnes concernées.

Dans les cas requérant une récusation, la responsabilité d'analyse des liens d'intérêt de la présidente revenait au vice-président seul, et inversement. À ce titre, la CdG-E salue le fait que les CFF aient désormais confié la surveillance des liens d'intérêts à un comité à la composition plus large et que la présidente soumette ses mandats directement au DETEC.

Recommandation 2

Comités chargés de la surveillance des liens d'intérêts

La CdG-E invite le Conseil fédéral, en sa qualité d'actionnaire majoritaire, à s'assurer que, dans toutes les entreprises proches de la Confédération, les comités chargés de la surveillance des liens d'intérêts se réunissent régulièrement et que la question soit thématisée de manière périodique au niveau du conseil d'administration.

Le Conseil fédéral est également prié de s'assurer que les entreprises proches de la Confédération communiquent de manière transparente et complète sur l'activité des différents comités de leurs conseils d'administration.

Modifications de mandats en cours d'année La CdG-E salue la nouvelle procédure de déclaration des mandats concernant la présidence du conseil d'administration des CFF, en vigueur depuis le 1er janvier 2018.

Celle-ci prévoit que la présidente ou le président du conseil d'administration signale continuellement ses nouveaux mandats au DETEC. Du point de vue de la commission, une telle mesure garantit une transparence en continu et permet à la Confédération d'exercer ses droits de propriétaire en connaissance de cause. La commission invite le Conseil fédéral à mettre en place une telle mesure de manière explicite pour toutes les entreprises proches de la Confédération, si tel n'est pas déjà le cas.

Concernant les autres membres du conseil d'administration des CFF, il n'est pas prévu, dans l'état actuel, que le DETEC soit informé en cours d'année de l'acceptation de nouveaux mandats ou de l'abandon de mandats par ceux-ci. La CdG-E considère qu'une telle pratique est acceptable, pour autant que le comité interne chargé de la surveillance des liens d'intérêts soit régulièrement informé de telles modifications et que les cas problématiques soient signalés rapidement au conseil d'administration et, si nécessaire, au département compétent.

En contrepartie, pour la commission, il est essentiel que l'ensemble des mandats assumés par les membres au cours de l'année sous revue soient annoncés dans le rapport de gestion de l'entreprise, y compris ceux achevés durant l'année ou ceux limités à quelques mois. Une telle mesure permettrait au département compétent, au Conseil fédéral, au Parlement et au grand public de se faire une idée complète des 7849

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liens d'intérêts au sein du conseil d'administration. En ce qui concerne les CFF, seuls les mandats en vigueur au 31 décembre sont actuellement annoncés. Le DETEC a indiqué à la CdG-E qu'il s'agissait d'une «pratique courante également appliquée par les sociétés cotées en bourse»80. La commission a toutefois constaté que certaines entreprises, telles que Swisscom ou la Poste, mentionnaient dans leur rapport de gestion également certains mandats achevés en cours d'année81. Elle invite donc le Conseil fédéral à s'assurer qu'une telle mesure soit étendue à l'ensemble des entreprises proches de la Confédération. Cette adaptation permettrait notamment d'éviter que d'éventuels mandats assumés ponctuellement par les membres passent «sous le radar» du département compétent.

Recommandation 3

Modifications de mandats en cours d'année

La CdG-E invite le Conseil fédéral, en sa qualité d'actionnaire majoritaire, à mettre en place, pour toutes les entreprises proches de la Confédération, un système prévoyant explicitement une déclaration en continu des nouveaux mandats assumés par la présidence du conseil d'administration au département compétent.

Elle l'invite également à s'assurer que les entreprises proches de la Confédération incluent, dans leur rapport annuel de gestion, la liste de tous les mandats assumés par les membres du conseil d'administration au cours de l'année, et non plus uniquement au 31 décembre.

Surveillance des mandats par la Confédération La CdG-E considère que le DETEC a agi de manière adéquate lors de la préparation de la candidature de Mme Ribar à la présidence du conseil d'administration des CFF, en janvier 2016. Le département a visiblement procédé de manière active à des clarifications relatives aux mandats annoncés. L'absence de vérifications concernant le mandat auprès de Capoinvest est compréhensible, sachant que ce dernier n'avait pas été déclaré par le conseil d'administration des CFF, qui n'en était pas informé.

Néanmoins, lorsque le Conseil fédéral a pris connaissance du rapport de gestion 2015 des CFF, le 23 mars 2016, le mandat au sein de Capoinvest y avait été ajouté.

Formellement, le Conseil fédéral a donc été informé à cette date de ce mandat supplémentaire. La CdG-E considère qu'une certaine responsabilité de contrôle revient à la Confédération à partir de ce moment-là82. En vue de la séance du Conseil fédéral, le Secrétariat général du DETEC et/ou l'AFF, en tant qu'unités administratives compétentes, auraient dû procéder à des clarifications complémentaires concernant le mandat de Mme Ribar au sein de Capoinvest. Les informations transmises à la commission semblent toutefois montrer que cela n'a pas été le cas et que le DETEC

80 81 82

Lettre de la Cheffe du DETEC du 12.1.2018, p. 2 Cf. p.ex.: Rapport de gestion 2017 de Swisscom SA, p. 58 s., rapport financier 2017 de La Poste Suisse SA, p. 61 s.

En vertu des dispositions du droit de la société anonyme; cf. à ce sujet les considérations du chap. 4.2

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et l'AFF se sont entièrement reposés sur la vérification interne des CFF (qui, dans les faits, n'avait pas réellement été effectuée83).

Au vu des modifications apportées par les CFF à leur processus de déclaration des mandats depuis début 2018, cette situation ne devrait plus se reproduire à l'avenir, dans la mesure où la présidence des CFF est désormais tenue de signaler continuellement ses nouveaux mandats au DETEC.

Par contre, en ce qui concerne les mandats assumés par les autres membres du conseil d'administration, le rapport de gestion annuel de l'entreprise continue de représenter la principale source d'information à disposition de la Confédération pour exercer la surveillance incombant à sa position de propriétaire84. En conséquence, la CdG-E attend du Conseil fédéral qu'il porte à l'avenir une attention accrue, lors de la prise de connaissance des rapports de gestion des entreprises proches de la Confédération, aux informations relatives aux mandats tiers des membres des conseils d'administration, et qu'il procède si nécessaire à des clarifications approfondies par le biais des unités administratives compétentes. Dans ce cadre, la commission estime qu'une attention particulière doit être accordée aux nouveaux mandats ou aux mandats temporaires.

Pour ce faire, la CdG-E considère que l'AFF, en tant qu'unité de la Confédération spécialisée dans les questions de gouvernement d'entreprise, a un important rôle de soutien à jouer. La commission invite donc le Conseil fédéral à renforcer le rôle de cette unité en tant que centre de compétences spécialisé dans le domaine de la surveillance des conflits d'intérêt au sein des entreprises proches de la Confédération.

Par ailleurs, du point de vue de la CdG-E, il est important que les risques de réputation liés aux entreprises proches de la Confédération soient intégrés de manière adéquate dans le système de gestion des risques de la Confédération.

Recommandation 4

Vérification des mandats par la Confédération

La CdG-E attend du Conseil fédéral, en sa qualité d'actionnaire majoritaire, qu'il porte à l'avenir une attention accrue, lors de la prise de connaissance des rapports de gestion des entreprises proches de la Confédération, aux informations relatives aux mandats tiers des membres des conseils d'administration, et qu'il procède si nécessaire à des clarifications approfondies par le biais des unités administratives compétentes.

Pour ce faire, la commission invite le Conseil fédéral à renforcer le rôle de l'AFF en tant que centre de compétences spécialisé dans le domaine de la surveillance des conflits d'intérêts au sein des entreprises proches de la Confédération.

83

84

Puisque le comité de contrôle Présidence / liens d'intérêt n'a pas siégé, qu'aucune vérification concernant le mandat au sein de Capoinvest n'a été effectuée par ce comité et qu'aucune discussion n'a été menée à ce sujet par le conseil d'administration lors du traitement du rapport de gestion, le 11 mars 2016.

En dehors des droits d'information revenant à la Confédération en tant qu'actionnaire dans le cadre de l'assemblée générale (cf. chap. 2.2 et chap. 4.2)

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4.2

Appréciation générale sur la responsabilité du Conseil fédéral vis-à-vis des entreprises proches de la Confédération

La question de fond soulevée par le cas de la présidente du conseil d'administration des CFF est de savoir s'il est de la responsabilité du Conseil fédéral de vérifier de manière indépendante les informations qui lui sont soumises par les entreprises proches de la Confédération en matière de liens d'intérêts, notamment lors de nominations au conseil d'administration ou à la présidence de celui-ci. Interrogée par la CdG-E, la cheffe du DETEC a indiqué qu'elle estimait que le conseil d'administration des CFF, en tant qu'organe de conduite suprême de l'entreprise, était pleinement responsable vis-à-vis de l'assemblée générale (c'est-à-dire la Confédération)85.

La CdG-E est également d'avis que la responsabilité première en matière de surveillance des liens d'intérêts revient au conseil d'administration de l'entreprise concernée. C'est à lui de proposer des candidates et candidats correspondant au profil d'exigences établi par le Conseil fédéral et de soumettre ses membres de manière régulière à un examen approfondi sur le plan des liens d'intérêts et des risques en termes de réputation.

Toutefois, le fait que le conseil d'administration assume cette responsabilité principale ne signifie pas pour autant que le Conseil fédéral et les unités administratives compétentes soient entièrement déliés d'une certaine responsabilité subsidiaire.

Celle-ci découle du fait que la responsabilité de pilotage stratégique des entreprises proches de la Confédération revient au Conseil fédéral. Ce dernier souligne luimême cet aspect dans son rapport de 2006 sur le gouvernement d'entreprise: «à la différence de la privatisation totale, une tâche ne perd pas son besoin de légitimation politique suite à son externalisation vers une entité devenue autonome»86. Dans un avis de droit publié en 2009, Müller et Vogel estiment qu'«en confiant une partie de ses tâches à des entités extérieures à l'administration centrale, la Confédération ne se défait (...) pas de la part de responsabilité qu'elle détient dans l'accomplissement des tâches en question. Elle se doit dès lors de surveiller l'entité mandatée, quelle que soit la forme de l'externalisation»87. L'AFF souligne quant à elle que l'assemblée générale, c'est-à-dire la Confédération dans le cas des CFF, ne constitue pas seulement l'organe électoral, mais également l'organe de surveillance de l'entreprise au sens du droit de la société anonyme. A ce titre, le droit de la société ano85

86 87

Lettre de la Cheffe du DETEC du 12.1.2018, p. 1. Dans le cadre de la consultation relative au présent rapport (lettre de la Cheffe du DETEC du 15.8.2018), le DETEC a encore fait valoir que «le Conseil fédéral ne surveille pas les entreprises liées à la Confédération mais qu'il représente, en vertu des droits des actionnaires prévus par la loi, les intérêts de la Confédération en sa qualité de propriétaire (principal) de ces entreprises. La Confédération n'exerce de surveillance au sens strict que sur les activités réglementées des entreprises liées à la Confédération, dont fait notamment partie le service universel.» Toutefois, l'AFF souligne que l'assemblée générale, c'est-à-dire la Confédération dans le cas des CFF, ne constitue pas seulement l'organe électoral, mais également l'organe de surveillance de l'entreprise au sens du droit de la société anonyme (cf. plus bas).

Rapport sur le gouvernement d'entreprise (FF 2006 7799 7860) Müller, Georg / Vogel, Stefan (2009): Haute surveillance de l'Assemblée fédérale sur les entités devenues autonomes qui assument des tâches de la Confédération, avis de droit à l'intention de la CdG-N, p. 9.

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nyme lui confère également un droit de révocation vis-à-vis du conseil d'administration et de tous les fondés de procuration et mandataires qu'elle nomme (cf.

chap. 3.4).

Selon la loi, le Conseil fédéral nomme les membres du conseil d'administration des CFF, pour lesquels il a défini un profil d'exigences spécifique. À cet égard, la responsabilité lui revient de faire valoir ses droits d'actionnaire en exerçant une surveillance complémentaire sur les mandats tiers assumés par ces personnes lorsqu'il estime que cela est nécessaire et en effectuant sa propre analyse au sujet des risques de réputation pour la Confédération. Dans ce but, il doit s'assurer que le conseil d'administration lui mette à disposition toutes les informations pertinentes au sujet des membres concernés. Le Conseil fédéral s'assure régulièrement de l'atteinte par l'entreprise des objectifs stratégiques qu'il lui a fixés; de la même manière, l'outil de pilotage que constitue le profil d'exigences ne peut être efficace que s'il est doublé d'un contrôle adapté. Le Conseil fédéral dispose à cet effet de droits à l'information, spécifiés dans le code des obligations.

Si le Conseil fédéral procède à des nominations ­ notamment à la présidence du conseil d'administration ­ sans faire usage de son droit de vérification des candidatures soumises par les entreprises proches de la Confédération, sa compétence de nomination est alors dépourvue d'une grande partie de sa substance, dans la mesure où le pouvoir de décision est transféré de facto aux entreprises concernées. Or, la nomination des membres du conseil d'administration des entités proches de la Confédération, au-delà du simple acte formel, constitue une décision centrale en termes de pilotage stratégique, qui met directement en jeu les intérêts et la réputation de la Confédération, d'autant plus lorsqu'il s'agit de la présidence.

En résumé, du point de vue de la CdG-E, le Conseil fédéral conserve une responsabilité subsidiaire en matière de contrôle des liens d'intérêts des membres du conseil d'administration des entreprises proches de la Confédération, et cela même si la responsabilité principale de vérification incombe en effet au conseil d'administration. Il va de soi qu'il ne revient pas au Conseil fédéral ­ respectivement au DETEC et au DFF dans le cas présent ­ de vérifier
les candidatures dans les moindres détails et que la Confédération doit pouvoir se reposer sur les informations fournies par les entreprises. Néanmoins, en cas de doute, il est de la responsabilité du Conseil fédéral de procéder aux clarifications nécessaires ou de demander des informations complémentaires à l'entreprise88.

La CdG-E rappelle pour terminer que la responsabilité première en matière d'appréciation des liens d'intérêts, au-delà de la vérification opérée par le conseil d'administration et le Conseil fédéral, revient toujours au membre concerné du conseil d'ad88

Dans le cas présent, la question se pose de savoir s'il était possible pour le DETEC, le DFF et le Conseil fédéral de déceler le caractère potentiellement problématique du mandat de Mme Ribar au sein de Capoinvest, lorsque celui-ci a été porté à leur connaissance en mars 2016. Ce point ne fait pas l'objet du présent rapport, mais la CdG-E rappelle que M. Bastos, fondateur de Capoinvest, avait notamment été condamné en 2011 par le tribunal pénal de Zoug pour multiples gestions déloyales et que cette information était publique depuis 2012 au moins (cf. à ce sujet p. ex.: Schweiz-Angola-Investor akzeptiert Gerichtsurteil, article en ligne de Inside Paradeplatz du 12.12.2012, https://insideparadeplatz.ch/2012/12/12/schweiz-angola-investor-akzeptiert-gerichtsurteil [consulté le 18.1.2018]).

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ministration lui-même. En ce sens, la commission relève que Mme Ribar, avant d'assumer le mandat de présidente du conseil d'administration des CFF, a reconsidéré de son propre chef son engagement au sein de Capoinvest, qu'elle est parvenue à la conclusion que celui-ci risquerait d'engendrer un éventuel conflit d'intérêt et qu'elle a par conséquent choisi de mettre fin à ce mandat quelques jours avant sa nomination en tant que présidente du conseil d'administration des CFF. Mme Ribar a en outre reconnu que l'omission de ce mandat avait constitué une erreur et a affirmé qu'il n'était nullement dans son intention de ne pas le déclarer89.

5

Conclusions et suite de la procédure

Dans le cadre du présent rapport, la CdG-E a examiné la question de la surveillance exercée par le Conseil fédéral sur les entreprises proches de la Confédération en matière de mandats et de liens d'intérêts, sur la base du cas concret du mandat de la présidente du conseil d'administration des CFF au sein de Capoinvest.

En ce qui concerne le principe de légalité, la commission arrive à la conclusion suivante: le fait que le Conseil fédéral n'ait pas été informé du mandat de Mme Ribar au sein de Capoinvest au moment de la nomination de cette dernière à la présidence du conseil d'administration des CFF ne constitue pas un manquement au sens formel du terme, étant donné que, jusqu'à la fin de l'année 2017, la déclaration des mandats au sein du conseil d'administration des CFF dépendait largement de la volonté des membres concernés et qu'il n'était pas prévu de vérification systématique. La commission estime toutefois que ce système n'était pas adéquat, et salue les récentes adaptations apportées par les CFF à leurs prescriptions en la matière, qui représentent de son point de vue un net progrès. Elle estime que les nouvelles règles devraient permettre d'éviter que des situations similaires se reproduisent à l'avenir.

La CdG-E réprouve en outre le fait que le comité interne des CFF chargé du contrôle des liens d'intérêts ne se soit pas réuni durant plusieurs années, contrairement à ce qui était prévu par le règlement correspondant. Elle considère qu'il s'agit d'un manquement grave au devoir de surveillance du conseil d'administration, tel que prévu par le droit de la société anonyme et les règlements internes aux CFF.

Sur la base de ce cas concret, la commission a tiré un certain nombre d'enseignements généraux applicables aux entreprises proches de la Confédération. Elle invite le Conseil fédéral à examiner différentes mesures relatives à la déclaration des mandats, aux comités chargés de la surveillance des liens d'intérêts, au suivi des modifications de mandats en cours d'année et à la surveillance opérée par la Confédération, dans l'optique d'une plus grande harmonisation des pratiques en la matière, et formule quatre recommandations à cet effet.

Sur le plan de l'opportunité, la CdG-E estime à la lumière du cas présent que le Conseil fédéral devrait faire davantage usage de la marge de manoeuvre
qui lui est conférée par son statut d'actionnaire majoritaire afin d'exercer une surveillance accrue sur les entreprises proches de la Confédération en matière de liens d'intérêts.

En vertu du droit de la société anonyme, la Confédération dispose, par le biais de 89

Lettre du conseil d'administration des CFF du 6.3.2018, p. 6

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l'assemblée générale, de pouvoirs étendus vis-à-vis des entreprises qui lui sont proches, mais également des responsabilités de contrôle qui en découlent. La commission reconnaît certes que, en respect des principes du gouvernement d'entreprise, la responsabilité première en matière de surveillance sur les mandats tiers revient au conseil d'administration des entreprises, et que le Conseil fédéral doit pouvoir se reposer sur les informations fournies par celles-ci. Elle estime toutefois que la Confédération conserve malgré tout une responsabilité subsidiaire de surveillance.

La CdG-E invite le Conseil fédéral à donner son avis sur les constatations et les recommandations du présent rapport d'ici au 26 octobre 2018, et à lui indiquer par quelles mesures et dans quel délai il entend mettre en oeuvre ses recommandations.

En outre, au vu des débats actuels portant sur la gouvernance des entreprises proches de la Confédération, la CdG-E estime qu'il est important que les questions d'ordre général soulevées par ce cas soient clarifiées. Sachant que le Conseil fédéral a annoncé qu'il réaliserait un audit externe à ce sujet d'ici fin 2018, la commission l'invite à intégrer dans celui-ci les considérations qu'elle a formulées plus haut.

28 août 2018

Au nom de la Commission de gestion du Conseil des Etats: La présidente, Anne Seydoux-Christe La secrétaire, Beatrice Meli Andres Le président de la sous-commission DFI/DETEC, Claude Hêche Le secrétaire de la sous-commission DFI/DETEC, Nicolas Gschwind

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Liste des abréviations AFF

Administration fédérale des finances

CdG

Commissions de gestion des Chambres fédérales

CdG-E

Commission de gestion du Conseil des Etats

CFF

Chemins de fer fédéraux suisses

CO

Loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse (Livre cinquième: Droit des obligations) (Code des obligations, RS 220)

DETEC

Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication

DFF

Département fédéral des finances

DFI

Département fédéral de l'intérieur

FF

Feuille fédérale

FINMA

Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers

ICIJ

International Consortium for Investigative Journalism (Consortium international des journalistes d'investigation)

IFSN

Inspection fédérale de la sécurité nucléaire

LCFF

Loi du 20 mars 1998 sur les chemins de fer fédéraux (RS 742.31)

LOGA

Loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (RS 172.010)

LParl

Loi du 13 décembre 2002 sur l'Assemblée fédérale (Loi sur le Parlement; RS 171.10)

MPC

Ministère public de la Confédération

RS

Recueil systématique du droit fédéral suisse

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