Détention administrative de requérants d'asile Rapport du Contrôle parlementaire de l'administration à l'intention de la Commission de gestion du Conseil national du 1er novembre 2017

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L'essentiel en bref La détention administrative atteint bien son objectif qui est d'assurer l'exécution du renvoi des requérants d'asile déboutés. Si les autorités y ont généralement recours de manière opportune, il existe des différences considérables entre les cantons, différences qui soulèvent des questions en termes de légalité. Après avoir longtemps fait preuve de réserve, il apparait que la Confédération devra exercer une surveillance plus forte.

Les dépenses de la Confédération au titre de la détention administrative de requérants d'asile déboutés se montent actuellement à environ 20 millions de francs par année. Avec le subventionnement des établissements de détention, ces charges devraient nettement augmenter. Pourtant, l'usage qui est fait de cet instrument n'est pas clair. C'est pourquoi, les Commission de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont, en janvier 2016, chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) d'évaluer la détention administrative de requérants d'asile.

Lors de sa séance du 23 juin 2016, la sous-commission DFJP/ChF de la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N), compétente en la matière, a décidé que l'évaluation devait porter plus spécifiquement sur l'efficacité de la détention administrative et sur l'opportunité du recours à cet instrument ainsi que sur le rôle de la Confédération. Elle a aussi souhaité que les aspects de la légalité et la situation des mineurs en détention administrative soient pris en compte dans la mesure du possible. Finalement, la sous-commission a encore demandé une comparaison au niveau européen.

Le CPA a attribué un mandat d'expertise au bureau d'études BASS, qui a été chargé de fournir une analyse statistique du séjour des requérants d'asile déboutés qui ont été renvoyés de Suisse avant 2014 (c'est-à-dire avant l'entrée en vigueur des modifications apportées sur la base du règlement Dublin III de l'UE). Le CPA a aussi conduit des entretiens avec une cinquantaine de personnes, essentiellement des collaborateurs des autorités cantonales des migrations et du Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM), et a procédé à une analyse documentaire circonstanciée. Pour la comparaison européenne, il a analysé des données statistiques ainsi que des évaluations existantes.

La détention administrative est efficace, mais tributaire de
la coopération internationale Sur 12 227 des 61 677 décisions d'asile négatives rendues entre 2011 et 2014, les personnes concernées ont été placées en détention administrative. L'objectif de la détention administrative, qui est d'assurer l'exécution du renvoi des requérants d'asile déboutés, est atteint dans la quasi-totalité des cas Dublin et dans deux tiers des cas lorsque le pays de destination est le pays d'origine. La détention administrative est donc un instrument efficace. Elle ne peut cependant être ordonnée qu'à partir du moment où le départ de Suisse est imminent. Cela dépend essentiellement de la volonté de l'Etat de destination à établir des documents d'identité et à accueil-

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lir la personne en question. Une bonne collaboration internationale en matière de migrations est donc essentielle. Or, les autorités cantonales des migrations sont d'avis que la place accordée à cette collaboration dans la politique extérieure de la Suisse n'est pas suffisante.

Des différences entre les cantons qui posent la question de la légalité L'évaluation a révélé des différences considérables entre les cantons, pour ce qui est de la fréquence des détentions administratives et du moment auquel elles sont ordonnées, mais aussi pour ce qui est de leur durée, de la détention de mineurs et de la capacité des détentions à atteindre l'objectif visé. Un tiers au plus de ces différences peuvent s'expliquer par des inégalités constatées dans la structure de la population des requérants d'asile déboutés (sexe, âge, situation familiale ou Etat d'origine). Elles sont essentiellement l'expression de différences d'appréciation de la proportionnalité de la détention par les autorités politiques et judiciaires cantonales. Il est dès lors légitime de se demander dans quelle mesure ces différences se justifient à la lumière non seulement de l'égalité devant la loi, mais aussi du fédéralisme d'exécution.

Renforcer la surveillance de la Confédération: prometteur, mais pas sans risques Pour exercer sa fonction de surveillance de l'exécution des renvois, le SEM a choisi, jusqu'à présent, la voie du dialogue avec les cantons, ce qui est apprécié par ces derniers. Les différences constatées entre les cantons montrent toutefois que ce dialogue n'a pas suffi à obtenir l'harmonisation des pratiques. Depuis peu, la Confédération se sert des subventions allouées aux centres de détention, donc d'incitations financières, pour obtenir une amélioration des conditions de détention. Depuis l'automne 2016, le SEM exerce en outre un mandat légal de surveillance de l'exécution des renvois. Il a la possibilité, s'il estime que les cantons négligent leur obligation d'exécuter les renvois, de leur supprimer certaines compensations financières. Si cet instrument promet une meilleure harmonisation en matière d'exécution des renvois, il comporte aussi le risque que, en raison de la menace de sanctions, la détention administrative soit appliquée plus souvent dans des cas où les conditions légales ne sont pas clairement réunies.
La gestion des données du SEM est inefficiente et sujette aux erreurs Les systèmes de gestion des données dans le domaine de l'exécution des renvois présentent de nombreux doublons, qui génèrent un surcroît de travail. L'interconnexion entre les systèmes électroniques est insuffisante, ce qui signifie que les mêmes données doivent être saisies plusieurs fois, ce qui constitue une source d'erreurs.

Jusqu'ici, la saisie correcte des données en matière de détention administrative n'a pas été considérée comme prioritaire ni dans de nombreux cantons ni au SEM. Les données relatives à certains cantons se sont d'ailleurs révélées insuffisantes pour permettre l'analyse statistique prévue dans le cadre de cette évaluation. Jusqu'ici, l'utilité des données relatives à l'exécution des renvois administrées par le SEM s'est donc révélée limitée.

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Table des matières L'essentiel en bref

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1

Introduction 1.1 Objet et questions de l'évaluation 1.2 Méthodologie 1.2.1 Modèle d'analyse 1.2.2 Relevés et analyses de données 1.2.3 Limites de l'évaluation 1.3 Structure du rapport

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Bases légales de la détention administrative 2.1 Types de décisions négatives 2.2 Formes et durée de détention 2.2.1 Détention en phase préparatoire, en vue du renvoi ou de l'expulsion et détention pour insoumission 2.2.2 Détention dans le cadre de la procédure Dublin 2.3 Examen de la détention et conditions de détention 2.4 Détention administrative de mineurs 2.5 Participation financière de la Confédération

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Efficacité de la détention administrative 3.1 Résultats de l'exécution des renvois 3.1.1 Près de la moitié des requérants d'asile déboutés quitte la Suisse de manière contrôlée 3.1.2 En comparaison avec d'autres pays européens, l'exécution des renvois donne de bons résultats 3.2 Contribution de la détention administrative à l'exécution des renvois 3.2.1 Les taux de détention dépendent du type de décision 3.2.2 Détention dans les cas Dublin: une mesure extrêmement efficace 3.2.3 Renvois dans le pays d'origine: une détention plus longue et un peu moins efficace

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Opportunité de l'application par les cantons 4.1 Effets de la détention sur le nombre et la nature des départs 4.1.1 Cas Dublin: davantage de détentions administratives pour davantage de départs et, en partie, davantage de contrainte 4.1.2 Renvois dans le pays d'origine: plus de détentions administratives signifient plus de rapatriements et plus de départs autonomes 4.2 Différences entre les cantons ne s'expliquent qu'en partie par des facteurs structurels

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Informations concernant la légalité

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5.1 5.2 5.3 5.4 6

7

Respect de la durée de détention, mais importance variable accordée au principe de célérité Différences cantonales dans l'interprétation du principe de proportionnalité Mise en détention administrative de mineurs même de moins de quinze ans Le régime et les conditions de détention toujours sous la critique

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Pertinence du rôle de la Confédération 6.1 Les bases légales 6.1.1 Les directives ne sont, en partie, pas mises à jour 6.1.2 Petites incohérences dans la réglementation des coûts 6.1.3 Le recours à la détention administrative est une compétence presque exclusivement cantonale 6.1.4 La surveillance exercée par le Conseil fédéral n'est que complémentaire mais gagne en importance 6.2 Degré d'information du SEM 6.2.1 Données concernant la détention administrative incomplètes et absence d'encouragement visant leur saisie correcte 6.2.2 Nombreux doublons et ruptures de support dans la gestion des données 6.2.3 Le SEM ne peut exploiter ses données que de façon limitée 6.3 La collaboration avec les cantons 6.3.1 Le dialogue est apprécié mais son effet harmonisant reste limité 6.3.2 Nouveau suivi inadapté en tant qu'un instrument de surveillance 6.3.3 Le remboursement des frais est globalement approprié et sert désormais d'instrument de pilotage

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Conclusions 7.1 La détention administrative est efficace, mais le recours à cet instrument présuppose une bonne coopération internationale 7.2 Les disparités cantonales mettent en question la légalité de la détention administrative 7.3 La fonction de surveillance de la Confédération renforcée présente à la fois des opportunités et des risques 7.4 La gestion des données du SEM est inefficiente, sujette à des erreurs et d'une utilité réduite

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Liste des abréviations

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Bibliographie et liste des documents

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Liste des interlocuteurs

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Annexes: 1 Procédure d'évaluation 2 Vue d'ensemble des formes de détention 3 Vue d'ensemble des formes de détention supplémentaires dans le cadre de la procédure Dublin Impressum

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Rapport 1

Introduction

1.1

Objet et questions de l'évaluation

Les requérants d'asile déboutés qui ne sont pas admis provisoirement doivent quitter la Suisse. Lorsqu'elles ont lieu de craindre que ces personnes essaient de se soustraire à leur renvoi, les autorités peuvent ordonner une détention administrative. En règle générale, ce type de mesures est du ressort des cantons. La Confédération fournit une contribution financière pour les personnes relevant du domaine de l'asile, mais non pour celles qui relèvent du domaine des étrangers.

En 2014, le Conseil fédéral a augmenté le forfait journalier pour la détention administrative dans le domaine de l'asile. A l'avenir, la Confédération participera en outre au financement de la construction et de l'exploitation de centres de détention cantonaux. Il faut donc s'attendre à une augmentation des dépenses de la Confédération au titre de la détention administrative. Pourtant, l'usage qui est fait de cet instrument n'est pas clair. Une évaluation du Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) de 20051, de même que le contrôle de suivi2 réalisé six ans plus tard, ont révélé des différences entre les cantons et ont soulevé des questions quant à l'efficacité de la détention, notamment dans le domaine de l'asile. Depuis lors, le cadre légal de la détention administrative a été modifié dans le sillage de l'adhésion de la Suisse aux accords de Schengen et de Dublin.

C'est dans ce contexte que les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont décidé, à leur séance du 28 janvier 2016, de charger le CPA de conduire une évaluation portant sur la détention administrative dans le domaine de l'asile. Se fondant sur l'esquisse de projet du CPA, la sous-commission DFJP/ChF de la CdG du Conseil national (CdG-N), compétente en la matière, a décidé le 23 juin 2016 de faire porter l'évaluation sur les questions suivantes:

1 2

1.

Dans quelle mesure la détention administrative est-elle un instrument efficace ou, en d'autres termes, dans quelle mesure la détention administrative permet-elle d'assurer l'exécution des renvois?

2.

Dans quelle mesure le recours des cantons à la détention administrative est-il opportun?

3.

Quelles sont les éventuelles informations concernant la légalité du recours à la détention administrative?

4.

Dans quelle mesure la Confédération veille-t-elle de manière pertinente à ce que le recours à la détention administrative soit opportun?

Évaluation des mesures de contrainte en matière de droit des étrangers, rapport final du CPA à l'attention de la CdG-N du 15.3.2005 (FF 2006 2539).

Application et effet des mesures de contrainte en matière de droit des étrangers, rapport de la CdG-N du 24.8.2005 sur la base d'une évaluation effectuée par le CPA; réponse du Conseil fédéral du 29.6.2011 au courrier de la CdG-N du 16.2.2010.

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La sous-commission compétente a aussi décidé d'ajouter une comparaison européenne au mandat du CPA et de lui demander d'accorder une attention particulière à la situation des requérants d'asile mineurs en détention administrative.

1.2

Méthodologie

Pour qu'elle puisse apporter des réponses aux questions posées, l'évaluation a été conduite sur la base du modèle d'analyse présenté au chap. 1.2.1, qui a servi de fil rouge au recueil et à l'analyse de données (cf. chap. 1.2.2 et annexe 1). Il convient aussi d'évoquer les limites de l'analyse (cf. chap. 1.2.3).

1.2.1

Modèle d'analyse

La détention administrative sert à garantir que les requérants d'asile déboutés quittent bien la Suisse, ou, pour être plus précis, qu'ils quittent la Suisse de manière contrôlée (cf. champs marrons dans le graphique 1). Son application et sa capacité à atteindre cet objectif dépendent cependant aussi d'autres mesures prises dans le cadre de l'exécution du renvoi (cf. graphique 1, au milieu) ainsi que de conditions structurelles (cf. graphique 1, à gauche). Certains de ces facteurs ont pu être pris en compte dans le cadre de l'évaluation, alors que d'autres n'ont pu l'être que de manière très marginale (cf. différentes couleurs dans le graphique 1).

Graphique 1 La détention administrative dans le contexte de l'exécution des renvois

: relation centrale de l'évaluation; : pris en compte dans l'évaluation; : pris en compte que marginalement dans l'évaluation.

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La détention administrative n'est pas la seule mesure applicable aux requérants d'asile déboutés dans le contexte de l'exécution du renvoi: la législation sur les étrangers prévoit d'autres mesures de contrainte comme la rétention ou l'assignation d'un lieu de résidence et l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée ou encore la contrainte policière dans le cadre de renvois forcés. Les requérants d'asile peuvent bénéficier de conseils et d'aide au retour, qui ont pour but de les inciter à rentrer chez eux volontairement. Le fait qu'ils n'aient plus droit qu'à l'aide d'urgence dès le rejet de leur demande d'asile vise également à les inciter à quitter la Suisse.

Pour faciliter l'exécution des renvois, la Confédération s'efforce d'améliorer la coopération avec les pays de destination. Elle négocie des accords de réadmission, qui régissent les modalités de retour des ressortissants de ces Etats obligés à quitter la Suisse. Les accords de coopération et partenariats en matière de migrations vont un peu dans le même sens, mais sont de nature plus générale. Les programmes spécifiques à l'étranger, finalement, prévoient une aide au retour et des mesures de réinsertion limitées dans le temps dans certains pays d'origine de requérants d'asile.

Le choix des mesures appliquées et leurs effets dépendent de conditions structurelles à plusieurs niveaux qui échappent en grande partie à l'influence de la Confédération: il y a d'abord les caractéristiques sociodémographiques des requérants d'asile déboutés comme leur âge, leur sexe ou leur situation familiale, mais aussi la manière dont leur procédure d'asile s'est déroulée (par ex. la nature de la décision négative); ensuite, l'exécution du renvoi dépend du pays de destination: le transfert dans un pays partie aux accords de Dublin ne se passe pas de la même manière que le retour dans un pays dans lequel la situation sécuritaire et économique peut constituer un facteur à prendre en considération. Finalement, le choix des mesures et leurs effets dépendent des structures du canton, de sa taille ou de l'organisation de son administration, voire, pour ce qui est de la détention administrative, de l'existence d'une infrastructure de détention.

Le but de l'exécution du renvoi est d'obtenir un départ de Suisse contrôlé (graphique 1, à droite). Le départ peut
être volontaire ou faire l'objet d'un rapatriement, c'est-à-dire appelant une présence policière (au moins jusqu'à l'avion). Parfois, le séjour de requérants d'asile déboutés peut être légalisé, soit temporairement, le temps d'attendre l'aboutissement d'une nouvelle procédure, soit durablement, par le biais de la réglementation des cas de rigueur. Finalement, il existe des requérants d'asile déboutés dont on ignore s'ils ont bien quitté la Suisse. Dans une partie des dossiers, on trouve la remarque «départ non contrôlé». Cela signifie que l'on est sans nouvelles de ces personnes depuis un certain temps et qu'elles ont donc, au moins passagèrement, opté pour la clandestinité. Chez les autres personnes de cette catégorie, aucune inscription ne figure à la rubrique «départ». On ignore donc si elles sont parties ou non, mais certaines se trouvent certainement encore en Suisse, notamment dans les structures d'aide d'urgence des cantons.

L'importance des différents facteurs mentionnés dans le modèle d'analyse a été étudiée au moyen de plusieurs relevés et analyses de données.

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1.2.2

Relevés et analyses de données

Pour répondre aux questions de l'évaluation, quatre récoltes et analyses de données ont été réalisées; celles-ci sont brièvement décrites dans le tableau 1.

Tableau 1

no

Questions

Analyse statistique (mandat externe)

Analyse juridique et analyse de documents

Entretiens

Comparaison européenne

Utilité des analyses pour répondre aux questions de l'évaluation

1

Efficacité de la détention administrative









2

Opportunité de la détention administrative







3

Informations concernant la légalité







4

Adéquation du rôle de la Confédération







Légende: : analyse principale pour cette question; : analyse complémentaire pour cette question.

Pour l'analyse statistique, le CPA a mandaté le bureau d'études BASS (Guggisberg/ Abrassart/Bischof 2017). Cette analyse a servi avant tout à évaluer l'efficacité et l'opportunité de la détention administrative. Se fondant sur les données du système d'information central sur la migration (SYMIC), BASS a notamment procédé à une analyse longitudinale destinée à montrer ce qu'il advenait des requérants d'asile déboutés dans les dix-huit mois suivant la décision négative Cette analyse a inclus toutes les personnes dont la demande a été rejetée ou classée définitivement entre 2011 et 2014 et qui n'ont pas bénéficié d'une admission provisoire.3 Les autres relevés et analyses de données ont été réalisés par le CPA lui-même.

L'analyse de la situation juridique, y compris non seulement toutes les lois, ordonnances et directives pertinentes, mais aussi les dispositions de l'Union européenne (UE) contraignantes pour la Suisse du fait de son adhésion aux accords de Schengen et de Dublin, a servi de base pour chacune des questions. Quant à l'analyse systématique d'une septantaine de documents, essentiellement du SEM, elle a été utile en premier lieu à l'évaluation du rôle de la Confédération.

Le CPA a mené des entretiens avec une bonne cinquantaine de personnes au total, notamment dans le cadre d'entretiens collectifs conduits avec les services des migrations de huit cantons différents par leur taille, leur langue et leur situation géogra3

Au moment de l'analyse, les données étaient disponibles jusqu'en juin 2016. Comme les requérants d'asile déboutés qui recevaient leur décision après 2014 ne pouvaient plus être suivis pendant 18 mois à compter de la date de la décision négative, elles ont été exclues de l'analyse. Pour plus de détails sur la méthodologie de l'analyse statistique, cf. Guggisberg/Abrassart/Bischof 2017, ch. 1.4.

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phique (AR, BL, FR, NE, TG, UR, VD, ZH). Ces entretiens ont été conduits avec des groupes de deux à six personnes. Au début de l'évaluation, le CPA a en outre organisé une dizaine d'entretiens exploratoires et a, en compagnie de représentants de BASS, rendu visite au SEM pour se faire expliquer comment les données étaient recueillies dans le domaine de l'exécution des renvois. Le CPA a aussi contacté de nombreux collaborateurs du SEM par téléphone pour leur poser des questions ponctuelles. Au terme de l'évaluation, il en a discuté les résultats avec le SEM et avec le Secrétariat général de la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) dans le cadre de deux entretiens distincts.

La comparaison européenne se présente en deux parties: une analyse statistique et une synthèse d'évaluation. Une analyse statistique de la détention administrative dans les différents pays n'a pas été possible faute de données fiables. Le CPA s'est donc contenté d'une étude comparative des taux de succès de l'exécution des renvois dans les pays européens: sur la base de données fournies par Eurostat, l'agence statistique de l'UE, il a comparé d'une part les départs contrôlés dans les pays d'origine et dans les pays tiers et d'autre part les transferts selon la procédure Dublin. Si, pour la Suisse, les statistiques Dublin sont complètes, elles comportent certaines lacunes dans le cas d'autres pays, ou contiennent des données peu crédibles, raison pour laquelle elles n'ont pas toutes été prises en considération.

S'agissant des départs contrôlés dans les pays d'origine et les pays tiers, la Suisse ne fournit pas de données à l'UE. Le CPA a donc été obligé de se rabattre sur la statistique suisse en matière d'asile, dont les données ne sont toutefois que partiellement comparables avec celles de l'UE.

Dans le contexte de sa synthèse d'évaluation, le CPA a analysé deux évaluations de la Commission européenne (Matrix 2013; Jurado/Beirens/Maas et al. 2016) portant sur la manière dont le cadre réglementaire de l'UE en matière de détention administrative est appliqué dans les différents Etats de l'espace Schengen/Dublin, dont la Suisse. Comme ces évaluations étaient parfois contradictoires et comme elles comportaient de nombreuses lacunes en ce qui concerne la Suisse, le CPA a
aussi eu recours, pour compléter les données concernant la Suisse et les pays voisins, à la banque de données AIDA4 du Conseil européen pour les réfugiés et les exilés (ECRE). Finalement, seules les informations qui étaient concordantes dans les différentes sources ont été utilisées.

Le Département fédéral de justice et police (DFJP) a donné son avis sur un projet du présent rapport en août 2017 dans le cadre de la consultation de l'administration.5

4

5

ECRE: Asylum Information Database (AIDA), consultée sur: www.asylumineurope.org > Countries > Austria/France/Germany/Italy/Switzerland > Detention of Asylum Seekers (état au 21.12.2016).

Evaluation concernant la détention administrative de requérants d'asile: consultation de l'administration du 14 juillet au 1er septembre 2017, avis du DFJP (SEM-OFJ) à l'attention du CPA du 28 août 2017.

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1.2.3

Limites de l'évaluation

Les principales limites de l'évaluation ressortent du modèle d'analyse selon le graphique 1. Dans l'analyse statistique, il n'a pas été possible de prendre en compte directement ni l'influence des mesures autres que la détention administrative appliquées dans le cadre de l'exécution du renvoi ni celle des facteurs structurels au niveau cantonal. Soit les données existantes se sont révélées insuffisantes, soit les facteurs en question ont été jugés insignifiants et ont donc été exclus des analyses (voir aussi Guggisberg/Abrassart/Bischof 2017: 6­9). Il n'est en outre pas possible d'expliquer statistiquement le choix de la clandestinité, étant donné qu'il n'existe pas de chiffres fiables à ce sujet (cf. chap. 3.1.1 et 6.2.3).

L'évaluation se caractérise aussi par une restriction significative sur le plan chronologique dans la mesure où les effets du règlement Dublin III6, qui est venu restreindre le recours à la détention administrative dans les cas Dublin, ne ressortent pas de l'analyse statistique. La révision du cadre légal7, entrée en vigueur au 1er juillet 2015, est en effet intervenue trop tard pour la plupart des personnes dont la demande d'asile a été rejetée avant la fin de 2014, analysées par la présente évaluation.

Compte tenu des difficultés rencontrées en ce qui concerne la disponibilité et la qualité des données et informations, les résultats de la comparaison européenne n'ont pu être utilisés que de manière ponctuelle.

1.3

Structure du rapport

Le chapitre suivant, qui porte sur les bases légales de la détention administrative, est suivi de quatre chapitres dont chacun a pour objet l'une des questions auxquelles le présent rapport tente de répondre: le chap. 3 est consacré à l'efficacité de la détention administrative, le chap. 4 à l'opportunité d'y avoir recours, le chap. 5 porte sur les informations concernant la légalité et le chap. 6 éclaire le rôle de la Confédération. Les conclusions, finalement, sont présentées au chap. 7.

2

Bases légales de la détention administrative

La détention administrative est régie aux art. 75 à 82 de la loi sur les étrangers (LEtr)8. Elle est l'une des mesures de contrainte prévues par la législation sur les étrangers, les autres étant la rétention ainsi que l'assignation d'un lieu de résidence

6

7

8

Règlement (UE) No 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26.6.2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

Modification de la loi sur les étrangers selon l'annexe, ch. I 1, de l'arrêté fédéral du 26.9.2014 (reprise du règlement Dublin III), en vigueur depuis le 1.7.2015 (RO 2015 1841; FF 2014 2587).

Loi fédérale du 16.12.2005 sur les étrangers (RS 142.20).

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et l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée9. La description qui suit inclut toutes les normes en vigueur dès 2011 (début de la période sur laquelle porte l'évaluation) qui s'appliquent à la détention administrative10. Elle commence par une typologie des décisions négatives, car c'est du type de décision que dépendent les formes de détention entrant en ligne de compte. Après une présentation de ces formes de détention, le chap. 2 se poursuit par un éclairage de l'examen de la détention par une autorité judiciaire ainsi que des conditions de détention. La dernière partie du chapitre est consacrée aux bases légales de la détention administrative de mineurs ainsi qu'à la participation financière de la Confédération.

2.1

Types de décisions négatives

Dans le présent rapport, on distingue trois types de décisions négatives qui ont pour conséquence que les requérants d'asile doivent quitter la Suisse11: 1.

Décision de non-entrée en matière dans la procédure Dublin (NEM-Dublin): le requérant est renvoyé dans un autre Etat de l'espace Dublin compétent pour le traitement de la demande d'asile.

2.

Rejet de la demande d'asile suite à son examen quant au fond ou décision de non-entrée en matière en dehors de la procédure Dublin (rejet/NEM): le requérant est renvoyé dans son Etat d'origine ou de provenance ou dans un pays tiers réputé sûr. Par souci de simplification, il sera question de renvoi dans «le pays d'origine» ou «le pays de provenance» dans la suite du rapport.

3.

Classement: la demande d'asile est classée (radiée du rôle) et donc close notamment lorsque le requérant se déclare disposé à retirer sa demande d'asile et à rentrer volontairement. La radiation implique la perte du droit de séjourner en Suisse avec le statut de requérant d'asile12.

Le type de décision a une influence sur les formes de détention qui pourront être appliquées.

9

10

11

12

N'entrent pas dans cette catégorie les mesures de contrainte policière appliquées dans le cadre de rapatriements (p. ex. utilisation de liens), régies par la loi fédérale du 20.3.2008 sur l'usage de la contrainte et de mesures policières dans les domaines relevant de la compétence de la Confédération (loi sur l'usage de la contrainte, LUsC; RS 364).

La description est fondée sur les directives relatives à la LEtr qui s'appliquaient durant la période couverte par l'évaluation (SEM, Mesures de contrainte prévues en droit des étrangers. Dans: Directives et commentaires dans le domaine des étrangers [Directives LEtr] des 1.7.2009, 30.9.2011, 25.10.2013, 4.7.2014, 13.2.2015, 1.7.2015, 24.10.2016 et 3.7.2017, ch. 9) ainsi que sur le manuel Asile et retour du SEM (2015).

On aurait pu y ajouter la révocation de l'asile ainsi que la levée de l'admission provisoire, mais comme le nombre de cas est très faible, ces types de décisions n'ont pas été incluses dans l'évaluation.

D'un point de vue strictement juridique, la radiation du rôle n'est pas une décision, mais un acte par lequel une autorité administrative clôt de manière formelle une procédure administrative (SEM, manuel Asile et retour, article E5).

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2.2

Formes et durée de détention

La LEtr prévoit différentes formes de détention administrative, dont certaines ont été influencées par les normes de l'UE13 auxquelles la Suisse est tenue du fait de son association à Schengen/Dublin. La présentation, ci-après, des principales formes de détention administrative est suivie d'une section spécialement consacrée à la détention dans le cadre de la procédure Dublin, dont le cadre légal a changé durant la période couverte par l'évaluation.

2.2.1

Détention en phase préparatoire, en vue du renvoi ou de l'expulsion et détention pour insoumission

Par principe, les autorités peuvent avoir recours à la détention administrative si elles ont lieu d'admettre qu'une personne a l'intention de se soustraire au renvoi et si l'exécution du renvoi à court terme est prévisible. Ce principe s'applique à toutes les formes de détention. De plus, elles sont subordonnées à des conditions additionnelles. Les différentes formes de détention s'appliquent à différentes phases de la procédure et ne visent pas les mêmes buts (cf. détails à l'annexe 2): ­

Détention en phase préparatoire (art. 75 LEtr): elle est ordonnée avant la notification de la décision de renvoi et sert à assurer la préparation de cette décision.

­

Détention en vue du renvoi ou de l'expulsion (art. 76 LEtr): elle est ordonnée après la notification de la décision de renvoi et sert à assurer l'exécution de la décision.

­

Détention pour insoumission (art. 78 LEtr): elle est ordonnée lorsque le requérant débouté n'a pas quitté la Suisse au terme du délai imparti et sert à l'inciter à changer son comportement dans les cas où le renvoi ou l'expulsion n'est pas possible sans sa coopération.

Selon l'art. 79 LEtr, toutes ces formes de détention, y compris la détention dans le cadre de la procédure Dublin, ne doivent pas totaliser plus de six mois. Avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, cette durée maximale de la détention peut être prolongée de douze mois au plus. La durée maximale de la détention administrative ­ si l'on compte les prolongations possibles ­ est donc de 18 mois.

Outre les trois formes de détention en vue du renvoi déjà mentionnées, il en existe encore deux autres, plus courtes: la détention après un séjour en centre d'enregistrement et de procédure (CEP) de la Confédération et la détention en cas de non-collaboration à l'obtention des documents de voyage. Dans les deux cas, les conditions à remplir pour la mise en détention sont peu restrictives: il suffit que la décision de renvoi ait été notifiée dans un CEP et que l'exécution de la décision soit imminente, 13

La directive retour de l'UE (directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16.12.2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier) a été reprise dans la législation fédérale au 1.1.2011, le règlement Dublin III, mentionné au ch. 1.2.3, au 1.7.2015.

7524

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ou que l'autorité ait dû se procurer elle-même les documents de voyage, indépendamment du comportement de l'intéressé.

2.2.2

Détention dans le cadre de la procédure Dublin

Jusqu'au milieu de l'année 2015, les personnes relevant de la procédure Dublin pouvaient, comme tous les autres requérants d'asile, être mises en détention en phase préparatoire, en détention en vue du renvoi ou en détention pour insoumission si les conditions étaient remplies. En outre, la détention en phase préparatoire ou la détention en vue du renvoi pouvait être ordonnée dès le moment où la personne affirmait ne pas avoir déposé de demande d'asile dans un autre Etat de l'espace Dublin alors même que ses empreintes digitales avaient déjà été enregistrées dans un autre pays (cf. détails à l'annexe 3). Même les personnes qui admettaient qu'elles avaient déjà déposé une demande d'asile dans un autre Etat pouvaient être détenues pendant 30 jours au plus. Il suffisait qu'il soit prévisible que la décision de renvoi dans le cadre de la procédure Dublin acquière force exécutoire à court terme. Les conditions auxquelles une détention administrative pouvait être ordonnée à l'encontre d'une personne ayant été l'objet d'une décision de non-entrée en matière Dublin étaient donc peu strictes.

Avec la reprise du règlement Dublin III au 1er juillet 2015, ces conditions sont devenues nettement plus strictes: en vertu du nouvel art. 76a LEtr et des dispositions du droit européen supérieur, il doit y avoir des indices concrets d'un risque sérieux de passage dans la clandestinité dans le cas d'espèce. La détention avant la notification de la décision ne doit pas durer plus de sept semaines et la détention en vue de l'exécution est limitée à six semaines. A cela peut venir s'ajouter une détention de cinq semaines au plus le temps d'attendre la fin d'une procédure par laquelle l'autre Etat est contacté une nouvelle fois après qu'il a donné une première réponse négative. Par ailleurs, la durée de la détention ordonnée dans le cadre de la procédure Dublin est prise en compte dans le calcul de la durée totale de la détention au sens de l'art. 79 LEtr (voir plus haut).

2.3

Examen de la détention et conditions de détention

La décision d'ordonner la détention est assujettie à un examen par l'autorité judiciaire. Les modalités de cet examen, régies aux art. 80 et 80a LEtr, dépendent du type de détention (cf. annexe 2 et annexe 3, dernières lignes). Dans le cas des types de détention de plus courte durée, l'examen se fait généralement par écrit et seulement à la demande de la personne détenue. Pour les formes de détention pouvant durer plus longtemps, l'examen doit avoir lieu dans les 96 heures, au terme d'une procédure orale. Il porte sur la légalité et l'adéquation de la détention. L'autorité judiciaire doit tenir compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d'exécution de la détention.

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Les conditions de détention sont régies à l'art. 81 LEtr. S'agissant par exemple des contacts avec l'extérieur, il y est précisé que la personne détenue doit pouvoir s'entretenir et correspondre avec son mandataire et les membres de sa famille. Pour ce qui est des locaux, la loi a été modifiée: dans la version d'origine, il était prévu que les personnes en détention administrative ne doivent pas être détenues avec des personnes en détention préventive ou purgeant une peine; de plus, une occupation adéquate devait leur être proposé dans la mesure du possible; dans la nouvelle version, en vigueur depuis le 1er février 2014, cette séparation stricte a été assouplie: le regroupement avec des personnes en détention préventive ou purgeant une peine doit être évité et n'est en tous cas admissible que de manière provisoire et pour surmonter une période de surcharge dans le domaine des détentions administratives.

L'occupation adéquate a été supprimée de la loi par le Parlement.

La loi exige en outre que la forme de détention tienne compte des besoins des personnes à protéger, des mineurs non accompagnés et des familles accompagnées d'enfants. La détention administrative de mineurs est, en plus, assujettie aux dispositions résumées au chapitre suivant.

2.4

Détention administrative de mineurs

En vertu de l'art. 80, al. 4, LEtr, la détention administrative est exclue «pour les enfants et les adolescents de moins de quinze ans». Cela signifie donc, à l'inverse, que les adolescents de quinze ans ou plus peuvent être mis en détention. Selon l'art. 80a, al. 5, LEtr, les mêmes règles s'appliquent à la détention dans le cadre de la procédure Dublin. Ce n'est qu'au 1er mars 2015 que les dispositions légales ont été adaptées pour exclure l'application de la détention pour insoumission aux mineurs de moins de quinze ans.

L'art. 79 LEtr fixe la durée maximale de la détention à 12 mois pour les mineurs.

Rappelons qu'elle est de 18 mois pour les adultes.

2.5

Participation financière de la Confédération

Conformément à l'art. 82 LEtr, la participation de la Confédération aux coûts de la détention administrative est double: d'une part, selon l'al. 2, elle participe aux frais d'exploitation des cantons à raison d'un forfait journalier pour «l'exécution de la détention en phase préparatoire, de la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion [et] de la détention pour insoumission». La détention dans le cadre de la procédure Dublin n'est pas mentionnée à l'art. 82 LEtr. A l'article correspondant de l'ordonnance déterminant le montant du forfait journalier14, il est précisé que le forfait est versé pour la détention ordonnée conformément aux art. 75 à 78 LEtr, ce qui inclut la détention ordonnée dans le cadre de la procédure Dublin. Au 1er février 2014, le forfait a passé de 140 francs à 200 francs par jour de détention.

14

Art. 15, al. 1, de l'ordonnance du 11.8.1999 sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers (OERE; RS 142.281).

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Les groupes de personnes pour lesquelles le forfait est versé sont énumérés dans l'article de loi: outre les personnes relevant du domaine de l'asile, en font aussi partie les étrangers dont la détention a été ordonnée en relation avec une décision de renvoi du SEM.

D'autre part, la Confédération a aussi obtenu la possibilité, en vertu de l'art. 82, al. 1, LEtr, entré en vigueur au 1er février 2014, de financer totalement ou partiellement la construction et l'aménagement d'établissements de détention cantonaux d'une certaine importance destinés à l'exécution de la détention administrative15. En vertu des dispositions de l'ordonnance d'exécution16, la proportion des frais de construction et d'aménagement pris en charge par la Confédération dépend du nombre des places de détention que l'établissement met à la disposition de l'exécution des renvois dans le domaine de l'asile directement à partir des logements de la Confédération.

3

Efficacité de la détention administrative

Résumé: la détention administrative est une mesure efficace. S'il est vrai qu'à peine un requérant d'asile débouté sur deux quitte le pays de manière contrôlée, il semblerait que ce résultat doive être considéré comme bon comparé à la situation dans les autres pays européens ­ précisons que la comparaison est difficile faute de données suffisantes. Le recours à la détention administrative et son efficacité diffèrent en fonction des types de décisions négatives. De toutes les personnes qui se sont vu notifier une décision de non-entrée en matière dans le cadre de la procédure Dublin avant 2015, 39 % ont été mises en détention dans les 18 mois. Ces personnes détenues ont ensuite pratiquement toutes été transférées dans un autre Etat Dublin.

Dans les cas relevant de la procédure Dublin, la détention administrative est donc très efficace. Sur les personnes ayant été l'objet d'un renvoi dans leur pays d'origine, par contre, seul 7 % ont été mises en détention et, sur ce nombre, deux sur trois seulement ont été effectivement rapatriées. Ce pourcentage reste cependant plus élevé que chez les personnes n'ayant pas été détenues.

Le présent chapitre commence par une présentation des résultats de l'exécution des renvois en Suisse et la seconde partie est consacrée à la question de la contribution de la détention administrative au succès de l'exécution des renvois de requérants d'asile déboutés.

15

16

Une disposition similaire avait été supprimée en 2008. La norme a été réintroduite dans le cadre de la restructuration du domaine de l'asile (aménagement de centres de départ dans certains cantons pouvant générer un besoin accru de places de détention).

Art. 15j à 15o OERE

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3.1

Résultats de l'exécution des renvois

Seule une partie des requérants d'asile ayant reçu une décision de renvoi quittent effectivement la Suisse. Cette réalité est l'objet de la première partie du chapitre.

Dans la seconde partie, la proportion des départs de Suisse des personnes ayant reçu une décision de renvoi est comparée aux chiffres d'autres pays européens.

3.1.1

Près de la moitié des requérants d'asile déboutés quitte la Suisse de manière contrôlée

Sur mandat du CPA, BASS (Guggisberg/Abrassart/Bischof 2017: 31­44) a cherché à savoir quel était le statut des requérants d'asile déboutés 18 mois après la notification de la décision négative17. Les personnes admises provisoirement n'ont pas été prises en considération. En d'autres termes, l'exécution du renvoi a été jugé licite, raisonnablement exigible et possible dans tous les cas étudiés. L'ensemble des personnes qui ont reçu une décision négative la même année est qualifié de cohorte.

L'évaluation porte sur tous les requérants d'asile faisant l'objet d'une décision négative exécutoire rendue entre 2011 et 2014. On distingue donc quatre cohortes.

Sur un total de 61 677 personnes déboutées au cours de la période couverte par l'analyse, 47 % ont quitté la Suisse de manière contrôlée en l'espace de 18 mois (cf.

graphique 2). Dans un peu plus de 8 % des cas (5269), le séjour en Suisse a été légalisé. Neuf légalisations sur dix n'étaient toutefois que temporaires puisqu'elles correspondaient à l'ouverture d'une nouvelle procédure. 560 personnes seulement ont bénéficié d'un séjour pour cas de rigueur. Dans un quart de toutes les décisions négatives, on trouve dans SYMIC la remarque «départ non contrôlé». Cela signifie que les autorités n'ont plus eu de contact avec les requérants déboutés depuis un certain temps. Ces personnes ont donc opté pour la clandestinité et on ignore si elles se trouvent toujours en Suisse ou si elles ont effectivement quitté le pays. Dans un cinquième des cas, le départ est pendant, c'est-à-dire SYMIC ne contient aucune information sur le départ dans les 18 mois après la notification de la décision négative. Pour un tiers de ces personnes, les autorités cantonales avaient sollicité l'aide de la Confédération pour l'exécution du renvoi dans le sillage de la décision négative (pour obtenir les documents nécessaires ou pour organiser le départ). Sans résultat durant les 18 mois considérés puisqu'aucun départ contrôlé n'a pu être enregistré.

17

Le choix d'une période de 18 mois s'explique par le fait que cette durée permet d'obtenir un résultat de l'exécution des renvois relativement stable. En d'autres termes, on n'a que peu de cas dans lesquels la situation en matière de départ change encore après l'échéance de ce délai.

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Graphique 2 Départs de Suisse: situation 18 mois après la décision négative Départ pendant 20%

Départ contrôlé 47%

Départ non contrôlé 25%

Légalisation du séjour 8%

N=61 677 décisions négatives en matière d'asile, cohortes 2011 à 2014 Source: Guggisberg/Abrassart/Bischof 2017: Annexe tab. 4 et graph. 13. Calculs: CPA

Pour essayer d'en savoir plus sur les personnes des catégories «départ non-contrôlé» et «aucune information», BASS a examiné, pour une partie d'entre elles, si on retrouvait leur trace dans les registres de l'aide d'urgence dans les 18 mois qui ont suivi la notification de la décision négative (Guggisberg/Abrassart/Bischof 2017: 42­44). C'est le cas pour 41 % d'entre elles dans la catégorie «départ non contrôlé», ce qui signifie qu'elles sont restées en Suisse au moins un certain temps après avoir reçu leur décision négative. Le 59 % restant n'a par contre pas eu recours à l'aide d'urgence dans les 18 mois qui ont suivi la notification de la décision négative. Pour la plupart, ces personnes ont vraisemblablement passé dans la clandestinité sans que cela n'ait donné lieu à une inscription «départ non contrôlé» dans SYMIC. BASS a aussi examiné si les personnes dont le dossier fait état d'un «départ non contrôlé» dans SYMIC avaient eu recours à l'aide d'urgence. Le soupçon a pu être vérifié dans 9 % des cas étudiés. En d'autres termes, ces personnes ont refait surface après avoir passé dans la clandestinité sans que cet état de fait n'ait été enregistré dans SYMIC.

Ces recherches complémentaires ont permis de préciser les résultats de l'exécution du renvoi présentés dans le graphique 2: la proportion des personnes passées dans la clandestinité dans les 18 mois qui ont suivi la notification de la décision négative n'est probablement pas d'un quart, mais plutôt d'un tiers et on a lieu d'admettre qu'une personne sur dix au moins séjourne toujours en Suisse en bénéficiant de l'aide d'urgence.

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3.1.2

En comparaison avec d'autres pays européens, l'exécution des renvois donne de bons résultats

Pour pouvoir juger des résultats de l'exécution des renvois en Suisse, le CPA les a comparés à ceux d'autres pays européens qui enregistrent un nombre de demandes d'asile comparable par habitant et par année. Dans l'UE, il existe des chiffres relatifs aux départs contrôlés, qui incluent cependant le domaine des étrangers en plus du domaine de l'asile. La Suisse ne fournit pas ces données statistiques à l'UE. Le CPA a donc été contraint de se rabattre sur les statistiques du SEM relatives aux rapatriements dans les pays d'origine ou les pays tiers en dehors de l'UE et de l'espace Schengen. Ces chiffres ne comprennent cependant pas les départs volontaires consécutifs à la décision de renvoi, inclus dans les statistiques de l'UE18. Le nombre des départs contrôlés devrait donc avoir tendance à être sous-estimé en Suisse19.

Il est d'autant plus surprenant que la Suisse enregistre malgré tout un nombre de départs important comparé au nombre des personnes renvoyées (graphique 3). Dans les années 2013 à 2015, le taux des départs de Suisse dépasse même 100 %, une situation que l'on retrouve cependant aussi en Allemagne et au Luxembourg. Ce paradoxe s'explique par le fait que l'on trouve parmi ces départs contrôlés des personnes qui se sont vu notifier la décision de renvoi déjà bien avant. Dans les autres pays, les taux de départ sont nettement inférieurs à ceux de la Suisse pour toutes les années étudiées.

18

19

Les chiffres relatifs aux départs volontaires que l'on trouve dans les statistiques du SEM en matière d'asile ne sont pas comparables parce qu'ils incluent notamment les départs volontaires qui ne sont pas consécutifs à une décision de renvoi. Or, cette catégorie de départs n'est pas comprise dans les chiffres de l'UE.

Le CPA a renoncé à la comparaison prévue des renvois dans des pays individuels par crainte de voir ce facteur des départs volontaires non pris en considération fausser les résultats.

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Graphique 3 Rapport entre les départs contrôlés* et les renvois dans les Etats d'origine ou des Etats tiers dans des pays ayant des nombres de demandes d'asile comparables par habitant 120 % 100 % 80% 60% 40% 20% 0% 201 2 Suisse Luxembou rg

201 3

201 4 Alle ma gne Norvège

201 5 Autriche Belg ique

*: les chiffres des départs contrôlés de Suisse ne sont que partiellement comparables Source: Eurostat 2016, statistiques du SEM en matière d'asile 2016. Calculs CPA

En Suisse, le taux de départ élevé s'explique essentiellement par le nombre important des rapatriements vers l'Albanie (taux moyen entre 2012 et 2015: 212 %), la Serbie (125 %) et le Nigéria (111 %). Comme l'Albanie ne faisait pas partie des principaux pays d'origine des requérants d'asile durant la période considérée par la comparaison internationale (2012 à 2015), le taux de départ calculé pour la Suisse n'est que peu significatif pour le domaine de l'asile. Pour ce qui est de la Serbie, la Suisse a conclu un accord de réadmission avec ce pays en 2010. Quant au Nigéria, il a signé un partenariat migratoire avec la Suisse en 2011. Ce sont vraisemblablement ces accords qui sont à l'origine de l'augmentation du nombre des rapatriements vers ces deux pays depuis 2012. L'accord de réadmission avec l'Albanie existe, quant à lui, depuis l'an 2000. Le taux de départ élevé est donc aussi le reflet des efforts déployés pour améliorer la coopération internationale avec certains Etats.

Pour le domaine de l'asile, la comparaison portant sur l'exécution des accords de Dublin est plus révélatrice que la comparaison précédente, qui incluait le domaine des étrangers. Ainsi, le graphique 4 révèle que la Suisse présente un nombre relativement élevé de demandes dans le cadre de la procédure Dublin en comparaison avec le nombre annuel des nouvelles demandes d'asile (barres foncées). Durant la période entre 2012 et 2015, le SEM a en effet présenté une demande de transfert 7531

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dans un autre Etat Dublin pour 46 % des requérants d'asile ayant présenté une demande en Suisse. Dans les pays ayant enregistré un nombre de demandes d'asile comparable par habitant et par année, dont l'Allemagne et l'Autriche, cette proportion était plus que moitié moins élevée. Avec quelque 12 %, la Suisse occupe aussi la première place pour les transferts Dublin par rapport aux demandes d'asile (barres claires).

Graphique 4 Demandes Dublin et transferts Dublin par rapport aux demandes d'asile pour des pays ayant des nombres de demandes d'asile comparables par habitant Suisse Autriche Luxembou rg Norvège Alle ma gne Belg ique 0%

10%

20%

30%

40%

50%

Demandes Du blin par rapp ort aux demande s d'asile Transfe rts Du blin par rappo rt aux demande s d'asile

Moyenne de la période 2012 à 2015 Source: Eurostat 2016. Calculs CPA

En Suisse, en Allemagne et en Autriche, le taux des transferts Dublin a diminué entre 2012 et 2015 (cf. graphique 5). Cette baisse s'explique essentiellement par l'effondrement du nombre des transferts Dublin de ces Etats vers l'Italie, qui, à partir de 2014, n'a plus été en mesure d'enregistrer tous les nouveaux arrivants en raison de l'explosion du nombre de demandeurs d'asile. En conséquence, les pays partenaires ont été contraints de réduire le nombre des demandes de transfert Dublin adressées à l'Italie. Comme l'Italie est de loin la principale partenaire de la Suisse dans le cadre de la procédure Dublin, puisque près de deux tiers des demandes Dublin de la Suisse lui sont adressés, les effets de cette surcharge des structures italiennes ont été ressenties de manière particulièrement marquée. Dans le cas de l'Allemagne, de l'Autriche et des autres pays pris en compte dans la comparaison, la proportion des demandes Dublin adressées à l'Italie est moins importante. En conséquence, les taux des transferts Dublin ont diminué dans une moindre mesure.

Graphique 5

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Taux des transferts Dublin pour des pays ayant des nombres de demandes d'asile comparables par habitant 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% 201 2

201 3 Suisse Luxembou rg

201 4 Alle ma gne Norvège

201 5 Autriche Belg ique

Source: Eurostat 2016. Calculs CPA

Dans l'ensemble, tant les chiffres relatifs à l'exécution des renvois dans le pays d'origine ou dans un pays tiers que ceux qui se rapportent à l'exécution dans le cadre de la procédure Dublin tendent à indiquer que la proportion des personnes visées par une décision de renvoi qui quittent la Suisse est importante en comparaison avec d'autres pays. Il reste à déterminer dans quelle mesure la détention administrative y contribue.

3.2

Contribution de la détention administrative à l'exécution des renvois

La fréquence du recours à la détention administrative et son efficacité dépendent de la nature de la décision négative. Après une présentation des différents taux de détention, l'efficacité de celle-ci sera évaluée d'abord dans les cas Dublin, puis dans les cas de renvoi dans le pays d'origine.

3.2.1

Les taux de détention dépendent du type de décision

Sur un nombre total de 61 677 décisions d'asile négatives rendues entre 2011 et 2014), les personnes concernées par 12 227 d'entre elles ont été mises en détention administrative au moins une fois dans les 18 mois qui ont suivi la notification de la

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décision. Dans 9 % des cas, les personnes ont été détenus plusieurs fois (Guggisberg/Abrassart/Bischof 2017: 20­21).

Jusqu'au milieu de l'année 2015 (cf. chap. 2.2 consacré aux bases légales), la procédure Dublin autorisait des formes de détention administrative qui pouvaient être ordonnées à des conditions moins strictes que ce n'est le cas actuellement. Ces types de détention n'ont toutefois pas été étudiés séparément, mais ont été catégorisés soit comme détention en phase préparatoire, soit comme détention en vue du renvoi ou de l'expulsion. Avec ses différentes variantes, cette dernière totalise 95,2 % de toutes les détentions administratives et constitue donc de loin le type le plus fréquent. La détention en phase préparatoire représente 3,9 % des cas et la détention pour insoumission 0,3 % seulement (41 cas). Les 78 cas de détention Dublin enregistrés après le 1er juillet 2015 correspondent à une part de 0,6 %.

En définitive, la distinction en fonction des types de détention est moins intéressante que la distinction en fonction de la nature de la décision négative (cf. aussi chap. 2.1): Le tableau 2 indique d'abord combien de fois les décisions des différents types ont été rendues durant la période étudiée. 44 % des décisions négatives étaient des NEM Dublin, 38 % des rejets de la demande d'asile ou d'autres NEM s'accompagnant d'un renvoi dans l'Etat d'origine et dans 18 % des cas, il s'agissait de radiations du rôle. Le nombre des décisions ayant donné lieu à une mise en détention au moins par rapport au nombre total des décisions par type de décision négative donne le taux de mise en détention, soit le pourcentage des personnes qui ont reçu un certain type de décision négative et qui ont été détenues au moins une fois à la suite. Ce pourcentage est très variable: parmi les cas Dublin, il y a eu 39 % de détentions, soit près de deux personnes sur cinq. Parmi les requérants qui ont été renvoyés dans leur pays d'origine après le rejet de leur demande ou la notification d'une NEM, 7 % ont été détenus et parmi les requérants dont la demande a été rayée du rôle, le taux de détention n'était que de 2 %.

Tableau 2 Fréquence des différents types de décisions négatives au niveau total et avec détention Type de décision

Nombre de décisions

Proportion des diffé- Nombre de décisions rents types de décision avec détention

Taux de mise en détention

NEM Dublin Rejet/NEM Radiation

26 973 23 699 11 005

44 % 38 % 18 %

10 429 1 601 197

39 % 7% 2%

Total

61 677

100 %

12 227

20 %

Cohortes 2011 à 2014 Source: Guggisberg/Abrassart/Bischof 2017: tab. 3, tab. 10 et annexe tab. 4

Dans le cadre des entretiens, les représentants des autorités cantonales des migrations ont presque tous affirmé qu'une mise en détention avait été «systématiquement» ordonnée dans les cas Dublin par le passé. Cela n'est plus possible depuis l'entrée en vigueur du règlement Dublin III, ce qui aurait conduit, selon eux, à une

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baisse significative du taux de mise en détention. Cette baisse, pourtant, n'apparaît qu'à peine dans les données statistiques, probablement parce que la modification du cadre légal n'a commencé à être ressentie par les personnes ayant reçu une décision négative en matière d'asile qu'après 2014.

Jusqu'en 2014 au moins, les autorités ont eu recours à la détention administrative principalement dans les cas Dublin, qui représentaient 85 % de toutes les détentions.

13 % des personnes détenues s'étaient vu notifier un rejet de leur demande ou une NEM. Quant aux personnes dont la demande avait été radiée du rôle, elles ne représentaient que 1,6 % des détentions, raison pour laquelle l'efficacité de la mesure n'a pas été examinée pour ce groupe.

3.2.2

Détention dans les cas Dublin: une mesure extrêmement efficace

Il ressort de la section précédente que 39 % des personnes pour lesquelles une NEM Dublin a été prononcée ont été visées par une détention administrative au moins une fois dans le courant des 18 mois qui ont suivi la notification de la décision négative.

Leur détention a duré 14 jours en moyenne et moins de 30 jours pour 90 % d'entre elles (Guggisberg/Abrassart/Bischof 2017: 25).

La proportion des départs contrôlés après une détention administrative est très élevée dans les quatre cohortes pour les cas Dublin (cf. graphique 6), avec une moyenne de 99 %. La mesure est donc extrêmement efficace dans les cas Dublin puisque seul 1 % environ des personnes détenues après une NEM Dublin n'a pas quitté le pays de manière contrôlée.

Chez les personnes que relèvent de la procédure Dublin, mais qui n'ont pas été mises en détention, la proportion des départs contrôlés a par contre baissé au fil du temps, de 37 % pour les personnes ayant reçu leur décision négative en 2011 à 20 % pour celles qui ont été renvoyées en 2014. En moyenne, on a enregistré un départ contrôlé pour 28 % des personnes qui relèvent de la procédure Dublin, mais qui n'ont pas été détenues.

7535

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Graphique 6 Cas Dublin: proportion des départs contrôlés avec détention et sans détention, par cohortes 100 % 90%

80% 70% 60%

50% 40% 30%

20% 10% 0% 201 1

201 2

NEM Dubl in a vec détention

201 3

201 4

NEM Dubl in sans détention

N=25 974 NEM Dublin avec obligation de quitter le pays (10 347 avec détention et 15 627 sans détention) Source: Guggisberg/Abrassart/Bischof 2017: graph. 27

Il a été difficile de déterminer statistiquement les effets que certains facteurs d'ordre structurel ont pu avoir sur l'efficacité de la détention administrative dans les cas Dublin. Il n'y a que très peu de personnes qui n'ont pas quitté le pays après leur détention et ces exceptions ont une influence très forte sur les résultats statistiques. Il a néanmoins été possible d'identifier une série de facteurs favorisant le départ contrôlé de personnes n'ayant pas été mises en détention. Les femmes, les personnes de plus de quarante ans et les familles (mineurs accompagnés et adultes accompagnés de mineurs), de même que le très petit groupe des mineurs non accompagnés, ont ainsi été transférés sans détention préalable plus fréquemment que les hommes, les adultes de moins de quarante ans et les adultes qui ne sont pas entrés en Suisse en compagnie de mineurs. Chez les personnes vulnérables, la détention ne semble donc par forcément s'imposer pour garantir leur transfert dans le cadre de la procédure Dublin.

3.2.3

Renvois dans le pays d'origine: une détention plus longue et un peu moins efficace

Comme il ressort du chap. 3.2.1, 7 % des personnes renvoyées dans leur pays d'origine après le rejet de leur demande d'asile ou la notification d'une NEM ont été mises en détention administrative au moins une fois dans les 18 mois qui ont suivi.

La durée de leur détention a été de 24 jours en moyenne, soit 10 jours de plus que dans les cas Dublin. Les détentions de plus longue durée sont en outre plus fré-

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quentes: un peu moins de 10 % des personnes de cette catégorie sont restées en détention plus de six mois (Guggisberg/Abrassart/Bischof 2017: 25).

Sur les requérants d'asile renvoyés dans leur État d'origine entre 2011 et 2014 et mis en détention administrative, 69 %, soit plus de deux sur trois, ont quitté le pays de manière contrôlée à l'issue de la détention. Pour près d'un tiers des détenus, l'objectif d'un départ contrôlé n'a par contre pas été atteint. Sur la période étudiée, le taux de départ a varié entre 73 % et 64 % (cf. graphique 7).

Si le taux de départ des personnes renvoyées dans leur pays d'origine après avoir été détenues est en moyenne (69 %) plus bas que dans les cas Dublin (99 %), il est toujours près de deux fois plus élevé que pour les personnes de la même catégorie n'ayant pas été en détention (37 % en moyenne). Le taux de départ des personnes sans détention préalable varie assez considérablement: si la moitié des personnes renvoyées en 2012 a quitté la Suisse de manière contrôlée, cette proportion n'était plus que d'un quart environ pour les personnes renvoyées en 2014.

Graphique 7 Rejets/NEM: pourcentage des départs contrôlés avec détention et sans détention, par cohortes 100 % 90%

80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% 201 1

201 2

Rejet/NEM avec détention

201 3

201 4

Rejet/NEM sa ns détention

N=20 508 rejets/NEM avec obligation de quitter le pays (1 541 avec détention et 18 967 sans détention) Source: Guggisberg/Abrassart/Bischof 2017: graph. 19

Il a été identifié une série de facteurs structurels augmentant la probabilité d'un départ contrôlé à destination du pays d'origine indépendamment du recours à la détention administrative: les personnes de plus de 40 ans ainsi que les mineurs et les adultes venus en Suisse avec des membres de leur famille quittent nettement plus souvent le pays de manière contrôlée que les jeunes adultes et les adultes sans mineurs à charge. Comme expliqué dans l'alinéa précédent, c'est aussi vrai pour les cas Dublin (sans détention). Après une détention, les femmes sont plus enclines à rentrer dans leur pays de manière contrôlée que les hommes. Pour ce qui est des départs 7537

FF 2018

contrôlés sans détention, le sexe ne joue par contre aucun rôle si l'on tient compte, en parallèle, de la situation familiale ainsi que d'autres facteurs.

Le taux de départ des mineurs non accompagnés qui n'ont pas été mis en détention équivaut plus ou moins à celui des adultes sans mineurs à charge. Si les mineurs ont été détenus, ce taux est même moindre. Dans le cas des mineurs non accompagnés, la détention administrative est donc peu efficace. Il faut toutefois se souvenir qu'il ne s'agit là que d'un tout petit groupe ne représentant que 2 % des décisions de rejet/NEM.

Pour ce qui est des renvois dans le pays d'origine, on a constaté d'une manière générale que la probabilité d'un départ contrôlé augmentait avec le degré de sécurité rencontré dans le pays de destination (sont par ex. considérés comme sûrs les pays membres de l'UE, la Serbie, la Macédoine, le Sénégal, le Ghana ou l'Inde). Finalement, la coopération internationale de la Confédération a elle aussi un effet favorable sur la probabilité d'un retour contrôlé: les programmes spécifiques promouvant activement l'aide au retour dans certains pays ou les partenariats en matière de migrations augmentent les chances d'obtenir un départ contrôlé. Si les accords de réadmission conclus avec les Etats d'origine font augmenter le nombre des départs contrôlés sans détention préalable, on n'a par contre constaté aucun effet sur les départs après détention. Ce constat est surprenant étant donné que ces accords régissent plus particulièrement les rapatriements forcés et que ces accords ont été un élément important dans la plupart des entretiens. Il a cependant aussi été précisé à plusieurs reprises que certains accords de réadmission, comme celui qui a été passé avec l'Algérie, n'étaient pas vraiment appliqués, ce qui pourrait expliquer la faiblesse de l'effet statistique constaté.

4

Opportunité de l'application par les cantons

Résumé: le recours à la détention administrative est opportun dans l'ensemble: en augmentant le nombre des détentions, on obtient aussi une augmentation des départs contrôlés. Pour les cas Dublin, cette corrélation s'explique par le fait que plus de personnes peuvent être transférées directement à partir du lieu de détention. Une partie de ces transferts supplémentaires après une détention se fait aux dépens des rapatriements sans détention et des départs autonomes. Dans les cas Dublin, le taux des départs à partir du lieu de détention est très élevé dans tous les cantons. On constate cependant de nettes différences entre les cantons pour ce qui est de la fréquence du recours à la détention administrative et ces différences ne s'expliquent guère par les spécificités sociodémographiques des requérants déboutés (sexe, âge etc.). Dans le cas des renvois vers le pays d'origine, l'augmentation des détentions administratives fait augmenter non seulement le nombre des rapatriements à partir du lieu de détention (parfois aux dépens des rapatriements sans détention préalable), mais aussi les départs autonomes. Cette corrélation n'a pas pu être clairement expliquée. L'opportunité du recours à la détention administrative diffère aussi d'un canton à l'autre. Il y a des cantons qui parviennent, grâce à cet instrument, à obtenir nettement plus de renvois dans les pays d'origine que d'autres, différences

7538

FF 2018

qui ne s'expliquent qu'en partie par les caractéristiques personnelles des requérants d'asile déboutés.

Dans le chapitre précédent, il a été démontré que la détention administrative était en principe efficace dans la mesure où elle permettait fréquemment d'obtenir le départ des requérants déboutés. Le présent chapitre évaluera d'abord dans quelle mesure la détention est effectivement nécessaire pour obtenir un départ contrôlé et dans quelle mesure elle influe sur la nature du départ. La réponse à ces deux questions permettra de juger de l'opportunité du recours à la détention administrative dans son ensemble.

Finalement, les différences entre les cantons en ce qui concerne tant la détention administrative que les résultats de l'exécution des renvois seront mises au jour, afin de pouvoir évaluer l'opportunité du recours à la détention administrative au niveau cantonal.

4.1

Effets de la détention sur le nombre et la nature des départs

Dans le cadre de l'évaluation, il s'agissait non seulement de chercher à savoir dans quelle mesure la détention administrative permettait d'obtenir plus de départs contrôlés, mais aussi quels effets la détention avait sur la nature des départs. Le graphique 8 représente la fréquence des types de départs selon le type de décision. On y trouve d'une part les rapatriements, soit les départs contrôlés sous contrainte policière jusqu'au moyen de transport (avion) ou jusque dans le pays de destination.

D'autre part, on y trouve les départs autonomes, lors desquels les personnes se rendent seules jusqu'au moyen de transport. Les personnes optant pour un départ autonome peuvent, selon les circonstances, obtenir une aide financière au retour. On note de nettes différences entre les cas Dublin et les cas de rejet de la demande d'asile ou de NEM. Ces différences seront éclairées dans la suite du chapitre.

7539

FF 2018

Graphique 8 Proportions des types de départs par type de décision 100%

16%

90%

36%

80% 70%

28%

60% 4%

50%

24%

13%

40% 30% 20%

32%

39%

10%

3% 5%

0% Cas Dublin

Rejets/NEM

Rapatriement avec détention

Rapatriement sans détention

Départ non contrôlé

Départ pendant

Départ autonome

N=25 972 NEM Dublin et 17 060 rejets/NEM avec obligation de quitter le pays, cohortes 2011 à 2014 Source: Guggisberg/Abrassart/Bischof 2017: annexe tab. 8 et tab. 9

4.1.1

Cas Dublin: davantage de détentions administratives pour davantage de départs et, en partie, davantage de contrainte

Il ressort du graphique 8 que 39 % des cas Dublin sont rapatriés après détention, 13 % sans détention et que 4 % seulement sont considérés comme des départs autonomes. Au total, ces départs contrôlés représentent 56 % de tous les cas Dublin.

Pour le reste, il y a 28 % de départs non contrôlés et 16 % de départs pendants. Les entretiens avec les responsables de l'exécution dans les cantons ont révélé que les Etats parties aux accords de Dublin, le SEM et les compagnies aériennes avaient eux aussi leur mot à dire lorsqu'il s'agit de déterminer le type et les modalités de départ et que les cantons ne disposaient donc que d'une influence limitée en la matière.

D'après l'analyse statistique des cas Dublin (Guggisberg/Abrassart/Bischof 2017: chap. 5.2), le nombre des départs contrôlés augmente lorsque les autorités recourent à la détention administrative plus souvent. Compte tenu de la très grande efficacité de la détention, il faut notamment s'attendre à une hausse du nombre des rapatriements après détention. Cette hausse s'accompagne toutefois d'une baisse du nombre des rapatriements sans détention préalable. En augmentant le taux de détention, on prend donc le risque d'opter pour une détention dans des cas dans lesquels le rapatriement aurait aussi pu être obtenu sans détention.

7540

FF 2018

Une augmentation du taux de détention a aussi pour effet de faire diminuer le nombre des départs autonomes, même si c'est dans une moindre mesure. En d'autres termes, elle implique aussi la mise en détention de personnes qui seraient prêtes à partir de manière autonome. Néanmoins, cette baisse du nombre des départs autonomes et des rapatriements sans détention préalable est plus que compensée par les rapatriements supplémentaires obtenus grâce à la détention administrative. Dans l'ensemble, l'augmentation du taux de détention permet donc d'accroître le nombre des transferts Dublin. Finalement, l'analyse indique aussi qu'avec une augmentation du taux de détention, le nombre de départs non contrôlés parmi les cas Dublin baisse et inversement, qu'avec une baisse du taux de détention, le nombre de départs non contrôlés augmente.

D'une manière générale, on peut en conclure que plus de détentions administratives signifient plus de transferts Dublin, mais aussi, proportionnellement, plus de départs obtenus grâce à plus de contrainte. La détention administrative constitue donc un instrument opportun, mais il reste à clarifier la question de la proportionnalité (cf.

chap. 5.2).

4.1.2

Renvois dans le pays d'origine: plus de détentions administratives signifient plus de rapatriements et plus de départs autonomes

Il ressort du graphique 8 que 32 % des personnes qui se sont vu notifier un rejet de leur demande d'asile ou une NEM quittent le pays de manière autonome. 5 % sont rapatriées après détention et 3 % sans détention préalable. Au total, on enregistre donc un départ contrôlé dans 40 % des cas. Pour le reste, on dénote 24 % de départs non contrôlés et 36 % de départs pendants.

Selon les calculs statistiques (Guggisberg/Abrassart/Bischof 2017: chap. 5.1), les départs contrôlés à destination du pays d'origine seraient en hausse si le taux de détention était augmenté. Comme dans les cas Dublin, plus de personnes pourraient être rapatriées à partir du lieu de détention, même si l'augmentation serait un peu moins importante compte tenu du fait que l'efficacité de la détention est moins élevée que dans les cas Dublin. En même temps, l'augmentation du taux de détention ferait diminuer le nombre des rapatriements sans détention préalable. Certaines personnes détenues pourraient donc être rapatriées sans détention. Les départs autonomes, en revanche, augmenteraient en même temps que le taux de détention. Selon les calculs réalisés, une augmentation des mises en détention permettrait d'obtenir presqu'autant de départs autonomes supplémentaires que de départs supplémentaires après détention. Il s'agit là d'une différence par rapport aux cas Dublin.

Selon BASS (Guggisberg/Abrassart/Bischof 2017: 54), il y a différents facteurs expliquant cette augmentation des départs autonomes. Le premier est l'effet dissuasif de la détention administrative, qui a été relevé par pratiquement tous les personnes interrogées par le CPA. Dans les cantons qui ont recours à la détention administrative fréquemment, les requérants d'asile déboutés seraient ainsi plus enclins à quitter la Suisse de manière autonome que dans les autres cantons. Selon le rapport d'experts, la proportion des personnes mises en détention après le rejet de leur 7541

FF 2018

demande d'asile ou la notification d'une NEM s'oppose toutefois à cette hypothèse.

Ce pourcentage est en effet très faible (entre 4 % et 14 % seulement si l'on fait abstraction de deux cantons) et il est donc peu probable, selon les experts, qu'un si petit nombre de détentions déploie un effet dissuasif. Les personnes interrogées ont cependant souligné que c'était le taux de détention par nationalités qui était déterminant, estimant que la pratique des autorités en matière de renvois faisait l'objet d'un bouche à oreille à l'intérieur de la communauté des requérants originaires d'un même pays. Le taux global d'un canton serait donc peu significatif.

Selon BASS, la deuxième explication donnée à l'augmentation des départs autonomes consécutive à une hausse du taux de détention est que les cantons qui ont fréquemment recours à la détention administrative accordent généralement plus d'importance à l'exécution des renvois et sont donc prêts à y consacrer plus de ressources que les autres cantons. Cette thèse est appuyée par le fait qu'un taux de détention élevé s'accompagne d'une proportion importante de personnes prêtes à rentrer spontanément dans leur pays au bénéfice d'une aide au retour. Les départs autonomes sans aide au retour ne sont par contre pas liés au taux de détention. Cela pourrait indiquer que les cantons ayant un taux de détention élevé soutiennent plus fermement l'aide au retour que les autres.

En conséquence, si davantage de personnes tenues de quitter le pays sont mises en détention, le nombre des départs contrôlés augmente: il y a d'une part davantage de rapatriements à partir du lieu de détention, même si une certaine proportion de personnes rapatriées après détention auraient aussi quitté le pays sans détention, et il y a, d'autre part, davantage de départs autonomes. Comme on le verra dans la section suivante, les cantons n'ont pas tous recours à la détention administrative après rejet de la demande d'asile ou notification d'une NEM avec la même opportunité.

4.2

Différences entre les cantons ne s'expliquent qu'en partie par des facteurs structurels

L'analyse statistique a révélé des différences entre les cantons non seulement dans le recours à la détention administrative, mais aussi dans les résultats de l'exécution des renvois. Après avoir fait état de ces différences, le présent rapport tente de les expliquer et de déterminer ce qu'elles signifient dans la perspective de l'opportunité.

Les taux de détention, c'est-à-dire la proportion des requérants d'asile déboutés qui sont mis en détention administrative au moins une fois dans les 18 mois qui suivent la notification de la décision négative, sont très variables d'un canton à l'autre (cf.

graphique 9): dans les cas Dublin, ils se situent entre 67 % et 23 % et dans le cas des rejets ou des NEM avec renvoi dans le pays d'origine, ils varient entre 28 % et 4 %. Dans quatre cantons, les données relatives à la détention administrative se sont révélé lacunaires et n'ont pas permis le calcul d'un taux de détention fiable (cf.

chap. 6.2.1).

7542

FF 2018

Graphique 9 Taux de détention par cantons et par types de décisions 70%

60% 50% 40% 30% 20% 10%

Taux d e d éte ntio n cas Dub lin

Taux d e d éte ntio n re jets/NEM

Moyenne cas Dublin

Moyenne reje ts/NEM

VD°

AG

TG°

GE

FR

NE°

BS

SH°

ZH

AR

TI

JU

SZ

VS

BE

SG

BL

NW

AI

SO

LU

ZG

GL

UR

GR

OW

0%

Cantons dont les données ont une qualité insuffisante. N=25 972 NEM Dublin et 17 060 rejets/NEM avec obligation de quitter le pays, cohortes°2011 à 2014 Source: Guggisberg/Abrassart/Bischof°2017: annexe°tab.°7

On a ensuite étudié si les disparités entre les taux de détention pouvaient être expliquées par des différences cantonales dans les caractéristiques structurelles (p. ex.

âge, situation familiale ou pays de destination) des requérants d'asile déboutés. Des différences significatives ont en effet été constatées (Guggisberg/Abrassart/Bischof 2017: 14­15): la proportion de mineurs et de familles, par exemple, varie entre 3 % et 25 %, la proportion de femmes entre 8 % et 25 % et la proportion de personnes originaires de pays réputés sûrs varie même entre 4 % et 41 %. Ces différences structurelles n'expliquent néanmoins que 10 % des disparités entre les taux de détention cantonaux dans les cas Dublin et tout de même un tiers des disparités dans les cas de rejet ou de NEM (Guggisberg/Abrassart/Bischof 2017: annexe tab. 7). La majeure partie de la différence dans la fréquence de recours à la détention administrative constatée entre les cantons reflète dès lors vraisemblablement une différence dans la pratique d'application.

Pour évaluer l'opportunité de la détention administrative, on a ensuite souhaité savoir s'il existait une corrélation entre la fréquence du recours à la mesure et le taux de succès obtenu (Guggisberg/Abrassart/Bischof 2017: 52­55; 68­70). Dans les cantons avec un taux de détention élevé, le taux de départ à partir du lieu de détention n'est ni systématiquement plus haut ni plus bas que dans les cantons avec un taux de détention moins élevé. Un taux de détention élevé ne signifie donc pas que le canton met en détention une proportion plus importante de personnes qui ne peuvent pas être rapatriées par la suite.

7543

FF 2018

Il ressort cependant du graphique 10 que le taux de succès de la détention administrative est lui aussi sujet à des différences cantonales si l'on considère la catégorie des cas de rejet/NEM avec renvoi dans le pays d'origine. Compte tenu des différences structurelles, la proportion des personnes détenues qui regagnent leur pays d'origine après leur détention varie entre 80 % et 52 % dans les cantons dont les données étaient fiables. En d'autres termes, il y a des cantons qui ne parviennent à rapatrier qu'une bonne moitié des personnes mises en détention administrative alors que d'autres rapatrient quatre personnes sur cinq. Ce constat indique que certains cantons ont recours à la détention administrative de manière plus opportune que d'autres. Dans la catégorie des cas Dublin, par contre, les taux de départ à partir du lieu de détention sont pratiquement les mêmes dans tous les cantons, puisqu'ils atteignent entre 97 % et 100 % après correction des différences structurelles.

Graphique 10 Taux de départ des personnes détenues, après rectification en fonction des facteurs structurels, par canton et par types de décision 100 % 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30%

20% 10% AI°° SH° JU°° NE° GL°° GE BS TG° FR GR VD° LU OW BE SG AR°° SO AG UR TI ZG ZH SZ BL VS NW°°

0%

Cas Dublin

Rejets/NEM

Cantons dont les données ont une qualité insuffisante; cantons n'ayant qu'un petit nombre de cas. N=25 972 NEM Dublin et 20 505 rejets/NEM avec obligation de quitter le pays, cohortes 2011 à 2014 Source: Guggisberg/Abrassart/Bischof 2017: annexe tab. 12 et tab. 13

Pour pouvoir évaluer le degré d'opportunité, il est aussi important de savoir dans quelle mesure la détention administrative augmente effectivement la probabilité d'un départ. La réponse est fournie par la comparaison des personnes détenues avec les personnes qui n'ont pas été mises en détention (Guggisberg/Abrassart/Bischof 2017: 51­55; 67­70). Dans tous les cantons, la proportion des personnes quittant le pays après détention est plus importante que celle des personnes qui quittent le pays sans avoir été détenues. La détention administrative est une mesure qui augmente la probabilité d'un départ contrôlé de manière nettement plus marquée dans les cas 7544

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Dublin que dans le cas des personnes renvoyées dans leur pays d'origine. La différence entre les taux de départ des deux groupes est en outre loin d'être la même dans tous les cantons, ce qui tend à indiquer que le degré d'opportunité du recours à la détention administrative est lui aussi variable.

Si les départs contrôlés représentent entre 35 % (SH) et 60 % (UR) des décisions négatives rendues par les cantons (cf. graphique 11), les autres résultats de l'exécution des renvois varient eux aussi d'un canton à l'autre. Les légalisations représentent ainsi entre 6 % (TG, SZ) et 13 % (VD) des décisions négatives, les départs non contrôlés entre 18 % (AI) et 33 % (AG, AR) et les départs pendants entre 12 % (OW) et 28 % (VD).

Graphique 11 Départs: situation des personnes ayant reçu une décision négative, par canton 100 % 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% UR OW LU GR BL VS TI TG SO GL ZH BE SG AI SZ ZG FR BS NW JU AG GE AR NE VD SH

0%

Lég alisatio n

Départ con trô lé

Départ non co ntr ôlé

Départ penda nt

N=61 677 décisions négatives, cohortes 2011 à 2014 Source: courriel de BASS au CPA du 15.06.2017

Les différences dans les caractéristiques structurelles (âge, situation familiale, pays d'origine etc.) des requérants d'asile déboutés entre les divers cantons n'expliquent absolument pas les disparités intercantonales en matière de taux de départ contrôlé dans les cas Dublin et ne les expliquent qu'à raison de 14 % dans le cas des renvois dans le pays d'origine. Les estimations statistiques montrent par contre que les différences dans la fréquence du recours à la détention administrative expliquent à peu près la moitié de ces disparités entre les cantons en ce qui concerne le taux des départs contrôlés dans le cas des renvois dans le pays d'origine et environ 38 % dans les cas Dublin. Le taux de détention est donc un facteur majeur dans l'explication des disparités entre les cantons en ce qui concerne les départs contrôlés.

7545

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L'analyse révèle par conséquent que les différences entre les cantons ne sont pas tant le reflet de disparités structurelles que la conséquence de différences dans la pratique des cantons en ce qui concerne le recours à la détention administrative. Le fait que certains cantons recourent à la détention administrative de manière plus opportune que d'autres est prouvé par les disparités entre les taux de succès des différents cantons ordonnant la détention administrative pour assurer le départ contrôlé des personnes renvoyées dans leur pays d'origine, mais aussi par l'inégalité des écarts existant à l'intérieur même des cantons entre la probabilité de départ des personnes détenues et celle des personnes qui n'ont pas été mises en détention. Dans les cas Dublin, les taux de détention apparaissent opportuns même lorsqu'ils sont très élevés, mais se pose alors la question de l'interprétation de la proportionnalité et, partant, de la légalité.

5

Informations concernant la légalité

Résumé: les cantons respectent le cadre normatif limitant la durée de la détention.

On constate, entre eux, des différences significatives en ce qui concerne la durée moyenne de la détention, la fréquence et le moment de son application. Ces différences indiquent que les autorités administratives et judiciaires des cantons n'interprètent pas toutes les principes de célérité et de proportionnalité de la même manière.

Le règlement Dublin III n'a probablement pas apporté beaucoup de changements de ce point de vue. Dans les cas Dublin, qui représentent la majeure partie des dossiers traités, l'examen de la détention par une autorité judiciaire n'a lieu que sur requête de l'intéressé. Les droits des détenus dans le cadre de la procédure sont ainsi faibles comparés à d'autres pays européens. S'il est comparativement rare que des familles soient mises en détention en Suisse, on trouve toutefois des enfants de moins de quinze ans parmi les détenus, alors que la loi exclue leur détention. On peut donc s'interroger sur la légalité, mais les chiffres disponibles sont sujets à caution et divergent énormément entre les cantons. Il convient encore de relever que la Commission nationale de prévention de la torture a dénoncé à plusieurs reprises les conditions de détention des personnes en détention administrative dans les cantons.

La présente évaluation n'était pas focalisée sur la question de la légalité. La souscommission compétente de la CdG-N a cependant prié le CPA de faire état des informations récoltées au fil de son évaluation. La présentation des résultats se rapportant à la durée de détention sera suivie de réflexions sur les différentes interprétations du principe de proportionnalité par les cantons. Ensuite, l'évaluation passera au sujet de la détention administrative de mineurs avant de terminer par aborder les critiques du régime et des conditions de détention dans les cantons. Elle ne portera cependant aucun jugement final sur la légalité du recours à la détention administrative dans la pratique.

7546

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5.1

Respect de la durée de détention, mais importance variable accordée au principe de célérité

L'analyse statistique montre que le cadre légal relatif à la durée de détention est respecté (Guggisberg/Abrassart/Bischof 2017: 25­30, 79). La durée maximum de détention (18 mois pour les adultes et 12 mois pour les mineurs) n'a jamais été dépassée. La plus longue détention enregistrée dans SYMIC est de 533 jours, soit juste en-dessous des 18 mois prévus par la loi20. Il est extrêmement rare qu'une personne soit détenue pendant plus de 15 mois. La durée de détention varie cependant d'un canton à l'autre. Dans le canton du Jura, la moitié des détentions durent trois jours au plus. Parmi les cantons dont les données ont une qualité suffisante, il s'agit là de loin de la durée moyenne la plus courte. Dans les autres cantons, la durée moyenne de détention se situe entre 8 et 18 jours. La moyenne suisse est de 15 jours.

Aux termes de l'art. 75, al. 2, LEtr, l'autorité compétente pour ordonner la détention administrative est tenue de décider sans délai des mesures à prendre en vue de l'exécution du renvoi. Les disparités constatées en matière de durée de détention indiquent que les cantons n'interprètent pas ce principe de célérité de la même manière.

Un autre indice de cette différence d'interprétation peut être trouvé dans le fait que le temps nécessaire aux cantons pour requérir l'aide du SEM en vue de l'établissement de documents de voyage ou de l'organisation du départ des personnes en détention administrative est lui aussi variable (Guggisberg/Abrassart/ Bischof 2017: 79). Dans le meilleur des cas, les préparatifs de départ sont déjà bien avancés au moment de la mise en détention. En moyenne suisse, seul une demande à l'exécution du renvoi sur quatre est déposée après le début de la détention administrative. Dans le canton du Valais, cette proportion était toutefois de 47 % contre 4 % seulement dans le canton de Genève. Cela montre bien que le principe de célérité n'est pas perçu de la même manière dans tous les cantons.

5.2

Différences cantonales dans l'interprétation du principe de proportionnalité

La détention administrative doit être ordonnée dans le respect du principe de proportionnalité. En termes juridiques, elle doit être apte, nécessaire et raisonnablement exigible. Si la présente évaluation ne permet pas de déterminer si ces critères sont remplis dans le cas d'espèce, les informations qu'elle a pu apporter sur la pratique générale en matière de recours à la détention administrative peuvent, elles, être examinées à la lumière de ces critères.

Le recours à la détention administrative peut être considéré comme étant apte s'il permet d'atteindre son objectif, qui est de garantir l'exécution du renvoi. Il ressort du chap. 3.2 que la détention administrative est extrêmement efficace dans les cas Dublin, puisqu'elle permet d'atteindre l'objectif d'un départ contrôlé dans pratiquement tous les cas. Lorsqu'il est précédé d'une détention administrative, le rapatriement dans le pays d'origine est tout de même obtenu dans deux cas sur trois, une 20

On trouve au registre quelques rares inscriptions sans date de libération. Comme la durée maximale de détention serait dépassée depuis longtemps, il s'agit probablement d'oublis.

7547

FF 2018

proportion nettement plus élevée que pour les personnes n'ayant pas été mises en détention. Le chap. 4.1 a en outre révélé que la détention administrative était une mesure opportune dans l'ensemble: en ordonnant plus de détentions, on obtient plus de départs contrôlés. En augmentant le taux de détentions, on prend cependant le risque d'appliquer la mesure à des personnes qui auraient pu être rapatriées sans détention ou ­ dans le cas des transferts Dublin ­ à des personnes qui auraient quitté le pays de manière autonome. Il est donc probable que la détention n'aurait pas toujours été nécessaire dans le cas d'espèce. Cette constatation est révélatrice d'un antagonisme entre l'efficacité de la détention administrative et sa proportionnalité.

Face à cet antagonisme, les cantons ne font pas tous le même choix. Le chap. 4.2 a en effet démontré qu'il existait des différences significatives entre les cantons en ce qui concerne le taux de détentions, que ces différences étaient particulièrement marquées pour les cas Dublin et que les facteurs structurels n'en étaient responsables que pour une petite partie. De plus, certains cantons attendent moins longtemps que d'autres avant d'avoir recours à la détention administrative (Guggisberg/Abrassart/ Bischof 2017: 28­30). Parmi les personnes détenues dans le cadre du régime Dublin, sur l'ensemble de la Suisse, un quart ont été mises en détention avant que la décision soit exécutoire. Dans le canton du Jura, il n'y a pas eu un seul cas dans les cohortes 2011 à 2014 et dans les cantons de Genève, Soleure, Berne, Zurich et Fribourg, le pourcentage des cas dans lesquels la décision exécutoire n'a pas été attendue était inférieur à 10 %. Dans les cantons d'Appenzell Rhodes-Intérieures, Obwald, Tessin et Uri, en revanche, cette proportion dépasse 80 %. Une fois que la décision est exécutoire, la mise en détention est aussi plus ou moins rapide selon les cantons: ils attendent (selon la médiane cantonale) entre 67 jours (GR) et 367 jours (GE) à compter de l'entrée en force de la décision pour ordonner la détention des personnes renvoyées dans leur pays d'origine après le rejet de leur demande d'asile ou la notification d'une NEM.

Ces disparités sont autant d'indications que les cantons ont une conception très différente du principe de proportionnalité. C'est aussi
ce qui est ressorti des entretiens que le CPA a conduits avec les autorités cantonales responsables des migrations: alors que certaines ont déclaré mettre systématiquement toutes les personnes en détention lorsque les conditions étaient remplies, d'autres ont souligné que la proportionnalité de la détention devait être examinée très soigneusement dans chaque cas. Les entretiens ont fait ressortir non seulement que l'on se trouvait confronté à des sensibilités et à des priorités politiques différentes, mais aussi que les autorités adaptaient dans une très large mesure leur pratique en matière de détention à la jurisprudence cantonale. Selon de nombreux témoignages, les exigences devant être remplies pour qu'une détention administrative puisse être ordonnée diffèrent suivant l'autorité judiciaire ou même suivant le juge.

Il est vraisemblable que le règlement Dublin III, à l'origine des exigences nettement plus sévères appliquées aux cas Dublin depuis le milieu de 2015, est également mis en oeuvre de manière très différente d'un canton à l'autre (cf. aussi Hruschka/Nufer 2017). Une majorité des représentants des autorités cantonales en matière de migrations ont ainsi affirmé que leur pratique en matière d'ordonnance de détentions avait changé considérablement, notamment sous l'effet des jugements des tribunaux cantonaux. Il y a cependant aussi eu des personnes qui ont déclaré qu'il n'y avait eu 7548

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que peu de changements dans leur canton et que les mises en détention n'étaient quasiment jamais examinées par un juge.

En Suisse, à la différence de tous les Etats voisins (France, Allemagne, Italie et Autriche) ainsi que de plusieurs autres Etats européens, l'examen de la détention par l'autorité judiciaire dans les cas Dublin n'a lieu qu'à la demande de l'intéressé. Cette réglementation contraste avec les autres cas, dans lesquels la détention est examinée automatiquement dans un délai de 96 heures (cf. chap. 2.3). Contrairement à ce qui est le cas dans les pays voisins, à l'exception de l'Allemagne, les personnes en détention Dublin n'ont pas non plus droit à une assistance juridique gratuite. En Suisse, les droits des détenus dans le cadre de la procédure Dublin sont par conséquent assez faibles comparativement.

Dans l'ensemble, le principe de proportionnalité n'est donc pas interprété de manière uniforme par les cantons. Ces disparités sont le reflet de différences dans la pratique des autorités et dans la jurisprudence des tribunaux. Dans les cas Dublin, les droits procéduraux des détenus qui souhaitent un réexamen de la proportionnalité de leur détention sont moins étendus en Suisse que dans la plupart des autres pays européens.

5.3

Mise en détention administrative de mineurs même de moins de quinze ans

Dans le cas des mineurs, comme dans le cas des adultes qui sont renvoyés de Suisse en compagnie de mineurs faisant partie de leur famille, la question de la proportionnalité de la détention mérite une attention particulière. Il est donc pertinent de s'intéresser de plus près à la fréquence de la détention administrative et à son efficacité pour ces groupes.

Dans le contexte des entretiens, plusieurs représentants des autorités cantonales en matière de migrations ont souligné à quel point il était difficile de déterminer l'âge des requérants d'asile. Les données enregistrées, sur lesquelles reposent les statistiques suivantes sont sujettes à caution. Toutefois, elles sont venues globalement confirmer les affirmations des personnes interrogées, à savoir que la détention administrative était rarement ordonnée à l'encontre de mineurs. Durant les quatre années de 2011 à 2014, seuls 200 cas concernent des personnes qui ont été mises en détention lorsqu'elles étaient encore mineures, dans les 18 mois qui ont suivi la notification. Les mineurs ne représentent qu'1,6 % de toutes les détentions administratives.

Conformément aux dispositions légales, les mineurs de quinze ans et plus peuvent être mis en détention administrative (cf. chap. 2.4). Les analyses statistiques ont toutefois montré que la plus grande partie des mineurs se trouvant en détention administrative avaient moins de quinze ans (cf. tableau 3). Près d'un tiers des cas de détention administrative de mineurs concerne des enfants de quatre ans ou moins accompagnés et un tiers concerne des enfants entre cinq et quatorze ans accompagnés; pour le tiers restant ­ celui des enfants de plus de quinze ans ­, deux cas sur trois concernent des mineurs non accompagnés. Ces chiffres confirment les déclarations faites lors de différents entretiens du CPA selon lesquelles des mineurs de moins de quinze ans, des jeunes enfants pour la plupart, sont parfois mis en déten7549

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tion avec leurs parents. Le bien de l'enfant a été invoqué pour justifier cette pratique, même si certains interlocuteurs ont estimé que sa légalité était discutable21.

Tableau 3 Nombre de mineurs en détention administrative, par âge et situation familiale Age

Mineurs accompagnés

Mineurs non accompagnés

Total

de 0 à 4 ans de 5 à 14 ans de 15 à 17 ans

63 64 22

0 1 50

63 65 72

Total

149

51

200

Nombre de personnes détenues qui étaient encore mineures au moment de leur mise en détention, cohortes 2011 à 2014, N=61 677 décisions négatives Source: Guggisberg/Abrassart/Bischof 2017, annexe tab. 14 et chap. 3.1.1 (explications concernant le tab. 12)

Dans la majorité des cantons, il n'y avait toutefois aucun mineur de moins de quinze ans en détention administrative (Guggisberg/Abrassart/Bischof 2017, annexe tab. 15).

89 % des cas de détention de mineurs de moins de quinze ans sont le fait du canton de Berne, le reste se répartit entre six cantons. C'est également le canton de Berne qui applique le plus souvent, et de loin, la détention de mineurs de plus de quinze ans prévue par la loi (35 % des cas). Dans les cohortes sous revue, dix cantons ne mettent aucun mineur en détention; dans les cantons de Genève, de Neuchâtel et de Vaud, la détention de mineurs est interdite par la loi ou par décision du gouvernement.

Pour mieux cerner la question des mineurs en détention les taux de détentions sont pris en considération. Pour les différentes situations familiales, les cas avec détention sont comparés aux cas sans détention (graphique 12). Sont considérées comme mineures les personnes qui l'étaient au moment de la notification de la décision négative. Le graphique 12 montre que les détentions sont plus fréquentes dans les cas de renvoi dans un autre Etat Dublin que dans les cas de renvoi dans le pays d'origine, indépendamment de la situation familiale. Les familles, soit les mineurs accompagnés et les adultes qui accompagnent des mineurs, sont détenues moins souvent que les adultes qui n'ont pas de mineurs à charge. Pourtant, leur taux de départs contrôlés est supérieur à la moyenne, avec ou sans détention administrative (cf.

chap. 3.2.2 et 3.2.3). Lorsqu'ils sont renvoyés dans leur pays d'origine, une grande majorité des mineurs accompagnés et des adultes qui les accompagnent quittent la Suisse de manière autonome, alors que la plupart des transferts Dublin se font sous la forme de rapatriements sans détention.

21

Suite à l'évaluation, le SEM a constaté, dans sa prise de position du 12 avril 2018 concernant le projet de rapport de la sous-commission DFJP/ChF de la CdG-N, que «des erreurs systématiques» avaient été commises lors de la saisie des détenus de moins de 15 ans dans SYMIC. L'audition du 8 mai 2018 de représentants du SEM par la sous-commission compétente a fait apparaître que les pratiques des cantons divergeaient en matière de saisie des mises en détention de requérants d'une même famille. Il n'a pas été possible de déterminer dans quelle mesure les enfants en détention sont recensés.

7550

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Graphique 12 Taux de détentions, en fonction de la situation familiale au moment de la décision négative et en fonction du type de décision

NEM Dublin

Mineurs non accompagnés Mineurs accompagnés

Adultes avec mineurs Adultes sans mineurs

Rejets/NEM

Mineurs non accompagnés Mineurs accompagnés Adultes avec mineurs

Adultes sans mineurs 0%

10%

20%

30%

40%

50%

N=22 500 NEM Dublin et 17 064 rejets/NEM avec obligation de quitter le pays (sans les cantons de VD, TG, SH, NE, dont les données n'avaient pas une qualité suffisante), cohortes 2011 à 2014 Source: Guggisberg/Abrassart/Bischof 2017: tab. 21 et tab. 22, calculs CPA

Il ressort du graphique 12 que les détentions chez les mineurs non accompagnés sont à peine moins fréquentes que chez les adultes n'ayant pas de mineurs à charge. Ce constat vaut tant dans les cas Dublin que dans les cas de rejet/NEM. S'agissant de ces derniers, il importe tout de même de souligner que presque deux tiers des personnes non accompagnées qui étaient encore mineures au moment de la notification de la décision avaient atteint leur majorité au moment de leur mise en détention.

Cela pourrait expliquer en partie le manque d'efficacité de la détention dans ce groupe (cf. chap. 3.2.3). Dans les cas Dublin, par contre, à peu près cinq mineurs non accompagnés sur six étaient toujours mineurs au moment de leur mise en détention. Comme indiqué au chap. 3.2.2, les mineurs non accompagnés peuvent être transférés dans un autre Etat Dublin plus souvent que les adultes, même sans détention. Cela tendrait donc à indiquer que la détention administrative est moins souvent nécessaire pour garantir l'exécution du renvoi de mineurs non accompagnés que pour garantir l'exécution du renvoi d'adultes. Selon la réponse du DFJP à la consultation de l'administration, cela pourrait s'expliquer par le fait qu'une procédure Dublin peut être appliquée à des mineurs non accompagnés seulement lorsque le transfert sert l'intérêt de l'enfant.

Ici aussi, les taux de détention sont comparativement élevés dans le canton de Berne: presque 14 % pour les mineurs non accompagnés et presque 12 % pour les mineurs accompagnés, alors que ces taux sont respectivement d'à peine 3 % et 0,4 % dans le canton de Zurich.

7551

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Compte tenu de l'incertitude qui plane sur les âges déclarés et du petit nombre de cas, les résultats statistiques doivent être interprétés avec prudence. Selon les représentants des autorités cantonales des migrations interrogées, les mineurs ne sont mis en détention qu'en dernier recours, ne serait-ce que parce qu'il est très difficile de trouver des places de détention appropriées.

5.4

Le régime et les conditions de détention toujours sous la critique

La détention administrative sert à assurer l'exécution du renvoi. Les personnes détenues n'ont pas commis d'actes pénalement répréhensibles et bénéficient donc de conditions de détention privilégiées (cf. chap. 2.3). Dans le contexte de l'évaluation, les représentants des autorités cantonales en matière de migrations ont été questionnés au sujet des locaux servant à l'exécution de la détention administrative. Dans la plupart des cantons étudiés, les centres de détention disposent d'un secteur séparé pour accueillir les personnes en détention administrative. Il arrive cependant que ces locaux soient aussi utilisés pour d'autres formes de détention tout comme il arrive que la détention administrative soit exécutée dans des lieux de détention qui ne sont pas spécifiquement prévus à cet effet. Les centres de détention spécialisés dans la détention administrative sont des exceptions.

Ce constat est consistant avec les comptes rendus de la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT), qui, depuis 2010, examine la situation de détenus, dont celle de personnes mises en détention administrative, à la faveur de visites, qui sont ensuite l'objet d'un rapport et de recommandations qu'elle soumet aux autorités compétentes22. L'analyse systématique des rapports d'activité de la CNPT pour les années 2010 à 2016 a révélé que la Commission avait constaté des problèmes dans le domaine de l'exécution de la détention administrative dans vingt établissements au total, répartis sur treize cantons.

Les critiques de la CNPT ont notamment porté sur le manque de séparation: dans neuf établissements, les personnes en détention administrative n'étaient pas du tout séparées des personnes en détention préventive ou des détenus purgeant leur peine, ou n'en étaient séparées que dans leur cellule. Dans dix établissements, la CNPT a en outre déploré le manque de liberté de mouvement, plus particulièrement la durée d'enfermement en cellule (souvent jusqu'à 23 heures). Le régime de détention des femmes a été critiqué particulièrement souvent. Dans sept établissements, l'infrastructure de détention était insuffisante et cinq établissements ne proposaient pas suffisamment d'opportunités d'occupation. Dans trois établissements, le régime en matière de contacts avec l'extérieur a été jugé trop restrictif. Il y a des
établissements que la CNPT a inspectés plusieurs fois et dans lesquels elle a constaté certaines améliorations. Dans l'ensemble, les critiques de la CNPT n'ont cependant ni diminué ni augmenté nettement au fil des années. Les conditions de détention ont d'ailleurs aussi été critiquées par différentes personnes interrogées par le CPA dans le cadre de l'évaluation.

22

Loi fédérale du 20.3.2009 sur la Commission de prévention de la torture, RS 150.1.

7552

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En Autriche, en France et en Italie, de même que dans une dizaine d'autres Etats européens, la très grande majorité des détentions administratives est exécutée dans des établissements spéciaux (Matrix 2013; Jurado/Beirens/Maas 2016; ECRE: AIDA).

Comparée au reste de l'Europe, la situation en Suisse est donc assez exceptionnelle.

Dans l'évaluation Schengen de 2014, les normes suisses en matière d'obligation de séparation ont d'ailleurs été critiquées. Dans un projet mis en consultation, le Conseil fédéral propose par conséquent de prévoir explicitement à l'art. 81 LEtr que la détention administrative doit s'effectuer dans des bâtiments aménagés spécialement pour ce type de détention ou, lorsqu'il n'y a pas d'établissement approprié, de veiller absolument à ce que les personnes en détention administrative soient hébergées séparément des personnes en détention pénale ou préventive23. Par ailleurs, la Confédération s'efforce d'obtenir une amélioration des conditions de détention par l'intermédiaire de son subventionnement de la construction et de l'aménagement de centres de détention (cf. chap. 6.3.3).

6

Pertinence du rôle de la Confédération

Résumé: en matière de détention administrative, la Confédération joue un rôle pertinent dans l'ensemble mais pas entièrement satisfaisant sur certains points. Les bases légales qu'elle a édictées présentent quelques incohérences. Le recours à la détention administrative relevant très largement de la compétence des cantons et étant soumis à la surveillance des tribunaux et de la CNPT, la fonction de surveillance du Conseil fédéral et de l'administration fédérale est limitée. Elle a cependant gagné en importance au fil du temps, sous l'effet notamment de la récente obligation légale faite au SEM de surveiller l'exécution des renvois. Le SEM, toutefois, ne dispose pas de systèmes de gestion de données appropriés pour mener à bien cette tâche, et ne peut utiliser les données existantes que de façon limitée. En pratique, il a surtout privilégié jusqu'à présent le dialogue avec les cantons, ce qui est apprécié de ceux-ci. Il n'en a cependant guère résulté une harmonisation du recours à la détention administrative. Le nouveau suivi de l'exécution des renvois du SEM n'est pas adapté comme instrument de surveillance. On ne sait pas encore, par ailleurs, quel sera l'effet des nouvelles incitations financières de la Confédération (subventionnement des établissements de détention, suppression des forfaits en cas de nonexécution de renvois) sur le recours à la détention administrative.

Le présent chapitre vise à éclairer le rôle de la Confédération en matière de détention administrative. Il commence par évaluer la pertinence des bases légales. Il s'attache ensuite à déterminer dans quelle mesure le SEM est informé quant au recours à la détention administrative et aux effets de cette démarche dans l'exécution des renvois. Il se penche enfin sur la collaboration entre l'administration fédérale et les cantons.

23

Adaptation de la LEtr, «Normes procédurales et systèmes d'information», avant-projet et rapport explicatif du SEM de juin 2016.

7553

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6.1

Les bases légales

Le recours à la détention administrative est régi par le droit fédéral. Le SEM a émis des directives qui sont évaluées ci-après; le présent chapitre mettra également en lumière plusieurs petites incohérences dans les dispositions légales. Les compétences juridiques et leur évaluation par les cantons et par le SEM seront ensuite examinées, en commençant par la compétence d'ordonner une détention administrative et en terminant par la surveillance exercée par le Conseil fédéral et par l'administration fédérale.

6.1.1

Les directives ne sont, en partie, pas mises à jour

Les directives et commentaires Domaine des étrangers du SEM (Directives LEtr) traitent, au chap. 9, des mesures de contrainte en droit des étrangers, dont la détention administrative. Or, dans le domaine des mesures de contrainte, le SEM ne dispose d'aucun droit légal d'émettre des directives. Les Directives LEtr constituent par conséquent un récapitulatif commenté des dispositions légales existantes et non une concrétisation de celles-ci. Elles évoquent, par exemple, les différents régimes de détention et les conditions qui doivent être remplies pour qu'ils puissent être ordonnés. Leur principal intérêt réside probablement dans le fait qu'elles énumèrent pour chaque sujet les arrêts émis par le Tribunal fédéral (TF), ce qui fournit une vue d'ensemble de la jurisprudence. La liste n'est cependant pas toujours à jour. Selon la réponse du DFJP à la consultation de l'administration, les Directives LEtr sont mises à jour à chaque modification de la LEtr. Pourtant, la version du 3 juillet 2017 ne faisait toujours pas référence à l'arrêt de principe du TF de mai 2016 concernant la détention dans le cadre d'une procédure Dublin en vertu du règlement Dublin III24.

Les entretiens ont révélé que c'est dans ces cas de figure que la question de la légalité de la détention se pose le plus fréquemment. Le DFJP part du principe que les Directives LEtr constituent une prestation sans garantie d'exhaustivité. Il précise qu'il signale l'arrêt du TF aux cantons dans ses NEM-Dublin. Cependant, les Directives LEtr ne doivent pas servir de référence uniquement aux cantons, mais aussi à un cercle d'acteurs plus large, et par conséquent, les lacunes de ce genre concernant des arrêts centraux tendent à remettre en question l'intérêt de ces directives.

Outre les Directives LEtr, le site web du SEM propose le manuel Asile et retour, qui contient lui aussi un chapitre sur les mesures de contrainte. Ce document à usage interne offre une vue d'ensemble claire et concise des dispositions légales en vigueur. Il renvoie de plus à des informations complémentaires, même si l'on n'y trouve aucune référence aux chapitres correspondants des Directives LEtr.

24

Arrêt du Tribunal fédéral 2C_207/2016 du 2 mai 2016.

7554

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6.1.2

Petites incohérences dans la réglementation des coûts

Comme signalé au chap. 2.5, l'art 82, al. 2, LEtr évoque, s'agissant du forfait payé par la Confédération pour participer aux frais, la détention en phase préparatoire, la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion et la détention pour insoumission, mais pas la détention dans le cadre de la procédure Dublin. Par contre, l'article d'ordonnance qui en découle inclut cette dernière. En pratique, le SEM a toujours remboursé la détention dans le cadre de la procédure Dublin. Le CPA suppose que l'on a oublié de modifier l'art. 82, al. 2, LEtr, lors de l'introduction du nouvel art. 76a concernant la détention dans le cadre de la procédure Dublin. Selon sa réponse à la consultation de l'administration, le DFJP considère quant à lui que la détention dans le cadre de la procédure Dublin relève de cette disposition «comme forme spécifique de la détention en phase préparatoire ou en vue du renvoi». Dans la loi cependant, rien n'indique que la détention dans le cadre de la procédure Dublin constitue une forme spécifique des autres régimes de détention. Elle y apparaît plutôt comme un régime de détention distinct régi par des dispositions spécifiques (art. 76a et 80a LEtr). Le CPA ne partage donc pas l'interprétation du DFJP sur ce point.

Les bases légales présentent une autre incohérence qui, elle, a des conséquences financières pour la Confédération: lorsqu'un étranger se rend en Suisse sans déposer de demande d'asile alors qu'en vertu du règlement Dublin un autre Etat est compétent en ce qui le concerne, le SEM, conformément à l'art. 64a, al. 1, LEtr, rend une décision de renvoi à son encontre. Cette personne ne relève pas du domaine de l'asile mais du domaine des étrangers. Les frais d'exécution du renvoi sont donc à la charge du canton. Il existe toutefois une exception. La Confédération participe aux frais de détention sous la forme d'un forfait journalier, en raison de la manière dont est formulé l'art. 82, al. 2, let. c, LEtr: le forfait est alloué pour «les étrangers dont la détention a été ordonnée en relation avec une décision de renvoi du SEM». Cette disposition constitue une incohérence dans la répartition des frais entre la Confédération et les cantons25. Lors des entretiens menés par le CPA, les autorités cantonales ont manifesté le souhait que la Confédération, dans les cas Dublin relevant du
domaine des étrangers, prenne en charge non seulement les frais de détention mais la totalité des frais au motif que les cantons n'ont pas d'influence sur les modalités de transfert vers l'Etat Dublin compétent, et donc sur leur coût. Selon le DFJP, une telle prise en charge des coûts n'aurait jamais été évoquée.

Outre les incohérences qui viennent d'être évoquées, certains estiment que les dispositions légales relatives à la détention dans le cadre de la procédure Dublin ne sont pas entièrement conformes au règlement Dublin III (Hruschka 2017; Hruschka/ Nufer 2017). Dans l'évaluation Schengen 2014, il a par ailleurs été reproché à l'art. 81 LEtr relatif à la séparation des personnes en détention administrative de celles en détention préventive ou purgeant une peine (voir aussi chap. 2.3 et cri-

25

Dans sa réponse à la consultation de l'administration, le DFJP ne considère pas cette exception comme une incohérence.

7555

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tique de la CNPT au chap. 5.4) de ne pas suffisamment tenir compte de la directive retour de l'UE, raison pour laquelle le Conseil fédéral a proposé une modification de la loi26.

6.1.3

Le recours à la détention administrative est une compétence presque exclusivement cantonale

La procédure d'asile relève de la compétence de la Confédération (art. 119 de la loi sur l'asile [LAsi]27). Les cantons n'ont aucune influence ni sur elle ni sur son issue.

Les décisions d'asile négatives, qui entraînent un renvoi dans l'Etat d'origine ou dans un Etat Dublin, sont du ressort du SEM.

L'exécution du renvoi incombe par contre aux cantons, comme le dispose l'art. 46, al. 1 et 1bis, LAsi. La compétence cantonale est par ailleurs inscrite à l'art. 69, al. 1, LEtr pour les renvois forcés et à l'art. 64a, al. 3, LEtr pour l'exécution des renvois Dublin. L'exécution du renvoi est donc clairement une compétence cantonale.

Les bases légales confèrent aux cantons différentes compétences les habilitant à exécuter les décisions de renvoi. Le canton d'attribution ou de séjour peut notamment ordonner une détention administrative (art. 80, al. 1, et 80a, al. 1, LEtr). Le SEM peut le faire lorsque la personne séjourne dans un CEP de la Confédération et que l'exécution du renvoi est prévisible. Il ressort des entretiens menés dans les cantons abritant des CEP que le SEM a fait usage de cette possibilité pendant un certain temps. Les services des migrations concernés se sont montrés plutôt critiques à cet égard, parce que la Confédération d'une part recourait à des infrastructures de détention cantonales pour son propre usage, d'autre part ordonnait des détentions selon une pratique parfois différente de celle du canton abritant le CEP. Selon les collaborateurs interrogés, le SEM n'ordonne plus de détentions aujourd'hui. Du fait de la restructuration du domaine de l'asile, la détention en centre fédéral sera elle aussi ordonnée intégralement par les cantons à l'avenir.

Toutes les personnes que le CPA a interrogées, au niveau cantonal comme au SEM, ont insisté sur le fait que l'exécution du renvoi en général et la détention administrative en particulier relèvent de la compétence des cantons. Un seul canton a mentionné la possibilité de créer une compétence fédérale pour l'exécution du renvoi.

En conclusion, il apparaît clairement que tant les bases légales que les acteurs concernés considèrent le recours à la détention administrative comme étant l'affaire des cantons.

26 27

Adaptation de la LEtr, «Normes procédurales et systèmes d'information», avant-projet et rapport explicatif du SEM de juin 2016.

Loi du 26.6.1998 sur l'asile (LAsi; RS 142.31).

7556

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6.1.4

La surveillance exercée par le Conseil fédéral n'est que complémentaire mais gagne en importance

Les entretiens que le CPA a menés avec les services des migrations ont révélé que les cantons ne perçoivent pas comme telle la «surveillance» exercée par le SEM sur le recours à la détention administrative. L'exécution du renvoi relevant de la compétence des cantons, ceux-ci estiment qu'il n'est ni nécessaire ni souhaitable de renforcer la surveillance. Le SEM n'en voit pas non plus la nécessité et rappelle le rôle de la surveillance judiciaire et de la CNPT.

La détention administrative est ainsi qualifiée parce que, contrairement à la détention découlant d'une procédure pénale, elle est ordonnée par une autorité administrative et non judiciaire. Depuis l'instauration de la détention administrative en 1995, chaque décision de détention est cependant justiciable. La décision de détention du tribunal cantonal peut faire l'objet d'un recours devant le TF. Dans les faits, les garanties procédurales concernant la détention dans le cadre de la procédure Dublin sont plutôt faibles par comparaison avec le reste de l'Europe, car l'examen juridique n'a lieu que sur demande (voir chap. 5.4). Les modalités prévues par la loi pour cet examen sont par contre très complètes: il porte sur la légalité et la pertinence de la détention et doit tenir compte de la situation familiale du détenu et des conditions d'exécution de la détention (voir chap. 2.3). Selon les entretiens menés avec les services cantonaux des migrations, l'exécution de la détention de mineurs et de femmes est parfois assortie de conditions. L'examen de la détention au cas par cas fait donc l'objet de précautions juridiques. La CNPT examine elle aussi les conditions de détention, mais les remarques qu'elle est amenée à faire n'ont qu'un statut de recommandation (voir chap. 5.4).

Compte tenu des instances de surveillance existantes et du fait que la détention administrative relève largement de la compétence des cantons, en quoi consiste la surveillance exercée par le Conseil fédéral? L'art. 124, al. 1, LEtr dispose que le Conseil fédéral surveille l'exécution de la LEtr, qui régit notamment la détention administrative. L'ordonnance correspondante28 oblige le SEM à entretenir avec les autorités cantonales compétentes un échange d'informations permanent sur les questions relevant de l'exécution des renvois et des expulsions. Ce qu'il manque aux
tribunaux, qui n'examinent que des cas particuliers, c'est une vue d'ensemble des pratiques des différents cantons. Il paraît donc tout à fait judicieux d'encourager l'échange d'informations.

La période prise en compte dans la présente évaluation se caractérise par le fait que l'UE joue un rôle plus important qu'avant s'agissant du recours à la détention administrative. Les modifications visant à intégrer dans la loi la directive retour de l'UE sont entrées en vigueur le 1er janvier 2011. Cette directive règle de nombreux aspects de la détention administrative (conditions de détention, durée, conditions devant être remplies, détention de mineurs et d'autres groupes vulnérables, par ex.).

Les modifications visant à intégrer dans la loi le règlement Dublin III de l'UE datant de 2013 sont entrées en vigueur le 1er juillet 2015. Ce règlement régit en détail la détention dans le cadre de la procédure Dublin. La Commission européenne évalue 28

Art. 7, al. 2, OERE

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périodiquement la mise en oeuvre des dispositions de l'UE. Bien que le recours à la détention administrative relève de la compétence des cantons, dans les relations internationales, c'est au Conseil fédéral qu'il appartient de fournir les renseignements sur le respect par la Suisse des prescriptions de l'UE, et de prendre acte des critiques éventuelles. Le renforcement de la dimension internationale a accru l'importance de la surveillance, du moins s'agissant du degré d'information nécessaire de la Confédération, lequel est examiné plus en détail ci-après.

L'art. 46, al. 3, LAsi, qui oblige le SEM à surveiller l'exécution des renvois dans le domaine de l'asile et à mettre sur pied, conjointement avec les cantons, un suivi de l'exécution des renvois, est entré en vigueur le 1er octobre 2016, en même temps que l'art. 89b LAsi autorisait la Confédération à réclamer le remboursement d'indemnités forfaitaires ou à renoncer à verser celles-ci lorsqu'un canton «ne remplit pas ses obligations en matière d'exécution (...) ou ne les remplit que partiellement et que rien ne justifie de tels manquements». Cet élément de contrôle de l'exécution du renvoi avec possibilité de sanction est nouveau dans la surveillance de la Confédération. Les conséquences de cette nouveauté sur la collaboration de la Confédération avec les cantons sont examinées plus en détail au chap. 6.3.

6.2

Degré d'information du SEM

Le degré d'information du SEM sur le recours à la détention administrative constitue une partie importante de la fonction de surveillance de la Confédération. Le présent chapitre porte d'abord sur les données dont dispose le SEM concernant la détention administrative, puis sur les systèmes de gestion de données du SEM concernant l'exécution des renvois et enfin sur l'exploitation des données.

6.2.1

Données concernant la détention administrative incomplètes et absence d'encouragement visant leur saisie correcte

Par suite de l'évaluation du CPA réalisée en 2005 (CPA 2005), le Conseil fédéral a, sur recommandation des CdG29, obligé les cantons à signaler les cas de détention administrative au SEM à partir de 2008 (art. 15a, OERE). Lors d'un contrôle de suivi à l'évaluation du CPA, le Conseil fédéral a fait procéder à une première évaluation des données30. Pour la présente évaluation, BASS (Guggisberg/Abrassart/ Bischof 2017: 5) a examiné dans quelle mesure les détentions enregistrées dans le SYMIC concordaient avec les forfaits journaliers remboursés par la Confédération.

Ce faisant, il a constaté que les données sur la détention administrative évaluées à l'époque étaient très incomplètes jusqu'à la fin 2010.

29

30

Application et effet des mesures de contrainte en matière de droit des étrangers, rapport de la CdG-N du 24.8.2005 sur la base d'une évaluation effectuée par le CPA, (FF 2006 2515, en l'espèce: 2528).

Application et effet des mesures de contrainte en matière de droit des étrangers, rapport de la CdG-N du 24.8.2005 sur la base d'une évaluation effectuée par le CPA, avis du Conseil fédéral du 29.6.2011 sur la lettre de la CdG-N du 16.2.2010.

7558

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Par conséquent, les présentes analyses statistiques ne prennent en compte que les données saisies à partir de 2011, année depuis laquelle les cantons enregistrent les détentions directement dans le SYMIC. Quatre cantons (TG, NE, SH, VD) sont toutefois exclus des analyses, des contrôles de qualité y ayant détecté des disparités considérables entre le nombre de détentions enregistré dans le SYMIC et les montants comptabilisés, même après 201131. Lors de l'entretien, le service des migrations du canton de Thurgovie a indiqué que l'écart devait tenir au fait qu'un nombre important de détentions avaient été ordonnées non par le canton mais par le SEM, après un séjour dans le CEP de la Confédération situé dans le canton. Le canton n'a pas saisi ces cas dans le SYMIC mais les a facturés à la Confédération. Dans les autres cantons, par contre, il n'y a pas d'explication plausible aux disparités constatées.

L'analyse des documents et les entretiens menés tant avec les autorités cantonales qu'avec le SEM permettent d'affirmer que, en gros, chacun sait quels sont les éléments à saisir dans le SYMIC. Ce qui est moins clair, c'est le moment auquel la saisie doit avoir lieu. Le SEM n'a invité qu'une seule fois les cantons, par un courriel d'information diffusée mi-2015, à saisir les données dans leur intégralité dès le début de la détention, et à corriger les saisies sans fin de détention au-delà d'un dépassement de 18 mois. Il n'a cependant jamais fixé de délai de saisie clair. Le SEM semble donc manquer de détermination vis-à-vis des cantons concernant l'obligation de transmettre les données. Les entretiens avec les services des migrations ont révélé que, souvent, les détentions continuent d'être saisies dans le SYMIC une fois qu'elles ont pris fin, et que bon nombre de cantons n'accordent qu'une importance limitée à la saisie des données. Il en va de même pour le SEM qui, selon l'enquête du CPA, n'enregistre pas dans le SYMIC les détentions qu'il a ordonnées après un séjour en CEP.

Le SYMIC présente par ailleurs un certain nombre de défauts. Par exemple, il n'est pas possible de saisir, après une détention en phase préparatoire, une détention en vue du renvoi qui commence le jour où finit la détention en phase préparatoire, alors que c'est généralement le cas. Le SYMIC ne déclenche pas non plus d'alerte
automatique en cas d'erreur, par exemple lorsque la durée maximale d'un régime de détention est dépassée.

Avant de rembourser les frais de détention aux cantons, le SEM vérifie que la saisie opérée dans le SYMIC correspond bien aux données inscrites sur le formulaire de remboursement. Mais lorsqu'il constate une divergence ou une lacune dans le SYMIC, il ne la corrige pas et n'informe pas non plus le canton concerné. L'exactitude des données saisies dans le SYMIC n'est donc pas une condition du remboursement des frais.

Par ailleurs, conformément à l'art. 15a, al. 2, OERE, les autorités cantonales doivent, en cas de détention d'un mineur, indiquer si une représentation légale a été instituée et si des mesures de protection de l'enfant ont été prises. Selon l'enquête du CPA, cette disposition n'est pratiquement jamais appliquée. Le SEM n'a pas été en mesure d'indiquer sous quelle forme les cantons avaient fourni ces indications 31

Il n'a pas été possible de contrôler la qualité des données du canton de Zurich, car celui-ci établit des décomptes groupés.

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jusqu'à présent. Selon sa réponse à la consultation de l'administration, le DFJP a prévu de faire saisir ces informations dans le SYMIC et lancé les modifications qui s'imposent dans l'ordonnance. Il est rare que des mineurs soient mis en détention administrative (cf. chap. 5.3); toutefois, vu qu'il s'agit majoritairement d'enfants de moins de quinze dont la loi exclut la détention, les mesures de protection sont d'autant plus importantes.

6.2.2

Nombreux doublons et ruptures de support dans la gestion des données

Si la détention administrative est saisie dans le SYMIC, de nombreuses autres données importantes font défaut (Etat de destination ou tentatives de renvoi ayant échoué, par ex.) ou ne sont saisies que de façon rudimentaire (indications concernant l'aide à l'exécution, par ex.). Le CPA s'est donc efforcé, pour son évaluation, de trouver dans d'autres systèmes de données les indications manquant dans le SYMIC.

C'est ainsi qu'il a constaté l'existence de nombreux doublons entre les différentes bases de données du SEM dans le domaine de l'exécution des renvois. Certaines données sont saisies plusieurs fois. Par exemple, la date de sortie figure aussi bien dans le SYMIC que dans les systèmes «Aurora» et «indiRück». Elle figure aussi sur les listes des services-conseils en vue du retour. Les données personnelles et le pays de destination doivent être saisis dans «Aurora» et dans le système de réservation des vols. L'aide financière au retour est saisie dans le SYMIC et dans «indiRück».

Les dates de détention doivent être saisies dans le SYMIC et sur le formulaire de demande de remboursement du forfait journalier, etc.

Il existe des connexions automatiques entre certains systèmes, mais celles-ci ne fonctionnent pas toujours, notamment parce que les identifiants utilisés varient (numéro SYMIC, numéro AUPER, numéro N), ce qui fait que la connexion avec le SYMIC échoue, ou que l'on rattache des personnes qui n'ont rien à voir entre elles. Il faut donc vérifier de nombreuses entrées manuellement et les corriger si nécessaire.

En ce qui concerne le remboursement des frais par la Confédération, le CPA a par ailleurs constaté de nombreuses ruptures de support, c'est-à-dire que des données saisies sur informatique sont transmises sur papier puis à nouveau saisies sur informatique. A titre d'exemple, lors du remboursement du forfait pour frais de détention, les cantons enregistrent dans le SYMIC la période de détention. Ils saisissent ensuite dans un fichier Excel fourni par le SEM les mêmes données plus les données personnelles qu'ils récupèrent dans le SYMIC. Ils impriment ce formulaire Excel pour le signer et le transmettent au SEM sur papier. Le SEM vérifie les données personnelles et celles concernant la détention, en les comparant avec celles qui figurent dans le SYMIC. Les données personnelles vérifiées
dans le SYMIC sont alors saisies à nouveau dans le système comptable «SAP», avec saisie du montant du forfait.

Le CPA a constaté des ruptures semblables dans la procédure de remboursement des consultations en vue du retour. Tous ces doublons et ces ruptures de support entraî-

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nent non seulement une charge de travail supplémentaire, mais constituent aussi des sources d'erreurs, tant lors de la saisie que lors des corrections ultérieures.

Le SEM avait lancé un projet informatique en vue d'améliorer la gestion des données dans le domaine de l'exécution des renvois, mais ce projet a été depuis lors suspendu.

6.2.3

Le SEM ne peut exploiter ses données que de façon limitée

Le SEM évalue les données relatives à la détention administrative au début de chaque année, mais cette analyse présente des carences méthodologiques (distorsions dues à l'exclusion d'épisodes de détention longs, recouvrant plusieurs périodes, dans l'analyse par année; non-représentation de l'évolution dans le temps dans l'analyse pluriannuelle). Si l'on ajoute à cela les lacunes affectant la saisie (y compris les données non fiables sur le nombre de personnes en détention), on voit que la pertinence de cette analyse est limitée. Le SEM utilise certaines informations fondamentales tirées de cette analyse, par exemple la fréquence des recours à la détention administrative, dans les relations publiques. Pourtant, le CPA n'a trouvé dans aucun des documents analysés (présentations, procès-verbaux de réunions, fiches d'information) d'indication selon laquelle le SEM soumettrait ces chiffres aux cantons afin de dialoguer sur les différences en matière d'exécution, alors que ces chiffres s'y prêteraient parfaitement.

Dans certains domaines, comme l'aide d'urgence, le SEM procède à des analyses statistiques très étendues; toutefois, dans la plupart des domaines de l'exécution des renvois, il n'exploite guère ses données. Cela tient notamment à la disparité des systèmes évoquée plus haut. De plus, les données du SEM ne se prêtent à une exploitation statistique que de façon limitée. Les extraits d'«indiRück» que BASS a pu consulter se sont par exemple révélés incomplets. Mais comme la base de données a été conçue à l'extérieur, le SEM n'est en mesure ni d'en expliquer les lacunes, ni d'effectuer une requête de données correcte. Le service statistique du SEM n'a accès qu'au SYMIC, pas aux autres bases de données relatives à l'exécution des renvois.

Dans le cadre de l'évaluation, il a fourni les données nécessaires du SYMIC très rapidement, mais il ne peut fournir que des informations restreintes sur leur signification. Il faudrait pour cela que les données et les modifications effectuées soient systématiquement documentées, ce qui n'est pas le cas. En outre, le service statistique ne dispose pas des ressources nécessaires pour effectuer ses propres analyses.

Les données relatives à la détention administrative ne sont pas les seules à être incomplètes dans le SYMIC; c'est également le cas de celles qui
concernent le passage à la clandestinité de requérants d'asile. Les autorités inscrivent dans le SYMIC un «départ non contrôlé» lorsqu'elles n'ont plus eu de contact avec une personne pendant un certain temps (cf. chap. 3.1.1). Selon les entretiens menés au SEM, cette inscription n'a lieu que lorsque la base de données présente un objet en suspens (décision non encore entrée en force ou aide à l'exécution en suspens) afin de clore cet objet. Autrement, rien n'est indiqué. Selon la réponse du DFJP à la consultation de l'administration, cela tient au fait que les cantons n'ont de raison de signaler un 7561

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passage dans la clandestinité que si une aide à l'exécution est en suspens au SEM.

Toutefois, plusieurs services cantonaux des migrations ont indiqué au CPA qu'ils signalaient au SEM d'autres cas de passage à la clandestinité car ces informations sont utiles lorsque la personne est retrouvée ailleurs, mais que le SEM n'enregistrait pas ce signalement dans le SYMIC. Quoi qu'il en soit, la logique administrative étroite de la saisie de données a pour effet qu'il n'existe aucun chiffre fiable sur le passage d'individus à la clandestinité.

6.3

La collaboration avec les cantons

Dans ce chapitre, trois aspects de la collaboration de la Confédération avec les cantons dans le domaine de la détention administrative sont examinés: l'échange d'informations, le nouveau suivi de l'exécution des renvois et la participation financière de la Confédération.

6.3.1

Le dialogue est apprécié mais son effet harmonisant reste limité

Concernant le recours à la détention administrative, le SEM n'impose aux cantons aucune prescription au-delà des dispositions légales et de la jurisprudence (cf.

chap. 6.1.1). Dans son rôle de surveillant, il mise avant tout sur le dialogue, conformément à l'obligation légale de l'échange d'informations (voir chap. 6.1.4). Les interlocuteurs du SEM ont indiqué au CPA chercher par-là à harmoniser les différentes pratiques des cantons.

Pour encourager les échanges avec les cantons, le SEM s'appuie sur différents organes, à commencer par le comité d'experts Retour et exécution des renvois et certains de ses groupes de travail (en particulier le sous-groupe Mise en oeuvre de Dublin); il s'appuie également sur la réunion des coordinateurs cantonaux de l'exécution, qu'il organise chaque année. En 2015 et 2016, années étudiées de manière systématique sur la base de la documentation du SEM (procès-verbaux de réunions, fiches d'information, présentations, etc.), la détention dans le cadre de la procédure Dublin était au coeur des échanges. Le SEM a commenté les dispositions du règlement Dublin III, entrées en vigueur en juillet 2015, mais n'a donné pratiquement aucune recommandation directe concernant le recours à la détention administrative. Lorsque les débats révélaient des disparités entre cantons, le SEM invitait les cantons au dialogue sans pour autant évaluer les différentes pratiques. Lors des entretiens avec le CPA, les services cantonaux des migrations ont déclaré apprécier leurs échanges avec le SEM dans le cadre de ces organes.

Lors de séances de ces organes, le SEM s'est proposé à plusieurs reprises pour déposer un recours devant le TF. Il a en effet qualité pour recourir «si l'acte attaqué est susceptible de violer la législation fédérale dans [son] domaine d'attribution»32.

32

Art. 89, al. 2, let. a, de la loi du 17.6.2005 sur le Tribunal fédéral (loi sur le Tribunal fédéral, LTF; RS 173.110) en relation avec l'art. 14, al. 2, de l'ordonnance du 17.11.1999 sur l'organisation du Département fédéral de justice et police (Org DFJP; RS 172.213.1).

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Selon les collaborateurs interrogés, le SEM n'a fait jusqu'à présent usage de cette possibilité que sur demande d'autorités cantonales qui contestaient la décision de leur tribunal. Pour le SEM, il faut que la résolution juridique du problème présente un intérêt au-delà du cas particulier. Les autorités cantonales jugent bonne la collaboration avec le SEM dans ce domaine.

La collaboration entre la Confédération et les cantons se déroule sur plusieurs niveaux. Au niveau politique supérieur, par exemple, l'organe de contact «DFJP, CCDJP et CDAS» a débattu de la participation financière de la Confédération à la construction et à l'aménagement des établissements de détention. A l'autre bout de l'échelle, des collaborateurs des services cantonaux des migrations et des collaborateurs du SEM prennent ponctuellement contact pour discuter de cas concrets. Les interlocuteurs cantonaux du CPA ont jugé les réponses à leurs requêtes majoritairement positives, mais variables en fonction de la personne. Ils estiment globalement que la collaboration s'est améliorée ces dernières années, avec des temps de réaction plus rapides de la part du SEM et une meilleure maîtrise des sujets. Ils apprécient tout particulièrement les informations sur les pays d'origine réunies par le SEM.

Les cantons apprécient donc clairement le dialogue avec le SEM. Cependant, l'effet harmonisant de ce dialogue reste limité, comme le montrent les disparités considérables qui persistent entre les cantons (voir chap. 4.2 et 5). Dans la mesure où ces disparités sont l'expression de préférences politiques variables, ce n'est pas un dialogue au niveau de l'administration qui va les réduire. Compte tenu du fait que les différences de pratique des autorités résultent en partie de différences de pratique des tribunaux, on peut se demander si tous les acteurs concernés sont bien impliqués dans le dialogue avec la Confédération. Le CPA a trouvé dans les documents du SEM une présentation du SEM devant les tribunaux. Il semble toutefois qu'il se soit agi là d'un échange unique.

6.3.2

Nouveau suivi inadapté en tant qu'un instrument de surveillance

Depuis juillet 2016, le SEM publie une fois par an, sur la base d'une nouvelle disposition légale (voir chap. 6.1.4), un suivi de l'exécution des renvois dans le domaine de l'asile33. Le but de ce suivi est de voir dans quelle mesure les cantons renvoient systématiquement les requérants d'asile déboutés34. Lors des entretiens avec le CPA, le SEM n'a cependant pas défini ce suivi comme un instrument de surveillance, mais plutôt comme un moyen d'identifier les problèmes, par exemple ceux qui concernent l'obtention de documents de voyage. Les cas en suspens avec aide à l'exécution étant analysés par stade ou par Etat d'origine, le suivi permet de tirer des conclusions sur des domaines posant des problèmes. Du point de vue de l'évaluation, le suivi n'inclut toutefois pas toutes les décisions négatives, mais uniquement celles qui sont assorties d'une aide à l'exécution. Par ailleurs, les chiffres ne sont pas très 33 34

SEM, Asile: statistiques du deuxième trimestre 2016, 12.7.2016; SEM, Asile: statistiques du deuxième trimestre 2017, 19.7.2017.

Accélération des procédures d'asile: entrée en vigueur des premières dispositions le 1.10.2016, communiqué de presse du Conseil fédéral du 31.8.2016.

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parlants: pour déterminer si le nombre de 3097 personnes avec aide à l'exécution après une procédure d'asile au 30 avril 2017 est faible ou élevé, il faut savoir combien il comprend de cas de l'année précédente, combien des personnes déboutées ont besoin de se procurer des documents de voyage pour partir, combien de personnes passent à la clandestinité aussitôt après une décision négative, etc.

Compte tenu de l'analyse statistique, les différences considérables qui existent d'un canton à l'autre dans la composition structurelle des requérants d'asile déboutés ne sont pas prises en considération dans le suivi (voir chap. 4.2). Certes, ces facteurs structurels n'expliquent guère les différences de taux de départ entre cantons, en particulier s'agissant des cas Dublin, mais on ne peut pas exclure qu'ils soient amenés à jouer peu à peu un rôle plus important, le recours à la détention administrative ayant tendance à baisser sous l'effet du règlement Dublin III. La comparaison des cantons serait alors d'autant moins pertinente.

Les services cantonaux des migrations interrogés considèrent le suivi comme un instrument de surveillance à part entière et portent sur lui des jugements variables.

Ceux qui présentent un nombre important de renvois en suspens sont particulièrement critiques à son égard. Depuis l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions légales, il est arrivé plusieurs fois que la Confédération refuse à certains cantons le remboursement du forfait (essentiellement ou exclusivement pour des cas Dublin) au motif qu'ils n'avaient pas exécuté certains renvois. La détention administrative étant un moyen particulièrement efficace de garantir l'exécution du renvoi, surtout dans les cas Dublin, la sanction financière pourrait inciter certains cantons à y recourir plus souvent. Il pourrait en résulter une harmonisation des pratiques cantonales en la matière.

6.3.3

Le remboursement des frais est globalement approprié et sert désormais d'instrument de pilotage

La Confédération rembourse aux cantons un forfait journalier pour la détention administrative dans le domaine de l'asile et peut, depuis 2014, participer financièrement à la construction et à l'aménagement d'établissements de détention (voir chap. 2.5). Le CPA a examiné les remboursements de la Confédération aux cantons à la lumière de la loi sur les subventions35 puis les a évalués sur la base des documents consultés et des entretiens menés au SEM. La participation financière à la détention administrative est globalement conforme aux conditions légales régissant les indemnités versées par la Confédération aux cantons36. En effet, la législation fédérale sur la détention administrative est plus qu'une simple législation-cadre et l'exécution va au-delà de tâches administratives.

Par contre, le forfait journalier en soi n'est que partiellement conforme aux prescriptions de la loi sur les subventions (LSu)37. Tout d'abord, son mode de calcul est flou.

Certes, l'art. 15, al. 3, OERE oblige le SEM à observer l'évolution des coûts d'ex35 36 37

Loi fédérale du 5.10.1990 sur les aides financières et les indemnités (loi sur les subventions, LSu; RS 616.1).

Art. 9, al. 2, LSu Art. 10 LSu

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ploitation, mais rien ne permet de savoir de quelle façon le forfait en est déduit. En pratique, le SEM ne suit pas l'évolution des coûts d'exploitation de façon régulière, mais il a mené il y a quelques années un sondage auprès des cantons. Selon l'office, les cantons n'ont pas été en mesure d'indiquer leurs coûts d'exploitation, mais au vu des résultats du sondage, le forfait a été relevé de 140 à 200 francs par jour. Les services cantonaux des migrations interrogés pour la présente évaluation ont indiqué que ce montant ne couvrait généralement pas, et de loin, les frais effectifs. Mais bon nombre de cantons ne facturent pas la totalité des frais en interne.

Ensuite, le forfait journalier n'est pas conforme aux prescriptions de la LSu dans la mesure où il importe peu, pour autoriser le versement du forfait ou fixer son montant, que la détention administrative ait atteint son but, à savoir l'exécution du renvoi. Comme expliqué au chap. 3.2, la détention dans le cadre de la procédure Dublin atteint presque toujours son but, alors que les résultats cantonaux sont très contrastés pour ce qui est du renvoi dans l'Etat d'origine (voir chap. 4.2), même en tenant compte des facteurs structurels. Le recours des cantons à la détention administrative n'est donc pas également opportun ou axé sur l'objectif. Mais compte tenu de la multiplicité des facteurs d'influence, il n'est jamais possible de planifier complètement l'exécution du renvoi dans l'Etat d'origine.

La surveillance du remboursement des forfaits journaliers n'est réglée ni au niveau de la loi ni par voie d'ordonnance, contrairement à ce que prévoit la LSu38. En pratique, les cantons doivent joindre à leur demande de remboursement l'ordre de mise en détention et, le cas échéant, la décision judiciaire de mise en détention. Le SEM contrôle les documents et renvoie aux cantons les demandes erronées ou incomplètes. Par contre, les manquements ou les erreurs de saisie d'une détention dans le SYMIC n'entraînent aucune action particulière (cf. chap. 6.2.1).

Selon la statistique financière annuelle du SEM, le coût des forfaits journaliers a oscillé, de 2014 à 2016 (soit depuis l'augmentation des forfaits à 200 francs), entre 18 millions et 20,5 millions de francs par an. Le coût moyen d'un cas et le nombre de journées remboursées n'étant pas indiqués,
il n'est pas possible d'évaluer plus précisément ces frais39.

Les contributions à la construction et à l'aménagement d'établissements de détention relèvent majoritairement des compétences de l'Office fédéral de la justice. Pour autant que le CPA puisse en juger, elles sont largement conformes au droit des subventions. Conformément à la LSu, le montant du remboursement dépend de l'intérêt et de la situation financière de la Confédération, et les conséquences d'un accomplissement défectueux ou d'une désaffectation sont réglées. Par ailleurs, toutes les exigences du droit des subventions relatives à la surveillance sont respectées, excepté l'obligation pour l'office compétent de s'assurer que les tâches sont exécutées conformément à la loi.

L'analyse des documents et les entretiens menés au SEM ont révélé que les conditions régissant ces subventions à la construction et à l'aménagement ont été définies à dessein de manière à ce que les prescriptions légales et du droit international de 38 39

Art. 11 et 25 LSu Une estimation très grossière du CPA arrive à un coût moyen compris entre 6000 et 7000 francs par cas de détention (y compris les rétentions de courte durée).

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même que la jurisprudence du TF concernant les conditions de détention soient respectées. En prévoyant que les établissements de détention soient, en règle générale, à sa propre disposition et à celle de plusieurs cantons, la Confédération encourage par ailleurs la collaboration intercantonale. Ces incitations financières sont pour elle un moyen réfléchi d'encourager la légalité et l'opportunité du recours à la détention administrative. En fait, les cantons ont jusqu'ici déposé un nombre très réduit de demandes de subventions, et aucune n'a abouti.

7

Conclusions

L'évaluation arrive à la conclusion générale que la détention administrative est un instrument efficace en matière d'exécution des renvois. Dans l'ensemble, elle est utilisée de manière opportune. Les grandes disparités cantonales constatées indiquent toutefois que la détention est appliquée de manière plus opportune dans certains cantons que dans d'autres, et que tous n'ont pas la même interprétation du principe de proportionnalité. Eu égard au fédéralisme d'exécution, le Conseil fédéral et l'administration fédérale ont exercé jusqu'à présent une surveillance tout en retenue.

Ils ont privilégié le dialogue, sans pour autant obtenir l'harmonisation des pratiques.

Il semble toutefois que la Confédération tende à intensifier sa surveillance de l'exécution des renvois.

Sur la base des analyses menées, les conclusions suivantes concernent d'abord les conditions d'un recours efficace à la détention et ensuite les disparités entre cantons.

Puis, le rôle de la Confédération est évalué, avant que les déficiences opérationnelles constatées dans la gestion de l'exécution des renvois soient évoquées.

7.1

La détention administrative est efficace, mais le recours à cet instrument présuppose une bonne coopération internationale

Entre 2011 et 2014, 61 677 décisions d'asile négatives ont été rendues. Les personnes concernées par 12 227 d'entre elles ont été placées en détention administrative au moins une fois dans les 18 mois qui ont suivi la décision. Dans les cas Dublin, le taux de détention était de 39 % pendant la période sous revue et une détention était presque toujours suivie du transfert de la personne concernée. Parmi les personnes renvoyées dans leur Etat d'origine, 7 % ont été mises en détention administrative par les autorités et deux sur trois au moins sont parties à l'issue de leur détention. C'est presque deux fois plus que le taux de retour des personnes renvoyées dans leur Etat d'origine qui n'ont pas été mises en détention administrative. La détention administrative est donc un instrument efficace et dans l'ensemble, elle est employée de façon opportune: plus il y a de mises en détention, plus il y a de départs contrôlés.

Les cantons qui recourent plus fréquemment à la détention administrative ne mettent pas plus en détention les personnes qui ne pourront pas être renvoyées par la suite.

Cela dit, la détention administrative n'est possible que si certaines conditions légales sont remplies. Il faut notamment qu'il soit suffisamment plausible que le renvoi 7566

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puisse être exécuté dans un délai prévisible. L'analyse statistique des renvois dans l'Etat d'origine met clairement en évidence l'importance d'une coopération internationale performante: qu'une détention administrative soit ordonnée ou non, la probabilité d'un départ contrôlé est nettement plus élevée lorsqu'il existe avec l'Etat d'origine un partenariat migratoire ou un programme d'aide au retour. Les accords de réadmission se sont révélés qu'en partie utiles sans doute parce que certains d'entre eux sont restés lettre morte.

Les interlocuteurs du CPA n'ont cessé de souligner également l'importance capitale de la coopération internationale pour la réussite de l'exécution des renvois. Les services cantonaux des migrations ont loué les efforts du SEM dans la recherche des documents de voyage, tout en déplorant le fait que ce dernier atteint ses limites. Ils estiment que la politique étrangère de la Confédération n'accorde pas suffisamment de poids à la coopération en matière de migrations.

7.2

Les disparités cantonales mettent en question la légalité de la détention administrative

L'évaluation a révélé de grandes disparités entre les cantons en matière d'exécution des renvois. Les caractéristiques structurelles des requérants d'asile déboutés (sexe, âge, situation familiale, Etat d'origine) n'expliquent au plus qu'un tiers des disparités entre les cantons en matière de détention administrative et des différences quant à la nature et au nombre de départs contrôlés. En effet, les disparités cantonales tiennent essentiellement aux différentes façons d'appliquer les mesures d'exécution des renvois. Le recours plus ou moins fréquent à la détention administrative explique à lui seul de 40 à 50 % des écarts entre les taux de départ des différents cantons, ce qui permet d'évaluer la détention comme un instrument efficace de l'exécution des retours.

Toutefois, il se pose la question de la proportionnalité du recours à la détention administrative, car elle constitue une atteinte sérieuse aux droits fondamentaux des personnes concernées. Dans quelle mesure la fin (départ du requérant débouté) justifie-t-elle le moyen (recours à la détention)? Il est d'autant plus difficile de répondre à cette question que la comparaison des cantons montre que plus il y a de mises en détention administrative, plus il y a de départs contrôlés, mais aussi que certaines des personnes mises en détention auraient pu être renvoyées sans détention ou (pour les cas Dublin) seraient parties d'elles-mêmes: les faibles taux de mise en détention entraînent probablement un plus grand nombre de passages à la clandestinité; il y a moins de départs, mais une proportion plus grande de ces départs sont autonomes. Il existe donc un conflit d'objectifs entre un recours modéré à la détention administrative et le nombre de départs contrôlés, surtout pour les cas Dublin.

S'agissant des renvois dans l'Etat d'origine, plus il y a de mises en détention, plus les requérants d'asile déboutés partent d'eux-mêmes. Il n'a pas été déterminé si cela est dû à l'effet dissuasif de la mise en détention ou simplement au fait que les cantons coutumiers de la détention administrative encouragent aussi vivement les départs spontanés.

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Les entretiens avec les autorités cantonales et les analyses statistiques ont montré que les avis sont très partagés sur la question de savoir quand une détention administrative est proportionnelle. Ainsi, certains cantons invoquent le bien-être de l'enfant pour mettre en détention des enfants de moins de quinze ans avec leur famille. Dans d'autres cantons, les responsables politiques ont au contraire totalement exclu toute détention de mineurs. Par ailleurs, outre les responsables politiques, les tribunaux cantonaux jouent un rôle important, mais selon les entretiens, ils fixent des niveaux d'exigences inégaux pour la mise en détention.

On peut évaluer les disparités entre cantons et la légalité de la pratique en matière de détention administrative selon deux critères: l'égalité juridique et le fédéralisme d'exécution. Du point de vue de l'égalité juridique, il est inquiétant qu'un requérant d'asile débouté ne subisse pas le même traitement selon le canton compétent, d'autant qu'il n'a pas pu choisir son canton. D'un autre côté, l'exécution du renvoi relève clairement de la compétence des cantons. Il est donc important, du point de vue du fédéralisme d'exécution, que ces derniers disposent, pour appliquer la politique fédérale, d'une marge de manoeuvre leur permettant de prendre en considération leurs préférences politiques. Devant le CPA, les services cantonaux des migrations ont clairement revendiqué leurs compétences. La Confédération doit exercer sa surveillance en tenant compte de ces tensions entre autonomie cantonale et égalité juridique ainsi qu'entre la fin et les moyens.

7.3

La fonction de surveillance de la Confédération renforcée présente à la fois des opportunités et des risques

L'évolution de l'espace Schengen a nécessité plusieurs modifications des bases légales de la détention administrative ces dernières années. L'évaluation a montré que ces modifications ont donné naissance à un certain nombre d'incohérences dans la réglementation relative aux coûts. De plus, les directives du SEM qui donnent aux autorités d'exécution une vue d'ensemble des règlements existants et de la jurisprudence ne sont pas toujours à jour. Dans l'exercice de sa fonction de surveillance, le SEM privilégie le dialogue avec les cantons, qu'il a mis en place dans différents organes. Il verse en outre aux cantons un forfait de détention journalier et dépose, à l'occasion, des recours devant le TF à la demande des services cantonaux des migrations. Les autorités cantonales apprécient beaucoup toutes ces activités. Elles jugent très majoritairement la collaboration avec le SEM de bonne à très bonne. Reste que le dialogue n'a pas eu l'effet harmonisant escompté par le SEM, comme en témoignent les disparités entre cantons.

Quoi qu'il en soit, le rôle du SEM, c'est-à-dire de la Confédération, a évolué ces dernières années. Premièrement, la Confédération a dû à plusieurs reprises rendre des comptes à l'UE sur le recours des cantons à la détention administrative. Deuxièmement, l'instauration d'un subventionnement de la construction et de l'aménagement des établissements de détention représente un engagement financier potentiellement très élevé pour la Confédération. Le Conseil fédéral entend, par-là, peser sur l'amélioration des conditions de détention. Troisièmement, le SEM a l'obligation

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légale, depuis le 1er octobre 2016, de surveiller l'exécution des renvois et d'effectuer, avec les cantons, un suivi de cette exécution. S'il apparaît qu'un canton n'accomplit pas correctement ses tâches, le SEM peut lui refuser certaines compensations financières. La surveillance de l'exécution des renvois effectuée par le SEM intègre ainsi une dimension de contrôle nouvelle, qui pourrait avoir des effets sur la détention administrative. Elle offre la possibilité d'une harmonisation des pratiques de recours à la détention. Plusieurs cantons ont cependant manifesté leur hostilité à l'égard du suivi, ce qui pourrait dégrader la collaboration avec le SEM, appréciée jusque-là.

Le SEM a déjà refusé des compensations financières à des cantons pour dépassement du délai de transfert dans des cas Dublin. Les incitations qui en découlent ne sont pas sans risques. Le recours à la détention est, comme déjà indiqué, un instrument particulièrement fiable pour assurer l'exécution du renvoi, surtout dans les cas Dublin. Pour les autorités, la menace de sanctions financières est une incitation forte à exploiter leur marge de manoeuvre juridique pour mettre en détention un maximum de cas Dublin. Simultanément, cette marge de manoeuvre s'est réduite sous l'effet du règlement Dublin III, qui a durci les critères de mise en détention des cas Dublin: cette mise en détention n'est plus possible que si la personne présente un risque élevé de passer à la clandestinité. Entre la tentation accrue de prononcer une mise en détention afin de pouvoir exécuter le renvoi et le durcissement des critères de mise en détention, les cantons risquent de dépasser les limites de la légalité en ordonnant une détention administrative. En outre, comme le révèle la comparaison internationale, les droits procéduraux sont faibles en Suisse, surtout en cas de détention dans le cadre de la procédure Dublin. On peut donc se demander si les précautions visant à protéger les requérants d'asile déboutés garantissent toujours un recours légal à la détention administrative.

7.4

La gestion des données du SEM est inefficiente, sujette à des erreurs et d'une utilité réduite

Les différents systèmes de gestion des données du SEM dans le domaine de l'exécution des renvois présentent de nombreux doublons. Ils obligent à saisir plusieurs fois certaines données, ce qui accroît non seulement la charge de travail, mais aussi le risque d'erreur. Certains d'entre eux sont reliés par des interfaces, mais celles-ci ne fonctionnent pas parfaitement, ce qui nécessite à nouveau un retravail manuel. En outre, lors du décompte des coûts entre la Confédération et les cantons, des quantités de données doivent être ressaisies plusieurs fois. Par exemple, les cantons saisissent les données concernant le forfait journalier de détention dans un fichier informatique qu'ils transmettent ensuite au SEM sur papier, le SEM vérifie alors l'exactitude des données en les comparant à celles qui figurent dans le SYMIC, avant de les ressaisir dans le système de paiement électronique. La gestion de l'exécution des renvois est donc clairement inefficiente et sujette à des erreurs.

Par ailleurs, les données concernant la détention administrative que les cantons sont censés saisir dans le SYMIC se sont révélées incomplètes. Dans le cas de quatre cantons, les lacunes sont telles que ces cantons ont été exclus de l'analyse statis-

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tique. La saisie de la détention n'est prioritaire ni pour les cantons ni pour le SEM.

Certes, le SEM vérifie la saisie dans le SYMIC avant de rembourser le forfait journalier, mais en cas d'erreur, il ne fait rien. La saisie correcte de la détention n'est pas une condition du remboursement. Les cantons ne sont donc pas encouragés à tenir à jour les données. Le SEM de son côté n'a pas fixé de délai clair pour ce faire. Bon nombre de cantons n'effectuent la saisie qu'après la fin de la détention.

En outre, le SYMIC est dépourvu d'automatismes qui faciliteraient la mise à jour des données (alerte en cas de dépassement de la durée de détention maximale, par ex.). Il est axé sur les procédures appliquées dans le domaine de l'asile et des étrangers, non sur des analyses statistiques. Par exemple, le passage à la clandestinité d'une personne n'est enregistré que pour permettre de fermer des objets en suspens dans la base de données; s'il n'y pas d'objets en suspens, rien n'est enregistré à ce sujet. De plus, le service statistique du SEM n'a accès qu'au SYMIC, pas aux autres bases de données relatives à l'exécution des renvois. En outre, il manque une documentation systématique au sujet de la nature des données et de leur saisie, ce qui limite leur interprétation.

Dans l'ensemble, la gestion par le SEM des données relatives à l'exécution des renvois n'est plus adaptée. Elle représente une lourde charge de travail tout en présentant une utilité réduite.

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Liste des abréviations AG AI AIDA al.

AR art.

BASS BE BL BS CCDJP CDAS CdG CdG-N CEP cf.

CNPT CPA DFJP Directive retour ECRE FF FR GE GL GR graph.

JU LAsi let.

LEtr

Canton d'Argovie Canton d'Appenzell Rhodes-Intérieures Asylum Information Database (base de données sur les procédures d'asile) alinéa Canton d'Appenzell Rhodes-Extérieures article Büro für arbeits- und sozialpolitische Studien (Bureau d'études de politique du travail et de politique sociale) Canton de Berne Canton de Bâle-Campagne Canton de Bâle-Ville Conférence des chefs des départements cantonaux de justice et police Conférence intercantonale des directrices et directeurs des affaires sociales Commissions de gestion des Chambres fédérales Commission de gestion du Conseil national Centre d'enregistrement et de procédure de la Confédération confer Commission nationale de prévention de la torture Contrôle parlementaire de l'administration Département fédéral de justice et police Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier European Council on Refugees and Exiles Feuille fédérale Canton de Fribourg Canton de Genève Canton de Glaris Canton des Grisons graphique Canton de Jura Loi du 26 juin 1998 sur l'asile (RS 142.31) lettre Loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (RS 142.20)

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LSu

Loi fédérale du 5 octobre 1990 sur les aides financières et les indemnités (loi sur les subventions; RS 616.1) LTF Loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (RS 173.110) LU Canton de Lucerne LUsC Loi du 20 mars 2008 sur l'usage de la contrainte et de mesures policières dans les domaines relevant de la compétence de la Confédération (loi sur l'usage de la contrainte; RS 364) NE Canton de Neuchâtel NEM Décision de non-entrée en matière NEM-Dublin Décision de non-entrée en matière dans la procédure Dublin NW Canton de Nidwald OERE Ordonnance du 11 août 1999 sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers (RS 142.281) Org DFJP Ordonnance du 17 novembre 1999 sur l'organisation du Département fédéral de justice et police (RS 172.213.1) OW Canton d'Obwald Règlement Règlement (UE) No 604/2013 du Parlement européen et Dublin III du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride RS Recueil systématique du droit fédéral SEM Secrétariat d'Etat aux migrations SG Canton de Saint-Galle SH Canton de Schaffhouse SO Canton de Soleure SYMIC Système d'information central sur la migration SZ Canton de Schwytz tab.

tableau TF Tribunal fédéral TG Canton de Thurgovie TI Canton de Tessin UE Union européenne UR Canton d'Uri VD Canton de Vaud VS Canton de Valais ZG Canton de Zoug ZH Canton de Zurich

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Bibliographie et liste des documents CdG-N (2005): Application et effet des mesures de contrainte en matière de droit des étrangers, rapport du 24 août 2005 sur la base d'une évaluation effectuée par le CPA, FF 2006 2515­2617.

ECRE: Asylum Information Database (AIDA), consultée sur: www.asylumineurope.org > Countries > Austria/France/Germany/Italy/Switzerland > Detention of Asylum Seekers (état au 21 décembre 2016).

CPA (2005): Evaluation des mesures de contrainte en matière de droit des étrangers, Rapport final du 15 mars 2005 à l'attention de la CdG-N, FF 2006, 2539­2605.

Guggisberg, Jürg / Abrassart, Aurélien / Bischof, Severin (2017): Administrativhaft im Asylbereich: Mandat «Quantitative Datenanalysen». Schlussbericht zuhanden Parlamentarische Verwaltungskontrolle. Berne: Büro für arbeitsund sozialpolitische Studien (BASS).

Hruschka, Constantin (2017): Dublin-Remonstrationsverfahren: Ein Instrument zur Umgehung der Dublin-Fristen? In: Schweizerische Zeitschrift für Asylrecht und -Praxis, 10­16.

Hruschka, Constantin / Nufer, Seraina (2017): Erste Erfahrungen mit der neuen Dublin-Haft. In: Jusletter 22 mai 2017.

Jurado, Elena / Beirens, Hanne / Maas, Sheila et al. (2016): Evaluation of the Implementation of the Dublin III Regulation, Final report, 18 mars 2016. Bruxelles: Commission européenne, Direction générale Migration et affaires intérieures.

Matrix (2013): Evaluation on the application of the Return Directive (2008/115/EC), Final Report, 22 octobre 2013. Luxembourg: Commission européenne, Direction générale Migration et affaires intérieures.

SEM (2015): Article G5 ­ Les mesures de contrainte en matière de droit des étrangers. In: Manuel Asile et retour, 1er mai 2015.

SEM (2016): Asile: statistiques du deuxième trimestre 2016, 12 juillet 2016.

SEM (2017): Asile: statistiques du deuxième trimestre 2017, 19 juillet 2017.

SEM (div.): Mesures de contrainte prévues en droit des étrangers. In: Directives et commentaires Domaine des étrangers (Directives LEtr) des 1er janvier 2008, 1er juillet 2009, 30 septembre 2011, 25 octobre 2013, 4 juillet 2014, 13 février 2015, 1er juillet 2015, 24 octobre 2016, 3 juillet 2017, chap. 9.

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Liste des interlocuteurs Entretiens de groupe avec les autorités cantonales des migrations Brodbeck, James Bruderer, Rolf Bugnon, Pascal Cavalheiro, Emanuele Chappuis, Mélanie Corradini, Marija Descloux, Nicolas Diem, Roland Eugster, Max Gamma, Serge Guderzo, Ramiro Guhl, Camillus Hofstetter, Carine Horvath, Stephan Leitz, Jan Macor, Roberto Maucci, Steve 7574

Spécialiste en matière de renvoi, division Asile et retour, Service des migrations, canton de Bâle-Campagne Chef de la division Asile et exécution, Service des migrations, canton de Thurgovie Adjoint au chef de l'Office du séjour et de l'établissement et responsable de la cellule Renvoi, service des migrations, canton de Neuchâtel Spécialiste en matière d'asile de la division Migrations, Office de l'intérieur, canton d'Appenzell Rhodes-Extérieures Chef de la section Asile et exécution des renvois, Service de la population et des migrants, canton de Fribourg Responsable du secteur Départ, division Asile, Service de la population, canton de Vaud Spécialiste en matière de renvois, Service de la population et des migrants, canton de Fribourg Chef de l'Office de l'intérieur et de la division Migrations, canton d'Appenzell Rhodes-Extérieures Coordinateur en matière d'asile, division Aide sociale et asile, Office des affaires sociales, canton d'Appenzell Rhodes-Extérieures Chef de service, Service des migrations, canton de Neuchâtel Chef de division adjoint / chef de l'équipe Exécution, division Asile et exécution, Service des migrations, canton de Zurich Chef du Service des migrations, canton de Thurgovie Adjointe à la chef de la direction juridique, Service des migrations, canton de Neuchâtel Spécialiste en matière de renvois, division Asile et retour, Service des migrations, canton de Bâle-Campagne Chef de la division Asile et exécution, Service des migrations, canton de Zurich Spécialiste en matière de renvois, division Asile et retour, Service des migrations, canton de Bâle-Campagne Chef du Service de la population, canton de Vaud

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Meyer, Beat Mosimann, Albin Rieder, Jean-Vincent Rouyard, Frédéric Schlatter, Vincent Weisskopf, Peter Wiedmer, Thierry Zanitti, Urs Zwyssig, Patrik

Chef de la division Asile et retour, Service des migrations, canton de Bâle-Campagne Adjoint au chef de service des migrations, direction finances et administration, Service des migrations, canton de Neuchâtel Chef de la division asile et retour, Service de la population, canton de Vaud Responsable de la communication, Service de la population, canton de Vaud Chef de l'Office social de l'asile en premier accueil, Service des migrations, canton de Neuchâtel Collaborateur à l'exécution des renvois, division Asile et retour, Service des migrations, canton de Bâle-Campagne Chef de l'Office du séjour et de l'établissement, Service des migrations, canton de Neuchâtel Chef de l'Office du travail et des migrations, canton d'Uri Chef de la division Migrations, Office du travail et des migrations, canton d'Uri

Entretiens exploratoires, visites et entretiens téléphoniques Achermann, Alberto Achermann, Christin André, Steve Astier, Sylvain Bachofner, Christian Baumgartner, Délia Blatter, Gabriela

Professeur associé en droit des migrations, Institut de droit public, Université de Berne / président de la CNPT Professeur en migration, droit et société, Centre de droit des migrations, Université de Neuchâtel Spécialiste en frais de départ, domaine de direction Coopération internationale, division Retour, section Bases du retour et aide au retour, SEM Chef de la division Retour, domaine de direction Coopération internationale, SEM Chef de la section swissREPAT, domaine de direction Coopération internationale, division Retour, SEM Spécialiste, domaine de direction Coopération internationale, division Retour, section Bases du retour et aide au retour, SEM Spécialiste en frais de départ, domaine de direction Coopération internationale, division Retour, section Bases du retour et aide au retour, SEM

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Boxler, Roger Caminada, Ignaz Cebrian, Alejandro Diodà, Gabriela Elsasser, Anna Feliser, Philippe

Fäh, Peter Friedli, Beat

Gut, Bernard Gut, Bernardo

Lehmann, Beat

Leitz, Jan Lory, Thomas Michel, Martin

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Chef du centre d'enregistrement et de procédure de Kreuzlingen, domaine de direction Asile, division CEP, SEM Chef-adjoint de la section Surveillance financière et taxe spéciale, domaine de direction Asile, division Subventions, SEM Orateur spécialisé, domaine de direction Coopération internationale, division Retour, section Amérique, Europe, CEI et Extrême-Orient, SEM Directrice de la division Coordination de l'asile, Conseil au retour, Office des affaires sociales, canton de Zurich Directrice du domaine Retours, service des migrations, canton de Berne Orateur spécialisé dans les questions d'exécution, domaine de direction Coopération internationale, division Retour, section Bases du retour et aide au retour, SEM Chef du groupe technique Monitorage des capacités de privation de liberté, CCDJP Chef du service statistiques, domaine de direction Planification et ressources, section Finances, planification de l'office, controlling et statistique, SEM Directeur général, Office cantonal de la population (OCP), canton de Genève Orateur spécialisé Aéroport de Genève, domaine de direction Coopération internationale, division Retour, section SwissREPAT, SwissREPAT Genève-Cointrin, SEM Collaborateur scientifique, domaine de direction Planification et ressources, section Finances, planification de l'office, controlling et statistique, service statistique, SEM Chef de la division Asile et exécution, Service des migrations, canton de Zurich Chef-adjoint de la section Bases du retour et aides au retour, domaine de direction Coopération internationale, division Retour, SEM Orateur spécialisé dans les subventions, domaine de direction Asile, division Subventions, section Subventions et principes fondamentaux, SEM

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Perler, Beat Schneeberger, Roger Steiner, Roger Weber, Adrian Weber, Christoph

Widmer, Anita Widmer, Thomas

Chef de la section Bases du retour et aides au retour, domaine de direction Coopération internationale, division Retour, SEM Secrétaire général de la CCDJP Spécialiste, domaine de direction Coopération internationale, division Retour, section Bases du retour et aide au retour, SEM Chef-adjoint du centre d'enregistrement et de procédure de Bâle, domaine de direction Asile, division CEP, SEM Orateur spécialisé dans le droit des subventions, domaine de direction Asile, division Subventions, section Subventions et principes fondamentaux, SEM Spécialiste en frais de départ, domaine de direction Coopération internationale, division Retour, section Bases du retour et aide au retour, SEM Professeur et directeur du domaine de recherche Analyse politique et évaluation, Institut de sciences politiques, université de Zurich

Entretiens de validation Dieffenbacher, Albrecht Gattiker, Mario Perler, Beat Schneeberger, Roger

Chef de l'état-major Affaires juridiques, SEM Secrétaire d'Etat, SEM Chef de la section Bases du retour et aides au retour, domaine de direction Coopération internationale, division Retour, SEM Secrétaire général de la CCDJP

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Annexe 1

Procédure d'évaluation Objectifs de la politique:

La détention administrative vise à garantir le renvoi ou l'expulsion, par les autorités, des requérants d'asile contraints de quitter la Suisse et dont on a des raisons de croire qu'ils veulent se soustraire à cette obligation.


Moyens pour les réaliser:

La loi prévoit différentes formes de détention administrative qui s'appliquent à différentes phases de la procédure. En règle générale, ce sont les cantons qui ordonnent la détention. La Confédération contribue aux frais de détention des requérants d'asile.


Cible de l'évaluation:

Questions de l'évaluation:

Compte tenu de la participation financière de la Confédération, l'évaluation s'est focalisée sur la détention administrative dans le domaine de l'asile. Elle ne porte pas sur la détention dans le domaine des étrangers. Elle met en évidence le lien entre la détention administrative et un éventuel départ contrôlé. Elle examine par ailleurs le recours des cantons à la détention administrative de même que le rôle de la Confédération









Dans quelle mesure la détention administrative estelle un instrument efficace pour assurer l'exécution des renvois?

Dans quelle mesure le recours des cantons à la détention administrative est-il opportun?

Quelles sont les éventuelles informations concernant la légalité du recours à la détention administrative?

Dans quelle mesure la Confédération veille-telle de manière pertinente à ce que le recours à la détention administrative soit opportun?






Analyses réalisées:




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Analyse statistique (mandat externe) Comparaison européenne

(Informations provenant de toutes les analyses réalisées)

Analyse juridique et
analyse de documents
Entretiens

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Annexe 2

Détention en phase préparatoire

Détention en vue du renvoi ou de l'expulsion

Détention en cas de noncollaboration à l'obtention des documents de voyage

Détention pour insoumission

Vue d'ensemble des formes de détention

Article de loi

75 LEtr

76 LEtr

77 LEtr

78 LEtr

Moment de la décision de détention

Avant notification de la décision de renvoi

Après notification de la décision de première instance de renvoi

Après entrée en force et expiration du délai de départ

Après entrée en force et expiration du délai de départ

But

Assurer Assurer l'exécution d'un l'exécution prévirenvoi escompté sible d'un renvoi pendant la préobjectivement paration de possible la décision de renvoi

Assurer l'exécution prévisible d'un renvoi objectivement possible une fois les documents de voyage obtenus

Amener à changer de comportement une personne dont le renvoi ne peut être exécuté sans sa coopération

Motifs de détention possibles

La personne refuse Des éléments de décliner son concrets font identité, dépose craindre que la plusieurs demandes personne entende d'asile sous diffése soustraire au rentes identités, renvoi, la personne n'obtempère pas n'obtempère pas aux injonctions des aux injonctions autorités des autorités

L'autorité doit se procurer les documents de voyage

Le comportement de la personne empêche son renvoi, et des mesures plus souples ne permettraient pas d'atteindre l'objectif visé

En outre: notification de la décision de renvoi dans un CEP Durée maximale sans prolongation* Examen juridique

6 mois

précisée uniquement pour la détention post-CEP: 30 jours

60 jours

1 mois

automatique, dans les 96 heures, oralement

automatique, dans les 96 heures, oralement

automatique, dans les 96 heures, par écrit

automatique, dans les 96 heures, oralement

Détention post-CEP: sur demande du détenu, par écrit Légende: *: durée maximale pour laquelle le régime de détention peut être ordonné la première fois; l'art. 79 LEtr s'applique en outre. CEP: Centre d'enregistrement et de procédure de la Confédération.

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Annexe 3

Détention en phase préparatoire dans la procédure Dublin

Détention en vue du renvoi ou de l'expulsion dans la procédure Dublin

Détetion de courte durée dans la procédure Dublin

Détention dans le cadre de la procédure Dublin

Vue d'ensemble des formes de détention supplémentaires dans le cadre de la procédure Dublin

Validité de la règlementation

du 01.01.2011 au 30.06.2015

du 01.01.2011 au 30.06.2015

du 01.01.2011 au 30.06.2015

à partir du 01.07.2015

Article de loi

Art. 75, al. 1bis, LEtr

Art. 76, al. 1, let. b, ch. 1

Art. 76, al. 1, let. b, ch. 6

Art. 76a LEtr

Conditions La personne nie Comme pour NEM-Dublin dont devant être avoir déposé la détention en l'exécution est remplies pour une demande phase préparatoire prévisible qu'une détention d'asile ou être dans la procédure puisse être autorisée à séjourDublin ordonnée ner dans un Etat Dublin +

Cumulativement: 1. Des éléments concrets font craindre que la personne entende se soustraire au renvoi 2. La détention est proportionnée

La demande Dublin a été déposée sur la base d'une réponse positive d'Eurodac ou l'Etat Dublin a approuvé la demande

3. D'autres mesures moins coercitives ne peuvent être appliquées de manière efficace

Durée maximale sans prolongation*

6 mois

Non précisé

30 jours

7 semaines + 6 semaines (+ 5 semaines + 3 mois)

Examen juridique

automatique, dans les 96 heures, oralement

automatique, dans les 96 heures, oralement

sur demande du détenu, par écrit

sur demande du détenu, par écrit

Légende: *: durée maximale pour laquelle le régime de détention peut être ordonné la première fois; l'art. 79 LEtr s'applique en outre. En gris: règle en vigueur jusqu'au 30 juin 2015.

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Impressum Réalisation de l'évaluation Dr. Simone Ledermann, CPA (cheffe de projet) Dr. Christian Hirschi, CPA (chef du projet partiel Comparaison européenne quantitative) Elodie Sierro, CPA (collaboratrice scientifique) Christoph Wellig, CPA (collaborateur scientifique) Andreas Tobler, CPA (collaborateur scientifique) Rapport des experts externes Jürg Guggisberg, BASS (chef de projet) Dr. Aurélien Abrassart, BASS (collaborateur scientifique) Severin Bischof, BASS (collaborateur scientifique) Remerciements Le CPA tient à remercier le Secrétariat d'Etat aux migrations, et plus particulièrement la section Bases du retour et aide au retour et le service statistique, pour la mise à disposition des données et des documents, pour les vérifications effectuées et pour les renseignements fournis. Il remercie également toutes les personnes qui ont bien voulu participer aux entretiens et répondre à ses questions, ainsi que BASS, pour son agréable collaboration dans le cadre du mandat externe.

Contact Contrôle parlementaire de l'administration Services du Parlement CH-3003 Berne Tél. +41 58 322 97 99 Courriel: pvk.cpa@parl.admin.ch www.parlement.ch > Organes > Commissions > CPA Langue originale du document: allemand 7581

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