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LV année. Vol. V.

N° 47

25 novembre 1903.

Abonnement par année (franco dans toute la Suisse) : 5 francs.

Prix d'insertion 15 centimes la ligne ou son espace. Les insertions doivent être transmises franco à l'expédition. -- Imprimerie et expédition de C.-J. Wyss, à Berne.

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Message du .

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif à la revision de l'article 6 de la constitution fédérale.

(Du 13 novembre 1903.)

Monsieur le président et messieurs, Par arrêté fédéral du 28 avril 1887, il fut ajouté à l'article 64 de la constitution fédérale du 29 mai 1874, après les mots : « sur la propriété littéraire et artistique », une nouvelle disposition ainsi conçue : « sur la protection des dessins et modèles nouveaux, ainsi que des inventions représentées par des modèles et applicables à l'industrie ».

Ce nouvel alinéa fut adopté par le vote populaire du 10 juillet 1887 ; il est entré en vigueur le 20 décembre 1887.

Le 29 juin 1888, à la suite de cette revision de la constitution fédérale, fut décrétée une loi fédérale sur les brevets d'invention ; cette loi, entrée en vigueur le 15 novembre 1888, a été revisée par arrêté fédéral du 28 mars 1893.

En limitant la protection aux inventions représentées par des modèles on avait en vue : Feuille fédérale suisse. Année LV. Vol. V.

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1. d'en exclure les inventions faites dans le domaine des industries chimiques, dont les représentants étaient en très forte majorité des adversaires du système des brevets ; 2. d'empêcher l'obtention de brevets pour des inventions non mûries ou impossibles à réaliser ; 3. de simplifier en cas de litige la procédure par l'examen des modèles.

De ces trois buts, le premier seul fut complètement atteint, attendu que, lors des délibérations sur la loi, on se vit dans la nécessité de prévoir les « brevets provisoires », afin de permettre aux auteurs d'inventions susceptibles d'être représentées par des modèles de déposer les demandes de brevet sans être obligés de produire simultanément les modèles y relatifs. L'idée d'établir une collection complète des modèles d'invention dut être abandonnée à cause des grands frais qu'eut entraînés la construction d'un bâtiment de dépôt.

L'aversion des industries chimiques contre le système des brevets reposait principalement sur le fait que le mode à suivre pour breveter convenablement une réaction ou un produit chimique ne paraissait pas encore clairement indiqué ; en particulier, les expériences faites sous ce rapport dans d'autres pays ne semblaient pas concluantes.

Il est incontestable que la loi fédérale du 29 juin 1888 a marqué un progrès très notable dans le développement de la protection accordée par la Suisse à la propriété industrielle.

Mais depuis lors les conditions nationales et internationales des industries se sont tellement modifiées que, selon notre conviction, la protection de la loi suisse actuelle ne suffit plus aux exigences modernes. En outre, bon nombre d'industries doutent. de l'efficacité de brevets délivrés sous le régime de cette loi. Il faut enfin tenir compte de ce que, depuis 1887, grâce à la revision de plusieurs lois étrangères en matière de brevets et aux enquêtes faites à cette occasion, une vive lumière a été jetée sur les questions de la nature et de la portée du brevet chimique. Aussi, l'opinion dominante aujourd'hui dans les cercles professionnels suisses est-elle, comme ailleurs, qu'on doit pouvoir trouver pour le brevet chimique une forme s'adaptant aux conditions de nos industries.

En décembre 1900, sur l'invitation du Département fédéral de Justice et Police, le comité de l'Union suisse du commerce

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Nous considérons en conséquence comme notre devoir de ·vous proposer une modification du 4e alinéa de la première partie de l'article 64 de la constitution fédérale, dans le sens de la suppression des mots : « représentées par des modèles et ».

L'expérience a établi que le système des brevets, partout ·où il est fondé sur une base rationnelle, profite à l'industrie dans son ensemble, et cela malgré les préjudices temporaires portés à des concurrents par les avantages que la protection assure, à juste titre, à d'ingénieux industriels.

Aussi aucun pays industriel ne songe-t-il à supprimer sa législation en matière de brevets; les efforts tendent plutôt à l'améliorer.

L'opinion courante qui réduit le brevet à un simple monopole cède le pas à une conception plus juste, laquelle, au lieu de voir dans le brevet uniquement un privilège profitant à l'inventeur, envisage la divulgation de l'invention comme le service rendu par l'inventeur à la société en échange de la protection que celle-ci lui a accordée.

De fait, le public industriel a tout lieu de reconnaître dans la publication des exposés d'invention une source extrêmement précieuse d'idées originales, d'éléments nouveaux, qui lui ouvrent d'autres horizons et lui permettent d'arriver à des résultats nouveaux, parfois préjudiciables au premier inventeur lui-même.

Dans tous les autres pays industriels, l'industrie entière, .sauf peut-être la fabrication des produits alimentaires et pharmaceutiques, est mise au bénéfice d'une protection uniforme, et nulle part ne règne la tendance à augmenter le nombre des branches exclues.

Or, les conditions de l'industrie ne varient pas, de la Suisse aux autres pays, à un point tel qu'une institution reconnue ail-

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leurs comme un bienfait pour l'industrie puisse devenir inutile ou même nuisible chez nous.

Si l'on ne peut sérieusement contester que les industriessuisses dont les produits sont représentables par des modèles (industries mécaniques et semblables) prospèrent sous le régime de la loi fédérale sur les brevets d'inventions, on se demande pour quel juste motif on nierait de prime abord toute possibilité de trouver des voies et moyens pour procurer à nosindustries chimiques une protection qui leur offre des avantages analogues.

Les expériences faites par le Bureau fédéral de la propriété intellectuelle dans l'application de la loi, depuis fe 1& novembre 1888, ont montré qu'en réalité la condition, si précise en apparence, que l'invention doit être représentable par modèle manque absolument de clarté.

Une interprétation étroite n'attribuera la qualité de pouvoir être représentée par modèle qu'à l'objet possédant au moins un caractère distinctif se rapportant à sa forme. Une interprétation plus large considérera comme représentable parmodèle l'objet qui, à côté d'une régularité de forme déjà connue et nécessitée soit par son genre soit par son emploi, possède au moins un caractère distinctif se rapportant à sa substance. Cette seconde manière de voir est corroborée par le fait que, d'après, la loi, l'exécution de l'invention figure en première ligne comme modèle de l'objet de brevet.

Considérant que seul le Tribunal fédéral a compétencepour décider, cas échéant, laquelle des deux interprétations, est conforme au sens de la loi, le Bureau fédéral de la propriété intellectuelle a dû se placer au point de vue large ; léTribunal fédéral de son côté n'a, jusqu'ici, jamais eu l'occasion, de se prononcer sur cette question.

Beaucoup de brevets suisses ont donc été délivrés pour desinventions qui ne sont représentables par modèles que d'après l'interprétation large. Citons à titre d'exemple des inventions ayant pour objets des pièces de montres faites en des alliages métalliques nouveaux qui les rendraient particulièrement propres à leur destination ; des pièces de construction possédant, par suite de leur composition chimique, d'excellentes qualités ; des accumulateurs électriques ; de la soie artificielle ; des allumettes avec une substance inflammable,, dont la prépa-

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ration ne présenterait pas de danger pour la santé des ouvriers. Parmi ces inventions, il y en a qui, d'une haute importance, ne sauraient être utilisées rationnellement que par une exploitation en grand ; or, l'on ne trouve pas le capital nécessaire, quand le Bureau fédéral ne peut donner une réréponse positive aux intéressés désirant apprendre si les brevets ·en question sont, en ce qui concerne la représentation par modèle, fondés en droit.

Récemment, il fut question d'introduire en Suisse la fabrication d'allumettes d'après un brevet suisse délivré à des inventeurs français. Un certain nombre de fabricants demandèrent au Bureau fédéral si ce brevet était valable, les substances inflammables ne pouvant être brevetées en Suisse.

·Comme on dut leur répondre que cette question n'était pas suffisamment éclaircie, le Tribunal fédéral n'ayant encore statué sur aucun cas analogue, quelques-uns des fabricants s'avisèrent de risquer l'exploitation de l'invention brevetée sans en acquérir la licence ; les autres, ne voulant pas user d'un tel procédé, pensèrent d'abord payer la forte somme qu'on ·exigeait' pour la licence, mais durent y renoncer de crainte de ne pouvoir faire face à la concurrence. L'exploitation des fabriques d'allumettes établies dans notre pays a été ainsi Wen fâcheusement entravée. Et c'est là encore un cas qui montre combien lourdement pèse sur l'industrie suisse l'incertitude juridique engendrée par cette clause qu'une invention, pour être brevetable, doit pouvoir être représentée,, par un modèle.

Chaque fois que l'on souleva la question d'introduire en Suisse le système des brevets, il fut prétendu que cette mesure serait inévitablement la source d'une quantité innombrable de procès. Même aujourd'hui encore, cet argument est invoqué par des représentants de l'industrie chimique contre l'extension des brevets aux inventions concernant ladite industrie.

A de tels scrupules nous opposerons que notre système ·de brevets, en vigueur dès la fin de 1888, n'a relativement
Quant à la fréquence relative des brevets chimiques, nous avons fait faire des recherches concernant l'Allemagne et la France, recherches embrassant pour l'Allemagne la période de 1877 à 1900, pour la France, la période de 1891 à 1900.

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Malgré les conditions différentes des industries dans les deux.

Etats et bien qu'en Allemagne les brevets ne soient délivrés' qu'après un examen sévère de la nouveauté de l'invention, examen n'existant pas en France, nous avons trouvé que dans, un pays tout comme dans l'autre la huitième partie des brevets rentre dans la catégorie des industries chimiques. Ce fait permet d'admettre que l'extension en Suisse du système des brevets aux industries chimiques n'entraînerait pas l'inondation de notre pays par des brevets de ce genre.

Tous les Etats ayant d'importantes relations industrielles avec la Suisse accordent maintenant à nos inventeurs la protection pour les inventions industriellement applicables, à la seule exception des inventions concernant les produits alimentaires et pharmaceutiques, tandis que la protection accordéeen Suisse est très étroitement limitée. Il est donc offert à l'étranger, aux inventeurs suisses, des avantages que l'on refuse chez nous aux inventeurs du dehors; cet état de chose est propre à diminuer le prestige de la Suisse. Si la situation actuelle persiste, ce ne seront pas seulement 'des avantages, d'ordre moral, mais encore des intérêts très réels qui se trouveront gravement menacés. Nous n'avons pas, il est vrai,, à craindre des représailles directes dans un avenir immédiat, car d'après la convention internationale pour la protection de la propriété industrielle, convention conclue le 20> mars 1883 et à laquelle l'Allemagne aussi vient d'adhérer,, l'étranger ressortissant de l'un des Etats contractants devra,, dans tous les autres Etats de l'Union, être traité sur le pied d'égalité avec les nationaux. Mais il faut signaler le fait que déjà dans la conférence de l'Union internationale pour la protection de la propriété industrielle réunie à Bruxelles, les Etats-Unis d'Amérique ont fait la proposition suivante, qui!

restreint très sensiblement le principe ci-dessus indiqué : « toute invention non brevetable dans-.

le pays d'origine pourra être exclue de la protection dans, tout autre Etat de l'Union qui jugera bon de le faire. » Bien que cet amendement n'ait pas été adopté dans la conférence de Bruxelles, il peut fort bien être présenté à nouveau dans une prochaine conférence et, si d'autres puissants.

Etats industriels l'appuient, accepté par la majorité des Etats
de l'Union. Dans pe cas, il se produirait un conflit dont il est impossible à l'heure actuelle d'apprécier les conséquences.

Il est avéré que cette proposition des Etats-Unis était,, en partie du moins, dirigée contre la Suisse, et le fait qu'on;

55 l'a formulée permet de prévoir que probablement des mesures de représailles ne nous seront pas épargnées. Nous n'éviterons ce danger qu'en basant notre système des brevets, en ce qui concerne l'étendue de la protection, sur des principes analogues à ceux d'autres pays. C'est par des considérations du même ordre que les Pays-Bas, qui ne possèdent pas encore de législation en cette matière, auraient été déterminés à s'occuper sérieusement de la création d'une loi de brevets.

S'il a pu être opportun en 1887 de n'admettre comme brevetables que les inventions représentées par des modèles, la situation a changé; la plupart des raisons d'opportunité ont disparu; actuellement la question est bien plutôt celle de la réciprocité et de l'égalité dans les rapports internationaux.

A la longue, la Suisse ne pourra plus refuser une protection pour des inventions que les autres Etats brevètent sans difficulté.

A des enquêtes spéciales devra être réservé le soin de décider de quel genre sera le brevet chimique suisse et de régler la question des licences, comme de l'exploitation des brevets dans le pays même.

Nous vous soumettons, vu les considérations ci-dessus, la proposition qui suit: « Le 4e alinéa, adopté dans la votation populaire du 10 juillet 1887, de la première partie de l'article 64 de la constitution fédérale est abrogé et remplacé par le suivant : « sur la protection des dessins et modèles nouveaux, ainsi que des inventions applicables à l'industrie. » Nous vous recommandons le vote de cette proposition et saisissons cette occasion pour vous exprimer, monsieur le président et messieurs, l'assurance de notre considération distinguée.

Berne, le 13 novembre 1903.

Au nom du Conseil fédéral suisse :

Le président de la Confédération, DEUCHE R.

Le chancelier de la Confédération, RINGIER.

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Arrêté fédéral concernant la revision de l'article 64 de la constitution fédérale.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE

de la C O N F É D É R A T I O N SUISSE, Vu le message du Conseil fédéral du 13 novembre 1903; En application des articles 84, 85, nos 14, 118 et 121, de la constitution fédérale, arrête : I. Le 4e alinéa de la première partie de l'article 64 de la constitution fédérale est abrogé et remplacé par le suivant : « sur la protection des dessins et modèles nouveaux, ainsi que des inventions applicables à l'industrie ».

II. Le présent arrêté fédéral sera soumis à la votation du peuple et des Etats.

III. Le Conseil fédéral est chargé de prendre les mesures nécessaires pour l'exécution du présent arrêté.

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Note. A la suite de l'adoption du projet ci-dessus, l'article 64 de la constitution fédérale serait conçu ·ainsi qu'il suit: La législation: sur la capacité civile, sur toutes les matières du droit se rapportant au commerce et aux transactions mobilières (droit des obligations, y compris le droit commercial et le droit de change), sur la propriété littéraire et artistique,, sur la protection des dessins et modèles nouveaux, ainsi que des inventions applicables à l'industrie, sur la poursuite pour dettes et la faillite, ·est du ressort de la Confédération.

La Confédération a le droit de légiférer aussi sur les autres matières du droit civil.

L'organisation judiciaire, la procédure et l'administration de la justice demeurent aux cantons dans la même mesure que par le passé.

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Message du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant l'achat à l'amiable des chemins de fer Jura-Simplon par la Confédération.

(Du 2l novembre 1903.)

Monsieur le président et messieurs, I.

Les négociations avec la direction des chemins de fer Jura-Simplon au sujet du rachat à l'amiable de cette entreprise par la Confédération ont commencé déjà en 1901. Nos premiers calculs sur la valeur de rachat du réseau de cette compagnie ont dû en conséquence se baser sur le bilan à fin 1900. A cet égard, il y avait lieu de tenir compte du fait qu'il avait été conclu en 1898 avec la compagnie Jura-Simplon, par voie de correspondance (lettres du Conseil fédéral des 19 avril et 20 juillet 1898 et lettre de la direction du JuraSimplon du 28 mai 1898), une convention aux termes de laquelle le rachat devait avoir erlieu en deux périodes, soit, pour le réseau en exploitation, le 1 mai 1903, terme prévu par la concession, et, pour le tunnel du Simplon, à la date seulement de l'achèvement des travaux de construction. Toutefois, par arrêté fédéral du 19 décembre 1889, la Confédération s'était

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif à la revision de l'article 64 de la constitution fédérale. (Du 13 novembre 1903.)

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Jahr

1903

Année Anno Band

5

Volume Volume Heft

47

Cahier Numero Geschäftsnummer

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Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

25.11.1903

Date Data Seite

49-58

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