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Feuille Fédérale Berne, le 7 septembre 1967

119e année

Volume II

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9726 Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif à la modification de l'article 3 de la loi sur la monnaie du 17 décembre 1952 (Du 25 août 1967)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre, avec message à l'appui, un projet de loi fédérale modifiant l'article 3 de la loi sur la monnaie du 17 décembre 1952.

I. INTRODUCTION L'actuelle loi sur la monnaie, du 17 décembre 1952, dresse en son article 3 la nomenclature des diverses espèces de monnaies et de leurs propriétés, à savoir d'une part des nouvelles pièces d'or de 50 et 25 francs non encore mises en circulation (monnaies courantes) et d'autre part des pièces de monnaies divisionnaires servant aux besoins journaliers et qui vont de l'écu au centime.

Les monnaies divisionnaires comprennent les monnaies d'argent, les monnaies de cupro-nickel et les monnaies de bronze. Ce fractionnement, qui date de 1850, est tenu en général pour judicieux, encore que l'on puisse se demander s'il ne conviendrait pas d'y ajouter une pièce de dix francs, de faible module.

Ce n'est cependant pas cette question qui fait l'objet du présent message, mais la codification dans une loi fédérale des divers alliages et des autres particularités techniques propres aux monnaies divisionnaires, comme c'est actuellement le cas. Ce système présente en effet des inconvénients dus à l'évolution -du marché de l'argent-métal.

II. L'ÉVOLUTION DU MARCHÉ DE L'ARGENT L'évolution que l'on observe depuis longtemps sur le marché de l'argent reflète le divorce croissant entre la production et la consommation. Selon les estimations disponibles, la production mondiale d'argent a atteint en 1964 quelque 250 millions d'onces (env. 8000 tonnes), soit le record de l'après-guerre, Feuille fédérale. 1198 année. Vol. IL

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alors que les pays occidentaux en consommaient au total plus de 500 millions (env. 16 000 tonnes). Cette carence ne s'est guère affaiblie depuis lors. Aujourd'hui encore, on est amené à pallier le manque-d'argent en recourant à différentes autres sources dont la capacité est cependant limitée. Pour l'essentiel, on liquide certains stocks et on utilise de l'argent affecté initialement à d'autres buts. La politique de stabilisation pratiquée par le Trésor américain a joué jusqu'ici un rôle prépondérant à cet égard. Cet organisme a en effet, de 1955 à 1961, vendu de l'argent provenant de stocks publics non affectés et qui avaient été acquis dans le cadre du «Silver Purchase Act»; et le prix à New York a pu être stabilisé à 913/8 c Fonce (127 fr. le kg). C'est ainsi que le Trésor américain a également exercé un effet modérateur sur les prix de l'ensemble du marché mondial de l'argent. L'amenuisement des réserves libres d'argent l'a cependant amené à suspendre en 1961 ses opérations.

La libération d'une fraction des réserves publiques d'argent a permis de reprendre en 1963 la politique de stabilisation. L'échange de certificats d'argent contre des monnaies et des lingots de ce métal a permis derechef de stabiliser le prix de l'argent à New-York à 129,3 c/once (180 fr. le kg). On a observé parallèlement, aux Etats-Unis, une demande extrêmement forte d'argent à des fins monétaires tandis que la consommation artisanale et industrielle -- comme d'ailleurs dans d'autres pays -- augmentait considérablement. Ceci explique que les stocks d'argent disponibles pour la politique de stabilisation aient fondu beaucoup plus vite qu'on ne l'avait pensé. Le 18 mai 1967, le Trésor américain se vit de nouveau contraint de suspendre les ventes d'argent, à l'exception des ventes à l'industrie indigène de transformation. Peu après, soit le 14 juillet 1967, les mesures tendant à stabiliser les prix et qui n'avaient plus qu'un effet limité furent, elles aussi, abandonnées et le Trésor américain se mit à vendre aux consommateurs du pays de l'argent aux prix du marché. Les modifications évoquées provoquèrent une hausse du cours de l'argent de plus d'un tiers.

Devant la pénurie régnant sur le marché.et dans le dessein d'assurer à l'industrie l'argent dont elle avait un urgent besoin pour la fabrication et la recherche de
développement, le gouvernement américain adopta en 1965 un nouveau régime monétaire. En faisant encore davantage appel au cuivre et au nickel pour la frappe des monnaies, il réussit à restreindre notablement l'utilisation d'argent à des fins monétaires et à enrayer provisoirement l'augmentation continue de la consommation mondiale de ce métal; toujours est-il que les besoins insatisfaits du monde occidental se montaient encore en 1966 à 233 millions d'onces (env. 7000 tonnes), ce qui équivaut approximativement à la production d'une année.

Si nous jetons un regard sur l'évolution future du marché, pour autant que cela soit possible, nous constatons que les perspectives ne sont pas favorables.

L'affectation accrue d'argent à des fins industrielles et artisanales, phénomène que l'on observe depuis la seconde guerre mondiale, semble devoir se poursuivre, d'autant plus qu'on ne trouve encore rien sur le marché qui puisse remplacer dans une mesure satisfaisante les propriétés particulières de ce métal

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précieux. On ne saurait compter pour l'instant que le marché se régularise de lui-même et que les hausses de prix provoquent un fort accroissement de la production d'argent, car celle-ci dépend pour quelque quatre cinquièmes de l'extraction de métaux non ferreux, dont elle constitue un sous-produit. Dans ces conditions, la hausse du prix de l'argent semble devoir se poursuivre longtemps encore et il faut en outre s'attendre à l'apparition de facteurs relevant de la spéculation et de nature à détériorer par moments la situation.

III. L'INCIDENCE SUR NOTRE RÉGIME MONÉTAIRE La hausse du prix de l'argent a amené, voici quelques années déjà, le département fédéral des finances et des douanes à accroître sensiblement nos réserves de ce métal. C'est pourquoi la Monnaie fédérale dispose aujourd'hui d'importants stocks d'argent acquis à des conditions assez avantageuses et qui, au-delà de la production annuelle courante, suffisent encore pour deux ans.

Cette politique de réserves s'est sans doute révélée opportune, mais elle ne nous délie pas pour autant du soin d'étudier et de résoudre de manière durable le problème de l'achat d'argent pour la confection des monnaies.

L'utilisation d'argent destiné à la frappe de monnaies suisses n'est pas d'une importance telle qu'elle fasse problème pour l'approvisionnement mondial et partant pour la couverture des besoins de notre économie. A cet égard, rien n'appelle une revision générale du régime actuel. Il n'empêche que l'achat d'argent aux fins de frappe va se heurter à des difficultés croissantes. C'est pourquoi il semble bien que notre pays, lui aussi, sera bientôt amené à envisager une baisse de la teneur en argent d'une partie au moins des monnaies ou le choix d'un autre alliage afin que notre approvisionnement monétaire ne soit plus ou plus autant tributaire du marché de l'argent. Il faut noter à ce propos que le marché mondial pourrait fort bien passer par des fluctuations imprévues qui obligeraient le Conseil fédéral à intervenir rapidement. Or, le gouvernement ne devrait pas être entravé dans son action par une procédure trop lente, mais devrait être à même d'adapter, le cas échéant, les particularités techniques de notre régime monétaire aux besoins du moment, en remplaçant par exemple l'argent par un autre métal, mieux approprié. A cet égard, notre
régime actuel est infiniment moins souple que ceux des Etats étrangers comparables. Dans tous les pays qui nous entourent, la fixation des propriétés techniques des monnaies divisionnaires est du ressort du gouvernement et même parfois du ministère des finances. En Suisse en revanche, presque toutes les modalités techniques du régime monétaire, y compris les alliages, sont régies par la loi elle-même. La moindre modification implique donc une longue procédure législative, qui, même si elle était accélérée, serait de nature à empêcher, le cas échéant, une intervention au moment opportun.

Mais même dans des conditions normales, la procédure actuelle est trop compliquée. C'est ainsi, par exemple, qu'à diverses reprises déjà on a émis

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l'opinion, pleinement fondée, selon laquelle on pourrait désormais renoncer à frapper la pièce de deux centimes. Mais il aurait fallu pour cela modifier l'article 3 de la loi sur la monnaie et surmonter la réserve qu'appelle toute revision légale. Le Conseil fédéral devrait cependant être habilité à procéder lui-même à des changements aussi mineurs, qui ne justifient guère une revision de la loi.

C'est pourquoi nous vous proposons de déléguer à l'avenir au Conseil fédéral le soin de déterminer les propriétés techniques des monnaies divisionnaires, tandis que les particularités des pièces courantes continueraient à être fixées dans la loi, étant donné que ces monnaies sont directement liées à l'or, base du régime monétaire actuel. Il va de soi que la délégation de compétence au Conseil fédéral ne doit pas servir à remanier à tout prix les monnaies divisionnaires. Le principe de la stabilité et de la pérennité de notre régime monétaire devra continuer à nous guider, car il s'est révélé judicieux. D'ailleurs, même si ce pouvoir lui est délégué, le Conseil fédéral ne sera pas entièrement libre de ses décisions, mais il devra se régler sur les besoins monétaires, ainsi que cela est déjà clairement défini aux articles 8 et 10 de la loi sur la monnaie.

La revision que nous vous proposons apporterait dans le domaine monétaire une solution plus souple et mieux adaptée aux besoins actuels, équivalente à celle qui est admise depuis longtemps en matière de billets de banque. Selon l'article 18 de la loi du 23 décembre 1953 sur la banque nationale suisse, la valeur nominale des billets de banque à émettre doit être approuvée par le Conseil fédéral, alors que les modalités techniques, telles que le choix du papier et du format, sont du ressort de la banque nationale.

IV. REMARQUES CONCERNANT LE PROJET DE LOI La modification envisagée de l'article 3 de la loi sur la monnaie vise exclusivement à déléguer certaines attributions au Conseil fédéral. Selon une jurisprudence constante, le Tribunal fédéral approuve le principe de la délégation législative. 11 n'empêche que ce droit est limité sur deux points: l'autorisation doit porter sur un domaine bien défini et ne pas être expressément interdite.

Le Tribunal fédéral formule cette idée en déclarant qu'il est loisible au pouvoir législatif, en tant que cela ne
lui est pas expressément interdit par la constitution, de déléguer à un autre organe de l'Etat le pouvoir de légiférer, non pas sans doute de manière générale mais sur une matière donnée (ATF 88,1, 154).

Il est vrai que la délégation législative ne cadre pas bien avec les principes de la séparation des pouvoirs et d'une démocratie qui connaît l'institution du referendum. C'est pourquoi, malgré l'absence d'une interdiction expresse, la délégation est aussi illicite lorsqu'il ressort de la constitution que le pouvoir de légiférer est réservé au législateur. Or tel est précisément le cas pour toutes les normes de droit qui sont destinées à durer et qui .ont une portée considérable, notamment du point de vue politique.

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La délégation envisagée ici reste cependant dans les limites générales qu'il convient d'admettre d'une part selon la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de droit public cantonal et d'autre part en vertu des considérations qui précèdent relatives à la constitutionnalité de ce principe en droit fédéral, où il est bien défini. C'est la loi elle-même qui détermine toujours les différentes monnaies réputées licites et les propriétés des monnaies courantes. Sont seules déléguées la compétence de fixer les propriétés des monnaies divisionnaires et la faculté de déterminer, selon les besoins de la circulation, les monnaies qu'il y a effectivement lieu de frapper et d'émettre, compte tenu des différentes espèces prévues par la loi. Aujourd'hui déjà, il appartient au Conseil fédéral de choisir les effigies.

Le 1er alinéa définit les diverses monnaies courantes et divisionnaires susceptibles d'être émises, avec leurs valeurs nominales. S'il n'est pas permis de frapper d'autres monnaies que celles qui sont énumérées dans ces dispositions, le Conseil fédéral peut en revanche renoncer à frapper et à émettre les monnaies dont la mise en circulation ne se justifie plus absolument.

Le 2e alinéa reprend tel quel l'actuel article 3, mais en se limitant aux monnaies courantes. Il n'y a donc pas innovation.

Le 3e alinéa énonce, à proprement parler, le régime de la délégation et de la compétence. Tout d'abord, le Conseil fédéral est déclaré compétent pour déterminer la frappe et l'émission des monnaies énumérées au 1er alinéa en s'inspirant ce faisant des besoins de la circulation. Il s'agit en l'occurrence de décisions de principe portant sur les monnaies à frapper et à émettre. Ces décisions une fois prises, la quantité de monnaies à frapper et que la caisse d'Etat est tenue de mettre en circulation doit, déjà dans le droit actuel, se régler sur les besoins de la circulation (art. 8,1er al., lettre a, et art. 10 de la loi sur la monnaie).

On peut fort bien imaginer -- nous l'avons déjà relevé -- qu'à l'avenir les pièces de deux centimes, notamment, deviennent superflues, mais qu'il faille mettre en en circulation des pièces de dix francs. Aussi cette monnaie a-t-elle été prévue dans la nouvel alinéa 1, lettre b. D'ailleurs, le projet n'innove pas sur ce point puisque les monnaies d'or de 25 et 50 francs
par exemple, bien que frappées, n'ont jamais été mises en circulation.

L'alinéa 3 dispose d'autre part que le choix de l'effigie des diverses monnaies relève du Conseil fédéral. Cette tâche lui appartenait déjà (art. 1er du règlement d'exécution du 15 avril 1953 de la loi sur la monnaie), mais il semble judicieux d'insérer cette compétence, nullement négligeable, dans la loi elle-même.

Enfin -- et c'est là l'essentiel du projet que nous vous soumettons -- le Conseil fédéral se voit attribuer le soin de déterminer les propriétés des monnaies divisionnaires. Le 2e alinéa définit les diverses propriétés: l'alliage et sa tolérance, le poids et sa tolérance, le diamètre et la marque de la tranche.

n n'y a guère de remarques à faire quant à la constitutionnalité du projet.

Il appartient à la Confédération d'exercer tous les droits compris dans la régale

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des monnaies et elle seule a. le droit de battre monnaie (art. 38,1er et 2e al., Cst).

Il ne fait aucun doute que la modification envisagée de l'article 3 de la loi sur la monnaie demeure dans les limites de la constitution.

En vous recommandant donc d'adopter le projet ci-annexé, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président et. Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 25 août 1967.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, Boimn 17633

Le chancelier de la Confédération, Ch. Oser

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(Projet)

Loi fédérale modifiant la loi sur la monnaie L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu le message du Conseil fédéral du 25 août 1967, arrête: I

L'article 3 de la loi fédérale sur la monnaie du 17 décembre 19521) est abrogé et remplacé par la disposition suivante:

Art. 3 1

Peuvent être frappées des monnaies aux valeurs nominales ci-après : a. Des monnaies courantes (monnaies d'or): 25 et 50 francs; b. Des monnaies divisionnaires: 1, 2, 5, 10 et 20 centimes ainsi que 1A, 1, 2, 5 et 10 francs.

2

Les monnaies courantes justifieront des propriétés suivantes : Valeur nominale (francs) 50 25 Alliage (millièmes) 900 d'or 900 d'or 100 de cuivre 100 de cuivre Tolérance de l'alliage (millièmes) 1 1 Poids (grammes) 11,290 5,645 Tolérance du poids (millièmes) 2 2 Diamètre (millimètres) 25 20 Marque de la tranche légende légende 3

Le Conseil fédéral détermine les monnaies à frapper et à émettre d'après les besoins de la circulation. Il choisit l'effigie des diverses monnaies ainsi que les propriétés des monnaies divisionnaires.

II

Le Conseil fédéral fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

1763S

*) RO 1953, 209.

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif à la modification de l'article 3 de la loi sur la monnaie du 17 décembre 1952 (Du 25 août 1967)

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