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Message

du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif à la prorogation de la validité de l'arrêté fédéral instituant des mesures temporaires en faveur de la viticulture (Du 24 février 1967)

Monsieur le Président et Messieurs, La validité de l'arrêté fédéral du 6 juin 1958 instituant des mesures temporaires en faveur de la viticulture (RO1959,147), mis en vigueur le 1er mars 1959, prend fin le 31 décembre 1967. Il convient d'examiner si une prorogation s'impose.

Pour les raisons indiquées ci-après, il y a lieu, à notre avis, de le proroger à partir du 1er janvier 1968 pour deux ans, soit jusqu'au 31 décembre 1969.

I. Situation actuelle de la viticulture

Dans notre message du 11 février 1958 concernant des mesures temporaires en faveur de la viticulture, nous relevions que les mesures envisagées en complément de la loi sur l'agriculture tendent à assurer une rentabilité durable du vignoble et à encourager une production de qualité. La viticulture doit être adaptée, autant que possible, aux besoins du marché et à son pouvoir d'absorption, compte tenu des conditions naturelles. De son côté, le producteur doit pouvoir obtenir pour des produits de bonne qualité des prix qui couvrent, dans la moyenne de plusieurs années, les frais de production d'entreprises rationnellement gérées. La culture de cépages rouges dans des terrains appropriés est encouragée au moyen de subventions fédérales plus élevées, ce qui permet en outre de réduire l'offre de vins blancs difficiles à écouler. Ledit arrêté institue, pour l'essentiel, les mesures ci-après : 1. Interdiction de planter de la vigne hors de la zone viticole sous peine d'arrachage (art. 1er); 2. Octroi de subventions plus substantielles pour la reconstitution des vignobles (art. 2);

592 3, Facilités en vue de l'utilisation industrielle des vins du pays difficiles à écouler (art. 3).

Nous verrons ci-aprës dans quelle mesure les buts fixés ont été atteints ; A. La zone viticole La viticulture a connu sa plus grande extension au siècle dernier, avec 32 950 hectares en 1887. La surface atteignait quelque 12 000 hectares en 1939 et 12522 hectares en 1957; les cépages blancs couvraient 8245 hectares, ou 66 pour cent, et les cépages rouges 3050 hectares, ou 24 pour cent. A cela s'ajoutaient 1152 hectares (9%) d'hybrides rouges producteurs directs et 75 hectares d'hybrides blancs (1%). Selon les déclarations officielles de 1966, l'aire viticole totale couvre actuellement 11 902 hectares, qui se répartissent comme il suit : Cépages européens rouges blancs ares ares

Producteurs directs rouges blancs ares ares

Total ares

Suisse alémanique . , ...

Tessin et Moësa . . .

Lac de Bienne Fribourg .. . .

Vaud ...

Valais Neuchâtel Genève

116907 80 363 3 103 710 30 586 115647 12551 20 570

25596 2 676 21790 8955 280 584 282 755 49 402 60 130

6610 37694 -- 294 12 762 -- -- 18 100

117 -- -- -- 125 -- -- 2200

149230 120733 24 893 9 959 324 057 398 402 61 953 101 000

Total

380 437 32%

731 888 62%

75 460 6%

2442

1 190 227 100%

Par rapport à la surface de 1957, la différence résulte de la régression des surfaces en Suisse alémanique et dans les cantons de Neuchâtel et de Vaud, due à l'arrachage des ceps et à l'extension des constructions. Au Tessin, le recensement de 1963 a révélé une surface notablement plus faible, la différence s'établissant à 296 hectares. La proportion des cépages rouges n'a cessé d'aumenter.

A propos de la surface viticole, il convient de mentionner l'article 11 de l'arrêté sur le statut du vin du 18 décembre 1953, qui prévoyait l'octroi d'une subvention pour l'arrachage de la vigne sise en dehors de la zone viticole (zone C). Cet article concernait les arrachages effectués du début de 1954 jusqu'à fin 1961, soit sur une surface totale de 513 hectares où furent installées d'autres cultures. Les subventions versées par la Confédération pour ces mesures ont atteint 4,7 millions de francs.

Les chiffres suivants donnent un aperçu des autorisations de planter de nouvelles vignes sur les parcelles rangées en zone viticole, qui furent accordées par la division de l'agriculture ou, sur recours, par le département de l'èco-

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nomie publique ou par le Conseil fédéral, du début de mars 1959 à fin 1966 (art. 1er, 2e al-, de l'arrêté fédéral du 6 juin 1958; art. 6, 2e al., et art. 7, 2e al.

du statut du vin).

Demandes

Zurich Berne Schaffhouse Grisons Argovie Thurgovie Tessin Vaud Valais Neuchâtel Genève

Area

3 3 5 1 4 4 4 101 3432 1 70

194 238 510 20 281 230 203 4767 50 855 35 5794

3628

63127

Quelque 63 000 ares ont donc été classés en zone viticole depuis 1959; de cette surface, 77 pour cent sont ou seront plantés en cépages rouges. Pour le reste, c'est-à-dire dans 23 pour cent des cas, les propriétaires sont libres d'utiliser des cépages blancs ou rouges figurant dans l'assortiment cantonal.

558 demandes pour un peu plus de 25 400 ares ont été refusées, les conditions liées à l'admission en zone viticole n'étant pas remplies. Les oppositions aux décisions rendues par la division de l'agriculture en matière de classement en zone viticole furent particulièrement nombreuses en 1965 et 1966. La plupart de ces oppositions furent rejetées par le département de l'économie publique ou, sur recours, par le Conseil fédéral. Des raisons d'équité notamment interdisent de tenir compte de la situation personnelle ou économique du requérant. Durant ces trois dernières années, la tendance à étendre le vignoble sur des parcelles de faible déclivité, voire sur terrain plat, a été manifeste.

Peu après l'entrée en vigueur, le 1er mars 1959, de l'arrêté fédéral du 6 juin 1958, des vignes furent plantées dans quelques communes valaisannes, au mépris de l'interdiction. Il s'agissait de parcelles qui ne pouvaient être admises en zone viticole. Une partie importante de ces vignes plantées illicitement ont été arrachées volontairement; quelques propriétaires s'opposèrent toutefois aux instructions de l'administration. Ces vignes ont dû être détruites par la suite. Mais récemment, les autorités compétentes ont de nouveau constaté l'existence, dans diverses régions, de petites surfaces plantées hors de la zone viticole. Le département de l'économie publique ayant signalé aux autorités cantonales ces actes illégaux, les propriétaires en cause furent invités par les services cantonaux compétents à arracher les vignes plantées au mépris des dispositions de l'arrêté fédéral. Les ordres ont été exécutés partiellement; certains cas sont encore en suspens.

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B. Rendements Depuis l'automne 1959, les rendements du vignoble suisse sont satisfaisants, sauf dans le canton de Neuchâtel, où ils ont diminués sous l'influence des intempéries, comme aussi par suite du rétrécissement de l'aire viticole.

Durant la dernière décennie, la vendange de 1957 fut la moins importante (417 154 hl) et celle de 1960 la plus abondante, avec 1 124 197 hectolitres (raisin de table compris). Malgré la régression de l'aire viticole, la moyenne de dix ans est actuellement de 844 404 hectolitres, contre 764 779 hectolitres pour la période comprise entre 1947 et 1956.

La viticulture est caractérisée généralement par une alternance de périodes à rendements faibles et à rendements élevés. La forte augmentation des rendements moyens observée au cours de la dernière décennie doit être attribuée essentiellement à l'accroissement de la productivité de nos vignobles consécutif à une sélection judicieuse des plants, ainsi qu'à l'amélioration des soins et de la fumure. La viticulture a également bénéficié des progrès importants réalisés dans la lutte antiparasitaire. La modernisation des modes de culture viticole est aussi la conséquence d'une formation professionnelle plus poussée.

Depuis l'entrée en vigueur de l'arrêté fédéral du 6 juin 1958, la Confédération a versé aux cantons, en vue de la reconstitution et de la transformation des vignobles, les montants suivants : Francs

1959 7417979.55l) 1960 2473936.16 1961 2184413.90 1962 2006485.40 1963 1 660 489.25 1964 .

2339276.70 . 1965 2329555.-- 1966 2198717.20 1 ) Y compris les paiements complémentaires de 1957 et de 1958.

Il y a lieu de rappeler à;se sujet les graves dommages causés au vignoble par le gel en février 1956 et au printemps 1957. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous disposons aujourd'hui d'assez vastes régions viticoles complantées de souches jeunes et robustes qui seront en plein rendement durant plusieurs années encore.

Toutes ces mesures ont contribué aussi à l'amélioration de la qualité de nos vins.

C. Mesures d'ordre économique Dans les années d'abondance, l'octroi de subventions prélevées sur le fonds vinicole a permis de stimuler la vente du raisin de table du pays de manière à alléger le marché le plus rapidement possible et d'encourager l'utilisation

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non alcoolique du raisin. Ce sont là des campagnes très appréciées des consommateurs comme des producteurs : ces derniers touchent en effet immédiatement le prix de leurs peines, tandis que les premiers obtiennent un raisin frais d'excellente qualité, qui n'a pas eu à pâtir d'un long transport par chemin de fer.

Les chiffres ci-après donnent un aperçu des quantités de raisins de table vendues: Raisin de table étranger En tonnes

1945 1950 1955 1956 1957 1958 1959 1960 1961 1962 1963 1964 1965 1966

2606 14294 17 663 24251 20743 22723 19764 24687 25080 27963 27450 31695 35 635 38 388

Raisin de table indigène Blanc En tonnes

1929 2240 3395 pas de campagne pas de campagne pas de campagne 4107 1779 5814 2421 pas de campagne 1615 pas de campagne pas de campagne

Ronge du Tessin

1204 2055 1359 1661 478 1359 2575 868 2646 999 765 1218 676 1454

La période de prospérité actuelle ayant favorisé la motorisation, la consommation de jus de raisin sans alcool s'est considérablement développée.

Les entreprises qui préparent ces boissons s'efforcent, depuis longtemps, de mettre sur le marché des jus de qualité, blancs et rouges. L'emploi de demiconcentrés leur a permis d'améliorer les techniques de transformation et d'obtenir un jus de raisin non fermenté de qualité irréprochable, même dans les années où le fruit n'avait pas atteint sa pleine maturité. En automne 1965 notamment, de bons résultats ont été obtenus par cette méthode. Si, jusqu'ici, on a réussi à maintenir assez bas les prix de détail, cet avantage est dû à l'octroi de subventions destinées à abaisser le prix d'achat du moût provenant de cépages blancs européens. Cette mesure a permis d'offrir aux consommateurs des quantités suffisantes de jus de raisin de bonne qualité et de donner en outre, aux préparateurs, la possibilité d'en exporter. Les chiffres ci-après montrent comment la production de jus de raisin indigène a évolué ces quinze dernières années:

1951 1954 1955 19561) 19571) !) Faible récolte.

En hectolitres

30318 56359 67586 46295 9684

596 En hectolitres

1958 1959 1960 1961 1962 1963 1964 1965 1966

,

27688 53 967 77916 78100 73 100 79 180 77165 110800 58 400

En dépit de récoltes supérieures à la moyenne depuis 1959, c'est en 1961 et en Ì965 seulement que des campagnes, assez modestes cependant, ont dû être organisées pour assurer la prise en charge de vins du pays par les importateurs et la mise en valeur des excédents. La qualité de la vendange ayant laissé beaucoup à désirer en 1960, il a fallu, l'année d'après, reprendre 187 303 hectolitres de vins blancs de la Suisse romande. A la fin de l'été 1965, la nécessité de faire de la place pour la nouvelle récolte a contraint de retirer du marché de faibles quantités provenant des récoltes des deux années précédentes. La préparation, en automne, de 110800 hectolitres (dont 88580 hectolitres de blanc européen) de jus de raisin sans alcool a permis de renoncer à toute campagne de ce genre pour les vins blancs de 1965 et de faciliter uniquement le placement de 9000 hectolitres devins rouges de seconde classe provenant delà Suisse alémanique. La campagne de prise en charge a coûté 12 135 000 francs en 1961, 4 400 000 francs en 1965 et 465 000 francs en 1966. En automne 1965 et 1966, 5 590 000 francs et 1 700 000 francs ont été dépensés respectivement pour la constitution de demi-concentrés et la préparation normale de jus de raisin blanc.

Pour parer aux risques d'effondrement des prix au sens de l'article 25 de la loi sur l'agriculture et lorsque les conditions du marché l'ont exigé, il a été procédé, avec le concours des cantons intéressés, au blocage-financement des vins blancs en excédent. Les propriétaires de ces vins obtiennent ainsi, jusqu'à concurrence de 70 pour cent du prix indicatif (art. 14 de l'arrêté sur le statut du vin), des prêts consentis par les établissements bancaires à un taux excédant de 0,5 pour cent seulement le taux officiel d'escompte de la banque nationale. La Confédération s'engage à supporter aussi une partie des risques impliqués par les pertes qui pourraient se produire au moment du déblocage officiel (art. 20, 2e al. de l'arrêté sur le statut du vin). C'est là une garantie dont il n'a jamais été fait usage depuis que la loi sur l'agriculture existe. Le blocagefinancement, on l'a constaté, est une mesure permettant d'obvier efficacement à l'effondrement des cours.

Les importations de vins rouges de qualité courante ont été adaptées aux besoins du marché. D'après la statistique du commerce, elles ont passé de 1111 102 hectolitres en 1959 à 1 407 812 hectolitres en 1966. L'article 16 de

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l'arrêté sur le statut du vin interdit, sauf dans de rares exceptions, d'importer du vin blanc. Les importations annuelles ont atteint en tout 45 000 hectolitres de vins blancs, dont quatre-cinquièmes entrent dans la fabrication de vinaigre et de vin mousseux. Pour 1965/66, la consommation totale de vins atteint 2 258 971 hectolitres alors que la moyenne décennale de 1950/60 est 1 680442 hectolitres. Cet accroissement reflète non seulement celui de la population résidente, mais aussi l'augmentation de son pouvoir d'achat. Le fait que la main-d'oeuvre étrangère vient en grande partie de pays viticoles explique pourquoi les vins rouges importés de qualité courante sont consommés en plus grande quantité.

Aucune mesure n'a été prise pour faciliter l'utilisation industrielle des vins du pays difficiles à écouler (art. 3 de l'arrêté fédéral du 6 juin 1958), car la péréquation à charge de la Confédération eût exigé des moyens financiers trop élevés.

II. La prorogation de l'arrêté fédéral A propos de l'arrêté fédéral du 6 juin 1958 instituant des mesures temporaires en faveur de la viticulture, il faut, on l'a vu, se demander s'il convient de le proroger tel quel pour plusieurs années ou de l'amender sur certains points.

Diverses considérations plaident en faveur de son maintien sans changement. L'interdiction de planter de la vigne Hors de la zone viticole constitue une restriction quantitative efficace. L'arrachage obligatoire des vignes plantées hors zone, prévu en outre par le 3e alinéa de l'article premier, est une sanction utile pour faire respecter cette interdiction. Considérées en elles-mêmes, ces deux mesures nous fournissent un instrument sûr pour adapter la production à la demande, prévenir l'apparition d'excédents hors de proportion et assurer le revenu des viticulteurs.

En limitant la zone viticole aux terroirs donnant en général des crus de valeur, on peut espérer réussir à améliorer non seulement la qualité des vins, mais encore leur placement.

Une contribution plus substantielle aux frais de plantation de variétés de cépages rouges (art. 2, 2e et 4e al., de l'arrêté fédéral) permet en outre de réduire la production de vins blancs au profit de celle de vins rouges et par conséquent aussi de mieux adapter J'offre à la demande. Le remplacement des cépages blancs par des cépages rouges
se justifie aujourd'hui comme par le passé et doit donc être poursuivi. La loi sur l'agriculture à elle seule, c'est-à-dire l'article 45, 2e alinéa, ne nous fournirait en tout cas aucun moyen d'encouragement aussi énergique. Selon cette disposition, les subventions fédérales ne peuvent dépasser un quart des frais moyens de reconstitution, ni excéder les subventions cantonales. Les effets favorables des prestations augmentées conformément à l'arrêté fédéral ressortent du tableau ci-après, qui permet de confronter, pour la Suisse romande, les surfaces complantées de variétés européennes blanches et rouges en 1956 et en 1966.

598 Variétés de cépages rouges 1966 1956 arcs ares

Lac de Bienne Fribourg Vaud Valais Neuchâtel Genève

Variétés de cépages blancs 1956 1966 ares ares

Total 1956 ares

1966 aies

750 202 11 841 48800 6255 4300

3103 710 30586 115647 12551 20570

24 522 8658 322 989 308 150 71 142 73300

2l 790 8955 280 584 282 755 49402 60130

25272 8860 334 830 356 950 77397 77600

24893 9665 311 170 398 402 61953 80700

72148 8%

183 167 21%

808 761 92%

703 616 79%

880 909

886 783

La part des variétés de cépages blancs européens ne représente aujourd'hui que 18 pour cent en Suisse alémanique et 3 pour cent au Tessin. Dans ce dernier canton, notamment au Sopra-Ceneri, il s'agit de poursuivre les efforts visant à étendre la culture du merlot, car ce cépage s'y est très bien adapté.

L'idée de proroger l'arrêté fédéral est cependant battue en brèche sur plusieurs points.

Relevons tout d'abord l'opinion qui régnait en 1957 et en 1958 : des mesures spéciales en faveur de la viticulture, croyait-on, s'imposaient à titre temporaire seulement, dix ans devant suffire pour adapter et reconstituer le vignoble.

L'interdiction de planter constitue une restriction sensible apportée à la liberté de la propriété, comme aussi à celle du commerce et de l'industrie, et le cas est unique dans l'agriculture. Elle empêche la plantation de vignes là où la culture pourrait être plus avantageuse encore. A en juger par les nombreuses demandes d'autorisation de planter de la vigne hors de la zone viticole actuelle et vu les plantations faites au mépris de l'interdiction, les cantons de Genève, de Vaud et du Valais semblent compter bon nombre de producteurs pour qui la viticulture ne paraît pas uniquement rentable à l'intérieur de la zone. Autre fait important, il est très difficile de faire respecter cette interdiction. On ne réussira pas à préserver cette zone à la longue si les cantons ne sont pas prêts à appliquer les mesures coercitives qui s'imposent. Or, il n'existe guère de certitude à cet égard.

On peut enfin se demander s'il n'y aurait pas moyen de stimuler le remplacement des cépages blancs par des cépages rouges par l'application d'un système de contributions échelonnées à bon escient.

Une première conclusion se dégage de ces considérations. La suppression du régime institué par l'arrêté fédéral du 6 juin 1958 pourrait avoir des conséquences graves s'il n'y a pas moyen d'appliquer d'autres mesures appropriées pour atteindre le but visé, c'est-à-dire pour adapter la production à la demande, payer des prix équitables auA producteurs, réaliser toutes les possibilités offertes par l'initiative personnelle et maintenir les contributions de la Confédération à leur minimum. Il se pourrait parfaitement que la production augmente dans

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de trop fortes proportions, que la qualité baisse, qu'il faille faciliter le placement dans une mesure accrue et que, de surcroît, le revenu des viticulteurs diminue.

Cela étant, il faut se demander d'abord si l'on ne pourrait pas, désormais, atteindre ce but en recourant à des mesures plus conformes à l'économie du marché et moins radicales, dont l'application serait déjà admise par la loi sur l'agriculture. Pour ce qui est des subventions allouées pour la reconstitution du vignoble, on n'aurait aucune peine à en restreindre le bénéfice aux parcelles comprises dans la zone viticole, comme cela se fait aujourd'hui. Il serait, en revanche, moins aisé de limiter de la même manière la portée des mesures de mise en valeur, telles que le placement du raisin de table et du jus de raisin, le blocage des vins ou les campagnes de prise en charge. On peut même dire à ce propos que, selon les circonstances, il est difficile, voire impossible de savoir si certains produits tirent ou non leur origine de la zone viticole. Or les seconds risquent de compromettre aussi le placement des premiers. On se demande par conséquent s'il n'y a pas moyen d'améliorer les mesures de mise en valeur conformes aux lois du marché qui tendent à influer sur la production..

Si la réponse à cette question devait être négative, il faudrait alors examiner la possibilité d'instituer une taxe visant à orienter la production, régime qui remplacerait celui de l'interdiction de planter et de l'arrachage obligatoire.

La taxe serait exigée de toutes les personnes qui plantent des vignes hors zone viticole. Elle pourrait être perçue annuellement ou en une fois. Son montant devrait être assez élevé pour que la viticulture hors zone viticole ne laisse en tout cas pas plus de profit que la culture en zone viticole. Il serait fixé dans chaque cas particulier par la Confédération ou, dans les limites des prescriptions fédérales, par les cantons, qui seraient aussi chargés de la perception et des contrôles.

Le régime esquissé n'étant prévu par aucun acte législatif, pas plus que par la loi sur l'agriculture, il faut, pour l'instituer, pouvoir évoquer les articles économiques, en l'occurrence l'article 31 bis, 3e alinéa, lettre b, de la constitution.

Il n'a malheureusement pas été possible d'élucider de façon complète et définitive les divers
problèmes, très complexes, qui se posent des points de vue de l'économie, de la technique et du droit. Le régime actuel ayant permis d'obtenir des résultats positifs, il ne se justifierait guère que la validité de l'arrêté prenne fin le 31 décembre 1967. Dans ces conditions, il paraît indiqué de maintenir encore ce régime tel quel pour une brève durée de manière à avoir, dans l'intervalle, le temps d'élucider les questions encore ouvertes. Nous prévoyons, pour cette étude, de faire appel au concours d'experts n'appartenant pas à l'administration. Ce travail pourrait exiger approximativement une année, après quoi les cantons et les groupements intéressés auraient de nouveau l'occasion de faire connaître leur avis.

Au cas où, conformément à notre proposition, l'arrêté fédéral serait prorogé pour deux ans, les subventions versées par la Confédération durant les années 1968 et 1969 en faveur de la reconstitution et de la transofrmation du vignoble se monteraient à environ 2,5 à 3 millions de francs par an.

600 III. L'avis des cantons, des groupements économiques, de la commission de spécialistes de l'économie vinicole et de la commission consultative pour l'exécution de la loi sur l'agriculture

Le projet de prorogation de l'arrêté fédéral a été soumis aux gouvernements cantonaux, aux groupements économiques du pays, à la commission de spécialistes de l'économie vinicole et à la commission consultative pour l'exécution de la loi sur l'agriculture. On s'est abstenu, en revanche, de consulter la commission des cartels, car le projet tend à une prolongation limitée des dispositions actuelles, La commission de spécialistes de l'économie vinicole et la commission consultative se sont prononcées à l'unanimité en faveur d'une prorogation pour deux ans, prévoyant que ce délai permettra à un groupe d'experts, désignés spécialement, d'étudier d'une manière approfondie les divers aspects de la future politique viticole. Il incomberait à cette commission de formuler notamment des propositions réalisables concernant la plantation de nouvelles vignes et le cadastre viticole. S'il est possible, en théorie, de remplacer la vigne en maints endroits par des cultures fruitières ou de légumes, le placement de ces produits se heurte à de grandes difficultés (pommes, poires, abricots, tomates, etc.). Les deux commissions souhaitent que l'effort de transformation de l'encépagement en variétés rouges à l'aide de subventions fédérales plus élevées se poursuive.

Les avis des cantons et des groupements économiques se résument ainsi: 1. La prorogation des mesures actuelles pour deux ans est approuvée, d'une manière générale, on souhaite pouvoir profiter de ce délai pour apporter au problème viticole une solution à long terme.

2. Dans quelques réponses, on se montre favorable au maintien du régime actuel prévoyant l'arrachage obligatoire des vignes plantées sans autorisation hors de la zone viticole et dans des endroits inappropriés. Pour ce groupe, l'arrachage obligatoire constitue la seule sanction efficace en cas de violation de l'interdiction de planter. Toutefois, la plupart des cantons et des organisations économiques estiment que l'arrachage obligatoire n'est plus réalisable pour des raisons d'ordre psychologique. Ils soulignent le fait que plusieurs cantons refusent, pour des raisons politiques, d'observer les prescriptions fédérales édictées dans leur propre intérêt. Mention est faite également des importations croissantes de vins rouges ; on relève que certains de ces vins proviennent de régions peu
favorables à une production de qualité.

3. Les opinions sont divisées quant à l'opportunité d'une taxe visant à orienter la production. Il s'agirait en premier lieu de définir la constitutionnalité de cette mesure. Le montant de cette taxe devrait être assez élevé pour protéger le vignoble du coteau et entraver en même temps la plantation de vignes hors de la zone viticole. Il y aurait lieu d'examiner également si la taxe pourrait être perçue annuellement ou en une fois, et si elle devrait être fixée par la Confédération ou par les cantons. Son application pourrait créer des difficultés iden-

601 tiques à celles que rencontrèrent les cantons en matière d'arrachage obligatoire.

De l'avis général, les sommes prélevées à ce titre devraient être consacrées uniquement à des mesures d'encouragement en faveur de la viticulture.

4. La nécessité de continuer à encourager la transformation du vignoble en cépages rouges s'impose du fait que Jors de récoltes pléthoriques des excédents de vins blancs peuvent toujours apparaître.

5. Plusieurs réponses souhaitent que des mesures d'ordre technique et économique soient prises en lieu et place d'une taxe visant à orienter la production. Il s'agirait principalement de donner une plus grande extension aux services de vulgarisation, d'accélérer les remaniements parcellaires, de tenucompte des facteurs erologiques et de faire une propagande appropriée en faveur des produits viticoles. A cet égard, l'exclusion du bénéfice des campagnes de placement pour les produits viticoles revêt une importance particulière. Un des avis exprimés envisage la possibilité de tolérer des plantations nouvelles en terrains plats bien délimités, si elles sont réservées exclusivement à la préparation de jus de raisin. Plusieurs groupements économiques souhaitent que le placement sous forme de raisin de table et de jus de raisin soit soutenu plus efficacement.

La constitutionnalité de la prorogation proposée est assurée. Elle se fonde sur les mêmes dispositions que l'arrêté fédéral du 6 juin 1958. A ce propos, le message du 11 février 1958 mentionne ce qui suit: «Les restrictions à la liberté du commerce et de l'industrie que prévoit le projet d'arrêté, notamment dans la mesure où il trace certaines limites à l'extension du vignoble, ont leur fondement dans l'article 31 bis, 3e alinéa, lettres b et c, de la constitution. Elles sont justifiées, car elles répondent à l'intérêt général et visent à conserver une forte population vigneronne, ainsi qu'à protéger des régions dont l'économie est menacée.» Nous avons l'honneur de vous proposer d'adopter le projet d'arrêté fédéral ci-joint concernant la prorogation des mesures temporaires en faveur de la viticulture et vous renouvelons, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 24 février 1967.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Bonvin

Le chancelier de la Confédération, Ch. Oser

602 Projet

Arrêté fédéral prorogeant celui qui institue des mesures temporaires en faveur de la viticulture

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse,

.

vu le message du Conseil fédéral du 24 février 1967, arrête: Article premier La durée de validité de l'arrêté fédéral du 6 juin 1958 x) instituant des mesures temporaires en faveur de la viticulture est prorogée jusqu'au 31 décembre 1969.

Art. 2 1 Le présent arrêté entre en vigueur le 1er janvier 1968.

2 Le Conseil fédéral est chargé de publier le présent arrêté conformément à la loi du 17 juin 1874 concernant les votations populaires sur les lois et arrêtés fédéraux.

173B1

J

) RO 1959, 147.

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif à la prorogation de la validité de l'arrêté fédéral instituant des mesures temporaires en faveur de la viticulture (Du 24 février 1967)

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1967

Année Anno Band

1

Volume Volume Heft

11

Cahier Numero Geschäftsnummer

9659

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

16.03.1967

Date Data Seite

591-602

Page Pagina Ref. No

10 098 395

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