FF 2022 www.droitfederal.admin.ch La version électronique signée fait foi

21.083 Message relatif à la loi fédérale sur le passage au numérique dans le domaine du notariat du 17 décembre 2021

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'une loi fédérale sur le passage au numérique dans le domaine du notariat, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

17 décembre 2021

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Guy Parmelin Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2021-4234

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Condensé Le droit fédéral prescrit la forme authentique pour de nombreux actes juridiques.

L'instrumentation est une procédure spécifique réglée dans la loi qui aboutit à l'établissement d'un acte authentique. En l'absence de règles de droit fédéral, ce sont les cantons qui déterminent les modalités de cette procédure, dont la compétence incombe aux officiers publics cantonaux.

Conformément au droit en vigueur, l'original de l'acte authentique doit être établi sur papier. Le projet joint au présent message vise à adapter le droit de l'instrumentation à l'évolution de la société, à l'état de la technique et aux besoins de l'économie. À l'avenir, il sera possible d'établir l'original de l'acte authentique sous forme électronique.

Contexte Les cantons, en application de l'art. 55a du titre final du code civil, peuvent autoriser les officiers publics à établir des expéditions électroniques des actes qu'ils instrumentent, à certifier que les documents qu'ils établissent sous la forme électronique sont conformes à des originaux figurant sur un support papier et à procéder à des légalisations électroniques. L'original de l'acte authentique doit cependant à ce jour être établi sur papier.

Aujourd'hui, quatorze cantons ont mis en place les conditions permettant à leurs officiers publics d'établir des expéditions électroniques et de procéder à des légalisations électroniques; les officiers publics ont quant à eux toute latitude pour décider s'ils souhaitent proposer ces nouvelles prestations.

Contenu du projet La nouvelle loi sur le passage au numérique dans le domaine du notariat (LNN) est un pas en direction de l'instrumentation entièrement électronique puisqu'elle permet d'établir l'original des actes authentiques directement sous forme électronique. Les parties qui restent attachées au papier pourront demander des expéditions et des copies légalisées sur papier des actes authentiques établis.

Les prescriptions de forme ont pour but de protéger les comparants, d'une part, et de garantir la sécurité du droit, d'autre part. Les normes inscrites dans la LNN ont pour but d'assurer la sécurité juridique des transactions et des communications électroniques, l'unification de la procédure étant gage de transparence, de prévisibilité et d'unité de la pratique.

Création d'un registre électronique central
des actes authentiques L'original des actes authentiques établis sous forme électronique devra être préservé de toute modification, être lisible et conservé à l'abri de tout accès indu, et cela à long terme. Il sera de ce fait saisi dans un registre électronique central des actes authentiques directement après son établissement.

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Numérisation de l'instrumentation en Europe Nombreux sont les pays européens à utiliser les nouvelles technologies dans le domaine de l'instrumentation. Certains d'entre eux ont inscrit dans leur législation la possibilité d'établir des actes authentiques sous forme électronique. L'Union européenne a adopté une directive qui fournit à ses États membres un cadre juridique pour les processus numériques dans le cadre du droit des sociétés. Il est important, pour la compétitivité de son économie, que la Suisse reste en phase avec les évolutions internationales dans le domaine de l'instrumentation.

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Table des matières Condensé

2

1

6 6

Contexte 1.1 Droit de l'instrumentation en Suisse 1.2 Règles en vigueur dans le domaine de l'acte authentique électronique 1.3 Nécessité d'agir et objectifs visés 1.4 Solutions étudiées et solution retenue 1.5 Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral 1.6 Classement d'interventions parlementaires

6 7 8 8 9

2

Procédure préliminaire 2.1 Genèse de l'avant-projet de 2019 2.2 Procédure de consultation 2.2.1 Avant-projet envoyé en consultation 2.2.2 Aperçu des résultats de la procédure de consultation 2.2.3 Adaptations par rapport à l'avant-projet

9 9 10 10 10 12

3

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen 3.1 Généralités 3.2 Allemagne 3.3 Autriche 3.4 France 3.5 Italie 3.6 Légalisation / apostille

12 12 13 13 13 14 14

4

Présentation du projet 4.1 Réglementation proposée 4.2 Adéquation des moyens requis 4.3 Mise en oeuvre

15 15 15 16

5

Commentaire des dispositions 5.1 Structure 5.2 Préambule 5.3 Section 1 Dispositions générales 5.4 Section 2 Établissement d'originaux électroniques des actes authentiques 5.5 Section 3 Conservation des originaux électroniques des actes authentiques et droits d'accès 5.6 Section 4 Téléchargement d'exemplaires électroniques et établissement d'expéditions et de légalisations électroniques

17 17 17 17

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22 25 31

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5.7

Section 5 Établissement d'expéditions et de légalisations sur papier de documents électroniques 5.8 Section 6 Unification des processus numériques 5.9 Section 7 Outils techniques 5.10 Section 8 Édiction de dispositions par le Conseil fédéral 5.11 Section 9 Dispositions finales 6

7

32 32 33 34 35

Conséquences 6.1 Conséquences pour la Confédération 6.1.1 Conséquences financières et sur l'état du personnel 6.1.1.1 Développement du système 6.1.1.2 Gestion du registre électronique des actes authentiques 6.1.1.3 Personnel 6.1.1.4 Émoluments 6.2 Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne 6.3 Conséquences économiques 6.4 Conséquences sociales 6.5 Conséquences environnementales

35 35 35 35

Aspects juridiques 7.1 Constitutionnalité 7.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 7.3 Forme de l'acte à adopter 7.4 Frein aux dépenses 7.5 Conformité aux principes de subsidiarité et d'équivalence fiscale 7.6 Conformité à la loi sur les subventions 7.7 Délégation de compétences législatives 7.8 Protection des données

38 38 38 39 39 39 39 39 40

Bibliographie Loi fédérale sur le passage au numérique dans le domaine du notariat (LNN) (Projet)

36 36 37 37 38 38 38

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Message 1

Contexte

1.1

Droit de l'instrumentation en Suisse

Le droit fédéral prescrit la forme authentique pour de nombreux actes juridiques. Des règles fédérales relatives à l'établissement des actes authentiques proprement dit n'existent toutefois que pour le testament public, le pacte successoral, la donation pour cause de mort, le contrat d'entretien viager et le protêt (art. 499 ss et 512, al. 1, du code civil [CC]1, art. 245, al. 2, 522, al. 1, et 1034 ss du code des obligations [CO]2).

Pour le surplus, le législateur fédéral a laissé aux cantons la compétence de déterminer pour leur territoire les modalités de la forme authentique (art. 55, al. 1, du titre final [tit. fin.] du CC). Ni la doctrine ni la jurisprudence ne contestent cependant que la notion de «forme authentique» relève du droit fédéral3. Les cantons doivent donc respecter les exigences que celui-ci impose lorsqu'ils fixent les règles relatives à l'instrumentation.

La forme authentique contribue de manière déterminante à la sécurité du droit et à la paix juridique. Elle protège les parties contre les engagements irréfléchis4, a une fonction de conservation des preuves5 et assure une formulation claire des engagements réciproques dans la perspective de l'inscription dans les registres publics6. Vu son importance dans les rapports de droit privé, le législateur doit garantir le développement à long terme de l'acte authentique sous la forme électronique.

1.2

Règles en vigueur dans le domaine de l'acte authentique électronique

Selon le droit en vigueur, l'original d'un acte authentique doit être établi sur papier.

En application de l'art. 55a tit. fin. CC, entré en vigueur le 1er janvier 2012, les cantons peuvent autoriser les officiers publics à établir des expéditions électroniques des actes qu'ils instrumentent et à procéder à des légalisations électroniques. Il appartient donc aux cantons de décider si leurs officiers publics peuvent proposer ces prestations et ensuite aux officiers publics de déterminer s'ils souhaitent les proposer. Aujourd'hui, quatorze cantons donnent cette possibilité à leurs officiers publics.

Les dispositions d'exécution de l'art. 55a tit. fin. CC figurent dans l'ordonnance du 8 décembre 2017 sur l'établissement d'actes authentiques électroniques et la légalisation électronique (OAAE)7. Les modalités techniques sont quant à elles réglées dans 1 2 3 4 5 6 7

RS 210 RS 220 ATF 125 III 131, 134; ATF 133 I 259, 260; Brückner, no 5; Huber, p. 229.

Brückner, no 258 ss; Jeandin, p. 17, Marti, p. 23.

Marti, pp. 22 s.

Jeandin, p. 17; Marti, p. 24.

RS 211.435.1

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l'ordonnance du DFJP du 8 décembre 2017 sur l'acte authentique électronique (OAAE-DFJP)8.

1.3

Nécessité d'agir et objectifs visés

La démocratisation de l'internet et la performance des appareils mobiles entraîne une numérisation des processus juridiques. Des bases légales fédérales ont été élaborées pour permettre les inscriptions au registre foncier et au registre du commerce par voie électronique. Cette possibilité n'est toutefois vraiment utile que si les pièces justificatives, essentiellement des actes authentiques, peuvent elles aussi être transmises sous forme électronique9. C'est pourquoi, en application de l'art. 55a tit. fin. CC, les cantons peuvent autoriser les officiers publics à établir des expéditions électroniques des actes qu'ils instrumentent et à procéder à des légalisations électroniques.

Même s'il constitue un premier pas vers l'instrumentation électronique, cet article n'est qu'une solution de compromis. Le droit en vigueur implique une rupture de supports. Si l'ébauche d'un acte authentique est en général établie à l'ordinateur, elle est imprimée sur papier en vue de la procédure d'établissement de l'acte authentique.

Pour établir une expédition électronique ou une copie légalisée électronique, l'officier public doit à nouveau convertir l'original de l'acte authentique (établi sur papier) sous forme numérique.

Le projet de loi présenté ici permet de passer à l'acte authentique entièrement électronique. L'officier public pourra établir l'original de l'acte authentique sous forme électronique et l'utiliser directement dans les communications et transactions électroniques.

L'institution d'un original électronique des actes authentiques pose la question de sa conservation. La plupart des réglementations cantonales relatives à l'instrumentation comportent des dispositions concernant la conservation des actes authentiques.

Nombre d'entre elles assignent aux officiers publics l'obligation de conserver l'original de l'acte authentique. Tout comme dans l'univers du papier, il s'impose de fixer un cadre approprié s'appliquant à la conservation des actes authentiques électroniques. De plus, l'établissement de l'original de l'acte authentique sous forme électronique plutôt que sur papier ne doit pas affecter sa force probante et sa fonction de conservation des preuves. Le registre électronique des actes authentiques permettra de couvrir ces fonctionnalités.

L'adoption d'une réglementation de droit fédéral
permettra d'unifier l'instrumentation électronique en Suisse. Cette standardisation est indispensable à la sécurité de la procédure d'établissement des actes authentiques électroniques et du droit.

8 9

RS 211.435.11 Voir à cet égard la motion 21.3180 Silberschmidt «Création d'entreprises par voie entièrement numérique».

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1.4

Solutions étudiées et solution retenue

Lors de la modification du code civil de 2012 (forme authentique; voir le ch. 2), il avait déjà été proposé d'instituer un original électronique de l'acte authentique. Une majorité des participants à la consultation s'y étaient montrés favorables. L'avantprojet prévoyait par ailleurs la mise en place d'un registre électronique central pour assurer la conservation des orignaux électroniques des actes authentiques. Cette solution n'ayant pas fait l'unanimité, l'Office fédéral de la justice (OFJ) a cherché suite à la consultation à nouer le dialogue avec les futurs utilisateurs (représentants des cantons, du notariat, du registre foncier et du registre du commerce). Il avait mis au point trois modèles pour étayer les discussions: 1.

modèle «registre central des actes authentiques»: les actes authentiques sont conservés dans un registre électronique central;

2.

modèle «solutions cantonales»: chaque canton gère son propre registre électronique pour conserver les actes authentiques électroniques; la Confédération définit certains éléments d'infrastructure pour assurer les échanges entre systèmes;

3.

modèle mixte: certains cantons utilisent un registre électronique central, d'autres ont leur propre registre.

Les discussions menées ont montré que les futurs utilisateurs préféraient nettement le modèle du registre électronique central, notamment au vu des expériences qu'ils avaient faites jusque-là en rapport avec les transactions et les communications électroniques. Ils ont pu constater qu'il fallait se coordonner avec les parties impliquées sur les modifications techniques même les plus minimes afin d'assurer l'interopérabilité des systèmes, d'où des coûts plus élevés. Ils comptent sur une solution unifiée pour y remédier.

La solution d'une conservation centralisée a donc été maintenue dans l'avant-projet de 2019.

1.5

Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral

Le projet n'est annoncé ni dans le message du 29 janvier 202010 ni dans l'arrêté fédéral du 21 septembre 202011 sur le programme de la législature 2019 à 2023.

La mise en place d'une instrumentation entièrement électronique correspond néanmoins à l'objectif du Conseil fédéral de permettre la fourniture de prestations publiques efficaces, autant que possible sous forme numérique12.

10 11 12

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1.6

Classement d'interventions parlementaires

Le projet n'est lié à aucune intervention parlementaire transmise au Conseil fédéral.

2

Procédure préliminaire

2.1

Genèse de l'avant-projet de 2019

Le 14 décembre 2012, le Conseil fédéral a ouvert la procédure de consultation sur une modification du code civil (forme authentique). L'avant-projet prévoyait: ­

de codifier les exigences minimales de droit fédéral concernant l'instrumentation;

­

d'étendre la libre circulation des actes authentiques à l'ensemble du domaine immobilier;

­

de rendre possible l'établissement d'originaux électroniques des actes authentiques;

­

de créer une banque de données centrale des actes authentiques gérée par la Confédération.

Vu les résultats de la consultation et les retours des entretiens menés avec les milieux concernés, le Conseil fédéral a décidé le 25 mai 2016 de charger le Département fédéral de justice et police (DFJP): ­

d'élaborer un message portant sur l'original électronique de l'acte authentique et sur le registre électronique des actes authentiques d'ici à fin 2017 («mandat 1»);

­

d'examiner l'opportunité d'élaborer un message portant sur les exigences minimales de droit fédéral et sur la libre circulation et de rédiger un rapport à l'intention du Conseil fédéral avant la fin 2018 («mandat 2»)13.

Le projet d'une loi fédérale sur le passage au numérique dans le domaine du notariat (LNN) et le présent message ayant été soumis au Parlement, le «mandat 1» du Conseil fédéral peut être considéré comme étant rempli.

13

L'OFJ, en exécution du «mandat 2», a institué un groupe de réflexion relatif à une procédure unifiée d'établissement des actes authentiques en Suisse, en étroite collaboration avec la Fédération suisse des notaires (FSN); voir www.ofj.admin.ch > Économie > Procédure unifiée d'établissement des actes authentiques en Suisse.

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2.2

Procédure de consultation

2.2.1

Avant-projet envoyé en consultation

La perception des instruments numériques a changé au sein de la population depuis la consultation menée en 2013. Les projets de numérisation se multiplient. Il était donc indiqué de rouvrir un large débat public sur les dispositions proposées, en procédant à quelques adaptations.

L'OFJ a élaboré un avant-projet de loi fédérale sur l'établissement d'actes authentiques électroniques et la légalisation électronique (AP-LAAE) sur la base des discussions menées avec les représentants des cantons, du notariat et des autorités du registre foncier et du registre du commerce.

L'avant-projet prévoyait les points suivants: ­

l'original de l'acte authentique est impérativement établi sous forme électronique (art. 2 AP-LAAE);

­

les officiers publics établissent des expéditions électroniques et procèdent à des légalisations électroniques à la demande des parties (art. 3 AP-LAAE);

­

la Confédération met en place et gère un registre électronique des actes authentiques dans lequel sont conservés les actes authentiques et les légalisations électroniques; le registre est financé par des émoluments (art. 4 ss AP-LAAE);

­

les instruments techniques permettant d'établir des actes authentiques et des légalisations électroniques reposent sur une base légale (art. 6 AP-LAAE).

Le Conseil fédéral a pris acte de l'avant-projet et du rapport explicatif et ouvert la procédure de consultation le 30 janvier 201914. Cette dernière a pris fin le 8 mai 2019.

2.2.2

Aperçu des résultats de la procédure de consultation

Les cantons, les partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale, les associations faîtières des communes, des villes, des régions de montagne et de l'économie ainsi que d'autres organisations intéressées ont été invités à prendre part à la procédure de consultation. Les 26 cantons, quatre partis politiques15, 40 organisations et autres participants se sont prononcés, ce qui a représenté un total de 70 avis16.

14

15 16

Les documents envoyés en consultation sont disponibles à l'adresse www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2019 > DFJP.

PLR, PS, pvl, UDC.

Le rapport de consultation est disponible à l'adresse www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2019 > DFJP.

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Une majorité des participants ont accueilli positivement la possibilité d'établir des originaux d'actes authentiques sous forme électronique et la mise sur pied d'un registre électronique central des actes authentiques. Divers points ont néanmoins fait l'objet de critiques, les positions variant fortement: ­

plusieurs participants à la consultation ont fait valoir que le cercle des destinataires de la LAAE n'était pas clair (art. 1 AP-LAAE); ils ont demandé que l'on définisse certaines notions (par ex. «activités notariales» ou «acte authentique») afin qu'il soit possible de déterminer quels sont les types d'actes visés par la loi;

­

une majorité des participants ont rejeté l'obligation d'établir les originaux d'actes authentiques sous forme électronique (art. 2 AP-LAAE), demandant une liberté de choix quant à la forme des originaux;

­

une majorité des participants (onze cantons, trois partis et 17 organisations) est convaincue de la pertinence de la décision de créer un registre électronique central des actes authentiques (art. 4, al. 1, AP-LAAE); certains participants, au contraire, associent la solution centralisée à des coûts élevés ou à un surcroît de travail administratif; des motifs de sécurité, de secret professionnel auquel est soumis l'officier public et de protection des données ont en outre été invoqués pour remettre en question la proposition de conserver tous les originaux des actes authentiques dans un registre central;

­

l'idée que la Confédération mette en place et gère le registre électronique central des actes authentiques (art. 4, al. 3, AP-LAAE) n'a pas été approuvée par l'ensemble des participants à la consultation; d'aucuns ont affirmé que les cantons étaient tout à fait en mesure d'édicter une réglementation pour assurer la conservation sûre des actes;

­

les participants à la consultation étaient partagés sur les dispositions de la loi concernant la procédure concrète d'établissement des actes authentiques; quelques-uns ont avancé que les prescriptions de droit fédéral devraient se limiter aux questions techniques; à l'opposé, d'autres souhaitaient que la procédure d'établissement des actes authentiques électroniques soit réglée dans le détail au niveau de la loi;

­

plusieurs participants à la consultation ont estimé que les principes régissant le calcul des émoluments (art. 5 AP-LAAE) devaient être réglés dans la loi;

­

la procédure de consultation a aussi donné lieu à plusieurs propositions supplémentaires, par exemple en rapport avec les droits d'accès au registre électronique des actes authentiques, avec la réglementation applicable aux pièces justificatives accessoires et avec les modalités d'exécution.

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2.2.3

Adaptations par rapport à l'avant-projet

Le projet comporte les adaptations suivantes: ­

suite aux avis exprimés, le titre de la loi a été modifié en «loi fédérale sur le passage au numérique dans le domaine du notariat» (LNN), cela pour mieux indiquer quels actes authentiques sont concernés et pour clarifier le fait que la loi ne traite pas uniquement de la «forme électronique» des actes authentiques;

­

à la demande des participants à la consultation, le cercle des destinataires de la loi a été mieux circonscrit, au moyen de la définition de diverses notions (art. 3 P-LNN);

­

un nouvel article dispose que les actes authentiques destinés à un usage à l'étranger peuvent être établis en conformité avec les exigences en vigueur dans le pays concerné (art. 4 P-LNN);

­

les officiers publics auront la possibilité d'établir des originaux des actes authentiques sous forme électronique (art. 2, al. 2, let. a, et 5 P-LNN); il a été renoncé à l'obligation qui figurait dans l'avant-projet de les établir sous forme électronique, de même qu'à l'obligation de proposer des expéditions et des légalisations électroniques (art. 5 et 17, al. 2, P-LNN);

­

au vu des avis exprimés lors de la consultation, il a été ajouté une section comportant des dispositions sur la procédure concrète d'établissement des actes authentiques électroniques (art. 6 ss P-LNN) et en particulier une réglementation relative à la confirmation du contenu de l'acte par les comparants (parties) sur l'original électronique de l'acte authentique;

­

le projet règle les droits d'accès au registre électronique des actes authentiques (art. 15 P-LNN);

­

un nouvel article régit l'unification des processus numériques pour assurer la communication électronique entre les officiers publics et les autorités gérant des registres (art. 19 P-LNN).

3

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen

3.1

Généralités

Le passage au numérique dans le domaine de l'instrumentation est devenue une réalité dans de nombreux pays européens17. Certains d'entre eux ont inscrit l'établissement d'actes authentiques sous forme électronique dans leur législation nationale. Mais les systèmes employés varient d'un pays à l'autre. Certains autorisent déjà l'établissement de l'original de l'acte authentique sous forme électronique, tandis que d'autres ne permettent que l'établissement d'expéditions ou de copies électroniques. Dans sa

17

Wudarski/Szerkus, pp. 194 ss.

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directive pertinente18, l'Union européenne fournit aux États membres un cadre juridique pour les processus numériques dans le cadre du droit des sociétés.

3.2

Allemagne

En Allemagne, l'original de l'acte authentique doit être établi sur papier. Il est néanmoins permis de légaliser les copies et les signatures par voie électronique (§ 39 en relation avec le § 39a de la loi allemande sur l'instrumentation [Beurkundungsgesetz vom 28. August 1969; BeurkG; BGBl. I p. 1513]). Le document électronique doit alors être muni de la signature électronique qualifiée de l'officier public et accompagné d'une attestation de la qualité d'officier public.

Les dispositions relatives à la conservation des originaux des actes authentiques ont été révisées. Suite à l'entrée en vigueur du § 55 BeurkG le 1er janvier 2022, les officiers publics conserveront les originaux dans une archive dite «Urkundenarchiv». Ils devront numériser les originaux établis sur papier, les munir d'une mention selon laquelle les documents électroniques correspondent tant matériellement que formellement aux écrits disponibles sur papier, et y apposer une signature électronique qualifiée (§ 56 BeurkG). L'archive électronique sera gérée de manière centralisée.

L'objectif est de permettre l'utilisation des actes authentiques sous forme électronique partout et à tout moment.

3.3

Autriche

Selon le droit autrichien, les originaux des actes authentiques peuvent être établis soit sous forme électronique, soit sur papier (voir les § 47, 48 et 49 du règlement notarial autrichien dans sa version du 14 mai 2021 [Notariatsordnung; NO]). Le § 92 NO permet par ailleurs l'établissement sous forme électronique d'expéditions et de copies légalisées d'actes authentiques établis sur papier. Les actes authentiques et les procèsverbaux notariés électroniques sont conservés dans une archive électronique (§ 110 NO). L'apostille électronique a également cours en Autriche (voir le ch. 3.6).

3.4

France

En France, le notaire peut établir des actes sur support électronique (art. 16 ss du décret no 2005-973 du 10 août 2005 modifiant le décret no 71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires). Tant le notaire que les comparants doivent être présents lors de la procédure d'instrumentation proprement dite. Les parties apposent leur signature sur le document électronique au moyen d'une tablette. Le notaire

18

Directive (UE) 2019/1151 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne l'utilisation d'outils et de processus numériques en droit des sociétés, JO L 186 du 11.7.2019, p. 80 à 104.

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y appose quant à lui sa signature électronique sécurisée19. L'acte notarié dressé sur support électronique est enregistré pour sa conservation dans un minutier central dès son établissement par le notaire instrumentaire.

3.5

Italie

En Italie, les originaux des actes authentiques peuvent aussi être établis sous forme électronique (voir le décret législatif no 110/2010 [Disposizioni in materia di atto pubblico informatico redatto dal notaio, a norma dell'articolo 65 della legge 18 giugno 2009, no 69; Gazzetta Ufficiale (G.U.) no 166 du 19 juillet 2010], et la loi du 16 février 1913 no 89 Legge sull'ordinamento del notariato e degli archivi notarili [LN; G.U.

no 55, 7 mars 1913]). L'officier public établit l'acte authentique directement à l'ordinateur, les parties signent le document électronique, puis l'officier public y appose sa signature (art. 52bis LN), une signature électronique qualifiée (art. 23ter, al. 1, LN). Les parties peuvent quant à elles y apposer une signature électronique (non qualifiée; art. 52bis LN) ou une signature graphométrique au moyen d'une tablette (voir l'art. 68bis, al. 1, let. a, LN). On utilise pour la signature graphométrique un logiciel spécial qui enregistre le tracé de la signature, mais aussi des données biométriques relatives à la position du stylet, à la pression exercée, à l'angle du stylet, aux accélérations éventuelles, à la durée et à la vitesse d'apposition de la signature. Une fois le document électronique signé, le notaire l'enregistre dans une base de données intranet centralisée gérée par le Consiglio Nazionale del Notariato (art. 62bis, al. 1, LN).

3.6

Légalisation / apostille

Lorsqu'un acte authentique (ou acte public) est utilisé dans un autre pays que celui dans lequel il a été établi, son origine doit en principe être authentifiée par les services diplomatiques ou consulaires. Dans les États parties à la Convention du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers (Convention de La Haye)20, la légalisation intervient au moyen d'une apostille, qui exempte de la légalisation par les services diplomatiques ou consulaires.

L'apostille, délivrée à la requête du signataire ou de tout porteur de l'acte, atteste la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu (art. 5 de la Convention de La Haye).

Les «actes publics» au sens de la Convention de La Haye sont les actes notariés, mais par exemple aussi les documents qui émanent d'une autorité ou d'un fonctionnaire relevant d'une juridiction de l'État, les documents administratifs et les déclarations officielles (art. 1 de la Convention de La Haye).

19 20

Wudarski/Szerkus, p. 206; art. 17 du décret no 2005-973 du 10 août 2005 modifiant le décret no 71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires.

RS 0.172.030.4

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La Convention de La Haye de droit privé et la National Notary Association (NNA) ont lancé conjointement en 2006 le programme Apostille électronique, dans le cadre duquel elles ont développé des modèles d'e-apostilles et des e-registres permettant à toute personne intéressée de vérifier la validité d'une e-apostille ou d'une apostille sur papier.

Il s'agira de veiller, dans le cadre de l'élaboration des dispositions d'exécution techniques de la LNN, à prévoir la possibilité de délivrer une apostille électronique pour les actes authentiques électroniques au sens de la loi. L'e-apostille n'a pas encore cours en Suisse. Il faudrait un projet séparé pour l'instaurer.

4

Présentation du projet

4.1

Réglementation proposée

Selon le droit en vigueur, l'original de l'acte authentique, qui consigne par écrit le résultat de la procédure d'instrumentation (procédure principale), doit être établi sur papier. L'art. 55a tit. fin. CC permet à l'officier public d'établir une expédition électronique ou de procéder à une légalisation électronique, uniquement à partir de l'original de l'acte dressé sur papier, dans la phase postérieure à la phase d'instrumentation proprement dite.

Selon la réglementation actuelle, les cantons décident si leurs officiers publics peuvent établir des expéditions électroniques et légaliser des copies et des signatures sous forme électronique, l'officier concerné décidant alors s'il souhaite proposer ou non ce service.

La présente loi représente un pas décisif vers une instrumentation entièrement électronique. Les principes de la procédure d'établissement d'actes authentiques électroniques et de légalisation électronique seront fixés au niveau de la loi, les modalités d'exécution étant du ressort du Conseil fédéral et du département. Les dispositions de la loi pourront de la sorte s'appliquer à un éventail indéfini de technologies.

Un registre électronique central des actes authentiques sera mis sur pied pour garantir une conservation durable et sûre des originaux électroniques.

4.2

Adéquation des moyens requis

La LNN confie de nouvelles tâches à l'administration fédérale. La Confédération doit ainsi mettre en place et gérer un registre électronique central des actes authentiques.

Or, il y a toujours un risque de manipulation des documents, qu'ils soient sur papier ou sous forme électronique. Aussi un document de référence conservé de manière appropriée devra-t-il permettre de constater en toute fiabilité et à tout moment si un document électronique a subi des modifications. C'est pourquoi les originaux des actes authentiques électroniques seront conservés à long terme dans un registre électronique où ils seront toujours accessibles tout en étant à l'abri de tout accès illicite.

C'est dire que les exigences auxquelles le registre devra satisfaire seront élevées.

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Les dispositions de forme applicables aux actes authentiques permettent notamment de garantir notamment les fonctions suivantes: permettre l'établissement de justificatifs relatifs au titre21, assurer la conservation à long terme22 et servir de preuve23. Vu qu'il n'est possible, lors que les actes authentiques sont électroniques, d'atteindre ces objectifs qu'en mettant en place un registre électronique, les coûts engendrés par le registre sont acceptables eu égard à son utilité sociale.

La gestion du registre sera financée par des émoluments (voir l'art. 16 P-LNN).

Jusqu'à ce que les émoluments couvrent entièrement les frais d'exploitation du registre, la Confédération prendra en charge les dépenses qui dépassent la somme des émoluments encaissés. Une fois les frais couverts, les émoluments diminueront proportionnellement et les revenus générés par le registre ne dépasseront pas les coûts qu'il engendre.

4.3

Mise en oeuvre

La présente loi règle de manière générale les exigences et les principes liés à l'établissement des actes authentiques électroniques, lesquels seront concrétisés par une ordonnance du Conseil fédéral et une ordonnance du département. Celles-ci régleront dans le détail: ­

la procédure (technique) d'établissement des actes authentiques électroniques;

­

les possibilités (techniques) d'approbation du contenu des originaux électroniques des actes authentiques par les comparants;

­

la procédure d'intégration des annexes;

­

la procédure d'octroi et de retrait des droits d'accès au registre électronique;

­

les normes techniques relatives aux interfaces et à l'interopérabilité;

­

les normes et les protocoles techniques applicables à la transmission des données;

­

l'unification des processus numériques dans le domaine du notariat avec la participation des cantons, au moyen de la définition d'interfaces, de formats et de normes unifiées pour certains types de documents intervenant dans la communication électronique entre les officiers publics et les autorités qui gèrent des registres.

Vu la nécessité de concrétiser de nombreuses dispositions de la loi à l'échelon de l'ordonnance, la LNN ne pourra pas entrer en vigueur directement après son adoption.

Les dispositions cantonales relatives à l'instrumentation s'appliqueront à l'établissement des actes authentiques électroniques, sauf dispositions contraires du droit fédéral. Il ne peut dès lors être exclu qu'elles nécessiteront des adaptations. La mise en oeuvre de la LNN sera donc du ressort à la fois de la Confédération et des cantons.

21 22 23

Jeandin, p. 17; Marti, p. 24.

Brückner, Notariatspraxis, p. 63; Jeandin, p. 18.

Marti, pp. 22 s.

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Le Conseil fédéral réglera aussi par voie d'ordonnance la perception des émoluments, en vertu de l'art. 46a de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA)24.

5

Commentaire des dispositions

5.1

Structure

La section 1 du projet est consacrée au but et à l'objet de la loi. Elle fournit en outre des définitions. La section 2 traite de la procédure d'établissement des originaux électroniques des actes authentiques. La section 3 règle la conservation des originaux électroniques des actes authentiques, les droits d'accès au registre électronique des actes authentiques et les émoluments liés à son utilisation. La section 4 détaille les autres formes d'actes authentiques électroniques qui peuvent être établis. La section 5 concerne les actes authentiques sur papier qu'il est possible d'établir à partir d'un document électronique. La section 6 est consacrée à l'unification des processus numériques dans le domaine du notariat. La section 7 énonce les règles relatives aux outils techniques nécessaires à l'établissement des actes authentiques électroniques. La section 8 précise les dispositions d'exécution que le Conseil fédéral doit édicter et la section 9 contient les dispositions finales.

5.2

Préambule

L'art. 122, al. 1, de la Constitution (Cst.)25 attribue à la Confédération la compétence de légiférer en matière de droit civil et de procédure civile, domaines auxquels se rattache la procédure d'établissement des actes authentiques. Il n'est pas nécessaire de déterminer si elle se rattache au droit civil ou à la procédure civile.

5.3

Section 1 Dispositions générales

Art. 1

But

Let. a La notion d'«acte authentique» peut s'entendre au sens large comme au sens étroit.

Au sens large, un tel acte est un document à caractère juridique établi par une personne chargée d'une tâche publique (par ex. une décision, un document d'identité, un extrait de registre, etc.). Au sens étroit, il s'agit d'un document établi dans le cadre de la juridiction gracieuse (non contentieuse) par un officier public désigné comme compétent par le droit cantonal (souvent un notaire) dans le respect des prescriptions de forme du droit civil, dans le cadre d'une procédure d'instrumentation spécifique (par 24 25

RS 172.010 RS 101

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ex. un contrat de mariage, un pacte successoral, un contrat de vente d'immeuble, un contrat de servitude, etc.).

La présente loi ne porte que sur les actes authentiques au sens étroit. Les extraits du registre de l'état civil, du casier judiciaire, du registre foncier ou du registre du commerce ne sont pas considérés comme des actes authentiques au sens de la loi. Seuls les art. 20 et 21 P-LNN consacrés aux instruments techniques sont applicables à l'établissement d'actes authentiques électroniques par les autorités de l'état civil et d'extraits officiels, de confirmations et de certificats sous forme électronique à partir du registre de l'état civil, du registre foncier et du registre du commerce (voir le commentaire de l'art. 2 P-LNN).

Le passage au numérique dans un domaine tel que le notariat ne peut rencontrer l'approbation des utilisateurs que si la fiabilité des actes authentiques électroniques est au moins égale à celle des actes authentiques établis depuis des siècles sur papier (ch. 1).

Les actes authentiques électroniques doivent être prévus techniquement pour pouvoir être employés dans tous les environnements informatiques usuels (ch. 2) et pour pouvoir être conservés de manière durable et sûre (ch. 3).

Let. b La LNN vise à unifier les processus numériques dans le domaine du notariat. Le but est de simplifier des processus complexes en appliquant les mêmes normes aux différents domaines qui communiquent entre eux.

Art. 2

Objet et droit applicable

Al. 1 Cet alinéa règle l'objet de la loi, en précisant qu'elle ne porte que sur les actes authentiques de droit privé au sens étroit. Il apparaît donc, puisqu'il s'agit de l'établissement d'actes authentiques et de la légalisation dans un cadre notarial, que les dispositions de la loi s'appliqueront principalement aux actes authentiques établis dans le cadre de la procédure d'instrumentation, c'est-à-dire aux documents écrits consignant des déclarations de volonté ou la constatation de faits confectionnés par un officier public compétent à raison du lieu et de la matière sous une forme et dans le cadre d'une procédure prescrites.

Le droit civil fédéral a institué divers registres publics visant à assurer la publicité des droits, des rapports juridiques et des états de fait, notamment le registre de l'état civil, le registre du commerce et le registre foncier. Les extraits légalisés de ces registres constituent des actes authentiques, mais ne relèvent que des art. 20 et 21 P-LNN (voir le commentaire de l'art. 1 P-LNN).

La LNN permettra l'établissement d'originaux électroniques d'actes authentiques (let. a) et d'expéditions électroniques des originaux électroniques (let. b). Le droit en vigueur (OAAE) permet déjà l'établissement des expéditions électroniques et des légalisations électroniques mentionnées aux let. c et d.

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Al. 2 Les modalités d'établissement des actes authentiques (originaux et expéditions) et de la légalisation sur papier relèvent du droit cantonal. La LNN régit quant à elle l'établissement par voie électronique des actes authentiques (originaux et expéditions) et la légalisation électronique. Les documents électroniques ainsi obtenus devront satisfaire à des exigences techniques spécifiques qu'il est impossible de contrôler directement de visu. La loi définit les propriétés du document électronique que l'officier public devra vérifier avant d'établir une expédition sur papier de l'original électronique d'un acte authentique ou de faire une copie légalisée sur papier dudit document (voir le commentaire de l'art. 18 P-LNN).

Al. 3 L'al. 3 précise que les art. 20 et 21 P-LNN s'appliqueront à l'établissement des actes authentiques électroniques par les autorités de l'état civil et à l'établissement des extraits, confirmations et certificats électroniques officiels tirés du registre de l'état civil, du registre foncier et du registre du commerce. Les autres dispositions de la loi s'appliqueront uniquement à l'instrumentation notariale (voir le commentaire des art. 1 et 2, al. 1, P-LNN).

Al. 4 L'établissement des actes authentiques électroniques est régi par les dispositions de droit cantonal concernant les procédures d'instrumentation. Le droit fédéral y déroge uniquement dans la mesure où il prévoit des prescriptions sur la procédure concrète d'établissement des actes authentiques électroniques. La juxtaposition de règles de droit fédéral et cantonal correspond à la pratique actuelle résultant de l'application de l'OAAE.

La LNN règle certaines questions de manière exhaustive (par ex. quand la procédure d'établissement d'un acte authentique électronique peut être considérée comme close [voir l'art. 8 P-LNN]). On ne pourra voir qu'en contexte si cette réglementation laisse de la marge pour des dispositions de droit cantonal.

Art. 3

Définitions

Let. a

Officier public

Les personnes chargées de l'instrumentation répondent à diverses dénominations dans les cantons. Outre celle de «notaire», on y utilise souvent celle d'«officier public». Il a fallu choisir une dénomination pour la LNN. Celle d'«officier public» est d'une part suffisamment large pour inclure toutes les personnes disposant de compétences en matière d'instrumentation et de légalisation et d'autre part suffisamment étroite pour ne pas s'appliquer à un cercle de personnes indéfini.

Let. b

Original électronique d'un acte authentique

L'original de l'acte authentique est le document qui a servi à la procédure d'instrumentation (procédure principale) et qui, à son issue, porte les signatures des compa-

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rants26. Les originaux établis dans le cadre de cette procédure ont différentes désignations dans les législations cantonales sur l'instrumentation (par ex. «exemplaire» ou «original»)27.

En utilisant un terme plus général («original»), la LNN se détache des législations cantonales. La définition de l'original électronique s'appuie sur la définition de l'original classique.

Let. c

Exemplaire électronique

Une fois que l'original électronique de l'acte authentique au sens de la let. b est devenu le document de référence après sa saisie dans le registre électronique des actes authentiques (voir l'art. 12 P-LNN), il se pose la question de la dénomination des documents électroniques parfaitement identiques à ce document qui se trouvent en dehors du registre. Conformément à la let. c, ce sera «exemplaire électronique».

Let. d

Expédition électronique

Les expéditions, établies lors de la procédure ultérieure pour refléter le contenu de l'original de l'acte authentique et servir dans les rapports juridiques, comptent au nombre des actes authentiques. Elles servent essentiellement aux autorités gérant des registres (notamment les offices du registre foncier et du registre du commerce) et aux parties. S'agissant des personnes pouvant exiger une expédition, les dispositions sont différentes d'un canton à l'autre. Les officiers publics peuvent établir des expéditions partielles si le but de l'utilisation l'exige.

L'expédition électronique de l'original sur papier d'un acte authentique est actuellement réglée à l'art. 10 en rel. avec l'art. 11 OAAE.

Let. e

Légalisation électronique d'une copie

La légalisation d'une copie est l'attestation de sa conformité (sur le plan textuel) au document à partir duquel elle a été produite. Le document de base peut être électronique ou sur papier (art. 2, al. 1, let. d, ch. 1 et 4, P-LNN). L'officier public ne s'exprime nullement sur le contenu du document lors qu'il procède à la légalisation; il confirme uniquement que la copie est identique au document présenté28.

Let. f

Légalisation électronique d'une signature ou d'un paraphe

La légalisation d'une signature revient à constater que c'est bien la signature ou le paraphe d'une personne donnée, dont l'identité a été vérifiée par l'officier public, qui a été apposée sur le document.

Art. 4

Application du droit étranger

Al. 1 Il arrive qu'un officier public établisse des actes authentiques (par ex. des certificats d'héritier) pour une utilisation dans un autre pays. Or ce pays n'a pas forcément les mêmes exigences, par exemple en termes de format des données, de signature, de 26 27 28

Marti, p. 135.

Brückner, no 228 ss.

Brückner, no 3388; Mooser, no 731.

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contenu, etc. La LNN permettra en de tels cas aux officiers publics de déroger aux exigences applicables en Suisse et de se conformer à celles en vigueur dans le pays pour lequel l'acte est établi.

Al. 2 Il s'agira toutefois de ne pas descendre en-dessous d'un certain niveau de qualité, pour éviter toute atteinte à la réputation et à la fiabilité des actes authentiques suisses. Il faudra ainsi être particulièrement attentif à la signature électronique utilisée par l'officier public, à la confirmation d'admission au registre suisse des officiers publics (RegOP) et à la procédure d'établissement des actes authentiques électroniques. Il est notamment indispensable que l'officier public signe lui-même l'acte authentique.

Art. 5

Autorisation et obligation d'établir des actes authentiques électroniques

L'art. 55a tit. fin. CC prévoit pour l'essentiel que les cantons peuvent autoriser les officiers publics à établir des expéditions électroniques et à procéder à des légalisations électroniques. La LNN remplacera cet article, qui pourra dès lors être abrogé (voir l'art. 22 P-LNN).

Al. 1 L'al. 1 précise que les officiers publics pourront établir des actes authentiques électroniques et procéder à des légalisations électroniques en application du droit fédéral; les cantons n'auront plus à les y autoriser. La LNN attribue directement aux officiers publics la compétence d'établir les actes authentiques électroniques mentionnés à l'art. 2, al. 1, notamment des originaux électroniques d'actes authentiques (art. 2, al.

1, let. a), et de procéder à des légalisations électroniques.

La LNN autorise les officiers publics à établir des originaux des actes authentiques sous forme électronique, à la condition que les parties en aient convenu entre elles.

On recourra notamment à cette possibilité lorsque l'acte authentique doit être fourni à une autorité gérant un registre à l'issue de la procédure d'instrumentation.

Les officiers publics pourront continuer d'établir des actes authentiques sur papier sans que cela constitue une violation de leurs obligations. Le droit cantonal est toutefois réservé (voir le commentaire de l'al. 2).

Al. 2 En vertu de l'al. 2, les cantons pourront, si leur stratégie numérique l'exige, imposer aux officiers publics d'établir les actes authentiques et de procéder à des légalisations sous forme électronique. Les officiers publics n'auront alors plus d'autre choix que de fournir ces prestations.

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5.4

Section 2 Établissement d'originaux électroniques des actes authentiques

La LNN ne régit que les principes de l'établissement des originaux électroniques des actes authentiques. Les dispositions cantonales relatives à l'instrumentation ne s'appliqueront qu'en l'absence de règles de droit fédéral dans la LNN et dans les dispositions d'exécution (voir l'art. 2, al. 4, P-LNN).

Art. 6

Prise de connaissance du contenu de l'acte

Les personnes qui prennent part à la procédure d'établissement des actes authentiques électroniques (procédure principale) devront avoir la possibilité de prendre connaissance du contenu de l'acte. Il faudra qu'elles disposent des moyens techniques nécessaires, c'est-à-dire d'un périphérique permettant la prise de connaissance du contenu du document électronique. L'officier public devra veiller à ce que la prise de connaissance du contenu soit assurée pendant toute la procédure d'instrumentation, quel que soit le type de périphérique utilisé. Il devra en particulier s'assurer que les comparants aient pu prendre connaissance du contenu intégral de l'acte avant de le confirmer et veiller à ce qu'il n'y ait pas de divergence entre le contenu effectif de l'acte et ce qui avait été convenu.

Art. 7

Confirmation du contenu de l'acte par les comparants

Al. 1 Une fois qu'ils auront pris connaissance du contenu de l'acte, les comparants devront déclarer qu'il reflète bien leur volonté et donner leur confirmation. La LNN exige que l'acte lui-même comporte ladite confirmation.

Al. 2 Lorsque l'original de l'acte authentique est établi sur papier, il n'y a en principe pas de difficulté à le faire signer par les comparants à titre de confirmation du contenu de l'acte. C'est plus compliqué lorsque l'original est établi sous forme électronique. Conformément à l'art. 14 CO, il faudrait dans ce cas utiliser une signature électronique qualifiée. Or celle-ci ne s'est pas imposée auprès d'un large public; peu de particuliers notamment en possèdent une. Il faut donc trouver une autre solution qu'il sera aisé de mettre en oeuvre en pratique. La procédure visant à établir des originaux d'actes authentiques sous forme électronique devra être simple et ne pas être source d'obstacles supplémentaires pour les comparants.

Certains pays voisins ont choisi la tablette graphique pour saisir la signature manuscrite (voir les ch. 3.4 et 3.5). Ce procédé est très proche de la signature manuscrite sur papier et les comparants n'ont nul besoin de s'équiper spécialement.

L'al. 2 déclare ce procédé licite tout en fixant des exigences minimales applicables au périphérique utilisé. Celui-ci doit être en mesure d'enregistrer toutes les caractéristiques d'une signature, telles que la vitesse d'écriture, l'angle du stylet, la pression exercée, et éventuellement d'autres données biométriques, sous forme de données secondaires dans le document électronique signé. Les originaux des actes authentiques 22 / 42

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électroniques comporteront donc dès la conclusion de la procédure d'instrumentation et leur inscription dans le registre électronique les données secondaires relatives aux signatures apposées. Il sera donc possible de contrôler les signatures à tout moment ultérieurement.

Al. 3 Si l'un des comparants n'est pas en mesure de signer, il devra pouvoir confirmer le contenu de l'acte sous une autre forme. L'officier public devra indiquer le motif de cette exception sur l'acte authentique.

Al. 4 Les techniques informatiques et de traitement des données évoluent rapidement. C'est l'état de la technique qui déterminera quels paramètres devront s'appliquer à la signature saisie par des moyens graphiques. Le Conseil fédéral réglera à l'échelon de l'ordonnance les technologies pouvant entrer en ligne de compte et les exigences auxquelles elles devront satisfaire. Il sera ainsi possible de s'adapter rapidement à l'état de la technique.

Art. 8

Clôture de la procédure d'établissement d'un acte authentique électronique

L'art. 8 détermine le moment où la procédure d'établissement d'un acte authentique électronique (procédure principale) s'achève. Tel n'est le cas qu'une fois que l'original électronique de l'acte authentique comporte la signature de l'officier public (let.

a) et la preuve électronique qu'il dispose de la compétence d'établir l'acte authentique électronique au moment de cet établissement (let. b). Dans l'OAAE, cette preuve est appelée confirmation d'admission (voir l'art. 2, let. b, OAAE).

Let. a Conformément à la loi du 18 mars 2016 sur la signature électronique (SCSE)29, la signature électronique qualifiée avec horodatage qualifié est assimilée à la signature manuscrite (art. 14, al. 2bis, CO). Aujourd'hui déjà, les officiers publics signent les actes authentiques électroniques en y a apposant une signature électronique qualifiée (voir l'art. 10, al. 1, let. d, OAAE). La LNN prescrit également le recours à une signature électronique qualifiée avec horodatage électronique qualifié pour la signature des originaux électroniques des actes authentiques.

La let. a précise par ailleurs que l'officier devra signer les éventuelles annexes (par ex. procurations, consentement de tiers, etc.) en même temps que l'acte authentique.

Il faudra régler en détail dans les dispositions d'exécution la manière d'intégrer les annexes sur papier dans la procédure d'établissement des actes authentiques électroniques.

29

RS 943.03

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Let. b La let. b indique que la clôture de la procédure d'établissement d'un acte authentique électronique implique que l'officier public atteste sous forme électronique qu'il dispose de la compétence d'établir l'acte authentique électronique au moment de cet établissement. Les dispositions d'exécution concrétiseront la nature de cette preuve électronique et les modalités de son apposition sur le document électronique (voir l'art. 21, al. 1, let. e, P-LNN).

Art. 9

Procédure ultérieure

Al. 1 Une fois la procédure d'établissement d'un acte authentique électronique close, l'officier public devra saisir l'original électronique de l'acte authentique dans le registre électronique. Ce n'est qu'après s'être acquitté de cette obligation qu'il pourra établir et délivrer les actes authentiques visés à l'al. 2.

Al. 2 Une fois l'original électronique établi et saisi dans le registre, l'officier public pourra, à partir de cet original, établir des exemplaires électroniques (let. a), des expéditions électroniques intégrales ou partielles (let. b), des expéditions intégrales ou partielles sur papier (let. c) ou des copies légalisées sur papier (let. d).

Dans un canton qui n'est pas encore passé à la gestion électronique des affaires, ou pas intégralement, il peut être impossible de procéder à des inscriptions sous forme électronique. La LNN permet de ce fait de choisir le support sur lequel figurera l'acte.

Le destinataire pourra ainsi obtenir une expédition ou une copie légalisée sur papier de l'original électronique de l'acte authentique.

Al. 3 Dans les cas prévus à l'al. 2, let. c et d, les documents sont délivrés sur papier. Il s'agit aussi de régler les modalités de la délivrance de l'acte authentique sous forme d'exemplaire électronique ou d'expédition électronique. L'officier public devra s'entendre avec le destinataire pour savoir s'il préfère se voir délivrer l'acte sur un support d'enregistrement ou se le faire expédier par voie électronique et, dans ce cas-là, selon quelles modalités.

Cette disposition ne porte pas sur la notification d'actes aux tribunaux ou autres autorités, qui est réglée par domaine. Par exemple, dans le domaine du registre foncier, elle est régie par les art. 39 ss de l'ordonnance du 23 septembre 2011 sur le registre foncier (ORF)30.

30

RS 211.432.1

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5.5

Section 3 Conservation des originaux électroniques des actes authentiques et droits d'accès

Art. 10

Registre électronique des actes authentiques

Les originaux électroniques des actes authentiques seront munis d'une signature électronique qualifiée (voir l'art. 8, let. a, P-LNN). Conformément à l'art. 14, al. 2bis, CO, celle-ci est assimilée à la signature manuscrite. La signature permet d'identifier l'auteur et de vérifier l'intégrité du document, c'est-à-dire de contrôler s'il a subi des modifications ultérieures.

Mais la signature électronique ne permet pas d'empêcher tout changement à long terme. La sécurité des clés de signature diminue avec le temps, ne serait-ce que parce que les ordinateurs sont de plus en plus performants31. Il en résulte une baisse de la fiabilité des documents qui ne sont pas conservés de manière sûre et dont la sécurité n'est pas assurée systématiquement à long terme au moyen de dispositifs techniques.

Qui dit original électronique, dit également nécessité de pouvoir contrôler l'intégrité de l'acte authentique à long terme. C'est pourquoi il est prévu un document électronique de référence, à la manière du double ou de la copie que l'on conserve sur papier, qui offre une protection contre les modifications et les falsifications32. La conservation électronique doit être spécifiquement conçue pour assurer la sécurité et la fiabilité d'un document électronique à long terme. L'art. 10 dispose que les originaux électroniques des actes authentiques sont saisis et conservés dans un registre électronique central des actes authentiques.

Les officiers publics, les parties et les tiers, dans une optique de sécurité du droit, doivent pouvoir avoir une confiance illimitée dans le fait que les documents saisis dans le registre ne subiront pas de modifications et conserveront leur force probante pendant toute leur durée de conservation, qu'ils seront consultables à long terme et qu'ils seront à l'abri de tout accès illicite.

Le registre des actes authentiques sera un registre électronique central. Les mesures organisationnelles et techniques nécessaires pour assurer notamment la sécurité des données pourront être mises en oeuvre beaucoup plus rapidement et efficacement si la gestion est centralisée que s'il existe différents systèmes (décentralisés) gérés indépendamment les uns des autres.

La notion de «registre central des actes authentiques» revêt un caractère organisationnel. Il faut distinguer la question de l'organisation
et des compétences de celle de la mise en oeuvre technique et de l'architecture concrète du registre. L'art. 10 n'exclut pas, en particulier, des infrastructures informatiques décentralisées en plus des infrastructures centrales ou des formes mixtes, lesquelles pourraient d'ailleurs s'avérer nécessaires pour assurer la sauvegarde multiple des informations à des fins de sécurité (par ex. backups et redondances).

Le registre sera mis en place et géré par la Confédération, et plus précisément par l'OFJ. La mise en place englobe la planification organisationnelle et technique et la 31 32

Pohlmann, p. 52.

Brückner, no 1458 ss.

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mise en oeuvre concrète, notamment pour assurer la sécurité du registre. La gestion du registre consiste à veiller à son bon fonctionnement de manière à assurer la saisie et la conservation des originaux des actes authentiques, la comparaison des données et l'accès des personnes et autorités habilitées aux actes authentiques conformément à l'art. 15 P-LNN.

Même si la conservation dans le registre est prévue pour être durable, elle ne pourra pas être de durée indéterminée; elle devra être limitée dans le temps pour des raisons pratiques et techniques. Le Conseil fédéral fixera une durée maximale de conservation dans une optique de sécurité du droit et de garantie de respect des exigences au sens de l'art. 14 P-LNN. Comme c'est le cas pour une partie des actes authentiques sur papier33, les originaux électroniques des actes authentiques seront transmis à l'issue du délai de conservation maximal fixé par le Conseil fédéral aux autorités désignées par le droit cantonal à des fins d'archivage.

Art. 11

Obligation de saisie

Al. 1 Après avoir clos la procédure d'établissement d'un acte authentique électronique conformément à l'art. 8 P-LNN, l'officier public saisira l'original électronique de l'acte authentique dans le registre électronique central, la saisie étant l'action d'enregistrer et de sauvegarder un acte authentique électronique dans le registre, de façon à attribuer de manière univoque cet acte à une personne donnée.

La saisie devra intervenir immédiatement après la clôture de la procédure d'établissement d'un acte authentique électronique (art. 8 P-LNN). Le temps qui s'écoule entre la clôture et la saisie de l'original électronique devra être aussi réduit que possible.

Seuls les retards dus à des motifs objectifs, notamment des dérangements techniques qui se produiraient juste après la clôture de la procédure d'établissement d'un acte authentique électronique (voir l'art. 13 P-LNN), seront admis.

Al. 2 Le registre électronique disposera de mécanismes de vérification permettant de constater si le document électronique saisi répond, techniquement parlant, aux exigences légales, c'est-à-dire s'il revêt les caractéristiques techniques de l'original électronique d'un acte authentique. Seul l'officier public pourra se prononcer de manière fiable sur le contenu lui-même. C'est pourquoi il devra, après la saisie, contrôler visuellement que le contenu du document électronique saisi est bien conforme à celui de l'original électronique de l'acte authentique établi. L'officier public attestera du résultat de la vérification dans le registre.

Art. 12

Effets de la saisie

La saisie de l'original électronique de l'acte authentique dans le registre fait de lui le document de référence permettant une comparaison avec les exemplaires électroniques en circulation. Il s'agira de vérifier si les propriétés techniques des exemplaires 33

Brückner, no 1471 s.

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électroniques en circulation sont identiques à celles de l'original figurant dans le registre ou s'ils ont subi des modifications. Si les propriétés techniques d'un supposé exemplaire électronique et celles de l'original électronique ne correspondent pas ou plus, c'est soit que le document en cours de vérification n'a jamais été un exemplaire électronique, soit qu'il en était un, mais qu'il a été modifié ultérieurement et qu'il est par conséquent corrompu. Même les plus petites modifications sur un document muni d'une signature qualifiée produisent un «effet boule de neige». On peut ainsi repérer des changements minimes, même réalisés avec la plus grande, habileté, que l'on ne pourrait pas constater à l'oeil nu. Ces mécanismes permettront de vérifier en tout temps l'intégrité du document signé et d'assurer une traçabilité34.

Le document de référence fera défaut si l'officier public, contrairement à son obligation légale, ne saisit pas l'original électronique de l'acte authentique dans le registre.

Cela remettra en question la sécurité et la fiabilité de l'original électronique de l'acte authentique et posera le problème de sa force probante. Sans document de référence saisi dans le registre, il sera en effet impossible de vérifier si l'original électronique de l'acte authentique est, ou est toujours, sûr et fiable.

Par analogie aux règles cantonales concernant l'original d'un acte destiné à circuler35, l'art. 9, al. 2, let. a, P-LNN prévoit que les copies exactes des originaux électroniques des actes authentique seront considérés comme des exemplaires électroniques, lesquels seront utilisables dans les rapports juridiques, par exemple pour être délivrés aux comparants ou pour procéder à des inscriptions aux registres.

Art. 13

Procédure en cas de problème technique

Al. 1 On ne peut jamais totalement exclure la possibilité d'une panne informatique. À certaines conditions, qui sont cumulatives, l'officier public pourra, en se fondant sur l'art. 13, al. 1, P-LNN, déroger à l'art. 9, al. 1 et 2, let. a, P-LNN et mettre des copies de l'original électronique de l'acte authentique en circulation avant la saisie dudit original dans le registre central. Ces conditions sont les suivantes: (1) un problème technique empêche l'officier public de saisir l'original de l'acte authentique électronique dans le registre; (2) la saisie ne peut raisonnablement être différée jusqu'à ce que le problème soit résolu, notamment parce que l'affaire est pressante, ce qui peut être le cas si elle nécessite une inscription dans un registre. Afin de préserver les preuves et de permettre malgré tout la vérification du document, l'officier public devra, à titre de mesure conservatoire exceptionnelle, établir une expédition de l'original électronique ou en faire une copie certifiée conforme sur papier (voir l'al. 2) et la conserver en lieu sûr conformément aux prescriptions du droit cantonal applicable (art. 2, al. 4, P-LNN).

Al. 2 Conformément à l'al. 2, l'officier public devra procéder à la saisie de l'original électronique dès que le problème technique a été résolu. L'établissement d'une expédition ou d'une copie certifiée conforme sur papier ne pourra en effet être qu'un pis-aller.

34 35

Pohlmann, pp. 65 et 86.

Brückner, no 228 ss.

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Une fois qu'il aura procédé à la saisie de l'original électronique qu'il a jusque-là conservé en lieu sûr, il devra contrôler visuellement que le contenu de l'original électronique correspond à celui de l'expédition ou de la copie légalisée sur papier au sens de l'al. 1.

Art. 14

Exigences applicables au registre électronique des actes authentiques

Al. 1 Let. a Les originaux électroniques des actes authentiques devront être saisis et conservés dans le registre de manière à ce qu'ils permettent d'identifier sans équivoque l'officier public qui les a établis.

Let. b Les originaux électroniques des actes authentiques devront être saisis et conservés dans le registre de manière à ce qu'ils permettent une comparaison avec les exemplaires électroniques en circulation. Celle-ci consistera, d'une part, en une vérification des propriétés techniques d'un document au moyen de procédés cryptographiques36 (validation) et, d'autre part, en un contrôle du contenu du texte.

Un résultat positif sera émis lors de la vérification technique si l'exemplaire électronique correspond exactement à l'original électronique de l'acte authentique; l'officier public pourra confirmer que les deux documents sont identiques. Si par contre on compare un exemplaire électronique modifié ou un document électronique autre avec l'original électronique de l'acte authentique, la simple validation donnera un résultat négatif, du moins en l'état actuel de la technique. Par exemple, la vérification par comparaison avec l'original électronique de l'acte authentique d'une expédition électronique pourtant établie à partir de ce même original électronique pourra donner un résultat négatif, même dans le cas où l'officier public confirmerait, par contrôle du texte, que l'acte en question est bien une expédition électronique de l'original électronique de l'acte authentique se trouvant dans le registre.

Lors de la validation, les documents électroniques doivent concorder parfaitement. Une divergence même minime donne lieu à un résultat négatif. Dans l'exemple ci-dessus, le contenu, c'est-à-dire le texte, est bien le même que celui de l'original électronique, mais les deux documents ne correspondent pas exactement sur le plan technique: l'expédition comporte en effet une formule constatant que le document est fidèlement conforme à l'original (voir l'art. 11, al. 2, let. b, OAAE). Toute modification se traduira par des valeurs cryptographiques («valeurs de hachage») différentes.

Si, techniquement, la comparaison des expéditions électroniques avec les originaux électroniques n'est pas possible, il n'en reste pas moins que de telles expéditions électroniques peuvent être utiles en pratique
(par ex. pour une utilisation à l'étranger).

Tout détenteur d'un exemplaire électronique (par ex. les parties à un contrat de vente d'immeuble) pourra faire procéder à une comparaison des données (par ex. par l'officier public), sans toutefois obtenir d'accès direct au registre électronique.

36

Pohlmann, pp. 86 ss.

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Let. c Il n'est pas exclu qu'il s'avère nécessaire de révoquer les originaux électroniques d'actes authentiques. Le disposant peut par exemple révoquer ses dispositions de dernières volontés (art. 509 ss CC). Le registre électronique doit pouvoir refléter une telle situation, comme dans l'univers du papier. Lors de l'adoption de dispositions pour cause de mort, l'original électronique de l'acte authentique sera saisi dans le registre électronique, comme pour tout autre original électronique d'un acte authentique. Il existera par ailleurs des exemplaires électroniques de ces dispositions. Il faudra pouvoir garantir, en cas de révocation, d'abord que l'original électronique de l'acte authentique ne déploiera plus d'effets juridiques, ensuite qu'une comparaison des données conformément à la let. b (validation) confirme cet état de fait.

Let. d Le registre électronique devra préserver la confidentialité des documents électroniques qu'il contient. Aucune personne non autorisée ne devra être en mesure de consulter les informations qui y sont enregistrées37.

Let. e Les originaux électroniques des actes authentiques saisis et conservés dans le registre électronique devront être protégés afin de ne pouvoir subir aucune modification (préservation de l'intégrité).

Let. f Le registre électronique et les originaux électroniques qu'il contient devront pouvoir être accessibles en tout temps par les personnes autorisées (voir l'art. 15 P-LNN).

Puisque le contenu des documents électroniques ne pourra être visualisé qu'avec des outils techniques, le codage des informations figurant dans l'original électronique de l'acte authentique devra être enregistré dans des formats permettant aux utilisateurs d'avoir accès à ce contenu. Les travaux d'élaboration des dispositions d'exécution permettront de déterminer quels formats garantiront la lisibilité à long terme (art. 21, al. 1, let. d et f, P-LNN).

Let. g Les personnes autorisées (par ex. les officiers publics) pourront télécharger des exemplaires électroniques des originaux électroniques enregistrés dans le registre (voir également l'art. 9, al. 2, let. a, P-LNN).

Let. h L'officier public pourra au besoin établir des expéditions électroniques ou légaliser des copies de l'original électronique de l'acte authentique figurant dans le registre.

Al. 2 Comme il a été
indiqué dans le commentaire de l'art. 10, al. 1, P-LNN, la sécurité des documents électroniques munis d'une signature qualifiée ne pourra pas être garantie à long terme sans mesures particulières. Des mesures de sécurité ciblées à caractère 37

Brückner, no 1469 s.

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technique s'imposent. Puisque les technologies évoluent sans cesse, dans les domaines de la cryptographie et de la sauvegarde de données comme ailleurs, l'al. 2 prévoit que l'exploitant du registre appliquera aux originaux électroniques des mesures leur permettant de préserver leur fonction probante. Il est envisageable par exemple de faire signer à nouveau les documents par voie électronique.

Art. 15

Droits d'accès

Al. 1 Le développement technique du registre devra être conçu de telle manière que seules les personnes et les autorités disposant d'un droit d'accès au sens de la LNN pourront avoir accès aux documents et répertoires qui y sont conservés.

Il convient de distinguer l'accès au sens de l'art. 15 P-LNN de la validation. La personne qui dispose d'un droit d'accès pourra prendre connaissance du contenu de l'original électronique de l'acte authentique. Ce ne sera pas le cas lors de la validation, simple processus de vérification de la concordance entre l'exemplaire électronique et l'original électronique en fonction de propriétés techniques. La validation permet uniquement de répondre à la question de savoir s'il y a correspondance exacte entre l'exemplaire électronique et l'original électronique.

Let. a Les officiers publics auront accès en tout temps aux originaux électroniques des actes authentiques qu'ils ont établis et qui sont conservés dans le registre. La LNN permet par ailleurs le transfert de recueils d'actes authentiques d'un officier public à un autre (par ex. en cas de cessation d'activité), comme le précise la let. a. L'officier public pouvant par ailleurs déléguer ses compétences à ses auxiliaires, ceux-ci sont eux aussi mentionnés expressément.

Let. b Comme dans le monde réel, les autorités de surveillance pourront avoir accès dans certaines circonstances aux recueils d'actes authentiques des officiers publics. Les droits concrets dont disposeront les autorités cantonales de surveillance découleront du droit cantonal applicable (voir l'art. 2, al. 4, P-LNN).

Let. c Les tribunaux et d'autres autorités, notamment les autorités d'instruction pénale, pourront avoir accès à certains originaux électroniques d'actes authentiques, en vertu d'une décision entrée en force. Cette dernière condition garantit qu'ils ne disposeront pas d'un accès général au registre électronique.

Let. d Afin d'assurer le fonctionnement du registre électronique, son exploitant devra pouvoir en assurer la maintenance, remédier aux problèmes techniques et faire les développements nécessaires sur le système. Il n'est pas exclu, en fonction des circonstances, qu'il doive pouvoir accéder aux documents électroniques pour accomplir ces tâches.

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Al. 2 L'al. 2 prévoit que tous les accès au registre électronique seront automatiquement journalisés par le système. Cela permettra d'obtenir un aperçu complet de l'utilisation du registre et de repérer les failles qui seraient susceptibles d'affecter la sécurité ou la protection des données.

Al. 3 Let. a Le Conseil fédéral réglera dans les dispositions d'exécution les modalités relatives aux droits d'accès. Outre les technologies à employer, il réglera notamment l'accès à aux autres données figurant dans le registre électronique, comme les listes des révocations au sens de l'art. 14, al. 1, let. c, P-LNN, et déterminera la forme des procèsverbaux de journalisation au sens de l'art. 15, al. 2, P-LNN.

Let. b Les dispositions d'exécution décriront également la procédure concrète de retrait d'un accès pour cause d'abus.

Art. 16

Émoluments pour l'utilisation du registre électronique des actes authentiques

Les officiers publics ou l'autorité compétente selon le droit applicable acquitteront un émolument pour la saisie et la conservation d'un original électronique dans le registre électronique des actes authentiques.

Conformément à l'art. 21, al. 3, P-LNN, le Conseil fédéral réglera dans une ordonnance le montant des émoluments, les questions de responsabilité dans le cas où plusieurs personnes sont assujetties au prélèvement d'émoluments et les dérogations éventuelles à la perception des émoluments.

5.6

Section 4 Téléchargement d'exemplaires électroniques et établissement d'expéditions et de légalisations électroniques

Art. 17 Al. 1 L'al. 1 établit le lien entre l'accès de l'officier public ou de ses auxiliaires (art. 15, al. 1, let. a, P-LNN) aux originaux électroniques des actes authentiques et la fonctionnalité du registre consistant à permettre le téléchargement d'exemplaires électroniques d'actes authentiques (voir l'art. 14, al. 1, let. g, P-LNN).

Al. 2 L'al. 2 détermine les formes d'actes authentiques électroniques que l'officier public pourra établir. On se reportera au commentaire de l'art. 2, al. 1, P-LNN.

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Al. 3 La procédure d'établissement d'expéditions électroniques et de légalisation électronique est aujourd'hui réglée aux art. 10 ss OAAE. L'al. 3 indique clairement que tous les actes authentiques électroniques (dont les expéditions et les légalisations électroniques) devront, outre la signature électronique qualifiée de l'officier public (voir le commentaire de l'art. 8 P-LNN), comporter l'attestation que l'officier public dispose de la compétence d'établir un acte authentique électronique au moment de l'établissement.

5.7

Section 5 Établissement d'expéditions et de légalisations sur papier de documents électroniques

Art. 18 Al. 1 L'al. 1 dispose que les officiers publics pourront établir sur papier des expéditions et des copies légalisées des originaux électroniques des actes authentiques.

Al. 2 Le droit en vigueur autorise déjà les officiers publics à légaliser sur papier les exemplaires imprimés d'un document électronique (voir les art. 1, al. 1, let. c, et 17 OAAE).

Cette possibilité sera désormais inscrite dans la loi.

Al. 3 La LNN a pour objet les actes authentiques électroniques. Mais les cantons restent compétents pour régler l'établissement d'actes authentiques sur papier (voir commentaire ad art. 2, al. 1 et 4, P-LNN). Si la Confédération définit ce qu'est un acte authentique électronique, et en particulier ses éléments techniques, elle devra aussi déterminer à quoi les officiers publics devront prendre garde lorsqu'ils établiront des actes authentiques sur papier à partir des actes authentiques électroniques (voir commentaire ad art. 2, al. 2, P-LNN).

5.8

Section 6 Unification des processus numériques

Art. 19 Al. 1 Faute d'autres options, les offices gérant des registres recopient en général les inscriptions, une activité chronophage, pénible, et qui est source d'erreurs. Pour plus d'efficacité, il sera examiné dans quelle mesure il serait possible de recourir à des formats structurés et informatisés pour les informations nécessaires aux inscriptions, que les offices gérant des registres pourraient reprendre dans leurs systèmes par un simple

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clic. Ils auraient alors plus de temps pour procéder à l'examen juridique des inscriptions, leur coeur de métier.

Travailler avec des données structurées nécessite une standardisation. Si les réquisitions d'inscriptions présentent des structures de données hétérogènes, les offices gérant des registres ne seront pas en mesure de les reprendre telles quelles dans leurs systèmes informatiques.

Selon l'al. 1, le Conseil fédéral définira des interfaces, des formats et des normes unifiées pour les documents mentionnés aux let. a et b (liste non exhaustive) intervenant dans la communication électronique.

Les cantons seront associés à ces travaux dans la mesure où ils nécessitent une analyse précise des diverses situations et une coordination fine des processus.

Let. a L'unification concernera en premier lieu les documents que les officiers publics adressent aux autorités du registre foncier, du registre du commerce et du registre de l'état civil. La liste n'est pas exhaustive.

Let. b Il s'agira aussi d'unifier et de standardiser les notifications des autorités du registre foncier, du registre du commerce et du registre de l'état civil aux officiers publics. Là aussi, la liste des documents n'est pas exhaustive.

Al. 2 L'unification des processus numériques nécessite une analyse particulièrement détaillée des différents processus à l'oeuvre à tous les échelons. Vu la complexité de la tâche, celle-ci ne peut être menée à bien que si des spécialistes des différents domaines du droit et de la technique réunissent leur savoir. C'est pourquoi l'al. 2 dispose que le DFJP réglera la composition, l'institution et les tâches des commissions spécialisées.

Le DFJP devra identifier à cet égard la composition idéale de ces commissions, susceptible de garantir que les résultats et les expériences qui ont déjà pu être réunis dans les différents domaines puissent être pris en compte dans les travaux et qu'il soit possible de créer des synergies.

5.9

Section 7 Outils techniques

Art. 20 Al. 1 La Confédération pourra fournir les outils techniques nécessaires à l'établissement des actes authentiques électroniques.

Il n'est pas exclu que les officiers publics établissent les originaux électroniques des actes authentiques directement au moyen de l'infrastructure du registre électronique.

Ils n'auraient alors plus besoin de télécharger l'original électronique d'un acte authentique depuis leur propre infrastructure dans le registre; l'original électronique de l'acte 33 / 42

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authentique se trouverait déjà dans le registre des actes authentiques et il ne serait plus nécessaire de procéder à une saisie du fichier. C'est la raison pour laquelle il est prévu que le Conseil fédéral puisse décider de mettre à disposition des officiers publics «dans» le registre électronique des actes authentiques des outils techniques pour l'établissement des actes autheniques et des légalisations électroniques.

L'OAAE prévoit la validation des actes authentiques électroniques (voir les art. 19 OAAE et 17 OAAE-DFJP). L'al. 1 constituera à l'avenir la base légale, inscrite dans la loi elle-même, de la validation des actes authentiques électroniques.

Al. 2 Selon le droit en vigueur, le registre suisse des officiers publics (RegOP) délivre la preuve électronique qui atteste qu'un officier public a la compétence d'établir un acte authentique électronique (voir les art. 5 ss OAAE). Il s'agira d'examiner si les outils techniques actuels continueront de s'appliquer ou s'il faudra prévoir des solutions sur mesure pour attester de l'habilitation des officiers publics en rapport avec le registre électronique. L'al. 2 contient pour cette attestation une base légale générale.

Al. 3 Le Conseil fédéral réglera le régime des émoluments pour l'utilisation des outils techniques en se fondant sur l'art. 46a LOGA.

5.10

Section 8 Édiction de dispositions par le Conseil fédéral

Art. 21 Al. 1 Les dispositions relatives à la procédure d'établissement des actes authentiques électroniques et toutes les conditions dont elle est assortie sont formulées de manière neutre, sans référence à une technologie particulière. Le Conseil fédéral est chargé d'arrêter les dispositions d'exécution correspondantes et de concrétiser le dispositif compte tenu de l'état de la technique.

L'art. 55a, al. 4, tit. fin. CC, prévoit d'ores et déjà que le Conseil fédéral édicte les dispositions d'exécution nécessaires pour assurer l'interopérabilité des systèmes informatiques et l'intégrité, l'authenticité et la sécurité des données. Puisque l'art. 55a tit. fin. CC sera abrogé, cette disposition sera reprise à l'art. 21, al. 1, let. f, P-LNN.

Al. 2 Le Conseil fédéral pourra prescrire l'utilisation de certains outils techniques, notamment si cela est nécessaire pour assurer une application uniforme du droit ou pour mettre en oeuvre une solution technique particulière. On peut penser par exemple à des dispositions relatives au format des originaux électroniques des actes authentiques.

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Al. 3 Le lecteur est renvoyé au commentaire de l'art. 16 P-LNN.

5.11 Art. 22

Section 9 Dispositions finales Modification d'un autre acte

L'art. 55 tit. fin. CC est modifié, et l'art. 55a tit. fin. CC est abrogé. L'art. 55, al. 1, tit. fin. CC dispose actuellement que les cantons déterminent pour leur territoire les modalités de la forme authentique. La nouvelle formulation ne modifie en rien cette situation: il s'agit d'un simple changement rédactionnel, puisque le droit fédéral règle d'ores et déjà l'établissement des actes authentiques électroniques (art. 55a tit. fin.

CC, OAAE et OAAE-DFJP).

L'acte authentique électronique étant désormais réglementé par la LNN, l'art. 55a tit.

fin. CC peut être abrogé.

Art. 23

Référendum et entrée en vigueur

La LNN est sujette au référendum.

Le Conseil fédéral fixera la date de l'entrée en vigueur. La LNN commencera à s'appliquer en même temps que ses futures dispositions d'exécution.

6

Conséquences

6.1

Conséquences pour la Confédération

6.1.1

Conséquences financières et sur l'état du personnel

L'adoption de la LNN aura des conséquences en termes de finances et de personnel liées à la mise en place d'un registre électronique central des actes authentiques.

6.1.1.1

Développement du système

Le registre électronique des actes authentiques imposera le développement et la mise en place d'un tout nouveau système. Il assurera que les documents électroniques qui y seront enregistrés et conservés resteront non modifiables, lisibles et protégés contre les accès non autorisés. Le système devra être disponible en permanence et les documents électroniques ne devront être accessibles qu'aux personnes autorisées.

Les investissements à consentir pour le développement d'un registre central devraient s'élever à environ dix millions de francs selon les valeurs empiriques disponibles. Il faudra compter environ un million de francs pour la conception et la phase initiale, et

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environ neuf millions de francs pour la phase de réalisation et de lancement. Idéalement, c'est le Centre de services informatiques du DFJP (CSI-DFJP) qui mettra sur pied l'infrastructure nécessaire.

Les frais mentionnés résultent d'une estimation grossière. Il n'est pas possible de chiffrer les coûts de manière plus précise à l'heure actuelle en raison de l'ampleur du projet et de la période considérée. Il ne sera possible d'annoncer des coûts précis qu'une fois que le Parlement aura délibéré sur la loi et que les dispositions d'exécution auront été élaborées. On considère par ailleurs que la mise en place du registre prendra un certain temps. Il n'est pas possible de faire des prévisions fiables sur l'évolution à long terme des prix des produits (matériel et logiciels) et des prestations informatiques. Il faudra déterminer les besoins effectifs à l'occasion de l'élaboration des dispositions d'exécution.

6.1.1.2

Gestion du registre électronique des actes authentiques

Les frais de gestion sont estimés à trois millions de francs, répartis entre frais de maintenance des logiciels, frais d'exploitation technique, frais de personnel et amortissements.

6.1.1.3

Personnel

Dix équivalents plein temps seront nécessaires selon les estimations pour assurer une exploitation sûre et fiable du registre électronique des actes authentiques.

Les personnes qui occuperont ces postes auront essentiellement pour tâches de gérer l'application, de la développer, d'attribuer et d'administrer les droits d'accès et d'assurer le support en faveur des utilisateurs, essentiellement les officiers publics et leurs auxiliaires.

À l'issue de la procédure parlementaire et une fois les dispositions d'exécution élaborées, il sera possible de détailler les coûts et les besoins effectifs en personnel et de les présenter au Conseil fédéral lorsqu'il fixera la date de l'entrée en vigueur de la LNN et de ses dispositions d'exécution.

Les dix équivalents plein temps et leurs tâches sont décrits ci-dessous.

Service de conformité Les collaborateurs du service de conformité (deux équivalents plein temps) mettront au point les conditions formelles d'enregistrement des utilisateurs et prépareront les conventions d'utilisation. D'entente avec les responsables de l'application, ils élaboreront un processus d'octroi et de retrait des droits d'accès et veilleront à l'utilisation conforme du système. Ils assureront le développement du registre électronique des actes authentiques en fonction de l'état de la technique et des dispositions applicables en matière de protection des données.

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Responsables opérationnels de l'application Ces collaborateurs (trois équivalents plein temps) assureront la gestion opérationnelle du registre électronique des actes authentiques, planifieront et exécuteront son développement en collaboration avec le service de conformité, entretiendront les contacts avec les développeurs de l'application et les parties prenantes externes, organiseront des formations et assisteront les collaborateurs du support.

Support Les collaborateurs du support (cinq équivalents plein temps) répondront à toutes les questions des utilisateurs. Ils classeront systématiquement les connaissances acquises lors de la résolution de problèmes et rédigeront des rapports à l'intention des responsables de l'application afin qu'ils aient connaissance des problèmes des utilisateurs.

6.1.1.4

Émoluments

Le but visé est que les frais d'exploitation du registre électronique des actes authentiques soient couverts par les émoluments après deux ans. L'art. 16 P-LNN sera la base légale applicable.

Les utilisateurs s'acquitteront d'un émolument qui, idéalement, couvrira les coûts découlant des prestations fournies par le registre. En attendant que l'ensemble des coûts soient financés par des émoluments, la Confédération s'acquittera des coûts dépassant les frais d'utilisation. Aussitôt atteinte une couverture globale des coûts, les émoluments diminueront proportionnellement, de sorte que les revenus ne dépasseront pas les coûts générés.

6.2

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

Les modalités de l'instrumentation relèvent aujourd'hui essentiellement des cantons.

Il existe par ailleurs déjà des dispositions de droit fédéral en rapport avec les actes authentiques électroniques. Les lois cantonales sur l'instrumentation nécessiteront certaines adaptations dans la perspective de l'entrée en vigueur de la LNN. De plus, il s'agira de faire en sorte que les officiers publics employés par les cantons puissent passer, administrativement et techniquement parlant, à l'instrumentation électronique.

La mise en place du registre électronique des actes authentiques, qui ira de pair avec l'obligation, pour les officiers publics, d'y enregistrer et d'y conserver les originaux électroniques des actes authentiques, entraînera l'instauration d'un régime d'émoluments. Il est toutefois envisageable de répercuter ceux-ci sur les parties.

Les cantons devront évaluer les économies que l'institution d'un original électronique et l'utilisation du registre central permettront à leurs officiers publics de faire, et adapter en conséquence leur règlementation en matière d'émoluments.

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6.3

Conséquences économiques

Les actes qui doivent revêtir la forme authentique seront à l'avenir entièrement électroniques, d'où une efficacité accrue. Des règles sûres et unifiées dans le domaine de l'instrumentation électronique constituent un avantage compétitif pour l'économie suisse.

Les officiers publics exerçant à titre libéral devront acquérir le système technique nécessaire à l'établissement d'actes authentiques électroniques, ce qui représentera pour eux un certain investissement initial.

6.4

Conséquences sociales

Si les originaux des actes authentiques peuvent être établis sous forme électronique, il y aura à long terme de plus en plus de processus entièrement électroniques. Après l'établissement de l'original électronique d'un acte authentique, celui-ci pourra par exemple être fourni directement par voie électronique à l'office du registre du commerce ou du registre foncier pour inscription.

Pour les particuliers, cela signifie que les transactions auxquelles ils sont parties seront traitées de manière plus rapide, plus efficace et plus économique.

6.5

Conséquences environnementales

Le projet n'a pas conséquences environnementales directes. En principe, la dématérialisation des prestations devrait cependant permettre d'économiser des ressources et avoir ainsi un impact positif sur l'environnement.

7

Aspects juridiques

7.1

Constitutionnalité

Le projet se fonde sur l'art. 122, al. 1, Cst., qui donne à la Confédération la compétence de légiférer en matière de droit civil et de procédure civile.

7.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

La Suisse n'a pas souscrit d'engagements internationaux limitant sa marge de manoeuvre dans le domaine de l'instrumentation.

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7.3

Forme de l'acte à adopter

Vu l'objet, le contenu et la portée de l'acte à adopter, les dispositions relatives à l'original électronique de l'acte authentique et au registre électronique central des actes authentiques doivent être arrêtées sous forme de loi fédérale, conformément à l'art. 164, al. 1, Cst.

7.4

Frein aux dépenses

Le projet ne comporte pas de nouvelles dispositions relatives aux subventions ni de nouveaux crédits d'engagement (impliquant des dépenses supérieures à un certain montant). Il n'est donc pas soumis au frein aux dépenses (art. 159, al. 3, let. b, Cst.).

7.5

Conformité aux principes de subsidiarité et d'équivalence fiscale

Il s'est avéré, en matière de communications et de transactions électroniques, qu'il fallait se coordonner avec les parties impliquées pour les modifications techniques même les plus minimes afin d'assurer l'interopérabilité des systèmes, d'où des coûts plus élevés. Une solution unifiée permettra d'y remédier, et il vaut donc mieux renoncer à mettre en place différents registres dans les cantons. L'efficacité commande au contraire de mettre en place un registre central.

7.6

Conformité à la loi sur les subventions

La LNN ne prévoit ni aides financières ni indemnités.

7.7

Délégation de compétences législatives

Les processus et les prescriptions et normes techniques seront inscrits à l'échelon de l'ordonnance, ce qui permettra de s'adapter à une évolution technique rapide. Le projet comporte plusieurs normes de délégation au Conseil fédéral, qui aura la charge de régler les modalités d'exécution (comme celles qui concernent l'octroi des droits d'accès, interfaces et formats unifiés, etc.).

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7.8

Protection des données

L'octroi de droits d'accès augmente le risque d'une utilisation des données dans un but non prévu par la loi. Diverses mesures ont été inscrites dans la loi pour contrer ce risque: ­

énumération des personnes et autorités auxquelles un droit d'accès peut être octroyé (art. 15, al. 1, P-LNN);

­

indication des tâches pour lesquelles ces personnes et autorités peuvent se voir octroyer un droit d'accès (art. 15, al. 1, P-LNN);

­

journalisation des accès (personnes, période considérée, documents concernés; art. 15, al. 2, P-LNN).

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Bibliographie Brückner Christian, Schweizerisches Beurkundungsrecht, Zurich 1993 Brückner Christian, Vereinheitlichung des notariellen Beurkundungsverfahrens, in: Fédération suisse des notaires (éd.), Aktuelle Themen zur Notariatspraxis, 4e Congrès des notaires de Suisse, vol. 4, Wabern/Berne 2018 (cit. Brückner, Notariatspraxis), pp. 59 ss.

Huber Hans, Die öffentliche Beurkundung als Begriff des Bundesrechts, Revue suisse du notariat et du registre foncier (RNRF) 69/1988, pp. 228 ss.

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