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Controlling des affaires compensatoires Rapport de la Commission de gestion du Conseil des États du 25 janvier 2022

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Rapport 1

Introduction

Lorsque la Confédération acquiert du matériel d'armement pour au moins 20 millions de francs à l'étranger, les fournisseurs étrangers doivent habituellement s'engager à conclure des affaires compensatoires avec l'industrie suisse pour un volume financier équivalent. Ces affaires compensatoires, qui sont également appelées participations industrielles ou offsets, ont vocation à renforcer la compétitivité de l'industrie nationale, notamment des entreprises de la base technologique et industrielle importante pour la sécurité (BTIS). Elles sont mises en oeuvre au sein du Département fédéral de la défense, de la Protection de la population et des sports (DDPS) par l'Office fédéral de l'armement (Armasuisse) à qui incombe également leur controlling, en collaboration avec le Bureau des affaires compensatoires à Berne (Offset-Büro Bern, ci-après OBB)1. Le controlling est un instrument de direction qui permet de suivre le déroulement des travaux de façon à atteindre les objectifs.

Par le passé, des évaluations ainsi que des spécialistes ont mis en doute l'adéquation du cadre normatif de ces affaires compensatoires et souligné que certains critères n'étaient pas respectés systématiquement, soulevant ainsi des interrogations sur l'opportunité du controlling.2 Dans ce contexte, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont, le 28 janvier 2020, chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) de procéder à une évaluation du controlling des affaires compensatoires. La sous-commission DFAE/DDPS de la CdG du Conseil des États (CdG-E), compétente en la matière, a décidé le 25 mai 2020 d'axer l'évaluation sur les questions suivantes: ­

Le controlling des affaires compensatoires repose-t-il sur un cadre normatif et des objectifs opportuns?

­

Les instruments de controlling sont-ils opportuns?

­

La mise en oeuvre et l'organisation du controlling sont-elles adéquates?

­

La manière dont Armasuisse rend compte des affaires compensatoires est-elle suffisamment transparente?

Pour répondre à ces questions, le CPA s'est fondé dans une large mesure sur des analyses documentaires. Il a également mené 34 entretiens avec les responsables des affaires compensatoires d'Armasuisse et de l'OBB, ainsi qu'avec des responsables des 1

2

Le Bureau des affaires compensatoires à Berne est géré par l'association ASIPRO (Association for Swiss Industry Participation in Security and Defence Procurement Programs), qui a été fondée par Swissmem, et le GRPM, digitalswitzerland et Swissmechanic.

Cf. notes 39 et 40.

Contrôle fédéral des finances (2016): Efficacité de l'organisation des affaires compensatoires lors d'achat d'armements, Armasuisse, 23.2.2016; Contrôle fédéral des finances (2007): Rüstungsbeschaffung im Ausland, Evaluation der Kompensationsgeschäfte, septembre 2007 (uniquement en allemand); Grüter, Kurt (2019): Évaluation des affaires compensatoires pour les acquisitions d'armement, rapport à l'intention de la cheffe du DDPS, 30.4.2019.

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affaires compensatoires au sein des associations faîtières concernées. Le cadre normatif et la légalité du controlling des affaires compensatoires ont également été analysés par Étienne Poltier dans le cadre d'un mandat externe d'accompagnement juridique.

La sous-commission DFAE/DDPS de la CdG-E s'est penchée sur le rapport d'évaluation3 du CPA lors de ses séances du 17 mai et du 30 juin 2021. Le 30 juin 2021, le Conseil fédéral a annoncé sur quel type de nouvel avion de combat et de nouveau système de défense sol-air de longue portée (DSA LP) s'était porté son choix dans le cadre du programme d'acquisition Air20304. Le Conseil fédéral avait posé deux exigences: le prix d'acquisition des avions de combat devra être compensé à hauteur de 60 % et celui de la DSA LP, de 100 %. En conséquence, le volume des affaires compensatoires devrait connaître une forte croissance dans les années à venir. Ces compensations directes figuraient d'ailleurs parmi les critères d'adjudication, ce qui est exceptionnel. Jusqu'à présent, les participations industrielles n'étaient habituellement pas prises en considération dans le processus d'évaluation d'une acquisition.

Dans ce contexte, la commission se demande si le contrôle des affaires compensatoires par l'administration fédérale fonctionnera si les mécanismes de contrôle existants seront adéquats et si les instruments et processus actuels permettront de maîtriser l'accroissement du volume des affaires compensatoires que l'on peut prévoir dans le sillage du programme d'acquisition Air2030.

Pour préparer le présent rapport, la sous-commission compétente a demandé des informations complémentaires par écrit à la cheffe du DDPS et elle a auditionné une délégation d'Armasuisse le 19 août 2021. La CdG-E s'est penchée sur le présent rapport le 9 novembre 2021. Elle l'a adopté le 25 janvier 2022, puis l'a transmis au Conseil fédéral avec le rapport d'évaluation du CPA.

2

Constatations et recommandations

2.1

Remarques préliminaires

Après avoir examiné le rapport du CPA, la CdG-E a déterminé plusieurs aspects pouvant être améliorés dans le processus de controlling des affaires compensatoires. Lors de ses travaux, la sous-commission compétente a été informée de diverses mesures d'Armasuisse visant à remédier aux problèmes signalés par le CPA. Ces mesures ont été décidées parallèlement aux travaux du CPA et, en partie, sur la base de son évaluation. La commission tient à remercier l'administration d'avoir suivi ces travaux d'aussi près et d'avoir déjà pris des mesures pour améliorer les processus. La CdG-E a mené une analyse approfondie du rapport du CPA et, dans la mesure du possible, elle a aussi tenu compte dans son propre rapport des nouveaux éléments intervenus

3

4

Controlling des affaires compensatoires. Rapport du Contrôle parlementaire de l'administration du 4.5. 2021 à l'intention de la Commission de gestion du Conseil des États; ci-après Rapport du CPA.

Air2030: le Conseil fédéral décide de l'acquisition de 36 avions de combat de type F-35A, communiqué de presse du Conseil fédéral du 30.6.2021.

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depuis la fin de l'évaluation. Elle estime qu'il est nécessaire d'agir dans plusieurs domaines qu'elle aborde dans le présent rapport.

2.2

Bases légales et des objectifs

Le CPA a tout d'abord examiné la cohérence du cadre normatif. Pour cela, il a analysé les bases légales internationales et fédérales, de même que les directives et les règlements du département et de l'office. Il s'est ensuite penché sur les objectifs des affaires compensatoires, se demandant s'ils étaient formulés de manière précise et si les effets désirés pour les bénéficiaires de ces affaires étaient clairement définis. Le CPA a donc étudié les modalités de la surveillance que la Confédération exerce sur les acteurs chargés de la mise en oeuvre et qui participent au controlling. Enfin, il a vérifié si le principe de légalité était respecté. Le chapitre suivant présente les constatations et les recommandations de la CdG-E sur ces différents aspects.

2.2.1

Cadre normatif

Les bases légales sur lesquelles se fondent les affaires compensatoires relèvent d'abord du cadre normatif au sens strict, qui comprend des dispositions de droit international, plus précisément celles de l'accord de l'OMC sur les marchés publics5 (AMP), la Constitution fédérale (Cst.) et les lois fédérales applicables, à savoir la loi sur l'armée6 et la loi sur le matériel de guerre7. L'AMP prévoit une exception au principe de la libre concurrence internationale pour les marchés qui ont un lien avec la sécurité nationale ou la défense nationale8. Par analogie, la loi fédérale sur les marchés publics (LMP)9, qui transpose l'AMP dans le droit suisse, ne s'applique pas non plus aux domaines de la sécurité nationale et de la défense. Les fondements de la politique de défense et de sécurité de la Suisse sont définis dans la Constitution et dans les lois spécifiques. Les affaires compensatoires n'y sont cependant pas mentionnées10.

Les bases légales sont concrétisées par des ordonnances administratives, par exemple des directives du Conseil fédéral ou de l'administration fédérale. Dans son rapport, le CPA définit ces directives comme le cadre normatif au sens large. Ce dernier comprend notamment les trois documents suivants: les principes du Conseil fédéral en matière de politique d'armement du DDPS11, la stratégie d'armement du DDPS12 et

5 6 7 8 9 10 11 12

Accord révisé du 15.4.1994 sur les marchés publics (AMP; RS 0.632.231.422), entré en vigueur pour la Suisse le 1.1.2021.

Loi fédérale du 3.2.1995 sur l'armée et l'administration militaire (Loi sur l'armée, LAAM; RS 510.10).

Loi fédérale du 13.12.1996 sur le matériel de guerre (LFMG; RS 514.51).

Art. III, al. 1, AMP.

Loi fédérale du 21.6.2019 sur les marchés publics (LMP; RS 172.056.1).

Cf. ch. 2.1 et 3.1 Rapport du CPA.

Principes du Conseil fédéral en matière de politique d'armement du DDPS du 24.10.2018 (FF 2018 7241); ci-après principes du Conseil fédéral en matière d'armement.

DDPS, Stratégie d'armement du 1.1.2020; ci-après stratégie d'armement du DDPS.

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la politique d'Armasuisse en matière d'affaires compensatoires13. Les deux premiers ne contiennent que quelques éléments sur les affaires compensatoires et ils en définissent l'objectif, à savoir renforcer la base technologique et industrielle importante pour la sécurité de la Suisse (BTIS). La politique d'Armasuisse en matière d'affaires compensatoires précise les critères auxquels les compensations doivent répondre au niveau opérationnel, comme la répartition régionale14. Ces directives ont été révisées parallèlement à l'évaluation et à la rédaction du rapport du CPA et ce dernier a pu consulter l'ébauche de la nouvelle politique pendant son évaluation. La version qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2021 diverge toutefois de cette ébauche en plusieurs points. Sauf mention contraire, le présent rapport se réfère à la version en vigueur depuis le 1er juillet 2021.

L'avis de droit commandé par le CPA avait pour objectif de déterminer si le cadre normatif en vigueur respecte le principe de légalité. L'expert mandaté arrive à la conclusion, qu'en raison d'un cadre normatif très peu développé, le principe de légalité (art. 5, al. 1, Cst.) est entièrement respecté: en particulier, le système prévu pour les acquisitions d'armement est en conformité avec le droit international et avec le droit national15.

Selon l'analyse du CPA et l'avis de droit de l'expert externe, les affaires compensatoires ne sont pas mentionnées explicitement dans le cadre normatif au sens strict.

Hormis le principe général selon lequel les acquisitions d'armement visent à maintenir en Suisse des capacités et compétences adaptées aux besoins de sa défense, les lois applicables ne contiennent aucune indication sur les objectifs des affaires compensatoires, bien qu'il soit de la compétence de la Confédération de légiférer «sur la fabrication, l'acquisition, la distribution [...] de matériel de guerre»16. L'évaluation du CPA en conclut donc que le cadre normatif au sens strict est très peu développé17.

Le cadre normatif au sens large, qui se compose des trois directives mentionnées précédemment, est jugé globalement cohérent par le CPA. Les dispositions de ces documents ne se contredisent pas et se complètent, avec un degré de détails progressif18.

Les anciennes directives d'Armasuisse19 étaient parfois peu claires, mais ce
défaut a été corrigé dans la version actuelle, notamment en supprimant la distinction entre controlling opérationnel et stratégique. Les nouvelles directives remédient aussi à d'autres petites lacunes formelles constatées par le CPA20.

La commission constate ainsi que les affaires compensatoires ne sont mentionnées nulle part dans la législation: les objectifs y relatifs ne sont décrits qu'au niveau des directives. La CdG-E est d'avis qu'un cadre normatif minimal est en principe souhaitable, pour autant que cela ne génère pas d'incertitudes pour les intervenants et pour 13 14 15 16 17 18 19 20

Armasuisse, Politique en matière d'affaires compensatoires du 1.7.2021; ci-après politique d'Armasuisse 2021.

Cf. ch. 2.1 Rapport du CPA.

Cf. Poltier (2021), p. 13.

Art. 107, al. 2, Cst.

Cf. ch. 3.1 Rapport du CPA.

Cf. ch. 3.2 Rapport du CPA.

Armasuisse, Politique en matière d'affaires compensatoires du 15.12.2009 (actualisée le 1.1.2019).

Cf. ch. 3.2 Rapport du CPA.

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les acteurs qui sont chargés de la mise en oeuvre. Eu égard au volume financier considérable que représentent les affaires compensatoires ­ ainsi que le laissent entrevoir les acquisitions prévues dans le cadre du programme Air2030 ­ et à leur importance pour la base technologique et industrielle pour la sécurité de la Suisse suisse, il est essentiel aux yeux de la commission que les affaires compensatoires soient explicitement mentionnées au niveau de la loi. Cela pourrait être fait dans le cadre d'une loi existante; la loi fédérale sur le matériel de guerre21 par exemple serait envisageable.

C'est pourquoi la commission demande au Conseil fédéral d'examiner dans quelle mesure il y a lieu d'inscrire dans une loi existante les principes en question et, si oui, dans laquelle. Elle reconnaît aussi qu'il faut laisser une marge de manoeuvre au Parlement et au Conseil fédéral pour la mise en oeuvre, comme cela a été le cas dans le dossier d'acquisition d'un nouvel avion de combat.

Recommandation 1

Adéquation des bases légales

La CdG-E demande au Conseil fédéral d'examiner dans quelle mesure il y a lieu d'inscrire dans une loi existante le principe même des affaires compensatoires.

Pour la commission, la question de l'adéquation des bases légales se pose également s'agissant de la répartition des tâches entre Armasuisse et l'OBB dans la réalisation et le contrôle des affaires compensatoires (cf. ch. 2.2.3 et 2.4.3) et dans l'implication de la BTIS dans le controlling (cf. ch. 2.4.2).

2.2.2

Objectifs

Les affaires compensatoires s'inscrivent dans le cadre légal de la politique d'armement de la Confédération et doivent participer au renforcement des capacités de défense nationale, qui est l'objectif de cette politique. Dans cette perspective, le controlling des affaires compensatoires, en tant qu'instrument de pilotage, doit également être orienté vers cet objectif. Le CPA parvient cependant à la conclusion que la manière dont cet objectif est traité dans les différentes directives n'est que partiellement adéquate22.

Dans son analyse, le CPA distingue trois niveaux d'objectifs pour les affaires compensatoires: l'objectif principal, les objectifs stratégiques et les objectifs opérationnels. L'objectif principal est le renforcement de la compétitivité de l'industrie nationale, notamment des entreprises de la BTIS. On trouve cette formulation dans les principes du Conseil fédéral ainsi que dans la stratégie d'armement du DDPS. La politique d'Armasuisse précise l'objectif des affaires compensatoires en expliquant qu'elles servent à «réduire la dépendance par rapport à l'étranger dans le domaine des technologies clés en matière de défense et de sécurité et par conséquent [à] renforcer

21 22

RS 514.51 Cf. ch. 3.3 Rapport du CPA.

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la résilience et la sécurité d'approvisionnement de la Suisse en cas de crises internationales»23. Les objectifs stratégiques portent sur les effets des affaires compensatoires pour les potentiels bénéficiaires suisses, comme l'accès à des technologies, des savoir-faire ou des marchés étrangers. Ils sont déclinés dans les directives des trois échelons (Conseil fédéral, DDPS et Armasuisse, cf. ch. 2.2). Enfin, les objectifs opérationnels contiennent des valeurs cibles que les affaires compensatoires devraient atteindre (par ex. le volume, la durée ou la répartition régionale). Ces objectifs sont généralement chiffrés ou mesurables. On peut les trouver dans les directives du DDPS et dans celles d'Armasuisse24.

Le CPA relève que, dans l'objectif principal et les objectifs stratégiques, la dimension économique est dominante par rapport aux aspects touchant à la défense et la sécurité, soit au soutien de l'armée. Cette prépondérance des aspects économiques explique, selon le CPA, le regard critique de certains experts qui considèrent les affaires compensatoires comme une forme de promotion économique. La majorité d'entre eux estiment que le maintien des capacités de défense nationale est le seul argument justifiant une entorse au principe de la liberté économique25. Dans le cadre des investigations complémentaires menées par la sous-commission DFAE/DDPS de la CdG-E, le DDPS a expliqué que la nouvelle politique en matière d'affaires compensatoires était nettement orientée sur la politique d'armement et de sécurité, ce qui la distingue de l'ancienne, qui relevait plutôt de la politique économique26.

L'équilibre de la répartition des affaires compensatoires entre les trois régions linguistiques du pays relève des objectifs opérationnels. Ce point cristallise les positions dans de nombreux débats (politiques). Les experts consultés par le CPA considèrent que cette répartition est peu pertinente du point de vue économique et qu'elle n'apporte aucune plus-value pour le soutien de l'armée. La commission estime néanmoins qu'un bon équilibre de la répartition régionale des affaires compensatoires revêt une importance significative pour l'acceptation des projets d'acquisition d'armement (cf. ch. 2.4.1)27. La nouvelle politique d'Armasuisse prévoit d'ailleurs la possibilité de fixer au cas par cas une clé de
répartition obligatoire28. Cette prescription trouve un point d'appui dans l'art. 106, al. 2, LAAM, qui dispose que «la Confédération acquiert le matériel de l'armée si possible auprès d'un fabricant suisse et en prenant en considération toutes les régions du pays». La nouvelle politique ne fait cependant pas non plus mention de cette base légale29.

Le CPA considère que la manière de formuler les objectifs est appropriée. Son analyse met toutefois en évidence un lien insuffisant entre les différents niveaux d'objectifs, en particulier entre les objectifs opérationnels d'un côté et les objectifs stratégiques et l'objectif principal de l'autre. L'énoncé des objectifs opérationnels est approprié et

23 24 25 26 27 28 29

Cf. ch. 7 Principes du Conseil fédéral en matière d'armement, ch. 2.5 Stratégie d'armement du DDPS et ch. 2 Politique d'Armasuisse 2021.

Cf. ch. 3.3 Rapport du CPA.

Cf. ch. 3.3 Rapport du CPA.

Lettre de la cheffe du DDPS à la sous-commission DFAE/DDPS de la CdG-E du 14.6.2021.

Procès-verbal de la sous-commission DFAE/DDPS de la CdG-E du 30.6.2021.

Cf. ch. 4.7 Politique d'Armasuisse 2021.

Cf. ch. 3.3 Rapport du CPA.

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leur définition est conforme à la méthode SMART30, mais leur réalisation ne permet pas de tirer des conclusions quant à celle des objectifs stratégiques ou de l'objectif principal31. La CdG-E estime que la cohérence et la complémentarité des différents niveaux d'objectifs doivent être améliorées et que les objectifs doivent être présentés plus clairement dans les directives afin qu'il soit possible de vérifier si les objectifs stratégiques et l'objectif principal, c'est-à-dire le renforcement de la compétitivité de l'industrie nationale et notamment des entreprises de la BTIS, ont été atteints.

Recommandation 2

Coordonner les niveaux d'objectifs pour pouvoir mieux contrôler la réalisation des objectifs

La CdG-E invite le Conseil fédéral à faire en sorte que la cohérence et la complémentarité des différents niveaux d'objectifs des affaires compensatoires (opérationnel ­ stratégique ­ principal) puissent être améliorées afin qu'il soit possible de vérifier si les objectifs stratégiques et l'objectif principal, à savoir renforcer la compétitivité de l'industrie nationale et notamment des entreprises de la BTIS, sont atteints.

2.2.3

Responsabilités en matière de controlling

La responsabilité du controlling incombe, conformément à l'art. 21, al. 3, de l'ordonnance sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (OLOGA)32, aux départements dans leurs domaines de compétence respectifs. Or, ni l'ordonnance sur l'organisation du DDPS ni la stratégie d'armement du DDPS n'indiquent qui, au niveau du département, doit exercer la surveillance sur les acteurs chargés de la mise en oeuvre des affaires compensatoires et contrôler la réalisation des objectifs33.

Si les anciennes directives d'Armasuisse évoquaient encore le controlling de manière assez vague, les nouvelles dressent la liste des tâches34 de l'OBB, d'Armasuisse et de la surveillance des affaires compensatoires35. Elles ne précisent cependant pas la répartition des responsabilités, pas plus que les tâches exactes de la surveillance des affaires compensatoires (cf. ch. 2.4.3).

Dans le cadre de ses investigations complémentaires, la sous-commission DFAE/ DDPS de la CdG-E a été informée que les responsabilités au sein d'Armasuisse ont été redistribuées à compter du 1er juillet 2021, parallèlement à l'entrée en vigueur de la nouvelle politique en matière d'affaires compensatoires. Toutes les compétences en matière d'affaires compensatoires sont désormais déléguées par le service juridique

30 31 32 33 34 35

Spécifique, Mesurable, Atteignable, Réaliste, Temporellement défini.

Cf. ch. 3.3 Rapport du CPA.

RS 172.010.1 Cf. ch. 3.4 Rapport du CPA.

Cf. ch. 7 Politique d'Armasuisse 2021.

La surveillance des affaires compensatoires est un organe de surveillance composé de représentants d'Armasuisse et du comité de l'ASIPRO. Il est présidé par le directeur général de l'armement, dont la voix est prépondérante en cas de litige.

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au domaine responsable du projet d'acquisition concerné au sein d'Armasuisse. Précédemment, les affaires compensatoires directes étaient de la compétence des responsables des projets d'acquisition, tandis que les affaires indirectes relevaient du responsable des affaires compensatoires36. Afin de réduire l'effort de coordination entre les équipes de projet et le service juridique, ainsi qu'entre les différents fournisseurs étrangers et Armasuisse, les responsables de projet ont désormais la main sur toutes les affaires compensatoires, qu'elles soient directes ou indirectes37.

Par ailleurs, Armasuisse exploite depuis le 1er mai 2021 un centre de compétences interne, le Center of Excellence BTIS. La création de cet organe fait suite à une recommandation de Deloitte SA émise dans le cadre d'un audit du processus des acquisitions d'armement réalisé sur mandat de la cheffe du DDPS38. Le centre de compétences est un groupe d'experts internes dont la mission consiste à s'échanger régulièrement des informations sur les expériences faites et les bonnes pratiques au sujet de la BTIS, à former et à conseiller le personnel impliqué dans les affaires compensatoires, et à assurer le controlling stratégique39. Ce dernier point consiste à examiner l'impact des affaires compensatoires sur les compétences, les aptitudes et les capacités de la BTIS, comme le prévoit le ch. 8 de la nouvelle politique d'Armasuisse40. Cette politique ne précise cependant pas que cette tâche est assumée par le Center for Excellence BTIS. Du reste, les compétences de cet organe dans le domaine des affaires compensatoires ne sont définies nulle part. Désormais, le controlling opérationnel incombe aux responsables des différents projets d'acquisition au sein d'Armasuisse.

Enfin, une convention entre Armasuisse et l'ASIPRO41 règle la collaboration dans le domaine des affaires compensatoires42. Cette convention a été renouvelée en avril 2021. La nouvelle version remplace l'ancienne convention ainsi que le règlement

36

37 38

39 40 41 42

On entend par affaires compensatoires directes les affaires en lien direct avec l'acquisition d'un bien d'armement précis. Dans ce cas, les entreprises suisses sont associées à la fabrication du produit. Dans les affaires compensatoires indirectes, des fournisseurs étrangers s'engagent à acheter des biens ou des services auprès d'entreprises suisses dans des branches industrielles sélectionnées. Cf. ch. 2.3 Rapport du CPA.

Procès-verbal de la sous-commission DFAE/DDPS de la CdG-E du 19.8.2021.

En 2019, la cheffe du DDPS a demandé la réalisation d'un examen externe des processus d'acquisition de l'armement. L'examen externe a été effectué d'une part par la société Deloitte SA et d'autre part par un groupe d'accompagnement composé de représentants externes, qui a formulé des recommandations sur la base des résultats de Deloitte SA (cf. Le DDPS améliore les processus d'acquisition d'armement, communiqué de presse du Conseil fédéral du 15.6.2020).

Lettre de la cheffe du DDPS à la sous-commission DFAE/DDPS de la CdG-E du 14.6.2021.

Cf. ch. 8 Politique d'Armasuisse 2021.

ASIPRO (Association for Swiss Industry Participation and Defence Procurement Programs).

Convention entre Armasuisse et l'ASIPRO portant sur la collaboration dans le domaine des affaires compensatoires du 22.4.2021; ci-après Convention Armasuisse-ASIPRO.

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d'organisation «Armasuisse ­ Swissmem43 ­ GRPM44 ­ Bureau des affaires compensatoires à Berne (OBB)»45. Elle contient aussi des informations complémentaires sur la répartition des tâches entre l'OBB, Armasuisse et la surveillance des affaires compensatoires.

Dans son analyse, le CPA conclut que les responsabilités en matière de controlling ne sont pas assez clairement définies. Depuis la remise de son rapport d'évaluation, plusieurs nouveautés sont toutefois intervenues afin de remédier aux déficits constatés.

La sous-commission compétente a obtenu des renseignements à ce sujet de la part du DDPS et lors de l'audition d'Armasuisse. Cependant, les règles adoptées, et en particulier la nouvelle politique en matière d'affaires compensatoires, ne comportent aucune indication sur la répartition des compétences, ce qui ne sert pas l'objectif de clarté visé. La CdG-E se félicite des mesures adoptées, mais elle est d'avis que les modifications effectuées et prévues manquent quelque peu de cohérence du fait de la concomitance de plusieurs audits (audit externe du processus d'acquisition, évaluation du CPA et audit de la révision interne du DDPS), de l'adoption de la nouvelle politique d'Armasuisse et de la conclusion de la nouvelle convention Armasuisse-ASIPRO.

Elle invite donc le Conseil fédéral à s'assurer que la cohérence nécessaire soit rétablie.

Dans ce but, il conviendra notamment de définir de manière appropriée les responsabilités en matière de controlling des affaires compensatoires et de consigner par écrit les transferts de compétences qui ont déjà été réalisés.

Recommandation 3

Définir les compétences en matière de controlling des affaires compensatoires

La CdG-E invite le Conseil fédéral à s'assurer que les compétences en matière de controlling des affaires compensatoires soient définies de manière appropriée et que les transferts de compétences qui ont déjà été réalisés soient consignés par écrit.

Elle invite également le Conseil fédéral à définir par écrit les tâches et la responsabilités précises du centre d'excellence BTIS et à tirer le bilan de ses activités après un délai approprié.

2.3

Opportunité des instruments

Le CPA s'est penché sur l'opportunité des instruments utilisés dans le cadre du controlling des affaires compensatoires. À cette fin, il a examiné si ces instruments étaient adéquats pour contrôler la réalisation des objectifs et s'ils étaient suffisamment 43

44 45

Swissmem est l'association faîtière de l'industrie suisse des machines, des équipements électriques et des métaux (industrie MEM) ainsi que des branches technologiques apparentées.

Le Groupe romand pour le matériel de défense et de sécurité (GRPM), est l'association romande des entreprises actives dans le domaine du matériel de défense et de sécurité.

Armasuisse ­ Swissmem ­ GRPM ­ Bureau des affaires compensatoires à Berne (OBB), Règlement d'organisation du 31.8.2015; ci-après Règlement d'organisation OBB (ancien).

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flexibles pour s'adapter à différents volumes d'affaires compensatoires, notamment à l'accroissement prévisible lié au programme Air2030.

2.3.1

Adéquation des instruments pour contrôler la réalisation des objectifs

L'instrument principal du controlling est le formulaire de déclaration des affaires compensatoires, dans lequel sont indiqués le type de transaction prévue entre le fournisseur étranger et le bénéficiaire suisse, ainsi que diverses informations telles que les produits, les secteurs économiques, les éventuels multiplicateurs appliqués46, le caractère supplémentaire47 des transactions ainsi que la plus-value réalisée en Suisse.

Le fournisseur étranger doit communiquer tous les six mois à Armasuisse les affaires compensatoires nouvellement conclues au moyen de ce formulaire.Le fournisseur étranger peut établir un rapport sur les affaires compensatoires qui mentionne l'ensemble des formulaires de déclaration et en résume les principales informations48.

Selon l'analyse du CPA, les données recueillies par ce biais ne sont toutefois pas exploitées pour déterminer si l'objectif principal des affaires compensatoires est atteint.

Quant aux objectifs stratégiques, les instruments utilisés n'en donnent qu'une image partielle. Les données obtenues permettent par exemple d'apprécier la plus-value réalisée en Suisse, de préciser quelle technologie ou quel savoir-faire est concerné, mais pas de se prononcer sur l'accroissement du volume des exportations ou le positionnement des entreprises suisses sur les marchés internationaux, ce qui permettrait pourtant de donner une appréciation de l'éventuel renforcement de la compétitivité en Suisse et à l'étranger.

Cela s'explique par l'absence de lien entre les objectifs opérationnels d'une part et les objectifs stratégiques et l'objectif principal d'autre part (cf. ch. 2.2.2). Les informations recueillies au moyen du principal instrument utilisé dans le cadre du controlling permettent donc avant tout de se prononcer sur la réalisation des objectifs opérationnels des affaires compensatoires et des valeurs cibles qui ont été définies49.

Les informations sont consolidées à deux niveaux. Premièrement, l'OBB établit un tableau des affaires compensatoires pour chaque programme de compensation. Deuxièmement, Armasuisse tient un tableau général des programmes de compensation

46

47

48 49

Armasuisse a la possibilité d'appliquer des multiplicateurs pour tenir compte de l'importance de l'entreprise ou du secteur industriel pour la politique de sécurité de la Suisse.

Le montant d'une obligation de compensation peut ainsi être multiplié par un facteur mathématique qui se situe entre 1 et 3 (selon l'ancienne version de la politique en matière d'affaires compensatoires entre 0,5 et 3) afin d'encourager le fournisseur étranger à conclure des affaires dans certains domaines pour remplir son obligation de compensation plus rapidement. Cf. ch. 4.

Les affaires compensatoires doivent avoir un caractère «supplémentaire». Autrement dit, il doit s'agir d'une nouvelle relation commerciale entre le fournisseur étranger et le bénéficiaire suisse ou de transactions liées à des produits et services qui diffèrent de ceux acquis dans le cadre de la relation existante. Cf. ch. 4.1 Rapport du CPA.

Cf. ch. 2.2 et 4.1 Rapport du CPA.

Cf. ch. 4.1 Rapport du CPA.

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qui synthétise les informations sur toutes les affaires compensatoires en cours. Ce tableau est utilisé pour établir le registre des affaires compensatoires qui est publié sur le site Internet d'Armasuisse50.

L'analyse du CPA a montré que les données recueillies au moyen du formulaire de déclaration permettraient tout de même de tirer quelques conclusions sur la réalisation de l'objectif principal. Ces données ne sont cependant pas utilisées à cette fin (cf. ch. 2.4.1).

2.3.2

Degré de numérisation des instruments

Compte tenu de l'accroissement attendu du volume des affaires compensatoires dans le sillage de l'acquisition des nouveaux avions de combat et du nouveau système de défense sol-air de longue portée, il convient de se demander si une montée en puissance du controlling sera possible avec les instruments existants. Le CPA a constaté que le degré de numérisation des instruments était très faible. L'OBB reporte par exemple toutes les données collectées manuellement dans les différents tableaux de suivi et la circulation des documents entre les parties semble, à ce stade, encore peu efficiente51.

Armasuisse déploie des efforts importants pour numériser le controlling des affaires compensatoires. La sous-commission DFAE/DDPS de la CdG-E a été informée du lancement d'un projet de numérisation des affaires compensatoires qui devrait simplifier les processus d'annonce et de contrôle à partir de 202352.

La commission prend acte du projet d'Armasuisse et de l'appréciation des personnes interrogées par le CPA. Sur une base empirique, en se fondant sur d'autres affaires compensatoires de grande ampleur, les personnes auditionnées ont estimé que les processus et instruments actuels sont adéquats pour faire face à l'augmentation des besoins de controlling en lien avec le programme Air203053. La commission est d'avis que les unités responsables du controlling doivent disposer d'instruments leur permettant d'assurer correctement le suivi de la mise en oeuvre des affaires compensatoires.

S'il semble plausible que le dispositif existant permettra d'absorber des volumes plus importants, le niveau peu avancé de la numérisation des processus et instruments pose question quant à la capacité à faire face à cette situation. Elle prie donc le Conseil fédéral de présenter l'état actuel de la numérisation du processus des affaires compensatoires, ainsi que les objectifs à moyen et long termes. Elle le prie aussi de montrer quelle sera l'utilité des prochaines étapes du processus de numérisation pour le controlling des affaires compensatoires liées au programme Air2030.

50 51 52 53

Cf. ch. 4.1 Rapport du CPA.

Cf. ch. 4.2 Rapport du CPA.

Lettre de la cheffe du DDPS à la sous-commission DFAE/DDPS de la CdG-E du 14.6.2021.

Cf. ch. 4.2 Rapport du CPA.

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Recommandation 4

Présenter l'état d'avancement de la numérisation

La CdG-E invite le Conseil fédéral à présenter l'état actuel de la numérisation du processus des affaires compensatoires et des instruments utilisés, ainsi que les objectifs à moyen et long termes.

Elle le prie aussi d'expliciter l'utilité des prochaines étapes du processus de numérisation pour le controlling des affaires compensatoires liées au programme Air2030.

2.3.3

Définition des processus de controlling

Dans son analyse, le CPA montre que le processus et les étapes de controlling ne sont pas décrits précisément et que la documentation est insuffisante (cf. ch. 2.5.1). Cette appréciation se fonde sur l'ancienne politique d'Armasuisse54 et sur le règlement d'organisation de l'OBB, qui a été récemment abrogé. Le ch. 7 de la nouvelle politique d'Armasuisse décrit de manière plus détaillée les tâches d'Armasuisse et de l'OBB dans le contexte du contrôle des affaires compensatoires55. L'annexe II de la nouvelle convention Armasuisse-ASIPRO56 contient en outre une description des différentes phases du processus et des tâches d'Armasuisse et de l'OBB dans le cadre des affaires compensatoires indirectes. Un pendant pour les affaires compensatoires directes n'existe cependant pas.

Comme le CPA, la commission estime donc que le processus devrait être consigné dans un document explicitant clairement les tâches, les phases ainsi que le déroulement du controlling. Il devrait également mentionner les documents et informations nécessaires pour exercer le controlling. Elle invite le Conseil fédéral à examiner dans quelle mesure les phases du processus qui sont actuellement exposées dans plusieurs documents pourraient être synthétisées et définies plus clairement dans un document unique décrivant l'ensemble du processus. Cette documentation permettrait aussi d'améliorer la gestion des connaissances au sein d'Armasuisse.

Recommandation 5

Définir et consigner le processus de controlling des affaires compensatoires

La CdG-E invite le Conseil fédéral à examiner dans quelle mesure les phases du processus de controlling qui sont actuellement exposées dans plusieurs documents pourraient être synthétisées et définies plus clairement dans un document unique décrivant l'ensemble du processus.

54 55 56

Armasuisse, Politique en matière d'affaires compensatoires du 15.12.2009 (actualisée le 1.1.2019).

Cf. ch. 7 Politique d'Armasuisse 2021.

Annexe II Convention Armasuisse-ASIPRO.

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2.4

Adéquation de l'exécution et de l'organisation

Le CPA a examiné le controlling afin de déterminer s'il permettait d'évaluer la réalisation des objectifs. Il a en outre étudié s'il existait des procédures et des mesures permettant d'intervenir ou de prononcer des sanctions au besoin. L'adéquation de l'organisation a été analysée pour vérifier si la répartition des compétences et les procédures étaient clairement définies. Les modalités de surveillance devaient par ailleurs, à tous les échelons, être transparentes et correspondre aux bases légales. Enfin, le CPA a vérifié que les ressources en personnel mises à disposition pour le controlling au sein d'Armasuisse et de l'OBB étaient adéquates.

2.4.1

Controlling restreint

Des acteurs différents participent aux processus de controlling, selon qu'il s'agit de compensations directes ou indirectes. Les compensations indirectes sont réglées dans l'accord de compensation conclu entre Armasuisse et les fournisseurs étrangers. Les compensations directes sont, quant à elles, prévues dans le contrat d'acquisition du matériel d'armement. Le controlling des compensations indirectes incombe à l'OBB et est approuvé par Armasuisse. Le controlling des compensations directes relève de la responsabilité d'Armasuisse. Il y a peu de différences entre le controlling des compensations directes et celui des compensations indirectes; les deux reposent sur le même formulaire (cf. ch. 2.3.1).

Dans la pratique, le controlling permet de déterminer si les affaires compensatoires remplissent les objectifs opérationnels et donc les prescriptions d'Armasuisse concernant sa politique en matière d'affaires compensatoire. Dans son rapport, le CPA montre que ce type de controlling atteint ses limites. Ainsi, l'analyse a montré que seule une minorité des programmes compensatoires atteint les valeurs cibles fixées pour la répartition régionale, bien qu'il s'agisse d'un critère ayant un certain poids politique57. Il y a également des doutes sur la fiabilité des informations transmises à Armasuisse concernant le caractère additionnel de certaines transactions. En l'absence de consignes claires ou de contrôles approfondis, Armasuisse ou l'OBB ne peuvent pas garantir que la valeur ajoutée déclarée par les bénéficiaires suisses soit calculée selon une méthode homogène; cela interpelle quant à la pertinence et la comparabilité de cette valeur58.

La nouvelle convention entre Armasuisse et l'ASIPRO prévoit des contrôles aléatoires des compensations indirectes annoncées. L'ASIPRO a chargé un organe de contrôle externe de vérifier les informations contenues dans le formulaire de déclaration auprès des bénéficiaires suisses59. Les entreprises faisant l'objet du contrôle seront désignées en accord avec Armasuisse, qui sera quant à elle informée des résultats de l'examen et décidera d'éventuelles mesures. Cette mesure permettra de développer les possibilités de contrôle d'Armasuisse au sein des associations faîtières60.

57 58 59 60

Procès-verbal de la sous-commission DFAE/DDPS de la CdG-E du 30.6.2021.

Cf. ch. 5.1. Rapport du CPA.

Cf. ch. 3.4.5 Convention entre Armasuisse et l'ASIPRO.

Procès-verbal de la sous-commission DFAE/DDPS de la CdG-E du 19.8.2021.

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Selon les informations communiquées par Armasuisse, le nouveau Center of Excellence BTIS reprendra le controlling stratégique des affaires compensatoires et analysera les effets de ces dernières sur les aptitudes, les compétences et les capacités de la BTIS61 (cf. ch. 2.2.3). Désormais, la cheffe du DDPS recevra un rapport annuel sur les résultats du controlling stratégique. Armasuisse réfléchit actuellement à publier une partie de ce rapport (cf. ch. 2.5.1). La commission se félicite de ce qu'une autre critique formulée par le CPA dans son évaluation ait déjà été prise en considération.

Pour le moment, elle ne peut pas évaluer si cela permettra d'améliorer le contrôle des affaires compensatoires sur les points mentionnés. Elle se penchera sur le bilan de cette mesure dans le cadre de son contrôle de suivi.

À l'heure actuelle, la commission est d'accord avec l'appréciation du CPA selon laquelle le controlling, tel que mené jusqu'à présent, n'est pas complètement adéquat étant donné qu'il se limite aux objectifs opérationnels, objectifs qu'il contrôle en outre de manière superficielle. La réalisation des objectifs stratégiques et de l'objectif principal des affaires compensatoires n'a pas été contrôlée jusqu'à aujourd'hui.

Le controlling tel que pratiqué jusqu'à présent n'est donc pas conforme aux dispositions légales62. La sous-commission compétente a été informée que la cheffe du DDPS avait chargé la Révision interne DDPS d'examiner les affaires compensatoires dans le cadre du programme Air2030 pour vérifier que «les dispositions nécessaires ont été prises [...] afin d'assurer une gestion appropriée desdites affaires»63. La commission est d'avis que les lacunes constatées par le CPA, notamment le fait que ni Armasuisse ni l'OBB n'évaluent si la compétitivité des entreprises BTIS est effectivement renforcée par les affaires compensatoires, devraient entrer dans le cadre de cet examen.

Recommandation 6

Garantir un controlling conforme aux dispositions légales

La CdG-E invite le Conseil fédéral à garantir un controlling des affaires compensatoires conforme aux prescriptions de l'art. 21 OLOGA. Le controlling ne devrait pas se limiter aux objectifs opérationnels, mais devrait comprendre également la réalisation des objectifs stratégiques et de l'objectif principal, à savoir le renforcement de la compétitivité de la BTIS.

Le Conseil fédéral est également prié d'indiquer comment la nouvelle répartition des tâches au sein d'Armasuisse permet de garantir la mise en oeuvre de la présente recommandation et comment il compte évaluer le renforcement de la BTIS à l'avenir.

61 62 63

Procès-verbal de la sous-commission DFAE/DDPS de la CdG-E du 19.8.2021.

Le controlling est un instrument de direction qui, à tous les échelons, permet de suivre le déroulement des travaux de façon à atteindre les objectifs (art. 21 OLOGA).

Lettre de la cheffe du DDPS à la sous-commission DFAE/DDPS de la CdG-E du 14.6.2021.

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2.4.2

Implication de la BTIS dans le controlling

La Suisse ne pouvant prétendre à une autonomie totale dans le domaine de l'armement en raison de sa taille, elle a donc pour objectif de se concentrer sur la maîtrise de certaines technologies essentielles pour la sécurité nationale. Conformément aux principes du Conseil fédéral en matière d'armement, la BTIS doit posséder des compétences clés et des capacités industrielles permettant à l'armée suisse d'être opérationnelle. La base industrielle doit pouvoir fournir des prestations essentielles pour assurer la fiabilité des systèmes d'engagement de l'armée et leur capacité à durer64. Sur la base des besoins de l'armée, le centre d'Armasuisse «Sciences et technologies» définit quelles sont les technologies clés relevant de la sécurité faisant partie de la BTIS.

Actuellement, il s'agit notamment de technologies liées à l'information, aux capteurs et à la communication65. La définition des technologies relevant de la BTIS a été régulièrement mise à jour au cours des dernières années, conformément aux besoins de l'armée.

Le CPA renvoie à diverses études qui pointent le fait que la BTIS n'est pas intégrée de façon systématique dans les processus d'affaires compensatoires. Il constate par ailleurs que la coordination et les échanges entre les responsables du controlling et l'entité d'Armasuisse responsable de la BTIS sont très limités. La commission se demande comment intensifier les échanges dans le cadre du Center of Excellence BTIS (cf. ch. 2.2.3).

Pour définir la BTIS, le DDPS s'appuie sur la Nomenclature générale des activités économiques. Des branches économiques sont qualifiées d'importantes pour la sécurité quand les entreprises qui les composent ont le potentiel pour fabriquer des biens, fournir des prestations et mettre à disposition des compétences technologiques66. Le CPA a cependant constaté que la définition de la BTIS, autrement des branches économiques qui doivent être soutenues en Suisse, n'était pas claire. Armasuisse a amélioré la communication à cet égard, notamment en réorganisant la page internet consacrée à la BTIS, par exemple en créant une infographie explicative67 et en mettant d'autres informations à disposition. Pourtant, de nombreux acteurs, même au sein de l'administration fédérale, n'ont qu'une idée approximative de ce que la BTIS recouvre exactement (s'il s'agit de
technologies, de certaines branches industrielles ou d'entreprises68). La commission estime donc qu'il serait judicieux d'examiner l'opportunité de définir plus précisément dans une ordonnance les branches économiques à soutenir et les technologies importantes pour la sécurité.

64 65 66 67 68

Cf. ch. 2.1 Rapport du CPA.

Armasuisse, infographie «Base technologique et industrielle importante pour la sécurité», novembre 2020.

Sonderegger, Martin (2020): Kein «normales» Jahr, In: armafolio EXTRA, novembre 2020, p. 8 (uniquement en allemand).

Armasuisse, Infographie «Base technologique et industrielle importante pour la sécurité», novembre 2020.

Cf. ch. 5.3 et 7.2 Rapport du CPA.

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Recommandation 7

Garantir un controlling axé sur la BTIS

La CdG-E invite le Conseil fédéral à examiner l'opportunité de définir dans une ordonnance la BTIS, autrement dit les branches économiques qui doivent être soutenues en Suisse.

Par ailleurs, la commission invite le Conseil fédéral à examiner comment axer davantage le processus de controlling sur la BTIS pour contribuer à un développement ciblé des technologies importantes pour la sécurité dans l'économie suisse.

2.4.3

Indépendance et surveillance du processus de controlling

Le controlling des affaires compensatoires incombe à l'OBB et à Armasuisse. L'OBB est géré par les associations faîtières industrielles (Swissmem, son groupe spécialisé SWISS ASD, et le GRPM, digitalswitzerland et Swissmechanic) regroupées dans l'association ASIPRO. Certains experts voient d'un oeil critique la proximité entre les associations faîtières et les personnes chargées du controlling. Ils s'interrogent sur l'indépendance des organes chargés du controlling des affaires compensatoires.

Ni le CPA ni la sous-commission DFAE/DDPS de la CdG-E, compétente en la matière, n'ont identifié de problèmes en lien avec la délégation des tâches de controlling aux associations faîtières. Armasuisse estime elle aussi que l'autorégulation de l'industrie en collaboration avec la Confédération fonctionne bien69. En outre, l'introduction de contrôles aléatoires auprès des entreprises bénéficiaires des affaires compensatoires doit permettre d'étendre les possibilités de surveillance pour Armasuisse (cf.

ch. 2.4.1). La commission s'interroge toutefois sur les questions d'indépendance en ce qui concerne l'accès d'éventuels bénéficiaires suisses aux informations relatives aux affaires compensatoires (cf. ch. 2.5.3).

Le CPA a constaté que la surveillance des affaires compensatoires était faible. L'organe chargé de la surveillance des affaires compensatoires se compose de représentants d'Armasuisse et de l'ASIPRO. Selon la politique d'Armasuisse 2021, il pilote et surveille la collaboration sur le plan technique entre Armasuisse et l'OBB70. Le rôle et les tâches exactes de cet organe ne sont toutefois pas clairement définis juridiquement et son activité de surveillance est décrite de manière sommaire. En principe, l'organe chargé de la surveillance des affaires compensatoires définit des directives et fixe des valeurs cibles à l'intention de l'OBB, et approuve les comptes annuels. Selon ses propres informations, il se penche également sur des questions stratégiques en lien avec les bénéfices des compensations (indirectes). Par contre, il n'évalue pas dans quelle mesure les affaires compensatoires contribuent au renforcement de la BTIS. La commission estime qu'il convient d'examiner et de définir le rôle et les tâches exactes de cet organe71.

69 70 71

Cf. ch. 5.4 Rapport du CPA.

Cf. ch. 9 Politique d'Armasuisse 2021.

Cf. ch. 5.4 Rapport du CPA.

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Par ailleurs, le CPA a constaté que le DDPS, compétent en l'espèce, fait preuve d'une grande retenue dans la surveillance des affaires compensatoires. En dehors de grands projets d'acquisition comme Air2030, le DDPS n'intervient pas dans le domaine des affaires compensatoires et confie la totalité du suivi à Armasuisse. Bien que le Conseil fédéral et plus précisément le DDPS fixent des objectifs en matière d'affaires compensatoires, ils ne sont aucunement informés de la réalisation de ces objectifs72. Selon le DDPS, le Center of Excellence BTIS informera désormais chaque année la cheffe du département de la réalisation des objectifs stratégiques (cf. 2.5.2).

La commission estime que le DDPS devrait jouer un rôle plus actif dans la surveillance du controlling des affaires compensatoires, comme le prévoit l'art. 21, al. 3, OLOGA73. Elle invite le Conseil fédéral à définir la manière dont la surveillance du processus des affaires compensatoires pourra être assurée.

Recommandation 8

Garantir la surveillance du controlling des affaires compensatoires

La CdG-E invite le Conseil fédéral, d'une part, à clarifier le rôle et les tâches exactes de l'organe chargé de la surveillance des affaires compensatoires et à les consigner dans un document adéquat.

La commission invite d'autre part le Conseil fédéral à s'assurer que le DDPS remplit sa fonction de surveillance sur le controlling en matière d'affaires compensatoires, conformément à l'art. 21, al. 3, OLOGA.

2.4.4

Ressources disponibles dans le cadre du controlling

Un effectif limité (0,6 équivalent plein temps chez Armasuisse et 0,3 équivalent plein temps chez l'OBB) est affecté au controlling des affaires compensatoires. Cet effectif gère actuellement des affaires compensatoires dans le cadre de plus de dix projets d'acquisition et pour une valeur de plus d'un milliard de francs suisses. S'y ajoute un volume d'environ 4.2 milliards de francs avec les acquisitions du programme Air2030. La commission se félicite de l'usage économe des ressources et de la faible charge administrative qui en découle. Cependant, vu les conclusions du CPA, on peut se demander si ces ressources suffisent pour garantir un controlling méticuleux et faire face à l'accroissement du volume prévu74.

L'évaluation du CPA a montré que le controlling ne cherchait pas à mesurer l'impact des affaires compensatoires sur la compétitivité de la BTIS (cf. ch. 2.3.1)75. Armasuisse justifie le fait que le controlling n'englobe ni les objectifs stratégiques ni l'objectif principal des affaires compensatoires par sa volonté de pratiquer un controlling 72 73

74 75

Cf. ch. 5.4 Rapport CPA.

Aux termes de cet article, les départements sont responsables du controlling dans leur domaine et s'assurent que leur controlling concorde avec celui du Conseil fédéral (OLOGA, RS 172.010.1).

Cf. ch. 5.5 Rapport du CPA.

Cf. ch. 5.5 Rapport du CPA.

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léger afin de maintenir la charge administrative et les coûts au niveau le plus bas possible76. La création du Center of Excellence BTIS n'a pas entraîné la création de postes supplémentaires, mais 20 % du temps de travail de chaque collaborateur a été réservé pour les tâches du centre de compétence, pour sa première année d'existence. La nouvelle répartition des compétences au sein d'Armasuisse n'a pas non plus engendré d'augmentation des effectifs77.

La CdG-E est d'avis que, dans la perspective de l'augmentation du volume des affaires compensatoires en lien avec le programme Air2030, le DDPS doit prévoir un effectif suffisant et s'assurer que l'effectif actuel est en mesure de consigner et de gérer les connaissances, par exemple en cas de départ d'un collaborateur ou de changements au sein de l'équipe (cf. ch. 2.3.3). La commission a pris acte des adaptations effectuées par Armasuisse, à savoir de l'augmentation de l'effectif lors de la phase d'évaluation du programme Air2030. Étant donné qu'une grande partie du volume des mandats concerne des compensations indirectes gérées par l'OBB, ce dernier sera doté de ressources supplémentaires78.

La commission n'émet pas de recommandation concernant les ressources en personnel consacrées au controlling des affaires compensatoires dans le présent rapport. Elle évaluera si les ressources prévues dans le cadre de la nouvelle répartition des compétences et de la création du Center of excellence BITS sont suffisantes lors du contrôle de suivi. La sous-commission DFAE/DDPS de la CdG-E a par ailleurs décidé d'assurer le suivi des affaires compensatoires relevant du programme Air2030.

2.5

Transparence et accès à l'information

Lors de son évaluation, le CPA s'est penché sur la documentation interne traitant du controlling des affaires compensatoires ainsi que sur la transparence vis-à-vis de l'extérieur, c'est-à-dire l'information du public. Dans ce contexte, la commission s'est également demandé si tous les acteurs impliqués dans le domaine de la sécurité, et donc potentiellement des bénéficiaires suisses, ont accès aux informations et aux contacts importants pour les affaires compensatoires.

2.5.1

Documentation interne

À l'issue de son évaluation, le CPA parvient à la conclusion que les affaires compensatoires ne sont que moyennement transparentes à l'interne. Le compte rendu du controlling prend la forme de tableaux synoptiques structurés qui indiquent où en sont les affaires compensatoires. Ces tableaux sont remplis de manière systématique et sont régulièrement mis à jour. Toutefois, les décisions quant à la reconnaissance ou au rejet

76 77 78

Cf. ch. 7.4 Rapport du CPA.

Procès-verbal de la sous-commission DFAE/DDPS de la CdG-E du 19.8.2021.

Lettre de la cheffe du DDPS à la sous-commission DFAE/DDPS de la CdG-E du 14.6.2021.

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d'une transaction en tant que compensation ne sont motivées que par quelques mots, ce qui, faute de renseignements supplémentaires, n'est pas toujours intelligible79.

Les experts jugent que les multiplicateurs sont un instrument utile. Ils permettent d'apprécier la valeur d'une affaire compensatoire pour la politique d'armement conformément à la politique d'Armasuisse80. Ils estiment cependant que la procédure de validation ou de refus des demandes de multiplicateur, et, le cas échéant, d'établissement de leur valeur est particulièrement opaque. Le CPA a constaté que les processus ne sont pas décrits dans les directives. Seuls les entretiens réalisés avec des représentants d'Armasuisse ont permis au CPA de dégager les critères d'attribution des multiplicateurs81. Ces critères ne figurent dans aucun document et aucune indication n'est donnée quant à la manière dont ils sont appréciés et pondérés.

La CdG-E estime que la documentation interne à l'administration sur le controlling est trop sommaire. À ses yeux, il faudrait mieux documenter les décisions concernant la reconnaissance ou au rejet d'une transaction en tant que compensation et le maniement des multiplicateurs afin de renforcer la traçabilité et la transparence, mais aussi consolider la gestion des connaissances à l'interne.

Recommandation 9

Améliorer la documentation interne

La CdG-E invite le Conseil fédéral à garantir que le controlling des affaires compensatoires à l'interne est convenablement documenté. Il s'agit notamment de consigner d'une part les raisons qui ont conduit à reconnaître ou à rejeter les affaires compensatoires, et d'autre part des informations sur la procédure, en particulier lorsque des multiplicateurs sont utilisés.

2.5.2

Information externe

Toujours dans le cadre de l'évaluation, le CPA s'est penché sur la transparence des affaires compensatoires envers l'extérieur. À cet égard, elle a analysé l'adéquation des informations publiques et du compte rendu du controlling interne à l'administration.

Des informations sur les affaires compensatoires peuvent être obtenues, d'une part, sur la page Internet d'Armasuisse et, d'autre part, dans les messages annuels sur l'armée à l'intention du Parlement.

Les informations disponibles sur la page Internet consacrée aux affaires compensatoires d'Armasuisse se sont étoffées et améliorées au cours des dernières années, et en particulier depuis que le CPA a entamé ses travaux, au premier trimestre 2020. Le registre des affaires compensatoires en constitue le coeur: il contient des renseignements sur les projets d'acquisition, les délais de réalisation des affaires compensatoires, le nom du fournisseur étranger et des informations sur les bénéficiaires suisses 79 80 81

Cf. ch. 6.2 Rapport du CPA.

Cf. ch. 5.6 Politique d'Armasuisse 2021.

Les trois critères d'attribution de demandes de multiplicateurs sont: le degré d'autonomie qu'une affaire compensatoire apporte à la Confédération, la valeur ajoutée de la transaction pour l'industrie, ainsi que la priorité accordée à la technologie en question.

Cf. ch. 6.2 Rapport du CPA.

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et sur la répartition régionale. Depuis 2020, ces informations sont également présentées sous forme de graphiques82.

La commission se félicite du développement de la page Internet consacrée aux affaires compensatoires et les efforts assidus réalisés par Armasuisse pour améliorer la transparence envers l'extérieur. Elle suggère au DDPS d'envisager d'enrichir le registre en y consignant des informations sur d'anciennes affaires compensatoires et sur les secteurs industriels concernés, soit les domaines d'activité des bénéficiaires suisses, ainsi que les volumes des affaires compensatoires.

Parallèlement au registre, les messages annuels sur l'armée à l'intention du Parlement fournissaient eux aussi certaines informations sur les affaires compensatoires. L'évaluation du CPA révèle toutefois que les comptes rendus présentés dans ce cadre ces dernières années étaient très inégaux. À partir de 2016, ces messages ne renferment d'ailleurs plus aucune information sur les affaires compensatoires. À l'avenir, le message sur l'armée ne sera plus soumis au Parlement que tous les quatre ans. Il présentera l'orientation générale de l'armée et le développement de ses capacités. Deux ans environ après ce rapport, un second message présentera les projets d'armement et les demandes de crédits d'engagement83. Il y a donc lieu de s'interroger quant à la manière d'informer l'Assemblée fédérale des affaires compensatoires à l'avenir.

Ni le Conseil fédéral ni le Parlement ne disposent actuellement d'informations sur lesquelles se fonder pour évaluer la contribution des affaires compensatoires au renforcement de la compétitivité des entreprises de la BTIS (cf. ch. 2.4.3). Il n'existe pas de document qui ferait le bilan des affaires compensatoires en tant qu'instrument de la politique d'armement de la Suisse84. Armasuisse prévoit de remettre chaque année un rapport sur la réalisation des objectifs stratégiques à la cheffe du DDPS. La commission estime qu'il serait pertinent que les commissions de gestion, compétentes en la matière, puissent-elles aussi prendre connaissance de ce rapport; une partie du rapport pourrait alors également être publiée.

La CdG-E considère que, dans les circonstances actuelles, le DDPS et le Conseil fédéral ne peuvent pas assumer pleinement leur fonction de surveillance, et le Parlement ses tâches de gestion budgétaire et de haute surveillance. Elle invite par conséquent le Conseil fédéral à créer un socle d'information adéquat.

Recommandation 10

Amélioration de la transparence envers l'extérieur

La CdG-E invite le Conseil fédéral à examiner dans quelle mesure la transparence des affaires compensatoires et l'information du public à leur sujet peuvent être améliorées. Il conviendrait en particulier d'envisager de publier d'autres informations, pour autant qu'elles ne menacent pas le secret d'affaires.

Elle invite en outre le Conseil fédéral à considérer une uniformisation de l'information concernant les affaires compensatoires dans le message sur l'armée et à lancer une réflexion sur l'amélioration du socle d'informations sur les affaires

82 83 84

Cf. ch. 6.1 Rapport du CPA.

Procès-verbal de la sous-commission DFAE/DDPS de la CdG-E du 25.2.2021.

Cf. ch. 6.1 Rapport du CPA.

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compensatoires (en particulier sur l'éventuelle intégration de données sur la contribution des affaires compensatoires au renforcement de la BTIS et d'un bilan des affaires compensatoires en tant qu'instrument de la politique d'armement de la Suisse). Cela permettra de garantir que le département, le Conseil fédéral, mais aussi l'Assemblée fédérale disposent d'une assise appropriée pour exercer leur surveillance.

Enfin, elle prie le Conseil fédéral de faire parvenir les résultats du futur rapport annuel relatif à la réalisation des objectifs stratégiques aux Commissions de gestion, compétentes en la matière, sous une forme appropriée pour qu'elles en prennent connaissance une fois qu'il aura été traité par la cheffe du DDPS.

2.5.3

Accès aux affaires compensatoires

Les associations faîtières sont impliquées dans le processus de controlling au travers de l'OBB et de l'organe de surveillance, ce que certains experts critiquent, craignant que les associations ne pèsent trop lourd et que cela menace l'indépendance du controlling, en particulier pour ce qui est des compensations indirectes. Comme indiqué plus haut, ni le CPA ni la commission n'ont jugé problématique la délégation de tâches de controlling aux associations faîtières (cf. ch. 2.4.3).

L'accès aux informations relatives aux affaires compensatoires pour les bénéficiaires suisses potentiels suscite des interrogations concernant l'indépendance. Lors des entretiens effectués par le CPA dans le cadre de son évaluation, nombre de bénéficiaires suisses ont en effet indiqué ne pas avoir eu de contacts avec l'administration fédérale ou avec l'OBB. D'autres ont exprimé leurs difficultés à obtenir les informations nécessaires à la concrétisation d'affaires compensatoires85.

Interrogé par la sous-commission compétente DFAE/DDPS de la CdG-E, le DDPS a affirmé que les fournisseurs étrangers qui ont pris des engagements de compensation choisissent eux-mêmes leurs partenaires, et qu'il incombait aux entreprises suisses de proposer leurs produits aux fournisseurs étrangers. Le DDPS a ajouté que le registre des affaires compensatoires indiquait quelles entreprises étrangères ont des engagements ouverts en matière d'affaires compensatoires86.

La commission s'est en revanche aperçue que l'organisation actuelle n'offrait pas à tous les bénéficiaires potentiels d'affaires compensatoires le même accès à l'information et aux interlocuteurs compétents. Avec l'OBB, qui est principalement chargé des compensations indirectes, les membres des associations faîtières (Swissmem, et GRPM, digitalswitzerland et Swissmechanic) sont privilégiés en matière d'information. Bien que l'OBB ait aussi pour mission de mettre en contact les fournisseurs

85 86

Cf. ch. 5.4 Rapport du CPA.

Lettre de la cheffe du DDPS à la sous-commission DFAE/DDPS de la CdG-E du 14.6.2021.

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étrangers et les bénéficiaires suisses potentiels, il paraît objectivement difficile de garantir un traitement égal pour toutes les parties87. Les obstacles semblent plus importants pour les petites et moyennes entreprises qui ne sont pas membres d'une association faîtière.

Aux yeux de la commission, il faut garantir que l'OBB remplisse son mandat d'intermédiaire, qui relève en quelque sorte du service public, et soit accessible à tous les acteurs concernés, et pas uniquement aux représentants des branches. La commission a raison de penser que la situation pourrait s'avérer difficile en particulier pour les petites et moyennes entreprises qui n'ont encore participé à aucune affaire compensatoire. L'OBB devrait les soutenir davantage, au moins durant la phase initiale.

D'après le rapport du CPA, certains experts estiment par ailleurs que les industries et technologies importantes pour la sécurité ont considérablement évolué au cours des dernières décennies et comptent une plus grande diversité d'industries que celles actuellement représentées dans les associations faîtières88. La sous-commission DFAE/DDPS de la CdG-E, compétente en la matière, a été informée que les associations Swissmechanic89 et digitalswitzerland90 rejoignaient désormais rejoindre ASIPRO. Les statuts de l'association permettent en effet également l'adhésion d'autres représentations de branches importantes91. La commission suggère qu'Armasuisse examine régulièrement, en collaboration avec ASIPRO, l'opportunité d'une adhésion pour d'autres associations ou pour des représentations d'institutions de recherche suisses d'un secteur économique donné. Actuellement, les institutions de recherche ne sont pas représentées.

À propos de l'accès aux informations, la commission se demande enfin si Armasuisse pourrait aussi éventuellement prévoir une publication officielle pour les acquisitions assorties de compensations, afin d'augmenter la portée de l'information92.

Recommandation 11

Garantir l'accès aux affaires compensatoires

La CdG-E invite le Conseil fédéral à réfléchir aux moyens de garantir l'accès aux affaires compensatoires à tous les fournisseurs qui font partie de la BTIS, qu'ils soient affiliés à une association professionnelle ou non, et indépendamment de la taille de l'entreprise concernée.

87 88 89 90 91 92

Procès-verbal de la sous-commission DFAE/DDPS de la CdG-E du 30.6.2021.

Cf. ch. 5.4 Rapport du CPA.

Swissmechanic est l'association patronale, professionnelle et sectorielle qui réunit les petites et moyennes entreprises de mécanique, d'équipement électrique et de métallurgie.

digitalswitzerland est l'association faîtière de la branche technologies de l'information et de la communication (TIC) en Suisse.

Procès-verbal de la sous-commission DFAE/DDPS de la CdG-E du 19.8.2021.

Procès-verbal de la sous-commission DFAE/DDPS de la CdG-E du 30.6.2021.

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Conclusions

La CdG-E constate que le DDPS, ou Armasuisse, ont déjà pris des mesures dans plusieurs domaines identifiés par le CPA dans son rapport comme nécessitant une intervention. Elle se félicite que le travail du CPA ait déclenché certains changements.

Dans la mesure du possible, la commission a repris dans le présent rapport les informations sur les nouveautés intervenues dans le processus des affaires compensatoires.

La CdG-E juge néanmoins que les modifications effectuées et prévues manquent quelque peu de cohérence du fait de la concomitance de plusieurs audits (audit externe du processus d'acquisition, évaluation du CPA et audit de la révision interne du DDPS), l'adoption de la nouvelle politique d'Armasuisse et la conclusion de la nouvelle convention Armasuisse-ASIPRO.

Sur la base du rapport du CPA et de ses propres travaux, la commission estime que les processus suivis par Armasuisse et l'OBB fonctionnent bien. Pris individuellement, les points à améliorer peuvent certes paraître mineurs; cumulés, ils représentent néanmoins des incertitudes à éliminer et des risques pour les acteurs chargés de la mise en oeuvre et pour d'autres parties prenantes.

Nombre de problèmes relevés sont révélateurs de l'absence d'un système élaboré et conséquent de gestion des processus et des connaissances. Comme mentionné plus haut, ces derniers mois, différentes mesures ont été prises pour combler ces lacunes.

Un effectif limité est affecté au controlling des affaires compensatoires, ce qui mérite d'être salué. Cette situation a toutefois pour conséquence que les procédures et les enjeux ne sont connus que d'un petit nombre de collaborateurs d'Armasuisse et de l'OBB. Ces personnes s'occupent d'un volume considérable d'affaires compensatoires, volume qui va sensiblement augmenter avec les acquisitions réalisées dans le cadre du programme Air2030. Les départs ou les absences, mais aussi une masse de travail accrue, représentent donc un certain risque. C'est pourquoi, pour mettre en oeuvre les présentes recommandations, la commission considère que l'objectif premier doit être de clarifier et d'éliminer les incertitudes mentionnées et d'entamer une réflexion sur la manière de pérenniser les savoir-faire.

Pour ce qui est de la base du controlling, Armasuisse et l'OBB dépendent des données des bénéficiaires suisses. Or,
faute de consignes claires pour la collecte des données et les contrôles étant limités (notamment pour des raisons d'effectifs), il n'est pas possible de garantir par exemple que la valeur ajoutée déclarée soit calculée selon une méthode homogène. De plus, il est impossible de tirer des conclusions sur le volume des exportations ou le positionnement de l'industrie suisse sur les marchés internationaux. Tandis que, dans d'autres pays, les affaires compensatoires sont de la responsabilité du ministère de l'économie, en Suisse, elles relèvent du DDPS, ce que la commission juge opportun. Elle se demande néanmoins s'il ne serait pas judicieux d'impliquer le SECO dans le traitement des questions relatives à la création de valeur en Suisse, aux volumes d'exportation et au positionnement des entreprises suisses sur les marchés internationaux. Un échange de ce type pourrait par exemple s'inscrire dans le cadre du Center of Excellence BTIS.

Il faudrait toutefois continuer de se concentrer sur le renforcement de la BTIS ou sur la satisfaction des besoins de l'armée en matière de technologies et de savoir-faire

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importants pour la sécurité. Dans son évaluation, le CPA a relevé une certaine prépondérance des aspects économiques par rapport aux objectifs de la politique de défense et de sécurité, ce que le DDPS ne conteste pas. Avec sa nouvelle politique en matière d'affaires compensatoires, Armasuisse entend mener une politique de compensation clairement axée sur la défense et la sécurité, ce qui n'était pas le cas auparavant. Avec la création du Center of Excellence BTIS et la focalisation accrue sur la BTIS, la commission espère que la nouvelle orientation portera ses fruits, et que, ainsi, les affaires compensatoires créeront des capacités industrielles et technologiques permettant de soutenir une armée opérationnelle.

La CdG-E invite le Conseil fédéral à prendre position sur les recommandations cidessus, ainsi que sur les constatations du CPA qui les sous-tendent, d'ici au 30 mai 2022 au plus tard, et à lui indiquer par quelles mesures et dans quel délai il entend mettre en oeuvre ses recommandations.

25 janvier 2022

Au nom de la Commission de gestion du Conseil des États: Le président, Matthias Michel La secrétaire, Beatrice Meli Andres Le président de la sous-commission DFAE/DDPS, Charles Juillard La secrétaire de la sous-commission DFAE/DDPS, Marija Stosic

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Abréviations Armasuisse

Office fédéral de l'armement

AMP

Accord révisé du 15.4.1994 sur les marchés publics (AMP; RS 0.632.231.422), entré en vigueur pour la Suisse le 1.1.2021

ASIPRO

Association for Swiss Industry Participation in Security and Defence Procurement Programs

BTIS

Base technologique et industrielle importante pour la sécurité de la Suisse

CdG

Commissions de gestion des Chambres fédérales

CdG-E

Commission de gestion du Conseil des États

CPA

Contrôle parlementaire de l'administration

Cst.

Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101)

DDPS

Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports

DFAE

Département fédéral des affaires étrangères

DSA LP

Système de défense sol-air de longue portée

FF

Feuille fédérale

GRPM

Groupe romand pour le matériel de défense et de sécurité

LAAM

Loi fédérale du 3.2.1995 sur l'armée et l'administration militaire (Loi sur l'armée, LAAM; RS 510.10)

LFMG

Loi fédérale du 13.12.1996 sur le matériel de guerre (LFMG; RS 514.51)

LMP

Loi fédérale du 21.6.2019 sur les marchés publics (LMP; RS 172.056.1)

NOGA

Nomenclature Générale des Activités économiques

OBB

Bureau des affaires compensatoires à Berne (Offset-Büro Bern)

OLOGA

Ordonnance sur l'organisation du gouvernement et de l'administration du 25 novembre 1998 (OLOGA; RS 172.010.1)

OMC

Organisation mondiale du commerce

SECO

Secrétariat d'Etat à l'économie

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