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Participation du Parlement dans le domaine du droit souple Rapport du Contrôle parlementaire de l'administration à l'intention des Commissions de politique extérieure du Conseil national et du Conseil des États du 1er décembre 2021

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Mots clés Droit souple Le droit souple («soft law») désigne, dans le domaine de la politique extérieure, des instruments juridiquement non contraignants ayant un certain caractère normatif, élaborés notamment au sein d'organisations internationales.

Les doigts d'une même main La responsabilité de la politique extérieure est exercée de manière imbriquée comme «les doigts d'une même main»: le Conseil fédéral est chargé de la conduite opérationnelle et l'Assemblée fédérale s'occupe des questions fondamentales et approuve les traités.

Instruments de participation du Parlement En plus des instruments généraux, le Parlement dispose de droits de participation spécifiques dans la politique extérieure qui concernent aussi le domaine du droit souple. Il s'agit notamment de droits à l'information et à la consultation.

Orientations principales Le Conseil fédéral doit consulter et informer les commissions parlementaires sur les «orientations principales» en matière de politique extérieure. Cette notion n'est pas équivalente dans les différentes versions linguistiques de la loi sur le Parlement.

Critère de l'importance Le critère de l'importance décrit le seuil à partir duquel le Conseil fédéral doit impliquer le Parlement en matière de politique extérieure.

L'administration fédérale doit ainsi qualifier l'importance des projets, y inclus de droit souple.

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L'essentiel en bref La manière dont le Parlement participe dans le domaine du droit souple n'est que partiellement opportune. Les droits du Parlement en la matière sont étendus en comparaison internationale, mais ils nécessitent d'être interprétés, et l'ordonnance limite dans les faits le champ de participation. La pratique de l'administration fédérale étant hétérogène, celle-ci a entrepris des démarches pour l'harmoniser. En outre, les compétences des commissions parlementaires ne sont pas claires.

Avec l'accord des Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG), les Commissions de politique extérieure (CPE) ont, en été 2020, chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) de procéder à une évaluation de la participation du Parlement dans le domaine du droit souple.

À sa séance du 10 novembre 2020, la sous-commission «Participation du Parlement dans le domaine de droit souple (soft law)» des CPE a décidé que l'évaluation devait porter sur la pratique de l'administration fédérale pour informer ou consulter le Parlement lors de projets de droit souple et se pencher également sur le cadre juridique en Suisse en comparaison avec d'autres pays.

Pour ce faire, le CPA a attribué un mandat externe pour la réalisation d'un avis de droit portant sur le cadre juridique suisse et la comparaison juridique internationale, se basant sur des rapports juridiques nationaux réalisés par l'Institut suisse de droit comparé (ISDC) sur mandat du CPA. Ce dernier a analysé la pratique suisse en s'appuyant sur cinq études de cas de projets de droit souple, dans lesquels la participation du Parlement a été examinée sur la base d'analyses de documents et d'entretiens. En outre, le CPA a mené des entretiens avec tous les départements et les secrétariats des commissions parlementaires concernées et a examiné les directives existantes. Les résultats les plus importants de l'analyse sont présentés ci-après.

Les droits de participation étendus du Parlement suisse reflètent la répartition des compétences en matière de politique extérieure (ch. 3.1) Selon la Constitution suisse, l'Assemblée fédérale et le Conseil fédéral exercent la responsabilité de la politique extérieure de manière imbriquée comme «les doigts d'une même main», ce qui confère au pouvoir législatif une position forte, unique en comparaison
internationale. Ces compétences prononcées du Parlement suisse se traduisent par des droits de participation plus étendus que dans les autres pays analysés (ch. 3.1).

La loi concrétise la participation parlementaire mais nécessite d'être interprétée, tandis que la disposition dans l'ordonnance est déficiente (ch. 3.2 et 3.3) La loi sur l'Assemblée fédérale (LParl) est opportune dans la mesure où elle concrétise les instruments et les procédures de participation du Parlement dans la politique extérieure, mais elle nécessite d'être interprétée (ch. 3.2). Par contre, l'article de l'ordonnance, précisant les objets pour lesquels le Conseil fédéral doit consulter le Parlement, est déficient à divers égards. D'une part, la précision a été apportée au niveau

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de l'ordonnance au lieu de la loi, ainsi que par le Conseil fédéral au lieu du Parlement. D'autre part, l'article n'est pas formulé de manière précise et il restreint le champ d'application de la loi, non pas sur le plan juridique, mais dans la pratique (ch. 3.3).

Les unités administratives sont concernées à des degrés divers par le droit souple et leur pratique est hétérogène et globalement peu systématique (ch. 4.1) Le CPA a compilé une liste des projets de droit souple traités par l'administration fédérale qui permet de constater que l'ensemble des départements sont concernés par le droit souple, mais à des degrés divers. De nombreuses unités administratives du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), le Secrétariat d'État aux questions financières internationales (SFI) et le Secrétariat d'État à l'économie (SECO) sont particulièrement touchés. En ce qui concerne l'approche pour déterminer si le Parlement doit être informé et consulté sur un projet, l'évaluation montre que la démarche n'est globalement pas systématique et qu'elle diffère: certains vérifient d'abord s'il s'agit d'un projet de droit souple avant d'examiner s'il est important et s'il faut donc impliquer le Parlement, tandis que d'autres se focalisent sur la question de l'importance, sans identifier en détail s'il s'agit de droit souple (ch. 4.1). La première approche n'est pas opportune car la participation du Parlement ne se limite pas au droit souple, mais il convient de clarifier la nature de l'activité de politique extérieure en question pour pouvoir définir le seuil d'importance pertinent et ainsi déterminer la participation du Parlement (ch. 3.2).

Les procédures relatives au droit souple posant problème, un aide-mémoire bienvenu est en train d'être élaboré (ch. 4.2 et 4.3) Compte tenu des formes variées et évolutives des projets de droit souple et de leur processus de création, la définition du droit souple dans le rapport du Conseil fédéral et les explications fournies pour l'identifier permettent de guider la pratique, mais ne sont pas suffisamment claires et précises pour dégager un jugement univoque (ch. 4.2). En raison de l'application incohérente des procédures relatives au droit souple, le DFAE a mis en place de manière proactive un groupe de travail sur le droit souple qui a permis la sensibilisation des
départements à la thématique et l'élaboration d'un aide-mémoire sur le droit souple. Représentant un outil bienvenu pour guider la pratique, la version actuelle de cet aide-mémoire ne reflète toutefois pas le champ complet de participation du Parlement (ch. 4.3).

Les compétences des commissions parlementaires en matière de participation ne sont pas claires (ch. 3.4 et 5.2) Les «commissions compétentes en matière de politique extérieure», qui ont le rôle principal dans la participation à la politique extérieure selon la LParl, sont les CPE, même si la loi ne l'indique pas explicitement (ch. 3.4). L'analyse de la pratique met en exergue que les unités administratives ne savent pas toujours quelle commission parlementaire impliquer. D'autres commissions que les CPE sont régulièrement informées ou consultées par l'administration fédérale, même sans demande spécifique.

Dans ce contexte, l'information ou la consultation obligatoire des CPE n'amène qu'une plus-value limitée dans certains cas. Par ailleurs, la transmission des informations pertinentes aux autres commissions compétentes par les CPE ne s'effectue 4 / 74

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pas de manière systématique, en raison de la masse d'information à traiter et des règles d'accès aux documents (ch. 5.2).

L'information et la consultation du Parlement sont complémentaires, mais ne peuvent pas toujours être utilisées de manière effective (ch. 5.1 et 5.3) En principe, l'information, en tant que communication unidirectionnelle, et la consultation, en tant que communication bidirectionnelle, entre l'exécutif et le législatif, sont complémentaires. Toutefois, les analyses du CPA montrent que, dans la pratique, il n'est pas évident pour certains départements de choisir laquelle adopter et à quel moment. L'administration fédérale utilise différentes listes pour informer les commissions parlementaires des événements importants en politique extérieure, ce qui permet à ces dernières de disposer régulièrement d'une vue d'ensemble, même si le contenu et la forme de ces listes ne sont pas optimaux. En ce qui concerne la consultation, la position du Conseil fédéral n'est pas toujours suffisamment étayée dans les documents pour permettre aux commissions une prise de position éclairée (ch. 5.1). En outre, la loi exige une implication précoce du Parlement, mais il est difficile pour l'administration fédérale de trouver le moment opportun, en raison du caractère évolutif du droit souple, ainsi que du calendrier des commissions parlementaires et des organisations internationales ou organes multilatéraux. Depuis le cas du Pacte mondial sur les migrations, des efforts ont été consentis par l'administration fédérale pour effectuer une consultation pendant que l'instrument de droit souple peut encore être façonné (ch. 5.3).

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Table des matières Mots clés

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L'essentiel en bref

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Introduction 1.1 Contexte et questions d'évaluation 1.2 Méthodologie 1.3 Structure du rapport

8 8 9 11

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Participation du Parlement dans le domaine du droit souple 2.1 Définition du droit souple 2.2 Composantes de la participation du Parlement dans le domaine du droit souple 2.2.1 Cadre juridique 2.2.2 Qualification de l'importance 2.2.3 Interaction avec le Parlement

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Cadre juridique 3.1 Les droits de participation du Parlement, étendus en comparaison internationale, reflètent la répartition des compétences en matière de politique extérieure 3.1.1 Répartition des compétences en matière de politique extérieure en comparaison internationale 3.1.2 Droits de participation du Parlement en comparaison internationale 3.2 Les objets et seuils relatifs à la participation parlementaire inscrits dans la LParl sont applicables au droit souple, mais sont sujets à interprétation 3.2.1 Objets de la participation 3.2.2 Seuils de participation 3.2.3 Modalités de la participation 3.3 L'art. 5b OLOGA est déficient à divers égards 3.3.1 Niveau normatif de l'art. 5b OLOGA 3.3.2 Auteur de l'art. 5b OLOGA 3.3.3 Champ d'application de l'art. 5b OLOGA 3.3.4 Formulation de l'art. 5b OLOGA 3.4 Les organes de la participation ne sont pas clairement définis dans les bases légales

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3

4

Qualification de l'importance des projets de droit souple par l'administration fédérale 4.1 Les unités administratives approchent la qualification des projets de manière différente et peu systématique 4.1.1 Pratique au sein du DFAE 4.1.2 Pratique au sein du DFF

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4.2 4.3 5

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4.1.3 Pratique au sein du DEFR 4.1.4 Pratique au sein des autres départements L'identification du droit souple n'est pas univoque dans la pratique L'aide-mémoire est bienvenu pour homogénéiser la pratique mais ne reflète pas le champ complet de participation du Parlement

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Interaction avec le Parlement 5.1 Les démarches d'information et de consultation sont complémentaires, mais leur application n'est pas toujours claire dans la pratique 5.1.1 Démarches d'information 5.1.2 Démarches de consultation 5.2 La répartition des compétences des commissions parlementaires en matière de politique extérieure est floue 5.3 Le Parlement peut participer, mais pas toujours de manière effective

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Conclusions 6.1 Les droits de participation étendus du Parlement suisse reflètent la répartition de compétences en politique extérieure (ch. 3.1) 6.2 L'art. 152 LParl concrétise les instruments de participation mais nécessite d'être interprété, tandis que l'art. 5b OLOGA est déficient (ch. 3.2 et 3.3) 6.3 Les approches de l'administration fédérale pour qualifier l'importance des projets diffèrent et sont globalement peu systématiques (ch. 4.1) 6.4 Les procédures relatives au droit souple posant problème, un aidemémoire bienvenu est en train d'être élaboré (ch. 4.2 et 4.3) 6.5 Les compétences des commissions parlementaires en matière de participation ne sont pas claires (ch. 3.4 et 5.2) 6.6 L'information et la consultation du Parlement sont complémentaires, mais ne peuvent pas toujours être utilisées de manière effective (ch. 5.1 et 5.3)

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Abréviations

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Bibliographie et liste des documents

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Liste des personnes interrogées

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Approche de l'évaluation

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Critères d'évaluation

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Études de cas

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Impressum

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Rapport 1

Introduction

1.1

Contexte et questions d'évaluation

Dans le domaine des relations internationales, le recours aux instruments de droit souple («soft law») a considérablement augmenté. Les dispositions de droit souple, juridiquement non contraignantes, sont parfois la seule possibilité de parvenir à des ententes consensuelles au niveau international. Comparées aux traités internationaux, leur plus grande souplesse permet également de s'adapter à une grande diversité d'acteurs internationaux et d'être adoptées plus facilement. En Suisse, la loi sur l'Assemblée fédérale (Loi sur le Parlement, LParl)1 prescrit l'obligation d'informer et de consulter les commissions compétentes en matière de politique extérieure notamment sur les orientations principales de ladite politique, y compris le droit souple. Le Conseil fédéral a précisé cette notion d'orientations principales en 2016 dans l'ordonnance sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (OLOGA)2. Néanmoins le Parlement a relevé le manque de participation dans le domaine du droit souple à différentes reprises ces dernières années. En réponse à un postulat, le Conseil fédéral a plaidé en faveur d'une amélioration de l'information fournie au Parlement et d'un échange plus intensif entre les pouvoirs exécutif et législatif dans le domaine du droit souple, sans indiquer la nécessité d'une modification législative 3.

Dans ce contexte, les Commissions de politique extérieure du Conseil national et du Conseil des États (CPE-N et CPE-E) ont constitué une sous-commission «Participation du Parlement dans le domaine du droit souple (soft law)». Sur demande de cette dernière, elles ont décidé, lors de leurs séances respectives des 30 juin et 14 août 2020, de demander aux Commissions de gestion (CdG) de charger le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) de réaliser une évaluation de la participation du Parlement dans le domaine du droit souple. Lors de leurs séances respectives des 25 août et 4 septembre 2020, les CdG ont accepté cette demande, tout en soulignant que le CPA devrait accorder la priorité aux évaluations liées à la crise du coronavirus. En se fondant sur une esquisse de projet du CPA, la sous-commission «soft law» des CPE a décidé, le 10 novembre 2020, de l'orientation de l'évaluation. Celle-ci répond aux questions suivantes, qui font chacune l'objet d'une réponse dans un chapitre spécifique: ­

1 2 3

Sur le plan juridique, la participation du Parlement dans le domaine du droit souple est-elle étendue, en comparaison internationale, et régie de manière opportune? (chap. 3)

Loi fédérale du 13.12.2002 sur l'Assemblée fédérale (Loi sur le Parlement, LParl; RS 171.10) Ordonnance fédérale du 25.11.1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (OLOGA; RS 172.010.1) Consultation et participation du Parlement dans le domaine du droit souple («soft law»), rapport du Conseil fédéral du 26.6.2019 en réponse au postulat 18.4104, CPE-E, 12.11.2018.

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L'administration fédérale qualifie-t-elle les projets de droit souple de manière opportune et systématique? (chap. 4)

­

La participation des commissions parlementaires est-elle opportune?

(chap. 5)

Lors de sa séance, la sous-commission «soft law» avait également retenu l'option complémentaire, visant à approfondir l'analyse de la pratique suisse en s'intéressant à des instruments de droit souple couvrant tous les départements et en tenant davantage compte des différents canaux d'échange entre l'exécutif et le législatif. Le CPA ne disposant pas de ressources suffisantes, en plus de celles nécessaires pour mener les évaluations liées à la crise du coronavirus, celle-ci n'a pas été réalisée.

1.2

Méthodologie

Afin de répondre aux questions d'évaluation, le CPA a examiné la participation du Parlement dans le domaine du droit souple à travers plusieurs méthodes de collecte et d'analyse des données, présentées dans le tableau 1. L'annexe 1 en fin de rapport schématise l'approche de l'évaluation, tandis que l'annexe 2 détaille les critères d'appréciation sur lesquels s'est basé le CPA.

Aperçu méthodologique

Entretiens



Analyse documentaire

3

Étendue et opportunité du cadre juridique Opportunité et systématisme de la qualification de l'importance des projets de droit souple Opportunité de la participation des commissions parlementaires

Études de cas

1 2

Mandats externes

Question Problématique

Tableau 1

()


()










Légende: contribution principale, () contribution secondaire

Le CPA a mandaté Anna Petrig (Prof. Dr. iur.) et Mareike Sinz (Ref. iur.) afin de réaliser un avis de droit portant sur le cadre juridique régissant la participation du Parlement dans le domaine du droit souple en Suisse ainsi que sur une comparaison du cadre juridique suisse avec celui d'autres pays4. Pour cette comparaison juridique internationale, l'Institut suisse de droit comparé (ISDC) a, sur mandat du CPA, préparé des rapports juridiques des pays dans lesquels le parlement a la position la plus forte possible vis-à-vis du gouvernement, de sorte que des droits de participation étendus soient aussi probables que possible. Ont été élaborés des rapports pour la Finlande,

4

Petrig, Anna et Sinz, Mareike (2021): Rechtsgutachten zum Thema «Mitwirkung des Parlaments im Bereich von Soft Law», 29.11.2021, im Auftrag der PVK, Basel.

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l'Italie, la Belgique et la Norvège5. Dans la comparaison juridique internationale, les résultats ont ensuite été intégrés au présent rapport avec ceux d'une étude d'une des auteurs de l'avis de droit concernant l'Allemagne et la France6.

Des études de cas ont été réalisées pour approfondir l'analyse de la pratique de l'administration fédérale dans le processus de développement d'un projet de droit souple, de son élaboration au sein d'une organisation internationale ou d'un organe multilatéral, jusqu'à l'éventuelle participation du Parlement. Pour sélectionner les projets de droit souple qui feraient l'objet d'études de cas, le CPA a, dans un premier temps, dressé une liste des projets de droit souple traités par l'administration depuis l'entrée en vigueur de l'art. 5b OLOGA le 1er août 20167, sur la base de diverses sources8.

Cette liste a été ensuite complétée par les secrétariats des neuf commissions thématiques et l'administration fédérale via la Direction du droit international public (DDIP) du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). L'administration fédérale a également supprimé quelques projets répertoriés par le CPA sur la base des listes de l'administration fédérale parce qu'ils ne remplissaient finalement pas les critères établis9.

Basé sur un certain nombre de critères, le CPA a, dans un second temps, présélectionné 3 projets typiques pour les études de cas. Le 3 mars 2021, la sous-commission «soft law» a également pu sélectionner un cas politiquement important et un cas limite, dont le caractère de droit souple était incertain. Au final, les cinq cas suivants ont été sélectionnés pour les études de cas: la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans (United Nations Declaration on the Rights of Peasants and Other People Working in Rural Areas, UNDROP), le Pacte de l'Organisation des Nations Unies (ONU) sur les migrations, les révisions du modèle de convention fiscale de

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Les critères de sélection concernaient l'importance du pouvoir législatif par rapport au pouvoir exécutif dans le système politique, la nécessité du consensus au sein du gouvernement et le rôle du Parlement dans la ratification des traités internationaux. La Finlande, l'Italie, la Belgique, la Norvège et le Danemark ont été identifiés comme des pays où la position institutionnelle du Parlement est comparativement forte. Le CPA a retenu pour la comparaison internationale les quatre premiers pays.

Sinz, Mareike (2022): Internationales Soft Law und Fragen nach parlamentarischer Zustimmung: Eine Betrachtung im Rahmen eines deutsch-französisch-schweizerischen Rechtsvergleichs. Zürich: Schultess Verlag (sous presse).

Cela inclut également les projets qui avaient déjà commencé avant cette date mais qui s'étendent sur la période examinée.

L'annexe 1 (exemples illustratifs) du rapport du Conseil fédéral du 26.6.2019 en réponse au postulat 18.4104, les rapports annuels sur la politique extérieure, les listes d'information trimestrielles sur les actualités de politique étrangère transmis aux CPE et les interventions parlementaires.

Des projets de droit souple supplémentaires traités par le Département fédéral de l'Intérieur (DFI) ont été transmis au CPA le 17.3.2021, après la sélection des cas. Une liste détaillée des projets de droit souple dans le cadre du Conseil de l'Europe et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) n'a également été envoyée au CPA qu'ultérieurement.

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l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), le projet d'imposition de l'économie numérique du Groupe des vingt (G20) et de l'OCDE10 et les déclarations et résolutions du Conseil des ministres chargés des affaires spatiales des États membres de l'Agence spatiale européenne (ESA). L'annexe 3 présente brièvement les informations contextuelles et la chronologie pour chacune des cinq études de cas. Celles-ci ont consisté à conduire une analyse fouillée, à la fois en évaluant les documents administratifs existants et en menant, dès mai 2021, des entretiens avec les unités administratives responsables respectives.

En ce qui concerne l'analyse documentaire, le CPA s'est concentré sur les règlements, directives et autres documents internes utilisés par l'administration fédérale dans le cadre de la participation du Parlement dans le domaine du droit souple. Afin de compléter cette analyse, les secrétariats des commissions parlementaires concernées ont également transmis des documents pertinents au CPA, auquel l'accès aux procès-verbaux et autres documents internes relatifs à l'élaboration de l'art. 5b OLOGA a été accordé.

Afin de mettre en évidence la pratique de qualification de l'importance des projets de droit souple et de participation du Parlement, le CPA a procédé à des entretiens avec l'ensemble des départements entre juin et août 2021, et notamment avec les membres du groupe de travail «soft law» mis sur pied par l'administration. Des entretiens ont également été conduits avec les secrétariats des CPE, des Commissions de l'économie et des redevances (CER) et des Commissions des institutions politiques (CIP), identifiées comme les plus concernées par le droit souple. La liste des personnes rencontrées, y compris dans le cadre des études de cas, se trouve en fin de rapport.

Au terme de la collecte et de l'analyse des données en août 2021, le CPA a discuté des principaux résultats provisoires avec la direction de la DDIP. Les départements ont par ailleurs été invités à se prononcer sur le projet de rapport et d'avis de droit entre septembre et octobre 2021.

1.3

Structure du rapport

Après cette présentation du contexte, des questions et de la méthodologie de l'évaluation, le chapitre 2 présente brièvement la définition du droit souple ainsi que les différentes composantes relatives à la participation du Parlement dans le domaine du droit souple, telles que les bases légales, la qualification de l'importance par l'administration fédérale et l'interaction avec le Parlement. Suite à cela, chacun des trois chapitres suivants répond à l'une des trois questions de l'évaluation: le cadre juridique fait l'objet du chapitre 3, le chapitre 4 traite de la qualification de l'importance des 10

Dans le cas du projet d'imposition de l'économie numérique, le CPA avait supposé que l'administration l'avait supprimé de la liste et qu'il s'agissait donc d'un cas limite. Il s'est avéré par la suite qu'il s'agissait d'un malentendu: l'administration avait changé le titre et corrigé l'entrée à divers égards de sorte que le CPA ne l'a pas reconnu. En parallèle, des éclaircissements supplémentaires ont montré que les déclarations et résolutions de l'ESA constituaient un cas limite. Les cas choisis par la sous-commission réunissaient donc tout de même les critères de sélection, ce dont le CPA a informé les présidents de la sous-commission «soft law» et la DDIP en mars 2021.

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projets de droit souple par l'administration fédérale et le chapitre 5 développe la question de l'interaction avec le Parlement. Les conclusions sont abordées dans le chapitre 6.

2

Participation du Parlement dans le domaine du droit souple

Ce chapitre présente brièvement le débat autour du sujet puis approfondit la définition du droit souple et les différentes composantes de la participation du Parlement dans le domaine du droit souple.

Le manque de participation du Parlement a été critiqué à différentes reprises ces dernières années. En 2014, des initiatives parlementaires ont demandé des modifications législatives pour mieux associer le Parlement dans le domaine du droit souple11. En février 2016, la Commission de politique extérieure du Conseil des États (CPE-E) a décidé de suspendre les délibérations sur les initiatives parlementaires en cours et de demander un rapport au Conseil fédéral. Ce dernier a proposé d'élargir la participation du Parlement en précisant la notion d'orientations principales ­ pour lesquelles l'art. 152, al. 3, LParl prévoit la consultation des commissions parlementaires compétentes en matière de politique extérieure ­ sous la forme d'une directive du Conseil fédéral, de créer une délégation parlementaire pour les questions relatives à l'OCDE et de fournir des listes des principales actualités de politique extérieure. La CPE-E a accédé à ces propositions, mais a exprimé le souhait que la précision de la notion d'orientations principales se fasse dans une ordonnance. En contrepartie à l'abandon des initiatives parlementaires, le Conseil fédéral a consulté la CPE-E sur le projet d'une modification de l'OLOGA.

En dépit de l'entrée en vigueur le 1er août 2016 de la nouvelle disposition dans l'ordonnance (art. 5b OLOGA), le débat parlementaire a repris fin 2018 à l'occasion de l'examen du Pacte de l'ONU sur les migrations12. Subséquemment, la CPE-E a déposé un postulat, dans lequel elle chargeait le Conseil fédéral de présenter un rapport sur le rôle croissant du droit souple et sur les conséquences de cette évolution pour la Suisse, ainsi que d'indiquer les modifications législatives à éventuellement apporter concernant la consultation et la participation du Parlement dans le domaine du droit

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Iv. pa. Aeschi «Recommandations et décisions de l'OCDE et de ses organismes spécialisés. Obligation d'informer et de consulter la commission législative compétente» du 20.6.2014 (14.433); Iv. pa. Romano «Sauvegarder les compétences du Parlement en matière de politique étrangère et de législation» du 12.12.2014 (14.474).

Po. Commission de politique extérieure CE, «Consultation et participation du Parlement dans le domaine du droit souple («soft law»)» du 12.11.2018 (18.4104); Interpellation Groupe PDC, «Participation du Parlement aux décisions portant sur du droit souple.

Absence de ligne claire du Conseil fédéral» du 28.11.2018 (18.4112); Mo. Romano, «Pour une politique étrangère consensuelle. Développer le droit souple en concertation avec le Parlement» du 29.11.2018 (18.4113); Mo. Minder, «Garantir la légitimité démocratique en Suisse des accords importants de l'ONU» du 29.11.2018 (18.4130); Iv. pa. Groupe de l'Union démocratique du Centre, «Approbation du droit non contraignant par l'Assemblée fédérale» du 29.11.2018 (18.466); Interpellation Béglé, «Soft law.

Une interprétation dynamique» du 14.12.2018 (18.4388).

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souple13. Dans son rapport en réponse au postulat, le Conseil fédéral a proposé des options pour améliorer le traitement du droit souple qui ne touchent pas à la législation et, de surcroît, a défini sa conception du droit souple14.

2.1

Définition du droit souple

Partant du constat qu'il existe des formes très variées du droit souple, mais qu'aucune définition claire ne fait consensus, le Conseil fédéral a convenu, dans son rapport en réponse au postulat de la CPE-E, que seule une description négative peut en être faite: le droit souple, en tant qu'un instrument d'organisation des relations internationales, est constitué de règles de conduite qui se distinguent des déclarations d'intention purement politiques car elles présentent un certain degré de normativité («law»). Ces règles, exprimant une volonté commune, ne relèvent toutefois pas du droit international public et n'ont pas de force juridique contraignante («soft»)15. Au-delà de ces critères, il est possible de distinguer notamment deux conceptions qui incluent des projets différents sous la dénomination de droit souple: la première reconnaît aux instruments d'une organisation internationale, aux instruments d'un organe multilatéral ou aux instruments ad hoc la qualité de droit souple, la deuxième inclut également les standards techniques ou bonnes pratiques et les instruments entre privés 16. Dans son rapport de postulat, le Conseil fédéral s'est prononcé en faveur d'une conception du droit souple incluant les instruments réglant les relations entre États ou entre États et privés, mais excluant les relations entre privés17.

Dans l'avis de droit réalisé dans le cadre de cette évaluation, la définition du droit souple a été davantage élaborée spécifiquement dans l'optique de la participation du Parlement. Le droit souple se caractérise, selon l'avis de droit, par les quatre critères cumulatifs suivants18:

13 14 15 16 17 18

­

Rattachement à aucune source de droit international: un instrument de droit souple ne peut être attribué à aucune source de droit international, tels que les traités internationaux, les actes juridiques unilatéraux ou les actes unilatéraux directement contraignants d'organisations internationales.

­

Contenu général et abstrait: comme l'exprime le mot «droit», seuls les instruments au contenu général et abstrait relèvent de la notion de droit souple.

Il s'agit donc des instruments qui régissent une variété indéterminée de personnes et de faits. En revanche, les actes de nature individuelle et concrète (tels que ceux émis dans le cadre de l'application du droit) ne sont pas qualifiés de droit souple. Les instruments de droit souple ont donc un contenu «réglementaire» ou «normatif».

Po. Commission de politique extérieure CE, «Consultation et participation du Parlement dans le domaine du droit souple («soft law»)» du 12.11.2018 (18.4104).

Conseil fédéral (2019): Rapport du 26.6.2019. p. 5.

Conseil fédéral (2019): Rapport du 26.6.2019, p. 5.

DFAE (2020): Droit souple, 11.8.2020, p. 1.

Conseil fédéral (2019): Rapport du 26.6.2019, p. 6.

Avis de droit, partie 1/II.A.

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­

Force normative: un instrument de droit souple doit avoir une certaine force normative, soit une certaine «volonté de façonner». En d'autres termes, les normes matérielles d'un instrument doivent guider le comportement des destinataires et restreindre ainsi leur liberté. Les normes institutionnelles ou procédurales d'un instrument (par exemple les mécanismes de contrôle) peuvent renforcer l'effet normatif et faire preuve d'une «volonté d'imposer». La force normative est un critère graduel qui correspond au premier critère de la définition du Conseil fédéral.

­

Participation de l'État à la création ou «appropriation» ultérieure par l'État: un instrument de droit souple requiert la participation de l'État, soit directement dans sa création ou son adoption, soit indirectement dans son «appropriation» ultérieure, qui peut prendre différentes formes. Cela leur confère une légitimité et une autorité. Ce critère est préférable à la proposition du Conseil fédéral d'exclure les normes des acteurs privés ou non étatiques du droit souple, notamment parce qu'en droit international, la distinction entre «public» et «privé» n'est pas évidente.

La présence de ces quatre caractéristiques ne signifie pas nécessairement que le Parlement doit participer au développement d'un projet de droit souple. Il existe plutôt certains seuils de participation du Parlement qui sont évalués dans le cadre de la qualification de l'importance d'un projet, comme cela est expliqué plus en détail ci-après.

2.2

Composantes de la participation du Parlement dans le domaine du droit souple

La participation du Parlement est déterminée à travers plusieurs composantes, représentées dans le schéma d'analyse ci-dessous (Figure 1). Elles font chacune l'objet de l'un des sous-chapitres qui suit.

Schéma d'analyse de la participation du Parlement dans le domaine du droit souple Figure 1

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2.2.1

Cadre juridique

La législation suisse ne mentionne pas explicitement le droit souple; la participation du Parlement dans ce domaine est régie par des dispositions concernant la participation du législatif dans la politique extérieure en général. Selon la Constitution19, l'Assemblée fédérale et le Conseil fédéral exercent la responsabilité de la politique extérieure de manière conjointe et imbriquée comme «les doigts d'une même main»20.

Ceci est exprimé par deux articles, qui se complètent: l'art. 184, al. 1, Cst. confie au Conseil fédéral la tâche de traiter les affaires étrangères, en partant du principe que les droits de participation de l'Assemblée fédérale sont préservés; en revanche, l'art. 166, al. 1, Cst. précise que l'Assemblée fédérale participe à l'élaboration de la politique extérieure21. Comme précisé à l'art. 24, al. 1, LParl, le Parlement participe notamment au processus de décision relatif aux questions importantes en matière de politique extérieure22.

L'art. 152 LParl concrétise les instruments et les procédures de participation du Parlement dans la politique extérieure. Les commissions compétentes en matière de politique extérieure et le Conseil fédéral procèdent régulièrement à des échanges de vues (al. 1). Le Conseil fédéral doit informer des développements importants, de façon régulière, rapide et complète, les collèges présidentiels des deux conseils et les commissions compétentes en matière de politique extérieure, ces dernières devant transmettre ces informations aux éventuelles autres commissions compétentes (al. 2). Le Conseil fédéral est également tenu de consulter les commissions compétentes en matière de politique extérieure sur les lignes directrices lors de négociations internationales importantes et de les informer de l'avancement de celles-ci, ainsi que de les consulter sur les «orientations principales» de la politique extérieure et de les informer de l'état d'avancement des travaux (al. 3). Le Conseil fédéral consulte les présidents des commissions compétentes en matière de politique extérieure dans les cas urgents (al. 4), et ces dernières, tout comme d'autres commissions compétentes, peuvent demander au Conseil fédéral qu'il les informe ou les consulte (al. 5)23. Selon la littérature juridique et la documentation relative à la genèse de l'art. 152 LParl, il ressort que les
«orientations principales» à l'al. 3 recouvrent aussi le droit souple24.

Cette notion d'«orientations principales» est concrétisée à l'art. 5b OLOGA25: selon l'al. 1, les commissions compétentes en matière de politique extérieure doivent notamment être consultées lorsqu'il est question de recommandations ou de décisions 19 20 21 22 23

24

25

Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18.4.1999 (Cst.; RS 101) Message du 20.11.1996 relatif à une nouvelle constitution fédérale (FF 1997 I 1) Avis de droit, partie 1/III.A.1.

Avis de droit, partie 1/III.B.1.

L'art. 152 LParl stipule encore que le Conseil fédéral consulte les commissions compétentes avant d'appliquer à titre provisoire ou de procéder à la dénonciation urgente d'un traité international (al. 3bis) et d'y renoncer si les commissions compétentes des deux conseils s'y opposent (al. 3ter).

Rapport de la CIP-N du 1.3.2001 sur l'Initiative parlementaire Loi sur le Parlement (FF 2001 3298, p. 3438); Tripet Cordier, Florent (2014): Art. 152. In: Graf, Martin / Theler, Cornelia / von Wyss, Moritz: Parlamentsrecht und Parlamentspraxis der Schweizerischen Bundesversammlung. Kommentar zum Parlamentsgesetz (ParlG) vom 13.12.2002, p. 1044.

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d'organisations internationales ou d'organes multilatéraux dont la mise en oeuvre nécessite l'adoption ou la modification importante d'une loi fédérale (let. a), ou lorsque la renonciation à la mise en oeuvre de telles recommandations ou décisions expose la Suisse à des préjudices économiques importants, à des sanctions, à l'isolement ou à une atteinte de sa réputation politique ou est susceptible d'entraîner d'autres restrictions graves pour elle (let. b). Selon l'al. 2, les consultations sont menées sur la base d'un projet de mandat du Conseil fédéral ou, en cas de consultations urgentes, sur des positions provisoires de négociation.

2.2.2

Qualification de l'importance

En matière de politique extérieure, l'unité administrative responsable au sein de l'administration fédérale doit, après l'annonce d'un projet, qualifier son importance pour déterminer la manière dont le Parlement doit être impliqué dans son élaboration. Ce triage des projets inclut également le droit souple, la loi ne faisant aucune distinction entre des projets contraignants en droit international, des projets de droit souple ou d'autres objets tels que des lignes directrices pour la politique extérieure. Bien que le rapport de postulat du Conseil fédéral décrive que le triage basé sur le «critère de l'importance» présente des difficultés dans son application pratique26, le Conseil fédéral est d'avis qu'il est préférable de poursuivre le triage effectué actuellement selon le critère de l'importance27. Sur demande de la sous-commission «soft law», l'administration fédérale a présenté d'autres options pour améliorer les processus internes concernant la participation du Parlement dans le domaine du droit souple28.

Dans ce contexte, le DFAE (DDIP) a mis sur pied en juillet 2020 un groupe de travail avec des représentants des départements fédéraux et de la Chancellerie fédérale pour assurer la coordination des travaux de l'administration29. À l'initiative du DFAE et sur proposition de la DDIP, la Conférence des Secrétaires généraux (CSG) a décidé en janvier 2021, d'une part, que les Secrétariats généraux étaient chargés de sensibiliser les offices de leur département au mandat d'évaluation du CPA en cours et à l'importance que les règles existantes sur le droit souple soient appliquées de manière cohérente par les différents départements fédéraux. Elle a décrété, d'autre part, que le groupe de travail dirigé par la DDIP était chargé de coordonner les réponses des départements au CPA et de développer des propositions visant une application plus cohérente des procédures relatives au droit souple au sein de l'administration fédérale30.

26

27 28

29 30

«1. Le droit international public ne disposant pas d'une définition claire du droit souple, il n'est pas possible d'établir clairement tout ce qui relève du droit souple ni de procéder à une catégorisation. (...) 2. L'appréciation de l'importance peut ne pas être la même en politique extérieure qu'en politique intérieure. (...) 3. Différence dans la forme et le contenu.

(...) 4. La question de savoir si un projet remplit le critère de l'importance peut évoluer au fil du temps». Conseil fédéral (2019): Rapport du 26.6.2019, pp. 15­16.

Conseil fédéral (2019): Rapport du 26.6.2019, p. 15.

Une association du Parlement «organisationnelle», «thématique» ou basée sur un «système d'évaluation». DFAE (2019): Travaux de suivi du postulat 18.4104 de la CPE-E, 29.10.2019.

Note d'information du DFAE au Conseil fédéral du 29.7.2020.

Note d'information du DFAE au Conseil fédéral du 26.1.2021.

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Dans le cadre de son mandat, le groupe de travail interdépartemental sur le droit souple a notamment développé un projet d'«Aide-mémoire sur le droit souple («Soft Law»)»31. Rappelant la volonté du Conseil fédéral d'inclure davantage le Parlement dans le développement du droit souple dans le cadre des bases légales en vigueur, ce document de synthèse fait office de guide pratique sur le droit souple pour l'administration. Il fractionne les processus de développement d'un projet de droit souple en diverses phases et répond en parallèle aux questions relatives à la participation du Parlement dans le domaine du droit souple à se poser pour l'administration 32. Cet aide-mémoire sur le droit souple propose par ailleurs une liste d'exemples illustratifs d'instruments de droit souple pertinents pour la Suisse.

2.2.3

Interaction avec le Parlement

En matière de politique extérieure, si un projet, y compris de droit souple, est qualifié d'important, il est alors question de la participation du Parlement et de l'interaction effective entre l'administration fédérale et les organes parlementaires, ainsi qu'entre les différents organes parlementaires. À ce propos, le Parlement dispose d'instruments de participation spécifiques à la politique extérieure 33. Dans le cas du droit souple, l'information et la consultation sur les «orientations principales» selon l'art. 152 LParl sont au premier plan (ch. 3.2). Pour respecter son obligation d'informer les commissions compétentes en matière de politique extérieure, le Conseil fédéral a notamment mis sur pied des listes d'information des actualités importantes survenues dans le domaine de la politique extérieure fournies chaque trimestre aux CPE. Ces dernières sont tenues d'informer les autres commissions parlementaires. Le Conseil fédéral doit également consulter les commissions compétentes en matière de politique extérieure sur les «orientations principales». Enfin, toute commission peut demander au Conseil fédéral qu'il l'informe ou la consulte.

En plus des droits de participation spécifiques à la politique extérieure, le Parlement dispose d'instruments généraux de participation parlementaire, tels que les droits des députés d'obtenir des informations et de déposer des demandes par le biais des inter-

31

32

33

DDIP: «Aide-mémoire sur le droit souple («Soft Law»)», projet transmis au CPA le 5.8.2021. Au stade de la présente évaluation (état au 15.9.2021), ce document n'a pas encore été validé par le CSG.

1. Qu'est-ce que le droit souple?; 2. Est-ce qu'un mandat est nécessaire pour négocier du droit souple et quelle instance doit approuver l'instrument du droit souple ?; 3. Comment est-ce que le Parlement doit être associé ?; 4. Comment les cantons doivent être associés ?

Tripet, Florent M. (2012): Ein Instrument der parlamentarischen Mitwirkung im Bereich der schweizerischen Aussenpolitik. Die Information und Konsultation gemäss Art. 152 Parlamentsgesetz, Cahier de l'IDHEAP 270/2012, p. 14; Avis de droit, partie 1/IV und V; Lanz, Matthias (2020): Bundesversammlung und Aussenpolitik. Möglichkeiten und Grenzen parlamentarischer Mitwirkung. Zürich/St. Gallen: Dike Verlag AG, p. 224.

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ventions parlementaires. L'Assemblée fédérale participe également par le biais de délégations auprès des assemblées parlementaires internationales34 et entretient des relations suivies avec les parlements étrangers (art. 24, al. 4, LParl).

3

Cadre juridique

Ce chapitre se penche sur l'étendue et l'opportunité du cadre juridique suisse en matière de participation du Parlement dans le domaine du droit souple (voir la liste des critères d'évaluation à l'annexe 2). En se fondant sur l'avis de droit réalisé dans le cadre de cette évaluation, le CPA arrive à la conclusion que la participation du Parlement suisse est étendue en comparaison internationale (ch. 3.1). L'art. 152 LParl définit les instruments et les procédures concernant la participation du Parlement en matière de politique extérieure. Il est opportun dans la mesure où il concrétise les objets, seuils et modalités de participation, mais nécessite d'être interprété (ch. 3.2). Cependant, dans le cas de l'art. 5b OLOGA, le niveau juridique (l'ordonnance au lieu de la loi) et l'organe juridique (le Conseil fédéral au lieu du Parlement) sont inappropriés.

En pratique, la disposition limite le champ d'application de l'art. 152 LParl et est formulée de manière imprécise (ch. 3.3). Par ailleurs, les responsabilités des commissions parlementaires ne ressortent pas clairement de la LParl (ch. 3.4).

3.1

Les droits de participation du Parlement, étendus en comparaison internationale, reflètent la répartition des compétences en matière de politique extérieure

Les compétences du pouvoir législatif suisse en matière de politique extérieure sont étendues en comparaison internationale, ce qui se reflète dans les droits de participation dont il dispose, qui s'appliquent en partie aussi au droit souple.

3.1.1

Répartition des compétences en matière de politique extérieure en comparaison internationale

En ce qui concerne la répartition des compétences en matière de politique extérieure, c'est l'art. 184, al. 1, Cst. qui est déterminant: il dispose que le Conseil fédéral est chargé des affaires étrangères sous réserve des droits de participation de l'Assemblée fédérale. Allant dans le même sens, l'art. 166, al. 1, Cst. précise que l'Assemblée fédérale participe à la définition de la politique extérieure. Ainsi, l'Assemblée fédérale et le Conseil fédéral exercent la responsabilité de la politique extérieure de manière conjointe et imbriquée, ou comme le souligne la littérature juridique, comme «les 34

Délégations permanentes auprès de l'Union interparlementaire, de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, du Comité parlementaire de l'Association européenne de libre-échange, de l'Assemblée parlementaire de la francophonie, de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE et de l'Assemblée parlementaire de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord.

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doigts d'une même main». Le législatif et l'exécutif ont toutefois des compétences différentes: en tant qu'autorité directoriale et exécutive suprême de la Confédération, le Conseil fédéral est responsable des aspects opérationnels et de la mise en oeuvre de la politique extérieure; l'Assemblée fédérale, quant à elle, doit définir les grandes orientations politiques et débattre des questions fondamentales 35.

Si l'on compare le droit suisse avec le droit d'autres États, cette responsabilité conjointe de l'exécutif et du législatif est unique. L'avis de droit établit une comparaison entre la Suisse, la Belgique, l'Italie, la Finlande, la Norvège, l'Allemagne et la France (ch. 1.2)36; il ressort de cette analyse que, dans les autres pays, la politique extérieure relève exclusivement de l'exécutif37.

Dans le cadre de la définition de la politique extérieure et des compétences octroyées au Parlement en matière de participation, la Constitution dispose, pour ce qui est de l'élaboration du droit international «dur», que les traités internationaux doivent être approuvés par l'Assemblée fédérale, à l'exception de ceux dont la conclusion relève de la seule compétence du Conseil fédéral (art. 166, al. 2, et 184, al. 2, Cst.). La participation du Parlement délimite ainsi la compétence qu'a le Conseil fédéral de conclure des traités. Le législatif dispose donc, pour l'élaboration du droit international «dur», d'un droit de véto qu'elle n'a pas lorsqu'il s'agit d'autres aspects de la politique extérieure (dont le droit souple), ce qui s'explique par le fait que la fonction principale du Parlement est d'élaborer le droit. Le Conseil fédéral reste cependant l'autorité qui représente la Suisse à l'étranger et est habilitée à négocier, signer et ratifier les traités internationaux38.

Étant donné que les traités de droit international concernent l'activité législative en tant que fonction essentielle du législatif, ils sont soumis à l'approbation du Parlement, non seulement en Suisse mais aussi dans tous les pays considérés dans la comparaison.

L'obligation d'obtenir l'approbation du Parlement est toutefois plus étendue en Suisse: d'une part, tous les traités doivent être approuvés par l'Assemblée fédérale ­ sauf si le Conseil fédéral est habilité par le législatif à conclure ces traités ­, alors que dans les
autres pays (à l'exception de la Belgique) il est prévu d'emblée que seule une partie des traités est soumise aux législatifs; d'autre part, en Suisse, l'approbation du Parlement est également nécessaire pour dénoncer les traités internationaux (art. 24, al. 2, LParl), alors que dans tous les autres pays considérés, en dehors de la Finlande, ce n'est pas le cas; enfin, l'approbation du Parlement est également requise pour d'autres actes directement contraignants relevant du droit international, notamment pour les décisions de droit international, les déclarations unilatérales et les contrats hybrides ou privés. Si la Finlande et la Norvège prévoient également l'approbation du Parlement pour les deux premières, les autres États limitent cette approbation aux seuls traités internationaux39.

Le droit souple n'est pas une source du droit international; par définition, il n'est donc pas directement contraignant juridiquement (ch. 2.1). C'est pourquoi, en Suisse, les 35 36 37 38 39

Avis de droit, partie 1/III.A.1.

Avis de droit, partie 2/I.B.

Avis de droit, partie 2/II.A.

Avis de droit, partie 1/III.A.2.

Avis de droit, partie 2/II.C.

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textes relevant du droit souple ne sont pas soumis à l'approbation de l'Assemblée fédérale40. De même, l'approbation du Parlement n'est pas non plus requise pour le droit souple dans les autres pays considérés dans la comparaison41.

3.1.2

Droits de participation du Parlement en comparaison internationale

Dans tous les pays considérés dans la comparaison, les parlements disposent de certains droits de participation; aucun des pays étudiés, pas même la Suisse, ne prévoit cependant de droit de participation spécifique au droit souple. La plupart du temps, la participation des parlements s'inscrit dans le cadre de droits de participation généraux, et parfois, de droits de participation spécifiques aux questions de politique extérieure42. Il existe surtout des droits d'information et de consultation qui peuvent globalement être différenciés selon que les gouvernements sont tenus d'y satisfaire ou que les parlements doivent activement les faire valoir43. En outre, les législatifs ont, dans certains cas, le droit de prendre position et de confier des mandats aux exécutifs.

Ici, les droits correspondants dans les pays considérés dans la comparaison seront comparés à ceux existant en Suisse. Les droits de participation du Parlement suisse seront examinés plus précisément au ch. 3.2.

Les droits à l'information conçus comme une obligation pour l'exécutif («Bringschuld») garantissent que le parlement obtienne un minimum de connaissances sur les projets relevant du droit souple et qu'il puisse, en s'appuyant sur ces connaissances, exercer une influence à travers d'autres instruments44. L'art. 152, al. 2, LParl soumet le Conseil fédéral à une obligation analogue d'informer le législatif sur des évènements importants survenus dans le domaine de la politique extérieure. Cette obligation n'existe toutefois pas dans les autres pays étudiés. Seul le gouvernement finlandais doit, «si nécessaire», informer une commission bien précise des évènements liés à la politique extérieure, la «nécessité» n'étant pas précisément définie, ce qui laisse au gouvernement une grande marge de manoeuvre45.

Néanmoins, dans tous les pays étudiés, les parlements disposent de droits généraux à l'information, qui impliquent que le législatif demande activement lesdites informations («Holschuld»). En Suisse, les parlementaires comme les commissions peuvent ainsi exiger d'être informés, notamment des projets de droit souple, soit sous le sceau du secret de fonction (art. 7 et 150 LParl), soit publiquement, au moyen d'une intervention (interpellation, question, heure des questions). Des droits analogues existent également dans les pays
étudiés. L'Allemagne est le seul État dans lequel le droit à l'information ne couvre pas ce qui est considéré comme le coeur même de la responsabilité de l'exécutif, dont fait souvent partie le droit souple46.

40 41 42 43 44 45 46

Avis de droit, partie 1/III.A.2.

Avis de droit, partie 2/II.C.

Avis de droit, condensé/II.B.

Avis de droit, condensé/I.F.

Avis de droit, partie 1/V.A.

Avis de droit, condensé/II.D à F.

Avis de droit, condensé/II.D à F.

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Conformément à l'art. 152, al. 3, LParl, l'Assemblée fédérale dispose d'un droit de consultation, conçu comme une obligation de l'exécutif à consulter le législatif («Bringschuld»); aucun autre pays ne prévoit un droit analogue. En Finlande, la commission déjà mentionnée plus haut peut prendre position, mais le président, respectivement la présidente, doit pour cela convoquer ses membres pour un débat en séance plénière. En Norvège, le gouvernement est tenu, dans certaines circonstances, de convoquer une commission ad hoc et d'entendre son avis avant toute décision importante.

Dans certains cas, cette commission peut émettre un avis. Cette limitation aux «décisions importantes» et à «certains cas» restreint considérablement l'obligation de consultation en vigueur en Norvège par rapport à celle que doit respecter le Conseil fédéral47.

Aucun des parlements des pays mentionnés ne dispose d'un droit de consultation selon lequel le législatif doit demander à être consulté («Holschuld»). En revanche, en Suisse, les commissions parlementaires peuvent quant à elles faire valoir ce droit en vertu de l'art. 152, al. 5, LParl48.

Les prises de position rendues dans le cadre d'une consultation ne sont pas contraignantes juridiquement et ont seulement une portée politique ­ dans les autres pays comme en Suisse. C'est également vrai des résolutions que les parlements belge, allemand et français peuvent formuler, bien qu'il soit clairement indiqué en France que ces résolutions ne doivent pas contenir de directives à l'intention du gouvernement.

En Suisse, les conseils ont la possibilité de faire une déclaration sur «un événement ou un problème important» en matière de politique extérieure, mais ce type de déclaration est difficilement utilisable pour des projets de droit souple49. En outre, le Parlement suisse est libre de prendre des décisions préliminaires concernant des objectifs, des principes, des critères ou des mesures dans le domaine de la politique extérieure aussi, en utilisant les outils que sont les arrêtés de planification ou de principe. Si le Conseil fédéral ne se conforme pas à ces arrêtés, il doit en indiquer la raison. Selon l'avis de droit, si ces arrêtés sont plus contraignants que des résolutions du fait qu'ils touchent à la planification et à la stratégie à adopter, ils ne sont pas
l'instrument le mieux adapté lorsqu'il s'agit de la participation à des projets relevant du droit souple50. C'est pourtant à cet instrument que le Conseil fédéral propose de recourir dans le cadre du message relatif au Pacte mondial de l'ONU sur les migrations 51.

Dans le droit suisse, le Parlement peut donner des mandats au gouvernement au moyen de postulats et de motions. Avec le postulat, il peut charger le Conseil fédéral d'examiner l'opportunité de prendre une mesure précise, comme celle d'adhérer à un certain instrument de droit souple. Avec la motion, les conseils peuvent charger le gouvernement de prendre une mesure, par exemple de lancer un projet relevant du droit souple au niveau international. Par contre, le législatif ne peut obliger légalement 47 48 49 50 51

Avis de droit, condensé/II.D à F.

Avis de droit, condensé/II.D à F.

Avis de droit, condensé/II.D à F.

Avis de droit, condensé/I.E, partie 1/IV.B.1.c et partie 12/III.A.2.

Dans le cadre du message du 3.2.2021 relatif au Pacte mondial des Nations Unies sur les migrations (FF 2021 359), le Conseil fédéral a soumis au Parlement un projet d'arrêté de principe et de planification sous la forme d'un arrêté fédéral simple. Les Chambres fédérales ont suspendu le traitement de cet objet (état: 1.11.2021).

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le Conseil fédéral à adhérer à un instrument de droit souple, car cette décision relève uniquement des compétences de l'exécutif52. Le système italien connaît également la motion, mais cette dernière a une incidence politique et non juridique. Quant au postulat, il n'a pas d'équivalent dans les autres États étudiés53.

Globalement, il apparaît clairement que le Parlement suisse a des compétences plus étendues en matière de politique extérieure, même en comparaison avec des pays caractérisés par une position relativement forte du pouvoir législatif. Les droits de participation de l'Assemblée fédérale sont d'ailleurs plus étendus, l'obligation faite à l'exécutif d'informer sur l'évolution de la politique extérieure étant un prérequis pour accroître la participation du législatif; dans ce cadre, le législatif dispose d'un droit à l'information, mais aussi d'un droit à être consulté dans le domaine de la politique extérieure, et peut aussi recourir aux interventions parlementaires. Dans les autres pays étudiés, les droits de participation en matière de politique extérieure n'impliquent que très ponctuellement un droit général à l'information, le législatif étant plutôt tenu de demander les informations qui lui sont nécessaires.

3.2

Les objets et seuils relatifs à la participation parlementaire inscrits dans la LParl sont applicables au droit souple, mais sont sujets à interprétation

L'imbrication des compétences entre le législatif et l'exécutif en matière de politique extérieure, prévue par la Constitution, est concrétisée à l'art. 24, al. 1, LParl. Celui-ci dispose que l'Assemblée fédérale participe au processus de décision relatif aux questions importantes en matière de politique extérieure. Dans la version allemande, le terme de «Grundsatzfragen» («questions importantes») renvoie plutôt, en matière de politique extérieure, à des aspects de planification stratégique, tandis que le terme de «Entscheide» («processus de décision») se réfère plutôt à des projets concrets, liés par exemple à l'activité normative; il apparaît ainsi clairement que la participation parlementaire touche tous les aspects de la politique extérieure, dont le droit souple54.

L'art. 24, al. 1, LParl précise toutefois expressément que le Parlement ne participe que lorsqu'il s'agit de questions «importantes»; il fixe ainsi un seuil de participation (cf. également ch. 3.2.2)55.

L'art. 152 LParl définit les instruments et les procédures concernant la participation du Parlement en matière de politique extérieure. L'al. 1 dispose ainsi que l'Assemblée fédérale56 et le Conseil fédéral procèdent régulièrement à des échanges de vues. Les alinéas suivants précisent les modalités de la participation concernant l'information (information unilatérale du Conseil fédéral à l'intention de l'Assemblée fédérale) et

52 53 54 55 56

Avis de droit, partie 1/IV.B.

Avis de droit, condensé/II.D à F.

En français, le texte de l'article ne cite qu'un seul objet impliquant la participation, soit les «questions importantes».

Avis de droit, partie 1/III.B.1.

Concernant la répartition des compétences au sein de l'Assemblée fédérale, cf. ch. 3.4 sur les organes impliqués dans la politique extérieure.

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la consultation (communication bilatérale entre le Conseil fédéral et l'Assemblée fédérale), qui relèvent soit d'une obligation faite à l'exécutif, soit de la responsabilité d'agir du législatif. Les droits de participation touchent à différents objets, qui déterminent le seuil à partir duquel le Conseil fédéral est tenu d'impliquer le Parlement.

Les modalités de cette participation (comme le moment où elle a lieu) sont partiellement abordées57. Le tableau 2 donne une vue d'ensemble systématique des droits à l'information et à la consultation prévus à l'art. 152 LParl.

Principaux droits à l'information et à la consultation selon l'art. 152 LParl Tableau 2 Alinéa

Type de participation

Seuil / objet

Modalités

Al. 2

Information ­ «Bringschuld» Consultation ­ «Bringschuld»

Événements importants en matière de politique extérieure Orientations principales; directives ou lignes directrices concernant un mandat pour des négociations internationales importantes

Information régulière, rapide et complète Consultation avant la définition ou la modification du mandat

Al. 3

Al. 3, Information ­ État de la mise en oeuvre des 2e phrase «Bringschuld» orientations principales; Avancement de négociations internationales importantes; Al. 3bis Consultation ­ Application provisoire et dénon«Bringschuld» ciation urgente de traités internationaux devant être approuvés par le Parlement Al. 5 Information ­ Selon l'interprétation systéma«Holschuld» tique, possibilités restreintes en matière de politique extérieure; de plus, d'après la règle générale (art. 150 LParl), informations nécessaires aux commissions pour exercer leurs attributions Consultation ­ Selon l'interprétation systéma«Holschuld» tique, possibilités restreintes en matière de politique extérieure

Modalités définies à l'art. 5b OLOGA, cf. ch. 3.3 Selon l'interprétation systématique, il s'agit des suites de la consultation Consultation avant l'application ou la dénonciation Selon la règle générale (art. 150 LParl), en tout temps, lors des séances de commission, au moyen de rapports, dans le cadre de la consultation de documents ou de l'audition de personnes Selon la documentation juridique, il est à tout moment possible de donner un avis à l'oral ou par écrit

Source: CPA, sur la base de l'avis de droit, condensé/I.F à G

3.2.1

Objets de la participation

Les droits que le législatif doit faire valoir («Holschuld») recouvrent l'intégralité du domaine de la politique extérieure. S'agissant du droit à l'information en vertu duquel 57

Avis de droit, condensé/I.F et G.

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le Conseil fédéral est tenu d'informer le Parlement («Bringschuld», selon l'art. 152, al. 2, LParl), la notion d'«événements importants» survenus dans le domaine de la politique extérieure est très large et comprend aussi les événements et les projets auxquels la Suisse ne prend pas part. Pour ce qui est de l'obligation faite à l'exécutif de consulter le Parlement («Bringschuld», selon l'art. 152, al. 3, LParl), la notion de «Vorhaben» dans le texte allemand (et de «progetti» dans la version italienne) se réfère à une activité concrète et entre donc dans le cadre des projets d'élaboration du droit. Selon la documentation relative à la genèse de l'art. 152 LParl, cette notion englobe également le droit souple. Le terme d'«orientations» que l'on trouve dans la version française reflète plutôt l'idée de la direction envisagée dans le cadre de la politique extérieure. Les différentes versions linguistiques couvrent donc des aspects différents. Ces problèmes de traduction ont également été soulevés dans les entretiens du CPA. L'objet des négociations internationales se rapporte non seulement au droit international «dur», mais également au droit souple58, alors que l'application provisoire et la dénonciation urgente des traités (art. 152, al. 3bis, LParl) ne concernent que le droit international «dur»59.

3.2.2

Seuils de participation

S'agissant du droit à l'information et du droit à la consultation qui nécessitent une démarche du législatif («Holschuld», selon l'art. 152, al. 5, LParl), aucun seuil n'est fixé concernant la participation parlementaire. Le Parlement doit, s'il le demande, être informé ou consulté sur toute question touchant à la politique extérieure. À l'inverse, des seuils existent dans le cadre des droits de participation impliquant une obligation pour l'exécutif («Bringschuld»): le Conseil fédéral n'est tenu d'informer le Parlement que si l'objet en question porte sur des «événements importants» (art. 152, al. 2, LParl), alors que l'obligation de consulter doit concerner des «orientations principales» ou des directives ou des lignes directrices à définir dans le cadre d'un mandat octroyé en vue de «négociations internationales importantes» (art. 152, al. 3, 1ère phrase, LParl). Les seuils de participation sont donc indiqués par deux notions juridiques assez floues (en allemand: «wichtig», «wesentlich» et «bedeutend»; en français: «important» et «principal»), qui doivent faire l'objet d'une interprétation juridique afin d'être précisées ­ ce qui est nécessaire au vu des diverses activités entrant dans le champ de la politique extérieure60.

L'avis de droit montre qu'il n'est pas possible de déduire quel est le seuil de participation en procédant à une simple interprétation littérale des trois adjectifs. De même, une interprétation historique n'est guère plus concluante. Une interprétation téléologique (soit du sens et de l'objectif de la norme) et une interprétation contemporaine permettent toutefois de conclure que la notion d'importance émanant du droit «dur»

58

59 60

Ehrenzeller, Bernhard (2020): Bundesversammlung. In: Diggelmann, Oliver / Hertig Randall, Maya / Schindler, Benjamin (Hrsg.): Verfassungsrecht der Schweiz. Zurich: Schulthess, p. 1711.

Avis de droit, partie 1/IV.B.2.b.

Avis de droit, partie 1/V.C.1.

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est appropriée pour déterminer dans quelle mesure il s'agit d'une orientation «principale» au sens de l'art. 152, al. 3, LParl, auquel cas le Conseil fédéral devrait consulter le Parlement. S'agissant du droit international «dur», tout traité demandant l'approbation du Parlement doit faire l'objet d'une consultation. L'exception prévue à l'art. 166, al. 2, Cst. est à rattacher à l'art. 164 Cst. et donc à la notion d'importance inscrite dans le droit national. Pour ce qui est du droit souple, il s'agit également d'un type d'élaboration du droit: on peut donc également se référer à la notion d'importance en la matière, d'autant que la frontière entre l'élaboration du droit international et l'élaboration du droit souple est, en pratique, difficile à définir (ch. 4.2). L'interprétation systématique corrobore cette conclusion: l'art. 5b OLOGA précise l'obligation de consulter que doit respecter le Conseil fédéral lorsqu'il est question d'«orientations principales» (art. 152, al. 3, LParl), lesquelles orientations englobent incontestablement le droit souple (cf. aussi ch. 3.3). L'al. 1, let. a, de l'art. 5b OLOGA lie l'obligation de consulter à la nécessité d'adapter ou de modifier la législation existante en se fondant sur le critère de l'importance, défini dans le droit «dur»61.

La notion d'«orientations principales» à l'art. 152, al. 3, LParl désigne ainsi des orientations relatives au droit souple qui sont importantes au sens du droit «dur». L'information étant la condition sine qua non pour que le Parlement puisse exercer ses droits de participation étendus et, plus particulièrement, ses droits de consultation (cf.

ch. 3.1.2), l'adjectif «important», qui indique que le Conseil fédéral est soumis à un devoir d'information conformément à l'art. 152, al. 2, LParl, ne doit pas être compris de façon plus restrictive que l'adjectif «principales» employé pour l'obligation de consultation à l'art. 152, al. 3, LParl. S'agissant des négociations, le seuil de participation est marqué par l'adjectif «importantes». Les négociations font partie des «orientations» dans le cadre de l'élaboration du droit international ou du droit souple.

C'est pourquoi l'adjectif «importantes» doit être interprété de la même manière que l'adjectif «principales» pour les orientations62.

L'interprétation permet ainsi de clarifier
quels sont les seuils de participation. La formulation adoptée pour les définir étant imprécise, l'étendue des obligations d'information et de consultation du Conseil fédéral ne peut être circonscrite ni de façon abstraite ni de façon nette et définitive. Il convient de juger au cas par cas, sur la base de tous les critères pertinents, si les seuils de participation sont atteints63.

Il est donc tout à fait compréhensible que la signification exacte de la notion d'«orientations principales» n'ait pas été claire pour la majorité des personnes auditionnées dans le cadre de l'évaluation. Pour beaucoup, la formulation adoptée est relativement ouverte et laisse une marge d'appréciation considérable. Certains considèrent cela plutôt comme un avantage, car la formulation permet d'inclure d'autres orientations en sus de celles couvertes par le droit souple; la plupart des autres membres a cependant souligné qu'il était nécessaire de préciser cette notion à l'art. 5b OLOGA, afin de bien définir les orientations pour lesquelles le Parlement doit être consulté.

61 62 63

Avis de droit, partie 1/V.C.2.

Avis de droit, partie 1/V.C.2.c.

Avis de droit, condensé/I.G.

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3.2.3

Modalités de la participation

L'art. 152 LParl contient certaines indications sur les modalités de la participation parlementaire. Ainsi, dans le cadre des obligations de l'exécutif («Bringschuld»), il ressort des conditions inscrites dans cet article (informer le Parlement de façon «rapide» des événements importants et le consulter sur les orientations principales «avant d'adopter ou de modifier» un mandat de négociation ou encore d'appliquer ou de dénoncer un traité international) que la participation doit intervenir lorsqu'il est encore possible d'influer sur l'objet traité. Sinon, l'Assemblée fédérale ne peut pas prendre part à la définition de la politique extérieure, comme le prévoit l'art. 166, al. 1, Cst. Si l'État peut contrôler le caractère contraignant des traités internationaux dans le cadre de la ratification64, il peut plus difficilement contrôler si le droit souple déploie un effet normatif, à partir de quel moment et selon quel degré; c'est pourquoi il est d'autant plus important que le Parlement puisse être impliqué très tôt dans le processus.

3.3

L'art. 5b OLOGA est déficient à divers égards

Les entretiens réalisés par le CPA ont majoritairement montré que l'art. 152 LParl n'est pas assez concret aux yeux de l'administration pour permettre de déterminer sur quels objets il est impératif d'informer ou de consulter le Parlement. En 2016, le Conseil fédéral a précisé les conditions régissant son obligation de consultation (art. 3) à l'art. 5b OLOGA (ch. 2.2.1). L'avis de droit montre toutefois que ni l'acte normatif choisi (l'ordonnance au lieu de la loi, ch. 3.3.1) ni son auteur (le Conseil fédéral au lieu du Parlement, ch. 3.3.2) ne sont appropriés. En outre, l'article de l'ordonnance restreint le champ d'application de la participation parlementaire, non pas sur le plan juridique, mais dans la pratique (ch. 3.3.3) et sa formulation est imprécise (ch. 3.3.4).

3.3.1

Niveau normatif de l'art. 5b OLOGA

La notion d'«orientations principales» figurant à l'art. 152, al. 3, LParl, qui désigne les objets pour lesquels l'Assemblée fédérale doit être consultée en matière de politique extérieure, a été précisée à l'art. 5b OLOGA, soit dans une ordonnance du Conseil fédéral. Or, cette précision aurait dû être apportée au niveau de la loi, ce pour plusieurs raisons65.

Selon l'art. 164, al. 1, Cst., toutes les dispositions importantes qui fixent les règles de droit doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale; en font partie les «dispositions fondamentales» relatives à certains domaines, dont celui de «l'organisation et [de] la procédure des autorités fédérales» (art. 164, al. 1, 2e phrase, let. g, Cst.).

L'art. 5b OLOGA entre dans le cadre de ces dispositions car il touche à la répartition des compétences entre le législatif et l'exécutif. D'après les critères suivants, tirés de

64 65

Avis de droit, condensé/I.A et F.

Avis de droit, condensé/I.K.

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la doctrine et de la jurisprudence, cet article porte clairement sur des «dispositions fondamentales»66: 1.

Importance de la norme pour l'organisation du système politique: l'art. 5b, al. 1, OLOGA, délimite la portée, c'est-à-dire le champ d'application concret, de l'obligation de consulter à laquelle doit se conformer l'exécutif vis-à-vis du Parlement et revêt donc une grande importance pour la définition des compétences des organes de l'État et pour la formation de la volonté politique; c'est pourquoi le niveau de la loi serait plus approprié. En revanche, l'al. 2 de l'article d'ordonnance règle les modalités, ce qui serait en principe adéquat au niveau de l'ordonnance, mais devrait être évité si l'on entend réunir la réglementation complète en un seul endroit.

2.

Caractère inédit et controversé de la réglementation: les discussions menées sur le droit souple montrent qu'il n'existe pas de pratique éprouvée et acceptée par le législatif, en matière de participation du Parlement; préciser dans la loi les objets donnant lieu à une consultation améliorerait la légitimité démocratique de cette réglementation.

3.

Importance sur le plan politique: les débats sur le droit souple reflètent clairement l'importance de ce droit sur le plan politique et constituent aussi un argument en faveur d'une disposition au niveau de la loi.

La matière de l'art. 5b OLOGA devrait par conséquent être réglée au niveau de la loi.

L'ordonnance permet toutefois d'adapter plus facilement la réglementation si une certaine souplesse est de mise ou s'il est nécessaire d'expérimenter dans le domaine concerné, ce qui concorderait bien avec le droit souple. Ces deux possibilités ne doivent jouer qu'un rôle marginal lorsqu'il s'agit de déterminer quel type de norme doit être utilisé; elles n'ont d'ailleurs pas été mentionnées dans les discussions menées par le Conseil fédéral et les CPE au cours de l'élaboration de l'art. 5b OLOGA. La documentation relative à la genèse de l'art. 5b OLOGA semble indiquer plutôt qu'elle a été choisie comme support parce qu'elle permettait d'élaborer une règle très rapidement, en quelques mois à peine. Or, la doctrine ne retient pas la rapidité comme critère de sélection du niveau de la norme. Les critères liés à l'exercice de la démocratie dans un État de droit n'ont pas non plus été suffisamment pris en considération67.

3.3.2

Auteur de l'art. 5b OLOGA

Le Conseil fédéral a choisi d'inscrire la disposition de l'art. 5b OLOGA dans une ordonnance. Cette disposition définit les «orientations principales» ­ et donc l'étendue de l'obligation, pour le Conseil fédéral, de consulter le Parlement ­ comme étant un élément central de la participation parlementaire en matière de politique extérieure. Il s'agit donc ici de questions relevant du Parlement et lui seul ­ et non le Conseil fédéral ­ est dès lors habilité à établir des règles68.

66 67 68

Avis de droit, condensé/I.K.

Avis de droit, condensé/I.K.

Avis de droit, condensé/I.K.

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Comme exposé plus haut, de par sa teneur, l'art. 5b OLOGA devrait figurer dans une loi. S'il voulait édicter cette disposition dans une ordonnance, le Parlement ne disposerait pas des bases légales nécessaires. L'art. 36 LParl permet certes à chacun des deux conseils d'édicter son propre règlement, mais une disposition sur les droits de participation du Parlement en matière de politique extérieure n'y aurait pas sa place, car ces règlements portent sur l'organisation et les règles de procédure desdits conseils; en outre, les deux conseils pourraient théoriquement fixer, dans leurs règlements respectifs, des critères de participation différents69.

S'agissant de l'art. 5b OLOGA, il faut noter qu'une norme de délégation pertinente fait actuellement défaut. Sur le fond, les dispositions qu'il contient constituent une norme de substitution; par conséquent, il faut, pour édicter de telles dispositions, y être habilité par la Constitution ou par une loi. L'art. 24 de la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA)70 n'est pas pertinent dans ce cas: il prévoit certes que le Conseil fédéral règle l'exercice de ses fonctions par voie d'ordonnance, mais la réglementation concernant l'étendue de la participation parlementaire n'entre pas dans le champ de ces fonctions71. Par conséquent, le Conseil fédéral n'est l'organe ni approprié ni compétent pour édicter le contenu de l'art. 5b OLOGA.

3.3.3

Champ d'application de l'art. 5b OLOGA

L'art. 5b OLOGA ne concrétise que certains aspects de l'art. 152 LParl: premièrement, il ne prévoit qu'un seul type de participation, la consultation du Parlement, à laquelle l'exécutif est tenu de procéder en vertu de l'al. 3 («Bringschuld»). Par contre, l'article ne précise pas quelles informations le Conseil fédéral doit fournir («Bringschuld»)72. Deuxièmement, l'art. 5b OLOGA ne porte que sur un des objets soumis à la participation du Parlement selon l'art. 152, al. 3, LParl, à savoir les «orientations principales». Il ne cite pas expressément les «directives ou lignes directrices concernant un mandat pour des négociations internationales importantes», qui sont pourtant, dans le cadre des projets relevant du droit souple également, un des objets de la participation parlementaire. En outre, en précisant qu'une consultation au sens de l'al. 1 est menée sur la base d'un projet de mandat du Conseil fédéral, l'art. 5b, al. 2, OLOGA fait l'amalgame entre deux objets exigeant la participation du Parlement, qui sont visés séparément par l'art. 152, al. 3, LParl73. Les personnes interrogées dans le cadre de l'évaluation n'ont toutefois pas demandé à ce que les différents aspects de l'art. 152 LParl soient précisés.

Il ressort pourtant de l'examen de la pratique que les exemples cités à l'art. 5b, al. 1, let. a et b, OLOGA (qui mentionnent les cas où le Conseil fédéral doit consulter le Parlement) restreignent d'autant le champ de la participation parlementaire, certes non

69 70 71 72 73

Avis de droit, condensé/I.K.

Loi fédérale du 21.3.1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA; RS 172.010) Avis de droit, condensé/I.K.

Avis de droit, condensé/I.I.

Avis de droit, condensé/I.I.

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pas sur le plan juridique, mais dans les faits. Même s'il ne s'agit pas d'une liste exhaustive des cas dans lesquels une consultation est nécessaire, les exemples cités donnent des indications sur les cas qui entreraient en ligne de compte. Ils sont donc pris comme base de référence dans des cas concrets. Ce mécanisme ressort très clairement des études de cas menées par le CPA. Ainsi, les responsables chargés des projets relevant du droit souple ont reconnu qu'ils se fondaient plus sur l'art. 5b OLOGA que sur la loi pour décider dans quelle mesure un cas entrait dans la catégorie des «orientations principales». Ils ont jugé que les exemples étaient particulièrement pertinents, car ils réduisaient fortement la zone grise et contenaient des critères applicables. De leur point de vue, l'art. 5b OLOGA permet effectivement de préciser la loi. Selon l'avis de droit, les exemples énumérés à l'art. 5b, al. 1, OLOGA ne représentent toutefois pas, à divers égards, les orientations principales au sens de l'art. 152, al. 3, LParl dans toute leur ampleur74:

74

­

Alors que l'art. 152, al. 3, LParl couvre toute la palette des activités de politique extérieure donnant lieu à une participation parlementaire (ch. 3.2.1), les exemples de l'art. 5b OLOGA restreignent les objets donnant lieu à une consultation aux seules recommandations ou décisions, qui sont effectivement pertinentes dans le cadre de l'élaboration de la législation (y compris du droit souple), mais pas dans celui du processus de décision relatif aux autres questions importantes en matière de politique extérieure.

­

L'art. 5b OLOGA ne se réfère qu'à des recommandations et des décisions, ce qui s'explique au vu de sa genèse ­ liée à celle de projets de droit souple élaborés par l'OCDE. Il ne mentionne pas d'autres sources du droit international, notamment les traités internationaux, bien qu'elles entrent dans le champ d'application de l'art. 152, al. 3, LParl, pour lequel la forme ne joue aucun rôle.

­

Selon la formulation de l'art. 5b, al. 1, let. a, OLOGA, une recommandation ou une décision est considérée comme entrant dans le cadre des orientations principales lorsque sa mise en oeuvre nécessite d'adopter ou de modifier de façon importante une loi fédérale. En matière de droit international «dur», un objet comprenant des dispositions fixant des règles de droit qui devraient être réglées au niveau de la loi s'il s'agissait de droit interne est également considéré comme important. Or, ce critère est absent de l'art. 5b OLOGA et serait pourtant pertinent, étant donné que la définition des seuils de participation s'appuie sur la notion d'importance définie dans le droit «dur» (ch. 3.2.2).

­

Selon la formulation de l'art. 5b, al. 1, let. b, OLOGA, on peut considérer que le fait de renoncer à la mise en oeuvre des recommandations ou des décisions et d'exposer ainsi la Suisse à des préjudices économiques importants, à des sanctions, à l'isolement ou à d'autres inconvénients graves pour ce pays entre dans le cadre des «orientations principales». Ces termes fixent le seuil de participation à un niveau très élevé; c'est ce qui ressort notamment d'une comparaison effectuée avec le référendum prévu pour les traités internationaux, pour lequel les seuils sont moins élevés que ceux fixés à l'art. 5b, al. 1, let. b,

Avis de droit, condensé/I.I.

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OLOGA, bien qu'il s'agisse le cas échéant d'un véto et non d'un simple droit de consultation non contraignant.

La pratique se fondant sur les exemples cités à l'art. 5b, al. 1, OLOGA, qui sont à plusieurs égards plus restrictifs que ceux de l'art. 152, al. 3, LParl, la disposition conduit donc, sinon sur le plan juridique du moins dans la pratique, à une limitation de la participation du législatif dans le domaine de la politique extérieure, y compris le droit souple75.

3.3.4

Formulation de l'art. 5b OLOGA

L'art. 5b OLOGA n'est pas formulé de manière précise et ne permet pas vraiment de déterminer quelles sont les orientations sur lesquelles le législatif doit être consulté.

Cela tient au fait, d'une part, que cet article utilise un grand nombre de termes juridiques flous pour préciser la notion ­ imprécise ­ d'«orientations principales». L'utilisation de termes imprécis est, dans une certaine mesure, inévitable lorsqu'il s'agit de définir des règles générales et abstraites. Ces termes sont toutefois très nombreux à l'al. 1, let. b («préjudices économiques importants», «isolement», «atteinte à sa réputation politique», «inconvénients graves»). En outre, «sanction» est certes un terme juridique, mais il revêt différentes significations en droit international: il ne permet donc pas d'éclairer le sens des termes utilisés. En outre, certains d'entre eux restent peu usités et exigent donc un travail complexe d'interprétation, comme le montrent les éléments suivants76.

Le terme d'«organes multilatéraux», utilisé à l'art. 5b OLOGA, n'apparaît ni dans les actes législatifs de droit interne, ni dans la doctrine. Dans l'avis de droit, les auteures supposent qu'il désigne l'ensemble des acteurs impliqués dans l'établissement du droit international qui ne jouissent pas, contrairement aux «organisations internationales» également citées, de la personnalité juridique internationale. Le terme employé est toutefois imprécis et il manque une définition claire77.

Les «recommandations et décisions» sont elles aussi fortement sujettes à interprétation. Considérant les usages linguistiques, la genèse de la loi et la réduction téléologique (une méthode par laquelle les termes sont ramenés au sens strict), les auteures de l'avis de droit concluent que le terme de «recommandation» correspondait à celui utilisé dans le cadre du droit souple tel qu'il est défini dans le présent rapport, alors que le terme de «décisions» était synonyme de «décisions de droit international», lesquelles sont par nature générales et abstraites, et immédiatement contraignantes. Il aurait donc été possible d'éviter l'utilisation de ces termes imprécis dans les textes légaux78.

De même, l'art. 5b OLOGA reste imprécis sur le moment où il est nécessaire de procéder à une consultation: la formulation de l'al. 1, let. a et b (par exemple «la mise en

75 76 77 78

Avis de droit, condensé/I.I.

Avis de droit, condensé/I.H.

Avis de droit, condensé/I.H.

Avis de droit, condensé/I.H.

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oeuvre [...] nécessite [...]») implique que la teneur des décisions et des recommandations et leurs conséquences soient connues. L'al. 2 précise au contraire qu'une consultation doit être ouverte sur la base d'un «projet de mandat» ou «sur des positions provisoires que la Suisse envisage de prendre», soit lorsque l'acte normatif est encore en cours d'élaboration. L'interprétation doit privilégier cette approche, car elle permet de garantir une participation effective du Parlement79.

Lors des entretiens réalisés par le CPA, les intervenants ont émis des avis différents quant à la formulation de l'art. 5b OLOGA: la plupart des personnes interrogées considéraient que les critères énumérés étaient très larges, notamment ceux cités à l'al. 1, let. b, ce qui est probablement dû aux nombreux termes imprécis. Certains estimaient cependant qu'il n'était pas nécessaire de préciser davantage cet article, ce dernier permettant déjà de sensibiliser les organes concernés à leur obligation de consulter le Parlement. Étant donné que les exemples cités à l'art. 5b OLOGA ne couvrent qu'une partie de la participation parlementaire (ch. 3.3.3), on peut se demander dans quelle mesure ils peuvent servir de référence pour la pratique.

3.4

Les organes de la participation ne sont pas clairement définis dans les bases légales

L'art. 152 LParl mentionne plusieurs acteurs de la participation parlementaire à différents niveaux (cf. tableau 3). Les obligations sont souvent assumées par le Conseil fédéral et les bénéficiaires sont principalement les commissions parlementaires, auxquelles il est fait référence au moyen de divers noms, qui, selon l'avis de droit, désignent des organes de participation différents.

79

Avis de droit, condensé/I.H.

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Acteurs de la participation au sens de l'art. 152 LParl

Tableau 3

Alinéa

Type de participation

Organe responsable

Al. 1

Échanges de vues

Al. 2

Obligation d'informer («Bringschuld»)

Commissions compétentes en matière de politique extérieure; Conseil fédéral Conseil fédéral Collèges présidentiels; commissions compétentes en matière de politique extérieure Commissions compétentes Autres commissions compéen matière de politique tentes extérieure Conseil fédéral Commissions compétentes en matière de politique extérieure Conseil fédéral Commissions compétentes en matière de politique extérieure Conseil fédéral Commissions compétentes

Al. 2 Obligation d'informer 2e phrase («Bringschuld») Al. 3

Obligation de consulter («Bringschuld»)

Al. 3 Obligation d'informer 2e phrase («Bringschuld») Al. 3bis

Obligation de consulter («Bringschuld») Al. 3ter Prise en compte de l'avis rendu dans le cadre de la consultation («Holschuld») Al. 4 Obligation de consulter en cas d'urgence («Bringschuld») Al. 4 Obligation d'informer 2e phrase («Bringschuld») Al. 5

Conseil fédéral

Organe bénéficiaire

Commissions compétentes

Conseil fédéral

Présidents des commissions compétentes en matière de politique extérieure Présidents des commissions Commissions compétentes compétentes en matière de en matière de politique extépolitique extérieure rieure Demande d'information / Conseil fédéral Commissions compétentes demande à être consultée en matière de politique exté(«Holschuld») rieure; autres commissions compétentes

Source: CPA; établi sur la base de l'avis de droit, condensé I.J et partie 1/V.D Conformément à l'art. 44, al. 1, LParl, les compétences dont jouissent les commissions leur sont conférées par la loi ou par les règlements des conseils. Alors que la LParl cite directement les commissions compétentes dans d'autres dispositions, l'art. 152 renonce à le faire pour une plus grande flexibilité. Dans les règlements des conseils ­ qui ont le statut d'ordonnances ­, les commissions existantes sont certes énumérées, mais leurs compétences ne sont pas évoquées. Ces dernières ne sont définies que dans une décision des deux bureaux, laquelle liste les domaines de compétence des différentes commissions, ce qui n'est pas le degré normatif approprié. L'avis

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de droit avance des arguments tant pour le niveau de la loi que pour celui de l'ordonnance80; concernant le niveau de l'ordonnance, certains collaborateurs des secrétariats de commission ont exprimé des réserves quant à une solution impliquant les règlements des conseils, car les compétences des commissions peuvent être définies différemment selon le conseil.

L'art. 152 LParl désigne les bénéficiaires les plus importants, soit les commissions compétentes en matière de politique extérieure. C'est à elles que le Conseil fédéral doit fournir des informations et ce sont elles qu'il doit consulter («Bringschuld»). Selon la décision des bureaux, les domaines de la «participation en matière de politique extérieure» et du «droit international» relèvent des compétences des CPE-N et CPEE. Ces commissions représentent donc les «commissions compétentes en matière de politique extérieure» pour traiter tous les aspects de la politique extérieure, y inclus le droit souple81.

Selon l'art. 152, al. 5, LParl, d'autres commissions compétentes peuvent demander à être informées et consultées par le Conseil fédéral («Holschuld»); les commissions compétentes en matière de politique extérieure doivent alors leur transmettre les informations que leur a fournies le Conseil fédéral (art. 152, al. 2, 2e phrase, LParl). La décision des bureaux n'attribue pas de domaine ayant explicitement un lien avec la politique extérieure à d'autres commissions que la CPE-N et la CPE-E. Toutefois, les autres commissions peuvent se voir attribuer différents domaines couvrant une partie du droit international ainsi que des dossiers de portée internationale (par exemple le droit international privé, pour lequel la compétence revient aux Commissions des affaires juridiques, ou le droit fiscal international, qui relève des CER). Les commissions qui sont chargées de traiter ces domaines ou ces dossiers sont considérées comme étant d'«autres commissions compétentes»82.

Aux al. 3bis et 3ter de l'art. 152 LParl, qui portent sur le droit international «dur» (application à titre provisoire ou dénonciation urgente d'un traité), les bénéficiaires sont les commissions compétentes, et non les «commissions compétentes en matière de politique extérieure». La compétence dépend donc du domaine concerné. En revanche, dans le domaine du droit souple, la
compétence première revient aux CPE.

Elles ont un rôle de «plaque tournante», en ce sens qu'elles doivent notamment transmettre les informations à d'autres commissions selon l'art. 152, al. 2, 2e phrase, LParl.

Les thèmes qui sont réglementés par le droit souple sont toutefois toujours plus complexes et exigent une certaine expertise. Le droit national et le droit international (tant sous la forme des traités internationaux que du droit souple) sont très fortement entrelacés83. La pertinence de la répartition actuelle des tâches est par conséquent évaluée au ch. 5.2, à la lumière de la pratique.

Pour autant que la transmission d'informations n'ait pas lieu au sein des institutions parlementaires, le Conseil fédéral est l'organe désigné comme responsable par l'art. 152 LParl. Cet état de fait renvoie à la conception classique des relations extérieures, selon laquelle les États sont toujours représentés par leurs gouvernements, 80 81 82 83

Avis de droit, condensé/I.J et partie 1/V.D.

Avis de droit, partie 1/V.D.2.a.

Avis de droit, partie 1/V.D.2.b.

Avis de droit, partie 1/V.D.2.b.

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comme cela est prévu à l'art. 184, al. 1, Cst. Ainsi, le droit souple est souvent élaboré par des autorités qui ne sont pas fondamentalement liées par des directives du gouvernement. Si l'on veut garantir le droit à l'information et le droit de consultation du Parlement, ces autorités devraient, dans une certaine mesure, être soumises aux directives du Conseil fédéral pour toutes les activités touchant à des thèmes demandant une participation parlementaire84.

4

Qualification de l'importance des projets de droit souple par l'administration fédérale

L'analyse de la qualification de l'importance des projets de droit souple s'est basée sur les critères listés à l'annexe 2, tels que l'application systématique des critères de qualification de l'importance et d'identification du droit souple, la coordination adéquate du DFAE pour uniformiser la pratique ou l'existence de directives claires. Le CPA arrive à la conclusion que l'administration fédérale ne qualifie globalement pas l'importance des projets de droit souple de manière systématique et opportune. Les départements, concernés à des degrés divers par le droit souple, ont des approches de la qualification de l'importance des projets qui diffèrent entre eux et en leur sein et sont peu systématiques (ch. 4.1). Compte tenu de la diversité et la complexité du droit souple, la définition du Conseil fédéral et les explications fournies ne sont pas suffisamment claires et précises pour l'identifier de manière univoque (ch. 4.2). Le DFAE (DDIP) a mis en place de manière proactive un groupe de travail, dont le projet d'aidemémoire sur le droit souple réalisé est bienvenu pour homogénéiser la pratique mais ne correspond pas au champ complet de participation du Parlement (ch. 4.3).

4.1

Les unités administratives approchent la qualification des projets de manière différente et peu systématique

La liste de projets de droit souple traités par l'administration fédérale depuis l'entrée en vigueur de l'art. 5b OLOGA, réalisée dans le cadre de cette évaluation (ch. 1.2), met en évidence que tous les départements sont concernés par le droit souple en raison de la transversalité de la politique étrangère suisse, mais à des degrés divers. Au sein du DFAE, de nombreuses unités administratives sont concernées (ch. 4.1.1). Au sein du DFF, le Secrétariat d'État aux questions financières internationales (SFI) est principalement touché par les projets de droit souple (ch. 4.1.2). Cela va de même du Secrétariat d'État à l'économie (SECO) du Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR), en charge des projets de droit souple élaborés par l'OCDE en particulier (ch. 4.1.3). Les autres départements sont globalement moins concernés par le droit souple (ch. 4.1.4). Les analyses présentées plus en détail 84

Avis de droit, condensé/I.J; L'Autorité de surveillance des marchés financiers, qui n'est fondamentalement pas liée par les directives du Conseil fédéral, doit pourtant s'y conformer s'agissant de ses activités internationales (cf. section 2 de l'ordonnance du 13.12.2019 relative à la loi sur la surveillance des marchés financiers; RS 956.11).

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dans les sous-chapitres suivants indiquent que la pratique de triage des projets de droit souple est différente entre les unités administratives.

4.1.1

Pratique au sein du DFAE

En tant que département en charge des affaires étrangères, le DFAE est particulièrement concerné par les projets de droit souple. Selon les entretiens menés par le CPA, de nombreuses unités au sein du Secrétariat d'Etat, de la Direction pour le développement et la coopération ainsi que de la DDIP traitent de projets dans ce domaine. Pour ce faire, elles se demandent d'abord s'il s'agit de droit souple, bien que les critères d'identification du droit souple présentés dans le rapport de postulat du Conseil fédéral (chap. 2) n'ont pas encore été suffisamment appliqués pour que la pratique soit systématique et établie; les interlocuteurs ont assuré que la pratique était en train de se développer. Ce n'est qu'après l'identification du droit souple que la qualification de l'importance d'un projet est réalisée, mais de manière très différente en fonction du projet et de sa nature juridique. Ceci est également évident dans les deux études de cas de ce département.

Dans le cas de UNDROP (étude de cas A à l'annexe 3), la déclaration a dès sa rédaction été considérée comme un instrument de droit souple. Il a été évoqué lors des entretiens que les résolutions et déclarations de l'Assemblée générale des Nations Unies ont généralement un caractère non contraignant, ce qui s'applique aussi à celles du Conseil des droits de l'homme, comme pour UNDROP85. Les critères d'identification du droit souple, qui exigent de déterminer également si un projet a un certain degré de normativité, n'ont pas été appliqués de manière documentée. Il ne faisait ainsi aucun doute pour l'unité administrative responsable que UNDROP n'aurait pas d'implications juridiques pour la Suisse mais constituerait un signal politique important du point de vue de la protection des droits de l'homme. La question d'une consultation formelle des commissions parlementaires ne s'est pas posée pour l'unité administrative responsable. D'une part, elle a fait recours aux directives sur l'envoi de délégations aux conférences internationales86 qui englobent la participation aux conférences concernant l'élaboration du droit souple87. Selon les directives, aucun mandat du Conseil fédéral n'était nécessaire pour l'administration car les négociations ne visaient pas un instrument juridiquement contraignant et se déroulaient dans le cadre d'un organe de l'ONU
pour lequel le Conseil fédéral avait déjà décidé d'un mandat suffisant. D'autre part, le Parlement a été actif dès les prémices de l'élaboration du projet, ce qui représentait une participation parlementaire suffisante selon l'unité administrative responsable.

Divers passages dans le Pacte mondial de l'ONU sur les migrations (étude de cas B à l'annexe 3) font explicitement mention de son caractère juridiquement non contraignant et il était clair depuis le début de son élaboration, selon les notes internes et 85 86 87

La Charte des Nations Unies (RO 2003 866) qualifie les résolutions de l'Assemblée générale de «recommandations» (art. 10 et 14).

Directives du Conseil fédéral du 7.12.2012 concernant l'envoi de délégations à des conférences internationales (FF 2012 8761) Avis de droit, partie 1/V.B.3.c.

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autres procès-verbaux des séances de la Structure interdépartementale pour la coopération migratoire internationale (Structure IMZ) responsable, que ce projet serait du droit souple, sans qu'une analyse étayée ne soit toutefois réalisée. Les critères d'identification du droit souple mentionnés dans le rapport de postulat du Conseil fédéral n'ont été appliqués dans le détail que plus tard ­ dans le message relatif au Pacte mondial des Nations Unies sur les migrations de février 2021 ­ pour expliquer le caractère de droit souple du Pacte88. En revanche, la qualification de l'importance du Pacte a été effectuée en automne 2018 ­ c'est-à-dire après la conclusion des négociations ­ de manière rigoureuse et systématique. Après avoir mentionné les exemples d'application cités à l'art. 5b OLOGA, l'analyse des potentielles modifications légales dans le droit interne suisse des 23 objectifs du Pacte ainsi que des conséquences pour la Suisse en cas de non-acceptation du projet a été réalisée et il en a été conclu que la consultation des CPE sur la question de savoir si le Conseil fédéral devrait approuver le Pacte était appropriée.

4.1.2

Pratique au sein du DFF

Au sein du DFF, le SFI traite des projets dans le domaine de la finance et de la fiscalité internationales qui revêtent les caractéristiques du droit souple. D'après les personnes interrogées, les critères de qualification de l'importance sont passés en revue de manière systématique et les projets importants transmis à la direction. Les critères d'identification du droit souple ne sont cependant pas appliqués en priorité car le droit souple est un concept qui ne permet pas de déterminer la question centrale de l'obligation d'associer ou non le Parlement.

Dans le cadre du projet sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (Base erosion and profit shifting, BEPS), réalisé sous l'égide de l'OCDE et du G20 ­ dont les actions 2, 6, 7 et 14 visent l'adaptation des conventions contre les doubles impositions (CDI) existantes (étude de cas C à l'annexe 3) et dont l'action 1 est à la base du projet d'imposition de l'économie numérique (étude de cas D à l'annexe 3) ­ une analyse approfondie des conséquences pour la Suisse a été réalisée rigoureusement déjà sur les premiers résultats (action par action et sous forme de tableau annexé), notamment en ce qui concerne l'adaptation nécessaire du droit suisse. Si les documents internes produits mentionnent la nature juridique des résultats du projet BEPS en utilisant la terminologie de l'OCDE ­ en l'occurrence, des recommandations non contraignantes juridiquement ­, c'est davantage les analyses relatives à l'importance des projets qui a mené à une consultation des commissions parlementaires.

S'agissant du projet d'imposition de l'économie numérique, par exemple, la décision du Conseil fédéral de consulter les commissions parlementaires s'est prise à l'aune d'un rapport explicatif du DFF sur les orientations du projet de l'OCDE et du G20 et les consultations ultérieures se sont basées sur des feuilles d'information. Ces documents ne mentionnent pas explicitement les exemples d'application cités à

88

Il a également été analysé dans quelle mesure les conditions sont réunies pour que le Pacte devienne partie intégrante du droit international public au cours des prochaines années: ce n'est actuellement pas le cas et il n'y a aucun signe d'une telle évolution.

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l'art. 5b OLOGA, mais les changements dans le droit suisse et les impacts potentiellement négatifs d'une renonciation à la mise en oeuvre du projet sont décrites.

4.1.3

Pratique au sein du DEFR

Au sein du DEFR, de nombreux projets sont traités par le SECO en matière de politique économique internationale, qui est dès lors représenté au sein du groupe de travail sur le droit souple. En plus du SECO, l'Office fédéral de l'agriculture, le Secrétariat d'État à la formation, à la recherche et à l'innovation (SEFRI) et le Bureau fédéral de la consommation ont également des activités en lien avec la politique extérieure et sont ponctuellement concernées par le droit souple. Au sein du SECO, les critères d'identification du droit souple et de qualification de l'importance sont analysés simultanément mais le critère de l'importance joue un plus grand rôle dans la pratique que la question de la nature juridique de l'acte. Le critère de l'importance étant également plus clair selon les entretiens effectués, cette analyse est faite de la manière la plus systématique possible, alors que l'identification du droit souple est plus difficile à réaliser.

Dans le cadre des études de cas, les déclarations et résolutions de l'ESA (étude de cas E à l'annexe 3) ont été étudiées. L'étude de cas sur ce département ne concerne donc pas le SECO, qui est le plus touché par le droit souple, mais le SEFRI. L'unité administrative en charge des affaires spatiales a annoncé au CPA les déclarations et résolutions de l'ESA comme des projets de droit souple, dans une «démarche transparente et prudente». L'identification du droit souple n'est toutefois pas réalisée de manière systématique puisque des analyses effectuées ultérieurement en appliquant les critères du rapport de postulat du Conseil fédéral ont révélé que les déclarations et résolutions de l'ESA se trouvent en-dessous de la limite «vers le bas»89 pour correspondre à du droit souple ou remplir le critère de l'importance. Selon les entretiens du CPA, les États membres peuvent éventuellement signaler au directeur général de l'ESA durant le processus d'élaboration au niveau international si un projet a la nature de droit souple alors que ce n'était pas le but.

4.1.4

Pratique au sein des autres départements

La liste de projets de droit souple traités par l'administration fédérale depuis 2016 montre qu'au sein du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) et du Département fédéral de l'intérieur (DFI), certaines unités administratives ayant des activités en lien avec la politique extérieure sont concernées par le droit souple. Au sein du DETEC, il s'agit principalement des Offices fédéraux de l'environnement et de la communication et au sein du DFI de l'Office fédéral de la santé publique. Enfin, le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) et le Département fédéral de justice et police (DFJP) ne sont que très ponctuellement touchés par des projets de 89

Conseil fédéral (2019): Rapport du 26.6.2019, p. 6.

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droit souple. Le DFJP est parfois consulté pour un appui juridique ou associé à des structures intergouvernementales (par exemple, dans la politique migratoire).

Les analyses réalisées révèlent que les départements et les unités administratives moins concernés n'ont pas d'approche consolidée et systématique de qualification de l'importance des projets de droit souple. Toutefois, les règles déterminant si les commissions parlementaires doivent être informées ou consultées sont connues et dites être appliquées lorsqu'un mandat doit être demandé au Conseil fédéral pour l'envoi de délégations à des conférences internationales.

4.2

L'identification du droit souple n'est pas univoque dans la pratique

L'élaboration de la liste de projets de droit souple traités par l'administration fédérale depuis le 1er août 2016, réalisée dans le cadre de cette évaluation, s'est révélée être une entreprise difficile, indiquant la complexité que sous-tend l'identification du droit souple et la compréhension différente du droit souple par les départements et les unités administratives. Le CPA n'avait pas prédéfini ce qu'il comprenait sous le terme de droit souple, ce qui a abouti à une liste dans laquelle des déclarations d'intention purement politiques ou des codes de conduite sectoriels, n'ayant pas un degré de normativité suffisant ou n'étant pas de nature générale et abstraite, ont été annoncés. D'après les propos recueillis, certaines unités administratives considéraient que toutes les décisions et déclarations émises par certaines organisations internationales constituaient du droit souple, mais il semblait qu'elles n'avaient pas procédé à une analyse approfondie sur la base de la définition du Conseil fédéral. Après concertation entre les unités responsables et la DDIP, certains projets ont été supprimés de la liste pour le CPA, y inclus des projets qui figuraient sur les listes d'information à destination des commissions parlementaires en tant que projets de droit souple. D'autres projets ont été maintenus, comme par exemple les déclarations et résolutions de l'ESA. Dans ce cas, les deux analyses approfondies réalisées en avril et mai 2021 par l'unité administrative responsable ont montré que l'essentiel des résolutions sont des décisions qui concernent le fonctionnement de l'ESA ou sont des déclarations d'intentions à caractère politique90. Il ne s'agit pas non plus de règles de conduite. Elles n'ont pas de caractère normatif et ne sont donc très vraisemblablement pas du droit souple, bien

90

SEFRI: Evaluation zu Soft Law im Auftrag der APK: Fallstudien in ihrem Zuständigkeitsbereich, document de travail du 1.4.2021.

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que certains passages restent difficiles à classer91. En somme, ceci révèle qu'en dépit du rapport du Conseil fédéral en réponse au postulat, la définition du droit souple n'était pas claire pour l'administration fédérale.

En outre, il n'est pas clair dans certains projets si les documents sont des instruments de droit souple finalisés ou simplement une étape intermédiaire vers un instrument de droit souple plus détaillé, voire de droit international. Dans le cas des révisions du modèle de convention fiscale de l'OCDE (étude de cas C dans l'annexe 3), par exemple, il était implicite depuis le départ que les résultats du projet BEPS prendraient la forme de recommandations de l'OCDE non contraignantes juridiquement. Toutefois, la complexité relative à l'identification du droit souple dans ce cas peut être relevée à divers titres. D'une part, les résultats du projet BEPS sont des recommandations matérielles de modification du modèle de convention fiscale qui prennent différentes formes, dont le respect pour les États participants est obligatoire pour les recommandations obligatoires ou standards minimaux (comme l'action 14 du projet BEPS) ou facultatif pour les recommandations facultatives ou best practices (comme l'action 7 du projet BEPS). D'autre part, les changements apportés au modèle de convention ne s'appliquent que lorsqu'ils auront été convenus dans une CDI et que celleci aura été approuvée par le Parlement. Par ailleurs, afin de modifier les CDI existantes de façon synchronisée pour mettre en oeuvre les résultats du projet BEPS liés aux CDI sans devoir renégocier chacune des CDI existantes, l'OCDE a élaboré un traité multilatéral (action 15 du projet BEPS), dont l'approbation relève de l'Assemblée fédérale. Des instruments de nature juridique différente sont donc souvent imbriqués.

Enfin, certains entretiens menés par le CPA ont souligné l'existence de plusieurs contextes et processus de création de droit souple différents, ce qui ajoute également de la complexité à l'identification du droit souple. Premièrement, il existe les recommandations des organisations internationales dont la Suisse est membre. Dans ce cas, les frontières entre les traités internationaux et les instruments de droit souple sont parfois floues en ce qui concerne leur mode de création et il n'est possible de connaître
la nature juridique du projet qu'en toute fin de processus. Deuxièmement, le droit souple émerge souvent dans un processus ad hoc conçu uniquement pour un projet de droit souple spécifique. Cela a été par exemple le cas du Pacte mondial sur les migrations, qui a certes été élaboré dans le cadre de l'ONU mais selon une procédure très formalisée qui ne diffère guère du processus de conclusion d'un traité de droit international

91

Les passages comme celui-ci avaient entraîné des doutes sur l'identification de droit souple au sein de l'unité administrative responsable: «2. STATES that the ESA Member States, acting in cooperation in their common Agency, contribute substantially to the European construction; AFFIRMS that ESA Member States, exercising their competences in the area of space at national and international level, contribute significantly to the European space sector through the development and implementation of European space policy and programmes; ASSERTS that ESA Member States shall continue to act, notably within the framework of ESA Convention, across all space domains, developing ESA's internal capability and European scientific and industrial capacities, in particular through preparatory and technology programmes; and ENCOURAGES the Director General to pursue and further strengthen European cooperation in the space sector for the benefit of European citizens» (résolution de l'ESA de 2016 «Towards Space 4.0 for a United Space in Europe», verbes en majuscule dans l'original).

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dans un contexte multilatéral. Il existe toutefois aussi des processus ad hoc caractérisés par un haut degré d'informalité92. Troisièmement, le droit souple peut être développé dans le cadre de forums et plateformes qui ont un caractère délibérément non contraignant et il est alors difficile de distinguer les textes produits qui ont un caractère de droit souple de ceux qui ne l'ont pas. Quatrièmement, l'identification systématique est un défi en raison de la grande quantité de documents produits par certaines organisations internationales. Dans le cadre des réunions ministérielles de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), par exemple, plus de 50 déclarations ou décisions ont été adoptées ayant potentiellement la nature de droit souple durant la période retenue.

Compte tenu des formes diverses, variées et évolutives des projets de droit souple et de leur processus de création, la définition du droit souple du rapport du Conseil fédéral et les explications fournies pour l'identifier permettent de guider la pratique mais ne sont pas suffisamment claires et précises pour dégager un jugement univoque. Le nombre total de projets de droit souple traités par l'administration fédérale depuis le 1er août 2016 est de ce fait impossible à déterminer précisément.

4.3

L'aide-mémoire est bienvenu pour homogénéiser la pratique mais ne reflète pas le champ complet de participation du Parlement

Au sein des départements, la responsabilité liée à la qualification de l'importance des projets de droit souple repose sur les unités administratives compétentes, ce qui est opportun au regard de leur spécificité et technicité. S'il existe certaines unités juridiques au sein des départements avec lesquelles les unités administratives peuvent échanger en cas de doute, les entretiens menés par le CPA indiquent que ces dernières consultent plus fréquemment la DDIP et que les contacts sont perçus positivement. Le groupe de travail sur le droit souple a donc permis, selon les interlocuteurs, de sensibiliser l'ensemble des départements à la thématique, d'échanger sur la réalité des autres départements et d'homogénéiser progressivement la pratique.

Il convient de reconnaître cette entreprise de sensibilisation de la DDIP, car celle-ci s'est effectuée de manière proactive. Il n'existait pas de structures de coordination des pratiques d'identification du droit souple, mis à part la possibilité pour la DDIP et d'autres unités administratives de donner leur avis dans le cadre de la procédure de consultation des offices pour un projet de mandat du Conseil fédéral sur l'envoi d'une délégation à une négociation d'un projet de droit souple important. Durant la présente évaluation, la DDIP a reçu un mandat de la CSG pour homogénéiser l'application des procédures relatives au droit souple au sein de l'administration fédérale (ch. 2.2).

S'inscrivant également dans le cadre de ce mandat, le groupe de travail interdépartemental sur le droit souple a notamment développé un «Aide-mémoire sur le droit souple («Soft Law»)». N'existant que sous forme de projet à ce stade (ch. 2.2), celuici répond à une attente des départements. En effet, les analyses du CPA montrent que les unités administratives se réfèrent principalement aux directives sur l'envoi de 92

Avis de droit, partie 1/II.B.

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délégations aux conférences internationales voire au rapport de postulat du Conseil fédéral, mais qu'une demande existe pour qu'un guide pratique soit élaboré. L'élaboration d'un mémorandum sur le droit souple, comme il existe un guide pratique sur les traités internationaux93, est considéré comme une plus-value et il est attendu que celui-ci soit progressivement complété avec des exemples de projets de droit souple traités par différents départements.

Si la version actuelle de l'aide-mémoire sur le droit souple représente indéniablement un outil bienvenu pour guider la pratique, il ne reflète pas le champ complet de participation du Parlement pour diverses raisons. D'une part, le processus débute par la catégorisation juridique d'un projet et se poursuit en se focalisant uniquement sur le droit souple, alors que la loi ne fait aucune distinction, en ce qui concerne l'obligation de consultation, entre des projets contraignants en droit international et des projets de droit souple ou d'autres objets de participation tels que les directives de politique étrangère, le seul critère étant leur pertinence du point de vue des orientations principales. Or, le guide ne contient aucune référence sur la manière dont ces autres objets doivent être traités. D'autre part, selon l'aide-mémoire, le critère de l'importance doit être appliqué à l'aune de l'art. 5b OLOGA, qui limite, non pas sur le plan juridique mais dans la pratique, le champ d'application de la loi (ch. 3.4). L'aide-mémoire sur le droit souple précise toutefois que les conditions fixées à l'art. 5b OLOGA ne sont pas exhaustives et que le critère de l'importance est également rempli par des instruments ayant une portée politique importante pour la Suisse. Enfin, il stipule qu'en l'absence d'un mandat du Conseil fédéral pour les délégations suisses ­ pour les exceptions évoquées à l'art. 44 des directives de 2012 ­ seule la question de l'information se pose au stade de la pré-négociation, ce qui exclurait de fait une consultation précoce pour tous les projets élaborés par une organisation internationale dont la Suisse est membre. Dans la pratique, cependant, des consultations sont parfois organisées sous une forme similaire avant les négociations, mais elles ne se déroulent pas explicitement sur la base d'un mandat et sont donc moins tangibles pour
les commissions parlementaires (par exemple, les consultations sur les priorités de la Suisse pour l'Assemblée générale des Nations Unies dans le cas du Pacte de l'ONU sur les migrations, cf. ch. 5.1.2).

La seule unité administrative ayant un outil interne pour guider la pratique jusqu'à l'élaboration de l'aide-mémoire est le SFI. Élaboré sous la forme de questions à se poser pour rédiger et influencer un standard international, ce document tout à fait informel illustre la pratique de cette unité administrative focalisée en priorité sur les critères de qualification de l'importance pour déterminer la participation des commissions parlementaires.

5

Interaction avec le Parlement

L'interaction avec le Parlement a notamment été analysée sous l'angle de la complémentarité et de la clarté des démarches d'information et de consultation ainsi que de l'opportunité de la participation des différentes commissions parlementaires (voir la 93

DDIP (2015): Guide de la pratique en matière de traités internationaux. 3 ème édition.

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liste des critères d'évaluation à l'annexe 2). Le CPA conclut que les démarches d'information et de consultation sont clairement définies et distinctes dans la loi, mais que leur application n'est pas toujours claire dans la pratique (ch. 5.1). En outre, les compétences des commissions compétentes concernées sont floues aussi bien dans la loi que dans la pratique (ch. 5.2). Enfin, la participation du Parlement repose sur de nombreux instruments mais ne peut pas toujours s'exercer de manière effective (ch. 5.3).

5.1

Les démarches d'information et de consultation sont complémentaires, mais leur application n'est pas toujours claire dans la pratique

L'art. 152 LParl distingue clairement les différentes formes d'information (communication unidirectionnelle du Conseil fédéral au Parlement sous forme de «Bringschuld» ou «Holschuld») et de consultation (communication bidirectionnelle entre le Conseil fédéral et le Parlement sous forme de «Bringschuld» ou «Holschuld», cf. ch. 3.2). Les analyses du CPA mettent en évidence que dans la pratique, les démarches d'information et de consultation sont complémentaires, mais que leur application n'est pas toujours claire pour l'administration fédérale.

Les CPE et les CER ont intégré les listes d'information sur les activités en politique extérieure dans un objet interne mis à l'ordre du jour de leurs séances. À l'ordre du jour des CPE, les informations ou consultations sont énumérées dans chaque cas avec une référence au paragraphe correspondant de l'article de loi pour clarifier auprès des parlementaires et de l'administration la distinction entre les démarches d'information (art. 152, al. 2, LParl) et de consultation (art. 152, al. 3, LParl). Toutefois, selon certains départements, il n'est pas toujours évident de choisir la démarche à adopter et à quel moment. La question du moment est abordée plus en détail sous l'angle de l'effectivité de la participation parlementaire (ch. 5.3). Les sous-chapitres suivants se penchent plus en détail sur l'information, en particulier sur les listes d'actualités (ch. 5.1.1), et la consultation (ch. 5.1.2), à travers notamment les études de cas qui en ont fait l'objet.

5.1.1

Démarches d'information

Les canaux de communication utilisés par l'administration sont multiples. Certains sont plus formalisés et il est possible de les identifier par exemple dans les documents transmis relatifs aux études de cas (annexe 3): listes d'information des activités des départements en matière de politique extérieure (à savoir la liste d'actualités de politique extérieure fournie par le DFAE à l'attention des CPE, la liste d'actualités de politique européenne transmise par le DFAE aux CPE et la liste des affaires financières et fiscales internationales du SFI à l'adresse des CER); point sur les actualités en matière de politique extérieure mis régulièrement à l'ordre du jour au sein des CPE et des CER; fiches d'information; rapports annuels (par exemple, les rapports annuels sur les activités de la politique migratoire extérieure); rapports explicatifs sur une thématique spécifique (par exemple, en lien avec l'imposition de l'économie numérique); communiqués de presse ou information écrite. D'autres canaux sont plus informels 42 / 74

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mais sont également utilisés (par exemple, information orale ou discussions entre les chefs ou cheffes de département et les présidents ou présidentes de commission). Selon les interlocuteurs, ces divers moyens de communication sont complémentaires et permettent aux commissions parlementaires de disposer d'une vue d'ensemble des événements survenus en politique extérieure, y inclus le droit souple, et d'être au courant de l'avancement des travaux, afin de demander éventuellement à être informé de manière approfondie sur un sujet en particulier ou d'être consulté. L'analyse du CPA met toutefois en évidence diverses lacunes, ainsi que des chevauchements entre les listes d'information.

Les différentes listes d'information des départements sont les moyens d'information les plus importants pour informer les commissions parlementaires des événements importants survenus dans le domaine de la politique extérieure, y inclus le droit souple. Si ces listes sont globalement perçues par les personnes interrogées comme des instruments utiles et opportuns, parce qu'elles permettent aux parlementaires d'être régulièrement informés des activités importantes en cours, des critiques sont émises par les secrétariats des commissions sur leur contenu et leur format.

La liste d'actualités de politique extérieure fournie par le DFAE à l'attention des CPE a été mise sur pied dès 2016 sur le modèle de la liste existante d'activités de politique européenne, afin de permettre aux CPE de pouvoir demander des informations complémentaires au DFAE sur des thèmes intéressants ou importants94. Le DFAE fournit cette liste sur une base trimestrielle. Les études de cas (annexe 3) indiquent qu'elle sert de support d'information central et régulier pour les projets qui le nécessitent.

Ainsi, tous les cas étudiés étaient inclus dans cette liste, à l'exception de UNDROP, qui a été mentionné, quant à lui, dans divers rapports annuels du Conseil fédéral en 201995. Si l'information relative aux Conseils de l'ESA au niveau ministériel se concentrent sur leur tenue, les projets du Pacte de l'ONU sur les migrations et des projets de l'OCDE de révision du modèle de convention fiscale (à partir de 2016) et d'imposition de l'économie numérique ont fait l'objet d'une information régulière et rapide lors de leur avancement à travers la liste du
DFAE (en plus de la liste des affaires du SFI dans le cas deux deux derniers). Selon les analyses du CPA, des critiques peuvent néanmoins être adressées à la liste d'actualités de politique extérieure à différents niveaux:

94 95

­

Au niveau de son élaboration, c'est le Secrétariat Général du DFAE qui est responsable de la liste et qui contacte les départements pour inscrire les projets traités; certains départements moins concernés par la politique extérieure en général et le droit souple en particulier ont dit ne pas connaître cette coordination;

­

Au niveau de sa structure, la liste est classée selon les départements et divisée selon l'occurrence des actualités relatives aux 1) relations bilatérales, 2) relations régionales (plusieurs États), 3) relations multilatérales et 4) rapports

Procès-verbal de la séance de la CPE-E des 14­15.4.2016.

Rapport du Conseil fédéral du 30.1.2019 sur la politique extérieure 2018 (FF 2019 1483) et rapport du Conseil fédéral du 8.3.2019 sur les motions et postulats des Chambres fédérales 2018 (FF 2019 2935).

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d'organisations internationales sur la Suisse96, ce qui implique que certains thèmes apparaissent plusieurs fois dans la liste parce qu'ils concernent différents départements ou échelles; ­

Au niveau de son contenu, les évolutions dans le temps d'un projet ne sont pas explicites; il est nécessaire d'analyser systématiquement les listes pour être en mesure de retracer le développement d'un projet; en outre, la dénomination des projets varie, dans le temps et d'une langue à l'autre, et plusieurs projets sont parfois énumérés sur une ligne du tableau d'information, ce qui rend l'identification d'un projet difficile; de plus, le contenu des projets n'est parfois pas clair d'après les informations fournies; enfin, les informations pertinentes, relatives aux critères de l'art. 5b OLOGA, évoqué explicitement, ne sont pas toujours complètes;

­

Au niveau de son étendue, c'est davantage une logique d'exhaustivité que de priorisation ciblée qui a été privilégiée par l'administration fédérale, de sorte que le risque existe que les parlementaires se perdent dans le grand nombre d'activités répertoriées97; à ce propos, il n'est pas clair pour l'administration fédérale si l'ambition de la liste est de couvrir tous les développements au niveau international ou uniquement ceux qui concernent les compétences des CPE (ch. 5.2).

La liste d'actualités de politique extérieure a fait l'objet d'améliorations. Après la publication du rapport de postulat du Conseil fédéral, la liste est notamment devenue moins descriptive et davantage axée sur les projets de droit souple. Dès 2019, en réponse aux demandes des CPE concernant le droit souple, le caractère de droit souple est explicitement mentionné dans la liste et leur identification fait l'objet d'un contrôle de la part de la DDIP. Par contre, le cadre juridique de la participation parlementaire en matière de politique extérieure met au premier plan l'importance d'un projet et non sa forme ou nature juridique. Étant donné que la liste sert à informer les commissions conformément à l'art. 152, al. 2 et 3, LParl, tous les projets énumérés doivent remplir le critère de l'importance. Or, les listes n'apportent pas d'information supplémentaire sur les raisons pour lesquelles un projet est qualifié comme important ou doit faire l'objet d'une information ou d'une consultation.

Dès 2007, la liste d'actualités de politique européenne a été transmise par la Direction des affaires européennes du DFAE aux CPE. Depuis 2019, celle-ci accorde elle-aussi une importance particulière au droit souple en consacrant un chapitre aux «développements internationaux de Soft-Law». Celui-ci est toutefois toujours resté vide jusqu'à présent.

96 97

Ce quatrième chapitre a fait son apparition en juillet 2018.

Le nombre d'actualités répertoriées est passé de 55 dans la liste du 15.8.2016 à 146 dans celle du 16.3.2021.

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La liste des affaires financières et fiscales internationales du SFI à l'adresse des CER98 a également été mise sur pied en 2016 dans l'optique d'améliorer la transparence et de donner la possibilité aux parlementaires d'envisager les affaires financières et fiscales internationales pour lesquelles ils souhaitent être informés ou consultés plus en détail99. Cette liste du SFI était jusqu'à fin 2017 structurée de manière analogue aux listes d'actualités de politique extérieure et fournie sur une base trimestrielle100. À partir de 2018, la liste a été restructurée en fonction des organisations multilatérales élaborant les projets et en mettant l'accent sur les conséquences de ces derniers pour la Suisse. Les mêmes critiques sur le contenu que celles évoquées pour la liste d'actualités de politique extérieure peuvent être adressées. Dès 2021, un tout nouveau processus d'élaboration a cependant été appliqué à la liste des affaires du SFI, dans un nouveau format: la liste n'est plus mise à jour tous les trois mois mais les sujets sont choisis selon leur actualité et leur pertinence pour la Suisse101. Tout en énumérant sous forme de tableau l'ensemble des sujets que le SFI suit et traite de manière proactive, une sélection ciblée des projets pour lesquels des informations détaillées sont données est faite. Par exemple, en raison de l'importance du projet BEPS, des informations ont été apportées aux commissions parlementaires dès les prémices du projet, par la présence régulière du chef du DFF à certaines séances des CER et au moyen des listes respectives d'information adressées aux CER et aux CPE dès 2016.

Le SECO informe les CPE avant tout au moyen de la liste trimestrielle d'actualités de politique extérieure du DFAE et des interventions orales régulières du chef de département en commission. Parallèlement, il fournit dans le rapport annuel sur la politique économique extérieure des informations sur l'état d'avancement des négociations en cours et sur les événements de politique économique extérieure qui se préparent à l'avenir. Au contraire des listes, ces rapports ne contiennent pas en principe d'informations sur les conséquences pour la Suisse ou les implications pour la participation des commissions parlementaires compétentes ou la nature juridique des actes.

5.1.2

Démarches de consultation

Les entretiens réalisés convergent globalement vers le fait que les démarches d'information et de consultation des commissions parlementaires sont complémentaires: la 98

La liste d'informations des affaires du SFI est transmise trimestriellement au secrétariat des CER et est systématiquement mise à l'ordre du jour de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national (CER-N) mais pas de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil des États (CER-E). Le SFI introduit les informations contenues dans cette liste dans la liste d'actualités de politique extérieure fournie par le DFAE à l'attention des CPE.

99 Procès-verbal de la séance de la CER-N des 14-15.11.2016.

100 La liste du SFI est rédigée respectivement en français et en allemand depuis le début ­ d'abord dans un seul document, puis dans des documents séparés selon la langue.

101 La liste comprend trois chapitres: 1. Principaux événements survenus en matière de politique extérieure dans les affaires financières et fiscales du SFI; 2. Autres événements importants survenus en matière de politique extérieure et travaux des organismes multilatéraux; 3. Autres activités du SFI en matière de politique extérieure. Le projet de l'OCDE et du G20 sur l'imposition de l'économie numérique, par exemple, est ainsi mentionné dans le chapitre 2 dans la liste de mars 2021, mais dans le chapitre 3 dans la liste de juin 2021.

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consultation s'effectue après la transmission d'informations et, au contraire de l'information fournie par les départements, nécessite une participation au niveau du Conseil fédéral vu qu'elle présuppose un projet de mandat. Toutefois, les documents transmis aux commissions parlementaires pour la consultation ne permettent pas toujours une prise de position éclairée, comme l'illustrent les études de cas réalisées qui ont donné lieu à une consultation.

En raison de la rapidité à laquelle les travaux de l'OCDE avançaient dans le cadre du projet BEPS, la consultation sur la position de la délégation suisse à adopter sur la convention multilatérale BEPS a été réalisée sous la forme d'une lettre du chef du DFF à la présidente et aux présidents des CPE et des CER, en vertu de la procédure d'urgence selon l'art. 152, al. 4, LParl (étude de cas C à l'annexe 3). D'après les lettres de la présidente et des présidents, celle-ci n'a pas été jugée adéquate parce qu'il a été à peine possible pour les commissions compétentes de rendre une prise de position consolidée en raison des délais très courts qui leur étaient laissés.

Dans le cas de l'imposition de l'économie numérique (étude de cas D à l'annexe 3), les consultations des CPE et des CER en mai 2020 ont été effectuées sur la base d'un rapport explicatif. Selon les entretiens réalisés par le CPA, les consultations se sont faites à échéance si rapide que le SFI n'avait aucune véritable position sur laquelle consulter les commissions compétentes d'une procédure de consultation à une autre.

En outre, les feuilles d'information produites ont été utilisées pour la «consultation/information»102, à savoir le même document a été utilisé autant dans le but d'informer les parlementaires des développements les plus significatifs qui ont eu lieu les derniers mois dans le dossier en question que pour les consulter au sujet des prochaines étapes.

Les commissions compétentes ont donc été consultées, mais la position du Conseil fédéral n'était pas assez étayée pour que les commissions compétentes puissent clairement l'accepter ou la refuser.

Dans le cas du Pacte de l'ONU sur les migrations (étude de cas B à l'annexe 3), les CPE ont été consultées sur les priorités annuelles de la Suisse à l'ONU avant que le Conseil fédéral les adopte: la Suisse évoque qu'elle suivra de
près la mise en oeuvre des conclusions qui résulteront du sommet que les Nations Unies consacreront aux réfugiés et migrants à New York dans ses priorités pour la 71e session de l'Assemblée générale de l'ONU (2016/2017); la négociation du Pacte mondial sur les migrations a été un thème prioritaire de la Suisse pour la 72e Assemblée générale des Nations Unies (2017/2018), et il a été une des priorités de la 73 e assemblée générales des Nations Unies (2018/2019). Ces priorités sont abstraites relativement à l'élaboration d'un projet spécifique et ne permettaient pas en soi aux membres des CPE d'avoir un impact sur les négociations liées à un texte en particulier. Les consultations ultérieures concernant l'adoption du texte déjà finalisé ont été réalisées en novembre 2018 auprès des CPE et des CIP, engendrant des doublons, selon les secrétaires de commission 103.

102

Par exemple, la «feuille d'information du 18.8.2020 à l'intention des CPE-N et CPE-E pour la consultation/information du 25.08 et 31.8.2020», selon la liste des documents transmis par l'unité administrative responsable.

103 Les CPE ont été consultées en vertu de l'art. 152 al. 3 LParl et les CIP en ont fait la demande en vertu de l'art. 152, al. 5, LParl; alors que les commissions y apportent généralement l'expertise de leur domaine de compétence, cela a moins été le cas ici selon les déclarations des personnes interrogées à ce propos.

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Plus globalement, plusieurs commissions ont été consultées dans chacun des trois cas et non pas uniquement les CPE. Cela pose également la question de leurs compétences, abordée dans le prochain sous-chapitre.

5.2

La répartition des compétences des commissions parlementaires en matière de politique extérieure est floue

D'après l'avis de droit, le terme «commissions compétentes en matière de politique extérieure» désigne actuellement les CPE, bien que l'art. 152 LParl ne le précise pas explicitement, et les «autres commissions compétentes» sont celles dont le domaine d'activité comporte une composante internationale ou de droit international (ch. 3.4).

Bien que l'on puisse déduire au niveau juridique quelles sont les commissions concernées, les personnes interrogées dans le cadre de l'évaluation ne l'ont pas compris ou l'ont interprété différemment.

Selon les entretiens réalisés, les départements ne savent pas dans leur majorité que les commissions qui doivent obligatoirement être informées et consultées en vertu de l'art. 152, al. 2, 3 et 4, LParl sont les CPE, lorsque leurs critères sont remplis par les projets en matière de politique extérieure. Il ressort plutôt qu'il n'y a pas de règles claires pour savoir quelle commission impliquer et que cela dépend de l'historique des relations sur un projet, des personnes en place et du sujet en question. Il est intéressant de constater que les départements les plus concernés par le droit souple (ch. 4.1) entretiennent des relations différentes avec les commissions parlementaires: le DFAE associe exclusivement les CPE, qui disposent des compétences générales en matière de négociation en politique extérieure; le DFF (SFI) prioritairement les CER, pour ses compétences matérielles dans le domaine de la fiscalité internationale et des marchés financiers; le DEFR (SECO) prioritairement les CPE, notamment pour leurs compétences sur les questions de libre-échange et d'économie internationale. En dépit de leurs compétences générales en matière de politique étrangère et de leur rôle plus important ces dernières années104, les personnes rencontrées ont confié au CPA que ce n'est donc pas toujours avec les CPE que les départements peuvent avoir un partenaire avec qui entretenir un dialogue constructif et continu, mais les commissions thématiques concernées en la matière105, plus expertes de questions techniques et responsables d'une éventuelle mise en oeuvre ultérieure du projet traité au niveau national.

L'association des CPE peut même s'avérer redondante et improductive.

En ce qui concerne plus particulièrement la démarche d'information, les CPE sont tenues de transmettre
les informations reçues aux autres commissions compétentes, en vertu de l'art 152, al. 2, LParl. Les analyses du CPA indiquent qu'en réalité, cette fonction de plaque tournante n'est pas assurée par les CPE. Celles-ci ne transmettent pas la liste trimestrielle d'actualités de politique extérieure fournie par le DFAE à 104

Lanz, Matthias (2020): Bundesversammlung und Aussenpolitik. Möglichkeiten und Grenzen parlamentarischer Mitwirkung. Zürich/St. Gallen: Dike Verlag AG, p. 227.

105 Les CPE sont les commissions thématiques responsable du «droit international».

Ce terme ne désigne cependant pas un domaine thématique, mais une source de droit (ch. 3.4).

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d'autres commissions. Pour pouvoir transmettre les procès-verbaux relatifs à un objet interne à une autre commission, l'accord du président ou de la présidente de commission est nécessaire. Selon le secrétariat de commission, des informations pertinentes sont plutôt transmises entre les secrétariats de commission. Toutefois, cela ne se produit qu'au cas par cas, et non de manière systématique, en raison de la masse beaucoup trop importante d'informations à traiter et parce que l'accès au dossier de consultation est restreint aux membres de commission. Il existe donc un hiatus entre la loi, qui confère aux CPE une fonction de plaque tournante d'information, et sa faisabilité dans la réalité. C'est ainsi que les CER ont décidé en 2016 d'inviter le SFI une fois par trimestre pour être régulièrement informées des dossiers de fiscalité internationale106.

L'art. 152, al. 5, LParl donne aux CER la possibilité de demander des informations, bien que le législateur envisageait probablement plutôt des informations sélectives.

L'obligation de fournir régulièrement des informations n'est prévue à l'art. 152, al. 2, LParl que pour les commissions compétentes en matière de politique extérieure, soit les CPE. Le SFI considère les CER comme étant dans les faits les commissions compétentes en matière de politique extérieure dans les projets qu'il traite. Il arrive aussi parfois qu'il les consulte sans véritable demande.

L'analyse de la pratique de la participation des commissions parlementaires en matière de politique extérieure met en exergue le fait que le cadre juridique n'est pas systématiquement respecté: la transmission des informations pertinentes aux autres commissions compétentes par les CPE n'est pas systématique pour des raisons juridique et pratique et la participation d'autres commissions compétentes au cas par cas est contournée. En plus, l'obligation de consulter et d'informer les CPE n'amène dans certains cas qu'une plus-value limitée et peut engendrer des doublons improductifs.

Selon les propos recueillis, les problèmes de démarcation dans le domaine de la politique extérieure semblent cependant difficiles à résoudre à un niveau général-abstrait par une répartition différente des compétences entre les commissions parlementaires.

5.3

Le Parlement peut participer, mais pas toujours de manière effective

Les analyses du CPA mettent en évidence qu'il est difficile pour l'administration fédérale de trouver le moment opportun pour impliquer le Parlement, en raison tout d'abord du caractère évolutif des projets de droit souple (ch. 4.2). En plus, étant donné le calendrier des commissions parlementaires et des organisations internationales qui les élaborent, il est difficile de trouver un moment pour la consultation où l'instrument de droit souple peut encore être façonné et non après (ch. 3.2.3).

Dans le cas du Pacte de l'ONU sur les migrations, les consultations des commissions parlementaires se sont effectuées trop tardivement pour qu'elles puissent jouer un rôle effectif dans les négociations sur le texte. Comme l'illustre la chronologie des événements (étude de cas B à l'annexe 3), les CPE et les CIP ont été informées à travers les rapports du Conseil fédéral sur les activités de politique migratoire extérieure de la

106

Procès-verbal de la CER-N des 20­21.2.2017.

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Suisse en 2016 et 2017 du but visé par le Pacte et de la position généralement favorable de la Suisse à son endroit, avant la finalisation des négociations sur son adoption.

Lors de la présentation de ces rapports, les CPE et les CIP ont pu discuter du développement du Pacte. Les CPE ont été informées de l'élaboration du Pacte dans les listes trimestrielles d'actualités de politique extérieure ainsi que dans les rapports annuels sur la politique extérieure107. Dans les listes trimestrielles, les négociations sur le Pacte ont été mentionnées pour la première fois en tant qu'affaire en cours dans la liste du 27 février 2018, en indiquant qu'elles devaient se dérouler de février à juillet 2018 et qu'elles se basaient sur un document publié. Aucune information supplémentaire n'était apportée sur le contenu des négociations ou du document. Les CPE ont également été consultées en août 2016 et 2017 sur les priorités annuelles de la Suisse à l'ONU («Bringschuld»). Dans les priorités de 2016, le Pacte n'est pas encore explicitement mentionné alors que dans celles de 2017, le but des négociations et le rôle de la Suisse sont brièvement décrits. Ainsi, l'administration fédérale a communiqué sur les négociations relatives au Pacte de l'ONU sur les migrations. Sur la base des informations plutôt générales transmises, les commissions parlementaires compétentes n'ont pas fait usage à ce stade de leur droit de demander d'être informées ou consultées davantage («Holschuld»).

La fin des négociations sur le texte remonte au 13 juillet 2018. Les CPE ont ensuite été consultées en août 2018 sur les priorités de la Suisse pour la 73e session de l'Assemblée générale de l'ONU, selon lesquelles la Suisse se mobilise pour l'adoption d'un Pacte «ambitieux et assorti de mécanismes de mise en oeuvre et d'examen»108, mais aucune information n'est donnée sur le contenu du projet. Les consultations des CPE («Bringschuld») et des CIP («Holschuld») ont été menées en novembre 2018 alors que le texte avait déjà été finalisé et que le Conseil fédéral avait décidé le 10 octobre 2018 d'approuver le Pacte lors d'une conférence deux mois plus tard. L'unité administrative responsable a indiqué au CPA qu'il n'est selon elle pas judicieux ni efficace de consulter le Parlement lors des pré-négociations d'un projet de droit souple à l'ONU,
parce que le texte peut encore subir de substantiels changements.

Les calendriers des commissions parlementaires et des organisations internationales, qui élaborent des projets de droit souple selon leur propre agenda, exigent de l'administration fédérale qu'elle fasse preuve d'une grande flexibilité et anticipe au maximum les développements aux niveaux extérieur et intérieur. À titre d'illustration, eu égard à la cadence souvent élevée des travaux de l'OCDE, les efforts consentis par l'administration fédérale pour faire coïncider l'agenda entre l'organisation internationale et les commissions compétentes ont été salués lors des entretiens. Dans le cas du projet d'imposition de l'économie numérique, par exemple, les résultats en découlant étaient difficilement prévisibles, au vu de la complexité du projet et de l'hétérogénéité des intérêts des États membres du cadre inclusif, avec des délais extrêmement courts en raison du calendrier très ambitieux de l'OCDE. Une information a donc été donnée

107

Le rapport sur la politique extérieure de 2017 évoque de manière abstraite l'objectif du Pacte (contribuer à assurer une migration sûre et ordonnée ainsi qu'à mieux en exploiter le potentiel) et le rôle de co-facilitation de la Suisse dans son élaboration, sans détails.

108 DFAE (2018): Priorités de la Suisse pour la 73 e session de l'Assemblée générale de l'ONU, p. 2.

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aux commissions compétentes dès les premiers résultats du projet BEPS, jugé important, et un calendrier des possibles consultations des CPE et des CER a été transmis aux secrétariats de commission avant même la décision du Conseil fédéral sur la consultation des commissions compétentes. Le calendrier propose en outre une consultation/information supplémentaire (avec plusieurs variantes) sur les éléments clés définitifs, si ceux-ci diffèrent fortement du contenu de la consultation préalablement organisée109. Dans cette perspective, l'avis positif du Conseil fédéral relatif à l'instauration d'une délégation permanente auprès de l'OCDE110, chargée de représenter l'Assemblée fédérale lors des différentes manifestations organisées par cette organisation internationale, est unanimement considéré comme bienvenu car elle permettra à ses membres d'assurer une implication continue et en amont, donc complémentaire aux autres moyens de participation, sur les dossiers111.

L'aide-mémoire sur le droit souple s'emploie aussi à clarifier la question du moment opportun de la participation. Il précise que l'évaluation de la participation du Parlement doit être effectuée régulièrement avant l'adoption de l'instrument de droit souple du fait du processus dynamique qui accompagne le droit souple. Ceci est concrétisé par deux moments distincts durant lesquels le Conseil fédéral doit informer et/ou consulter le Parlement, selon le tableau récapitulatif: le premier moment correspond à une association aussi précoce que possible du Parlement durant la phase de pré-négociation (après la décision du mandat si un mandat du Conseil fédéral est nécessaire) et le deuxième moment intervient durant la phase de post-négociation (avant l'adoption du document). Le caractère évolutif des projets de droit souple y est en outre pris en compte112.

Les cas analysés montrent d'une part que le Parlement a utilisé autant ses instruments généraux que spécifiques à la politique extérieure, y inclus le droit souple, lorsque c'était pertinent. Les premiers permettent au Parlement de donner une orientation au processus de négociation en matière de politique extérieure si les projets, y compris de droit souple, ne sont pas suffisamment importants pour que le Conseil fédéral doive associer de son propre chef le Parlement. Dans le cas de UNDROP,
par exemple, on constate que le Parlement a exigé, au début du processus d'élaboration, des informations sur le projet par le biais de deux interpellations, et a également donné une impulsion importante avec une motion pour que la Suisse s'implique dans la rédaction de la déclaration. De plus, le Parlement a à nouveau demandé au Conseil fédéral, par le biais d'une interpellation, si la Suisse soutiendrait la déclaration peu avant l'Assemblée générale de l'ONU. Par contre, les CPE n'ont pas été consultées ou demandé une consultation selon l'art. 152 LParl (étude de cas A à l'annexe 3).

Comme pour la grande majorité des projets pris en charge par le SEFRI en matière de politique extérieure, les résolutions de l'ESA ne sont pas suffisamment importantes 109

Consultation des CPE et CER à l'aune d'un rapport explicatif sur les orientations du projet de l'OCDE et du G20 sur l'économie numérique.

110 Avis du Conseil fédéral du 26 mai 2021 relatif à Initiative parlementaire 20.436 de la CER-E visant l'Institution d'une délégation parlementaire permanente auprès de l'OCDE.

111 Le Parlement a adopté la base juridique pour l'instauration d'une délégation parlementaire permanente auprès de l'OCDE le 1.10.2021.

112 La consultation lors de la phase de post-négociation s'effectue si le document change de manière significative par rapport au contenu de la consultation lors de la pré-négociation.

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pour que les commissions compétentes soient activement impliquées dans le processus d'élaboration, en raison de leur caractère technique ou de niche. Les Conseils de l'ESA au niveau ministériel font l'objet d'une information (avant et après leur tenue) dans les listes trimestrielles d'actualités de politique étrangère transmises par le DFAE aux CPE et de communiqués de presse du Conseil fédéral (étude de cas E à l'annexe 3). Cette relation entre pouvoirs exécutif et législatif dans ces projets, ainsi que les ressources nécessaires pour assurer l'information, sont jugés opportuns par l'unité administrative responsable. Dans les cas du Pacte sur les migrations (étude de cas B à l'annexe 3), des révisions du modèle de convention fiscale (étude de cas C à l'annexe 3), et du projet d'imposition de l'économie numérique (étude de cas D à l'annexe 3), les CPE ont été consultées conformément à l'art. 152, al. 3, LParl, et d'autres commissions compétentes ont fait usage de leur droit à être consultées et/ou informées en vertu de l'art. 152, al. 5, LParl. S'agissant des projets de droit souple étudiés ayant fait l'objet d'une procédure de consultation parlementaire, les personnes entendues ont, dans leur majorité, perçu la plus-value de la participation en termes de légitimité démocratique, dans le sens où elle permet d'amener selon elles de nouvelles perspectives au traitement du dossier et de prendre le pouls du Parlement à son endroit. L'opinion est généralement plutôt positive concernant l'équilibre entre les possibilités de participation du Parlement et la préservation de la capacité d'action du gouvernement dans la politique extérieure que permet le critère de l'importance.

6

Conclusions

Dans l'ensemble, le CPA est parvenu à la conclusion que la manière dont le Parlement participe dans le domaine du droit souple n'est que partiellement opportune. Sur le plan juridique, les droits de participation du Parlement suisse sont étendus, en comparaison internationale (ch. 6.1), mais leur concrétisation dans l'art. 152 LParl nécessite d'être interprétée et l'art. 5b OLOGA est déficient (ch. 6.2). Ainsi, les approches de la qualification de l'importance des projets diffèrent entre les départements et en leur sein et sont peu systématiques (ch. 6.3). Les procédures relatives au droit souple posant problème, un projet d'aide-mémoire a été produit à l'initiative du DFAE pour homogénéiser la pratique, même s'il ne reflète pas l'entier du champ de participation parlementaire (ch. 6.4). Par ailleurs, les compétences des commissions ne sont pas claires (ch. 6.5) et les instruments de participation parlementaire, bien que complémentaires, ne peuvent pas toujours être utilisés de manière effective (ch. 6.6).

6.1

Les droits de participation étendus du Parlement suisse reflètent la répartition de compétences en politique extérieure (ch. 3.1)

Selon la Constitution suisse, l'Assemblée fédérale et le Conseil fédéral exercent la responsabilité de la politique extérieure de manière conjointe et imbriquée comme «les doigts d'une même main», ce qui confère au pouvoir législatif une position forte en matière de politique extérieure qui est unique en comparaison internationale. Le Conseil fédéral est responsable de la conduite opérationnelle, tandis que l'Assemblée 51 / 74

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fédérale participe aux décisions de principe et s'occupe des questions fondamentales.

En comparaison avec d'autres pays qui ont un pouvoir législatif fort (notamment la Finlande, l'Italie, la Belgique, la Norvège) et avec des pays voisins (l'Allemagne et la France), les droits de participation du Parlement suisse sont plus nombreux et plus étendus. Ces droits de participation étendus du Parlement suisse reflètent donc la répartition de compétences en politique extérieure. Certains de ces droits peuvent également être appliqués au droit souple (ch. 3.1).

6.2

L'art. 152 LParl concrétise les instruments de participation mais nécessite d'être interprété, tandis que l'art. 5b OLOGA est déficient (ch. 3.2 et 3.3)

L'art. 152 LParl est opportun dans la mesure où il concrétise les instruments et les procédures de participation du Parlement dans la politique extérieure. Il précise les objets, les seuils et les modalités du droit d'information et de consultation, ainsi que les organes qui bénéficient de ces droits. Toutefois, en ce qui concerne les objets de la participation, la notion d'«orientations principales» n'est pas équivalente dans les différentes versions linguistiques de la loi, de sorte qu'il n'est pas évident qu'elle couvre toutes les facettes de la politique extérieure, s'étendant d'un niveau abstrait, avec des activités stratégiques, à un niveau beaucoup plus concret, tel que le domaine de la règlementation, y inclus le droit souple. S'agissant des seuils à partir desquels le Parlement doit être impliqué, le législateur a utilisé différents termes (en français: «important» et «principal»; en allemand: «wichtig», «wesentlich» et «bedeutend») et leur signification ne peut être déterminée que par rapport au contexte. Concernant les modalités de participation, il ressort de manière explicite pour l'information, mais seulement de manière implicite pour la consultation, que le Parlement doit être impliqué le plus rapidement possible pour permettre une participation effective à la conception de la politique extérieure. En somme, l'art. 152 LParl nécessite donc d'être interprété (ch. 3.2).

En 2016, le Conseil fédéral a précisé la notion d'«orientations principales» pour lesquelles il est tenu de consulter le Parlement, en incluant l'art. 5b dans l'OLOGA. Selon l'avis de droit, la disposition de l'ordonnance est déficiente à divers égards. Tout d'abord, la précision a été apportée à un niveau juridique inapproprié, compte tenu du fait que les dispositions législatives importantes, dont l'art. 5b OLOGA fait partie, doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale (ch. 3.3.1). Ensuite, son contenu concerne des questions parlementaires, impliquant que sa réglementation soit de la compétence du Parlement et non du Conseil fédéral (ch. 3.3.2). De surcroît, les exemples à l'art. 5b OLOGA ne couvrent pas toutes les «orientations principales» au sens de l'art. 152, al. 3, LParl. La pratique étant fondée sur ces exemples, le champ de participation du législatif en matière de politique extérieure, y inclus
le droit souple, n'est pas limité sur le plan juridique mais il l'est sur le plan factuel (ch. 3.3.3). Enfin, l'art. 5b OLOGA est formulé de manière imprécise, étant donné qu'il fait appel à des termes inhabituels et non définis pour préciser les «orientations principales» (ch. 3.3.4).

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6.3

Les approches de l'administration fédérale pour qualifier l'importance des projets diffèrent et sont globalement peu systématiques (ch. 4.1)

Bien qu'elle ne soit pas complète, la liste de projets de droit souple traités par l'administration fédérale depuis l'entrée en vigueur de l'art. 5b OLOGA, compilée par le CPA dans le cadre de cette évaluation, permet de constater que l'ensemble des départements sont concernés par le droit souple, en raison de la transversalité de la politique étrangère, mais à des degrés divers. Le DFAE est considérablement concerné et de nombreuses unités administratives ont traité des projets dans ce domaine. Au sein du DFF et du DEFR, ce sont respectivement le SFI et le SECO qui sont principalement touchés par les projets de droit souple. Le DETEC et le DFI ont certaines unités administratives ayant des activités en lien avec la politique extérieure qui sont parfois concernées par le droit souple, tandis que le DDPS et le DFJP ne sont que très ponctuellement concernés.

En ce qui concerne le triage des projets de droit souple pour lesquels une participation du Parlement est nécessaire, les analyses réalisées indiquent d'une part, que la pratique diffère entre les départements et en leur sein. Les uns appliquent d'abord les critères d'identification du droit souple puis de la qualification de l'importance, les autres n'appliquent en détail que les critères de qualification de l'importance, tandis que d'autres font les deux choses simultanément, mais pas de manière systématique.

D'autre part, les analyses montrent que les unités administratives peu concernées n'ont pas de pratique consolidée. Toutefois, les règles sont connues et dites être appliquées si besoin dans le cadre du processus de demande de mandat au Conseil fédéral pour l'envoi de délégations à des conférences internationales. Vu que la participation parlementaire ne se limite pas au droit souple selon le cadre légal, une approche focalisée sur le droit souple semble trop restreinte, mais il convient de clarifier la nature de l'activité de politique extérieure en question pour pouvoir définir le seuil d'importance pertinent et ainsi déterminer la participation du Parlement. Jusqu'à présent, la pratique de qualification de l'importance des projets de droit souple est globalement incohérente et peu systématique (ch. 4.1).

6.4

Les procédures relatives au droit souple posant problème, un aide-mémoire bienvenu est en train d'être élaboré (ch. 4.2 et 4.3)

L'élaboration de la liste de projets de droit souple traités par l'administration fédérale s'est révélée être une entreprise difficile, indiquant la complexité que sous-tend l'identification du droit souple et la compréhension différente du droit souple par les départements et les différentes unités administratives. Ont été listées des déclarations d'intention purement politiques ou des codes de conduite sectoriels, qui n'ont pas un degré de normativité suffisant ou pas une nature générale et abstraite, et qui ne qualifieraient donc pas le droit souple selon la définition utilisée dans ce rapport (ch. 2.1). L'identification du droit souple est notamment rendue difficile parce qu'il n'est pas toujours clair si les documents sont des instruments de droit souple finalisés ou simplement 53 / 74

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une étape intermédiaire vers un instrument de droit souple plus détaillé, voire de droit international «dur». Compte tenu des formes diverses, variées et évolutives des projets de droit souple et de leur processus de création, la définition du droit souple dans le rapport du Conseil fédéral et les explications fournies pour l'identifier permettent de guider la pratique, mais ne sont pas suffisamment claires et précises pour dégager un jugement univoque (ch. 4.2).

En raison de l'application incohérente des procédures relatives au droit souple, le DFAE (DDIP) a mis en place de manière proactive un groupe de travail sur le droit souple, qui a permis la sensibilisation des départements à la thématique. Cette plateforme de discussion commune a notamment permis l'élaboration d'un aide-mémoire sur le droit souple, représentant un outil bienvenu pour guider la pratique. Néanmoins, sa version actuelle ne reflète pas le champ complet de participation parlementaire (ch. 4.3).

6.5

Les compétences des commissions parlementaires en matière de participation ne sont pas claires (ch. 3.4 et 5.2)

Selon la loi, les «commissions compétentes en matière de politique extérieure» ont le rôle principal dans la participation à la politique extérieure. Il ressort d'autres documents que le terme désigne actuellement les CPE, bien que l'art. 152 LParl ne le précise pas explicitement. Les «autres commissions compétentes» mentionnées dans l'article de loi, qui disposent du droit de solliciter des informations ou une consultation, sont celles dont le domaine d'activité comporte une composante internationale (ch. 3.4).

L'analyse de la pratique met en exergue le fait que le cadre juridique n'est pas clair et systématiquement respecté. Les unités administratives ne savent pas, dans leur majorité, quels sont les critères à observer pour savoir quelle commission parlementaire impliquer, et les contacts dépendent plutôt de l'historique des relations sur un projet et du sujet en question. À ce titre, le DFAE associe exclusivement les CPE, pour leurs compétences générales en matière de négociation en politique extérieure, le SFI prioritairement les CER pour leurs compétences matérielles dans le domaine de la fiscalité internationale et des marchés financiers, et seulement secondairement les CPE. Le SECO implique prioritairement les CPE, notamment pour leurs compétences sur les questions de libre-échange et d'économie internationale. L'obligation d'informer et de consulter les CPE n'amène dans certains cas qu'une plus-value limitée et peut engendrer des doublons improductifs.

En ce qui concerne plus particulièrement la démarche d'information, les CPE n'assurent pas leur fonction de plaque tournante prévue par la loi, consistant à transmettre les informations reçues aux autres commissions compétentes. Il s'avère en effet infaisable dans la pratique de transmettre les informations pertinentes et procès-verbaux relatifs à une autre commission de manière systématique, en raison de la masse beaucoup trop importante d'informations et des règles d'accès aux documents. C'est ainsi que les CER ont décidé d'inviter le SFI une fois par trimestre pour être régulièrement

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informées des dossiers de fiscalité et finance internationales. Cette pratique d'information régulière va plus loin que l'art. 152, al. 5, LParl selon lequel les commissions peuvent demander des informations au cas par cas. De même, le SFI consulte les CER (ou d'autres commissions) parfois sans véritable demande, parce qu'il les considère dans les faits être les «commissions compétentes en matière de politique extérieure» dans les projets qu'il traite étant donné qu'elles sont compétentes pour la mise en oeuvre nationale des projets (ch. 5.2).

6.6

L'information et la consultation du Parlement sont complémentaires, mais ne peuvent pas toujours être utilisées de manière effective (ch. 5.1 et 5.3)

En principe, les démarches d'information et de consultation prévues à l'art. 152 LParl sont différentes: l'information implique une communication unidirectionnelle de l'exécutif vers le législatif, tandis que la consultation implique une communication bidirectionnelle entre les deux pouvoirs. Dans la pratique, toutefois, les analyses du CPA mettent en évidence que les démarches d'information et de consultation sont complémentaires mais qu'il n'est pas évident pour certains départements de choisir laquelle adopter et à quel moment.

Parmi divers canaux d'information, différentes listes d'information sont utilisées par l'administration fédérale pour informer les commissions parlementaires des événements importants survenus dans le domaine de la politique extérieure, y inclus le droit souple. Ces listes sont des instruments opportuns en ce qu'elles permettent aux parlementaires de disposer régulièrement d'une vue d'ensemble des événements survenus, mais leur contenu et leur format ne sont pas optimaux. Quant à la consultation, l'une des difficultés réside dans le fait que la position du Conseil fédéral n'est pas toujours suffisamment étayée dans les documents transmis aux commissions pour permettre une prise de position éclairée et que la procédure d'urgence ne laisse que des délais très courts aux parlementaires (ch. 5.1).

En outre, même si la loi exige une implication précoce du Parlement, il est difficile pour l'administration fédérale de trouver le moment opportun, en raison du caractère évolutif du droit souple, ainsi que du calendrier des commissions parlementaires et des organisations internationales ou organes multilatéraux au sein desquels les projets de droit souple sont élaborés. Depuis le cas du Pacte de l'ONU sur les migrations, des efforts sont consentis par l'administration fédérale pour faire coïncider les agendas des organisations internationales et des commissions et pour réaliser une consultation donnant effectivement aux parlementaires la possibilité d'influencer les négociations alors que l'instrument de droit souple peut encore être façonné (ch. 5.3).

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Abréviations AFC Al.

Art.

BEPS CdG CDI CER CER-E CER-N Chap.

Ch.

CIP CM-16 CPA CPE CPE-E CPE-N CSG Cst.

CWG DDIP DDPS DEFR DETEC DFAE DFF DFI DFJP ESA G20 GCM ISDC Let.

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Administration fédérale des contributions Alinéa Article Projet sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (Base erosion and profit shifting) Commissions de gestion des Chambres fédérales Conventions contre les doubles impositions Commissions de l'économie et des redevances Commissions de l'économie et des redevances du Conseil des États Commissions de l'économie et des redevances du Conseil national Chapitre Chiffre Commissions des institutions politiques Conseil de l'Agence spatiale européenne au niveau ministériel de décembre 2016 à Lucerne Contrôle parlementaire de l'administration Commissions de politique extérieure Commission de politique extérieure du Conseil des États Commission de politique extérieure du Conseil national Conférence des Secrétaires généraux Constitution fédérale (RS 101) Groupe de travail qui prépare les Conseils de l'Agence spatiale européenne au niveau ministériel Direction du droit international public Département fédéral de la défense, de la population et des sports Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication Département fédéral des affaires étrangères Département fédéral des finances Département fédéral de l'intérieur Département fédéral de justice et police Agence spatiale européenne Groupe des vingt Pacte de l'ONU sur les migrations (Global Compact for Safe, Orderly and Regular Migration) Institut suisse de droit comparé Lettre

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LParl OCDE OLOGA ONU OSCE RO RS SECO Structure IMZ SEFRI SFI UNDROP

Loi fédérale du 13.12.2002 sur l'Assemblée fédérale (loi sur le Parlement; RS 171.10) Organisation pour la coopération et le développement économiques Ordonnance du 25 novembre 1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (RS 172.010.1) Organisation des Nations Unies Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe Recueil officiel du droit fédéral Recueil systématique du droit fédéral Secrétariat d'État à l'économie Structure interdépartementale pour la coopération migratoire internationale Secrétariat d'État à la formation, à la recherche et à l'innovation Secrétariat d'État aux questions financières internationales Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (United Nations Declaration on the Rights of Peasants and Other People Working in Rural Areas)

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Bibliographie et liste des documents Bibliographie Ehrenzeller, Bernhard (2020): Bundesversammlung. In: Diggelmann, Oliver / Hertig Randal, Maya / Schindler, Benjamin (Hrsg.): Verfassungsrecht der Schweiz.

Zürich: Schulthess, pp. 1699­1721.

Lanz, Matthias (2020): Bundesversammlung und Aussenpolitik. Möglichkeiten und Grenzen parlamentarischer Mitwirkung. Zürich/St. Gallen: Dike Verlag AG.

Petrig, Anna et Sinz, Mareike (2021): Rechtsgutachten zum Thema «Mitwirkung des Parlaments im Bereich von Soft Law», 29.11.2021, im Auftrag der PVK, Basel.

Tripet Cordier, Florent (2014): Art. 152. In: Graf, Martin / Theler, Cornelia / von Wyss, Moritz: Parlamentsrecht und Parlamentspraxis der Schweizerischen Bundesversammlung. Kommentar zum Parlamentsgesetz (ParlG) vom 13. Dezember 2002, pp. 1029­1044.

Tripet, Florent M. (2012): Ein Instrument der parlamentarischen Mitwirkung im Bereich der schweizerischen Aussenpolitik. Die Information und Konsultation gemäss Art. 152 Parlamentsgesetz, Cahier de l'IDHEAP 270/2012.

Serdült, Uwe, Vögeli, Chantal, Hirschi, Christian, et Widmer, Thomas (2012): APES 2.2 - Actor-Process-Event Scheme. Centre for Democracy Studies (ZDA), Aarau, Switzerland.

Sinz, Mareike (2022): Internationales Soft Law und Fragen nach parlamentarischer Zustimmung: Eine Betrachtung im Rahmen eines deutsch-französisch-schweizerischen Rechtsvergleichs. Zürich: Schultess Verlag (sous presse).

Liste des documents cités Conseil fédéral (2012): Directives concernant l'envoi de délégations à des conférences internationales, 7.12.2012.

Conseil fédéral (2019): Rapport du 30.1.2019 sur la politique extérieure 2018.

Conseil fédéral (2019): Rapport du 8.3.2019 sur les motions et postulats des Chambres fédérales 2018.

Conseil fédéral (2019): Consultation et participation du Parlement dans le domaine du droit souple («soft law»), rapport du 26.6.2019 en réponse au postulat 18.4104, CPE-E, 12.11.2018.

DDIP (2015): Guide de la pratique en matière de traités internationaux. 3 ème édition.

DDIP (2021): «Aide-mémoire sur le droit souple («Soft Law»)», projet, 5.8.2021.

DFAE (2018): Priorités de la Suisse pour la 73e session de l'Assemblée générale de l'ONU.

DFAE (2019): Travaux de suivi du postulat 18.4104 de la CPE-E, 29.10.2019.

DFAE (2020): Droit souple ­ mandats au DFAE, 11.8.2020.

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Liste des personnes interrogées La liste ci-dessous indique la fonction de la personne concernée au moment de l'entretien avec le CPA.

Benoît, Anne Brändle, Michaël Briguet, Julien Brunner Pohlenz, Stephan Cicéron Bühler, Corinne Driget, Katherine Dubach, Roger Eichin, Andrin Flückiger, Stefan Forrer, Rhena Füzesséry, Alexandre Gschwend, Roger Jäggi, Nereida Julmy, Christoph Kropf, Catherine Krpoun, Renato Kuster, Susanne Lorenz, Stephanie Lüthi Blume, Ruth Marinovic, Zeljko Müller, Benjamin Muralt, Samuel Mure, Johannes Orell, Marianne

Secrétaire de commission, CIP Collaborateur personnel, Secrétariat général, DFI Collaborateur diplomatique, DDIP, DFAE Chef de la section du droit, Chancellerie fédérale Directrice de la DDIP, DFAE Juriste, unité Législation I, Office fédéral de la justice, DFJP Directeur suppléant, DDIP, DFAE Collaborateur scientifique, Affaires internationales, Office fédéral de la communication, DETEC Secrétaire d'État suppléant, chef Planification et stratégie, SFI, DFF Co-Cheffe de la section Santé globale, Office de la santé publique, DFI Secrétaire de commission, CER Chef de secteur Droit économique international, SECO, DEFR Collaboratrice scientifique, Échange de renseignements et fiscalité des personnes physiques, SFI, DFF Chef du service juridique, Secrétariat général, DETEC Cheffe suppléante de la division Politique spatiale et affaires administratives, SEFRI, DEFR Chef de la division Affaires spatiales, SEFRI, DEFR Cheffe du domaine de direction Droit public, Office fédéral de la justice, DFJP Cheffe suppléante Questions fondamentales et relations internationales, SFI , DFF Secrétaire de commission, CIP Secrétaire général suppléant, Secrétariat général, DEFR Collaborateur diplomatique, Diplomatie des droits de l'homme, Secrétariat d'État, DFAE Secrétaire de commission suppléant, CPE Chef de la division Stratégie et planification, SEFRI, DEFR Cheffe Politique fiscale des entreprises, SFI, DFF 59 / 74

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Perrez, Franz Xaver

Chef de la division Affaires internationales, Office fédéral de l'environnement, DETEC Pfammatter, Tamara Cheffe Fiscalité, SFI, DFF Portmann, Roland Chef de la section Droit international public, DDIP, DFAE Rasi, Conradin Chef de la section Déplacement forcé et migration, Secrétariat d'État, DFAE Saladin, Gerhard M.

Chef de la section Droit, DDPS Sanglard, Blaise Chef suppléant, secteur Droit économique international, SECO, DEFR Triper Cordier, Florent Manuel Secrétaire de commission, CPE Wyss, Martin Chef suppléant de l'unité Législation II, Office fédéral de la justice, DFJP Zambelli, Mirko Chef Conseil de l'Europe et OSCE, Secrétariat d'État, DFAE

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Annexe 1

Approche de l'évaluation

Objectifs de la politique:

Le Parlement participe à la définition de la politique extérieure en suivant l'évolution de la situation internationale et en participant au processus de décision relatif aux questions importantes en la matière, qui incluent également le droit souple.


Moyen pour les atteindre:

Le Parlement dispose de droits généraux et spécifiques en politique extérieure. Le Parlement doit notamment être informé par le Conseil fédéral sur les événements importants en matière de politique extérieure et être consulté sur les orientations principales de ladite politique ainsi que sur les directives concernant un mandat pour des négociations internationales importantes. Les droits à l'information et à la consultation recouvrent également le droit souple.


Objet de l'évaluation:

Questions d'évaluation:

Analyses effectuées:

L'évaluation examine le cadre juridique de la participation du Parlement dans le domaine du droit souple, la qualification de l'importance des projets et l'identification du droit souple par l'administration fédérale ainsi que l'interaction de celle-ci avec les commissions parlementaires.







Sur le plan juridique, la participation du Parlement dans le domaine du droit souple estelle étendue, en comparaison internationale, et régie de manière opportune?

L'administration fédérale qualifie-t-elle l'importance des projets de droit souple de manière opportune et systématique?

La participation des commissions parlementaires est-elle opportune?







Analyse du cadre juridique suisse et comparaison juridique internationale (avis de droit externe), basée sur des rapports juridiques nationaux (mandat externe)

Compilation d'une liste des projets de droit souple traités par l'administration fédérale depuis 2016 Études de cas sur cinq projets de droit souple (analyse des documents internes; entretiens avec l'unité administrative responsable) Analyse des documents de l'administration fédérale et des commissions parlementaires concernées Entretiens avec les membres du groupe de travail sur le droit souple de tous les départements et avec les secrétariats des commissions parlementaires concernées

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Annexe 2

Critères d'évaluation Critères spécifiques

Éléments d'appréciation

Étendue et opportunité du cadre juridique (question 1) Étendue de la participa- Par rapport à d'autres pays les plus similaires possible, le tion du Parlement cadre juridique suisse prescrit: plus de formes différentes de participation du Parlement; pour des projets plus significatifs; avec un pouvoir de décision plus important; pour davantage d'organes.

Clarté du terme «orien- Le terme «orientations principales» est précis et permet tations principales» d'identifier les projets devant faire l'objet de consultation et/ou d'information.

Opportunité du terme «orientations principales»

Les orientations principales correspondent aux objectifs de l'art. 152, al. 3, LParl et au partage des pouvoirs en matière de politique extérieure.

Pertinence du terme «orientations principales»

Les projets de droit souple importants sont inclus dans les orientations principales, mais ne sont pas les seuls types de projets importants.

Clarté de la disposition La disposition dans l'ordonnance (art. 5b OLOGA) est dans l'ordonnance précise et permet de manière univoque d'identifier les orientations principales en général et les projets de droit souple importants en particulier.

Opportunité de la dispo- Les critères figurant à l'art. 5b OLOGA sont suffisamment sition dans l'ordonnance larges pour inclure toutes les orientations principales, conformément au sens de l'art. 152, al. 3 et 4, LParl.

Pertinence de la disposi- Les projets de droit souple importants sont inclus dans les tion dans l'ordonnance critères figurant à l'art. 5b OLOGA, mais ne sont pas les seuls types de projets importants.

Clarté des responsabili- Le terme «commissions compétentes en matière de polités des commissions tique extérieure» (art. 152 LParl) est clair pour que l'admiparlementaires nistration fédérale sache à quelle commission parlementaire s'adresser.

Opportunité et systématisme de la qualification des projets de droit souple (question 2) Existence de directives claires expliquant l'application des critères figurant à l'art. 5b OLOGA

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Des directives existent pour expliciter les critères figurant à l'art. 5b OLOGA. Ces directives sont claires et précises, et permettent de trier de manière univoque les projets (de droit souple) qui correspondent à des orientations principales ou pas.

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Critères spécifiques

Éléments d'appréciation

Application systémaLes critères de qualification de l'importance tique des critères figu- (art. 5b OLOGA) sont passés en revue de manière systérant à l'art. 5b OLOGA matique pour chaque projet.

Coordination adéquate du DFAE pour systématiser et uniformiser la pratique de qualification de l'importance

Le DFAE édicte des directives sur la qualification de l'importance des projets qui spécifient les responsabilités des différents acteurs. Il met en place une coordination de la pratique des autres départements. Il existe une base légale pour cette tâche.

Existence de directives Des directives existent pour expliciter les critères d'identiclaires expliquant l'ap- fication des projets de droit souple. Ces directives sont plication des critères claires et précises, et permettent de guider l'identification.

d'identification du droit souple Application systémaLes critères d'identification du droit souple sont passés en tique des critères d'iden- revue de manière systématique pour chaque projet.

tification du droit souple Coordination adéquate Le DFAE édicte des directives sur l'identification du droit du DFAE pour uniformi- souple qui spécifient les responsabilités des différents acser la pratique d'identifi- teurs. Il met en place une coordination de la pratique des cation du droit souple autres départements. Il existe une base légale pour cette tâche.

Opportunité de la participation des commissions parlementaires (question 3) Clarté des démarches Les processus d'information et de consultation constituent d'information et de con- des démarches distinctes, clairement définies et complésultation mentaires. Le choix de la démarche par l'administration fédérale est bien fondé et opportun.

Opportunité de la participation des différentes commissions parlementaires

Les commissions concernées par un projet sont impliquées de manière à permettre aux parlementaires de participer au développement du projet tout en respectant les compétences du pouvoir exécutif. Les processus d'information entre les différentes commissions parlementaires sont réglés de manière claire et sont opportuns dans la pratique.

Effectivité de la partici- La participation s'effectue suffisamment tôt pour que les pation parlementaires puissent avoir leur mot à dire sur des projets en cours. La participation montre que l'art. 152 LParl a les effets escomptés et correspond au partage des pouvoirs en matière de politique extérieure.

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Annexe 3

Études de cas Pour chacune des 5 études de cas réalisées (ch. 1.2), cette annexe présente 1) les informations contextuelles (objet, responsabilités au niveau international, département en charge, type de cas) et 2) la chronologie du processus de développement du projet de droit souple et de participation du Parlement.

A

UNDROP

Informations contextuelles La Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (United Nations Declaration on the Rights of Peasants and Other People Working in Rural Areas, UNDROP) est un projet de droit souple qui a été élaboré par les organes de l'ONU et qui entre dans le domaine des droits de l'homme. Cette déclaration contient des dispositions sur les droits de la population rurale et son accès aux ressources naturelles.

Pour élaborer cette déclaration, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a institué en automne 2012 un groupe de travail sur les droits des petits exploitants agricoles, auquel les États membres et observateurs, des institutions interétatiques et des organisations non gouvernementales ont pu participer lors de réunions publiques. Au total, cinq cycles de négociations ont eu lieu au niveau international dans le cadre de ce groupe de travail. Finalement, UNDROP a été adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU en décembre 2018 par la résolution 73/165.

Au sein de la Confédération, le département compétent était le DFAE: la section Politique des droits de l'homme, rattachée à la division Sécurité humaine, a géré le dossier, tandis que la Mission de Genève a mené les négociations. La Suisse a adopté la déclaration à l'automne 2018, en accompagnant cependant son approbation d'une explication de vote recensant les dispositions problématiques pour la Suisse et précisant qu'elle les interpréterait en accord avec le droit national et international113.

Pour le CPA, ce projet est un cas typique, car de nombreux projets de droit souple portent sur ce domaine (les droits de l'homme) et impliquent l'ONU, en tant qu'organisation compétente au niveau international, et le DFAE, comme département compétent au niveau national.

Chronologie du processus Dans la représentation du processus 1 ci-après, UNDROP débute en mars 2012: à sa 19e session, le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU a recommandé d'adopter un nouvel instrument relatif aux droits des paysans. Le processus a pris fin, au niveau national, avec la publication du rapport du Conseil fédéral concernant les motions et postulats des conseils législatifs 2018, qui rend compte pour la dernière fois de la mise en oeuvre de la motion Sommaruga 12.13367 et propose de la
classer. Le Conseil des États et le Conseil national ont ensuite approuvé le classement de la motion, dans le cadre de l'examen dudit rapport, respectivement le 6 juin et le 18 juin 2019.

113

Conseil fédéral: Rapport du 30.1.2019 sur la politique extérieure 2018, p. 1563.

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Représentation du processus 1: UNDROP

Legende: CF = Conseil fédéral; CPE = Commissions de politique extérieure; Interp. = Interpellation; Mo. = Motion; ONGs = Organisations non gouvernementales; ONU = Organisation des Nations Unies; Po. = Postulat.

Source: CPA, APES

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B

Pacte de l'ONU sur les migrations

Informations contextuelles Le Pacte de l'ONU sur les migrations (Global Compact for Safe, Orderly and Regular Migration, GCM) a été adopté par l'Assemblée générale en décembre 2018, à l'issue des négociations menées par les États membres de l'organisation.

Le processus d'élaboration de ce pacte a été lancé en septembre 2016, lors du sommet de New York sur les réfugiés et les migrants, en présence de la Cheffe du DFJP. La Suisse s'est fortement impliquée dans ce processus, notamment en mettant à disposition le chef de sa Mission à New York pour assurer la co-facilitation (avec le Mexique).

Au niveau de la Confédération, le DFAE était le département compétent; les positions défendues par la Suisse lors des négociations ont toutefois été formulées au sein de la Structure interdépartementale pour la coopération migratoire internationale (Structure IMZ, avec la participation du DFAE, du DFJP et du DEFR).

Le Pacte de l'ONU sur les migrations a donné lieu à des controverses en Suisse et a relancé les discussions sur la question de l'implication du Parlement dans les projets de droit souple. Ce pacte a été choisi par le CPA dans le cadre de l'évaluation, car il constitue un cas politiquement important.

Chronologie du processus Le processus relatif au Pacte sur les migrations a débuté en août 2016, lorsque les CPE ont été consultées sur les priorités de la Suisse en vue de la 71e session de l'Assemblée générale de l'ONU (Représentation du processus 2). Il avait à cette occasion été précisé que la Suisse participerait, au cours des années à venir, au dialogue mené à un haut niveau sur les questions de migration.

Le Pacte sur les migrations a été adopté par l'Assemblée générale de l'ONU en décembre 2018. En raison des débats que ce pacte a déclenchés en Suisse, le Conseil fédéral a tout d'abord renoncé à le signer. En février 2021, il a remis au Parlement son message relatif au Pacte mondial des Nations Unies sur les migrations. Le Conseil des États et le Conseil national ont décidé, respectivement en juin et en septembre 2021, de suspendre sine die l'examen de cet objet.

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Représentation du processus 2: pacte de l'ONU sur les migrations

Légende: AG-ONU = Assemblée générale des Nations Unies; CF = Conseil fédéral; CIP = Commissions des institutions politiques; CN = Conseil national; CPE = Commissions de politique extérieure: DFAE = Département fédéral des affaires étrangères; GCM = Global Compact for Migration; LT = Liste trimestrielle; Mo. = Motion; ONU = Organisation des Nations Unies; Structure IMZ = Structure interdépartementale pour la coopération migratoire internationale.

Source: CPA, APES

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C

Révisions du modèle de convention fiscale de l'OCDE

Informations contextuelles Cette étude de cas a pour objet les révisions du modèle de convention fiscale de l'OCDE concernant le revenu et la fortune. Il s'agit d'un cas typique, dans la mesure où le projet de droit souple a été élaboré par l'OCDE, organisation internationale qui produit un grand nombre de normes juridiquement non contraignantes, et concerne la fiscalité internationale, domaine de compétence du SFI du DFF, qui est l'une des unités administratives les plus concernées par le traitement de projets de droit souple au sein de l'administration fédérale.

Les révisions du modèle de convention fiscale de l'OCDE concernent des aspects de droit souple mais également des éléments juridiquement contraignants (cf. ch. 4.2).

Le modèle de convention fiscale de l'OCDE est un modèle sur la base duquel les États établissent des conventions contre les doubles impositions (CDI). Depuis la publication de la première version abrégée du Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune en 1992, celle-ci a été mise à jour à 10 reprises. La dernière mise à jour, adoptée en 2017, comportait un grand nombre de changements résultant du projet BEPS, qui a été réalisé sous l'égide de l'OCDE et du G20. En particulier, les adaptations découlaient des rapports finaux sur les actions 2, 6, 7 et 14 du projet BEPS adoptés à l'OCDE en octobre 2015.

Le CPA s'est focalisé particulièrement sur les actions 7 et 14 du projet BEPS, afin de voir si la pratique de qualification de l'importance des projets de droit souple est la même dans le cas de deux résultats au statut différent. L'action 7 a conduit à la présentation des modifications à apporter en particulier à la définition d'établissement stable (art. 5 du modèle de convention fiscale de l'OCDE) afin d'adopter un standard international renforcé et l'action 14 vise à instaurer un standard minimum dans le modèle de convention fiscale pour accroître l'efficacité des mécanismes de règlement des différends. La mise en oeuvre en Suisse de ces deux actions se fait dans les CDI existantes ou par une convention multilatérale pour la mise en oeuvre des résultats du projet BEPS liés aux CDI (action 15 du projet BEPS). Bien qu'il s'agisse de droit «dur», l'analyse du CPA a intégré la «convention BEPS», étant donné que celle-ci a pour objectif de modifier les CDI
existantes de façon synchronisée sans devoir renégocier chacune des CDI existantes.

Chronologie du processus Les documents transmis sur ce cas d'étude ont pour objet le projet BEPS. La représentation du processus 3 ci-après remonte aux prémices du projet BEPS en 2013 et couvre la procédure d'adoption de la convention multilatérale BEPS, dont la signature par la Suisse en juin 2017 marque la fin du processus.

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Représentation du processus 3: révisions du modèle de convention fiscale de l'OCDE

Légende: BEPS = Base Erosion and Profit Shifting; CdF = Commissions des finances; CDI = Conventions contre les double impositions; CER = Commissions de l'économie et des redevances; CPE = Commissions de politique extérieure; Délégation CH: Délégation suisse; DFAE = Département fédéral des affaires étrangères; DFF = Département fédéral des finances; G20 = Groupe des vingt; LT = Liste trimestrielle; OCDE = Organisation pour la coopération et le développement économiques; SFI = Secrétariat d'État aux questions financières internationales.

Source: CPA, APES

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D

Projet d'imposition de l'économie numérique du G20 et de l'OCDE

Informations contextuelles Le projet relatif à l'imposition de l'économie numérique, qui correspond à l'action 1 du projet BEPS (étude de cas C à l'annexe 3), a fait l'objet d'un programme de travail fondé sur deux piliers complémentaires114, approuvé en mai 2019 par le cadre inclusif sur le BEPS de l'OCDE et du G20115.

Il s'agit d'un cas politiquement important qui couvre le domaine de la fiscalité internationale et est sous la responsabilité du SFI du DFF. Au moment de la présente évaluation, le projet n'avait pas encore abouti. Il n'était pas clair selon le SFI quels éléments auraient finalement le caractère de droit souple. Le CPA a ainsi étudié le projet d'imposition de l'économie numérique en tant que tel et non pas uniquement des projets de droit souple en faisant partie.

La Suisse a participé activement à tous les groupes de travail de l'OCDE sur le projet BEPS. S'agissant du projet d'imposition de l'économie numérique, la Suisse est représentée tant au niveau du cadre inclusif que des groupes de travail techniques (WP1, WP6, WP11, taskforce sur l'économie numérique). Le SFI est responsable du dossier à l'international et mène les négociations au sein de l'OCDE. Il se coordonne avec l'Administration fédérale des contributions (AFC), car cette dernière est en charge de la mise en oeuvre au niveau national. Dans les groupes de travail, le SFI l'AFC et le DFAE sont représentés. Par ailleurs, il existe des contacts avec les associations d'entreprises et les cantons, généralement par le biais de la Conférence suisse des impôts ou la Conférence des directeurs cantonaux des finances.

Chronologie du processus La représentation du processus 4 ci-après illustre que le Parlement a été tenu informé relativement tôt dans le processus d'élaboration du projet d'imposition de l'économie numérique par le SFI, au moyen des listes d'informations à l'attention des CER. Le processus s'est étendu sur plusieurs années et n'est toujours pas terminé. L'analyse dans le cadre de cette évaluation se termine en juillet 2021 avec la publication par le cadre inclusif de l'OCDE des lignes directrices à venir pour l'imposition des grandes entreprises internationales.

114

L'approche de l'OCDE et du G20 fondée sur deux piliers vise à modifier les règles d'imposition portant sur les bénéfices des groupes multinationaux. Le 1 er pilier prévoit un transfert des droits d'imposition vers les États du marché. Le 2 ème pilier prévoit l'instauration d'un taux d'imposition minimal pour les entreprises internationales.

115 Le cadre inclusif sur le BEPS, qui rassemble plus de 130 États et territoires, est l'instance de l'OCDE responsable pour l'examen et le suivi de la mise en oeuvre de l'ensemble des mesures issues du projet BEPS. Il est assisté par plusieurs groupes de travail techniques qui préparent les travaux.

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Représentation du processus 4: projet d'imposition de l'économie numérique du G20 et de l'OCDE

Légende: CER = Commissions de l'économie et des redevances; CdF = Commissions des finances; CPE = Commissions de politique extérieure; DFAE = Département fédéral des affaires étrangères; DFF = Département fédéral des finances; IEN = Imposition de l'économie numérique; G20 = Groupe des vingt; LT = liste trimestrielle; OCDE = Organisation pour la coopération et le développement économiques; SFI = Secrétariat d'État aux questions financières internationales.

Source: CPA, APES

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E

Résolutions de l'ESA

Informations contextuelles Cette étude de cas a pour objet les déclarations et résolutions du Conseil des ministres chargés des affaires spatiales des États membres de l'Agence spatiale européenne (ESA), indiqués par l'administration fédérale dans la liste de projets de droit souple du CPA. Ces projets concernent le domaine spatial et l'unité administrative responsable est le SEFRI au sein du DEFR. L'ESA est une organisation intergouvernementale dont la Suisse est membre fondateur. Étant donné qu'il s'est révélé incertain dans quelle mesure il s'agissait réellement de droit souple, le CPA a utilisé ce cas pour mettre en lumière le traitement des cas limites.

Durant la période couverte, le Conseil de l'ESA au niveau ministériel a adopté 13 résolutions et déclarations116. Le Conseil des ministres de l'ESA se réunit en principe chaque 3 ans pour prendre des décisions programmatiques, adopter les financements et déterminer les orientations sur l'évolution de l'ESA et du secteur spatial européen.

Le CPA s'est focalisé sur le processus de développement des résolutions du Conseil de l'ESA au niveau ministériel de décembre 2016 à Lucerne (CM-16) en particulier, car celui-ci est, selon le DEFR, représentatif des processus de l'ESA117.

Afin de préparer un Conseil de l'ESA au niveau ministériel, le Conseil décide de la création à cet effet d'un groupe de travail (CWG), qui élabore notamment les projets de résolutions. Ceux-ci sont ensuite soumis pour consultation et recommandation aux comités de l'ESA subordonnés au Conseil. Puis, les projets de résolutions sont finalisés en Conseil de l'ESA ordinaire. Enfin, les résolutions sont adoptées par le Conseil de l'ESA au niveau ministériel. La participation de la Suisse est préparée par une demande de mandat au Conseil fédéral et se fonde sur la décision du Conseil fédéral correspondante.

Chronologie du processus Le point de départ des travaux sur les projets de résolution du CM-16 a été la première réunion du CWG en avril 2016 (représentation du processus 5). À cette occasion, le processus «standard» d'un tel Conseil au niveau ministériel a été présenté conformément à une feuille de route de haut niveau qui prévoyait la série de sept réunions du CWG en sus des réunions du Conseil de l'ESA ordinaires selon le calendrier établi.

La fin du processus constitue l'information des CPE concernant les principales décisions prises lors du CM-16 à travers la liste d'information du DFAE.

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4 résolutions au Conseil ESA au niveau ministériel de Lucerne des 1­2.12.2016; 2 résolutions et 1 déclaration conjointe au Conseil ESA intermédiaire au niveau ministériel de Madrid du 25.10.2018; 1 résolution au 9ème Conseil Espace ESA-EU du 25 mai 2019; 4 résolutions au Conseil ESA au niveau ministériel «standard» de Séville les 27­ 28.11.2019; 1 résolution au 10ème Conseil Espace ESA-EU du 20.11.2020.

117 Les 4 résolutions adoptées sont les suivantes: Towards Space 4.0 for a United Space in Europe; ESA programmes: outlook and way forward; Level of resources for the Agency's mandatory activities 2017­2021; Guiana Space Centre (CSG) for the period 2017­2021.

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Représentation du processus 5: déclarations et résolutions de l'ESA à l'exemple du CM-16

Légende: CF = Conseil fédéral; CM-16 = Conseil des ministres 2016; CPE = Commissions de politique extérieure; CWG = Groupe de travail du Conseil; DEFR = Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche; DFAE = Département fédéral des affaires étrangères; ESA = Agence spatiale européenne; LT = liste trimestrielle; SEFRI = Secrétariat d'État à la formation, à la recherche et à l'innovation.

Source: CPA, APES

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Impressum

Réalisation de l'évaluation Dr. Nicolas Keuffer, CPA (direction de projet) Dr. Simone Ledermann, CPA (collaboration scientifique et supervision) Julia Lehmann, CPA (collaboration scientifique)

Mandataires externes Université de Bâle, Prof. Dr. iur. Anna Petrig et Ref. iur. Mareike Sinz (avis de droit) Institut suisse de droit comparé (rapports juridiques nationaux)

Remerciements Le CPA remercie tous les acteurs impliqués dans cette évaluation, notamment la DDIP, le Secrétariat général et le Secrétariat d'État du DFAE, le SEFRI et le SFI ainsi que les secrétariats des commissions parlementaires concernées pour la mise à disposition des documents, les renseignements et les explications. Il remercie aussi la Prof. Anna Petrig et Mareike Sinz pour l'avis de droit ainsi que l'ISDC pour les bases de la comparaison internationale. Ses sincères remerciements vont également à toutes les personnes qui ont participé aux entretiens et lui ont fourni des informations.

Contact Contrôle parlementaire de l'administration Services du Parlement CH-3003 Berne Tél. +41 58 322 97 99 Courriel: pvk.cpa@parl.admin.ch www.parlement.ch > Organes > Commissions> CPA

Langue originale du rapport: français (allemand: chap. 3 et études de cas A et B à l'annexe 3)

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