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Pandémie de Covid-19: acquisition de masques de protection Rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 18 février 2022

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L'essentiel en bref Le 18 mai 2020, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont décidé de mener une inspection sur les mesures prises par le Conseil fédéral et l'administration fédérale pour faire face à la pandémie de Covid-19. Après de premières clarifications en 2020 sur l'acquisition de matériel de protection, la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) a décidé de se focaliser sur l'acquisition de masques de protection pendant la première phase de la pandémie (janvier­juin 2020).

Il est rapidement apparu que la question de l'adéquation des prix payés pour les masques achetés ne pouvait pas être tirée au clair par la CdG-N, d'autant plus que deux procédures pénales sont en cours sur le sujet. La commission s'est par conséquent concentrée sur l'attribution du mandat d'acquisition à la Pharmacie de l'armée, le déroulement concret du processus d'acquisition et les contrôles de la qualité des masques.

La CdG-N tient à souligner que les personnes compétentes au Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), et en particulier à la Pharmacie de l'armée, ont fait preuve d'un grand engagement, et ce en dépit des conditions difficiles et de la forte pression auxquelles elles ont été soumises. La commission comprend que des erreurs puissent être commises dans de telles circonstances. Il est également clair que si la Pharmacie de l'armée a dû être mandatée, c'est en raison de manquements en matière de préparation à une pandémie dont ni la Pharmacie de l'armée ni le DDPS ne sont responsables. Pour la CdG-N, tout cela ne justifie cependant pas que les problèmes et lacunes constatés dans l'acquisition de masques par le DDPS n'aient toujours pas été examinés de manière complète et en toute transparence.

Manque de transparence La CdG-N constate que la transparence concernant l'acquisition de masques par la Pharmacie de l'armée est encore insuffisante. Depuis l'été 2020, l'acquisition des masques de protection, leur prix et leur qualité suscitent régulièrement des critiques de la part des médias et du monde politique, sans que le DDPS n'apporte de clarifications suffisantes à ce sujet. La commission relève en particulier qu'un rapport de la Révision interne du DDPS (RI DDPS), qui aurait dû accroître la transparence, contient plusieurs constats
et conclusions qu'elle juge insuffisamment fondés et compréhensibles.

La CdG-N a également eu du mal à obtenir des informations claires sur les processus et déroulements sous-tendant l'acquisition des masques. C'est seulement lorsque la sous-commission compétente a auditionné expressément les responsables des achats de la Pharmacie de l'armée concernés, après plusieurs autres auditions, qu'elle a obtenu les informations nécessaires sur les processus et les défis de l'époque. Et ce n'est qu'à ce moment-là que le DDPS a révélé pour la première fois qu'il n'avait pas consacré suffisamment de ressources au contrôle de la qualité des masques et qu'il avait, pour cette raison, manqué l'occasion de faire des réclamations.

La CdG-N part du principe que les enquêtes pénales en cours permettront de faire la lumière sur d'autres questions en suspens concernant les acquisitions de masques, en 2 / 30

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particulier sur l'adéquation des prix payés. Elle prie néanmoins également le DDPS de tirer les enseignements qui s'imposent pour l'avenir.

Attribution du mandat d'acquisition à la Pharmacie de l'armée La CdG-N a du mal à comprendre que le Conseil fédéral et le DDPS n'aient pas remis en question dès le début la décision d'attribuer à la Pharmacie de l'armée un mandat d'une telle ampleur et à certains égards également inédit, en ce qui concerne les ressources nécessaires, et n'aient pas directement mis des ressources supplémentaires à sa disposition. La commission est d'avis qu'un certain nombre de manquements dans l'acquisition de masques, en particulier les contrôles lacunaires de la qualité, sont directement liés au manque de ressources (voir ci-dessous).

Aux yeux de la CdG-N, il serait utile, pour l'avenir, de se demander comment la Suisse peut être mieux préparée à une situation similaire et d'examiner les mesures préventives qu'il convient de prendre pour éviter autant que possible de telles «acquisitions de crise».

Contrôles de la qualité Comme l'a admis le DDPS au cours de l'enquête, le contrôle de la qualité des masques livrés a été négligé au début de la pandémie. Par conséquent, les services compétents ont manqué l'occasion de faire des réclamations ou éventuellement de résilier des contrats. S'ils sont certes problématiques, ces manquements initiaux sont en partie compréhensibles pour la CdG-N, compte tenu des ressources limitées dont disposait la Pharmacie de l'armée au début de la pandémie. Par contre, la CdG-N ne s'explique pas pourquoi des contrôles des marchandises livrées n'ont pas été effectués plus tard, c'est-à-dire à l'été et à l'automne 2020, quand la pandémie a ralenti.

L'absence de laboratoire accrédité pour tester les masques médicaux en Suisse a également fait obstacle aux contrôles de la qualité. Étant donné que les masques de protection seront vraisemblablement un bien important lors de toute nouvelle pandémie, la CdG-N recommande au Conseil fédéral d'examiner s'il serait approprié et économique de disposer en Suisse d'un organe accrédité pour le contrôle de la qualité des masques faciaux médicaux.

Conclusions La CdG-N relève les trois lacunes suivantes, qui sont selon elle plus graves que les erreurs commises dans le cadre de l'acquisition des masques par la
Pharmacie de l'armée: 1) la Suisse était insuffisamment préparée à une pandémie; 2) lorsque la Pharmacie de l'armée s'est vu confier le mandat d'acquisition de matériel de protection, le Conseil fédéral et le DDPS ont omis de mettre à sa disposition les ressources supplémentaires nécessaires; 3) le DDPS et la Pharmacie de l'armée ne sont pas encore parvenus à assurer une transparence suffisante en ce qui concerne les acquisitions de masques, ni à apporter des réponses claires aux critiques et aux questions qui circulent depuis longtemps à ce sujet.

Le Conseil fédéral a pris acte des lacunes constatées concernant la préparation de la Suisse à la pandémie. Différentes investigations sont actuellement menées à ce sujet.

La CdG-N attend du DDPS qu'il procède de son côté à un examen approfondi du rôle et des tâches qui incomberont à l'avenir à la Pharmacie de l'armée. La commission 3 / 30

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demandera en temps voulu des informations sur les travaux réalisés à ce titre et sur leurs résultats.

S'agissant du manque de transparence, la CdG-N ne doute pas que les procédures judiciaires en cours contribueront à améliorer la situation à cet égard. Elle attend par ailleurs que le DDPS tire des enseignements à ce sujet dans le cadre de son analyse et communique désormais de manière plus transparente.

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Rapport 1

Introduction

Le 18 mai 2020, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont décidé de mener une inspection sur les mesures prises par le Conseil fédéral et l'administration fédérale pour faire face à la pandémie de Covid-19. Afin de tenir compte des circonstances particulières, de l'évolution de la situation et de l'ampleur de l'objet examiné, les CdG ont décidé de déléguer la définition des points essentiels de l'enquête et la réalisation de l'inspection à leurs sous-commissions.

La sous-commission DFAE/DDPS de la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) s'est penchée dans ce contexte sur l'acquisition de matériel de protection par la Pharmacie de l'armée et sur le rôle et les tâches de cette dernière pendant la pandémie. Après avoir procédé à une première série d'investigations en 2020, la sous-commission a décidé, à la fin de l'année, d'axer la suite de son enquête sur l'acquisition de masques de protection pendant la première phase de la pandémie (janvier­ juin 2020)1. Elle s'est finalement concentrée sur les thèmes suivants: attribution du mandat d'acquisition à la Pharmacie de l'armée, déroulement concret du processus d'acquisition et contrôle de la qualité des masques (cf. chap. 3.1 et 4.1).

Il n'a pas été facile pour la sous-commission de se procurer les renseignements dont elle avait besoin: elle a reçu à plusieurs reprises des informations incomplètes du Département fédéral de la défense, de la protection et du sport (DDPS) et elle a dû réitérer ses demandes.2 Les conclusions tirées à ce sujet par la haute surveillance parlementaire sont abordées dans le présent rapport aux chapitres consacrés à la garantie de la transparence en ce qui concerne les acquisitions effectuées par le DDPS (cf. chap. 3.2 et 4.2).

Les investigations ont montré que la CdG-N ne peut en l'état clarifier la question de savoir si les prix payés par la Pharmacie de l'armée pour certains masques étaient conformes au marché. Il aurait fallu pour cela que la sous-commission compétente examine elle-même (sur place) les offres reçues, qui étaient nombreuses et souvent disparates. Cet examen supplémentaire aurait toutefois dépassé le cadre de l'enquête, notamment parce qu'il aurait dès lors été nécessaire de contrôler également les certificats et la qualité des masques. Néanmoins, deux procédures pénales à ce
sujet sont en cours. D'une part, le Ministère public du Canton de Zurich cherche à savoir si les éléments constitutifs du délit d'usure par l'entreprise Emix Trading AG sont réunis.

D'autre part, à la suite de plaintes, le Ministère public de la Confédération a ouvert une enquête pénale contre inconnu et contre deux collaborateurs du DDPS. Les faits reprochés dans cette procédure sont les suivants: application d'un traitement préféren-

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Rapport annuel 2020 des Commissions de gestion et de la Délégation des Commissions de gestion des Chambres fédérales du 26.1.2021 (FF 2021 570, ch. 4.6.1).

En raison des retours parfois insuffisants et tardifs du DDPS et du rythme des séances de la CdG-N, la publication du présent rapport a été fortement retardée.

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tiel, abus d'autorité, gestion déloyale des intérêts publics, incitation à la gestion déloyale des intérêts publics, faux dans les titres commis dans l'exercice de fonctions publiques, ainsi que corruption active et corruption passive.

Dans le cadre de son enquête, la sous-commission a demandé à plusieurs reprises des renseignements écrits au DDPS et a auditionné les personnes compétentes à divers échelons, à savoir notamment les acheteurs responsables de la Pharmacie de l'armée ainsi que le coordinateur des achats et la cheffe du DDPS. Elle a également analysé les décisions et rapports pertinents de l'armée, du DDPS et du Conseil fédéral (en particulier les décisions pertinentes du Conseil fédéral, le rapport du DDPS sur les acquisitions3 et le rapport de la Révision interne du DDPS [RI DDPS] sur l'acquisition de masques de protection4).

Le présent rapport expose tout d'abord le cadre juridique et les principales prescriptions applicables à l'acquisition de masques pendant la première phase de la pandémie (chap. 2). Le chapitre 3 décrit le déroulement du processus d'acquisition des masques par la Pharmacie de l'armée ainsi que les mesures prises par le DDPS pour viser la transparence des acquisitions. Dans le chapitre 4, la CdG-N donne son appréciation d'une part sur le processus d'acquisition des masques, et, d'autre part, sur les mesures prises afin de garantir la transparence. Le chapitre 5 présente les principales conclusions de la commission.

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Cadre juridique et prescriptions applicables à l'acquisition des masques

2.1

Cadre juridique

La loi sur les épidémies (LEp)5 et la loi sur l'approvisionnement du pays (LAP)6 ne contiennent aucune disposition explicite sur l'acquisition et la constitution de stocks de matériel de protection, et en particulier de masques de protection. La loi sur les épidémies prévoit toutefois que la Confédération et les cantons prennent les mesures nécessaires pour prévenir les éventuelles pandémies (art. 8). Ces mesures consistent notamment à élaborer des plans d'intervention et d'urgence tels que le Plan suisse de pandémie Influenza de 20187.

Ce document stratégique prévoit que des stocks de masques de protection soient constitués selon le principe de la répartition des charges entre les établissements du système de santé, les cantons, la Confédération et la population. Cela signifie en pratique que la réserve obligatoire de masques FFP2/3 est relativement peu élevée (190 000 pièces). Par ailleurs, il n'existe pas d'obligation similaire pour les masques

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5 6 7

Rapport du DDPS du 3.12.2020 sur les acquisitions.

Rapport de la révision interne du DDPS du 24.3.2021 sur l'acquisition de masques de protection («Beschaffung von Schutzmasken», Abklärung A 2021-11) [en allemand seulement].

Loi fédérale du 28.9.2012 sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme (LEp; RS 818.101).

Loi fédérale du 17.6.2016 sur l'approvisionnement économique du pays (LAP; RS 531).

Plan suisse de pandémie Influenza, Office fédéral de la santé publique, 5e édition, 2018.

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d'hygiène8. Le stock minimum de masques d'hygiène nécessaires pendant une pandémie de 12 semaines a été calculé et des recommandations ont été formulées pour les différentes institutions du système de santé (hôpitaux, homes pour personnes âgées, cabinets médicaux, pharmacies, services d'aide et de soins à domicile, etc.), ainsi que pour la population. La mise en oeuvre des recommandations a ainsi été laissée à la responsabilité de chaque institution.

L'art. 7 de la loi sur les épidémies dispose que si une situation extraordinaire l'exige, le Conseil fédéral peut ordonner les mesures nécessaires pour y remédier. S'appuyant sur cet article, le Conseil fédéral a édicté plusieurs ordonnances dans le cadre de la pandémie de Covid-19, notamment l'ordonnance 2 du 13 mars 2020 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus9. Dans la modification du 3 avril 2020 de cette ordonnance (entrée en vigueur le 4 avril 2020), le Conseil fédéral a ajouté l'art. 4f relatif à l'acquisition de biens médicaux importants. Cet article dispose que pour soutenir l'approvisionnement des cantons, des établissements de santé, d'organisations d'utilité publique et de tiers, la Confédération peut acquérir des biens médicaux importants si les canaux d'acquisition habituels ne permettent pas de couvrir les besoins (al. 1). La Pharmacie de l'armée est compétente, sur mandat de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), pour l'acquisition des dispositifs médicaux et des équipements de protection (al. 3)10.

Aussi, la base légale formelle régissant les acquisitions de la Confédération et de la Pharmacie de l'armée n'a ainsi été créée que début avril 2020. Le Conseil fédéral et l'OFSP avaient toutefois déjà chargé la Pharmacie de l'armée de l'acquisition de dispositifs médicaux et d'équipements de protection avant cette date. Les mandats attribués à la Pharmacie de l'armée sont décrits au chapitre 2.2.

8 9 10

Ibid., chap. 10.1.3 Ordonnance 2 du 13.3.2020 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (COVID-19) [ordonnance 2 COVID-19; RO 2020 773].

En ce qui concerne l'acquisition de médicaments, l'autorité compétente est l'OFSP, en accord avec le domaine produits thérapeutiques de l'organisation de l'approvisionnement économique du pays.

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2.2

Mandats confiés à la Pharmacie de l'armée et prescriptions y afférentes11

Comme le relève notamment le rapport du DDPS sur les acquisitions, lorsque l'épidémie de Covid-19 est apparue, il s'est rapidement avéré que la Suisse ne disposait pas des réserves de matériel de protection ­ en particulier de masques de protection ­ prévues dans le Plan suisse de pandémie. Fin février 2020 déjà, le mandataire du Conseil fédéral pour le Service sanitaire coordonné (SSC)12, qui est également le médecin en chef de l'armée, a mis en garde le Conseil fédéral contre le risque de pénurie de matériel de protection et spécifiquement de masques.

En mars 2020 déjà, bien que le Plan suisse de pandémie recommande aux établissements de santé de constituer des réserves de masques et autres dispositifs de protection pour une pandémie d'une durée de 12 semaines au moins, certains cantons ont fait savoir que leurs stocks de masques couvraient difficilement les besoins. Au niveau national, la Pharmacie de l'armée et l'Office fédéral de la protection de la population (OFPP) disposaient alors de réserves suffisantes pour quatre semaines environ.

2.2.1

Mandats des 12 et 18 mars 2020

Le 12 mars 2020, le secrétaire général du Département fédéral de l'intérieur (DFI) et le directeur de l'OFSP ont chargé le mandataire du Conseil fédéral pour le SSC de lancer la procédure d'acquisition de matériel de protection et en particulier de masques. Ce dernier a déclaré avoir été chargé de préparer l'acquisition de trois millions de masques d'hygiène et de trois millions de masques FFP2, sur la base d'un

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12

Dans le cadre de la consultation de l'administration, le DDPS a défendu le point de vue selon lequel les délibérations du Conseil fédéral et la procédure de co-rapport ne sont pas publiques en vertu de l'art. 21 de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA, RS 172.010). Il estime par conséquent que les délibérations au sein du Conseil fédéral et en particulier les éventuels co-rapports constituent des informations confidentielles et qu'aucune déclaration ne peut être publiée à leur sujet.

La CdG-N relève tout d'abord que, d'après le commentaire de la LOGA (Sägesser, Thomas, 2007), le qualificatif «non public» n'équivaut pas à «secret» ou «confidentiel».

Le commentaire explique en outre que le caractère non public des délibérations vise à permettre au Conseil fédéral de mener des discussions franches afin de former son opinion et de parvenir à un consensus. Pour la commission, la disposition citée de la LOGA ne signifie pas pour autant que le processus décisionnel du Conseil fédéral ne peut pas être analysé après coup. Pour pouvoir contrôler la gestion exercée par le Conseil fédéral, les CdG ont accès aux documents pertinents. Elles font preuve de retenue dans leur utilisation et ne s'y réfèrent que dans la mesure où cela est nécessaire à l'accomplissement de leur mandat légal et à la compréhension de leur appréciation. Si les départements estiment néanmoins que certaines informations ne devraient pas être publiées, ils doivent indiquer au cas par cas quel intérêt supérieur s'oppose à la publication de l'information en question. Ils ne peuvent pas se contenter de se référer de manière générale à l'art. 21 LOGA, comme le fait le DDPS.

Les tâches et l'organisation du SSC sont réglées dans l'ordonnance du 27.4.2005 sur le Service sanitaire coordonné (OSSC, RS 501.31).

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prix prévisionnel13 de 2 francs par masque d'hygiène et de 10 francs par masque FFP2.

Le 18 mars 2020, s'appuyant sur la liste de l'OFSP «Besoins en biens médicaux / Capacité de durer de 60 jours» du 16 mars 2020, un nouveau mandat d'approvisionnement a été confié à la Pharmacie de l'armée pour l'acquisition de 75 millions de masques d'hygiène supplémentaires à un prix prévisionnel de 1,50 franc par unité.

Selon les personnes auditionnées, ce nouveau mandat a permis d'anticiper la mise en oeuvre de la décision du Conseil fédéral du 20 mars 2020 (cf. chap. 2.2.2).

2.2.2

Décisions du Conseil fédéral du 20 mars 2020

Le 20 mars 2020, le Conseil fédéral a arrêté un train de mesures en vue d'atténuer les effets de la propagation du coronavirus sur l'économie et la société.

Dans sa proposition du 17 mars 202014, le DFI indique que l'OFSP et un groupe de travail de l'État-major fédéral Protection de la population ont évalué et défini les besoins en matériel de protection. Il ajoute que les organes compétents ­ le SSC et l'Office fédéral pour l'approvisionnement économique du pays (OFAE) ­ se baseront sur cette liste pour acquérir les biens nécessaires et que le matériel disponible doit être acheté dans les plus brefs délais. Le DFI souligne en outre que le SSC examine la possibilité de produire en Suisse les biens qui sont indisponibles sur le marché international.

La proposition ne contient aucune information ou considération sur les ressources ­ humaines, notamment ­ nécessaires pour les acquisitions. Il n'y est également pas précisé que la Pharmacie de l'armée jouera un rôle essentiel dans le processus d'acquisition.

Dans sa proposition du 19 mars 2020, le Département fédéral des finances (DFF) récapitule les différentes mesures de compensation et explique les effets que ces mesures auront sur le budget de la Confédération. Il mentionne que la Pharmacie de l'armée doit acheter de toute urgence des biens médicaux pour lutter contre la pandémie de Covid-19, à savoir des masques, des tabliers chirurgicaux, des appareils de respiration et des défibrillateurs. Le coût de ces acquisitions est estimé à 350 millions de francs (ce montant comprend une tranche de 50 millions de francs prévue pour l'acquisition de vaccins, qui, à ce moment-là, n'existaient pas encore). La compétence de la Pharmacie de l'armée pour l'acquisition du matériel de protection est pour la première fois clairement mentionnée. En dehors de cela, la proposition ne contient aucune information ou considération sur les ressources ­ humaines, notamment ­ nécessaires pour les acquisitions.

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Le prix prévisionnel ne visait pas à indiquer un prix d'achat maximal, mais à servir de base pour le calcul des crédits nécessaires. Il a été déterminé sur la base des prix se situant dans le quartile supérieur des prix pratiqués sur le marché à ce moment-là. Les acheteurs étaient naturellement tenus de ne pas acquérir de biens à un prix supérieur au prix prévisionnel.

Décision du Conseil fédéral du 20.3.2020 sur des mesures supplémentaires pour lutter contre le coronavirus (COVID-19), sur la base de la proposition du DFI du 17.3.2020 (modifiée le 19.3.2020).

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Le DDPS n'a présenté de co-rapport ni concernant la proposition du DFI ni concernant celle du DFF.

Dans sa note d'information du 31 mars 2020 sur le service d'appui de l'armée en faveur des autorités civiles, le DDPS s'exprime à diverses reprises au sujet de la Pharmacie de l'armée. Il relève notamment qu'en tant qu'autorité d'acquisition de la Confédération, la Pharmacie de l'armée achète, sur mandat de l'OFSP, une grande partie du matériel médical requis dans toute la Suisse par le système sanitaire civil. Le DDPS ajoute que, compte tenu de la situation tendue sur le marché mondial, ces biens font l'objet d'une âpre concurrence, raison pour laquelle le personnel du service des achats de la Pharmacie de l'armée a reçu le renfort de collaborateurs d'autres domaines du département et un coordinateur des achats a été nommé (cf. aussi à ce sujet chap. 3.1.1).

2.2.3

Décision du Conseil fédéral du 3 avril 2020

Le 3 avril 2020, faisant suite à la proposition du DFI du 2 avril 2020, le Conseil fédéral a décidé de modifier l'ordonnance 2 du 13 mars 2020 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (COVID-19)15. Cette modification a apporté une série de nouvelles dispositions concernant l'acquisition de matériel de protection. Elle introduit notamment une obligation de communiquer l'état des stocks (art. 4e) pour que la disponibilité du matériel puisse être déterminée et que les biens manquants soient achetés sur la base de cet inventaire. Le nouvel art. 4f de l'ordonnance dispose quant à lui que pour soutenir l'approvisionnement des cantons et de leurs établissements de santé, d'organisations d'utilité publique (p. ex. Croix-Rouge suisse) et de tiers (p. ex. laboratoires, pharmacies), la Confédération peut elle-même procéder à l'achat de biens médicaux importants si les canaux d'acquisition habituels ne permettent pas de couvrir les besoins.

La proposition du DFI relève que la Pharmacie de l'armée est compétente pour l'acquisition de ces biens. Aussi, dans sa décision du 3 avril 2020, le Conseil fédéral charge le DFI et l'OFSP d'organiser les acquisitions d'entente avec le DDPS et le SSC. Le DDPS n'a pas présenté de co-rapport sur cet objet.

2.2.4

Décision du Conseil fédéral du 8 avril 2020

Le 8 avril 2020, faisant suite à la proposition du DDPS du 7 avril 2020, le Conseil fédéral a décidé, dans le cadre d'une annonce tardive concernant le supplément I au budget 2020, l'octroi d'une enveloppe de 2,1 milliards de francs pour l'acquisition urgente de matériel sanitaire (dont un crédit provisoire de 700 millions de francs). Un

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Ordonnance 2 du 13.3.2020 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (COVID-19) [ordonnance 2 COVID-19; RO 2020 1155].

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peu plus de la moitié de l'enveloppe était destinée à l'acquisition de masques de protection16.

La proposition du DDPS relève que, en vertu de l'art. 4f de l'ordonnance 2 COVID19, la Pharmacie de l'armée est compétente pour l'acquisition des biens médicaux manquants ­ en particulier des masques de protection ­, selon les besoins annoncés par l'OFSP. Le Conseil fédéral avait déjà adopté, le 20 mars 2020, un supplément au budget 2020, que la Délégation des finances (DélFin) a approuvé par la suite. Les acquisitions étaient alors organisées de manière à assurer une sécurité d'approvisionnement de 60 jours. L'OFSP ayant entre-temps décidé d'acquérir du matériel sanitaire pour une durée supplémentaire de quatre mois, un nouveau supplément a dû être demandé.

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Acquisition des masques de protection

3.1

Processus d'acquisition

Le paragraphe suivant décrit la procédure d'acquisition des masques par la Pharmacie de l'armée. Cette procédure s'est appuyée sur l'ordonnance 2 COVID-19 (cf. chap. 2.2.3).

La Pharmacie de l'armée a été chargée non seulement de procéder à l'acquisition d'une très grande quantité de masques, mais aussi d'assurer un achat le plus rapide possible. Ces acquisitions n'étaient donc pas soumises au droit sur les marchés publics en vigueur. L'art. 3, al. 2, let. b, de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics17 dispose en effet que la loi ne s'applique pas aux marchés dont l'exemption est jugée nécessaire pour la protection de la santé ou de la vie des personnes ou pour la protection de la faune et de la flore18. Dans sa proposition au Conseil fédéral du 2 avril 2020, le DFI se réfère à l'art. 13, al. 1, let. d, de l'ordonnance du 11 décembre 1995 sur les marchés publics19, qui prévoit que si l'urgence d'un marché l'exige, celui-ci peut être adjugé de gré à gré.

Il convient aussi et surtout de relever que la Pharmacie de l'armée est seulement responsable, en temps normal, de l'acquisition de matériel médical pour l'armée ainsi que de médicaments pour l'armée et l'administration fédérale. Dans le cadre de la pandémie, elle a été mandatée par le Conseil fédéral pour l'approvisionnement de tout le pays en masques de protection et autre matériel sanitaire.

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Le mandat d'approvisionnement de l'OFSP du 4.4.2020 prévoyait quelque 470 millions de francs pour l'achat de masques d'hygiène pour le système de santé et pour les infirmiers/infirmières, 495 millions de francs pour l'achat de masques FFP pour le personnel soignant et 198 millions de francs pour l'achat de masques pour les travailleurs («Liste 2 de l'OFSP», rapport du DDPS du 3.12.2020 sur les acquisitions, p. 12).

Loi fédérale du 16.12.1994 sur les marchés publics (LMP; RO 1996 508). La LMP a été modifiée le 1.1.2021.

Dans le texte actuellement en vigueur (loi fédérale du 21.6.2019 sur les marchés publics, RS 172.056.1), ces dispositions dérogatoires sont énoncées à l'art. 10, al. 4, let. a et b.

Ordonnance du 11.12.1995 sur les marchés publics (OMP; RO 1996 518). L'OMP a été modifiée le 1.1.2021.

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3.1.1

Organisation et ressources de la Pharmacie de l'armée

Comme cela a été mentionné plus haut, la Pharmacie de l'armée est en principe responsable de l'acquisition de matériel sanitaire pour l'armée ainsi que de médicaments pour l'armée et l'administration fédérale20. Cette tâche lui a été déléguée par l'Office fédéral de l'armement (Armasuisse). La Pharmacie de l'armée est en outre l'unique unité organisationnelle de la Confédération à détenir une licence pour le commerce de gros de médicaments, qu'elle peut importer, exporter et fabriquer elle-même.

Selon les personnes auditionnées, deux éléments déterminants ont incité le Conseil fédéral à confier l'acquisition du matériel de protection, en particulier des masques, à la Pharmacie de l'armée et non à Armasuisse ou à l'Office fédéral des constructions et de la logistique (OFCL): le fait que la Pharmacie de l'armée détient une licence pour le commerce de gros et qu'elle acquiert du matériel de protection également en temps normal.

Au sein de l'unité de la Pharmacie de l'armée, le sous-domaine Achats est responsable de l'évaluation des produits sur le marché et des négociations avec les fournisseurs.

Les directives relatives aux biens à acquérir sont ordinairement définies par le domaine spécifique Développement. Pendant la pandémie toutefois, les directives concernant l'acquisition du matériel de protection nécessaire émanaient directement de l'OFSP.

Avant la pandémie, le sous-domaine Achats de la Pharmacie de l'armée disposait de 2,5 équivalents plein temps (EPT) ­ deux acheteurs et une cheffe dirigeant deux sousdomaines. Les acheteurs bénéficiaient tous les deux d'une longue expérience dans l'acquisition de dispositifs médicaux. Au début de la pandémie, ils portaient à eux seuls la responsabilité de l'acquisition de matériel de protection, mais aussi de l'examen de toutes les offres soumises à la Pharmacie de l'armée après la publication de la liste des acquisitions21 le 20 mars 2020.

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21

Dans son avis sur le présent rapport, le DDPS a expliqué que, en temps normal, la Pharmacie de l'armée était chargée d'acquérir des dispositifs médicaux et non, en soi, du «matériel de protection»: «Nombre de dispositifs utilisés pendant la pandémie de Covid-19 (masques de protection respiratoire FFP2, tenues de protection complètes, lunettes de protection, etc.) ne sont pas des dispositifs médicaux, mais des équipements de protection individuelle (EPI) qui ne sont pas en principe du domaine de compétence de la Pharmacie de l'armée. Cependant, les masques faciaux médicaux (masques d'hygiène, norme CE 14683) sont considérés comme des dispositifs médicaux. C'est pourquoi la Pharmacie de l'armée disposait d'une certaine expérience dans leur acquisition et avait déjà des contacts avec des fournisseurs avant la pandémie.» Plusieurs représentants de la Pharmacie de l'armée ont indiqué que celle-ci avait commencé à acquérir des masques de protection FFP2 en janvier 2020, sur la base d'une évaluation de la situation effectuée par le médecin en chef de l'armée. Il était alors prévu d'utiliser ces masques exclusivement dans les centres médicaux de l'armée et les formations sanitaires.

Cette liste, qui était effectivement destinée à être publiée, énumérait les biens à acquérir et attribuait la compétence de ces acquisitions à la Pharmacie de l'armée.

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Le 26 mars 2020, le DDPS a nommé le brigadier Markus Näf «coordinateur des achats Corona DDPS». À la tête de la task force responsable de la coordination des acquisitions («task force Coordination des achats COVID-19»), M. Näf était chargé d'assurer la coordination entre les différents départements, les unités administratives du DDPS et les autres groupes concernés, et d'informer le chef de l'armée et le secrétaire général du DDPS. Le service des achats de la Pharmacie de l'armée a néanmoins conservé la responsabilité des acquisitions. Le coordinateur des achats n'était donc doté d'aucune attribution en matière de commandes et de gestion financière. Les personnes auditionnées ont indiqué que son entrée en fonction avait toutefois permis de soulager sensiblement la Pharmacie de l'armée et ses acheteurs.

Par la suite, la Pharmacie de l'armée a reçu le renfort, pour le tri des offres, de trois militaires de milice du bataillon de logistique sanitaire. En outre, le service des achats a bénéficié, dès avril 2020, du soutien de six acheteurs d'Armasuisse. Ceux-ci ne disposaient certes pas des connaissances nécessaires pour procéder aux acquisitions liées à la pandémie, mais ont soulagé le personnel en s'occupant des affaires courantes du service.

Ainsi, à la fin mars 2020, plusieurs mesures ont été prises pour alléger la charge de la Pharmacie de l'armée. Les acheteurs ont toutefois fait remarquer que le pic des acquisitions durant la première vague avait été atteint le 29 mars 2020 et que la situation s'était ensuite stabilisée22.

Changement de subordination de la Pharmacie de l'armée pendant la pandémie Comme il ressort du rapport annuel 2020 des CdG23, la sous-commission DFAE/DDPS de la CdG-N a été informée en 2020 déjà des raisons du changement de subordination de la Pharmacie de l'armée au milieu de la pandémie ­ plus précisément de la première phase de la pandémie. Le 18 mai 2020, la Pharmacie de l'armée, qui était passée de la Base logistique de l'armée (BLA) à l'Étatmajor de l'armée en 2018, a été à nouveau transférée à la BLA.

Les collaborateurs du DDPS auditionnés ont reconnu que la décision de transférer la Pharmacie de l'armée à l'État-major de l'armée en 2018 avait été motivée par des raisons liées au personnel, notamment des conflits entre collaborateurs, et qu'aucun «élément factuel
ou technique» n'avait exigé ce changement. Selon eux, la réintégration de la Pharmacie de l'armée à la BLA aurait de toute façon dû faire l'objet d'un examen, mais la procédure a été accélérée en raison de la crise liée au Covid-19 et à l'attribution à la Pharmacie de l'armée du mandat d'acquisition de matériel de protection. Il est d'emblée apparu que la Pharmacie de l'armée n'était pas équipée pour prendre en charge un tel volume d'achats. La situation a par ailleurs été compliquée par deux circonstances: d'une part, le fait qu'une partie de la direction de la Pharmacie de l'armée faisait du télétravail 22

23

Le DDPS indique dans son avis que ces déclarations ne correspondent pas à celles du rapport du DDPS sur les acquisitions. D'après ce document, qui se fonde sur les informations fournies au Conseil fédéral à l'époque et sur le bulletin de situation sanitaire, la situation est restée tendue jusqu'à la mi-mai 2020.

Rapport annuel 2020 des Commissions de gestion et de la Délégation des Commissions de gestion des Chambres fédérales du 26.1.2021 (FF 2021 570, ch. 4.6.1).

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pour des raisons sanitaires et que la capacité de conduite s'en est ainsi trouvée réduite et, d'autre part, les lacunes révélées par la crise en ce qui concerne les processus à disposition du domaine de la Pharmacie de l'armée responsable de l'approvisionnement en biens médicaux. La Pharmacie de l'armée est composée de deux branches: le secteur pharmaceutique, qui s'occupe de la production des produits pharmaceutiques, et le secteur logistique, qui est responsable de l'approvisionnement de l'armée en biens pharmaceutiques et médicaux. Or, selon les personnes entendues, le secteur logistique a été négligé ces dernières années et n'était manifestement pas équipé pour faire face à un engagement en situation de crise.

Le chef de l'armée a par conséquent décidé, en accord avec la direction du DDPS, de réintégrer la Pharmacie de l'armée à la BLA dès le 18 mai 2020. Selon le DDPS, ce transfert a permis de renforcer les processus logistiques et de résoudre de nombreux problèmes liés aux acquisitions.

3.1.2

Décisions relatives aux acquisitions

En temps normal, la Pharmacie de l'armée s'approvisionne principalement sur le marché suisse; elle fait appel à ses fournisseurs traditionnels et commande des quantités beaucoup moins importantes que celles qui ont été nécessaires pendant la pandémie.

Aussi, selon les personnes auditionnées, elle n'était prête ni pour s'approvisionner sur le marché international, ni pour gérer de tels volumes d'achats. À titre d'illustration, alors que les besoins de l'armée en masques d'hygiène oscillent entre 200 000 et 300 000 pièces par année, la Pharmacie de l'armée a été mandatée le 20 mars 2020 et le 8 avril 2020 pour l'acquisition de respectivement 75 millions24 et 400 millions25 de masques. Elle devait en outre se procurer ces biens «aussi rapidement que possible», quand le processus d'acquisition d'un tel volume de biens s'étale en temps normal sur près d'un an, selon les acheteurs de la Pharmacie de l'armée.

Comme cela a été mentionné plus haut, c'est au sous-domaine Achats de la Pharmacie de l'armée qu'il incombait d'évaluer les offres. Dans un premier temps, le personnel compétent (trois personnes représentant 2,5 EPT) a évalué les offres sur la base des critères suivants: la qualité des biens ­ les masques devaient être certifiés ­, la quantité de biens pouvant être fournie ­ les fournisseurs en mesure de livrer les produits requis en grandes quantités étaient favorisés ­, ainsi que la disponibilité et le lieu de livraison ­ les masques devaient être disponibles immédiatement et le fournisseur devait garantir que la livraison aurait lieu en Suisse. Il est alors rapidement apparu que de nombreuses offres ne remplissaient pas les exigences de qualité et de certification et n'entraient donc pas en ligne de compte. Par ailleurs, les quantités proposées étaient souvent disponibles pendant une durée très limitée, de sorte que des décisions devaient être prises en l'espace de quelques heures seulement. Dans plusieurs cas aussi, les 24 25

Liste 1 de l'OFSP (état au 17.3.2020), cf. rapport du DDPS du 3.12.2020 sur les acquisitions, p. 11.

Liste 2 de l'OFSP (état au 4.4.2020), cf. rapport du DDPS du 3.12.2020 sur les acquisitions, p. 12.

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masques demandés étaient disponibles mais ne pouvaient être acheminés ou livrés en Suisse.

De nombreuses offres arrivant sous forme disparate, la Pharmacie de l'armée a ensuite élaboré un questionnaire devant être rempli par les soumissionnaires. Par ailleurs, après l'entrée en fonction du coordinateur des achats, la première mesure prise par la Pharmacie de l'armée a été d'entamer un processus de structuration de l'offre, avant de créer, dans un deuxième temps, une plateforme d'achats, qui a permis de standardiser le traitement des offres reçues.

Les offres étaient soumises à un double crible: un premier examen commercial par le service des achats et puis un examen technique mené par le domaine spécifique Développement26. La décision d'accepter ou non l'offre revenait au chef du domaine Technique et production médicales de la Pharmacie de l'armée. Les commandes étaient ensuite transmises pour signature d'une part au médecin en chef de l'armée en tant que chef de l'unité organisationnelle des Affaires sanitaires (échelon supérieur de la Pharmacie de l'armée avant la réintégration de cette dernière à la BLA) et d'autre part au chef du domaine Logistique de la Pharmacie de l'armée, à l'exception d'une commande, qui a été signée par le chef de la Pharmacie de l'armée (e.r.) et par le chef du domaine Logistique de la Pharmacie de l'armée.

Les acheteurs de la Pharmacie de l'armée ont fait remarquer que jusqu'à la décision du Conseil fédéral du 20 mars 2020, ils avaient reçu assez peu d'offres et avaient donc bien maîtrisé la situation. Dans son rapport du 3 décembre 2020 sur les acquisitions, le DDPS indique qu'au cours de la semaine du 23 au 29 mars 2020, la Pharmacie de l'armée a reçu plusieurs centaines d'offres.

Les prix prévisionnels et donc, en réalité, les prix maximaux27 des masques ont été fixés conjointement par l'OFSP, la Pharmacie de l'armée et la task force Coordination des achats COVID-19. Les montants ont été déterminés sur la base des prix pratiqués sur le marché à ce moment-là, afin que l'on puisse continuer d'acheter les biens nécessaires même si les conditions du marché venaient à s'aggraver encore. Cette liste de prix n'était pas destinée à être rendue publique, mais elle a été publiée dans le courant du week-end pascal de 2020 à la suite d'une indiscrétion. Selon le DDPS et les
personnes auditionnées, le marché était alors à ce point volatil qu'il est difficile de déterminer si la publication de la liste a eu une influence sur les prix proposés par les fournisseurs, mais cette fuite a certainement affaibli le pouvoir de négociation de la Pharmacie de l'armée.

S'agissant de l'adjudication des marchés, le coordinateur des achats du DDPS a précisé à la sous-commission compétente que dans le cadre de la situation de crise qui prévalait à la fin mars 2020, le mandat d'acquisition faisait passer la garantie de la mise à disposition des biens requis avant le prix de ces derniers. Si la qualité des biens était jugée conforme, le marché était adjugé sur la base non pas du prix proposé, mais du délai et du lieu de livraison.

26

27

En raison de l'urgence de la situation, cet examen se limitait à un contrôle des certificats ou des justificatifs de certification. Le Laboratoire de Spiez effectuait en outre des contrôles aléatoires des masques livrés.

Cf. note 13.

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Après que la situation sur le marché s'est légèrement détendue en avril, la Pharmacie de l'armée a mis en place, en collaboration avec l'association Swiss MedTech, une plateforme en ligne sur laquelle elle publie, depuis début mai 2020, tous ses appels d'offres pour l'acquisition de produits médicaux et les fournisseurs intéressés peuvent déposer une offre. Les soumissions des fournisseurs doivent être présentées de manière structurée, afin de pouvoir être facilement et rapidement comparées.

Commandes de masques auprès de l'entreprise Emix Trading AG Les médias et l'opinion publique ont mis en cause en particulier les acquisitions de masques FFP2 auprès de l'entreprise Emix Trading AG et leurs prix.

Acquisitions de masques auprès d'Emix Trading AG Période

1

Quantité

Prix unitaire

Type de masque

2­ 8.3.2020

50 000 8.90 CHF Masque de protection TE YIN FFP2

2 16­22.3.2020

400 000 9.90 CHF Masque de protection TE YIN FFP2

3 16­22.3.2020

460 060 9.50 CHF Masque de protection TE YIN FFP2

4 23­29.3.2020 10 459 000 0.85 CHF Masque chirurgical TYPE II, 90X180MM 5 23­29.3.2020

582 500 8.50 CHF Masque de protection TE YIN FFP2

Source: rapport du DDPS du 3 décembre 2020 sur les acquisitions

La première commande de masques auprès d'Emix a été financée par le budget de l'armée. Ensuite, les commandes ont été passées sur la base du mandat d'acquisition du Conseil fédéral et à la charge du crédit Covid-19.

Les deuxième et troisième commandes ont toutes deux été passées le 17 mars 2020, le mandat du Conseil fédéral du 20 mars 2020 ayant manifestement été anticipé. Les commandes se sont basées sur les offres soumises par Emix le 4 mars (2e commande) et le 17 mars (3e commande), dans lesquelles la livraison des masques avait été convenue respectivement pour le 24 mars et le 31 mars. Les personnes auditionnées ont été unanimes sur le fait que si ces offres ont été retenues, c'est principalement parce que les masques pouvaient être livrés dans un délai très rapproché et directement à l'entrepôt de la Pharmacie de l'armée. À ce moment-là, Emix était l'unique entreprise à pouvoir fournir rapidement de grandes quantités de masques de protection respiratoire, ont-elles souligné. De plus, elle était disposée à effectuer ses livraisons sur facturation, sans exiger d'acompte, le paiement ne devant avoir lieu qu'après réception de la marchandise et contrôle de la qualité.

La CdG-N a demandé à plusieurs reprises au DDPS quelles autres offres pour des masques de protection FFP2 étaient disponibles à ce moment-là. Le département a répondu que l'entreprise Emix était alors la seule en mesure de livrer rapidement de grandes quantités de masques en Suisse. Toujours selon le DDPS, étant donné que la pandémie dure depuis plus d'un an et que les offres se sont 16 / 30

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comptées par milliers, il est impossible d'avoir une vue d'ensemble des offres de masques FFP2 disponibles au moment où l'on a passé commande à Emix.

Il est difficile de savoir si la Pharmacie de l'armée disposait alors d'une vue complète des offres reçues et si elle pouvait examiner réellement l'ensemble de ces offres. Les personnes auditionnées ont livré des informations parfois contradictoires à ce sujet. Le DDPS a relevé que de nombreuses offres avaient eu une forme si désordonnée qu'il était difficile aujourd'hui d'en reconstituer l'historique. Selon les acheteurs de la Pharmacie de l'armée en revanche, il n'y a pas eu foison d'offres jusqu'au 20 mars 2020 et la situation a pu être jusque-là bien gérée. Cela signifie que la Pharmacie de l'armée a en effet pu, à ce moment-là, examiner et comparer l'ensemble des offres reçues, un élément que semble attester également le laps de temps relativement long qui s'est écoulé entre la date où Emix a soumis son offre (4 mars 2020) et celle où la deuxième commande a été passée (17 mars).

Néanmoins et de manière contradictoire, les acheteurs de la Pharmacie de l'armée ont aussi reconnu qu'en raison du grand nombre d'offres reçues, on ne peut exclure complètement que certaines d'entre elles aient été plus intéressantes que l'offre d'Emix.

Le DDPS a fait observer que la Pharmacie de l'armée n'était pas en relation d'affaires avec la société Emix avant le début de la pandémie. Celle-ci a contacté Armasuisse, qui l'a mise en rapport avec la Pharmacie de l'armée. Les acheteurs de la Pharmacie de l'armée ont en outre indiqué qu'ils n'avaient jamais été mis sous pression ou influencés par leur hiérarchie pour privilégier une entreprise ou passer une commande en particulier. Enfin, le coordinateur des achats du DDPS a pour sa part déclaré ne pas avoir été impliqué dans les acquisitions auprès de l'entreprise Emix, car il n'occupait pas encore cette fonction à ce moment-là.

3.1.3

Contrôle à la réception des biens commandés et contrôle qualité

Le personnel du domaine spécifique Développement de la Pharmacie de l'armée examinait la documentation des produits (certificats, rapports de contrôle, etc.) avant de passer commande. Il était aussi responsable du contrôle de la marchandise livrée: conformément aux bonnes pratiques de distribution, il effectuait des contrôles aléatoires et vérifiait que la livraison ­ notamment la quantité de produits reçus ­ était conforme à la commande. De plus, pour toutes les catégories de masques livrés, une unité était prélevée pour être soumise à un contrôle de qualité.

Selon les personnes auditionnées, deux grands défis se sont posés dans ce contexte: le volume des produits livrés et le contrôle de la qualité des masques.

­

Volume des produits livrés: la Pharmacie de l'armée ne disposait pas de l'infrastructure nécessaire pour le contrôle et le stockage d'une telle quantité de marchandises. Aussi, des locaux ont été rapidement loués à l'entreprise Planzer à Pratteln et à Berne; celle-ci vérifiait que les quantités reçues correspondaient à la commande. Dès lors exemptée de ce premier contrôle quantitatif, la Pharmacie de l'armée restait responsable de la suite de l'examen. Chaque 17 / 30

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jour, un collaborateur était dépêché à cet effet dans le locaux loués, où il effectuait des contrôles aléatoires visant avant tout à vérifier que les biens reçus étaient intacts et que chaque caisse d'une même palette contenait le même matériel, conformément à la commande. Toutefois, étant donné le volume des produits réceptionnés ­ selon le coordinateur des achats, près de 18 000 palettes ont été livrées ­, ces vérifications n'ont pas pu être réalisées aussi rigoureusement et exhaustivement que nécessaire.

­

Contrôle de la qualité des masques: la Suisse ne disposait et ne dispose toujours d'aucun organisme en mesure de procéder à des examens accrédités dans le domaine des masques FFP et des masques d'hygiène. À défaut d'autres solutions ­ ces examens ne pouvaient être réalisés à l'étranger et il était impossible de mettre au point une procédure de contrôle accréditée en l'espace de quelques semaines ­, le Laboratoire de Spiez a conçu une procédure ad hoc visant à déceler des défauts de qualité manifestes et à s'assurer que les masques offraient un certain degré de protection. La méthode de test reposait sur une comparaison avec une référence interne; le Laboratoire de Spiez ne disposait pas des moyens nécessaires pour déterminer si la performance de filtrage était conforme aux normes applicables aux masques FFP et aux masques d'hygiène. Il avait alors souligné que ses tests étaient effectués selon une procédure ad hoc, qui avait été mise au point pour l'occasion et qui n'était pas accréditée.

Les personnes auditionnées ont reconnu que, compte tenu des circonstances, les masques et autres biens livrés n'avaient pas pu être suffisamment contrôlés. La RI DDPS a confirmé cette lacune dans son rapport sur l'acquisition de masques de protection: le fait que très peu d'avis relatifs aux défauts de la chose aient été formellement notifiés indique que les démarches usuelles pour assurer la qualité n'ont pas été dûment suivies28. Tant les représentants de la Pharmacie de l'armée que la direction du DDPS ont reconnu a posteriori que l'on n'avait pas mobilisé suffisamment de ressources pour le contrôle qualité et qu'il n'avait dès lors pas été possible de déposer de telles réclamations en temps voulu29. Si des défauts apparaissaient, il était exigé des fournisseurs de les corriger.

Échange de masques par la société Emix Trading AG Le 8 mars 2021, le DDPS a fait savoir dans un communiqué que l'Armée suisse avait accepté l'offre de l'entreprise Emix Trading AG de remplacer volontairement et gratuitement tous les masques FFP2 et KN95 qu'elle avait déjà fournis et qui étaient encore stockés auprès de la Pharmacie de l'armée, par de nouveaux 28

29

Rapport de la révision interne du DDPS du 24.3.2021 sur l'acquisition de masques de protection («Beschaffung von Schutzmasken», Abklärung A 2021-11), p. 14 (en allemand seulement).

Dans son avis sur le présent rapport, le DDPS a indiqué ce qui suit: «Des contrôles par échantillonnage ont été effectués dans la mesure du possible et renforcés en permanence.

Mais ces contrôles n'étaient pas encore systématiques lors des premières livraisons.

Les acquisitions de la Pharmacie de l'armée faisaient déjà l'objet de contrôles de qualité en usine par la société SGS [Société Générale de Surveillance SA, une entreprise de Genève] en Chine.»

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masques FFP2. De cette manière, l'armée pouvait réduire le nombre de masques stockés qui atteindraient leur date de péremption d'ici fin 2022. Le communiqué précisait par ailleurs qu'«[à] l'époque, un laboratoire non accrédité appartenant à la Confédération a[vait] vérifié les masques fournis par Emix Trading et les a[vait] jugés utilisables.» En outre, puisqu'ils allaient être remplacés, ces masques ne seraient pas soumis à un autre contrôle.

Cet échange a suscité plusieurs interrogations tant dans les médias et l'opinion publique qu'à la CdG-N. On s'est notamment demandé si la qualité des masques achetés à un prix fort était suffisante et, dans le cas contraire, si la Pharmacie de l'armée n'aurait pas pu dès lors résilier le contrat de vente et exiger le remboursement de ses frais.

Dans un avis de droit demandé par l'armée en février 2021 et que la sous-commission compétente a pu consulter, les experts déconseillaient d'engager une telle démarche. Selon eux, les conditions pour faire valoir des prétentions civiles en raison de vices du consentement (erreur, dol), lésion, défauts de la chose ou mauvaise exécution du contrat n'étaient pas réunies et les chances que la démarche aboutisse étaient minimes. Les experts ont également relevé que l'on pouvait véritablement se demander si la Pharmacie de l'armée, du fait qu'elle n'avait pas procédé aux contrôles de qualité requis, n'avait pas violé son devoir de contrôle et de vérification et, de ce fait, perdu ses droits de garantie, ce qui l'empêchait de faire valoir les vices constatés.

Les personnes auditionnées ont indiqué que cet avis d'experts avait aussi contribué à la décision d'accepter l'offre d'Emix faite en janvier 2021 de remplacer les masques concernés volontairement et gratuitement.

La sous-commission a également été informée qu'en raison de cet échange, il n'avait pas été possible de contrôler a posteriori la qualité des masques livrés initialement par Emix. Néanmoins, ce contrôle qualité est en réalité encore possible: à la suite d'une plainte, le Ministère public du Canton de Zurich a engagé une procédure contre Emix pour délit d'usure et a dès lors ordonné, en mars 2021, la saisie provisoire des masques qui auraient dû être échangés.

3.2

Transparence sur les acquisitions

Si, pendant la première phase de la pandémie, on a avant tout cherché à comprendre pourquoi la Suisse ne disposait pas des réserves nécessaires de masques de protection, une autre interrogation s'est rapidement fait entendre: l'acquisition de ces masques s'était-elle déroulée de manière légale, appropriée et efficiente? Les médias se sont fait l'écho de plusieurs critiques, notamment du fait que les masques auraient été achetés à des prix surfaits, qu'ils seraient de mauvaise qualité ou que des certificats auraient été falsifiés.

Afin de présenter de manière transparente et compréhensible l'acquisition des biens médicaux et en particulier des masques de protection par la Pharmacie de l'armée, le DDPS a publié, le 3 décembre 2020, un rapport sur les acquisitions réalisées pendant

19 / 30

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la première phase de la pandémie30. Ce rapport présente le mandat de la Pharmacie de l'armée et la stratégie d'approvisionnement de la Confédération, et fait un point de situation sur la crise sanitaire en Suisse ainsi que sur l'évolution du marché international en ce qui concerne les produits de protection médicale. Il contient aussi une vue d'ensemble des commandes passées et des prix payés.

La publication de ce rapport n'ayant pas mis fin aux critiques concernant les acquisitions de masques, le DDPS a voulu, selon les termes de son secrétaire général, créer une «transparence absolue». Aussi, le 26 janvier 2021, la cheffe du département a chargé la RI DDPS d'examiner les processus mis en oeuvre par la Pharmacie de l'armée pour ces achats et de déterminer si les prix payés étaient conformes au marché, si la qualité des masques correspondait aux normes en vigueur et si les conditions dont il avait été convenu avec les fournisseurs avaient été respectées. La RI DDPS a publié son rapport31 le 22 avril 2021. Elle y relève quelques lacunes mineures et émet plusieurs recommandations sur la vérification de la qualité, le respect de la réglementation des compétences et les contrôles pendant le processus d'achat. Les réviseurs arrivent à la conclusion que le mandat du Conseil fédéral a été globalement rempli et que tout semble indiquer que les masques d'hygiène et de protection respiratoire achetés par le DDPS l'ont été au prix du marché. Le rapport souligne que les acquisitions ont été faites dans le respect des principes d'économie, mais que seul un tribunal pourra réfuter de manière définitive les allégations de délit d'usure et de lésion. Dans le cadre de son examen, la RI DDPS a consulté de nombreux documents, interrogé les personnes responsables des acquisitions et inspecté des dépôts. Elle s'est également basée sur cinq contrôles aléatoires d'achats de masques32.

Malgré les informations obtenues dans le cadre de deux auditions menées respectivement en août 2020 et en février 2021 et des rapports susmentionnés, la sous-commission compétente de la CdG-N a estimé que d'importantes questions étaient encore en suspens. Elle a donc transmis une nouvelle série de questions au DDPS. Les informations reçues étant en partie à nouveau peu claires, la sous-commission a décidé d'auditionner en juin 2021 les
acheteurs de la Pharmacie de l'armée directement concernés ainsi que la cheffe du DDPS en tant que responsable politique. D'une manière générale, il a été particulièrement long et difficile pour la sous-commission d'obtenir les renseignements demandés, dont certains ne lui ont été livrés qu'après de multiples sollicitations (cf. chap. 4.2).

4

Appréciation de la CdG-N

La CdG-N souhaite tout d'abord souligner que le DDPS et en particulier la Pharmacie de l'armée ont rempli le mandat du Conseil fédéral relatif à l'acquisition en quantités 30

31 32

Rapport de la task force Coordination des achats COVID-19 du 3.12.2020 sur les acquisitions ­ Achats de biens médicaux importants selon l'ordonnance 2 COVID-19, annexe 4.

Ce rapport rend compte des commandes réalisées jusqu'au 30.6.2020 ainsi que des paiements et transactions effectués jusqu'à la fin août 2020.

Rapport de la révision interne DDPS du 24.3.2021 sur l'acquisition de masques de protection («Beschaffung von Schutzmasken», Abklärung A 2021-11) [en allemand seulement].

Le rapport ne précise pas quelles acquisitions en particulier ont été contrôlées.

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suffisantes de masques et autres dispositifs de protection. Les personnes compétentes, en particulier les acheteurs de la Pharmacie de l'armée, se sont engagées de manière remarquable, et ce en dépit des conditions spéciales et des fortes contraintes auxquelles elles ont été soumises. La CdG-N comprend que des erreurs puissent être commises dans de telles circonstances. Il convient aussi de relever que si la Pharmacie de l'armée a dû être mandatée, c'est principalement en raison de manquements en matière de préparation à une pandémie dont ni la Pharmacie de l'armée en particulier, ni le DDPS en général, n'est responsable (cf. chap. 5).

Si toutes ces circonstances doivent être prises en compte, elles ne justifient pas, de l'avis de la CdG-N, le fait que certaines erreurs et lacunes n'aient toujours pas été examinées de manière approfondie et en toute transparence.

4.1

Processus d'acquisition des masques

La CdG-N estime que deux points en particulier ayant fait l'objet de critiques n'ont pas encore été analysés en détail, à savoir l'attribution du mandat d'acquisition à la Pharmacie de l'armée et les contrôles de qualité.

4.1.1

Mandat confié à la Pharmacie de l'armée

Selon la CdG-N, il est incompréhensible que le Conseil fédéral ait chargé la Pharmacie de l'armée d'acquérir des masques et autres biens de protection alors que rien n'indiquait que cette dernière était en mesure de s'acquitter de ce mandat de manière appropriée, autrement dit qu'elle disposait des ressources nécessaires pour le faire.

L'examen des propositions et décisions du Conseil fédéral de mars et avril 2020 a fait ressortir que ce dernier n'a à aucun moment considéré l'impact que le mandat pourrait avoir sur la Pharmacie de l'armée et ses ressources. Selon la commission, on aurait pu, à ce moment-là déjà, tout à fait prévoir que les structures, processus et ressources de la Pharmacie de l'armée ne seraient pas adaptés à l'acquisition des quantités de biens nécessaires. Si la Pharmacie de l'armée est finalement parvenue à remplir son mandat, c'est grâce aux efforts considérables que les personnes compétentes ont déployés et aux ressources supplémentaires que le DDPS a mises à sa disposition dans un deuxième temps, lorsqu'il est clairement apparu qu'elle était surchargée. Le département a réagi à la fin mars 2020 notamment en nommant un coordinateur des achats ­ une mesure judicieuse mais prise tardivement, selon la CdG-N33. En effet,

33

Dans son avis, le DDPS a indiqué qu'il était parfaitement conscient de la lourde charge incombant à la Pharmacie de l'armée, raison pour laquelle il lui avait justement dépêché des collaboratrices et collaborateurs d'Armasuisse et des militaires. Il a ajouté qu'un coordinateur des achats avait été nommé et que la procédure d'acquisition avait été «accompagnée» pendant plusieurs mois par huit collaborateurs du Contrôle fédéral des finances (CDF).

Du point de vue de la CdG-N, ce soutien était bien trop tardif, sans compter que les collaborateurs du CDF n'avaient pas pour mission de soutenir la Pharmacie de l'armée dans ce processus, mais de contrôler la manière dont elle procédait à ces acquisitions.

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les personnes auditionnées ont indiqué que la situation s'était détendue dès le début du mois d'avril.

Il est difficilement compréhensible que le DDPS n'ait pas remis en question plus tôt la décision d'attribuer à la Pharmacie de l'armée un mandat d'une telle ampleur et, à certains égards, aussi inédit s'agissant des ressources nécessaires.

La CdG-N est également d'avis qu'un certain nombre de lacunes et problèmes relevés sont directement liés au fait que la Pharmacie de l'armée manquait de ressources: la faiblesse des contrôles de qualité, par exemple, ou l'absence de documentation et de vue d'ensemble pour ce qui est des offres reçues au début du processus d'acquisition.

Si elle avait disposé des moyens dont elle avait besoin, la Pharmacie de l'armée aurait été mieux à même d'évaluer les offres et de faire le bon choix. Du fait que certains documents ne sont plus accessibles et qu'il est impossible d'avoir une vue d'ensemble des offres reçues au début du processus, il est aujourd'hui plus compliqué de reconstituer les événements et de déterminer si d'autres offres plus avantageuses étaient disponibles au moment de la commande à Emix.

Selon la CdG-N, une autre question essentielle se pose: pourquoi le mandat d'acquisition a-t-il été attribué dans sa totalité à la Pharmacie de l'armée? En effet, cette dernière a été chargée d'acquérir non seulement des masques de protection, mais aussi tout un arsenal d'autres biens médicaux, tels que des désinfectants, des gants jetables, des tabliers chirurgicaux, des appareils de respiration, des kits de test, des accessoires de laboratoire et même des vaccins. D'après les personnes auditionnées et le DDPS, le mandat d'acquisition a été attribué (exclusivement) à la Pharmacie de l'armée parce que cette dernière est la seule unité organisationnelle de la Confédération à détenir une licence pour le commerce de gros de médicaments. Les masques de protection et nombre d'autres produits que la Pharmacie de l'armée a été chargée d'acquérir pendant la pandémie n'étaient toutefois pas des médicaments34; il s'agissait de matériel sanitaire, qui aurait donc pu être acheté par un autre service d'achat de la Confédération, à savoir Armasuisse ou l'OFCL. La CdG-N estime donc que le mandat d'acquisition ne devait pas impérativement être attribué à la Pharmacie de l'armée
et qu'il aurait fallu envisager de répartir les acquisitions entre différents services ou, comme cela a été mentionné plus haut, de garantir un soutien à la Pharmacie de l'armée.

La CdG-N est d'avis qu'il serait utile, pour l'avenir, de réfléchir aux structures et aux mesures préventives qu'il conviendrait de mettre en place pour que la Suisse soit mieux armée si elle devait se retrouver dans une situation similaire et qu'elle puisse se procurer rapidement les biens indispensables en cas de crise ­ aussi bien le matériel de protection que les médicaments ou d'autres produits nécessaires, comme les biens de consommation courante ­, dans la mesure où des réserves n'auraient pas été constituées. A cet égard, la solution ne serait évidemment pas d'organiser durablement les structures des services compétents dans l'optique d'éventuelles situations de crise comprenant une surcharge particulière. Il conviendrait plutôt d'examiner comment, 34

Aux termes de l'art. 4, al. 1, let. a, de la loi fédérale du 15.12.2000 sur les médicaments et les dispositifs médicaux (loi sur les produits thérapeutiques, LPTh; RS 812.21), les médicaments sont «les produits d'origine chimique ou biologique destinés à agir médicalement sur l'organisme humain ou animal, ou présentés comme tels, et servant notamment à diagnostiquer, à prévenir ou à traiter des maladies, des blessures et des handicaps».

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dans une situation de crise, les services d'achat de la Confédération ­ c'est-à-dire la Pharmacie de l'armée, Armasuisse et l'OFCL ­ peuvent organiser ensemble les acquisitions de biens rares et nécessaires, en coordination avec l'Approvisionnement économique du pays. Il est par ailleurs essentiel de s'assurer que les services compétents puissent, dans de telles situations d'urgence, obtenir rapidement une vue d'ensemble du marché et exiger des offres structurées (afin de pouvoir les comparer), ce qui pourrait être facilité, selon la commission, par une plateforme d'achats telle que celle mise en place par la Pharmacie de l'armée et l'association Swiss MedTech (cf. chap. 3.1.2).

Outre la manière dont les acquisitions devront se dérouler lors d'une éventuelle crise future, le Conseil fédéral doit examiner les mesures qu'il convient de prendre de façon préventive pour éviter autant que possible que la Suisse ne doive procéder à de telles «acquisitions de crise», par exemple en ordonnant la constitution de réserves obligatoires pour certains biens.

La CdG-N constate que le Conseil fédéral a reconnu les lacunes qui sont apparues en ce qui concerne la préparation de la Suisse à une pandémie et en particulier la constitution de réserves de matériel de protection. Le rapport de la Chancellerie fédérale du 11 décembre 2020 sur l'évaluation de la gestion de crise par la Confédération35 définit des tâches et formule des recommandations à ce sujet. La commission souhaite que cet examen ainsi que l'analyse interne du DDPS sur la gestion de la pandémie permettent de tirer les enseignements nécessaires en ce qui concerne la constitution de stocks pour les biens importants d'une part, et, d'autre part, le rôle futur ainsi que les moyens attribués à la Pharmacie de l'armée pour les acquisitions en situation de crise.

La commission se basera ensuite sur les conclusions issues des mandats d'examen formulés par le Conseil fédéral pour déterminer s'il est nécessaire d'agir plus avant sur le plan de la haute surveillance parlementaire.

4.1.2

Nouvelle subordination de la Pharmacie de l'armée

S'agissant du mandat confié à la Pharmacie de l'armée, la CdG-N considère qu'un autre point ayant fait l'objet de critiques doit être abordé, à savoir la surveillance de la Pharmacie de l'armée et son transfert, en pleine pandémie, de l'État-major de l'armée à la BLA. La commission est convaincue que le changement de subordination de la Pharmacie de l'armée était nécessaire et judicieux. D'après les personnes auditionnées en effet, certains problèmes, en particulier dans le domaine de la logistique, ont été résolus et la Pharmacie est aujourd'hui mieux équipée pour les situations de crise.

Selon la CdG-N, il est toutefois inquiétant de constater que les problèmes qui existaient au sein de la Pharmacie de l'armée semblent être longtemps restés inaperçus.

Le domaine de la logistique a été négligé et la commission ne comprend pas que les

35

Rapport de la Chancellerie fédérale du 11.12.2020 concernant l'évaluation de la gestion de crise pendant la pandémie de COVID-19 (1re phase / février ­ août 2020).

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échelons supérieurs, à savoir l'État-major de l'armée et la BLA36, ainsi que la direction de l'armée et le DDPS n'aient pas été au courant de ce problème ni de son ampleur et n'aient pas pris de mesures pour le régler. Les personnes auditionnées ont fait remarquer que le domaine de la logistique avait déjà connu auparavant des difficultés, mais qu'on avait toujours pu les surmonter, raison pour laquelle c'était seulement pendant la crise que l'étendue des problèmes avait été constatée.

La CdG-N s'était penchée sur la question du transfert de la Pharmacie de l'armée de la BLA à l'État-major de l'armée en 2018, dans le cadre de ses investigations relatives aux événements liés au médecin en chef de l'armée. Elle avait alors considéré ce transfert comme une mesure immédiate appropriée, tout en invitant le DDPS à procéder, à moyen terme, à un examen approfondi des structures existantes et à prendre les mesures nécessaires37. Il s'avère rétrospectivement que cette réorganisation ­ qui avait été motivée uniquement par des raisons liées au personnel et ne s'explique par aucun autre facteur objectif ­ n'était en réalité pas appropriée.

4.1.3

Contrôle de la qualité des masques

Comme cela a été exposé au chapitre 3.1.3, le contrôle de la qualité des masques livrés a été négligé. Par conséquent, certaines erreurs n'ayant pas été décelées, les services compétents ont manqué l'occasion de faire des réclamations ou de résilier des contrats (par ex. dans le cas d'Emix).

Eu égard aux grandes quantités de masques livrés et aux ressources limitées à la disposition de la Pharmacie de l'armée au printemps 2020, si elle est certes problématique, cette négligence est dans une certaine mesure compréhensible. La situation était d'autant plus compliquée que la Suisse ne disposait pas d'un service accrédité pour le contrôle qualité des masques. Par contre, la CdG-N ne s'explique pas pourquoi des contrôles n'ont pas été effectués plus tard, c'est-à-dire à l'été et à l'automne 2020, quand la pandémie a ralenti. La situation sur le marché de l'approvisionnement s'est aussi détendue à ce moment-là, selon les personnes auditionnées, et on aurait alors dû compenser cette lacune en réalisant ou en intensifiant les contrôles de qualité.

Par ailleurs, la CdG-N se demande s'il ne serait pas judicieux de doter la Suisse d'un laboratoire accrédité pour le contrôle des masques médicaux. Les masques de protection seront toujours un bien important en cas de pandémie, et la Suisse devrait être en mesure de contrôler elle-même la qualité de ses masques. On pourrait accréditer le Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche (Empa) ou le Laboratoire de Spiez, par exemple, ou opter pour un organisme privé.

36 37

Jusqu'en 2018, la Pharmacie de l'armée était subordonnée à la BLA. Il est fort probable que les problèmes en question existaient alors déjà.

Événements liés au médecin en chef de l'armée, rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 12.10.2018 (FF 2019 1257).

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Recommandation: La CdG-N invite le Conseil fédéral à examiner s'il serait approprié et efficient de disposer en Suisse d'un organe accrédité pour le contrôle de la qualité des masques faciaux médicaux.

4.2

Transparence sur les acquisitions

Selon la CdG-N, le DDPS a omis d'instaurer une transparence suffisante en ce qui concerne les acquisitions de masques et d'admettre ses erreurs, ce qui a eu pour conséquence regrettable que l'on s'est jusqu'ici intéressé davantage au passé ­ en particulier à la question des prix et de la qualité des masques ­ qu'à l'avenir, c'est-à-dire aux enseignements à tirer.

Examen de la question de l'adéquation des prix payés Depuis l'été 2020, les médias et le monde politique émettent régulièrement des critiques concernant certaines commandes de masques et les prix payés, et plus particulièrement le contrat conclu avec l'entreprise Emix. La CdG-N est d'avis que le DDPS n'a pas encore donné de réponses claires à ces critiques et qu'il n'a pas été suffisamment transparent sur la question. La commission relève notamment à cet égard le rapport de la RI DDPS, dont plusieurs conclusions ne sont à son avis pas suffisamment fondées ni compréhensibles.

La CdG-N déplore en particulier que, sur la question de savoir si les prix payés étaient conformes au marché, la RI DDPS se soit appuyée uniquement sur des considérations générales et sur un rapport de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) afin de «rendre plausibles» les prix en question. La commission aurait trouvé plus judicieux qu'un examen soit mené sur place, à la Pharmacie de l'armée, afin de constater quelles autres offres étaient effectivement disponibles et à quels prix. Au lieu de cela, dans son chapitre sur les faits observés, le rapport donne globalement peu d'éléments concrets sur la situation en Suisse.

Aussi, la commission est d'avis que le rapport de la RI DDPS est insuffisant sur le plan méthodologique. Conformément aux normes applicables, les auditeurs internes doivent fonder leurs conclusions sur des analyses appropriées et répertorier des informations suffisantes, fiables et pertinentes pour étayer les résultats et les conclusions de leur mission38. Dans le rapport toutefois, les faits ne sont pas exposés de manière

38

Normes internationales pour la pratique professionnelle de l'audit interne 2017, normes 2320 et 2330. Ce cadre de référence peut être téléchargé sur le site de l'Association suisse d'audit interne: www.iias.ch > Publications > Normes-IIA 2017 (consulté le 17.9.2021).

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totalement claire et compréhensible39. Ce document contient en outre plusieurs conclusions insuffisamment fondées et compréhensibles40. Par ailleurs, la CdG-N considère que les citations figurant au début et à la fin du texte n'ont pas leur place dans un rapport d'examen indépendant. Le DDPS, qui visait avec ce rapport à instaurer une transparence et à réfuter les différentes critiques émises au sujet des acquisitions de masques, n'a pas atteint son objectif41.

Selon la CdG-N, ni le rapport de la RI DDPS, ni les autres renseignements et documents disponibles n'ont apporté une réponse claire et tangible à la question de l'adéquation des prix. On ne sait toujours pas non plus si, au moment où le marché a été attribué à Emix, la Pharmacie de l'armée disposait d'autres offres plus avantageuses.

La commission espère donc que ces questions seront clarifiées dans le cadre des procédures juridiques en cours.

Informations opaques et erreurs reconnues tardivement Il a été difficile pour la CdG-N d'obtenir des informations claires sur les processus mis en oeuvre et les difficultés rencontrées par la Pharmacie de l'armée, et de se faire ainsi une idée de la situation en particulier au tout début de la pandémie, avant que le Conseil fédéral n'attribue formellement le mandat d'acquisition à la Pharmacie de l'armée le 20 mars 2020. Les personnes que le DDPS avait déléguées pour participer aux premières auditions n'ont pas pu répondre à des questions importantes qui leur avaient été posées au sujet de cette phase initiale et du «travail au front». C'est seulement lorsqu'elle a auditionné expressément les acheteurs de la Pharmacie de l'armée concernés en juin 2021 que la sous-commission compétente a obtenu des informations concrètes et un aperçu plus détaillé des acquisitions et de la situation aux premières heures de la pandémie.

C'est aussi lors de ces auditions et de celle qui a eu lieu ensuite avec la cheffe du DDPS que la commission a entendu pour la première fois que des ressources insuffisantes avaient été mises à la disposition de la Pharmacie de l'armée pour le contrôle qualité des masques et que, par conséquent, des réclamations fondées n'avaient pas pu être faites en temps voulu. Il convient de noter aussi à cet égard que c'est seulement en février 2021 que l'armée a demandé un avis de droit en vue d'explorer la possibilité 39

40

41

Le ch. 6 du rapport (contrôle interne relatif à l'acquisition des masques de protection) ne contient par exemple pas de description détaillée de la répartition des compétences et des procédures prévues. Il est en outre précisé que la Pharmacie de l'Armée a dû déroger aux processus standard, sans qu'aucune justification ne soit toutefois avancée.

C'est notamment le cas de l'évaluation formulée au ch. 8 du rapport de la RI DDPS, quiconcerne la qualité des masques: ce passage indique en effet que la Pharmacie de l'armée a déployé des «efforts importants» afin de garantir la gestion de la qualité. Pourtant, la description des faits se limite surtout à des considérations générales sur la qualité et les problèmes de qualité des masques de protection; par contre, les indications relatives à la manière dont la qualité a été contrôlée concrètement et aux mesures prises par la Pharmacie de l'armée en la matière font défaut dans une large mesure (exception: mandat confié au Laboratoire de Spiez).

Dans le cadre de la consultation, le DDPS a fait valoir qu'une documentation exhaustive permettait de suivre le raisonnement ayant conduit les experts aux conclusions exposées dans le rapport de la RI DDPS. La CdG-N est toutefois d'avis qu'un rapport d'audit doit, de fait, être compréhensible de lui-même, notamment lorsqu'il a pour objectif de clarifier des faits pour le public.

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pour la Confédération de résilier le contrat passé avec Emix pour cause de défauts de qualité ou de dol. Selon la CdG-N, cette question aurait dû être clarifiée plus tôt et indépendamment de l'affaire Emix, car des critiques sur la qualité insuffisante de certains masques achetés à la hâte circulaient à l'automne 2020 déjà.

La CdG-N déplore que le DDPS ait admis les lacunes dans le contrôle qualité des masques et leurs conséquences seulement après avoir été sollicité à maintes reprises sur le sujet et quelque peu mis sous pression. Les médias et le public en général n'ont toujours pas été informés de manière transparente sur ces lacunes. Si elle comprend que des erreurs aient pu être commises dans les conditions spéciales qui prévalaient à l'époque, la CdG-N ne conçoit pas et déplore que ces erreurs n'aient pas été reconnues. En effet, la commission se serait attendue à ce que le DDPS communique activement et en toute transparence sur les manquements observés ainsi que sur les enseignements qu'il en a tirés.

Enseignements pour l'avenir La CdG-N déplore que le DDPS n'ait pas fait preuve d'une transparence complète sur les acquisitions de masques. Elle part du principe que les enquêtes pénales en cours permettront encore de faire la lumière sur quelques questions en suspens, concernant en particulier l'adéquation des prix payés. Il est donc inutile, selon elle, de demander au DDPS de se replonger en détail dans le passé. La commission engage néanmoins le département à tirer les enseignements qui s'imposent et à faire en sorte que les rapports de la RI DDPS soient compréhensibles d'eux-mêmes. Elle se renseignera l'année prochaine sur le rôle et le fonctionnement de ce service.

5

Conclusions

L'enquête de la CdG-N sur l'acquisition de masques a permis de relever un certain nombre de lacunes, en particulier en ce qui concerne le contrôle de la qualité des masques. Ces problèmes s'expliquent en partie par la situation spéciale et par les fortes contraintes auxquelles la Pharmacie de l'armée a été soumise.

La CdG-N relève les trois lacunes suivantes, qui sont selon elle plus graves que les erreurs commises dans le cadre de l'acquisition des masques: 1.

La Suisse était insuffisamment préparée à une pandémie, et ce notamment parce que les recommandations formulées dans le Plan suisse de pandémie concernant la constitution de stocks de matériel de protection n'avaient pas été mises en oeuvre par les cantons et les établissements de santé et qu'aucun contrôle global n'avait été réalisé à cet égard.

2.

Le Conseil fédéral et le DDPS ont omis de mettre à disposition le soutien et les ressources supplémentaires dont la Pharmacie de l'armée avait besoin lorsqu'elle s'est vu confier le mandat d'acquisition de matériel de protection.

3.

Le DDPS et la Pharmacie de l'armée ne sont pas encore parvenus à assurer la transparence nécessaire en ce qui concerne les acquisitions de masques, ni à apporter des réponses claires aux critiques et aux questions qui circulent depuis longtemps à ce sujet.

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Le Conseil fédéral a pris acte des lacunes constatées concernant la préparation de la Suisse à la pandémie et des questions relatives à l'approvisionnement du pays en matériel de protection. Différentes investigations sont actuellement menées à ce sujet (cf. chap. 4.1.1). La CdG-N part du principe que le DDPS procède de son côté à un examen approfondi du rôle et des tâches qui incomberont à l'avenir à la Pharmacie de l'armée. La commission demandera en temps voulu des informations sur les travaux réalisés à ce titre et sur leurs résultats.

S'agissant du manque de transparence, la CdG-N ne doute pas que les procédures judiciaires en cours contribueront à améliorer la situation à cet égard. Elle espère par ailleurs que le DDPS saura tirer des enseignements de son analyse et communiquera désormais de manière plus transparente.

6

Suite de la procédure

La CdG-N invite le Conseil fédéral à prendre position d'ici au 18 mai 2022 sur les considérations et les demandes formulées dans le présent rapport.

Le 18 février 2022

Au nom de la Commission de gestion du Conseil national La présidente: Prisca Birrer-Heimo La secrétaire: Beatrice Meli Andres Le président de la sous-commission DFAE/DDPS: Nicolo Paganini La secrétaire de la sous-commission DFAE/DDPS: Céline Andereggen

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Liste des abréviations Armasuisse BLA CDF CdG CdG-N DDPS DélFin DFF DFI Empa EPI LAP LEp LMP LOGA LPTh OCDE OFAE OFCL OFPP OFSP OMP OSSC RI DDPS SSC

Office fédéral de l'armement Base logistique de l'armée Contrôle fédéral des finances Commissions de gestion des Chambres fédérales Commission de gestion du Conseil national Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports Délégation des finances des Chambres fédérales Département fédéral des finances Département fédéral de l'intérieur Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche Équipements de protection individuelle Loi fédérale du 17 juin 2016 sur l'approvisionnement économique du pays (Loi sur l'approvisionnement du pays; RS 531) Loi fédérale du 28 septembre 2012 sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme (Loi sur les épidémies; RS 818.101) Loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics (RO 1996 508) Loi fédérale du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (RS 172.010) Loi fédérale du 15 décembre 2000 sur les médicaments et les dispositifs médicaux (Loi sur les produits thérapeutiques; RS 812.21) Organisation de coopération et de développement économiques Office fédéral pour l'approvisionnement économique du pays Office fédéral des constructions et de la logistique Office fédéral de la protection de la population Office fédéral de la santé publique Ordonnance du 11 décembre 1995 sur les marchés publics (RO 1996 518) Ordonnance du 27 avril 2005 sur le Service sanitaire coordonné (RS 501.31) Révision interne du DDPS Service sanitaire coordonné

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