FF 2022 www.droitfederal.admin.ch La version électronique signée fait foi

22.033 Message concernant l'approbation d'un protocole modifiant la convention contre les doubles impositions entre la Suisse et l'Arménie du 4 mai 2022

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'un arrêté fédéral portant approbation d'un protocole modifiant la convention entre la Suisse et l'Arménie en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, en vous priant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

4 mai 2022

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ignazio Cassis Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

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Condensé La convention contre les doubles impositions avec l'Arménie a été signée en 2006 et n'a jamais été révisée. Depuis lors, la politique des États contractants s'est développée et des standards en matière des conventions contre les doubles impositions ont été établis.

Étant donné que la lutte contre l'évasion fiscale injustifiée des sociétés multinationales est devenue une préoccupation majeure de la communauté internationale, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a lancé en 2013, en collaboration avec le G20, un projet de lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (Base Erosion and Profit Shifting, BEPS).

Le 7 juin 2017, la Suisse a signé la convention multilatérale pour la mise en oeuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (convention BEPS). La convention BEPS contient une série de dispositions visant à modifier les conventions contre les doubles impositions (CDI) en vigueur. Certaines de ces dispositions servent à mettre en oeuvre les standards minimaux fixés dans le cadre des actions 6 et 14 du Plan d'action de l'OCDE concernant l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices.

Les discussions que les représentants de la Suisse et de l'Arménie ont eues au sujet des conséquences concrètes de la convention BEPS sur la CDI entre les deux pays (CDI-AM) ont révélé qu'ils ne sont pas en mesure de s'accorder sur la teneur exacte des modifications que la convention BEPS apporterait à la CDIAM. C'est pourquoi il a été décidé que la prise en compte dans la CDI-AM des mesures du projet BEPS relatives aux conventions fiscales ne se ferait pas par l'intermédiaire de la convention BEPS, mais par celui d'un protocole de modification bilatéral.

Les Parties ont également profité de ces négociations pour mettre à jour la CDI-AM conformément à leur politique conventionnelle actuelle respective.

Le protocole de modification a été signé le 12 novembre 2021. Les cantons et associations économiques intéressées ont accueilli favorablement sa conclusion.

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Message 1

Présentation de l'accord

1.1

Contexte, déroulement et résultats des négociations

La Suisse et l'Arménie sont liées par une convention en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune1 (CDI-AM), signée le 12 juin 2006. Elle n'a jamais été révisée depuis. La CDI-AM est entrée en vigueur le 7 novembre 2007 et est applicable depuis le 1er janvier 2008.

Conformément à la pratique suisse au moment de sa conclusion, elle contient un article sur l'échange de renseignements limité aux cas d'application régulière et à la lutte contre l'utilisation abusive de la CDI-AM.

Le 7 juin 2017, la Suisse a signé la convention multilatérale pour la mise en oeuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices2 (convention BEPS, aussi appelée MLI). La convention BEPS contient une série de dispositions visant à modifier les conventions contre les doubles impositions (CDI) en vigueur. Certaines de ces dispositions servent à mettre en oeuvre les standards minimaux fixés dans le cadre des actions 6 et 14 du Plan d'action concernant l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices de l'OCDE (plan d'action BEPS3).

Les négociations en vue de signer un protocole de modification intégrant notamment la norme internationale en matière d'échange de renseignements sur demande et les nouveautés du plan d'action BEPS ont eu lieu en 2018 et les paraphes ont pu être apposés au début de l'année 2019 sur le projet (protocole de modification). Les cantons et les milieux intéressés ont été consultés en janvier 2020 sur sa conclusion et l'ont accueillie favorablement. Le protocole de modification a pu être signé le 12 novembre 2021.

1.2

Appréciation

Le protocole de modification met en oeuvre les standards minimaux en matière d'accords contre les doubles impositions. Il permet par ailleurs d'adapter la CDI-AM à la politique conventionnelle actuelle des deux pays.

Dans sa version mise à jour par le protocole de modification, la CDI-AM est conforme aux standards minimaux fixés en matière de conventions fiscales dans le cadre du plan d'action BEPS. En sa qualité de pays membre de l'OCDE, la Suisse s'est engagée à inscrire dans ses CDI toutes les dispositions qui constituent un standard minimal. La conclusion du protocole de modification marque une nouvelle étape vers ce but.

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RS 0.672.915.61 RS 0.671.1 www.oecd.org > Fiscalité > Conventions fiscales > Convention multilatérale pour la mise en oeuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir le BEPS

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En outre, la disposition sur l'échange de renseignements est adaptée au standard international sur l'échange de renseignements sur demande.

En ce qui concerne l'imposition des dividendes, une détention de 10 % de la société distributrice, et non plus de 25 %, est désormais considérée comme une participation qualifiée donnant droit à un impôt à la source limité à 5 %. Une exonération de l'impôt à la source a d'ailleurs été introduite pour des participations d'au moins 50 % dans la société distributrice. Les sociétés en question peuvent bénéficier de ces taux réduits si, en plus de la participation qualifiée, elles respectent, comme en vertu de la CDI-AM actuelle, des conditions d'investissement minimales. De plus, il a été convenu que les dividendes versés à une banque centrale ou à une institution de prévoyance de l'autre État sont exemptés de l'impôt à la source.

Les intérêts, provenant d'un État contractant et payés au gouvernement de l'autre État, à l'une de ses subdivisions politiques ou collectivités locales ou à la banque centrale de l'autre État, bénéficient désormais d'une exonération dans l'État de la source.

Les solutions du protocole de modification tiennent compte de la politique conventionnelle actuelle des deux États et elles contribueront au bon développement des relations économiques bilatérales.

2

Commentaires des dispositions du protocole

Le protocole modifie et complète certaines dispositions de la CDI-AM. Hormis des mises à jour de nature formelle, il contient les modifications suivantes.

Art. 1, relatif au préambule de la CDIAM L'art. 1 complète le préambule de la CDI-AM par une nouvelle disposition nécessaire pour respecter le standard minimal fixé par l'action 6 du plan d'action BEPS.

La disposition nouvelle établit clairement que la Suisse et l'Arménie n'avaient pas l'intention, en concluant la CDI, de créer des possibilités de non-imposition ou d'imposition réduite par la fraude ou l'évasion fiscale. En d'autres termes, la CDI-AM vise également à éliminer la double non-imposition, soit la non-imposition tant dans l'État de la source que dans l'État de résidence. Cette règle n'a pas une portée générale mais s'applique uniquement si la double non-imposition résulte de la fraude ou de l'évasion fiscale. Il est ainsi tenu compte de l'existence de des situations de double non-imposition voulues, concernant par exemple des dividendes distribués à des sociétés du même groupe. En pareils cas, la double non-imposition permet d'éviter des charges économiques multiples indésirables.

Art. 2, relatif à l'art. 1 de la CDI-AM (Personnes visées) L'art. 1 de la CDI-AM est complété par une disposition concernant les entités fiscalement transparentes proposée dans l'action 2 du plan d'action BEPS, qui a été insérée

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dans la version actuelle du Modèle de convention de l'OCDE de 20174. La disposition suit le concept conçu dans le rapport de l'OCDE sur les sociétés de personnes5. La 1re phrase du par. 2 règle l'octroi des avantages de la CDI-AM lorsqu'un revenu est payé à une entité considérée comme transparente par l'un des États contractants ou par les deux. Elle accorde le bénéfice de la CDI-AM, pour autant que ce revenu soit traité, dans un État contractant, comme un revenu d'un résident de cet État contractant aux fins d'imposition. Si tel n'est pas le cas, les avantages prévus par la CDI-AM ne seront pas applicables. Selon cette clause, la CDI-AM sera par exemple applicable à un intérêt versé par une entreprise arménienne à une société en commandite en Suisse, pour autant que les associés de cette dernière soient fiscalement résidents de Suisse.

A défaut d'une telle règle, certaines situations de double non-imposition pourraient survenir.

La 2e phrase du par. 2 préserve le droit de l'État de résidence d'une telle entité, ou des membres ou des associés d'une telle entité, d'imposer les revenus qu'il attribue à cette entité ou à ces membres ou associés, indépendamment de l'attribution faite par l'autre État contractant. Cette clause préserve par exemple le droit d'imposition de la Suisse, si une personne résidente de Suisse est bénéficiaire d'un trust étranger, pour autant que la Suisse considère ce trust comme transparent et qu'il n'y ait pas d'établissement stable à l'étranger.

Selon la conception suisse, par analogie avec ce qui est prévu en droit interne suisse, les sujets de droit des placements collectifs de capitaux sont en principe considérés comme transparents. Par conséquent, le droit aux avantages conventionnels se détermine selon la qualité des investisseurs. Certains États considèrent cependant que de tels sujets de droit sont des sujets fiscaux autonomes auxquels il convient d'attribuer les revenus du placement collectif de capitaux. Si l'Arménie suivait cette approche, la Suisse devrait l'accepter en vertu du par. 2 et accorder entièrement les avantages de la CDI-AM sans prendre les investisseurs en considération, pour autant que le sujet de droit satisfasse par ailleurs aux autres conditions pour bénéficier des avantages conventionnels. Cela entraînerait, d'une part, un traitement fiscal
différent des placements collectifs de capitaux par les deux États et, d'autre part, la possibilité pour des investisseurs ne pouvant pas bénéficier eux-mêmes d'une convention contre les doubles impositions conclue par la Suisse, d'investir dans un placement collectif arménien et de se voir appliquer les avantages de la CDI-AM. Le ch. 1 du protocole à la CDI-AM précise donc que les placements collectifs de capitaux constitués dans l'un des États contractants ont droit aux avantages conventionnels dans la mesure où les porteurs de parts sont des résidents de ce même État (let. a). En Suisse, sont concernés les fonds de placement contractuels et les sociétés d'investissement à capital variable (let. b). Une société en commandite de placements collectifs n'est pas considérée comme résidente de Suisse aux fins de la CDI-AM, mais est habilitée à faire valoir les avantages conventionnels pour le compte des associés résidents de Suisse (let. c).

4 5

www.oecd.org > Fiscalité > Conventions fiscales > Modèle de convention fiscal concernant le revenu et la fortune OCDE, L'application du Modèle de Convention fiscale de l'OCDE aux sociétés de personnes, Paris, 1999.

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Art. 3, relatif à l'art. 2 de la CDI-AM (Impôts visés) L'Arménie a supprimé l'impôt foncier dans son droit interne et la liste des impôts arméniens auxquels s'applique la CDI-AM est modifiée en conséquence.

Art. 4, relatif à l'art. 3 de la CDI-AM (Définitions générales) Dans le cadre des modifications formelles apportées aux définitions générales de l'art. 3 de la CDI-AM, les définitions des termes «Arménie» et «Suisse» ainsi que de l'expression «autorité compétente» pour les deux pays sont mises à jour.

Suite à l'abrogation de l'art. 14 (Professions indépendantes) de nouvelles définitions sont ajoutées au catalogue de l'art. 3 CDI-AM en ce qui concerne les termes «entreprise», «activité» et «affaires».

Enfin, l'expression «institution de prévoyance» est définie conformément à ce qui est prévu dans la version actuelle du Modèle de convention de l'OCDE. Lors des négociations, il a été décidé que cette définition serait précisée davantage par référence à la législation interne des deux États dans un accord amiable à négocier au sens de l'art. 25, par. 3, CDI-AM. L'Arménie a en effet préféré l'outil de l'accord amiable au lieu de prévoir, comme proposé par la Suisse, un paragraphe dédié dans le protocole à la CDI-AM.

Art. 5, relatif à l'art. 5 de la CDI-AM (Établissement stable) Au vu de la politique conventionnelle récente de l'Arménie et, sur demande de la Suisse, la durée prévue au par. 3 de l'art. 5 a été portée à neuf mois. Désormais, seul l'exercice dans un État contractant pendant plus de neuf mois d'activité de construction, de montage ou d'une activité de surveillance liée à ces chantiers peut être considéré comme un établissement stable.

Art. 7, relatif à l'art. 7 de la CDI-AM (Bénéfices des entreprises) L'art. 7 de la CDI-AM est complété par une disposition qui inscrit un délai pour rectifier les bénéfices des établissements stables dans la CDI-AM. Dorénavant, les autorités fiscales de la Suisse et de l'Arménie ne pourront rectifier les bénéfices que pendant une période de cinq ans suivant la fin de la période fiscale concernée. Si un moyen de recours est introduit contre une rectification des bénéfices et que cela entraîne des retards, cela n'affecte pas le calcul du respect du délai. La CDI-AM prévoit déjà une disposition similaire, concernant l'ajustement des bénéfices des entreprises
associées au par. 3 de l'art. 9. Le même délai et le même libellé de la dernière partie du paragraphe ont donc été repris de la disposition existante.

En cas de fraude ou d'omission volontaire, les États contractants pourront procéder à la rectification des bénéfices, même après l'expiration de ce délai. Dans ce cas, ce sont les délais prévus par le droit interne qui s'appliquent.

Cette disposition est inscrite dans la CDIAM en raison de l'élément 3.3 du standard minimal relatif à l'action 14 du plan d'action BEPS. Selon cet élément, les États contractants devraient inscrire dans leurs CDI la deuxième phrase de l'art. 25, par. 2, du Modèle de convention de l'OCDE. Cette disposition prévoit que les accords amiables 6 / 12

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sont appliqués quels que soient les délais prévus par le droit interne des États contractants. Si un État n'est pas disposé à inscrire cette disposition dans ses CDI, il doit, pour respecter le standard minimal, être prêt à adopter, dans le cadre de négociations relatives aux CDI, d'autres dispositions limitant le délai de rectification des bénéfices des entreprises associées et établissements stables.

En principe, la Suisse n'inscrit pas la 2e phrase de l'art. 25, par. 2, du Modèle de convention de l'OCDE dans ses CDI. Par conséquent, la délégation suisse chargée des négociations en vue du protocole modifiant la CDIAM a proposé à la délégation arménienne d'inscrire dans la CDIAM une nouvelle disposition limitant à cinq ans la possibilité de rectifier les bénéfices des établissements stables, comme c'est déjà le cas actuellement pour les rectifications des bénéfices des entreprises associées. La délégation arménienne a consenti non seulement à la limitation mais aussi au délai concret proposé.

Art. 8, relatif à l'art. 9 de la CDI-AM (Entreprises associées) La CDI-AM est complétée par une disposition relative à l'obligation de procéder à des ajustements corrélatifs en cas d'ajustement des bénéfices d'entreprises associées.

Le libellé de cette disposition est conforme à celui des dispositions pertinentes du Modèle de convention de l'OCDE (art. 9, par. 2).

Cette disposition n'a en principe aucune conséquence pratique sur la Suisse: celle-ci n'est toujours pas tenue de procéder à des ajustements corrélatifs automatiques en cas d'ajustement des bénéfices par des autorités fiscales étrangères. Elle ne doit procéder à des ajustements corrélatifs que si ceux-ci correspondent à une solution trouvée dans le cadre d'une procédure amiable entre les autorités compétentes de l'Arménie et de la Suisse.

La modification de cette disposition correspond à la recommandation de bonne pratique de l'action 14 du plan d'action BEPS et à la politique conventionnelle actuellement suivie par la Suisse.

Art. 9, relatif à l'art. 10 de la CDI-AM (Dividendes) En vertu de la convention en vigueur, un impôt résiduel de 15 % peut être prélevé sur les dividendes; cet impôt est réduit à 5 % si la participation d'une société se monte à 25 % au moins de la société qui verse les dividendes et si le capital investi de source
étrangère excède 200 000 francs suisses.

Le protocole de modification prévoit le même taux résiduel général de 15 % (art. 10, par. 2, let. d) mais, désormais, les dividendes provenant d'une participation directe d'au moins 50 % au capital peuvent être imposés uniquement dans l'État de résidence du bénéficiaire, à condition que la participation ait été détenue pendant 365 jours au moins au moment du versement des dividendes et que la société étrangère ait investi plus de 2 000 000 de francs suisses dans la société qui paie le dividende (art. 10, par. 2, let. a). Cette disposition reflète la politique conventionnelle arménienne plus récente.

Outre les participations mentionnées, le droit d'imposition exclusif de l'État de résidence s'applique aussi aux dividendes versés à des institutions de prévoyance et aux banques centrales (art. 10, par. 2, let. b). Enfin, afin de pouvoir bénéficier du taux 7 / 12

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d'impôt réduit à 5 %, il sera désormais suffisant que la participation d'une société se monte à 10 % au moins de la société qui verse les dividendes et que le capital investi de source étrangère excède 100 000 francs suisses (art. 10, par. 2, let. c).

Art. 10, relatif à l'art. 11 de la CDI-AM (Intérêts) En ce qui concerne les intérêts, le taux d'impôt résiduel de 10 %, actuellement prévu, ainsi que les exceptions ont pu être maintenus. Toutefois, les intérêts provenant d'un État contractant et payés au gouvernement de l'autre État, à l'une de ses subdivisions politiques ou collectivités locales ou à la banque centrale de l'autre État bénéficient désormais d'une exonération.

Art. 13, relatif à l'art. 14 de la CDI-AM (Professions indépendantes) La délégation arménienne a proposé d'abroger l'art. 14 (Professions indépendantes) de la CDI-AM conformément à ce qui est prévu dans le Modèle de convention de l'OCDE depuis 2000. La Suisse a décidé, depuis quelques années, d'adapter sa politique conventionnelle au Modèle de convention de l'OCDE sur ce point et la proposition arménienne a donc été acceptée. L'abrogation de l'art. 14 CDI-AM a pour effet que les revenus tirés de l'exercice de professions indépendantes sont désormais traités par renvoi à l'art. 7 CDI-AM en tant que bénéfices des entreprises.

Cette modification demande une série d'adaptations de la CDI-AM afin de supprimer les renvois à l'art. 14 CDI-AM ou au concept de base fixe. Les dispositions suivantes du protocole de modification ont donc comme seul but de refléter l'abrogation de l'art. 14 CDI-AM et ne nécessitent donc pas de commentaires particuliers: art. 6 (en relation avec l'art. 6 CDI-AM); art. 9, par. 3 et 4 (en relation avec l'art. 10 CDI-AM); art. 10, par. 2 et 3 (en relation avec l'art. 11 CDI-AM); art. 11 (en relation avec l'art. 12 CDI-AM); art. 12 (en relation avec l'art. 13 CDI-AM); art. 14 (en relation avec l'art. 15 CDI-AM); art. 15 (en relation avec l'art. 17 CDI-AM); art. 16 (en relation avec l'art. 21 CDI-AM); art. 17 (en relation avec l'art. 21 CDI-AM).

Art. 18, relatif à l'art. 23 de la CDI-AM (Élimination des doubles impositions) Cet article complète la disposition sur la méthode d'élimination des doubles impositions par l'État de résidence par une disposition visant à éliminer la non-imposition ou l'imposition
réduite dans les cas de conflits de qualification. Il vise à lutter contre une double exemption involontaire en raison de conceptions différentes des états de fait ou en raison d'une interprétation différente des notions de la CDIAM par la Suisse et l'Arménie.

Selon cet article, la Suisse, en tant qu'État de résidence du bénéficiaire d'un revenu provenant d'Arménie et pouvant être imposé en Arménie selon la CDIAM, n'a pas l'obligation d'exclure de l'assiette de l'impôt ce revenu, si l'Arménie ne l'impose pas ou, s'il s'agit de dividendes, d'intérêts ou redevances. Elle ne procède qu'à une imposition réduite, parce qu'elle est d'avis que la CDIAM l'oblige à exonérer ou à imposer de façon réduite ce revenu. C'est le cas, par exemple, si l'Arménie, en tant qu'État de la source, traite le revenu d'un résident de la Suisse comme un gain en capital, alors

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que la Suisse, en tant qu'État de résidence, considère qu'il s'agit d'un revenu provenant d'une activité lucrative dépendante exercée en Arménie. Sans cette nouvelle disposition, la Suisse exclurait ce revenu de l'assiette de l'impôt, bien que l'Arménie, en raison de sa qualification fiscale du revenu, considère que le droit d'imposer revient à la Suisse (art. 13, par. 5, CDIAM) et ne l'impose pas pour cette raison. D'après la nouvelle disposition, la Suisse n'aura plus l'obligation d'exclure le revenu (art. 23, par. 2, let. a, CDIAM) mais pourra l'imposer comme revenu de l'activité lucrative dépendante.

Art. 19, relatif à l'art. 25 de la CDI-AM (Procédure amiable) L'art. 25, par. 2, de la CDI-AM est complété par une phrase qui reprend le libellé de la disposition équivalente du Modèle de convention de l'OCDE en prévoyant donc qu'un accord amiable sera appliqué quels que soient les délais prévus par le droit interne. Cependant, aussi en raison de la réserve de la Suisse à l'art. 25, par. 2, du Modèle de convention de l'OCDE, une limitation prévoyant qu'un accord amiable sera applicable au plus tard dix ans à compter de l'année fiscale concernée a été ajoutée. Cette disposition assure la mise en oeuvre d'accords amiables en Arménie en dérogation des délais de prescription du droit interne.

Art. 20, relatif à l'art. 26 de la CDI-AM (Échange de renseignements) Le protocole de modification remplace la disposition existante en matière d'échange de renseignements avec une nouvelle disposition conforme au standard international.

Les indications ci-après concernent certains points de l'art. 26 CDI-AM ainsi que les dispositions y relatives du protocole à la convention (ch. 4).

L'échange de renseignements est limité aux impôts couverts par la CDI-AM.

Les dispositions de l'art. 26 sont précisées au ch. 4 du protocole à la convention (art. 22, par. 3, du protocole de modification). Cette disposition règle en détail les exigences auxquelles une demande de renseignements doit répondre (let. b). Il faut notamment identifier la personne concernée (ce renseignement peut découler de tout élément qui permet une identification) et donner, pour autant qu'ils soient connus, le nom et l'adresse de la personne (p. ex. une banque) que l'État requérant présume être en possession des renseignements demandés. Le protocole
à la convention précise également que ces conditions ne doivent pas être interprétées de manière formaliste (let. c).

D'après le standard international en la matière, l'échange de renseignements est limité à des demandes concrètes. Font également partie de ces demandes, les demandes concrètes qui visent un groupe de contribuables défini précisément, dont nous pouvons déduire qu'ils n'ont pas rempli leurs obligations fiscales dans l'État requérant. La CDI-AM prévoit que la Suisse puisse donner suite à ces demandes. En donnant, sur le groupe de contribuables, des informations détaillées qui permettent à l'État requis de déterminer quelles sont concrètement les personnes concernées, l'État requérant satisfait à l'obligation d'identifier les contribuables concernés par la demande de renseignements (let. b). Cette interprétation est basée sur la clause d'interprétation (let. c en relation avec la let. b), qui oblige les États contractants à interpréter les exigences d'une demande de manière à permettre un échange de renseignements qui soit le plus 9 / 12

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large possible, sans pour autant autoriser la «pêche aux renseignements.» Les conditions procédurales pour répondre aux demandes groupées sont réglées dans la loi du 28 septembre 2012 sur l'assistance administrative fiscale6.

L'art. 26 CDI-AM ne prévoit pas l'échange de renseignements spontané ou automatique.

La nouvelle clause est applicable aux périodes fiscales qui commencent le 1er janvier de l'année civile qui suit l'entrée en vigueur du protocole de modification, ou après cette date.

Art. 21, relatif à l'art. 27a de la CDI-AM (Droit aux avantages) Cet article prévoit une clause anti-abus se référant aux buts principaux d'un montage ou d'une transaction. Selon cette clause, un avantage en vertu de la CDI-AM n'est pas accordé si l'obtention de cet avantage était un des buts principaux d'un montage ou d'une transaction, à moins qu'il soit établi que l'octroi de cet avantage est conforme à l'objet et au but des dispositions correspondantes de la CDIAM.

Cette clause anti-abus est certes nouvelle, mais elle correspond dans les grandes lignes aux clauses que la Suisse a conclues pour lutter contre les abus dans un grand nombre de CDI jusqu'en 2017. Elle se différencie de celles que la Suisse a adoptées dans d'autres conventions par le fait qu'elle n'est pas limitée à certains types de revenus, tels que les dividendes, les intérêts ou les redevances. Au contraire, elle s'applique à toutes les dispositions de la convention. Ainsi, pour tout avantage en vertu de la convention, les abus sont réservés.

La teneur de cette disposition diffère en outre sur un autre point de celle des clauses anti-abus que la Suisse a adopté jusqu'en 2017. Elle ne se limite pas aux états de fait dans lesquels le but principal du montage ou de la transaction est de tirer des avantages de la convention; elle englobe également les états de fait dans lesquels l'obtention de ces avantages n'est qu'un des buts principaux. Cependant, cette différence de terminologie ne devrait pas aboutir à un résultat différent, car la deuxième partie de la clause prévoit que les avantages fondés sur la convention sont quand même accordés s'ils sont conformes à la finalité ou à l'objet des dispositions correspondantes, ce qui devrait en principe être le cas si l'obtention de l'avantage n'était pas l'objet principal du montage ou de la transaction.
Cette clause anti-abus a été élaborée dans le cadre de l'action 6 du plan d'action BEPS.

Elle est inscrite au Modèle de convention de l'OCDE (art. 29, par. 9). Pour respecter le standard minimal dans le cadre de l'action 6 du plan d'action BEPS, il suffit d'inscrire cette clause anti-abus dans la CDI. Aucune autre disposition anti-abus n'est requise.

Art. 23 (Entrée en vigueur) Les dispositions du protocole modifiant la CDI-AM s'appliquent en principe à compter du 1er janvier de l'année civile suivant son entrée en vigueur. Une particularité s'applique aux dispositions modifiées ou nouvellement introduites par les art. 7 et 19 6

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sur la limitation dans le temps de l'ajustement des bénéfices des établissements stables et de l'application des accords amiables. Ces dispositions s'appliquent dès la date d'entrée en vigueur du protocole modifiant la CDI-AM et sans égard à la période fiscale à laquelle se rapporte l'état de fait.

3

Conséquences financières

Le protocole modifiant la CDI-AM contient des restrictions additionnelles du droit d'imposer de l'État de la source des dividendes et des intérêts. La Suisse est surtout concernée en relation avec l'impositions des dividendes provenant de participations qualifiées. Par ailleurs, on peut s'attendre à ce que le volume des investissements directs entre les deux États contractants augmente suite à l'entrée en vigueur de la CDI-AM révisée, renforçant ainsi en Suisse l'économie dans son ensemble et la base fiscale. Le protocole de modification peut être mis en oeuvre avec les ressources humaines disponibles.

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Aspects juridiques

Le protocole de modification se fonde sur l'art. 54, al. 1, de la Constitution (Cst.)7, qui attribue à la Confédération la compétence en matière d'affaires étrangères.

L'art. 184, al. 2, Cst. autorise le Conseil fédéral à signer et à ratifier les traités. En vertu de lart. 166, al. 2, Cst., lAssemblée fédérale est compétente pour approuver les traités, à l'exception de ceux dont la conclusion relève de la compétence du Conseil fédéral en vertu d'une loi ou d'un traité (voir également l'art. 7a, al. 1, de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration8). Dans le cas d'espèce, il n'existe pas de loi ou de traité qui délègue au Conseil fédéral la compétence de conclure un traité tel que le protocole de modification. Le Parlement est ainsi compétent pour approuver ce dernier.

L'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst. dispose qu'un traité international est sujet au référendum notamment s'il contient des dispositions importantes fixant des règles de droit. Aux termes de l'art. 22, al. 4, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)9, sont réputées fixer des règles de droit les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences.

Le protocole de modification contient des dispositions qui créent des obligations pour les autorités suisses et confèrent des droits à celles-ci et à des particuliers (personnes physiques ou morales). Il contient donc des dispositions importantes fixant des règles de droit au sens des art. 22, al. 4, LParl et 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst. L'arrêté fédéral portant approbation du protocole de modification est ainsi sujet au référendum en matière de traités internationaux au sens de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

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RS 101 RS 172.010 RS 171.10

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Procédure de consultation

Le protocole de modification est sujet au référendum, conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst. En vertu de l'art. 3, al. 1, let. c, de la loi du 18 mars 2005 sur la consultation (LCo)10, il aurait donc dû être soumis à une consultation. Une procédure d'orientation a été organisée en janvier 2020. Dans ce cadre, le protocole de modification, avec une note explicative, a été adressé aux cantons et aux milieux intéressés à la conclusion des conventions contre les doubles impositions pour avis. Le protocole de modification a été bien accueilli et n'a pas rencontré d'opposition. Les positions des milieux intéressés étant ainsi connues et documentées, il a été possible, en vertu de l'art. 3a, al. 1, let. b, LCo, de renoncer à organiser une procédure de consultation.

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RS 172.061

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