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22.035 Message concernant la loi fédérale sur la taxe au tonnage applicable aux navires de mer du 4 mai 2022

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'une loi fédérale sur la taxe au tonnage applicable aux navires de mer, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

4 mai 2022

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ignazio Cassis Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2022-1394

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Condensé La taxe au tonnage est un instrument destiné à promouvoir la navigation maritime.

Elle est largement acceptée au niveau international et notamment très répandue au sein de l'Union européenne (UE). Pour les entreprises de navigation maritime rentables, elle entraîne une charge fiscale comparativement faible. En créant les moyens de lutter à armes égales avec l'étranger, le projet assure la compétitivité de la place économique suisse.

Contexte Dans le cadre des débats sur la troisième réforme de l'imposition des entreprises, le Parlement avait, en 2016, renvoyé au Conseil fédéral un projet avec le mandat d'examiner la base constitutionnelle pour une taxe au tonnage, de formuler des dispositions législatives correspondantes et finalement d'organiser une consultation sur l'avantprojet. Le Conseil fédéral a répondu à cette demande du Parlement en organisant, en 2021, une consultation sur l'introduction d'une loi fédérale sur la taxe au tonnage.

L'avant-projet a été accueilli favorablement, à quelques exceptions près. La grande majorité des cantons, des partis bourgeois, des associations faîtières de l'économie qui oeuvrent au niveau national et des autres organisations se sont exprimés en faveur de l'inscription de cet instrument dans le droit fiscal suisse. Les milieux favorables ont notamment souligné qu'il fallait adapter encore plus systématiquement le champ d'application de la taxe au tonnage suisse à la latitude offerte par les orientations et la pratique en matière de décision de l'UE (approbation des régimes de la taxe au tonnage par la Commission européenne).

La taxe au tonnage est un instrument d'incitation utilisé au niveau international dans la navigation maritime. Au sein de l'UE, 21 États membres connaissent déjà une telle réglementation. L'introduction de la taxe au tonnage dans le droit fiscal suisse est un moyen ciblé de rivaliser à armes égales avec la concurrence internationale pour attirer les entreprises de navigation maritime et d'assurer ainsi l'attrait de la place économique suisse.

Contenu du projet La taxe au tonnage est une méthode alternative de calcul de l'impôt sur le bénéfice.

La base de calcul n'est pas le bénéfice ou la perte effectivement réalisés, mais la jauge nette (capacité de chargement du navire de mer) multipliée de manière forfaitaire par un barème
échelonné. Le montant obtenu est ensuite multiplié par le nombre de jours d'exploitation et soumis au taux ordinaire de l'impôt sur le bénéfice.

La taxe au tonnage est facultative. L'option est exercée pour chaque navire individuellement et pour une durée de dix ans. Si le contribuable revient à la méthode ordinaire de calcul avant la fin de la période de dix ans, il pourra présenter une nouvelle demande d'assujettissement à la taxe au tonnage au plus tôt au cours de la sixième année suivant la fin de ce régime. Ce système vise à limiter les possibilités de planification fiscale.

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Dans les domaines centraux, le projet s'appuie sur les réglementations existantes au sein de l'UE. Cela concerne notamment le but d'utilisation des navires soumis à la taxe au tonnage et la détermination du barème échelonné basée sur la médiane européenne utilisée pour définir la base de calcul. Par rapport à l'avant-projet, des améliorations ont été apportées dans des domaines spécifiques, afin de garantir que la réglementation suisse ne soit pas moins attrayante que les réglementations européennes. Ainsi, le champ d'application de la taxe au tonnage suisse a été étendu aux activités de gestion de navires. Les sociétés gestionnaires de navires fournissent divers services aux armateurs, qui vont de la maintenance et du contrôle de la sécurité du navire dans le domaine de la gestion technique à l'engagement et la formation des marins dans le domaine de la gestion de l'équipage. La compatibilité avec l'UE est donc garantie.

Jusqu'à présent, le projet prévoyait par ailleurs d'exclure l'affrètement coque nue du champ d'application de la taxe au tonnage. Bien que cette location pure et simple d'un navire sans armement ni équipage s'apparente à un leasing, elle entre dans le champ d'application des régimes les plus récents de la taxe au tonnage en vigueur au sein de l'UE, si certaines conditions sont respectées. Les critères à réunir en la matière pour pouvoir appliquer la taxe au tonnage suisse ne doivent pas être plus stricts que ceux en vigueur au sein de l'UE.

Les entreprises de navigation maritime doivent être domiciliées en Suisse pour pouvoir recourir à la taxe au tonnage suisse. En outre, l'assujettissement à la taxe au tonnage présuppose que le pavillon battu par le navire est conforme aux quatre conventions internationales applicables au trafic maritime. De cette manière, la compatibilité avec l'Accord général du 15 avril 1994 sur le commerce des services, un des trois piliers du système commercial multilatéral de l'Organisation mondiale du commerce, est garantie.

Faute de données statistiques, il n'est pas possible d'estimer de manière fiable les conséquences financières liées à l'introduction d'une taxe au tonnage. Néanmoins, compte tenu des effets positifs attendus pour la place économique suisse, les éventuelles diminutions des recettes devraient être minimes. En raison du nombre limité
d'entreprises pouvant recourir à ce régime de taxation, les conséquences économiques devraient, elles aussi, rester modestes.

Sur le plan constitutionnel, l'introduction d'une taxe au tonnage est une question contestée. Compte tenu des intérêts économiques en jeu pour la Suisse, il semble toutefois qu'elle soit envisageable.

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Table des matières Condensé 1

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Contexte 1.1 Importance de la navigation maritime pour la Suisse 1.2 La taxe au tonnage à l'étranger 1.3 Efforts entrepris jusqu'à présent pour introduire la taxe au tonnage en Suisse 1.4 Relation avec le programme de législature

6 6 10

2

Procédure de consultation 2.1 Projet mis en consultation 2.2 Prise en compte de critères écologiques 2.3 Résultats de la consultation 2.4 Appréciation des résultats de la consultation

16 16 17 19 20

3

Comparaison avec le droit européen 3.1 Interdiction des aides d'État dans l'UE 3.2 Orientations européennes sur les aides d'État au transport maritime comme cadre pour la conception des régimes de taxation au tonnage 3.3 Lignes directrices du droit européen pour la conception des régimes de taxation au tonnage 3.4 Conséquences pour l'introduction d'une taxe au tonnage suisse

20 20

4

Présentation du projet 4.1 Réglementation proposée 4.2 Mise en oeuvre

26 26 27

5

Commentaire des dispositions 5.1 Loi fédérale sur l'impôt fédéral direct 5.2 Loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes

28 28

6

Conséquences 6.1 Conséquences pour les finances publiques 6.2 Conséquences pour le personnel des administrations publiques 6.3 Conséquences économiques 6.4 Conséquences environnementales

37 37 39 39 40

7

Aspects juridiques 7.1 Constitutionnalité 7.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

40 40 43

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21 22 24

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Loi fédérale sur la taxe au tonnage applicable aux navires de mer (Loi sur la taxe au tonnage) (Projet) FF 2022 1253

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Message 1

Contexte

1.1

Importance de la navigation maritime pour la Suisse

La navigation maritime est d'importance centrale pour l'économie mondiale. Plus de 90 % de tous les biens produits à l'échelle mondiale transitent au moins une fois par voie maritime. Alors que le transport par bateau était autrefois principalement réservé aux matières premières, il est aujourd'hui également de plus en plus utilisé pour les biens industriels de consommation courante grâce aux conteneurs et à la logistique modernes1.

En 2019, 94 % du volume des biens importés et 92 % du volume des biens exportés dans le cadre du commerce extérieur intercontinental de la Suisse ont été transportés par des navires de mer, ce qui représente, en valeur, 30 % des importations et 17 % des exportations2. Le droit fédéral fait une distinction entre la navigation intérieure sur les eaux suisses d'une part, et la navigation en mer, d'autre part. Pour la navigation maritime, la base légale de la navigation sous pavillon suisse est la loi fédérale du 23 septembre 1953 sur la navigation maritime sous pavillon suisse3. Dans l'ordonnance du 14 juin 2002 sur le cautionnement de prêts pour financer des navires suisses de haute mer4, les navires de mer sont qualifiés de navires de haute mer. Les termes «navire de mer» et «navire de haute mer» sont employées comme des synonymes dans le droit fédéral.

Flotte suisse de haute mer Dans le cadre de son mandat d'approvisionnement du pays inscrit à l'art. 102 de la Constitution (Cst.)5, la Confédération a soutenu le développement d'une flotte suisse de haute mer, afin de garantir l'approvisionnement en biens en cas de crise et de pouvoir, au besoin, mettre les navires de haute mer au service de l'approvisionnement du pays. À cet effet, la Confédération a octroyé, entre 1948 et 1959, des prêts à taux préférentiel. Depuis, elle a limité ses efforts de garantie au cautionnement.

1

2

3 4 5

Message du Conseil fédéral du 16 mai 2017 concernant un crédit supplémentaire destiné à honorer des cautionnements de la Confédération au moyen du crédit-cadre en vue de garantir une flotte suffisante de navires de haute mer battant pavillon suisse, p. 9; le message n'est pas publié dans la Feuille fédérale, il peut être consulté sur le site de l'Administration fédérale des finances: www.aff.ch > Rapports financiers > Crédits supplémentaires > Supplément Ia / 2017.

Logistics Advisory Experts GmbH, spin-off de l'Université de Saint-Gall: Switzerland's dependency on maritime transportation. Contribution of high-sea shipping on Swiss import and export supply chains, Arbon 2021, p. 14; peut être consulté sur le site: swiss-shippers.ch > Documents > Swiss dependency on maritime transportation February 2021.

RS 747.30 RS 531.44 RS 101

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Durant de nombreuses années, la Confédération a soutenu la flotte suisse de haute mer au moyen de plusieurs arrêtés du Conseil fédéral et arrêtés fédéraux concernant le financement et la garantie d'un nombre suffisant de navires de haute mer battant pavillon suisse. Depuis 1982, ce soutien est réglé par voie d'ordonnance. Actuellement, l'ordonnance applicable est l'ordonnance du 14 juin 2002 sur le cautionnement de prêts pour financer des navires suisses de haute mer6. Depuis les années 1990, l'aide accordée était davantage motivée par des considérations liées à la place économique suisse. Par arrêté fédéral du 3 mars 2008 sur le renouvellement d'un crédit-cadre de cautionnement visant à garantir un nombre suffisant de navires de haute mer battant pavillon suisse7, le Parlement a relevé pour la dernière fois le crédit d'engagement qui est passé de 500 millions à 1,1 milliard de francs.

Fin décembre 2016, un rapport du Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche faisait état de l'importance mineure de la flotte commerciale sous pavillon suisse pour la politique d'approvisionnement. Dans le sillage de ce rapport, le Conseil fédéral a renoncé à renouveler le crédit-cadre de cautionnement, qui arrivait à échéance en juin 20178. Cette appréciation a été confirmée dans le rapport mis à jour du 15 janvier 2020 sur l'importance de la navigation en haute mer pour la politique d'approvisionnement. L'octroi de nouveaux cautionnements est par conséquent exclu.

Depuis lors, l'effectif de navires suisses de haute mer bénéficiant de prêts cautionnés n'a cessé de diminuer et est passé de 47 navires et 794 millions de francs à 16 navires et 275 millions de francs (état à fin décembre 2021). Les derniers contrats de cautionnement de la Confédération arriveront à échéance en 2032. Au total, 18 navires de haute mer battent actuellement pavillon suisse.

Le 16 février 2022, le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral des affaires étrangères d'élaborer une stratégie maritime globale, en collaboration avec les départements concernés et en concertation avec les milieux économiques et scientifiques ainsi que les partenaires sociaux. Elle fournira une vue d'ensemble des intérêts de la Suisse dans le domaine maritime et contiendra des lignes directrices, des objectifs et des mesures. Des
projets de modification de la législation régissant le pavillon suisse devront être soumis au Conseil fédéral d'ici le printemps 20239.

Entreprises de navigation maritime domiciliées en Suisse Mise à part sa propre flotte de haute mer, la Suisse accueille aussi des entreprises de navigation maritime actives au niveau international. L'Association suisse du négoce de matières premières et du transport maritime (Swiss Trading and Shipping Association, STSA) dénombre plus de 60 compagnies qui détiennent au total quelque 900 navires.10 Parmi les principales entreprises de navigation maritime domiciliées en Suisse se trouvent MSC (sise à Genève), Suisse-Atlantique Société de Navigation Maritime (Renens) et Nova Marine Carriers (Lugano). Les entreprises de navigation maritime se répartissent comme suit entre les cantons: 6 7 8 9 10

RS 531.44 FF 2008 2267 www.admin.ch/gov/fr/start/dokumentation/medienmitteilungen.msg-id-65072.html www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-87209.html www.stsaswiss > Knowledge > Shipping > Switzerland, a maritime nation

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Le droit fiscal en vigueur ne prévoit aucune réglementation particulière pour la navigation maritime. L'entrée en vigueur de la loi fédérale du 28 septembre 2018 relative à la réforme fiscale et au financement de l'AVS (RFFA)11 a aboli les statuts fiscaux cantonaux à partir du 1er janvier 2020. Les entreprises de navigation maritime bénéficiant jusque-là de régimes spéciaux au niveau cantonal sont depuis lors imposées de manière ordinaire. Dans la mesure où les cantons ont réduit leur taux d'impôt applicable aux bénéfices dans le sillage de la RFFA, les entreprises actives dans le domaine de la navigation maritime ont également pu en profiter.

Commerce des matières premières La Suisse fait partie des pays leaders au niveau mondial dans le commerce des matières premières. Le secteur suisse des matières premières comprend notamment des entreprises commerciales, mais aussi des banques actives dans le financement du négoce de matières premières ainsi que des armateurs et des assurances. Le secteur des matières premières demeure d'une grande importance pour l'économie suisse. Selon une enquête de l'Office fédéral de la statistique de mars 2021, il compte en Suisse environ 900 entreprises qui emploient quelque 10 000 personnes. Environ trois quarts des emplois des sociétés de négoce sont localisés dans les cantons de Genève (44 %), de Zoug (21,4 %) et du Tessin (9.5 %). En 2017, le négoce des matières premières a

11

RO 2019 2395

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généré une création de valeur correspondant à 3,8 % du produit intérieur brut (PIB) suisse.12 Le Conseil fédéral est soucieux de créer des conditions favorables à la compétitivité du secteur suisse des matières premières. Les sites les plus importants sont les villes de Genève, Zoug et Lugano. Le secteur est très hétérogène et l'éventail des sociétés de négoce en Suisse va de très petites compagnies, avec moins de dix employés, à de grandes multinationales employant plusieurs centaines de personnes. En transposant les activités entrepreneuriales à l'exploitation de navires (transport des matières premières), on établit un lien avec la taxe au tonnage, le transport de matières premières relevant du le champ d'application de cette dernière.

Améliorations des perspectives pour des pans de la navigation maritime En 2020, la navigation maritime a été temporairement très affectée par la pandémie de COVID-19. Le nombre de navires sans activité a battu des records.

Selon des indications de la branche, le transport maritime international de conteneurs s'est rétabli plus rapidement que prévu au cours du second semestre de 2020. Pour l'Institut für Seeverkehrswirtschaft und Logistik de Brême, les résultats des transbordements enregistrés dans les plus grands ports à conteneurs indiquaient une reprise du commerce mondial dès le milieu de l'année13. À fin 2020, l'agence de notation Moody's misait également sur le retour de conditions stables dès 2021, tant pour le transport maritime de conteneurs que pour les cargos pour vrac sec14.

La crise sanitaire a affecté plus fortement et plus durablement le secteur des croisières.

Alors qu'il se distinguait par une croissance régulière de plus de 5 % par an, ce secteur s'est quasiment figé avec l'apparition de la pandémie au printemps 2020. L'association faîtière Cruise Lines International Association (CLIA) avait initialement misé pour 2020 sur une nouvelle augmentation du nombre de passagers à 32 millions, après une hausse déjà considérable de 17,8 à 30 millions entre 2009 et 2019. Cet objectif est maintenant repoussé à un avenir lointain, la tendance haussière continue ayant été brutalement freinée. Avec seulement quelque 400 000 passagers, le secteur des croisières a compté en 2020, à l'instar de l'ensemble du secteur du tourisme, parmi les plus grands perdants
de la pandémie. Même les principales entreprises du secteur que sont Carnival, Royal Caribbean et Norwegian Cruise Line ont enregistré des pertes considérables15.

Selon la CLIA, en 2020, des pertes d'un montant de 77 milliards de dollars américains ont été enregistrées au niveau mondial et plus de 500 000 personnes actives dans le secteur ont perdu leur emploi. Le secteur des croisières n'est pas sous forte pression 12

13 14 15

État de la mise en oeuvre des recommandations du rapport «Secteur suisse des matières premières: état des lieux et perspectives», rapport du Conseil fédéral du 21 avril 2021, p. 3; disponible sur: www.sif.admin.ch/sif/fr/home/finanzmarktpolitik/negoce-matierespremieres.html.

www.isl.org/de/news/umschlag-ergebnisse-fuehrenden-containerhaefen-deuten-erholungwelthandels-hin www.offshore-energy.biz/moodys-shipping-to-end-2020-better-than-expected/ www.handelsblatt.com/unternehmen/handel-konsumgueter/kreuzfahrt-corona-flautebringt-kreuzfahrtbranche-in-not/25973070.html?ticket=ST-7322742XOakFaIEQSTRjchoFME7-ap6

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uniquement en raison des pertes financières élevées consécutives à la pandémie de COVID-19, mais aussi parce que les discussions sur la protection du climat ont pris de l'importance (cf. ch. 2.2). La pandémie a continué à affecter durement le secteur des croisières en 2021. De nombreux ports et pays sont restés fermés aux bateaux de croisières et des restrictions de voyage strictes se sont appliquées. La branche a donc considéré 2021 comme une année de transition. À présent, les affaires ont repris, mais le nombre de passagers sur les navires en circulation est réduit16.

La situation économique de la navigation maritime internationale s'est beaucoup améliorée en 2021, surtout dans le transport maritime par conteneurs. Depuis la moitié de l'année dernière, au plus tard, presque tous les porte-conteneurs disponibles dans le monde ont été loués, les armateurs profitent ainsi de la reprise et réalisent des bénéfices élevés. Les tarifs de fret des conteneurs ont atteint des niveaux records en raison de la forte demande de biens alors que les capacités des navires sont insuffisantes et les conteneurs vides font défaut. Les chantiers navals bénéficient également de la nouvelle prospérité du transport maritime par conteneurs17. Pour 2022, les grandes compagnies maritimes de transport par conteneurs s'attendent encore à des goulets d'étranglement dans le domaine du transport de marchandises en raison de chaînes d'approvisionnement bancales.

Enfin, dans le domaine de la navigation maritime, la demande de pétroliers et de cargos pour le vrac sec a aussi entraîné une évolution économique positive en 2021, qui devrait se poursuivre en 202218. La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement table sur une reprise du commerce maritime mondial de 4,3 % en 2021, et prédit déjà une augmentation annuelle de 2,4 % pour 2022 à 202619. La fiabilité de ces prévisions est remise en question en raison de nouveaux facteurs négatifs (guerre en Ukraine et le confinement à Shanghai et dans autres villes chinoises).

1.2

La taxe au tonnage à l'étranger

Depuis de nombreuses années, l'Union européenne (UE) lutte contre le fait que des navires des États membres de l'UE naviguent sous le pavillon de territoires offshore.

À cette fin, la Commission européenne a adopté déjà en 1989 des orientations fixant les exigences à remplir par les États membres pour accorder des aides au secteur du transport maritime, orientations modifiées pour la première fois en 199720. L'objectif était d'une part de garder sous pavillon communautaire autant de navires que possible

16 17 18

19 20

www.sueddeutsche.de/wirtschaft/kreuzfahrten-corona-preise-aida-1.5368554 www.isl.org/de/news/bauauftraege-fuer-containerschiffe-steigen-1-halbjahr-2021rekordniveau www.hellenicshippingnews.com/tanker-market-recovery-is-a-matter-of-when-not-if/; www.globenewswire.com/en/news-release/2021/06/08/2243591/28124/en/GlobalMaritime-Freight-Transport-Market-2021-to-2026-Growth-Trends-COVID-19-Impactand-Forecasts.html UNCTAD: Review of Maritime Transport 2021; disponible à l'adresse: unctad.org/ system/files/official-document/rmt2021_en_0.pdf.

Orientations communautaires sur les aides d'État au transport maritime (97/C 205/05), JO C 205 du 5.7.1997, p. 5.

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et parallèlement d'assurer des conditions initiales identiques au sein du marché intérieur européen. Il s'agissait ainsi pour l'essentiel de garantir une certaine convergence des mesures des États membres, notamment eu égard à l'introduction de réglementations concernant une taxe au tonnage.

Dans ce contexte, l'idée était de garantir un environnement fiscal favorable pour les entreprises de navigation maritime afin de contrer la concurrence internationale sous la forme de pavillons bon marché. Jusque dans la première moitié des années 2010, l'élan économique lié à l'introduction de réglementations sur la taxe au tonnage au sein de l'UE a été jugé positif. Ainsi, l'estimation réalisée en 2014 par la société de conseil Oxford Economics a conclu que la valeur ajoutée brute et le nombre d'emplois pour l'industrie maritime européenne auraient pu être inférieurs de 50 % en 2012 si les neuf États membres de l'UE analysés n'avaient introduit ni une taxe au tonnage ni d'autres aides d'État21.

Les différentes réglementations sur la taxe au tonnage en vigueur au sein de l'UE doivent être contrôlées par la Commission européenne et sont en règle générale soumises à une nouvelle procédure d'approbation tous les dix ans. L'Autorité de surveillance de l'Association européenne de libre-échange (AELE) se charge de l'approbation pour les États membres de l'AELE qui sont membres de l'Espace économique européen (EEE). Les conditions d'approbation de la Commission européenne sont fixées dans la communication C (2004) 43 de la Commission ­ Orientations communautaires sur les aides d'État au transport maritime du 17 janvier 2004 (ci-après les orientations communautaires)22, qui a remplacé la version de 1997. Au coeur des activités soumises à la taxe au tonnage figure le transport international de marchandises et de personnes par voie maritime. Au fil du temps, d'autres activités maritimes ont été ajoutées à la liste des activités éligibles à la taxe au tonnage, notamment les opérations de sauvetage et d'assistance, la pose de câbles et de canalisations, la construction de structures offshore et la recherche océanographique (cf. ch. 5.1). Pour bénéficier de la taxe au tonnage, un armateur doit en particulier assurer la gestion stratégique et commerciale des navires concernés à partir du territoire de l'UE.

Au cours des
vingt dernières années, la taxe au tonnage s'est imposée parmi les mesures de soutien à la navigation maritime comme un instrument capital pour améliorer la compétitivité dans ce domaine au sein de l'UE. À ce jour, elle est appliquée dans 21 États membres de l'UE. Dans le reste de l'Europe, le Royaume-Uni et la Norvège connaissent également ce système23. Et en Grèce, la taxe au tonnage a même le rang de norme constitutionnelle24.

21 22 23

24

www.globalmaritimehub.com/wp-content/uploads/attach_335.pdf, p. 33.

JO C 13 du 17.1.2004, p. 3.

International Transport Forum: Maritime Subsidies. Do they provide Value for Money?

2019, pp. 7 et18; disponible à l'adresse: www.itf-oecd.org/sites/default/files/docs/ maritime-subsidies-value-for-money.pdf.

Martinen Jens-Ragnar: Die Tonnagesteuer. Eine ökonomische Analyse, Peter Lang, Frankfurt am Main 2010, p. 71; www.bankofgreece.gr/Publications/Paper2019266.pdf > p. 9.

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Année d'introduction

Pays

1957

Grèce

1973

Malte

1996

Pays-Bas

1996

Norvège

1999

Allemagne

2000

Royaume-Uni

2002

Belgique

2002

Danemark

2002

Espagne

2002

Lettonie

2003

France

2003

Irlande

2003

Finlande

2005

Bulgarie

2005

Italie

2006

Pologne

2007

Lituanie

2009

Slovénie

2010

Chypre

2015

Croatie

2017

Suède

2018

Portugal

2020

Estonie

Hors de l'Europe, plusieurs nations maritimes éminentes ont aussi inscrit la taxe au tonnage dans leur régime juridique: Inde (2004), États-Unis (2004), Corée du Sud (2005), Afrique du Sud (2006), Japon (2009) et Chine (2018)25.

1.3

Efforts entrepris jusqu'à présent pour introduire la taxe au tonnage en Suisse

L'introduction d'une taxe au tonnage a déjà occupé la politique fédérale à plusieurs reprises ces derniers temps. En 2001 et en 2007, dans le cadre du renouvellement d'un crédit-cadre de cautionnement visant à garantir un nombre suffisant de navires de haute mer battant pavillon suisse, le Conseil fédéral a estimé que la taxe au tonnage 25

Voir Martinen, p. 73; www.seatrade-maritime.com/asia/tonnage-tax-japan; www.fao.org/faolex/results/details/en/c/LEX-FAOC172978/.

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n'était pas adaptée aux réalités suisses. Il a notamment avancé l'argument qu'un tel instrument d'incitation ne convenait qu'aux pays où la navigation maritime constitue une branche économique importante26.

Du côté parlementaire, on peut mentionner notamment la motion 14.3909 déposée le 25 septembre 2014 par le conseiller national Guillaume Barazzone demandant de charger le Conseil fédéral d'introduire une taxe au tonnage dans la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD)27 et dans la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID)28. Dans son développement, l'auteur précise qu'il s'agit d'un instrument d'incitation qui permet une taxation simple et fiable tout en rendant impossible toute manipulation. Il rappelle que la taxe au tonnage a été considérée comme respectant les règles de l'UE et de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en matière de mécanismes d'optimisation fiscale et continue en indiquant que l'introduction de cette taxe s'inscrit parfaitement dans l'esprit de la troisième réforme de l'imposition des entreprises (RIE III) qui vise à renforcer la compétitivité fiscale de la Suisse.

Le Conseil fédéral a proposé de rejeter la motion le 19 novembre 2014, en se référant notamment à la consultation des cantons effectuée auparavant dans le cadre du rapport de l'organe de pilotage du 11 décembre 2013 à l'intention du Département fédéral des finances (DFF) relatif aux mesures visant à renforcer la compétitivité fiscale dans le cadre de la RIE III, dans lequel la taxe au tonnage était présentée comme une mesure de politique fiscale envisageable. Lors de cette consultation, la majorité des cantons ont considéré que la mesure n'était pas prioritaire et six cantons l'ont explicitement rejetée, alors que neuf cantons ainsi que la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances (CDF) et la ville de Genève ont, au contraire, plaidé pour son introduction. La divergence des positions tient vraisemblablement au fait que les cantons sont diversement concernés par cet instrument d'incitation. Le retrait de la motion par son auteur, le 19 septembre 2016, a mis fin au traitement de l'objet parlementaire.

La taxe au tonnage a réapparu dans les discussions politiques lors des
débats parlementaires sur la RIE III. Dans son message du 5 juin 2015 concernant la loi sur la réforme de l'imposition des entreprises III29, le Conseil fédéral mentionne l'introduction d'une taxe au tonnage au nombre des mesures qui ont été étudiées avant d'être abandonnées. Il explique cet abandon notamment par des questions de conformité à la Constitution et s'appuie pour cela sur un avis de droit établi à la demande du DFF30.

Pour la taxe au tonnage, qui en faisait partie, l'expert arrive à la conclusion que la

26 27 28 29 30

FF 2002 884, 900 et FF 2007 4949, 4956.

RS 642.11 RS 642.14 FF 2015 4613, 4677 et 4729 Danon Robert J.: La constitutionnalité des mesures fiscales proposées par la troisième réforme de l'imposition des entreprises (RIE III), Lausanne 2015; disponible à l'adresse: www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/39731.pdf.

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constitutionnalité de cette mesure extra-fiscale est problématique pour les raisons suivantes: ­

Il manque une base constitutionnelle suffisante pour la taxe au tonnage. Même l'art. 103 Cst., qui permet à la Confédération de promouvoir des branches économiques et des professions si les mesures d'entraide que l'on peut raisonnablement exiger d'elles ne suffisent pas à assurer leur existence, ne pourrait légitimer une telle mesure. En effet, comme le souligne l'expert, la branche de la navigation maritime n'étant pas menacée dans son existence en Suisse, on ne saurait considérer la taxe au tonnage comme un outil proportionné à la situation.

­

Conçue spécifiquement pour le secteur de la navigation maritime, la taxe au tonnage enfreint les principes de l'égalité en matière d'imposition et de l'imposition selon la capacité économique (cf. art. 127, al. 2, Cst.).

­

Il serait en outre inconcevable du point de vue de l'égalité de traitement d'accorder ce privilège fiscal uniquement au secteur maritime sur la base d'un intérêt public prépondérant, tout en excluant d'autres secteurs du transport (trafic aérien et routier).

Par la suite, le DFF a demandé un second avis de droit et l'expert, qui précise faire partie d'un groupe de travail informel portant sur l'introduction d'une taxe au tonnage en Suisse organisé sous l'égide de l'association faîtière de la branche, la STSA, arrive à la conclusion que la taxe au tonnage est conforme à la Constitution pour les motifs suivants31: ­

La taxe au tonnage constitue une modalité de perception particulière de l'impôt sur le bénéfice et pourrait à ce titre fonder sa base constitutionnelle sur l'art 128, al. 1, let. b, Cst.; aucune modification de la Constitution ne serait donc nécessaire.

­

En tant que mesure extra-fiscale, la taxe au tonnage pourrait s'appuyer sur deux normes constitutionnelles: l'art. 101 (politique économique extérieure) pourrait justifier le soutien à l'établissement d'entreprises de navigation maritime et ainsi la création d'un marché équitable (level playing field) avec d'autres États qui appliquent déjà une telle taxe; l'art 103 (politique structurelle) pourrait également justifier une intervention de la Confédération dans le secteur maritime par l'intermédiaire d'une telle taxe dans la mesure où l'existence même de la navigation maritime peut être considérée comme étant mise en danger.

Lors du vote sur l'ensemble du 17 mars 2016, le Conseil national a décidé par 138 voix contre 52 et une abstention d'intégrer cette mesure fiscale dans le projet32.

Le Conseil des États a en revanche décidé, le 30 mai 2016, par 31 voix contre 14, de renvoyer au Conseil fédéral les dispositions figurant sous la désignation du projet 3

31

32

Oberson Xavier: La constitutionnalité de l'introduction d'une taxe au tonnage en Suisse dans le cadre de la troisième réforme de l'imposition des entreprises (RIE III), Genève 2015; disponible à l'adresse: biblio.parlament.ch/e-docs/383599.pdf.

BO 2016 N 496

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relatives à une loi fédérale sur la taxe au tonnage33, avec pour mandat d'examiner la base constitutionnelle de la taxe au tonnage, de remanier la formulation des dispositions correspondantes puis de mettre le projet en consultation auprès des cantons et des milieux intéressés. Le Conseil national s'est rallié à cette position le 6 juin 2016 par 136 voix contre 5434.

Durant la session d'été 201635, le chef du DFF, s'exprimant au nom du Conseil fédéral, a également confirmé comprendre le renvoi par le Parlement du projet 3, étant donnée l'absence de débat politique lors de la procédure de consultation préalable.

Nécessité d'agir et objectifs visés Le Conseil fédéral tient à garantir des conditions adaptées à la création d'une place économique suisse compétitive. L'instauration de la taxe au tonnage permettra d'en accroître l'attrait pour les entreprises de navigation maritime, ce qui pourra contribuer à améliorer la compétitivité sur le plan international de cette branche extrêmement mobile et, partant, à augmenter le nombre d'implantations d'entreprises actives dans le secteur maritime. L'instrument d'incitation pourra en outre aussi favoriser la branche des matières premières, déjà fortement représentée en Suisse. Tant que les entreprises de navigation maritime subiront des pertes, elles ne seront aucunement incitées à s'assujettir à la taxe au tonnage. Dans la pratique, l'importance de cette taxe sera faible, dans la mesure où il sera possible de faire valoir des reports de pertes.

Dans ce contexte, il faut concevoir un champ d'application compatible avec les régimes de taxation au tonnage en vigueur au sein de l'UE.

Le 14 octobre 2020, le Conseil fédéral a décidé de charger le DFF d'élaborer un projet destiné à la consultation visant à introduire une loi fédérale sur la taxe au tonnage applicable aux navires de mer. Il a notamment précisé que la question de la constitutionnalité de la mesure devait être abordée dûment dans ce cadre (cf. ch. 7.1). Par ce mandat, le Conseil fédéral a répondu à la demande formulée par Parlement durant la session d'été 2016 (renvoi du projet).

1.4

Relation avec le programme de législature

Le projet n'est annoncé ni dans le message du 29 janvier 2020 sur le programme de la législature 2019 à 202336 ni dans l'arrêté fédéral du 21 septembre 2020 sur le programme de la législature 2019 à 202337. Il répond néanmoins à une demande du Parlement (cf. ch. 1.3).

33 34 35 36 37

BO 2016 E 248 BO 2016 N 861 BO 2016 E 247 et 2016 N 861 FF 2020 1709 FF 2020 8087

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2

Procédure de consultation

2.1

Projet mis en consultation

La taxe au tonnage est conçue comme une méthode alternative de calcul de l'impôt sur le bénéfice. Conformément au mandat constitutionnel de l'harmonisation verticale et horizontale, elle doit être introduite au trois niveaux de l'État (Confédération, cantons et communes). Elle s'appliquera à l'exploitation des navires de mer.

Le calcul du bénéfice repose sur la jauge nette (volume de fret du navire) multipliée de manière forfaitaire par un barème échelonné. Le résultat obtenu est à son tour multiplié par le nombre de jours d'exploitation. L'éventuel bénéfice net imposable ainsi calculé est ajouté au reste du bénéfice net imposable et imposé au taux ordinaire de l'impôt sur le bénéfice. Ainsi, l'impôt dû n'est pas calculé en fonction du bénéfice effectivement réalisé, mais en fonction du volume de fret de chaque navire de mer, dont le calcul est réglé dans la Convention internationale de 1969 sur le jaugeage des navires38, entrée en vigueur le 18 juillet 1982 pour la Suisse. La taxe au tonnage entraîne une charge fiscale comparativement faible pour les entreprises rentables.

Le transport maritime de personnes et de marchandises constitue l'une des principales activités tombant sous le coup de la taxe au tonnage. Celle-ci porte également sur l'ensemble des recettes tirées de la possession et de l'aliénation de navires. Il convient de distinguer ces activités notamment du bénéfice net tiré d'une activité de négoce ou de la détention d'immeubles, lequel entre dans le calcul ordinaire du bénéfice net et n'est pas soumis à la taxe au tonnage. Étendre le champ d'application de la taxe au tonnage au rendement des activités commerciales, notamment du négoce de matières premières, ne serait pas accepté sur le plan international d'une part et entraînerait une diminution importante des recettes des pouvoirs publiques, d'autre part. Les négociants de matières premières peuvent néanmoins profiter indirectement de la taxe au tonnage s'ils investissent davantage dans le transport par voie maritime.

L'assujettissement à la taxe au tonnage est volontaire. L'option est exercée pour chaque navire individuellement et, le cas échéant, pour une durée de dix ans. À l'échéance de cette période, le contribuable peut demander à renouveler l'assujettissement; à défaut, le bénéfice net imposable est à nouveau soumis au
calcul ordinaire.

Si une entreprise change de système avant l'échéance (par ex. en raison de pertes d'exploitation subies ou de mauvaises perspectives économiques), elle devra alors attendre un délai de six ans avant de pouvoir déposer une nouvelle demande d'assujettissement. Les éventuelles pertes liées à l'exploitation d'un navire subies pendant l'assujettissement ne peuvent pas être reportées. Ces mesures visent à limiter les possibilités de planification fiscale.

Si l'entreprise choisit de n'assujettir qu'une partie de ses navires de mer ou si elle poursuit d'autres activités soumises à l'imposition ordinaire, elle doit alors tenir une comptabilité par secteur. Cela implique de comptabiliser séparément les dépenses, y compris les frais généraux, relatives à chaque navire d'une part et aux autres activités d'autre part.

38

RS 0.747.305.412

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2.2

Prise en compte de critères écologiques

La navigation maritime internationale nuit, elle aussi, au climat. Sa part aux émissions mondiales de CO2 se situe légèrement en deçà de 3 %39. Le fioul lourd est encore à ce jour le carburant le plus répandu dans le secteur maritime et sa combustion contribue pour une part importante à l'émission d'oxydes de soufre. Depuis quelque temps, le secteur connaît aussi une sensibilité accrue aux critères environnementaux.

Ainsi, des règles plus sévères concernant la teneur en soufre du carburant sont entrées en vigueur début 2020. Ces prescriptions contraignantes émanent de l'Organisation maritime internationale (OMI), une institution spécialisée des Nations unies sise à Londres et comptant actuellement plus de 175 États membres. La Suisse y adhère depuis 1955. L'OMI est chargée d'assurer la sécurité et la sûreté des transports maritimes et de prévenir la pollution des mers par les navires. À cet égard, elle s'est donné pour objectif de réduire les émissions d'oxydes de soufre de 85 % au niveau mondial.

Pour cela, la teneur en soufre du carburant doit être réduite de 3,5 à 0,5 % afin de correspondre à la nouvelle résolution OMI 2020 sur la réduction des émissions d'oxydes de soufre des navires. Les armateurs disposent à cette fin de trois possibilités de mise en oeuvre: utiliser un combustible à faible teneur en soufre (very low sulphur fuel oil ou VLSFO) ou un gazole marin (marine diesel oil ou MDO); équiper leurs navires de dispositifs antipollution (épurateurs) afin d'éliminer le soufre; ou passer à des technologies de propulsion alternatives, notamment utiliser des carburants qui ne sont pas produits à base de pétrole tel le gaz naturel liquéfié (liquified natural gas ou LNG)40.

L'association Transport & environnement note que, si le LNG est en mesure d'améliorer la qualité de l'air, les navires qui l'utilisent comme carburant sont globalement plus nuisibles au climat que ceux qui utilisent du pétrole. En effet, les navires de croisière utilisant du LNG engendrent des émissions plus élevées de gaz à effet de serre que ceux qui sont dotés de systèmes de propulsion traditionnels parce que la combustion du LNG libère davantage de méthane. Selon les experts de la Banque mondiale, les piles à combustible à l'hydrogène ou à l'ammoniac constituent les solutions les plus prometteuses pour atteindre la
neutralité carbone. L'ammoniac est actuellement considéré comme le carburant le plus intéressant pour les navires parce qu'il est constitué pour 75 % d'hydrogène et qu'il est relativement facile à transporter. Un projet visant à équiper un navire avec des piles à combustible à l'ammoniac est en cours chez l'armateur norvégien Eidesvic41.

Les membres de l'OMI se sont mis d'accord pour définir une trajectoire de réduction des émissions de CO2 jusqu'en 2050. Celle-ci prévoit une réduction de 50 % au minimum par rapport à 2008. Dans l'idéal, l'objectif est même d'atteindre une décarbonisation complète, c'est-à-dire une navigation maritime exempte d'émission de carbone.

39 40 41

IMO and the Environment, p. 7; disponible à l'adresse: safety4sea.com/wp-content/ uploads/2015/06/IMO-and-the-Environment-2011.pdf.

www.imo.org/fr/MediaCentre/PressBriefings/Pages/34-IMO-2020-sulphur-limit-.aspx Luxusliner mit Nebenwirkungen. Neue Kreuzfahrtschiffe sind schädlich fürs Klima, in: SonntagsZeitung du 1er août 2021; Emissionsfrei unterwegs auf hoher See, in: NZZ du 14 août 2021; et Die neue Hoffnung der Reedereien, in: Tages-Anzeiger du 15 février 2022.

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Cela rejoint les objectifs fixés par l'Accord de Paris sur le climat de 2015. Pour les milieux professionnels, cette décision de l'OMI constitue un signal important qu'il y a lieu de s'affranchir significativement des combustibles fossiles également dans la navigation maritime.

Le 17 juin 2021, l'OMI a pris des mesures contraignantes supplémentaires visant à réduire l'intensité carbone dans le domaine du trafic maritime international. Les modifications adoptées de la convention applicable pour la prévention de la pollution maritime visent à obliger le domaine de la navigation maritime à accroître son rendement énergétique. Selon l'OMI, ces modifications touchent environ 97 % du tonnage des navires dans le monde. Le projet prévoit qu'il faut, pour tous les navires de mer, calculer l'indice de rendement énergétique et déterminer l'indicateur d'intensité carbone opérationnel annuel. Les navires de mer obtiennent ainsi une note entre A et E pour leur rendement énergétique, A étant la meilleure note. Un navire qui obtient la note D ou E pendant trois années consécutives doit élaborer un plan de mesures correctives illustrant de quelle manière il compte parvenir à la note requise (C ou plus). Dans la convention applicable, ces modifications devraient entrer en vigueur le 1er novembre 202242.

Au sein de l'EEE, il semblerait que seuls quelques pays prévoient pour l'instant des allégements fiscaux comme contre-prestation à la réalisation d'objectifs écologiques.

Selon une étude de l'OCDE datant de 2019, la Norvège et le Portugal récompensent spécifiquement le bilan écologique d'un navire, alors que Malte prévoit des incitations principalement en fonction de l'âge du navire et la Grèce en fonction du type de navire43. Depuis 2020, Chypre accorde également une incitation fiscale pour des raisons écologiques et admet une réduction de la base de calcul de 30 % au maximum44. On peut s'attendre à ce que ce type de critères appliqués au sein de l'UE gagnent encore en importance à l'avenir.

La Norvège a quant à elle mis en place une éconotation pour navire sur la base de critères prédéfinis. Elle est effectuée à la demande de l'entreprise de navigation maritime, qui à cet effet doit déposer un formulaire établi par l'autorité maritime norvégienne permettant de calculer le facteur environnemental. Sur la base
de cette déclaration, l'entreprise obtient une éconotation mesurée sur une échelle allant de 1 à 10.

Plus la note est élevée, plus la réduction de l'impôt dû est importante: pour une note de 10, l'impôt est réduit de 25 %; pour une note de 1, la réduction prévue est de 2,5 %.

Les critères déterminants dans ce cadre peuvent être regroupés en trois catégories de pollution sur mer:

42 43

44

­

émissions dans l'air;

­

décharges d'exploitation en mer (par ex. rejet d'eaux usées contenant une certaine quantité de polluants); www.imo.org/en/MediaCentre/MeetingSummaries/Pages/MEPC76meetingsummary.aspx International Transport Forum: Maritime Subsidies. Do they provide Value for Money?

2019 > pp. 18 et 46; disponible à l'adresse: www.itf-oecd.org/sites/default/files/docs/ maritime-subsidies-value-for-money.pdf.

Aide d'État SA.51809 (2019/N) ­ Cyprus Prolongation of the Cyprus Tonnage Tax and Seafarer Scheme, p. 7, disponible à l'adresse: ec.europa.eu/competition/state_aid/ cases1/202018/282978_2151764_167_2.pdf.

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­

décharges accidentelles en mer (par ex. marées noires lors de la collision de navires).

Chaque catégorie de pollution est ensuite subdivisée selon les polluants, auxquels sont attribués un certain nombre de points en fonction de catégories techniques et opérationnelles des navires45.

Le Conseil fédéral estime nécessaire d'intégrer des critères écologiques à la taxe au tonnage suisse. Parmi ces critères figurent notamment un système de propulsion du navire moderne et la réduction de la pollution de l'air et de l'eau. La norme générale proposée (cf. commentaires des art. 75, al. 4, P-LIFD et 28c, al. 4, P-LHID) admet, selon la performance écologique du navire concerné, une réduction lors du calcul du bénéfice déterminé en fonction du tonnage. Plus un navire est respectueux de l'environnement, plus la réduction du bénéfice net imposable est importante. Celle-ci ne peut toutefois pas excéder 30 %.

L'applicabilité est une condition importante pour la prise en compte des critères écologiques dans le projet. En effet, les autorités fiscales ne disposent pas des connaissances techniques requises dans le domaine des technologies respectueuses de l'environnement. Pour la mise en oeuvre, il faudra donc définir, à l'échelon de l'ordonnance, un catalogue de critères à la fois efficaces et praticables. Outre la preuve d'un système de propulsion respectueux de l'environnement, d'autres conditions doivent être prises en compte: la preuve d'émissions de polluants atmosphériques aussi faibles que possible (en particulier dioxyde de soufre, dioxyde d'azote, dioxyde de carbone, particules de suie et poussières fines) et la preuve d'une faible pollution par les navires (réduction des déchets et de la pollution par les eaux usées).

2.3

Résultats de la consultation

Le 24 février 2021, le Conseil fédéral a mis en consultation le projet de loi fédérale sur la taxe au tonnage applicable aux navires de mer (loi sur la taxe au tonnage). La consultation s'est terminée le 31 mai 2021. En tout, 55 avis ont été déposés; ils proviennent de 19 cantons et de la CDF, de 5 partis politiques et de 30 associations et organisations.

18 cantons et la CDF se sont exprimés globalement en faveur de l'introduction d'une taxe au tonnage en Suisse. Les partis le Centre, le PLR et l'UDC et 27 associations et organisations (dont economiesuisse, Expertsuisse, l'Union suisse des arts et métiers et les représentants de la branche de la navigation maritime) partagent cet avis. Les principales raisons invoquées sont les suivantes: ­

45

la taxe au tonnage permet aux entreprises de navigation maritime domiciliées en Suisse de lutter à armes égales avec la concurrence internationale et, partant, renforce l'attrait de la place économique suisse;

EFTA Surveillance Authority decision of 26 November 2014 on Amendments to the Norwegian Special Tax System for Shipping, Cm 6 à 16, disponible à l'adresse: www.eftasurv.int/cms/sites/default/files/documents/decision-519-14-COL.pdf.

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­

pour les entreprises mobiles actives au niveau international, elle complète les mesures visant à maintenir l'attrait de la place économique suisse introduites dans le cadre de la RFFA.

Parmi les cantons, seul Appenzell Rhodes-Intérieures refuse explicitement l'introduction d'une taxe au tonnage. Le projet est également rejeté par deux partis politiques (les Verts et le PS) et par trois associations et organisations (Alliance Sud, Public Eye et l'Union syndicale suisse). Les principales raisons invoquées sont les suivantes: ­

la taxe au tonnage viole les principes constitutionnels de l'égalité de traitement, et donc de l'imposition selon la capacité économique;

­

outre les objections de principe liées au droit constitutionnel, il faut aussi tenir compte du signal qu'une telle dérogation est susceptible d'avoir pour l'avenir et pour d'autres secteurs d'activité.

2.4

Appréciation des résultats de la consultation

La proposition d'introduire une taxe au tonnage en Suisse a, dans l'ensemble, reçu un écho favorable. Lors de la consultation, les participants proches des milieux économiques qui se sont exprimés en faveur de la taxe ont notamment estimé qu'il fallait que les dispositions législatives soient élaborées de manière à ce que la solution proposée soient attrayante pour la Suisse dans la limite du possible sur le plan international. Il faudra veiller à formuler des dispositions dont le champ d'application corresponde encore plus précisément au cadre fixé dans les orientations communautaires et dans la pratique en matière de décision qu'applique la Commission européenne pour approuver les réglementations sur la taxe au tonnage de ces États membres dans le cadre du contrôle des aides d'État. Dans ce contexte, les milieux consultés demandent notamment d'étendre les utilisations possibles d'un navire taxé au tonnage, de réexaminer les exigences en matière de pavillons, considérées comme trop restrictives dans l'avant-projet, et de soumettre les activités de gestion de navires et la location pure et simple du navire (affrètement coque nue) à la taxe au tonnage.

3

Comparaison avec le droit européen

3.1

Interdiction des aides d'État dans l'UE

L'interdiction des aides d'État dans l'UE figure actuellement à l'art. 107, par. 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE)46. De telles aides sont en principe interdites dans le champ d'application du TFUE, mais cette interdiction prévoit des réserves d'approbation. Dans des cas spécifiques motivés, des aides d'État peuvent être approuvées sur la base d'une décision de la Commission européenne.

Cela nécessite une notification préalable. Ainsi, une mesure ne peut pas être mise en oeuvre tant que la Commission n'a pas donné son approbation. En outre, certains faits sont exemptés de notification, par exemple en raison du montant de l'aide.

46

JO C 202 du 7.6.2016, p. 47.

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La notion d'aide définie comme une notion juridique indéterminée à l'art. 107, par. 1, TFUE est très générale («sous quelque forme que ce soit»). Des dérogations à l'interdiction des aides d'État sont énumérées aux par. 2 et 3. En l'occurrence, sont visées notamment les dérogations discrétionnaires prévues au par. 3. Les aides y étant décrites peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur. L'UE considère que la taxe au tonnage est admise au titre d'instrument destiné à promouvoir le secteur maritime, qui est d'intérêt européen commun, pour garantir la compétitivité de la navigation maritime européenne sur le plan mondial, maintenir le savoir-faire et les emplois dans ce secteur et empêcher les délocalisations vers des pays à faible fiscalité en dehors du marché intérieur de l'UE47.

3.2

Orientations européennes sur les aides d'État au transport maritime comme cadre pour la conception des régimes de taxation au tonnage

En tant que systèmes d'aide, les différents régimes de taxation au tonnage des États membres de l'UE sont soumis à l'examen de la Commission européenne et, sous réserve de leur compatibilité avec les prescriptions de l'UE en matière d'aide d'État, font l'objet d'une nouvelle procédure d'approbation tous les dix ans. Les conditions de chaque approbation sont définies dans les orientations communautaires, dont l'annexe a été modifiée en 201748. Au coeur des activités soumises à la taxe au tonnage figure le transport international de marchandises et de personnes par voie maritime.

Au fil du temps, d'autres activités maritimes ont été ajoutées à la liste des activités éligibles. Il s'agit notamment des opérations de sauvetage et d'assistance, des activités des navires pour la pose de câbles et de canalisations, de la construction de structures offshore et de la recherche océanographique. En outre, pour que la taxe au tonnage s'applique à l'ensemble de la flotte d'une entreprise de navigation maritime et pas uniquement à ses navires enregistrés sous le pavillon d'un État membre de l'UE, il faut en particulier que les navires concernés soient gérés stratégiquement et économiquement à partir du territoire de l'UE.

En 2009, la Commission européenne a présenté des orientations en matière d'aide d'État aux sociétés gestionnaires de navires complétant les orientations communautaires. Les nouvelles prescriptions visent à éviter que la sous-traitance d'une partie des tâches liées à l'exploitation des navires continue à entraîner des désavantages fiscaux; les activités données en sous-traitance pourront aussi être soumises à la taxe au tonnage. Sont concernées en premier lieu les activités de gestion technique (maintenance et contrôle de la sécurité d'un navire) et la gestion des équipages (engagement et formation des marins)49.

47

48 49

En ce qui concerne la légitimation des aides d'État dans le secteur maritime, cf. le point de vue de la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, à l'occasion de l'approbation des régimes de taxation au tonnage à Malte (19.12.2017), au Portugal (6.4.2018) et au Danemark (12.10.2018), disponible à l'adresse: www.ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_17_5361.

JO C 120 du 13.4.2017, p. 10.

JO C 132 du 11.6.2009, p. 6.

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Les orientations communautaires et les orientations en matière d'aide d'État aux sociétés gestionnaires de navires ne constituent pas des actes de l'UE, mais des définitions de la pratique qui sont toutefois contraignantes pour la Commission européenne50.

3.3

Lignes directrices du droit européen pour la conception des régimes de taxation au tonnage

Les régimes de taxation au tonnage des États membres de l'UE ont été constamment développés depuis la publication des orientations communautaires, notamment en ce qui concerne les navires éligibles et les activités maritimes associées qui peuvent être soumises à la taxe au tonnage selon la Commission européenne. Cela a eu pour effet d'étendre au fil des ans la marge de manoeuvre des États membres de l'UE. Sur la base des réglementations existant actuellement dans le contexte européen, les principales lignes directrices peuvent être résumées de la manière suivante: Lignes directrices

Description

Réglementations divergentes au sein de l'UE

Demande et dimension temporelle

L'assujettissement à la taxe au tonnage est volontaire et porte généralement sur une période de 10 ans avec possibilité de reconduction.

En Grèce, la taxe au tonnage est obligatoire pour les navires battant le pavillon national. C'est également le cas à Chypre.

La Bulgarie prévoit une durée d'assujettissement plus courte: 5 ans51.

Base de calcul: détermination du bénéfice lié au tonnage

Le bénéfice est calculé sur la base de la jauge nette (NT) de chaque navire multipliée par un bénéfice théorique utilisant un barème à 4 échelons appliqué à chaque tranche complète de 100 NT et par le nombre de jours d'exploitation.

Le bénéfice lié au tonnage ainsi obtenu est ensuite imposé au taux de l'impôt sur le bénéfice correspondant.

La Belgique, les Pays-Bas et Chypre recourent à un barème à 5 échelons.

La Norvège se fonde sur un bénéfice théorique utilisant un barème à 4 échelons appliqué à chaque tranche de 1000 NT multiplié par le nombre de jours d'exploitation.

En Grèce, le calcul se fonde sur la jauge brute, multipliée par un coefficient qui dépend du tonnage brut.

Le bénéfice lié au tonnage ainsi obtenu est ensuite multiplié par un taux d'imposition du bénéfice qui dépend de l'âge du navire.

Forme juridique Aucune restriction liée à la forme juride l'entreprise dique des entreprises.

bénéficiaire

50 51

Jessen Henning et Werner Michael Jürgen, éd.: EU-Maritime Transport Law, Baden Baden, 2016, p. 358.

www.minfin.bg/en/771

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Lignes directrices

Description

Exigence liée à l'établissement de la direction dans l'État de la taxation au tonnage

Art. 8, al. 1, du Modèle de convention de l'OCDE en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune: les bénéfices provenant de l'exploitation de navires ne sont imposables que dans l'État contractant dans lequel se trouve le lieu de la direction effective de l'entreprise.

Exigence minimale relative aux pavillons

Le contribuable qui exploite moins de 60 % du tonnage de sa flotte sous pavillon d'un État membre de l'UE ou de l'EEE doit augmenter ce pourcentage ou du moins le maintenir à ce niveau pour pouvoir se soumettre à la taxe au tonnage.

Revenus provenant de l'exécution de tâches incombant à l'armateur dans l'État de la taxation au tonnage

Par exécution de tâches incombant à l'armateur, on entend d'une manière générale la gestion stratégique et économique des navires de mer.

Revenus provenant de l'affrètement du navire

L'affrètement d'un navire en gestion comprend obligatoirement l'armement et l'équipage (affrètement au temps ou au voyage)

52 53 54

Réglementations divergentes au sein de l'UE

Chypre exige depuis début 2020, qu'une entreprise de navigation nouvellement domiciliée dans le pays dispose d'au moins un navire battant pavillon d'un État membre de l'UE ou de l'EEE dès le passage au régime de la taxe au tonnage52.

La réglementation des Pays-Bas sur la taxe au tonnage connaît aussi cette prescription minimale53.

L'Allemagne autorise un changement temporaire de pavillon. Le navire concerné reste inscrit dans un registre allemand des navires de mer, mais obtient l'autorisation de battre un pavillon étranger54.

Quelques pays (notamment Chypre, l'Estonie, Malte, la Norvège et le Portugal) admettent sous certaines conditions aussi la location pure et simple du navire (affrètement coque nue).

ec.europa.eu/competition/state_aid/cases1/202018/282978_2151764_167_2.pdf ec.europa.eu/competition/state_aid/cases1/201932/280530_2088470_95_2.pdf www.deutsche-flagge.de > Flagge > Ausflaggung

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Lignes directrices

Description

Réglementations divergentes au sein de l'UE

Activités éligibles

L'activité centrale est le transport de marchandises et de personnes. Ce dernier comprend aussi les activités de croisière. À cela s'ajoutent les opérations de sauvetage et d'assistance. Au fil des années, d'autres activités ont obtenu l'approbation pour l'assujettissement à la taxe au tonnage; il s'agit notamment de la pose de câbles et de canalisations ou de la recherche océanographique.

Au cours des 10 dernières années, les régimes de taxation au tonnage en vigueur se sont diversifiés en ce qui concerne cette caractéristique. Les différentes activités éligibles admises par la Commission européenne offrent une marge de manoeuvre considérable pour la conception de la taxe.

Traitement fiscal d'un éventuel bénéfice résultant de l'aliénation de navires

Le bénéfice provenant de l'aliénation d'un navire est soumis à la taxe au tonnage.

Le Danemark et la Pologne soumettent le bénéfice provenant de l'aliénation d'un navire à l'impôt sur les sociétés prescrit par la loi.

3.4

Conséquences pour l'introduction d'une taxe au tonnage suisse

Les dispositions présentées précédemment sont des réglementations internes de l'UE et ne constituent donc pas des engagements internationaux contraignants pour la Suisse, comme le souligne le Conseil fédéral dans le message du 5 juin 2015 concernant la réforme de l'imposition des entreprises III55. Toutefois, en vue de l'acceptation internationale souhaitée pour une taxe au tonnage suisse, le cadre correspondant au sein de l'UE revêt une importance particulière. Contrairement à l'UE, la Suisse ne prévoit pas d'interdiction de principe pour les aides d'État. La loi du 5 octobre 1990 sur les subventions56 contient des prescriptions uniformes pour le contrôle des subventions à l'échelle fédérale. Cette loi vise à garantir que les aides financières et les indemnités ne soient accordées que si elles sont suffisamment motivées et qu'elles permettent d'atteindre le but visé de manière économique et efficace. La loi fédérale du 6 octobre 2006 sur la politique régionale57 repose aussi sur la problématique des aides d'État. Elle vise à améliorer la compétitivité de certaines régions, à y générer de la valeur ajoutée et à contribuer ainsi à la création et à la sauvegarde des emplois.

L'introduction d'une taxe au tonnage en Suisse constitue un moyen ciblé de rivaliser à armes égales avec à la concurrence internationale pour attirer les entreprises de navigation maritime qui, par nature, sont extrêmement mobiles. À cet effet, la Suisse s'appuie pour les domaines centraux sur les régimes de taxation au tonnage existant au sein de l'UE. Cela concerne principalement l'utilisation prévue des navires soumis

55 56 57

FF 2015 4613, 4741 RS 616.1 RS 901.0

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à la taxe et la détermination, en fonction de la médiane européenne, du barème échelonné servant à définir la base de calcul. Les orientations communautaires définissent en substance le champ d'action. Si la Suisse s'appuie sur ce document, elle ne devrait courir aucun risque en ce qui concerne l'acceptation internationale.

Étant donné que les orientations communautaires fixent des exigences qui revêtent une grande importance pour la conception concrète de la taxe au tonnage, il y a lieu de souligner que la Commission européenne a pour principe de lier fondamentalement tous les avantages fiscaux accordés dans le transport maritime à l'utilisation du pavillon de l'UE. Concrètement, les orientations définissent les conditions suivantes: ­

L'indice de référence supérieur établit que la part du tonnage de la flotte d'une entreprise de navigation maritime qui bat le pavillon d'un État membre de l'UE doit s'élever à 60 % au moins. Il n'impose aucune autre exigence en ce qui concerne le pavillon.

­

L'indice de référence inférieur prévoit qu'une entreprise de navigation maritime doit, après le passage à la taxation au tonnage, augmenter ou au moins maintenir sous pavillon d'un État membre de l'UE la part de tonnage qu'elle exploitera sous ce pavillon58.

Ces prescriptions en matière de pavillon sont également valables pour l'EEE. Dans les régimes de taxation au tonnage plus récents au sein de l'UE (Pays-Bas du 16.7.2019 et Chypre du 16.12.2019), la Commission européenne a approuvé, dans le cadre de sa pratique en matière de décision, des parts minimales inférieures sous réserve du respect de certaines conditions. Selon elle, il est admis, lors du passage à la taxation au tonnage, que la flotte d'une entreprise de navigation maritime compte au moins un navire battant pavillon d'un État membre de l'UE et de l'EEE. Cet objectif devra être augmenté par la suite ou du moins maintenu au même niveau.

Comme le prélèvement d'une taxe au tonnage faisant référence uniquement au pavillon suisse serait peu utile, le projet mis en consultation prévoyait d'inclure les pavillons de tous les États membres de l'UE ou de l'EEE. Concrètement, cela signifiait que la flotte d'un armateur domicilié en Suisse aurait dû s'aligner sur les règles de l'UE en matière de taxe au tonnage et qu'une part minimale du tonnage aurait été exploitée sous le pavillon de la Suisse ou d'un État membre de l'UE ou de l'EEE.

Il s'est toutefois avéré par la suite qu'une part minimale fixée de cette manière était en conflit avec l'art. II de l'Accord général du 15 avril 1994 sur le commerce des services (AGCS)59, soit la clause de la nation la plus favorisée pour toutes les mesures portant sur le commerce de services. Le respect de l'inscription d'une part minimale du tonnage d'une flotte dans les registres des navires des États membres de l'UE et de l'EEE entraînerait une discrimination à l'égard d'États tiers. Étant donné que la taxe au tonnage suisse ne se limite pas au domaine central de la navigation maritime exclu de l'AGCS (transport de marchandises et de personnes), mais prévoit un vaste champ d'application comprenant par exemple les activités accessoires exercées à bord ou la

58 59

JO C 13 du 17.1.2004, p. 3.

RS 0.632.20

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location de navires de mer, la Suisse ne peut pas prendre le risque que la taxe au tonnage se révèle incompatible avec l'AGCS. Elle doit donc trouver d'autres points d'appui (cf. ch. 4.1).

Dans la plupart des pays de l'UE, le bénéfice d'un navire de mer, déterminé sur la base de son tonnage, est calculé pour chaque tranche de 100 unités NT par jour d'exploitation. Dans ce cadre, le montant appliqué suit un barème dégressif en fonction de la capacité de chargement. Cela est dû au fait que les grands navires prévoient généralement des marges plus faibles par unité de volume.

En Suisse, la base de calcul sera également déterminée selon un échelonnement dégressif défini en fonction de la médiane de l'UE. Le bénéfice imposable sera déterminé selon les mêmes critères pour la Confédération et les cantons. L'autonomie tarifaire des cantons inscrite dans la Constitution offre une marge suffisante pour faire jouer la concurrence entre les cantons grâce aux taux ordinaires de l'impôt sur le bénéfice.

4

Présentation du projet

4.1

Réglementation proposée

Par rapport à l'avant-projet, des améliorations ont été apportées dans des domaines spécifiques, afin de garantir que la réglementation suisse ne soit pas moins attrayante que la réglementation européenne. La latitude offerte par les orientations communautaires et la pratique en matière de décision de la Commission européenne pour l'approbation des régimes de taxation au tonnage des États membres dans le cadre du contrôle des aides d'État sera exploitée de manière plus ciblée. Cela concerne notamment les deux modifications suivantes par rapport au projet mis en consultation: ­

Les sociétés gestionnaires de navires fournissent divers services à un armateur, par exemple la maintenance et le contrôle de la sécurité du navire dans le domaine de la gestion technique, ou l'engagement et la formation des marins dans le domaine de la gestion de l'équipage. C'est pourquoi il est prévu que la taxe au tonnage suisse sera aussi applicable aux activités de gestion de navires.

­

Bien que l'affrètement coque nue, dans lequel un navire est loué sans armement ni équipage, soit apparenté à un leasing, les dispositions de l'UE les plus récentes sur la taxe au tonnage se sont écartées d'une interdiction stricte si certaines conditions sont respectées. Dans ce domaine, les conditions à réunir pour pouvoir appliquer la taxe au tonnage suisse ne seront pas plus strictes que celles en vigueur au sein de l'UE.

Étant donné que la clause de la nation la plus favorisée de l'AGCS ne permet pas à la Suisse de fixer dans la loi une part minimale de pavillons de l'UE ou de l'EEE (cf. ch. 3.4), d'autres points d'appui ont été examinés. Il s'est avéré qu'un alignement sur les États signataires de l'AGCS comme critère de délimitation ou qu'un abandon total des exigences liées au pavillon conduisaient tous deux à des résultats insatisfaisants. Une conception analogue à celle de l'Allemagne ne serait pas non plus adaptée.

Cet État prévoit en effet d'autoriser des navires de mer taxés au tonnage de battre 26 / 44

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temporairement un pavillon étranger, à la seule condition d'être inscrit dans un registre national des navires de mer60. Le droit suisse exclut explicitement cette possibilité. Seuls les navires battant pavillon suisse sont inscrits au registre suisse.

Ensuite, sans perdre de vue les exigences liées au pavillon, l'examen s'est orienté sur la prise en compte de critères qualitatifs. Il s'est avéré efficace de se fonder sur les conventions internationales contraignantes relatives au trafic maritime auxquelles le pavillon des navires taxés au tonnage doit être conforme. Les trois dispositifs réglementaires de l'OMI (SOLAS, MARPOL, STCW) et celui de l'Organisation internationale du travail (MLC) forment les quatre conventions centrales du droit maritime (cf. ch. 5.1). Ils comprennent des normes élémentaires concernant les navires dans les domaines de la prévention de la pollution maritime, de la sécurité, de l'aptitude professionnelle des équipages et des conditions de travail et de vie à bord.

Pour pouvoir appliquer la taxe au tonnage suisse, il est par ailleurs fondamental que les entreprises de navigation maritime apportent la preuve qu'elles ont leur siège en Suisse. À ce propos, le droit fiscal suisse prévoit que les personnes morales sont assujetties à l'impôt en raison de leur rattachement personnel lorsqu'elles ont leur siège ou leur administration effective en Suisse (art. 50 LIFD et art. 20, al. 1, LHID).

4.2

Mise en oeuvre

Le système veut que les dispositions identiques pour la Confédération et les cantons entrent en vigueur en même temps. Il faut donc prévoir un délai transitoire adéquat afin de garantir la transposition de ces dispositions dans le droit cantonal et la mise en place de mesures permettant une exécution harmonieuse. Si ce délai n'est pas respecté, le droit fédéral est alors directement applicable.

En plus des modifications de la LHID, les cantons devront également mettre en oeuvre les modifications de la LIFD, car c'est à eux qu'il incombe de prélever l'impôt fédéral direct (sous la surveillance de la Confédération).

Le Conseil fédéral estime que la taxe au tonnage suisse doit également intégrer des critères écologiques. En fonction de la performance écologique du navire concerné, la norme générale mentionnée au ch. 2.2 accorde une réduction de la base de calcul du bénéfice déterminé sur la base du tonnage. La mise en oeuvre de cette disposition implique de définir au niveau de l'ordonnance un catalogue de critères praticables pour les cantons.

60

Au 31 décembre 2021, la flotte allemande comptait au total 1767 navires de mer, mais seuls 275 battaient pavillon allemand. La part de pavillons européens par rapport à l'ensemble de la flotte s'élevait à 46,5 % (soit 546 navires). Outre les pavillons allemands mentionnés, cette part était principalement constituée de pavillons portugais (335 navires) et chypriotes (123 navires).

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5

Commentaire des dispositions

5.1

Loi fédérale sur l'impôt fédéral direct

Art. 18, al. 3bis La taxe au tonnage ne doit pas dépendre de la forme juridique de l'entreprise. Il est donc possible aussi bien pour des indépendants que pour des sociétés de personnes organisées sous la forme de société simple, société en nom collectif ou société en commandite de soumettre leurs navires de mer à la taxe au tonnage. Dans ce cadre, les art. 73 à 77 s'appliquent par analogie. L'éventuel revenu tiré de l'exploitation des navires et déterminé au moyen de la taxe au tonnage est ajouté au reste du revenu imposable et imposé au taux ordinaire de l'impôt sur le revenu.

Art. 58a

Taxe au tonnage

La taxe au tonnage constitue une méthode alternative de calcul de l'impôt sur le bénéfice. Les art. 73 à 77 s'appliquent pour le calcul du bénéfice net imposable provenant de l'exploitation de navires de mer. Cet article introduit la réserve correspondante dans le cadre de l'imposition ordinaire du bénéfice. L'éventuel bénéfice net imposable calculé sur la base du tonnage est ajouté au reste du bénéfice net imposable et imposé au taux ordinaire de l'impôt sur le bénéfice.

Titre 3: Taxe au tonnage (titre précédant l'art. 73) Un nouveau titre spécifique est consacré aux dispositions relatives à la taxe au tonnage. Jusqu'à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1998, de la loi fédérale du 10 octobre 1997 sur la réforme 1997 de l'imposition des sociétés61, ces dispositions étaient consacrées à l'impôt sur le capital au niveau fédéral.

Art. 73

Objet

L'al. 1 énumère de manière exhaustive les buts d'exploitation donnant droit à l'application, sur demande, de la taxe au tonnage à un navire de mer. À cet égard, une compatibilité avec les règles en vigueur au sein de l'UE est recherchée. Les orientations communautaires, déjà mentionnées ci-devant, indiquent que les navires destinés au transport de marchandises et de personnes constituent le domaine principal. Au fil du temps, la Commission européenne a aussi déclaré éligibles les navires de mer exploités à d'autres fins: le remorquage et le dragage, les opérations de sauvetage et d'assistance, la pose de câbles et de canalisations, la construction et la maintenance de structures offshore, la recherche océanographique et les activités sismographiques62. La disposition intègre également ces buts d'utilisation.

61 62

RO 1998 669 Décision (UE) 2019/1116 de la Commission du 19 décembre 2017 concernant l'aide d'État SA.33829. Régime maltais de taxation au tonnage et autres mesures d'aide d'État en faveur des compagnies maritimes et de leurs actionnaires, JO L 176/7 du 1.7.2019, pp. 18 et 56.

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La navigation maritime intérieure et la navigation exclusivement fluviale ne sont pas éligibles à la taxe au tonnage. Si, toutefois, le navire transporte ses marchandises d'abord par mer puis sur un fleuve pour atteindre le port de destination, cette dernière partie du trajet est alors aussi éligible à la taxe au tonnage.

L'al. 2 définit les activités qui font partie de l'exploitation du navire de mer: ­

L'exécution des tâches incombant à l'armateur: elle englobe l'administration générale liée à l'exploitation d'un navire, notamment la mise à disposition de l'armement, la maintenance, l'entretien, l'inspection et le ravitaillement du navire de mer, l'engagement du personnel navigant ainsi que le transport du fret et de passagers.

­

L'affrètement: dans la navigation maritime, l'affréteur est la personne qui loue un navire à son propriétaire (en général, l'armateur). L'affrètement est la prise en charge pour une durée déterminée d'un bien contre rémunération. Les armateurs n'exploitant pas tous leurs propres navires, ils peuvent aussi être des affréteurs.

­

La location: on entend par location le fait de donner en location des navires à un tiers. Il faut faire une distinction entre l'affrètement au voyage (voyage charter) ou à temps (time charter), d'une part, et l'affrètement coque nue (bareboat charter), d'autre part.

L'affrètement au voyage ou à temps consiste à louer des navires en gestion, donc armement et équipage inclus, pour un certain temps (time charter) ou pour un voyage déterminé (voyage charter).

Dans le cas de l'affrètement coque nue, le propriétaire loue uniquement le navire, ce qui s'apparente en principe à une activité de leasing non soumise à la taxe au tonnage. À titre d'exception, l'affrètement coque nue est aussi soumis à la taxe au tonnage.

Toutes les conditions ci-après doivent être cependant remplies pour l'affrètement coque nue à des tiers indépendants63: ­ l'affrètement coque nue est imputable à des surcapacités temporaires du contribuable, dont les navires n'ont pas été acquis de manière spécifique en vue de l'affrètement; ­ il est limité à trois ans au maximum; ­ 50 % au plus de la flotte du contribuable peuvent être affrétés de cette manière.

L'affrètement coque nue est admis sans restriction au sein d'un groupe, car il s'agit dans ce cas d'une question de structuration du groupe.

­

63

Les activités de gestion de navires: elles sont en général fournies par les armateurs eux-mêmes. Elles peuvent cependant également être sous-traitées à

Aide d'État SA.51809 (2019/N) Cyprus Prolongation of the Cyprus Tonnage Tax and Seafarer Scheme, Cm 29 et 128 à 130, disponible à l'adresse: ec.europa.eu/ competition/state_aid/cases1/202018/282978_2151764_167_2.pdf.

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des entreprises tierces et comprennent avant tout la gestion technique (maintenance et contrôle de la sécurité du navire) et la gestion de l'équipage (engagement et formation des marins).

Le Conseil fédéral définit plus précisément l'exploitation de navires de mer dans les dispositions d'exécution.

L'al. 3 précise que tous les bénéfices directement liés à l'exploitation du navire sont soumis à la taxe au tonnage. Sont principalement visées les recettes provenant du transport maritime lié à la vente de billets et à la location de cabines pour le transport de personnes et des redevances perçues pour le transport de marchandises. Un éventuel gain en capital tiré de la vente d'un navire soumis à la taxe au tonnage est également soumis à cette taxe, pour autant que le navire ait été détenu par l'armateur ou l'affréteur pendant au moins une année.

Les bénéfices provenant des activités accessoires fournies à bord d'un navire sont également soumis à la taxe au tonnage, dans la mesure où les prestations fournies par les entreprises de navigation maritime ne dépassent pas 50 % du bénéfice tiré de l'exploitation du navire, déterminé conformément au droit commercial64. Partant, le résultat déterminé selon le droit commercial constitue la base de calcul de ce bénéfice.

Parmi ces activités accessoires figurent la location de panneaux publicitaires, la vente de marchandises, les prestations des spas et des coiffeurs ainsi que les jeux de hasard et d'autres services de divertissement.

Tant que les navires de croisière exploitant un casino naviguent sous un autre pavillon que le pavillon suisse, aucune restriction constitutionnelle ne s'applique. En revanche, un bateau de croisière exploitant un casino et battant pavillon suisse devra disposer d'une concession de la Confédération pour ouvrir et exploiter une maison de jeu, conformément à l'art. 106 Cst. Une telle concession ne pourra toutefois être obtenue qu'à partir du 1er janvier 2025. En effet, l'art. 140, al. 1, de la loi du 29 septembre 2017 sur les jeux d'argent (LJAr)65 prévoit que les concessions attribuées expirent six années civiles après l'entrée en vigueur de la LJAr. Avant cette date, aucune nouvelle concession ne sera attribuée. En vertu de l'art. 119, al. 1, LJAr, la Confédération perçoit un impôt sur le produit brut des jeux (impôt sur les
maisons de jeu). Celui-ci est de 40 % au moins et de 80 % au plus du produit brut des jeux réalisé dans la maison de jeu (art. 106, al. 2, Cst. et 120, al. 2, let. a, LJAr). C'est le bénéfice réduit de l'impôt sur les maisons de jeu qui est déterminant pour la taxe au tonnage.

Les prestations fournies sur terre, comme les excursions locales, ne sont pas soumises à la taxe au tonnage.

64

65

La limite mentionnée a été approuvée par la Commission européenne notamment dans les régimes de taxation au tonnage des États membres suivants: Chypre, décision du 16.12.2019: ec.europa.eu/competition/state_aid/cases1/202018/282978_2151764_167_2.pdf; Estonie, décision du 16.12.2019: ec.europa.eu/competition/state_aid/cases1/202017/281883_2149331_168_2.pdf et Croatie, décision du 3.4.2020: ec.europa.eu/competition/state_aid/cases1/202018/282852_2152628_145_2.pdf RS 935.51

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L'al. 4 dispose que tous les bénéfices provenant d'activités de négoce ou de biens immobiliers sont soumis à l'imposition ordinaire. Cela vaut de toute manière pour les bénéfices tirés de l'exploitation de navires de mer qui n'ont pas fait l'objet d'une demande d'assujettissement à la taxe au tonnage. Les entreprises qui utilisent leurs navires aussi bien pour des activités soumises à la taxe au tonnage que pour d'autres activités doivent tenir une comptabilité par secteur pour ces deux activités. À cette fin, elles doivent comptabiliser séparément toutes les dépenses relatives à chaque navire, y compris les frais généraux. Cette exigence pose par nature des problèmes de délimitation et entraîne une charge administrative supplémentaire. En vertu des règles générales concernant le fardeau de la preuve, il revient à l'assujetti de prouver que certaines activités et les charges correspondantes relèvent de la taxe au tonnage.

Art. 74

Conditions

En vertu de l'al. 1, les contribuables qui souhaitent demander l'application de la taxe au tonnage doivent garantir que le navire concerné bat un pavillon conforme aux quatre principales conventions sur le trafic maritime qui forment le cadre réglementaire du droit maritime international et doivent toutes être respectées. Il s'agit des trois dispositifs réglementaires suivants adoptés par l'OMI: 1.

Les exigences en matière de protection de l'environnement imposées au domaine de la navigation maritime sont inscrites dans la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL)66. Depuis son entrée en vigueur le 2 octobre 1983, la portée de cette convention a été sans cesse étendue. Les documents contractuels réglementent, dans six annexes, différents types de pollution et leur prévention dans le cadre de l'exploitation des navires. Les règles plus strictes concernant la teneur en soufre du carburant décidées depuis le 1er janvier 2020 (cf. ch. 2.2) font partie intégrante des compléments apportés à l'annexe VI relative à la prévention de la pollution de l'atmosphère par les navires. Jusqu'ici, 160 États, dont la Suisse, ont ratifié cette convention.

2.

La Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS)67 fixe les normes minimales pour la construction, l'armement et l'exploitation des navires. Elle est entrée en vigueur le 25 mai 1980 et a connu depuis de nombreuses mises à jour et modifications. Jusqu'ici, 167 États, dont la Suisse, ont ratifié cette convention.

3.

La Convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (STCW)68 prévoit des normes minimales.

Elle est entrée en vigueur le 28 avril 1984. Depuis lors, elle a sans cesse été complétée. Jusqu'ici, 166 États, dont la Suisse, ont ratifié cette convention.

Le quatrième dispositif réglementaire central dans le domaine maritime est la Convention du travail maritime (MLC)69 de l'Organisation internationale du travail, qui 66 67 68 69

RS 0.814.288.2 RS 0.747.363.33 RS 0.747.341.2 RS 0.822.81

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est entrée en vigueur le 20 août 2013. Elle définit les normes minimales mondiales relatives aux conditions de travail et de vie à bord des navires et offre une perspective globale pour garantir le respect des droits des marins et pour renforcer leur position sur le lieu de travail. Cette convention a elle aussi été complétée à plusieurs reprises au fil du temps. Jusqu'ici, 98 États, dont la Suisse, ont ratifié cette convention.

Le fait de tenir compte de ces quatre conventions de manière cumulative offre suffisamment de garanties pour s'assurer que l'État du pavillon respecte, au moins formellement, les exigences minimales en matière de protection de l'environnement, de sécurité des navires et de droit du travail, qui visent à promouvoir une navigation de qualité.

L'al. 2 établit que le moment déterminant pour le port du pavillon est le dernier jour de la période fiscale.

Selon l'al. 3, la demande d'assujettissement de navires de mer à la taxe doit être déposée auprès de l'administration cantonale compétente en matière d'impôt fédéral direct.

Art. 75

Calcul

L'al. 1 fixe le principe selon lequel le bénéfice net imposable provenant de l'exploitation d'un navire de mer est calculé de manière forfaitaire à partir de la jauge nette (capacité de chargement du navire) multipliée par un barème échelonné. Le montant obtenu est ensuite multiplié à son tour par le nombre de jours d'exploitation.

En usage au niveau international, la jauge nette (NT) est une valeur qui permet de mesurer la taille d'un navire. La formule pour son calcul est fixée par la convention internationale sur le jaugeage des navires. La jauge nette de chaque navire est déterminée par les autorités compétentes puis consignée dans le certificat de jaugeage. Les autorités fiscales peuvent ainsi se référer à ces données officielles pour le calcul de la taxe.

L'al. 2 précise la base de calcul du bénéfice net imposable. Le barème présenté dans l'avant-projet correspond aux valeurs médianes appliquées actuellement au sein de l'UE. Ces dernières peuvent être consultées dans le Livre blanc sur le transport maritime suisse de l'Association des Armateurs Suisses, qui a été publié à la fin du mois de mai 202070. L'exemple suivant illustre ce calcul: Navire de charge de taille moyenne, avec une jauge nette de 19 990 NT, battant pavillon suisse Pour le tonnage net jusqu'à 1000 NT, le bénéfice net par jour d'exploitation se monte à:

1000 x 1,09 franc / 100

Pour le tonnage net compris entre 1001 et 10 000 NT le bénéfice net par jour d'exploitation se monte à:

9000 x 0,80 franc / 100

70

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Pour le tonnage net compris entre 10 001 et 25 000 NT le bénéfice net par jour d'exploitation se monte à:

9990 x 0,52 franc / 100

Le bénéfice net imposable, calculé sur la base du tonnage et par jour d'exploitation, s'élève ainsi à:

134,85 francs

Pour 320 jours d'exploitation, le bénéfice net imposable annuel se monte à (134,85 francs x 320 jours):

43 152 francs

Le taux d'imposition ordinaire correspondant de la collectivité territoriale s'applique ensuite au bénéfice calculé à partir du tonnage. Dans le cadre de l'impôt fédéral direct, l'impôt sur le bénéfice des sociétés de capitaux et des sociétés coopératives est de 8,5 % du bénéfice net avant impôts (art. 68 LIFD). Pour les entreprises de navigation maritime rentables, la charge résultant de la taxe au tonnage est plus faible que celle due à l'imposition ordinaire.

Al. 3: les orientations de la Commission européenne en matière d'aide d'État aux sociétés gestionnaires de navires soulignent que le chiffre d'affaires des sociétés gestionnaires de navires afférent à un navire déterminé est nettement inférieur à celui des armateurs, ces sociétés ayant une activité limitée. C'est pourquoi, pour celles-ci, le bénéfice forfaitaire fondé sur le tonnage équivaut à 25 % du bénéfice forfaitaire usuel par navire71. La Commission européenne a accordé, déjà pour la deuxième fois, une réduction de 75 % aux Pays-Bas, par exemple. Une telle réglementation est également en vigueur à Chypre depuis le 1er janvier 202072. Lorsque les activités de gestion de navires sont soumises à la taxe au tonnage au titre d'éléments relatifs à l'exploitation de navires de mer, il faut donc appliquer au bénéfice les mêmes réductions forfaitaires que celles prévues par les dispositions correspondantes de l'UE sur la taxe au tonnage.

L'al. 4 dispose que l'utilisation de navires de mer plus respectueux de l'environnement doit s'accompagner d'une taxe au tonnage plus faible. Le bénéfice net imposable calculé sur la base du tonnage conformément aux dispositions de l'al. 2 est réduit de 30 % au maximum si certaines exigences écologiques sont respectées. Le montant de la réduction dépend, pour l'essentiel, de la preuve que le contribuable apporte en ce qui concerne le caractère respectueux de l'environnement du système de propulsion et la réduction de la pollution de l'air et de l'eau. Le catalogue complet de critères et le montant de la réduction seront réglés dans une ordonnance du Conseil fédéral.

Comme cela a été indiqué au ch. 2.2, l'applicabilité est une condition importante pour la prise en compte de critères écologiques. En effet, les autorités fiscales ne disposent pas des connaissances techniques nécessaires dans le domaine des
technologies respectueuses de l'environnement. Pour la mise en oeuvre, il faudra donc définir, au niveau de l'ordonnance, un catalogue de critères à la fois efficaces et praticables.

71 72

JO C 132 du 11.6.2009, p. 9.

Pour les Pays-Bas: ec.europa.eu/competition/state_aid/cases/227410/227410_1745841_ 60_2.pdf > Cm 12, 13 et 53; ec.europa.eu/competition/state_aid/cases1/201932/280530_ 2088470_95_2.pdf > Cm 17, 19, 24 et 75; pour Chypre: ec.europa.eu/competition/state_ aid/cases1/202018/282978_2151764_167_2.pdf > Cm 53; www.hellenicshippingnews.com/cyprus-cyprus-tonnage-tax-system/.

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Art. 76

Début, durée et fin de l'assujettissement à la taxe au tonnage

Une entreprise de navigation maritime a le choix de soumettre des navires à la taxe au tonnage ou pas. Le début et la fin de l'assujettissement à la taxe au tonnage étant décidés pour chaque navire individuellement (et pas pour la flotte), l'armateur dispose d'une grande flexibilité, notamment en cas de transfert sans incidence fiscale dans le cadre d'une restructuration au sein d'un groupe (cf. art. 77). L'approche choisie, qui consiste à considérer chaque cas séparément, implique qu'il faut tenir une comptabilité par secteur pour la détermination du bénéfice. Par conséquent, les navires du contribuable qui sont taxés au tonnage forment un secteur. La détermination du bénéfice pour ce secteur repose sur l'art. 75, avec pour effet que le résultat imposable du secteur est la somme des bénéfices nets de tous les navires de mer soumis à la taxe. Un autre secteur est constitué de tous les autres bénéfices et des bénéfices provenant des navires qui ne sont pas soumis à la taxe au tonnage. Le résultat imposable de ce secteur est déterminé sur la base des règles ordinaires de détermination du bénéfice du droit fiscal. La somme des résultats de ces deux secteurs constitue le bénéfice imposable du contribuable.

L'al.1 fixe le début de l'assujettissement à la taxe au tonnage. Il appartient au contribuable de demander l'assujettissement à la taxe au tonnage.

L'al. 2 prend en compte les réserves latentes constituées avant le passage au régime de la taxe au tonnage. Les entreprises de navigation maritime peuvent constituer des réserves latentes considérables sur les navires acquis en remplacement, tant que ceuxci font partie des biens immobilisés nécessaires à l'exploitation. Selon l'art. 64, al. 1, LIFD, les réserves latentes peuvent être reportées sur les biens immobilisés acquis en remploi, si ces biens sont également nécessaires à l'exploitation. Seuls les biens immobilisés qui servent directement à l'exploitation sont considérés comme nécessaires à celle-ci. Cette condition est toujours remplie lorsqu'une entreprise de navigation maritime acquiert un navire en remploi. Dans ce contexte, il faut déterminer si les réserves latentes constituées sur le navire doivent être imposées au moment où commence l'assujettissement à la taxe au tonnage.

Cela réduirait fortement l'attrait de la taxe au tonnage. À
l'inverse, on pourrait trouver dérangeant que le passage de l'imposition ordinaire à l'assujettissement à la taxe au tonnage ne soit pas pris en compte sur le plan fiscal, c'est pourquoi il convient de trouver un compromis: le passage à la taxe au tonnage nécessite une norme prévoyant l'imposition des réserves latentes accumulées. L'imposition du montant déterminé (différence entre la valeur déterminante pour l'impôt sur le bénéfice et la valeur vénale) peut cependant, sur demande, être reportée jusqu'à l'aliénation du navire.

L'al. 3 prévoit que le contribuable doit déposer, pour chaque navire de mer, une demande d'assujettissement valable dix ans. La plupart des États membres de l'UE qui ont recours à un tel instrument d'encouragement disposent de réglementations correspondantes en ce qui concerne la durée d'assujettissement.

Si l'assujettissement à la taxe prend fin avant l'échéance des dix ans, soit parce que le contribuable y a renoncé, soit parce que les conditions ne sont plus réunies, l'al. 5 s'applique.

Selon l'al. 4, le contribuable peut demander la reconduction de l'assujettissement au terme des dix périodes fiscales.

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Si les contribuables pouvaient passer chaque année à leur guise de la taxe au tonnage à l'imposition ordinaire, ils disposeraient d'importantes possibilités d'optimisation fiscale.

Si, conformément à l'al. 5, le contribuable renonce à l'assujettissement à la taxe au tonnage ou que ce dernier prend fin avant l'expiration des dix périodes fiscales réglementaires pour d'autres raisons (par ex. parce que les exigences relatives au pavillon ne sont plus remplies ou que l'utilisation du navire de mer n'entre plus dans le champ d'application de la taxe au tonnage), une nouvelle demande d'assujettissement pour ce navire pourra être applicable au plus tôt pour la sixième période fiscale suivant la fin de ce régime. Ce système vise à restreindre les possibilités de planification fiscale.

L'al. 6 dispose que le bénéfice net imposable est de nouveau soumis à l'imposition ordinaire une fois que la période de dix ans est écoulée. À partir du début de la période fiscale suivante, le montant de l'impôt sur le bénéfice est calculé sur la base des valeurs commerciales comptabilisées à la fin de l'assujettissement à la taxe au tonnage.

La référence au droit commercial garantit que les prescriptions du droit des obligations73 imposant une évaluation maximale des actifs sont respectées. On évite ainsi qu'à la fin de l'assujettissement à la taxe au tonnage, une personne assujetti qui n'aurait amorti aucun de ses actifs provenant de l'exploitation de navire utilise ces amortissements cumulés pour diminuer abusivement son bénéfice déterminé selon la méthode ordinaire.

La dernière phrase de l'al. 6 établit explicitement que les pertes enregistrées pendant la période d'assujettissement ne peuvent pas être reportées. Ce principe est correct au regard de la systématique, étant donné que la taxe au tonnage est une méthode alternative de détermination de l'impôt ordinaire sur le bénéfice et que le montant effectif des bénéfices ou des pertes réalisés pendant la période d'assujettissement n'est donc pas pris en considération.

Art. 77

Restructurations

La disposition vise à éviter des possibilités d'optimisation fiscale qui résulteraient de restructurations. En principe, il est aussi possible de transférer, sans incidence fiscale, des navires de mer au moyen de restructurations. Il convient alors de déterminer si les navires sont soumis à l'imposition ordinaire ou s'ils sont soumis à la taxe au tonnage au moment du transfert. Dans le premier cas, ce sont les valeurs déterminantes pour l'impôt sur le bénéfice qui doivent être prises en compte. Les dispositions légales applicables sont celles définies à l'art. 61 et la pratique se fonde sur la circulaire no 5a de l'Administration fédérale des contributions (AFC) du 1er février 2022 sur les restructurations74. Dans le second cas, ce sont les valeurs commerciales comptabilisées qui sont déterminantes.

Cette distinction découle du fait que le bénéfice imposable n'est pas calculé sur la base du bilan commercial pour les navires soumis à la taxe au tonnage. Les valeurs

73 74

RS 220 www.estv.admin.ch/estv/fr/accueil/impot-federal-direct/informations-specialisees-ifd/ circulaires.html > 1-005a-DVS-2022-f du 1.2.2022 Restructurations

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comptables ne font donc l'objet d'aucune correction fiscale d'après le droit commercial. En revanche, pour déterminer les valeurs commerciales à comptabiliser au moment de la restructuration, l'entreprise est tenue de conserver les principes d'évaluation appliqués jusqu'ici.

Afin de respecter les dispositions de l'art. 76, une distinction est faite entre les deux configurations suivantes: 1.

Le transfert concerne un navire de mer soumis à la taxe au tonnage. Dans ce cas, l'assujettissement à la taxe et sa période d'application selon l'art. 76, al. 3, se poursuivent après le transfert du navire à l'entreprise reprenante.

2.

Le transfert concerne un navire de mer pour lequel l'assujettissement à la taxe au tonnage ne peut être demandé qu'après expiration du délai fixé à l'art. 76, al. 5. Ce délai continue de courir après le transfert et doit par conséquent être pris en compte par l'entreprise reprenante.

Ces règles ne s'appliquent pas lors de l'aliénation d'un navire de mer, ce qui signifie que le nouveau propriétaire du navire peut demander l'assujettissement à la taxe au tonnage dès lors qu'il remplit les conditions requises (art. 73 et 74). Si l'entreprise vendeuse possède d'autres navires soumis à la taxe au tonnage, leur assujettissement continue, sous réserve du respect des exigences relatives au pavillon et du but d'utilisation des navires (art. 73 et 74).

5.2

Loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes

Art. 8, al. 5 Voir le commentaire de l'art. 18, al. 3bis, LIFD.

Art. 14, al. 3, deuxième phrase Comme c'est le cas pour les personnes morales (dans le cadre de l'impôt sur le capital), les personnes qui exercent une activité lucrative indépendante doivent également pouvoir faire valoir une réduction de l'impôt sur la fortune pour les navires soumis à la taxe au tonnage.

Art. 24, al. 1bis Voir le commentaire de l'art. 58a LIFD.

Art. 28a à 28e Ces dispositions correspondent à celles des art. 73 à 77 LIFD.

La proposition prévue initialement par le Conseil national dans son texte de loi, qui consistait à laisser aux cantons la possibilité d'imputer la taxe au tonnage fédérale sur

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la taxe au tonnage cantonale est abandonnée75. La raison est que la taxe au tonnage déploie uniquement ses effets au niveau de l'assiette fiscale, ce qui signifie que l'autonomie tarifaire des cantons est respectée.

Art. 29, al. 3 Les réductions d'impôt prévues dans le droit en vigueur pour l'impôt sur le capital sont étendues aux navires de mer qui sont soumis à la taxe au tonnage (art. 28a, al. 1).

6

Conséquences

6.1

Conséquences pour les finances publiques

Effets statiques L'AFC ne dispose pas de données statistiques concernant les entreprises éligibles à la taxe au tonnage ou l'importance que ces entreprises revêtent sur le plan fiscal. C'est pourquoi il est difficile d'estimer les conséquences financières statiques de l'introduction de la taxe au tonnage.

Moins de 100 entreprises devraient pouvoir demander à être assujetties à la taxe au tonnage. Seules les sociétés imposables en Suisse pourront y avoir recours à condition qu'elles exploitent directement des navires de mer et exercent exclusivement des activités de transport maritime au sens du présent projet de loi. Si tel est le cas, l'imposition du bénéfice appliquée jusqu'à présent sera entièrement remplacée par la taxe au tonnage, dans la mesure où l'entreprise opte pour ce régime. Si l'entreprise en question exerce également d'autres activités qui ne sont pas soumises à la taxe au tonnage (notamment des activités de commerce de gros), elle devra procéder, lors de l'exercice de son droit d'option, à une répartition des bénéfices conforme à la situation réelle entre le bénéfice provenant de l'exploitation de navires de mer, d'un côté, et celui provenant des autres activités (en particulier du négoce de matières premières), de l'autre, étant donné que ces dernières n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe au tonnage. Cette répartition pourrait offrir certaines possibilités d'optimisation fiscale, dont l'ampleur n'est cependant pas connue.

75

www.parlament.ch/centers/eparl/curia/2015/20150049/S3%20F.pdf > p. 28 (art. 28, al. 2, let. e, P-LHID)

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Effets dynamiques Une étude (Le pôle économique maritime suisse et la taxe au tonnage) publiée en 2015 par l'Institut d'économie appliquée (CREA) de Lausanne a examiné les effets dynamiques induits par l'introduction d'une taxe au tonnage en Suisse.76 Cette étude a été actualisée en 2020.77 Ses conclusions peuvent être résumées comme suit: ­

en 2020, le cluster du négoce de matières premières et du transport maritime comptait 11 800 emplois, dont 2000 dans le secteur du transport maritime;

­

il ressort d'une analyse économétrique que les pays ayant mis en place une taxe au tonnage ont, sur la période d'observation allant de 1990 à 2018 bénéficié d'une augmentation de leur volume de tonnage pouvant aller jusqu'à 164 % à partir en moyenne de la neuvième année suivant l'introduction de la taxe au tonnage;

­

faisant l'hypothèse d'une augmentation l'emploi dans le secteur maritime proportionnelle à l'augmentation du volume de tonnage, l'étude applique cette hausse d'environ 160 % aux 2000 emplois mentionnés précédemment et obtient ainsi une augmentation de près de 3200 emplois;

­

en admettant que la masse salariale annuelle par personne supplémentaire employée s'élève à 107 500 francs78, la masse salariale additionnelle directe s'établit à 344 millions de francs. Ce montant augmente encore pour atteindre près de 393 millions de francs grâce à un effet multiplicateur;

­

la masse salariale ainsi calculée génère des revenus fiscaux additionnels de 84 millions de francs ainsi que des contributions supplémentaires de 96 millions de francs aux premier et deuxième piliers.

Il convient de porter un regard critique sur les effets dynamiques attendus parce que la période d'observation allant de 1990 à 2018 est susceptible de donner lieu à une surestimation pour les raisons suivantes: ­

la concurrence fiscale internationale a été partiellement freinée par le plan d'action en 15 points découlant du projet de lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (Base Erosion and Profit Shifting [BEPS]) mené conjointement par l'OCDE et le groupe des vingt principaux pays industrialisés et pays émergents (G20);

­

de plus, la taxe au tonnage étant très répandue à l'échelle internationale, il ne devrait plus être aussi facile de gagner des parts de marché au détriment d'autres pays.

Enfin, il est nécessaire de garder à l'esprit qu'en Suisse, les différences entre l'imposition ordinaire et celle par l'intermédiaire d'une taxe au tonnage sont plus faibles que dans la plupart des autres pays qui connaissent déjà ce type de régime.

76 77 78

Disponible à l'adresse: nanopdf.com/download/le-pole-economique-maritime-suisse-etla-taxe-au-tonnage_pdf.

L'étude mise à jour est disponible sur: www.shipowners.ch > Documents > Impact Analysis > Le pôle économique maritime suisse et la taxe au tonnage Mai 2020, Lausanne.

1600 postes à 130 000 francs de salaire, 800 postes à 100 000 francs de salaire et 800 postes à 70 000 francs de salaire.

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En plus des enseignements tirés de l'étude du CREA, on peut mentionner aussi, à titre d'effet dynamique positif, les possibilités intactes d'augmenter le nombre d'entreprises de navigation maritime implantées en Suisse, puisque ces entreprises coopèrent étroitement avec des sociétés de commerce de gros également domiciliées en Suisse, qui sont principalement actives dans le négoce de matières premières (création de clusters). La mise en place d'une taxe au tonnage pourrait par conséquent favoriser la création de clusters en Suisse dans le secteur économiquement important des matières premières, ce qui permettrait de générer des recettes fiscales supplémentaires provenant de main-d'oeuvre hautement qualifiée.

Enfin, les conséquences financières de la mise en place d'une taxe au tonnage ne peuvent pas être estimées de manière fiable. Néanmoins, compte tenu des effets positifs que devrait avoir l'introduction d'une telle taxe sur la place économique suisse, les éventuelles pertes de recettes pour les autorités publiques devraient rester limitées.

6.2

Conséquences pour le personnel des administrations publiques

Étant donné que le nombre d'entreprises qui pourraient avoir recours à cette mesure fiscale est faible, il n'y a pas lieu de s'attendre à des répercussions significatives sur le personnel de la Confédération. Cela devrait notamment aussi être valable pour les collectivités régionales dans lesquelles le nombre d'entreprises éligibles à la taxe au tonnage est nul ou très faible (cf. illustration au ch. 1.1).

6.3

Conséquences économiques

Selon l'association faîtière Association des Armateurs Suisses, le secteur suisse de la navigation maritime occupait en 2019, sur la base du tonnage, le 9e rang du classement mondial et le 4e rang du classement européen79. En 2016, la contribution directe de ce secteur au PIB a été estimée à environ 2,4 milliards de francs, soit 0,4 % du PIB. À la même date, les estimations tablaient aussi sur environ 2000 emplois80. Nous ne disposons cependant pas de chiffres plus récents.

Les conséquences pour les différents groupes de la société sont considérées comme faibles. À l'échelon des entreprises, l'allégement fiscal se limite aux entreprises qui choisissent de se soumettre à la taxe au tonnage. Étant donné que le nombre d'entreprises concernées est faible, l'effet global de la mesure est considéré comme minime.

S'agissant des coûts de la réglementation, il faut faire une distinction entre les entreprises qui n'exercent que des activités dans le domaine de la navigation maritime et celles qui exercent des activités mixtes. Les premières peuvent passer à la taxe au tonnage pour l'ensemble de leurs activités et, comme il s'agit d'une taxe déterminée à l'aide de valeurs forfaitaires, leurs charges administratives devraient être faibles. En

79 80

www.shipowners.ch > Documents > Shipping > Swiss shipping in the world www.stsa.swiss > Knowledge > Shipping > Switzerland, a maritime nation

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revanche, les entreprises qui exercent des activités mixtes devront tenir une comptabilité par secteur, ce qui devrait augmenter leurs coûts administratifs. Il convient toutefois de noter que le recours à la taxe au tonnage est facultatif. Au vu du petit nombre d'entreprises pourraient y avoir recours, les conséquences économiques escomptées sont plutôt faibles. Dans ce contexte, il n'y a pas lieu de procéder à une analyse d'impact sur réglementation.

L'introduction de la taxe au tonnage dans le droit fiscal suisse constitue cependant un moyen ciblé de rivaliser à armes égales avec la concurrence internationale pour attirer les entreprises de navigation maritime extrêmement mobiles, et d'assurer ainsi l'attrait de la place économique suisse. Les navires étant, dans le secteur maritime, le capital le plus important, il est facile de délocaliser l'activité commerciale.

6.4

Conséquences environnementales

À elle seule, la taxe au tonnage ne produit aucun effet dans le domaine de la protection du climat. Des allègement fiscaux motivés par des considérations écologiques analogues à celles déjà appliquées par certains États membres de l'EEE dans le cadre de la conception de leur taxe au tonnage peuvent cependant inciter les entreprises de navigation maritime domiciliées en Suisse à apporter leur contribution à la réduction de la pollution marine grâce à leurs navires soumis à la taxe au tonnage (cf. ch. 2.2). La Suisse peut jouer un rôle actif à cet égard en adoptant une taxe au tonnage progressiste.

7

Aspects juridiques

7.1

Constitutionnalité

Comme cela a été mentionné au ch. 1.3, le Conseil fédéral a décidé, dans le cadre du message sur la RIE III, de ne pas donner suite à l'introduction de la taxe au tonnage notamment pour des questions de conformité à la Constitution, à propos desquelles l'Office fédéral de la justice continue à émettre des doutes. En se fondant sur les motivations présentées ci-après, il est cependant parvenu à une nouvelle évaluation de la situation: En vertu de l'art. 127, al. 2, Cst., l'imposition doit respecter notamment les principes de l'universalité, de l'égalité de traitement et de l'imposition selon la capacité économique. La question de savoir si la taxe au tonnage répond à ces exigences constitutionnelles est controversée dans la doctrine (cf. ch. 1.3). Les conditions suivantes doivent être remplies pour pouvoir déroger au principe de l'imposition selon la capacité économique afin de poursuivre des objectifs extra-fiscaux: ­

Premièrement, un objectif d'encouragement extra-fiscal doit être inscrit dans la Constitution au même titre que le principe de l'égalité devant la loi et les autres principes d'imposition susmentionnés.

­

Deuxièmement, la mesure doit être nécessaire et appropriée pour atteindre l'objectif d'encouragement extra-fiscal.

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­

Troisièmement, l'atteinte de l'objectif d'encouragement doit présenter un intérêt public considéré comme supérieur à l'intérêt des contribuables concernés au maintien d'un rapport de charges équitables.

Dans son avis de droit de 2010 sur la constitutionnalité de l'introduction d'un impôt cantonal sur les résidences secondaires qualifié d'impôt cantonal spécial, Madeleine Simonek, professeure à l'Université de Zurich, précise en ce qui concerne le premier critère, c'est-à-dire l'inscription de l'objectif d'encouragement dans la Constitution, que la doctrine dominante considère qu'il n'est pas nécessaire qu'il y soit mentionné expressément, il suffit qu'il y soit exprimé de manière implicite et puisse par conséquent être déterminé par l'interprétation.81 Ni l'art. 101 (politique économique extérieure), ni l'art. 103 Cst. (politique structurelle) ne permettent de légitimer sans restriction la taxe au tonnage en tant qu'objectif extra-fiscal. L'art. 101, al. 2, Cst., qui prévoit que la Confédération peut prendre des mesures afin de protéger l'économie suisse, pourrait motiver une compétence technique visant à fournir à la place économique suisse les moyens de rivaliser à armes égales avec la concurrence internationale, notamment avec les États membres de l'UE et de l'EEE, en vue d'attirer les entreprises de navigation maritime qui, par nature, sont extrêmement mobiles. La doctrine exclut toutefois de protéger durablement une certaine branche de la concurrence étrangère en raison de son manque de compétitivité sur le plan international82. Par ailleurs, les mesures de protection fondées sur l'art. 1 de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur les mesures économiques extérieures83 sont extrêmement rares.

L'art. 103 Cst. lie quant à lui l'encouragement à une exigence élevée en ce sens qu'il confère à la Confédération la compétence de promouvoir des branches économiques et des professions si les mesures d'entraide que l'on peut raisonnablement exiger d'elles ne suffisent pas à assurer leur existence. Toutefois, dans le passé, le critère des mesures d'entraide s'est révélé trop vague pour fournir au législateur des directives concrètes. Il n'est pas possible de dire ce que cela signifierait dans les faits pour les entreprises de navigation maritime. Il est en outre exigé que l'existence de l'ensemble de la branche soit menacée. Une concentration de branches ne signifie pas encore que l'existence de l'ensemble de la branche est menacée, mais seulement, éventuellement, l'existence de certaines entreprises.84 En
ce qui concerne les deux autres critères, une différence de traitement fiscal en faveur du secteur de la navigation maritime peut se justifier pour les raisons suivantes: ­

81 82 83 84

La garantie de la compétitivité de l'économie suisse constitue un intérêt public susceptible de justifier certaines différences de traitement par rapport à d'autres contribuables, pour autant que la conception de la taxe au tonnage soit proportionnée.

www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/35837.pdf > pp. 22 et 23 Ehrenzeller Bernhard et al.: Die schweizerische Bundesverfassung, 3e éd., Zurich/Bâle/ Genève, 2014, p. 1887.

RS 946.201 Waldmann Bernhard et al.: Basler Kommentar zur Bundesverfassung, Bâle, 2015, p. 1627.

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­

Dans le domaine de la navigation maritime, la Suisse est exposée à une forte concurrence entre places économiques. Dans de nombreux États, cette branche est soumise à une imposition différente par rapport aux autres branches. En Suisse, les armateurs ont longtemps pu bénéficier des régimes fiscaux cantonaux, avant que ces derniers ne soient supprimés dans le cadre de la RFFA. La Suisse a alors perdu un avantage concurrentiel. Grâce à l'introduction d'une taxe au tonnage, les conditions fiscales dont bénéficie le domaine de la navigation maritime suisse seraient à nouveau comparables à celles qui sont en place dans la plupart des États membres de l'UE et de l'EEE.

­

La forme proposée de la taxe au tonnage contribue de manière significative à la proportionnalité de la mesure. Notamment, la charge fiscale doit être basée sur celle de l'UE. Si la taxe au tonnage est appliquée, elle doit l'être pendant une période de dix ans. Après cette période, il convient d'effectuer à nouveau le calcul de manière ordinaire, à moins que le contribuable ne demande à reconduire son assujettissement. En cas d'abandon prématuré de la taxe, toute nouvelle demande peut être applicable au plus tôt au cours de la sixième année suivant l'abandon de ce régime. Et en ce qui concerne les restructurations au sein des groupes, les possibilités d'optimisation fiscale sont restreintes et tout allégement excessif est ainsi évité. Il convient également de mentionner l'imposition des réserves latentes accumulées.

En résumé, on peut retenir que les avis sur l'introduction d'une taxe au tonnage sont partagés sur le plan constitutionnel (cf. ch. 1.3). Dès lors, si l'on tient compte des intérêts en jeu pour la Suisse en tant que place économique et fiscale, l'instauration de la taxe au tonnage paraît justifiable au regard du droit constitutionnel.

Comme exposé aux ch. 2.2 et 5.1, le projet tiendra compte d'exigences écologiques dans le domaine du transport maritime. Le fait de lier une réduction de la base de calcul à l'utilisation de technologies respectueuses de l'environnement vise aussi un objectif d'encouragement extra-fiscal pour la réalisation duquel les conditions susmentionnées doivent également être remplies, afin de justifier la violation du principe de l'imposition selon la capacité économique.

L'art. 74 Cst. (Protection de l'environnement) confère au législateur fédéral le droit de légiférer sur la protection de l'être humain et de son environnement naturel contre les atteintes nuisibles ou incommodantes. En vertu de cet article, la Confédération dispose donc d'une compétence législative complète pour protéger l'environnement.

Cette compétence englobe aussi la possibilité d'orienter les comportements afin de réduire les émissions liées au climat85. Pour l'objectif d'encouragement extra-fiscal susmentionné, l'art. 74 Cst. peut donc être invoqué pour fonder les compétences fédérales requises.

Concernant la deuxième condition (nécessité et adéquation de la mesure), on peut conclure qu'il existe déjà des réglementations mondiales obligeant les navires de mer à être écologiquement plus propres (cf. ch. 2.2). Une incitation fiscale constitue donc

85

Keller Helen et Hauser Matthias: Rechtsgutachten über den verfassungsrechtlichen Rahmen einer Klimalenkungsabgabe des Bundes, 2008, p. 56, à l'adresse: www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/climat/droit/avis.html.

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une mesure envisageable pour que l'industrie maritime apporte également sa contribution volontaire à la réalisation de la stratégie climatique à long terme de la Suisse (réduction des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050). Dans ce contexte, on peut aussi faire référence aux allègements prévus dans le cadre des impôts cantonaux sur les véhicules à moteur. Les rabais accordés aux véhicules présentant un bon rendement énergétique entraînent une réduction de la base de calcul.

La troisième condition (prédominance de l'intérêt public) peut aussi être considérée comme remplie compte tenu de l'importance centrale du transport maritime pour l'économie mondiale et le transport de marchandises. Comme indiqué au ch. 1.1, plus de 90 % de tous les biens produits à l'échelle mondiale transitent au moins une fois par voie maritime. L'importance du transport mondial de marchandises par voie maritime s'est manifestée en particulier pendant la pandémie de COVID-19. Une pénurie de conteneurs de fret entraîne des perturbations durables dans les chaînes d'approvisionnement mondiales.

7.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Afin de rester compétitive et attractive en tant que place économique, la Suisse doit offrir des conditions fiscales qui soient avantageuses et acceptées internationalement.

La taxe au tonnage est un instrument d'incitation qui peut éliminer le désavantage concurrentiel que subissent actuellement les entreprises de navigation maritime suisses par rapport aux entreprises qui ont leur siège dans un État membre de l'UE ou de l'EEE appliquant déjà la taxe au tonnage. La conception de la taxe au tonnage suisse doit être conforme aux réglementations du droit international ainsi qu'aux normes et recommandations internationales, notamment celles de l'OCDE.

La Suisse entretient traditionnellement des relations étroites avec l'UE, qui sont régies par de nombreux accords et traités bilatéraux, parmi lesquels l'accord de libre-échange du 22 juillet 1972 entre la Confédération suisse et la Communauté économique européenne (ALE)86, qui constitue l'une des pierres angulaires des relations commerciales avec l'UE. La notion d'aide publique visée à l'art. 23 ALE se rapproche de celle du TFUE, mais, contrairement au droit européen sur les aides d'État, elle n'interdit pas fondamentalement les aides d'État. Ainsi, dans l'article en question, il n'est pas question d'interdiction ou d'illicéité des aides d'État, mais uniquement d'une incompatibilité «avec le bon fonctionnement de l'accord» et uniquement «dans la mesure où [elles] sont susceptibles d'affecter les échanges entre la Communauté et la Suisse».

La compatibilité avec le cadre imposé par l'UE pour la taxe au tonnage est garantie indépendamment de la question de l'applicabilité de l'art. 23 ALE. Pour l'élaboration de sa taxe au tonnage, la Suisse s'appuie, dans les domaines centraux, sur les orientations communautaires, qui sont utilisées par la Commission européenne pour justifier l'octroi, par les États membres, d'allégements fiscaux en faveur de l'industrie de navigation maritime européenne. Mais alors que les orientations communautaires prévoient qu'une part minimale de la flotte doit remplir les exigences liées au pavillon de 86

RS 0.632.401

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l'UE ou de l'EEE, la Suisse prévoit de poser comme condition la ratification des quatre conventions internationales centrales en matière de trafic maritime. Malgré certaines différences, le régime suisse de la taxe au tonnage crée globalement conditions de concurrence équitables par rapport à celles des États membres de l'UE qui prévoient aussi une telle taxe.

Ces dernières années, diverses initiatives ont été lancées au niveau international en vue d'analyser les pratiques fiscales des États et d'évaluer leur caractère dommageable. Les principales évolutions internationales en matière d'imposition des entreprises sont à mettre en relation avec le projet BEPS, mené conjointement par l'OCDE et le G20. Les travaux du Forum sur les pratiques fiscales dommageables (Forum on Harmful Tax Practices, FHTP) ont notamment aussi été coordonnés avec le projet BEPS. Dans ce cadre, les travaux pour l'Action 5 ont été confiés au FHTP. La publication des résultats finaux du projet BEPS, le 5 octobre 2015, a montré que la taxe au tonnage n'était pas considérée comme une pratique fiscale dommageable87.

Cet avis a été confirmée par la suite dans les «Rapport d'étape sur les régimes préférentiels» dans les «Peer Review Results»88.

Le 8 octobre 2021, le Cadre inclusif sur le BEPS de l'OCDE a défini les lignes directrices de la réforme de la fiscalité des entreprises à l'échelle mondiale89. Dans le cadre des règles relatives au taux d'imposition minimal à l'échelle mondiale, une exclusion est prévue pour les revenus générés par les activités du transport maritime international, tels que définis dans le Modèle de Convention fiscale de l'OCDE. La conception détaillée du modèle de règles a été publiée le 20 décembre 2021. Les dispositions d'exception prévues pour la navigation maritime font aussi partie du modèle de prescription90. Par ailleurs, le 22 décembre 2021, l'UE a proposé une directive du Conseil relative à la mise en place d'un niveau minimum d'imposition mondial pour les groupes multinationaux dans l'Union, qui contient les dispositions d'exception pour la navigation maritime91.

Le Conseil fédéral estime que le caractère dommageable des régimes fiscaux doit être évalué sur la base des critères de l'OCDE. C'est pourquoi la Suisse participe activement, en tant qu'État membre de l'OCDE, aux groupes de travail
consacrés à la fiscalité. Elle s'engage pour la création de nouvelles normes internationales s'appliquant à tous les pays et à toutes les régions, afin de garantir des règles de jeu équitables dans la concurrence fiscale internationale. Dans ce contexte également, il semble pertinent d'introduire une taxe au tonnage en Suisse pour éliminer un désavantage concurrentiel.

87

88 89

90 91

Lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables, en prenant en compte la transparence et la substance, Action 5 - Rapport final 2015; disponible à l'adresse suivante: doi.org/10.1787/9789264255203-fr.

www.oecd.org/tax/beps/harmful-tax-practices-consolidated-peer-review-results-onpreferential-regimes.pdf Cadre inclusif OCDE/G20 sur le BEPS, Déclaration de l'OCDE du 8 octobre 2021 sur une solution reposant sur deux piliers pour résoudre les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l'économie, p. 5.

www.oecd.org/tax/beps/tax-challenges-arising-from-the-digitalisation-of-the-economyglobal-anti-base-erosion-model-rules-pillar-two.htm eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52021PC0823&from=FR

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