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Organisation de crise de la Confédération pour la gestion de la pandémie de Covid-19 (janvier à juin 2020) Rapport des Commissions de gestion des Chambres fédérales du 17 mai 2022

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L'essentiel en bref Dans le cadre de leur inspection sur la gestion de la crise du coronavirus par le Conseil fédéral et l'administration fédérale, les Commisions de gestion des Chambres fédérales (CdG) se sont penchées sur l'organisation de crise mise en place par la Confédération pour faire face à la pandémie. Elles ont en particulier examiné l'activité des trois principaux organes chargés de soutenir le Conseil fédéral pour la gestion de la pandémie, à savoir la taskforce Covid-19 de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), l'État-major fédéral Protection de la population (EMFP) et l'Étatmajor de crise du Conseil fédéral chargé de gérer la crise du coronavirus (EMCC), ainsi que la coordination entre ces trois organes. Sur le plan temporel, les CdG ont concentré leurs travaux sur la première période de la pandémie (début janvier 2020 à juin 2020).

Les CdG ont étudié les bases légales et prescriptions régissant l'activité des trois organes concernés. Elles ont ensuite examiné leur rôle et leur fonctionnement durant la crise, en interrogeant à ce sujet les membres concernés du Conseil fédéral et divers collaborateurs de l'administration et en adressant des questions écrites aux unités responsables. Elles ont également analysé de nombreux documents et procès-verbaux.

Elles font part des faits collectés et de leur appréciation dans le présent rapport.

L'organisation de crise fédérale fait aussi l'objet de diverses évaluations de la part du Conseil fédéral et des départements, achevées ou en cours. Les CdG invitent le Conseil fédéral à tenir compte de leurs considérations dans le cadre de ses travaux.

La taskforce de l'OFSP a joué un rôle central dans l'organisation de crise; il est toutefois nécessaire de tirer les enseignements des faiblesses constatées (chap. 6) La taskforce de l'OFSP, premier organe de crise activé fin janvier 2020, a pris rapidement une place prépondérante dans l'organisation de crise fédérale, en assumant le rôle d'«état-major de crise spécialisé». Les CdG arrivent à la conclusion que cet organe a rempli son rôle aussi bien que possible durant la première vague de pandémie et saluent l'engagement des collaborateurs concernés de l'office. Toutefois, la taskforce a souffert de plusieurs faiblesses; cela est dû au fait que certaines décisions importantes concernant
l'organisation de l'OFSP n'ont pas été prises au début de la pandémie. Les CdG constatent que la structure de la taskforce était complexe, que les responsabilités et suppléances n'étaient pas réglées de manière claire et que les compétences décisionnelles étaient peu transparentes. La gestion du personnel a constitué un point faible de l'office durant la première vague, ce que les CdG regrettent. Enfin, les avis sont mitigés concernant la collaboration entre la taskforce et les autres acteurs de la gestion de crise. Les CdG adressent au Conseil fédéral différentes recommandations d'amélioration sur ces points. Elles relèvent toutefois aussi que l'OFSP a, dès l'automne 2020, pris diverses mesures pour faire face aux manquements identifiés durant la première vague, ce qu'elles saluent. La gestion du personnel de l'office continuera toutefois à représenter un défi ces prochains mois et années.

Les CdG estiment que les bases légales et prescriptions pertinentes doivent être précisées et complétées avec des dispositions sur l'organisation de crise du Département 2 / 136

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fédéral de l'intérieur (DFI) et de l'OFSP en cas de pandémie et que le manuel de gestion de crise de l'office doit être révisé. En outre, par le biais d'une motion, elles prient le Conseil fédéral de compléter les bases légales existantes pour encadrer plus clairement l'activité des «états-majors de crise spécialisés» en vue de crises futures.

Les CdG regrettent par ailleurs qu'il ait fallu attendre plus de quinze jours, début janvier 2020, pour que l'apparition du Covid-19 soit thématisée par les responsables de l'OFSP, même si elles reconnaissent qu'il était difficile d'évaluer la situation à l'époque. Elles invitent le Conseil fédéral à évaluer en profondeur les processus de traitement des signalements relatifs aux maladies transmissibles au sein de l'office.

Concernant l'organisation de crise à l'échelon du DFI ainsi que la collaboration entre le DFI et l'OFSP durant la première vague de pandémie, les CdG tirent un bilan globalement positif.

L'EMFP n'a pas entièrement assumé les tâches qui lui revenaient et les explications à ce sujet sont peu compréhensibles (chap. 7) Les CdG constatent que l'EMFP, formellement actif dès début mars 2020, n'a pas été institué conformément aux dispositions légales et aux prescriptions. Il n'a notamment pas été en mesure de remplir sa tâche consistant à préparer des bases de décision du Conseil fédéral, celle-ci ayant été assumée par la taskforce de l'OFSP. Les CdG estiment que le Conseil fédéral aurait dû identifier le champ de tensions entre les différentes bases légales sur ce point et modifier l'ordonnance correspondante, ce qui n'a pas été le cas.

Les CdG considèrent comme peu compréhensibles les motifs avancés par les personnes interrogées pour expliquer que l'EMFP n'a pas pu assumer les tâches initialement prévues. Elles peinent également à comprendre pourquoi les défis liés à cet organe n'ont pas été identifiés avant la crise. Elles invitent le Conseil fédéral à s'interroger sur l'adéquation de la structure de l'EMFP et les tâches qui lui sont attribuées, en particulier en ce qui concerne la possibilité pour l'EMFP d'élaborer des bases de décision et soumettre des propositions; elles se tiendront informées de l'avancement des travaux à ce sujet.

L'EMCC n'a pas joué le rôle initialement prévu pour un état-major ad-hoc du Conseil fédéral et sa composition
n'était pas équilibrée (chap. 8) L'EMCC, créé par le Conseil fédéral fin mars 2020, n'a pas assumé toutes les fonctions qui auraient dû être les siennes. Il a essentiellement fait office d'organe d'information et de coordination, mais n'a pas véritablement joué de rôle de conduite de la gestion de crise fédérale. L'implication des milieux scientifiques et économiques et de la société civile dans l'organisation de crise a constitué sa principale plus-value.

De l'avis des CdG, l'EMCC a été mis en place relativement tard. Les CdG voient d'un oeil critique le fait que la représentation des différents départements au sein de l'EMCC n'ait pas été réglée précisément, mais aussi le poids important du DFI au sein de cet organe. Elles se félicitent des réflexions lancées par le Conseil fédéral concernant les normes relatives à l'état-major de crise ad-hoc et la fonction de celuici. Si cet organe est maintenu à l'avenir, il y aurait lieu de préciser ses compétences et de clarifier à quel niveau normatif son organisation doit être fixée.

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Le Conseil fédéral aurait dû régler de manière claire, au début de la pandémie, la coordination entre les trois principaux organes de crise (chap. 9) Les CdG estiment que la répartition des rôles et la collaboration entre la taskforce de l'OFSP, l'EMFP et l'EMCC au sein de l'organisation de crise fédérale n'étaient pas satisfaisantes en plusieurs points. De bons échanges d'information ont certes été assurés entre ces organes, mais leurs compétences et leur coordination n'étaient pas définies de manière suffisamment claire. L'EMFP et l'EMCC n'ont pas complètement rempli la fonction qui leur était assignée et n'ont joué qu'un rôle plutôt subsidiaire dans la conduite de la gestion de crise. La taskforce de l'OFSP s'est rapidement imposée comme le principal organe de gestion de crise, ce qui n'était pas prévu. Le principal problème, selon les CdG, réside dans le fait que ces trois organes ont été activés de manière échelonnée et non coordonnée. Elles déplorent l'entrée en activité tardive de l'EMFP et de l'EMCC.

De l'avis des CdG, le Conseil fédéral aurait dû mener rapidement, début 2020, une réflexion de fond concernant les tâches et compétences respectives des organes de crise fédéraux. Or, le gouvernement n'a pas abordé cette question durant les premières semaines de la pandémie, les choix en la matière ayant été laissés à l'appréciation des départements et offices compétents. En conséquence, l'organisation de crise s'est bâtie au fil de l'évolution de la situation sanitaire. Lors de crises futures, les CdG attendent du Conseil fédéral qu'il prenne un rôle plus actif en la matière et qu'il s'assure qu'une réflexion de fond sur l'organisation de crise soit menée de manière précoce.

Le Conseil fédéral n'a pas identifié assez tôt le caractère global et transversal de la crise; le principe départemental est resté très fort (chap. 10) Les CdG estiment que le Conseil fédéral n'a pas identifié assez tôt le caractère global et transversal de la pandémie et a sous-estimé sa durée potentielle. Cela a eu pour conséquence que les mesures de gestion de crise ont été initiées et élaborées, durant plusieurs semaines, de manière non coordonnée au sein des différents départements.

Par ailleurs, de l'avis des commissions, l'organisation de crise fédérale n'est pas véritablement parvenue à intégrer toutes les
dimensions thématiques de la crise. Les CdG relèvent enfin que le DFI a eu une influence prédominante sur la gestion de crise. Cela peut se comprendre selon elles; elles se demandent toutefois s'il était adéquat que ce département assume la conduite des trois principaux organes de crise et invitent le Conseil fédéral à examiner l'adéquation des règles en la matière.

Les CdG constatent également que le principe départemental est resté très fort durant la première vague de pandémie, la majeure partie de la gestion de crise ayant lieu dans les structures habituelles de l'administration. Cela explique que les organes fédéraux de portée transversale (EMFP et EMCC) n'ont finalement joué qu'un rôle plutôt subsidiaire. Si elles peuvent en partie comprendre les arguments en faveur d'une gestion de crise dans les structures habituelles, les CdG estiment que cette approche présente aussi certains inconvénients. Elles jugent nécessaire que le Conseil fédéral mène une réflexion sur l'équilibre adéquat à trouver entre l'approche départementale et l'approche transversale dans la gestion de crise. Par ailleurs, elles jugent souhaitable que le Conseil fédéral examine l'option de créer une délégation en cas de crise.

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Les CdG estiment que les exercices de préparation aux crises menés par le passé n'ont pas entièrement rempli leur objectif, puisqu'ils n'ont pas permis aux autorités fédérales d'être préparées de manière optimale à la crise du Covid-19. Elles attendent du Conseil fédéral qu'il procède à un examen critique sur ce point.

En ce qui concerne l'intégration des cantons dans l'organisation de crise fédérale, les CdG estiment que celle-ci n'était pas satisfaisante et manquait de cohérence. Les CdG saluent les démarches de clarification initiées à ce sujet par le Conseil fédéral.

Elles estiment également que les interfaces avec le monde scientifique et l'économie ainsi que l'intégration de la société civile au sein de l'organisation de crise fédérale doivent être précisées.

Pour terminer, les CdG saluent la volonté du Conseil fédéral d'examiner d'un oeil critique l'organisation de crise de la Confédération et de procéder à des adaptations en profondeur en vue de son fonctionnement futur. Dans un postulat, elles le prient de procéder dès que possible à un bilan critique global en intégrant les questions de fond soulevées dans le présent rapport, d'établir un concept relatif à l'organisation de crise fédérale pour l'avenir et de déterminer quelles modifications doivent être apportées aux bases légales, directives, instructions, plans stratégiques et conceptions pertinents.

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Table des matières L'essentiel en bref

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Introduction

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Objet du rapport

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Démarches des CdG

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Interventions parlementaires déposées en lien avec l'organisation de crise de la Confédération

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Bases légales et prescriptions pertinentes pour les organes de crise fédéraux

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Office fédéral de la santé publique (OFSP) et Département fédéral de l'intérieur (DFI) 6.1 Bases légales et autres prescriptions 6.2 Organisation et rôle du DFI et de l'OFSP durant la première vague de pandémie (janvier à juin 2020) 6.2.1 Entrée en crise 6.2.2 Activités de la taskforce Covid-19 6.2.3 Collaboration avec les autres acteurs 6.2.4 Gestion du personnel 6.2.5 Responsabilités décisionnelles, collaboration entre l'OFSP et le DFI 6.2.6 Changements aux postes-clés 6.3 Evaluation par l'administration fédérale, améliorations et mesures 6.4 Appréciation par les CdG 6.4.1 Bases légales et autres prescriptions 6.4.2 Entrée en crise 6.4.3 Activités de la taskforce Covid-19 6.4.4 Collaboration avec les autres acteurs 6.4.5 Gestion du personnel 6.4.6 Collaboration entre l'OFSP et le DFI 6.4.7 Responsabilités décisionnelles au sein de l'OFSP 6.4.8 Changements aux postes-clés 6.4.9 Evolution et perspectives État-major fédéral protection de la population (EMFP) 7.1 Bases légales et autres prescriptions 7.1.1 Bases légales 7.1.2 Prescriptions du plan de pandémie 7.2 Organisation et rôle de l'EMFP durant la première vague de la pandémie 7.2.1 Entrée en fonction et composition 7.2.2 Activités et tâches 7.3 Évaluation par l'administration fédérale, améliorations et mesures

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7.3.1 Analyse de la Chancellerie fédérale 7.3.2 Évaluation interne de l'EMFP Appréciation des CdG 7.4.1 Absence de décision concernant les tâches de l'EMFP 7.4.2 Justifications peu compréhensibles concernant l'engagement concret de l'EMFP 7.4.3 Conclusions des CdG concernant l'EMFP

État-major du Conseil fédéral chargé de gérer la crise du coronavirus (EMCC) 8.1 Bases légales et autres prescriptions 8.2 Organisation et rôle de l'EMCC durant la première vague de pandémie 8.2.1 Institution et composition 8.2.2 Activités et tâches 8.3 Évaluation par l'administration fédérale, améliorations et mesures 8.3.1 Rapport final de l'EMCC du 19 juin 2020 8.3.2 Évaluation par la ChF 8.4 Appréciation des CdG Coordination entre les trois principaux organes de crise fédéraux 9.1 Faits et appréciation des acteurs concernés 9.2 Appréciation des CdG

10 Considérations générales des CdG concernant l'organisation de crise de la Confédération durant la première vague de pandémie

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11 Conclusions et prochaines étapes

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Abréviations

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Liste des personnes auditionnées

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Annexes: 1 Organigramme de la taskforce Covid-19 de l'OFSP, mai 2020 (uniquement en allemand) 2 Organigramme de la taskforce Covid-19 de l'OFSP, août 2020 (uniquement en allemand) 3 Organigramme de la taskforce Covid-19 de l'OFSP, août 2021 4 Organigramme de l'organisation de crise de la Confédération, selon proposition du DFI au Conseil fédéral de mars 2020 (uniquement en allemand) 5 Organigramme de l'organisation de crise de la Confédération (jusqu'à fin juin 2020), selon présentation de l'OFSP aux CdG, juin 2020 (uniquement en allemand)

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Organigramme de l'organisation de crise de la Confédération (à partir de juillet 2020), selon présentation de l'OFSP aux CdG, août 2020 (uniquement en allemand) Vue d'ensemble des recommandations et interventions parlementaires

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Rapport 1

Introduction

Fin mai 2020, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont décidé, en leur fonction d'organe de haute surveillance parlementaire, de lancer une inspection visant à analyser la gestion de la crise du coronavirus Covid-191 par le Conseil fédéral et l'administration fédérale2. Dans ce cadre, les CdG et leurs sous-commissions procèdent depuis lors à des clarifications concernant de nombreux aspects de la gestion de crise3.

Les CdG se sont notamment penchées sur l'organisation de crise mise en place par le Conseil fédéral et l'administration fédérale, à partir du début de l'année 2020, pour faire face à la pandémie. Celle-ci s'est basée, d'un côté, sur les structures et processus ordinaires de l'administration, telles que la procédure de proposition des départements à l'intention du Conseil fédéral, et sur certains organes prévus par la législation, tels que l'État-major fédéral protection de la population (EMFP) et l'État-major de crise du Conseil fédéral chargé de gérer la crise du coronavirus (EMCC). De l'autre côté, elle s'est également appuyée sur des organes spécialement créés pour faire face à la pandémie, tels que la taskforce Covid-19 de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP).

Les structures organisationnelles de l'administration fédérale doivent permettre au Conseil fédéral de prendre des décisions en temps et en heure en cas de crise et tenir compte du système fédéral de la Suisse. A ce titre, elles revêtent une importance particulière du point de vue de la haute surveillance. Il revient aux CdG, en leur fonction d'organe parlementaire compétent, de procéder à un bilan de ces structures et d'en tirer des enseignements en vue d'événements futurs.

Dans le courant de la pandémie, diverses critiques et questions ont été soulevées concernant l'organisation de crise de la Confédération. Celles-ci ont essentiellement porté sur les trois principaux organes chargés de soutenir le Conseil fédéral dans sa gestion de la pandémie, à savoir la taskforce Covid-19 de l'OFSP, l'EMFP et l'EMCC4. Plusieurs interventions parlementaires ont également été déposées au sujet de l'organisation de crise de la Confédération (cf. chap. 4).

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Ci-après: «crise du Covid-19», «crise» ou «pandémie».

Les CdG lancent une inspection visant à analyser la gestion de la pandémie de Covid-19 par les autorités fédérales, communiqué de presse des CdG du 26 mai 2020.

Un aperçu des thèmes abordés par les CdG est disponible dans le Rapport annuel 2020 des Commissions de gestion et de la Délégation des Commissions de gestion du 26 janvier 2021, chap. 4 (FF 2021 570).

Les critiques ont notamment porté sur le fait que l'OFSP aurait trop tardé avant de mettre en place une organisation de crise pour faire face à la pandémie et que l'EMFP et l'EMCC n'ont pas été mis en place conformément aux tâches prévues par les bases légales.

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L'organisation de crise a par ailleurs fait l'objet de diverses évaluations, mandatées et/ou réalisées par l'administration fédérale5. Au cours de la pandémie, des modifications et améliorations ont été apportées aux structures organisationnelles existantes, sur la base des enseignements tirés des premiers mois de la crise.

Sur la base des clarifications qu'elles ont menées auprès des services concernés de l'administration depuis mai 2020, les CdG ont décidé de faire part, dans le présent rapport, des résultats de leur examen, de leur appréciation et de leurs recommandations. Elles tiennent aussi compte, dans ce cadre, des résultats des évaluations déjà menées sur la gestion de la pandémie et des modifications apportées depuis lors.

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Objet du rapport

Conformément à leur mandat légal, les CdG exercent la haute surveillance parlementaire au regard des critères de légalité, d'opportunité et d'efficacité. Dans le cas présent, les CdG ont cherché à apporter une réponse aux questions suivantes: ­

Légalité: Les décisions et mesures des autorités fédérales en matière d'organisation de crise étaient-elles conformes à l'ordre juridique et aux prescriptions pertinentes?

­

Opportunité: Les autorités fédérales ont-elles utilisé de manière adéquate la marge d'appréciation qui leur revenait en matière d'organisation de crise?

­

Efficacité: L'organisation de crise des autorités fédérales a-t-elle permis d'atteindre l'objectif poursuivi, à savoir une gestion efficace de la crise, respectivement un soutien adéquat à la prise de décision par le Conseil fédéral?

Pour ce faire, les CdG ont concentré leur examen sur le rôle et le fonctionnement des trois principaux organes institués durant la pandémie pour soutenir le Conseil fédéral dans la gestion de la crise: ­

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Premièrement, la taskforce Covid-19 de l'OFSP. Cet organe, institué par l'office dès fin janvier 2020 et actif de manière continue depuis lors, a joué un rôle central dans la gestion des aspects sanitaires de la crise. Ses tâches vont notamment du suivi de la situation épidémiologique à la préparation et la coordination des mesures sanitaires, en passant par la gestion des biens médicaux.

En lien avec cet organe, les CdG ont également examiné de manière générale l'organisation de crise de l'OFSP et du Département fédéral de l'intérieur (DFI), auquel l'office est rattaché. Ces aspects ont été approfondis par la souscommission DFI/DETEC de la Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-E)6.

On peut notamment citer l'évaluation globale de la gestion de crise durant la première phase de la pandémie réalisée par la Chancellerie fédérale (ChF) sur mandat du Conseil fédéral: Rapport concernant l'évaluation de la gestion de crise pendant la pandémie de COVID-19 (1ère phase / février-août 2020), rapport de la ChF du 11 décembre 2020. Les autres évaluations menées par l'administration sont mentionnées au fil du rapport.

La sous-commission DFI/DETEC de la CdG-E se compose des conseillères et conseillers aux Etats Marco Chiesa (président), Elisabeth Baume-Schneider, Matthias Michel, Othmar Reichmuth et Heidi Z'graggen.

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Deuxièmement, l'État-major fédéral protection de la population (EMFP). Cet organe permanent, regroupant des représentants de plusieurs offices fédéraux, des cantons et divers autres acteurs, est chargé de la maîtrise d'événements de portée nationale concernant la protection de la population. Dans le cadre de la crise du Covid-19, il s'est réuni de manière informelle dès fin janvier 2020, est officiellement entré en fonction en mars 2020 et a été actif de manière ininterrompue depuis lors. L'activité de cet organe a été approfondie par la sous-commission DFAE/DDPS de la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N)7.

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Troisièmement, l'État-major de crise du Conseil fédéral chargé de gérer la crise du coronavirus (EMCC). Cet organe, créé durant la pandémie sur la base des instructions relatives à la gestion des crises dans l'administration fédérale8, avait pour tâche de coordonner les activités de gestion des crises dans les domaines de la santé. Pour ce faire, il disposait de pouvoirs d'instruction et intégrait des représentants de la science et de la société civile dans la gestion de crise de la Confédération. Institué par le Conseil fédéral à la fin du mois de mars 2020, il a été dissous fin juin 2020, à l'issue de la période de «situation extraordinaire» au sens de la loi sur les épidémies (LEp)9. Ces éléments ont été approfondis par la sous-commission DFJP/ChF de la CdG-E10.

Pour chacun de ces trois organes, les CdG ont examiné quelles étaient les bases légales et autres prescriptions pertinentes. Elles ont ensuite analysé leur rôle et leur fonctionnement durant la première phase de la crise11. Elles ont également pris connaissance des évaluations déjà réalisées et des améliorations ou autres mesures apportées durant la crise en lien avec ces organes. Sur la base de ces éléments, elles ont établi leur appréciation du point de vue de la haute surveillance et leurs recommandations à l'intention du Conseil fédéral.

En plus de l'activité individuelle des trois organes précités, les CdG ont porté une attention spécifique à la coordination entre eux, afin de déterminer si celle-ci avait permis de soutenir de manière adéquate le Conseil fédéral dans sa prise de décision pour la gestion de la pandémie.

Les CdG ont concentré leur examen sur les activités de ces trois organes, entrés en fonction spécialement pour faire face à la pandémie. Par contre, elles n'ont pas analysé dans le détail le rôle des structures habituelles de l'administration durant la crise, telles

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La sous-commission DFAE/DDPS de la CdG-N se compose des conseillères nationales et conseillers nationaux Nicolo Paganini (président), Yvette Estermann, Corina Gredig, Alois Huber, Matthias Samuel Jauslin, Fabian Molina, Isabelle Pasquier-Eichenberger, Priska Seiler Graf et Erich von Siebenthal.

Instructions du 21 juin 2019 concernant la gestion des crises dans l'administration fédérale (FF 2019 4415).

Loi fédérale du 28 septembre 2012 sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme (Loi sur les épidémies, LEp; RS 818.101).

La sous-commission DFJP/ChF de la CdG-E se compose des conseillères et conseillers aux Etats Daniel Fässler (président), Thierry Burkart, Marco Chiesa, Carlo Sommaruga et Heidi Z'graggen.

On entend par là la période allant de janvier à juin 2020 (cf. à ce sujet aussi page suivante).

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que la Conférence des secrétaires généraux des départements (CSG) ou le fonctionnement de la procédure de proposition et de co-rapport des départements à l'intention du Conseil fédéral. Elles font toutefois part de certaines considérations à ce sujet au chap. 10.

Les CdG n'examinent pas non plus, dans le présent rapport, les modalités de la prise de décision à l'interne du Conseil fédéral concernant les mesures de gestion de la pandémie (p. ex. mesures sanitaires ou économiques) et ne se prononcent pas sur l'adéquation de ces mesures. Dans le même sens, elles n'abordent pas ici les bases scientifiques sur lesquelles le Conseil fédéral a fondé ses décisions, la communication de crise des autorités fédérales ou la détection précoce des crises de la Confédération.

Certains de ces aspects font l'objet de clarifications séparées des CdG12. La collaboration avec les cantons et leur intégration dans les organes de crise est abordée de manière ponctuelle dans le rapport; cette question est néanmoins examinée sous un angle plus général par la CdG-E dans le cadre d'un dossier séparé13.

Ci-après, les CdG n'abordent pas non plus l'activité des autres organes de crise institués au niveau fédéral, au niveau des départements et offices ou au niveau d'autres entités (p. ex. entreprises proches de la Confédération) pour faire face à la pandémie de Covid-19. Ce rapport se concentre essentiellement sur l'examen ciblé des trois principaux organes spécialement entrés en fonction durant la pandémie afin de soutenir le Conseil fédéral dans la gestion de celle-ci. Sur cette base, les CdG tirent également différentes conclusions de portée générale sur l'organisation de crise de la Confédération (cf. chap. 9 et 10). Le cas de la Commission fédérale pour la préparation et la gestion en cas de pandémie (CFP) est abordé par la CdG-E dans le cadre d'une inspection séparée14.

Enfin, l'instrument des exercices de crise de la Confédération et sa plus-value pour la gestion des crises réelles ­ comme celle de la pandémie de Covid-19 ­ n'ont été abordées que de manière marginale dans cette enquête (cf. chap. 10). Toutefois, la CdG-E suit le développement de cet instrument dans le cadre de ses activités régulières de haute surveillance.

Sur le plan temporel, les CdG ont essentiellement concentré leurs travaux sur la première
période de la pandémie, allant des premières mentions du Covid-19 au sein de l'administration fédérale (début janvier 2020) à la fin de la période de «situation extraordinaire» au sens de LEp (19 juin 2020). Elles se sont toutefois également régulièrement informées de l'évolution de l'organisation de crise et des résultats des évaluations menées par les autorités fédérales au cours des mois ayant suivi. Elles incluent ces éléments dans leur analyse lorsque cela s'avère nécessaire.

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La thématique des bases d'information scientifiques fait actuellement l'objet d'une évaluation du Contrôle parlementaire de l'administration (CPA), sur mandat des CdG.

La question de la communication de crise et la détection précoce des crises sont ponctuellement examinées par la sous-commission DFJP/ChF de la CdG-E.

La question de la collaboration avec les cantons est approfondie par la sous-commission DFI/DETEC de la CdG-E.

En janvier 2021, les CdG ont lancé une inspection sur le thème des «commissions consultatives extraparlementaires». Elles ont mandaté à ce sujet une évaluation du Contrôle parlementaire de l'administration (CPA), placée sous la responsabilité de la sous-commission DFJP/ChF de la CdG-E.

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Les CdG soulignent en outre que la pandémie de Covid-19 n'est pas achevée au moment de l'adoption du présent rapport et que diverses évaluations relatives à la gestion de la pandémie par les autorités fédérales sont encore en cours. En ce sens, l'appréciation présentée dans ce rapport reflète l'état des connaissances à la fin des investigations; les CdG se réservent la possibilité de compléter celle-ci ultérieurement.

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Démarches des CdG

Les investigations dans ce dossier ont été menées entre mai 2020 et janvier 2022 par les sous-commissions DFI/DETEC et DFJP/ChF de la CdG-E ainsi que par la souscommission DFAE/DDPS de la CdG-N. Celles-ci ont établi les faits, identifié les éléments présentant une pertinence pour la haute surveillance parlementaire et approfondi ceux-ci avec les représentants concernés du Conseil fédéral et de l'administration. Elles ont régulièrement informé la CdG-E et la CdG-N de l'avancée de leurs clarifications. Afin de garantir un examen cohérent et d'éviter les redondances, les trois sous-commissions se sont coordonnées quant à l'objet et aux résultats de leurs travaux. Elles ont également ponctuellement bénéficié d'informations collectées par d'autres sous-commissions des CdG, apportant un éclairage sur certains aspects de l'organisation de crise.

La sous-commission DFI/DETEC de la CdG-E s'est concentrée sur l'organisation de crise de l'OFSP et la taskforce Covid-19 instituée par l'office, ainsi que sur l'organisation de crise du DFI. Elle a procédé à plusieurs reprises à des échanges avec l'ancien directeur et la directrice actuelle l'OFSP ainsi que divers responsables de l'office15, mais également avec le chef du DFI16, le secrétaire général actuel17 et l'ancien secrétaire général du département18. Elle a en outre adressé des questions écrites au DFI et à l'OFSP et a pris connaissance de divers documents internes à l'administration et d'évaluations portant sur ces éléments.

La sous-commission DFAE/DDPS de la CdG-N a cherché à déterminer si l'EMFP avait été institué conformément aux dispositions légales et, surtout, conformément aux dispositions du plan de pandémie19. À cet effet, elle a analysé les dispositions légales ainsi que les évaluations et rapports existants portant sur le rôle de l'EMFP durant la pandémie de Covid-19. De plus, elle a entendu l'ancien directeur de l'OFSP20, qui présidait l'EMFP durant la première phase de la pandémie, l'actuelle présidente de l'EMFP21, le chef d'état-major de l'EMFP22 et le coresponsable du comité de pilotage de l'élément de planification de l'EMFP23. Par ailleurs, dans le cadre d'une autre audition, elle a demandé des informations supplémentaires à la 15 16 17 18 19 20 21 22 23

Auditions du 29 juin 2020, du 17 août 2020 et du 18 mai 2021.

Auditions du 12 octobre 2020 et du 18 mai 2021.

Auditions du 12 octobre 2020 et du 18 mai 2021.

Audition du 12 octobre 2020.

Plan suisse de pandémie Influenza. Stratégies et mesures pour la préparation à une pandémie d'Influenza. 5ème édition, janvier 2018.

Audition du 17 mai 2021.

Audition du 13 avril 2021.

Audition du 13 avril 2021.

Audition du 13 avril 2021.

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cheffe du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) et au chef du DFI24.

La sous-commission DFJP/ChF de la CdG-E s'est concentrée sur le rôle et le fonctionnement de l'état-major ad hoc EMCC. Elle a analysé les bases légales pertinentes ainsi que les rapports et évaluations déjà établis au sujet du rôle de l'EMCC durant la pandémie de coronavirus. Par ailleurs, elle a auditionné la Présidente de la Confédération de 202025, le chancelier et le vice-chancelier de la Confédération26, l'ancien responsable de l'EMCC27, le secrétaire général du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC)28, la directrice suppléante de l'Office fédéral de la justice (OFJ)29 ainsi que le secrétaire général de la Conférence des gouvernements cantonaux (CdC)30.

Les CdG ont également échangé à diverses reprises avec les membres concernés du Conseil fédéral et avec le chancelier de la Confédération au sujet de l'organisation de crise de la Confédération dans le cadre de leurs séances plénières régulières31 et de leurs séances annuelles consacrées au rapport de gestion du Conseil fédéral32.

La liste détaillée des personnes auditionnées est présentée en annexe du rapport. Les CdG adressent leurs remerciements aux acteurs concernés pour leur collaboration constructive dans ce dossier, ainsi que pour les réponses détaillées et transparentes qui lui ont été apportées.

Par ailleurs, les CdG ont pris connaissance de la version intégrale des procès-verbaux des trois organes de crise concernés, pour la première phase de la pandémie33, ainsi que des décisions pertinentes du Conseil fédéral. Les informations issues de ces documents ont permis d'éclairer certains aspects concernant la chronologie des faits et le fonctionnement de l'organisation de crise.

En été 2021, les trois sous-commissions ont décidé d'élaborer un rapport commun afin de présenter une synthèse des faits à leur connaissance et de faire part des résultats de leurs clarifications et de leurs conclusions. Le projet de rapport a été soumis à consultation auprès du Conseil fédéral et des entités concernées. Lors de leur séance plénière du 17 mai 2022, les deux CdG ont examiné et approuvé la version finale du

24 25

26 27 28 29 30 31

32 33

Auditions des 10 et 11 mai 2021 (concernant le rapport de gestion du Conseil fédéral).

Audition du 15 février 2021. La Présidente de la Confédération durant la première phase de la pandémie était Mme Simonetta Sommaruga, cheffe du Département de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) (ci-après: «la Présidente de la Confédération de 2020»).

Auditions du 9 octobre 2020 et du 15 février 2021.

Audition du 15 février 2021.

Audition du 15 février 2021.

Audition du 23 août 2021.

Audition du 23 août 2021.

Notamment: auditions de la cheffe du DETEC (Présidente de la Confédération de 2020), du chef du DFI et du chef du DEFR lors des séances du 21 avril 2020 (CdG-N) et du 29 avril 2020 (CdG-E), audition du Chancelier de la Confédération lors de la séance commune de la CdG-N et de la CdG-E du 25 janvier 2021.

Séances communes de la CdG-N et de la CdG-E des 11, 12 et 18 mai 2020 et des 10, 11, 17 et 18 mai 2021.

Pour la taskforce Covid-19 de l'OFSP: du 23 janvier au 6 juillet 2020. Pour l'EMFP: du 24 janvier au 6 juillet 2020. Pour l'EMCC: du 25 mars au 18 juin 2020.

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rapport et transmis celui-ci au Conseil fédéral. Lors de cette même séance, elles ont également décidé de publier ce rapport.

Ci-après, les CdG présentent tout d'abord un résumé des principales interventions parlementaires déposées en lien avec l'organisation de crise de la Confédération (ch. 4) et une vue d'ensemble des bases légales et prescriptions pertinentes (chap. 5).

Elles présentent ensuite ­ dans trois chapitres séparés ­ leurs constatations et leur appréciation concernant le rôle et l'activité des trois principaux organes de crise.

Le chap. 6 porte sur l'organisation de crise de l'OFSP et du DFI (inclus taskforce Covid-19 de l'office), le chap. 7 sur l'EMFP et le chap. 8 sur l'EMCC. Au chap. 9, les CdG approfondissent la question de la coordination entre ces trois organes. Enfin, le chap. 10 est consacré à une appréciation globale du point de vue de la haute surveillance.

4

Interventions parlementaires déposées en lien avec l'organisation de crise de la Confédération

Les nombreuses interventions parlementaires ayant trait à l'organisation de crise de la Confédération peuvent être divisées en deux catégories. La première concerne la répartition des compétences entre le Conseil fédéral et le Parlement pendant la crise 34.

La deuxième catégorie, à laquelle se limite le présent rapport, concerne l'organisation de crise du Conseil fédéral; elle est décrite plus en détail ci-après.

Dans le cadre des interventions adoptées jusqu'ici35, le Conseil fédéral établira un rapport, en réponse au postulat 21.3449 déposé par la Commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats (CPS-E)36, sur les moyens qui permettraient de renforcer la gestion stratégique de crise de la Suisse et de former les cadres à cet effet.

La CPS-E relève, dans le développement de son postulat, que la gestion de la crise du Covid-19 a mis au jour d'importantes lacunes dans la planification et la conduite stratégiques et que le Conseil fédéral et l'administration ont réagi plus souvent qu'ils n'ont agi. Par ailleurs, le Conseil national a adopté, en juin 2021, le postulat 21.320537, chargeant le Conseil fédéral d'évaluer le rôle de l'EMFP durant la pandémie. Le gouvernement intègrera d'autres postulats dans son évaluation de la gestion de crise actuellement en cours38.

34

35 36 37 38

Les interventions parlementaires suivantes, entre autres, concernent cette thématique: iv. pa. CIP-N «Améliorer la capacité d'action du Parlement en situation de crise», déposée le 29 mai 2020 (20.437), mo. Stark «Associer davantage le Parlement aux travaux lors de futures pandémies», déposée le 1 mars 2021 (21.3033), iv. pa. Regazzi «Chambres fédérales. Faire jeu égal avec le Conseil fédéral», déposée le 18 mars 2021 (21.431).

État au 25 février 2022.

Po. CPS-E «Gestion de crise à l'échelon stratégique» du 25 mars 2021 (21.3449).

Po. Groupe libéral-radical «Rôle de l'État-major fédéral Protection de la population dans le contexte de la pandémie de Covid-19» du 17 mars 2021 (21.3205).

Exécution du po. Michel «Mettre à profit le potentiel scientifique en période de crise», déposé le 5 mai 2020, po. Binder-Keller «Groupe d'experts chargé de dresser un bilan de la pandémie de coronavirus et d'en tirer des conclusions», déposé le 5 mai 2020 (20.3297), po. Cottier «Le fédéralisme à l'épreuve des crises. Les leçons à tirer de la crise du Covid-19», déposé le 16 décembre 2020 (20.4522).

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Les interventions attribuées à la CdG-E pour examen préalable visent à créer de nouvelles structures, d'une part sous la forme d'organes qui apportent des connaissances, qui sont mandatés par le Conseil fédéral et dont celui-ci nomme les membres (motion Ettlin 21.395639) et, d'autre part, sous la forme d'une délégation du Conseil fédéral chargée de procéder à un examen préliminaire de l'opportunité pour le Conseil fédéral de qualifier la situation de particulière ou d'extraordinaire au sens de la LEp et de prendre toutes les mesures qui s'ensuivent (motion Stark 21.372240). En outre, la motion Français 21.322541 visant la création d'une plateforme permanente d'experts scientifiques qui aurait pour mission d'identifier les spécialistes les mieux placés pour former une taskforce a été attribuée à la Commission de la science, de l'éducation et de la culture du Conseil des Etats (CSEC-E).

Le postulat De Quattro42 visant la mise en place d'un centre de compétences qui permette d'anticiper les crises à venir, la motion Wettstein43 visant la création d'un centre d'alerte national sur les pandémies et la motion Burgherr44visant la création d'un étatmajor de crise interdisciplinaire pour coordonner les mesures de la Confédération n'ont pas encore été examinés par le conseil. Enfin, trois interventions ont déjà été rejetées et ainsi liquidées45.

5

Bases légales et prescriptions pertinentes pour les organes de crise fédéraux

Ci-après, les CdG décrivent les bases légales et prescriptions pertinentes pour les principaux organes de crise fédéraux liés à la pandémie de Covid-19, d'un point de vue général. Des indications plus détaillées sont ensuite apportées dans les chapitres consacrés aux différents organes (cf. chap. 6.1, 7.1 et 8.1).

L'organisation des départements et de l'administration, en temps normal comme en temps de crise, repose en premier lieu sur la loi et l'ordonnance sur l'organisation du

39 40 41 42 43 44 45

Mo. Ettlin «Conseiller correctement le Conseil fédéral en cas de crise», déposée le 18 juin 2021 (21.3956).

Mo. Stark «Rendre la structure de conduite du Conseil fédéral résiliente aux crises», déposée le 15 juin 2021 (21.3722).

Mo. Français «Post-Covid-19. Pour une plateforme permanente d'experts scientifiques», déposée le 17 mars 2021 (21.3225).

Po. De Quattro «Un centre de compétence pour gérer l'après-Covid-19», déposé le 8 juin 2020 (20.3542).

Mo. Wettstein «Création d'un centre d'alerte national sur les pandémies», déposée le 7 juin 2021 (21.3647).

Mo. Burgherr «Loi sur les épidémies. Limiter le pouvoir du Conseil fédéral», déposée le 18 mars 2021 (21.3323).

Iv. pa. Rieder «Création d'une Délégation des affaires juridiques (DélAJ)», déposée le 4 mai 2020 (20.414), po. Burkart «Paré contre tous les types de crise. Création d'un état-major de conduite opérationnel permanent à l'échelon de la Confédération», déposé le 2 juin 2020 (20.3478), mo. Wicki «Institutionnaliser l'examen critique des décisions prises par le Conseil fédéral en période de crise», déposée le 18 juin 2020 (20.3748).

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gouvernement et de l'administration (LOGA et OLOGA)46. Celles-ci définissent notamment les tâches des cheffes et chefs de département (art. 37 et suiv. LOGA), des secrétaires généraux (art. 41 et suiv. LOGA), ainsi que de la Conférence des secrétaires généraux (art. 53 LOGA). Elles règlent par ailleurs la procédure selon laquelle les projets de décisions sont soumis par les départements au Conseil fédéral et traités par celui-ci (cf. notamment art. 1 à 5 OLOGA). La LOGA prévoit en outre la possibilité de créer des conférences ou unités administratives indépendantes chargées de tâches d'état-major, de planification et de coordination (art. 55), de charger des groupes de travail de tâches interdépartementales importantes de durée limitée (art. 56) et de recourir à des consultants externes (art. 57).

Les fondements de l'organisation de crise de la Confédération sont consignés dans les instructions concernant la gestion des crises dans l'administration fédérale, dont la dernière version a été adoptée par le Conseil fédéral en juin 201947. Celles-ci règlent les principes de la gestion des crises, la collaboration et la coordination entre les étatsmajors de crise (cf. chap. 9), l'organisation et les tâches de l'état-major de crise ad hoc du Conseil fédéral (cf. chap. 8), ainsi que la formation et les exercices dans le domaine de la gestion des crises. En cas de crise, les instructions prévoient que «les départements s'entendent sur le département chargé de gérer la crise» et que «le Conseil fédéral décide ensuite» (ch. 2.2.1). Elles précisent en outre que les directives sur les affaires du Conseil fédéral s'appliquent dans toutes les situations, même d'urgence (ch. 2.4). Selon les instructions, les départements et la ChF peuvent décider d'activer leurs états-majors de crise de manière autonome (ch. 3.1.1). Les unités administratives se coordonnent afin que les titulaires de fonctions ne soient pas actifs dans plusieurs états-majors en même temps (ch. 3.1.2). Les instructions prévoient en outre que les états-majors de crise obéissent à un ordre hiérarchique: l'état-major de crise ad hoc du Conseil fédéral donne les directives politiques et stratégiques que les autres étatsmajors de crise doivent mettre en oeuvre (ch. 3.1.4). Il est également possible de mettre sur pied des états-majors de crise
interdépartementaux (ch. 3.5.1).

La loi sur les épidémies, dont la dernière version est en vigueur depuis le 1er janvier 2016, pose la base légale spécifique pour gérer une crise en lien avec une maladie transmissible. Elle définit les tâches de la Confédération et des cantons dans le domaine de la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme et détermine ainsi le périmètre de l'activité et des compétences du Conseil fédéral, du DFI et de l'OFSP aux différents stades d'une épidémie. La nouvelle loi sur les épidémies a remplacé l'ancien modèle de crise à deux échelons par un modèle à trois échelons et instauré ainsi la situation particulière entre les situations normale et extraordinaire (art. 6 LEp)48. Ce modèle à trois échelons est un des éléments essentiels de la nouvelle loi sur les épidémies. En cas de crise, il permet au Conseil fédéral d'ordonner les mesures nécessaires, en fonction des besoins, avant même que les conditions régissant l'application du droit de nécessité constitutionnel ne soient remplies, et ce, en vertu de 46

47 48

Loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA; RS 172.010), ordonnance du 25 novembre 1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (OLOGA; RS 172.010.1).

Instructions du 21 juin 2019 concernant la gestion des crises dans l'administration fédérale (FF 2019 4415).

Message du Conseil fédéral du 3 décembre 2010 concernant la révision de la loi sur les épidémies (FF 2011 291, 343 ss.).

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l'art. 6, al. 2, LEp. La coordination des mesures au sein de la Confédération étant déjà d'une grande importance dans une situation particulière, la LEp confère au DFI la tâche de coordonner les mesures pour lutter contre les maladies transmissibles (art. 6, al. 3).

Le chap. 7 de la LEp est consacré aux questions d'organisation et de procédure; il prévoit notamment l'institution d'un organe d'intervention en cas d'événement, à savoir l'EMFP (art. 55, cf. à ce propos chap. 7) et d'un organe de coordination entre Confédération et cantons49 (art. 54). La LEp règle également l'organisation et le rôle des commissions fédérales compétentes (art. 56 et 57) et les principes du traitement des données (art. 58 à 62a). Enfin, elle contient différentes dispositions relatives à l'information et l'échange d'informations (art. 9 et 10) et au rôle de surveillance et de coordination assumé par la Confédération (art. 77 et suiv.).

Le plan de pandémie Influenza50 décrit les stratégies et mesures pour la préparation du système de santé en vue d'une pandémie de grippe (Influenza) et doit servir de base à l'élaboration des plans d'intervention et des plans d'urgence au niveaux cantonal, régional et local. Ce document, dont l'édition la plus récente a été publiée en 2018, est rédigé et approuvé par l'OFSP et la Commission fédérale pour la préparation et la gestion en cas de pandémie (CFP)51; de nombreux acteurs de l'administration, des autorités cantonales et du domaine de la santé ont été associés à sa préparation52.

Le plan de pandémie détermine les tâches de la Confédération ­ en particulier de l'OFSP ­ et des cantons dans la gestion d'un tel événement. Le chap. 3.2 («Conduite, coordination et pilotage») précise les rôles respectifs de l'OFSP et d'autres entités, telles que l'EMFP, Swissmedic ou la CFP.

Le graphique suivant, issu du plan de pandémie, donne une vue d'ensemble des principales tâches (T) et compétences (C) du Conseil fédéral, de la ChF, de l'EMFP et de l'OFSP dans le cadre de la lutte contre une pandémie de grippe.

49 50 51

52

Ci-après: Organe de coordination de la loi sur les épidémies (OrC LEp).

Plan suisse de pandémie Influenza. Stratégies et mesures pour la préparation à une pandémie d'Influenza. 5ème édition, janvier 2018.

La CFP est chargée de conseiller l'administration fédérale dans la préparation à des pandémies causées par des virus de type Influenza ou d'autres virus respiratoires. Cette tâche comprend notamment la mise à jour régulière du plan national de pandémie et la participation à l'élaboration de recommandations. En cas d'événement, la CFP assume une fonction consultative en matière d'évaluation de la situation et du risque ainsi que pour le choix de stratégies et mesures permettant de faire face à une pandémie. Les membres de la CFP (au nombre de 14 actuellement) sont des experts issus des domaines de l'épidémiologie, des sciences naturelles, de la médecine, de la communication et d'autres disciplines importantes pour la préparation et la gestion en cas de pandémie.

Concrètement, les responsables du projet «Plan de pandémie» sont le responsable de la section K&I de l'OFSP ainsi que la présidente de la CFP. L'accompagnement du projet est assuré par la CFP ainsi que des représentants de l'Institut de virologie et d'immunologie (IVI), de la Base logistique de l'armée (BLA), de l'Office fédéral pour l'approvisionnement économique du pays (OFAE), de l'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) et du Service sanitaire coordonné (SSC). De nombreux consultants sont associés à la préparation du plan, dont les médecins et pharmaciens cantonaux, plusieurs offices et unités fédéraux, ainsi que divers acteurs du domaine de la santé et des cantons (pour les informations détaillées, cf. Plan de pandémie Influenza 2018, Impressum, p. 128).

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Tâches et compétences en matière de lutte contre la pandémie

Plan de pandémie 2018: extrait de l'illustration I.3.1, p. 19

6

Office fédéral de la santé publique (OFSP) et Département fédéral de l'intérieur (DFI)

Dans le présent chapitre, les CdG présentent les résultats de leur examen concernant l'organisation de crise de l'OFSP (incluant la taskforce Covid-19 de l'office) et du DFI. Le chap. 6.1 livre une vue d'ensemble des bases légales et autres prescriptions pertinentes. Au chap. 6.2, les CdG rendent compte des faits qu'elles ont collectés53. Le chap. 6.3 porte sur les évaluations et améliorations réalisées par l'administration suite à la première vague de pandémie. Pour terminer, les CdG font part de leur appréciation du point de vue de la haute surveillance parlementaire (chap. 6.4).

6.1

Bases légales et autres prescriptions

Le chef du DFI ainsi que les représentantes et représentants du département et de l'office ont souligné, face aux CdG, que l'organisation de crise pour faire face à la pandémie de Covid-19 s'était essentiellement basée sur les structures existantes.

L'organisation du DFI est fondée sur les principes généraux de la LOGA et de l'OLOGA (cf. chap. 5). Ces principes sont ensuite détaillés à l'échelon du département dans l'ordonnance sur l'organisation du Département fédéral de l'intérieur (Org DFI)54, qui précise entre autres les tâches du Secrétariat général (SG-DFI) et de l'OFSP. L'office est notamment chargé de «détecter rapidement les nouvelles menaces pour la santé et être prêt à parer efficacement aux crises à tout moment» (art. 9, 53

54

La présentation des faits se limite aux éléments pertinents concernant l'organisation de crise du DFI et de l'OFSP durant les premiers mois de la pandémie; elle n'a pas pour but de présenter une chronologie exhaustive de l'évolution de la situation sanitaire ou des activités de l'office et du département durant la crise.

Ordonnance du 28 juin 2000 sur l'organisation du Département fédéral de l'intérieur (Org DFI, RS 172.212.1).

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al. 2, let. b). De l'avis du chef du DFI, la loi a offert au département «toute la flexibilité nécessaire pour agir».

Les instructions concernant la gestion des crises dans l'administration fédérale (cf. chap. 5) prévoient que les départements activent leur état-major de crise de manière autonome, mais qu'ils doivent se coordonner entre eux (ch. 3.1). Elles précisent en outre le rôle des états-majors de crise des départements: ceux-ci assistent leur chef de département dans la gestion de la crise (ch. 3.4.1) ainsi que l'état-major de crise ad hoc du Conseil fédéral (ch. 3.4.3).

Comme indiqué au chap. 5, la loi sur les épidémies définit les tâches de la Confédération et des cantons dans le domaine de la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme et contient diverses dispositions relatives aux questions d'organisation. Elle ne contient toutefois pas de dispositions spécifiques relatives à l'organisation de l'OFSP ou du DFI en cas de crise sanitaire.

Le plan de pandémie Influenza contient notamment des indications sur le rôle de l'OFSP dans le cadre d'une pandémie de grippe (cf. chap. 5). Dans son chap. 3.2, il précise que l'office est chargé de mettre au point des stratégies et mesures, d'attribuer des mandats aux unités de soutien et de conduire la communication sur le plan technique. Toutefois, tout comme la LEp, il ne contient pas de prescriptions précises sur l'organisation de crise de l'OFSP ou du DFI. De l'avis du chef du DFI, le plan de pandémie a néanmoins constitué un guide sur lequel le département a pu s'appuyer «pour organiser la transformation et les travaux nécessaires».

L'organisation de crise interne de l'OFSP repose sur le Manuel de gestion de crise de l'office55. Ce document, dont la dernière version a été approuvée par la direction de l'OFSP en avril 2018, détaille les processus à appliquer en période de crise ainsi que l'organisation et les activités de l'état-major de crise de l'office, institué lorsqu'il revient à l'OFSP de gérer une telle situation. Le manuel décrit notamment les différents types de crise auxquels l'office peut être confronté, les phases d'une crise et les mesures à prendre pour chacune d'entre elles ainsi que la position de l'office au sein de l'organisation de crise fédérale. Il détaille également les modalités de l'entrée en état de crise56.
Selon le manuel, l'état-major de crise de l'OFSP est placé sous la direction d'un «responsable de l'état-major de crise», dont les tâches et responsabilités sont consignées dans un document, et qui bénéficie du soutien d'un «chef d'état-major», chargé de coordonner les travaux. L'état-major de crise est ensuite structuré en plusieurs groupes de travail (GT) chargés de tâches spécifiques57. Le manuel souligne l'importance de définir clairement les tâches et compétences de l'état-major, de régler la question des suppléances et d'assurer le fonctionnement ordinaire des services qui ne sont pas directement concernés par la crise. Les modalités de l'engagement de l'état-major dans la gestion de la crise ainsi que la phase de sortie de crise sont présentées de manière sommaire. Le manuel contient également deux brefs chapitres relatifs à la 55 56 57

Office fédéral de la santé publique: Manuel de gestion de crise OFSP, 27 avril 2018.

A cet effet, le manuel prévoit une séance d'entrée en état de crise, en précisant la liste des décisions à prendre et des personnes devant y participer.

Par exemple: international, stratégie, mesures, surveillance, etc. Le manuel présente un organigramme détaillé de l'état-major de crise.

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collaboration avec le SG-DFI et l'EMFP. Par ailleurs, divers modèles et check-lists figurent en annexe du document.

Sur la base des documents-cadres établis par l'OFSP (plan de pandémie, cf. ci-dessus) et la ChF (concept de communication en cas de crise58), le SG-DFI a adopté, le 12 mars 2020, un plan de pandémie opérationnel59. Ce document interne décrit les principales mesures organisationnelles, préventives et sanitaires à prendre pour réduire la propagation d'une maladie parmi les collaboratrices et collaborateurs, maintenir l'infrastructure opérationnelle et assurer les tâches principales du SG-DFI durant environ trois mois avec ­ dans le pire des cas ­ 60 % du personnel. Il règle la répartition des responsabilités de conduite et de décision au sein du secrétariat général et prévoit l'établissement d'un «team de pandémie» composé d'une douzaine de personnes représentant les différents domaines-clés (ressources, processus centraux, communication, logistique, etc.). Le plan présente par ailleurs les principales mesures d'hygiène à mettre en oeuvre en cas de pandémie, les principes de la communication interne et décrit les processus centraux devant être assurés en cas de pandémie. Le DFI a indiqué que ce plan avait ensuite été utilisé comme modèle par certains offices du département60.

Face aux CdG, les représentants du DFI ont estimé que les enseignements tirés des exercices réalisés par la Confédération au cours des années précédentes avaient eu une influence positive sur l'organisation de crise. Une situation de pandémie avait été simulée dans le cadre de l'exercice du Réseau national de sécurité 2014 (ERNS 14)61.

En 2017, l'Exercice de conduite stratégique de la Confédération (ECS 17) avait débouché sur une dizaine de recommandations, portant notamment sur l'organisation de crise des départements et offices62. Selon les affirmations du DFI et de l'OFSP, les résultats de ces exercices ont été intégrés dans le Plan de pandémie et le manuel de gestion de crise de l'office63. Face aux CdG, le chef du DFI a néanmoins fait valoir qu'un exercice ne pouvait jamais être comparé avec une véritable pandémie.

58 59 60

61 62 63

Communication de crise, coordination de la communication politique par la Chancellerie fédérale, concept et boîte à outils de la ChF de février 2020.

Betrieblicher Pandemieplan (Betriebssicherheit Pandemie) für das Generalsekretariat EDI du 12 mars 2020 (uniquement en allemand).

Le DFI a précisé que les plus gros offices du département disposaient de leur propre plan de pandémie. Une évaluation interne réalisée à l'automne 2020 (cf. chap. 6.3) a montré que 6 des 10 unités administratives du département disposaient de leur propre plan de pandémie et que 7 d'entre elles avaient pu se baser sur une structure d'organisation de crise préexistante.

Organisation de projet ERNS 14: Rapport final ERNS 14, mai 2015.

Conseil fédéral: Rapport d'évaluation Exercice de conduite stratégique 2017 (ECS 17), 9 mai 2018.

La ChF a en outre signalé aux CdG que les recommandations issues de l'ECS 17 avaient été intégrées dans la révision des instructions du Conseil fédéral concernant la gestion des crises dans l'administration fédérale, qui a été achevée en 2019.

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6.2

Organisation et rôle du DFI et de l'OFSP durant la première vague de pandémie (janvier à juin 2020)

Ci-après, les CdG présentent les faits qu'elles ont collectés concernant l'organisation de crise du DFI et de l'OFSP durant la première vague de pandémie64 et le rôle du département et de l'office dans la gestion de crise de la Confédération. L'organisation et le rôle des organes externes liés à l'OFSP, tels que la CFP ou la Commission fédérale pour les vaccinations (CFV), ne sont pas approfondis dans ce cadre. Dans le même sens, les CdG n'évaluent pas dans le présent rapport les mesures sanitaires prises par le DFI et l'OFSP ­ respectivement soumises par le département et l'office au Conseil fédéral ­ durant la crise. Les informations scientifiques sur lesquelles l'OFSP s'est basé pour la gestion de la pandémie ainsi que les aspects relatifs à la communication de crise font quant à elles l'objet d'examens séparés65.

6.2.1

Entrée en crise

Apparition du virus, premières mesures organisationnelles Dès le tournant de l'année 2019/2020, des premières informations circulent dans les médias concernant l'existence d'un cluster de maladies pulmonaires d'origine inconnue en Chine. Selon le chef du DFI, l'OFSP a suivi la situation depuis fin décembre 2019 et lui-même en a eu connaissance au début du mois de janvier. Le 5 janvier 2020, l'office reçoit la première information officielle à ce sujet, par le biais du système de signalement de l'Organisation mondiale de la santé (OMS)66.

Au sein de l'OFSP, c'est la division Maladies transmissibles (MT), rattachée à l'unité de direction Santé publique, qui est chargée de la prévention et de la gestion d'événements de ce type. Selon l'office, la situation concernant le nouveau coronavirus est abordée pour la première fois au sein de la section Gestion de crise et collaboration internationale (K&I) de la division MT au cours de la semaine du 13 janvier 2020.

Le sujet n'est pas thématisé par le Conseil fédéral lors de sa première séance de l'année, le 15 janvier 2020; selon le chef du DFI, cela s'explique par le fait que cette question n'était alors «pas encore pertinente pour la politique nationale»67.

Le 21 janvier, une première discussion interne a lieu au sein de la division MT de l'OFSP au sujet du nouveau virus. Le 22 janvier, l'office prend une première série de mesures (demande d'accès au système d'alerte précoce de l'Union européenne [UE], adaptation d'ordonnances, préparation de mesures sanitaires complémentaires).

L'office décide également de convoquer l'EMFP (information des membres, dans un 64

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Par «première vague de pandémie», les CdG entendent la période allant des premières mentions du Covid-19 au sein de l'administration fédérale (début janvier 2020) à la fin de la période de «situation extraordinaire» au sens de LEp (19 juin 2020).

Les CdG ont mandaté en janvier 2021 une évaluation auprès du CPA concernant les bases d'information scientifiques de l'OFSP. La sous-commission DJPF/ChF de la CdG-E approfondit de son côté divers aspects relatifs à la communication de crise.

L'OMS en avait préalablement été informé par la Chine le 31 décembre 2019.

Le sujet sera abordé lors de la deuxième séance du Conseil fédéral, le 29 janvier 2020 (cf. plus bas).

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premier temps sans demande d'institution68), d'entamer une coordination avec le DDPS et le SSC69, d'organiser une conférence téléphonique avec les médecins cantonaux et une rencontre avec le secrétaire général de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS) et de mettre en place une taskforce. Il informe le SG-DFI de l'état des informations disponibles et des prochaines mesures. Toujours le 22 janvier, le chef du DFI aborde le sujet avec le directeur général de l'OMS dans le cadre du Forum économique de Davos.

Les CdG se sont interrogées sur les raisons pour lesquelles plus de deux semaines s'étaient écoulées entre l'annonce officielle de l'OMS (5 janvier) et la première discussion interne concernant le Covid-19 au sein de la division MT (21 janvier). Le DFI a fait valoir que les informations sur les événements en Chine étaient, à ce momentlà, extrêmement rares et diffuses. Pour le département, au cours de cette phase, il s'agissait en premier lieu de rassembler toutes les informations pertinentes, et ce n'est que sur cette base que des discussions de fond ont pu être menées et que la situation a pu être évaluée. Il a souligné que la division MT s'employait quotidiennement à utiliser toutes les plateformes d'information disponibles pour identifier les risques sanitaires, que cette surveillance suivait une procédure définie et qu'elle disposait également d'un service de permanence.

Dans sa prise de position relative au présent rapport, l'ancien responsable de la division MT a réfuté fermement toute lacune durant cette période. Il a fait valoir que la division avait suivi la situation de manière quotidienne et très étroite, mais que les informations internationales étaient alors très difficiles à évaluer. Il a souligné que l'OMS elle-même, fin janvier 2020, présentait encore une analyse contradictoire de la situation, que l'avertissement officiel de l'OMS avait été émis le 30 janvier et qu'il avait fallu attendre le 11 mars pour que la pandémie soit déclarée. Le fait que la division MT soit passée en mode de crise avant même que le premier cas soit déclaré en Europe (le 25 janvier), montre selon lui que la situation n'a pas été sous-estimée et que l'office n'a pas manqué son entrée en crise.

Lancement des travaux de la taskforce Covid-19 La première séance de la taskforce
Covid-19 de l'OFSP (ci-après: «taskforce») se tient le 23 janvier 2020, sous la direction du responsable de la section K&I, en présence d'une vingtaine de collaboratrices et collaborateurs des divisions MT et Communication de l'office. Selon l'OFSP, cette réunion constitue la «séance marquant l'entrée en crise», conformément au Manuel de gestion de crise de l'office (cf. chap. 6.1). Lors de cette séance, les principales fonctions de l'organisation de crise sont attribuées. Le responsable de la division MT et le responsable de la section K&I sont nommés «coresponsables de l'état-major de crise». Les fonctions de «chef d'état-major» et de «responsable de la communication» sont également assignées. Un organigramme est

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La première réunion informelle de l'EMFP se tient le 24 janvier 2020, cf. chap. 7.

La tâche du SSC, rattaché au DDPS, est celle de coordonner le déploiement et l'exploitation des ressources appropriées en personnel, en matériel et en équipement des autorités civiles et militaires responsables de la planification, de la préparation et de la mise en oeuvre des mesures sanitaires. Il gère notamment les chiffres des capacités hospitalières de 150 hôpitaux de soins aigus au moyen du système d'information et d'intervention (SII).

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établi et remis à toutes les personnes concernées70. Il est décidé que les séances se tiendront trois fois par semaine. Dès la première séance, une présentation de la situation («Lagebericht») figure à l'ordre du jour, ainsi qu'une liste des tâches en suspens («Pendenzenliste») et des mesures à prendre («Sofortmassnahmen»).

Selon les informations de l'OFSP, lors des deux séances suivantes (27 et 29 janvier), les personnes chargées d'assurer l'interface avec le SG-DFI sont désignées, la question des ressources internes et externes est abordée et les directives relatives à l'attribution des compétences sont données71. Les questions de la planification de l'abandon de tâches ainsi que de l'organisation de la communication sont aussi abordées à plusieurs reprises durant ces premières séances. Par ailleurs, des contacts sont établis au niveau des GT avec d'autres services de la Confédération, en particulier au niveau du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), et les médecins cantonaux.

Face à la commission, les représentants du DFI ont jugé positivement la mise en place de l'organisation de crise de l'OFSP basée sur le Manuel de gestion de crise. De l'avis de l'ancien secrétaire général, celle-ci a pu être clarifiée très rapidement et le système de GT prévu a bien fonctionné. L'examen des CdG montre néanmoins que certains points concernant la détermination des responsabilités et l'attribution des suppléances au sein de la taskforce n'ont pas été réglés de manière suffisamment claire au début de la crise, ce qui a eu une influence défavorable sur la gestion du personnel de l'office durant la première vague de pandémie (cf. chap. 6.2.4 et 6.3).

Diverses critiques ont été exprimées sur le fait que les autorités fédérales auraient trop tardé, au début de l'année 2020, avant de prendre de premières mesures sanitaires.

Face aux CdG, le chef du DFI a fait valoir que l'une des plus grandes difficultés sur le plan politique, à l'époque, avait été d'accepter que l'on faisait face à une crise de grande ampleur et qu'il était indispensable de passer en mode de gestion de crise. Il a souligné qu'à fin janvier, personne ne pouvait encore s'imaginer qu'il serait nécessaire de prendre des mesures aussi radicales que celles qui ont été décidées par la suite.

De son point de vue, au vu des informations
disponibles à l'époque, il aurait été difficile d'agir autrement. De son côté, la Présidente de la Confédération de 2020 a indiqué que la crise avait longtemps été perçue comme «éloignée» et qu'il n'était pas possible d'appréhender une telle crise avec précision dès le début.

Evolution de l'organisation entre fin janvier et fin mars 2020 Le 28 janvier 2020, l'OFSP transmet au chef du DFI une première note d'information relative à l'apparition du nouveau coronavirus en Chine. Celle-ci présente une évaluation de la situation actuelle et détaille les mesures prises et prévues, en soulignant que la situation évolue très rapidement72. Le même jour se tient une séance entre le 70 71 72

Dans un premier temps, la taskforce est constituée de six GT (cf. chap. 6.2.2).

Selon les informations du DFI, ces directives ont été données sous forme orale uniquement.

Dans cette note, l'OFSP indique que 4500 personnes sont contaminées en Chine et 106 personnes sont décédées des suites du virus. Des cas sont confirmés dans 17 pays en-dehors de la Chine, dont en France et en Allemagne. Le risque d'une importation des cas en Europe est jugé «modéré à élevé». L'OFSP part du principe que des cas sont aussi à attendre en Suisse. La note d'information présente les mesures déjà prises par l'OFSP ainsi que les mesures prévues. Face aux CdG le chef du DFI a souligné qu'à ce momentlà, le virus était encore «très loin» et que les informations à son sujet étaient incertaines.

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chef du DFI, le directeur de l'office73 et la cheffe de l'unité de direction Santé publique.

Toujours le 28 janvier 2020, le DFI transmet la note d'information de l'OFSP au Conseil fédéral74, qui tient le lendemain sa deuxième séance de l'année75. Le 30 janvier, l'OMS déclare que la flambée de cas de Covid-19 en Asie constitue une urgence de santé publique de portée internationale76.

Entre fin janvier et mi-février, les activités de la taskforce sont progressivement renforcées. Au vu de l'évolution rapide de l'épidémie, la structure de gestion de crise, initialement composée essentiellement de collaborateurs de la division MT, est complétée, tout d'abord par d'autres employés de l'office, puis par des personnes issues d'autres unités du DFI et des collaborateurs externes engagés à titre temporaire (cf. chap. 6.2.4).

A l'échelon du SG-DFI, la gestion de la crise durant les mois de janvier et février se fait essentiellement dans le cadre des structures existantes. Une page spéciale sur le thème du coronavirus est créée le 31 janvier 2020 sur l'Intranet du secrétariat général.

Les premières adaptations substantielles à l'organisation du SG sont apportées dès le début du mois de mars (cf. ci-dessous), puis lors de la création de l'EMCC (cf.

chap. 8). Le DFI a indiqué aux CdG que, pour faire face à la charge de travail accrue liée à la gestion de la crise, une claire priorisation interne des dossiers avait tout d'abord été nécessaire et que les besoins de soutien en matière de personnel avaient été, autant que possible, pris en charge à l'interne.

A partir du 3 février 2020, l'OFSP transmet un rapport de situation quotidien sur le Covid-19 au DFI. Dans une nouvelle note d'information transmise au Conseil fédéral le 11 février 202077, le DFI informe que la taskforce est désormais active 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 et que des contacts réguliers sont assurés avec le centre de gestion de crise du DFAE et les médecins cantonaux. Un point de presse hebdomadaire est mis en place et trois hotlines sont activées par l'office. Une troisième note

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Le terme «(ancien) directeur de l'office» ou «directeur de l'époque» est utilisé, dans le présent rapport, pour désigner Pascal Strupler, qui a dirigé l'OFSP jusqu'à la fin du mois de septembre 2020. Anne Lévy, qui lui a succédé à partir du 1er octobre, est désignée ci-après comme «nouvelle directrice» ou «directrice actuelle».

La Présidente de la Confédération de 2020 a indiqué aux CdG qu'elle n'avait pas souvenir que cette note ait fait l'objet d'une discussion particulière au sein du collège. Habituellement, les notes d'information ne font pas l'objet d'une discussion au sein du Conseil fédéral, à moins que celle-ci ne soit demandée.

La séance du Conseil fédéral du 22 janvier 2020 n'a pas eu lieu en raison du Forum économique de Davos.

Public health emergency of international concern (PHEIC).

Dans cette note, le DFI informe à nouveau de l'évolution de l'épidémie en Asie et en Europe et des mesures déjà prises et prévues par l'OFSP. Le risque d'une importation des cas en Europe est jugé élevé tandis que le risque de contaminations durables en Europe est jugé faible. Le DFI fait mention de défis à venir concernant les recommandations aux voyageurs, la tenue de grands événements et l'approvisionnement en masques.

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d'information sur l'évolution de l'épidémie est transmise au Conseil fédéral le 18 février 202078.

Jusqu'à la fin du mois de février, les travaux des autorités fédérales se focalisent en premier lieu sur les aspects sanitaires de la crise. A la connaissance des CdG, les conséquences économiques de l'épidémie, par exemple, ne sont pas encore abordées et le Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR) et le Département fédéral des finances (DFF) ne sont pas impliqués dans la gestion de crise fédérale79.

Face à la dégradation soudaine de la situation en Italie, les activités de la taskforce s'intensifient dès le 24 février 2020. A partir de cette date, il est décidé de renforcer les échanges entre l'office et le département. Le SG-DFI (généralement par l'entremise du secrétaire général) ainsi que l'EMFP et le SSC participent désormais à toutes les séances de la taskforce. Le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) et le DFAE participent à la séance du 24 février. Le 25 février, un premier cas positif est recensé en Suisse. Dès le 26 février, un briefing relatif au coronavirus est organisé deux fois par semaine avec le chef du DFI. Selon ce dernier, c'est également à partir de ce moment-là que le département commence à développer des propositions concrètes concernant l'organisation de crise du Conseil fédéral.

Lors d'une séance extraordinaire le 28 février 2020, le Conseil fédéral décide de l'interdiction des grandes manifestations80 et constate la situation particulière au sens de l'art. 6 LEp81. Lors de cette séance, il prend acte du fait que l'EMFP est opérationnel

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Dans cette note, le DFI informe à nouveau de l'évolution de l'épidémie en Asie et en Europe et des mesures déjà prises et prévues par l'OFSP. En Europe, l'Allemagne est le pays comptant le plus grand nombre de cas (12), et un premier décès a été recensé en France. En Suisse, 260 cas suspects ont été analysés, mais aucun ne s'est avéré positif.

Le DFI continue à considérer que le risque d'une importation des cas en Europe est jugé élevé tandis que le risque de contaminations durables en Europe est encore jugé faible.

Le DFI estime qu'il faut s'attendre à de premiers cas en Suisse dans les prochains temps, mais considère qu'une propagation incontrôlée du virus en Suisse est peu probable à court terme. Face à la CdG-E, le chef du DFI a indiqué qu'à ce moment-là, «sur le plan européen, la situation semblait très calme» et que des incertitudes régnaient sur les informations en provenance de Chine.

Néanmoins, à partir de début février 2020, des contacts ont lieu entre l'OFSP et le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) concernant des questions liées au droit du travail, et avec l'OFAE concernant des questions d'approvisionnement économique. La «taskforce économique» de la Confédération est, quant à elle, mise en place le 13 mars 2020 sous la direction du SECO.

Le Conseil fédéral adopte à cette occasion la première version de l'ordonnance Covid-19: Ordonnance du 28 février 2020 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (COVID-19) (RS 818.101.24).

Dans sa proposition au Conseil fédéral, le DFI indique que la flambée de Covid-19 n'est pas sous contrôle et que, selon le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), le risque d'apparition de clusters similaires à celui observé en Italie du Nord est modéré à élevé. Le DFI précise qu'il s'attend à ce que des cas supplémentaires soient confirmés en Suisse prochainement et qu'une propagation incontrôlée ne peut pas être exclue. Il informe le Conseil fédéral des mesures prises jusqu'ici au niveau des cantons et de la Confédération et des principaux défis identifiés. Le département présente également les considérations légales relatives à l'introduction de la «situation particulière» au sens de la LEp, soumet la proposition d'interdiction de grandes manifestations et évoque différentes mesures alternatives ou complémentaires pouvant être prises.

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et charge le DFI de recommander aux cantons d'instituer leur état-major de crise. Aucune autre décision spécifique n'est prise concernant l'organisation de crise fédérale.

Les CdG n'ont pas trouvé d'informations montrant que le DFI, au cours des premières semaines de la pandémie, aurait été formellement désigné «département chargé de gérer la crise» par le Conseil fédéral, comme prévu par les instructions concernant la gestion des crises (cf. chap. 6.1); ce rôle semble s'être imposé de facto durant les premières semaines de la pandémie, dans la mesure où les aspects de gestion sanitaire de la crise figuraient alors au premier plan82. En vertu de l'art. 6, al. 3, de la LEp, il revient au DFI de coordonner les mesures de la Confédération en période de situation particulière (cf. chap. 4).

Après s'être réuni à trois reprises de manière informelle entre fin janvier et fin février, l'EMFP entre officiellement en fonction lors de sa séance du 2 mars 2020, sous la conduite du directeur de l'OFSP (cf. chap. 7).

Le 6 mars, le Conseil fédéral émet une série de recommandations pour le monde du travail (portant notamment sur le travail à domicile et les voyages de service). Suite à cette décision, le SG-DFI décide d'appliquer à l'interne les mesures du Plan de pandémie départemental83, d'introduire le travail à domicile ainsi qu'une priorisation des dossiers. De l'avis de l'ancien secrétaire général, le fonctionnement du département a pu être assuré sans discontinuer, malgré ces changements. L'évaluation interne menée ultérieurement par le DFI montre que les unités du département ont, globalement, été en mesure d'accomplir les tâches qui leur revenaient, même si toutes ne disposaient pas d'une organisation de crise préétablie (cf. chap. 6.3).

Le 11 mars 2020, l'OMS qualifie l'épidémie de Covid-19 de «pandémie». Le 13 mars, le Conseil fédéral décide d'une nouvelle série de mesures sanitaires84. Le 16 mars, il déclare la situation extraordinaire au sens de l'art. 7 LEp et prend diverses mesures supplémentaires85.

Le 19 mars, le DFI propose au Conseil fédéral de créer comité de pilotage interdépartemental subordonné au DFI pour gérer les aspects sanitaires de la crise du Covid-19; sur cette base, le Conseil fédéral décide, le 20 mars, de créer l'EMCC en tant qu'étatmajor ad hoc (cf. chap. 8). Les affaires
du Conseil fédéral sont soumises à une nouvelle planification, selon des critères fixés par la CSG lors de sa séance du 23 mars.

Fin mars 2020, le responsable de la division MT prend congé de sa fonction. Son retrait était prévu de longue date, en vue de son départ à la retraite. Son successeur,

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Dans la proposition du DFI relative à l'institution de l'EMCC, soumise au Conseil fédéral le 20 mars 2020, il est mentionné que la gestion de crise est placée sous l'égide du DFI pour des raisons de politique sanitaire (en allemand: «Die Federführung für die Bewältigung der Krise liegt gesundheitspolitisch begründet beim EDI.»), cf. également chap. 9 et 10.

Celui-ci est formellement adopté le 12 mars 2020 (cf. chap. 6.1).

Notamment: interdiction des manifestations de plus de 100 personnes, limitation à 50 personnes pour les restaurants, les bars et les discothèques et arrêt de l'enseignement en présentiel dans les écoles.

Notamment: fermeture des restaurants et bars, des magasins, des établissements de divertissement et de loisirs et engagement de l'armée pour appuyer les cantons.

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désigné préalablement à la pandémie, entre en activité dès le lendemain86. En raison de la situation extraordinaire, l'ancien responsable accepte néanmoins de continuer à assumer des tâches de conseil et de communication publique au sein de l'office, en qualité de «délégué de l'OFSP au Covid-19», jusqu'à la fin du mois de mai. Egalement le 1er avril, le secrétaire général du DFI, dont le départ était prévu fin avril, quitte ses fonctions pour prendre la conduite de l'EMCC, sur décision du Conseil fédéral.

Son successeur ­ déjà nommé fin janvier ­ entre en fonction le même jour, avec un mois d'avance sur la date prévue (cf. chap. 6.2.6).

6.2.2

Activités de la taskforce Covid-19

Tâches et organisation de la taskforce La taskforce Covid-19 de l'OFSP constitue, depuis son lancement fin janvier 2020 (cf. chap. 6.2.1), l'état-major spécialisé de la Confédération chargé de la gestion des aspects sanitaires de la pandémie. A ce titre, elle assume une série très large de tâches, correspondant aux compétences de l'OFSP définies dans la LEp. Ces tâches incluent notamment le suivi de la situation épidémiologique en Suisse et à l'étranger, l'analyse des connaissances scientifiques disponibles, l'élaboration des mesures sanitaires et des bases légales correspondantes, le soutien au DFI et au Conseil fédéral pour la prise de décision concernant la gestion de la pandémie, la coordination avec les acteurs du domaine de la santé, les cantons et les autorités sanitaires internationales, l'application des mesures sanitaires décidées et le suivi de leur mise en oeuvre, ou encore la communication publique (concernant la répartition des responsabilités décisionnelles au sein de l'OFSP et du DFI, cf. chap. 6.2.4).

Conformément au Manuel de gestion de crise de l'OFSP, la taskforce est constituée de GT, chacun consacré à une thématique spécifique, au sein desquels les travaux de gestion de crise sont menés. Lors de son institution, la taskforce compte six GT87; leur nombre augmente toutefois rapidement, en fonction de l'évolution de la crise et des nouvelles tâches assignées à l'office, jusqu'à atteindre 19 en juin 202088. Le nombre de collaborateurs assignés à la taskforce progresse également rapidement; il s'élève à 128 en juin 2020 (cf. chap. 6.2.4).

La taskforce est placée sous l'autorité du directeur de l'office. Elle est dirigée par un «responsable de l'état-major de crise»89, nommé lors de l'entrée en crise (cf.

chap. 6.2.1). Dans un premier temps, cette fonction est assumée conjointement par le responsable de la division MT et le responsable de la section K&I. Suite au départ à la retraite du responsable de la division MT, la co-direction de la taskforce est reprise dès avril 2020 par son successeur (cf. chap. 6.2.6). Face aux CdG, l'OFSP a également

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Nouveau responsable de la division MT de l'OFSP, communiqué de presse de l'OFSP du 31 mars 2020.

Communication, stratégie, droit, international, systèmes d'annonce, mesures.

Cf. organigramme détaillé, annexe 1.

Le DFI a indiqué aux CdG que la fonction de responsable de l'état-major de crise ainsi que les tâches, compétences et responsabilités (TCR) correspondantes étaient détaillées dans les cahiers des charges de la division MT.

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fait mention à quelques reprises de la «direction de la taskforce», regroupant les responsables de l'état-major de crise et le directeur de l'office (cf. chap. 6.2.5). Enfin, le DFI a précisé qu'à partir de mars 2020, le secrétaire général du DFI ainsi que le chef d'état-major de l'EMFP et le délégué au SSC avaient également assumé des positions de conduite au sein de la taskforce.

Durant la première vague de la pandémie, les séances de la taskforce se tiennent trois fois par semaine, dans les locaux de l'OFSP. Entre 20 et 40 personnes y prennent part, essentiellement issues de l'office. A partir de fin février 2020, quelques représentants d'autres unités administratives participent également aux réunions (cf. ci-après). A partir du 18 mars 2020, il est décidé que chaque GT sera représenté par une seule personne aux séances de la taskforce. Dès début avril, certains participants assistent à la séance par téléphone90. Un procès-verbal est réalisé pour chaque séance.

Au cours des premières semaines de la crise, les séances de la taskforce sont conduites principalement par le responsable de la section K&I ou, à quelques reprises, par le «chef d'état-major» ou le directeur de l'office. A partir d'avril 2020, la conduite est assumée alternativement par le responsable de la section K&I et le nouveau responsable de la division MT, entré en fonction le 1er avril (cf. chap. 6.2.6).

Répartition des responsabilités Les CdG ont examiné comment les responsabilités de gestion de crise avaient été réparties au sein de l'OFSP au début de la pandémie. Elles ont interrogé à ce sujet les responsables de l'office et pris connaissance des résultats d'une analyse externe de l'organisation de crise, réalisée sur mandat de l'OFSP à l'été 202091 (cf. chap. 6.3).

Les CdG constatent que, durant la première vague, il n'existait pas de séparation claire entre l'organisation de crise et la structure hiérarchique habituelle de l'office. L'OFSP a reconnu que les tâches s'étaient largement chevauchées, quelques personnes faisant même partie des deux organisations à la fois92. L'office a indiqué qu'il avait appliqué à la taskforce les cahiers des charges existants dans l'unité de direction Santé publique; les CdG n'ont pas connaissance de cahiers des charges spécifiques qui auraient été établis pour les responsables de
l'organisation de crise. Par ailleurs, l'attribution des compétences a été définie de manière orale lors des premières séances de la taskforce. Face aux CdG, le responsable de la section K&I a indiqué que la redéfinition des responsabilités et compétences au sein de la taskforce s'était déroulée sous la forme d'un processus continu, dans le but de soulager les collaborateurs assumant plusieurs fonctions et d'augmenter l'efficacité. La directrice actuelle de l'OFSP a reconnu que, rétrospectivement, l'office aurait dû mieux regrouper les différentes tâches et davantage exploiter les possibilités informatiques afin de bénéficier d'une meilleure vue d'ensemble. L'ancien responsable de la division MT, quant à lui, a contesté la

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Il n'est pas fait mention de vidéoconférence dans les procès-verbaux de cette période.

Organisations- und Prozessanalyse sowie Klärung des Optimierungspotentials der COVID-19-Krisenorganisation auf Stufe Abteilung Übertragbare Krankheiten (MT).

Document interne du 16 octobre 2020 à l'intention de l'OFSP, rédigé par le bureau Dynamic Organizational Consulting (DOC) (non publié). Ci-après: «Evaluation du Bureau DOC».

Cf. également à ce propos évaluation du Bureau DOC, chap. 1, p. 7.

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critique du manque de séparation claire entre l'organisation de crise et la structure hiérarchique ordinaire93.

Les CdG ont en outre constaté que les suppléances n'étaient pas réglées de manière claire au sein de l'organisation de crise durant la première vague; l'OFSP indique que leur réglementation a «évolué au fur et à mesure que des personnes supplémentaires ont pu être recrutées».

Enfin, à la connaissance des CdG, il n'existait pas de documents définissant le périmètre thématique, les tâches et les compétences des GT. L'analyse externe réalisée sur mandat de l'OFSP met en évidence des problèmes dans la répartition et la structuration des tâches, ayant mené à des redondances au sein des GT et entre ceux-ci94.

De manière générale, l'analyse arrive à la conclusion que les processus et structures de l'organisation de crise de l'office étaient «peu clairs dès le début»95.

Ces différentes faiblesses ont eu une influence défavorable sur la gestion du personnel de l'office durant la première vague de pandémie (cf. chap. 6.2.4).

Nouvelle structure à partir de juin 2020 Suite au retour à la «situation particulière» au sens de la LEp et à la dissolution de l'EMCC en juin 2020, la structure de la taskforce Covid-19 de l'OFSP a été repensée.

Par la suite, en octobre 2020, de nouvelles mesures organisationnelles ont été prises afin de réduire la charge du personnel (pour les détails, cf. chap. 6.3).

6.2.3

Collaboration avec les autres acteurs

Les CdG se sont également penchées sur les interactions entre la taskforce de l'OFSP et les autres acteurs concernés par la gestion de crise (internes ou externes à l'administration). Au vu des innombrables échanges entretenus par l'OFSP durant la crise, les CdG ont renoncé à établir une vue d'ensemble exhaustive des interactions ayant eu lieu ou à collecter l'appréciation de tous les acteurs concernés sur ce point. Elles se contentent de faire part de constatations de portée générale, sur la base des informations à leur disposition.

Les CdG ont constaté que la collaboration entre la taskforce de l'OFSP et les autres acteurs avait essentiellement eu lieu à trois niveaux: ­

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La majeure partie des interfaces se sont déroulés à l'échelon des groupes de travail, en fonction des thèmes abordés. On peut citer par exemple la coordination avec le DFAE pour les aspects relatifs aux questions internationales, avec la ChF et l'OFJ pour la clarification des questions juridiques liées aux Selon lui, le nombre de spécialistes disposant d'une formation solide et d'expérience dans le domaine spécialisé de la santé publique est très petit, et pas uniquement en Suisse. De son avis, si l'on part du principe que la conduite en période de crise doit être assumée par les mêmes personnes qui sont également responsables en temps normal, il est inévitable que certains de ces spécialistes soient chargés de positions de conduite de manière ciblée [durant la crise].

Evaluation du Bureau DOC, chap. 1, p. 8, ainsi que chap. 4.3.2.9, 4.3.2.10 et 4.3.2.14.

Evaluation du Bureau DOC, chap. 4.3.1, p. 16.

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mesures sanitaires, avec la ChF pour les questions de communication, avec la CDS et l'Association des médecins cantonaux de Suisse (AMCS) pour la mise en oeuvre des mesures sanitaires dans les cantons, ou encore avec les associations faîtières de l'économie pour l'élaboration des concepts de protection.

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Pour quelques unités administratives fédérales, la coordination a été assurée par une représentation directe aux séances de la taskforce. Cela a été le cas pour le SG-DFI, le SSC et l'EMFP, présents aux séances sans interruption à partir de fin février 2020, mais également pour la Pharmacie de l'armée, l'Office fédéral de la protection de la population (OFPP) et le SECO, représentés au sein de la taskforce à partir de fin avril / début mai 2020. Pour l'OFSP, l'intégration de ces acteurs dans les séances avait pour but de garantir un flux d'information rapide et simple.

­

Enfin, les collaborateurs de la taskforce ont également représenté l'OFSP au sein de différents autres organes fédéraux de gestion de crise ou lors de rencontres avec d'autres acteurs; en plus de l'EMFP (cf. chap. 7) et de l'EMCC (cf. chap. 8), on peut citer divers GT interdépartementaux (p. ex. concernant les mesures aux frontières ou l'approvisionnement en biens médicaux), la cellule de communication de crise établie avec la ChF, les nombreuses rencontres avec les autorités cantonales et les partenaires sociaux ou économiques, ou encore les échanges au niveau international.

Dans l'ensemble, face aux CdG, l'OFSP a tiré un bilan plutôt positif de la coordination avec les autres acteurs durant la première vague de pandémie. L'office a cité à titre d'exemple sa coopération avec le SSC, la Pharmacie de l'armée, l'OFAE et le SECO.

Les CdG relèvent que de bons échanges d'information ont pu être assurés entre l'OFSP, l'EMFP et l'EMCC, notamment grâce à la participation croisée de représentants de ces organes à leurs séances mutuelles (cf. chap. 9). Divers partenaires externes ont également tiré un bilan positif de leur coopération avec l'OFSP96. L'AMCS a salué la tenue de conférences téléphoniques hebdomadaires avec l'office. Dans l'ensemble, la collaboration semble avoir bien fonctionné en particulier dans les cas où les interlocuteurs respectifs étaient clairement identifiés, ou lorsqu'une collaboration était déjà établie avant la crise.

A contrario, les CdG ont aussi pris note d'avis nettement plus critiques concernant la collaboration de l'OFSP avec les interlocuteurs externes durant les premiers mois de la pandémie. Certaines informations collectées laissent penser que la structure de la taskforce n'était pas claire pour les partenaires externes et qu'il était parfois difficile pour ces derniers d'identifier quelles étaient les personnes de contact au sein de l'OFSP, respectivement comment les responsabilités y étaient organisées. Cela a eu pour conséquence que certains offices fédéraux ne se sont pas sentis suffisamment intégrés dans la préparation des décisions de gestion de crise. Certains acteurs estiment que l'OFSP a essentiellement considéré les interlocuteurs externes comme des «livreurs d'informations» plutôt que comme de véritables partenaires. Ces éléments ressortent notamment de l'analyse externe de l'organisation de crise réalisée sur mandat de l'OFSP à l'été 2020, de l'évaluation interne menée par le DFI, ainsi que de

96

Evaluation du Bureau DOC, chap. 1, p. 7.

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l'évaluation de la ChF (cf. chap. 6.3)97. Le manque de clarté des structures fédérales a également été souligné par la CdC dans ses rapports d'évaluation de la crise parus en décembre 202098 et en avril 202299. Diverses critiques ont également été émises concernant l'intégration insuffisante des experts issus du monde scientifique dans les travaux de l'office durant les premières semaines de la pandémie; cet aspect fait néanmoins l'objet d'un examen séparé et n'est pas approfondi ici.

6.2.4

Gestion du personnel

La crise du Covid-19 a constitué un défi majeur pour l'OFSP en matière de gestion du personnel, confrontant l'office à une charge de travail sans précédent et le plaçant au centre de l'attention publique et politique. Les CdG se sont informées à plusieurs reprises auprès du DFI et de l'OFSP sur les mesures prises en la matière et les enseignements tirés de la première vague.

En janvier 2020, la division MT disposait d'un total de 45,8 postes en équivalent plein temps (EPT), répartis sur 59 collaboratrices et collaborateurs. Face à l'ampleur de la crise et au nombre croissant de tâches assignées à l'OFSP, la dotation en personnel de la taskforce de l'office a été rapidement renforcée, tout d'abord par des personnes issues d'autres divisions100, puis d'autres unités du DFI et d'autres départements, qui ont indirectement ou ponctuellement assumé des tâches pour la taskforce. L'OFSP a également fait appel à des renforts externes101 et a revu ses priorités internes en matière de tâches, en suspendant un certain nombre de projets jugés non prioritaires.

En mai 2020, la taskforce comptait environ 80 collaboratrices et collaborateurs; fin juin 2020, leur nombre s'élevait à 128. Afin de faire face aux charges de fonctionnement supplémentaires de l'office, un crédit additionnel a été intégré dans le supplément IIb au budget 2020 de la Confédération, adopté par le Parlement en décembre 2020102.

Les personnes interrogées par les CdG ont fait état des conditions de travail particulièrement difficiles auxquelles ont été soumis les collaboratrices et collaborateurs de l'OFSP durant la première vague, avec un rythme de travail très soutenu, leur impo-

97

Rapport concernant l'évaluation de la gestion de crise pendant la pandémie de COVID-19 (1ère phase / février-août 2020), rapport de la ChF du 11 décembre 2020, p. 23. Cette évaluation mentionne par exemple que les besoins de certaines associations du domaine de la santé n'ont pas été suffisamment pris en compte.

98 COVID-19: gestion de la crise durant la première vague, le point de vue des cantons, rapport intermédiaire de la CdC du 18 décembre 2020.

99 Collaboration Confédération-cantons durant l'épidémie de COVID-19: conclusions et recommandations, rapport final de la CdC du 29 avril 2022.

100 Incluant également le relèvement du taux d'activité de certains employés.

101 Jusqu'en juin 2020, l'OFSP a engagé 33 personnes employées à titre temporaire.

En août 2020, il s'agissait d'environ 40 personnes employées à titre temporaire ainsi que de 25 personnes externes soumises à un contrat de service.

102 Message du 12 août 2020 concernant le supplément IIb au budget 2020 (FF 2020 6889).

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sant de travailler la nuit et le weekend durant plusieurs mois, ainsi qu'une forte pression publique et politique103. En août 2020, le solde d'heures supplémentaires de l'office s'élevait à 20'000104. Selon l'ancien directeur de l'OFSP, au plus fort de la crise, un quart des effectifs de l'office105 était entièrement absorbé par la gestion de crise, et deux tiers des employées et employés étaient concernés par celle-ci de manière directe ou indirecte.

Les représentants du DFI et de l'OFSP ont souligné le grand engagement des collaboratrices et collaborateurs et leur disposition à faire face au quotidien à des thématiques et problématiques inédites. Le chef du DFI a salué la «manière très pragmatique avec laquelle les choses se sont mises en place au sein de l'administration», en soulignant que le fait d'avoir pu se baser sur des structures et collaborations existantes avait constitué un avantage, dans un contexte caractérisé par beaucoup d'inconnues. Selon l'ancien secrétaire général du DFI, les réallocations de personnel au sein de l'administration se sont déroulées avec succès, l'OFSP ayant pu rapidement bénéficier de l'apport de personnes issues d'autres unités administratives. Il a indiqué que le DFI s'était permis de signifier aux offices qui lui sont rattachés, au début de la crise, que la gestion de la pandémie était prioritaire et que les ressources nécessaires seraient mises à disposition, quitte à procéder à des priorisations internes pour d'autres projets. Il a salué la grande disponibilité à aider qu'il avait constatée au sein de l'administration. Les représentants du DFI et de l'OFSP ont toutefois aussi reconnu avoir sous-estimé, au début de la pandémie, l'ampleur et la durée que celle-ci pourrait avoir. Durant cette première phase, personne n'imaginait que la crise allait s'étendre sur plus de deux ans.

De l'avis du département, avec le recul, on peut dire qu'il s'agissait d'une erreur d'appréciation, mais que celle-ci est toutefois compréhensible au vu de l'état des connaissances et de la perspective à ce moment-là. Il n'était pas possible d'évaluer la situation autrement.

A l'été 2020, l'OFSP a mandaté un bureau externe afin de procéder à une analyse de son organisation de crise durant les premiers mois de la pandémie106 (cf. chap. 6.3).

Cette analyse interne107 contient diverses
conclusions pertinentes concernant la gestion du personnel. Au chapitre des points positifs, elle confirme l'important engagement des collaboratrices et collaborateurs de l'OFSP et l'existence d'un fort esprit

103

104

105 106

107

A ce propos, le chef du DFI a notamment mentionné le nombre élevé de documents rédigés pour le Conseil fédéral en vue de la prise de décisions, les interventions parlementaires auxquelles le DFI a dû apporter des réponses (nombre multiplié par trois ou quatre) ainsi que les courriers reçus de l'extérieur (selon les périodes, jusqu'à 100 fois plus qu'à l'accoutumée).

Ce chiffre n'inclut pas les personnes bénéficiant d'un temps de travail basé sur la confiance. En août 2020, le plus haut solde individuel d'heures supplémentaires était de 650 heures.

En temps normal, l'OFSP totalise environ 560 EPT.

Organisations- und Prozessanalyse sowie Klärung des Optimierungspotentials der COVID-19-Krisenorganisation auf Stufe Abteilung Übertragbare Krankheiten (MT). Document interne du 16 octobre 2020 à l'intention de l'OFSP, rédigé par le bureau Dynamic Organizational Consulting (DOC) (non publié). Ci-après: «Evaluation du Bureau DOC».

Il s'agissait d'une évaluation interne; cette analyse n'avait pas pour intention de rendre des comptes à l'externe de l'office. L'ancien responsable de la division MT a indiqué aux CdG qu'il n'avait pas été interrogé dans le cadre de l'analyse, qu'il n'avait jamais vu le rapport concerné ni pu prendre position sur les critiques formulées dans celui-ci.

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d'équipe au sein de l'office. Il en ressort également que l'organisation de crise, dans son ensemble, a fonctionné de manière flexible et non bureaucratique108.

Toutefois, cette analyse met également en lumière plusieurs manquements au sein de l'organisation de crise, qui ont eu un impact négatif sur la gestion du personnel de l'office. L'absence de distinction claire entre l'organisation de crise et la structure hiérarchique habituelle de l'office au début de la pandémie (cf. chap. 6.2.2) a débouché sur un manque de clarté dans la conduite109. Dans le même sens, le fait que la répartition des tâches et responsabilités n'ait pas été réglée de manière suffisamment précise a eu pour conséquence que l'ensemble des collaborateurs ­ y compris les responsables ­ ont été extrêmement sollicités par la gestion quotidienne de la pandémie110. Il s'est ensuivi que les cadres de l'office (et en particulier ceux de la division MT) n'ont pas disposé du temps et du recul nécessaire pour traiter de manière adéquate certaines questions importantes de conduite, en particulier en matière de gestion du personnel111, avec des conséquences négatives. Le rapport cite par exemple un manque de reconnaissance du travail effectué, l'absence de règles concernant les moments de récupération ou la compensation des heures supplémentaires, l'absence de suppléances aux différentes tâches, l'absence d'entretiens personnels, le manque de présence des responsables ou encore des insuffisances au niveau de planification de la renonciation des tâches112. Ces manquements ont contribué à fragiliser le personnel, dans un contexte de crise prolongée. Le rapport identifie également divers manquements au niveau de la communication interne de l'office113.

L'analyse mandatée par l'office contient plusieurs recommandations d'amélioration114. Face aux CdG, la directrice actuelle de l'OFSP a présenté les mesures prises entre juin et novembre 2020 sur cette base (cf. chap. 6.3).

Enfin, les CdG relèvent que le retour à la «situation particulière», à l'été 2020, a également constitué un défi sur le plan de la gestion du personnel. Une grande partie des dossiers politiques de l'OFSP qui avaient été suspendus durant les premiers mois de la pandémie ont repris leur cours, accentuant encore la pression sur le personnel de l'office. Une partie des
collaboratrices et collaborateurs de la taskforce ont été réassignés à leur fonction d'origine, tandis que la charge des personnes demeurant au sein de l'organisation de crise n'a pas diminué. L'analyse externe mandatée par l'OFSP arrive à la conclusion que cette transition n'a pas été suffisamment anticipée et que les mesures prises ont suscité de l'incompréhension au sein du personnel115. Durant cette période, les absences pour cause de maladie se sont multipliées au sein de l'OFSP116, confrontant l'office au défi d'assurer le maintien des compétences spécialisées requises.

108 109 110 111 112 113 114 115 116

Evaluation du Bureau DOC, chap. 4.3.4, p. 27­29 et chap. 4.3.2.15.

Evaluation du Bureau DOC, chap. 4.3.4, p. 29­31.

Evaluation du Bureau DOC, chap. 1, p. 7.

A ce propos, les CdG relèvent que les questions relatives à la gestion du personnel apparaissent rarement dans les procès-verbaux de la taskforce de l'OFSP.

Evaluation du Bureau DOC, chap. 4.3.4.

Evaluation du Bureau DOC, chap. 1, p. 7.

Evaluation du Bureau DOC, chap. 7.

Evaluation du Bureau DOC, chap. 1, p. 7 et chap. 4.3.3.

Selon la directrice actuelle de l'OFSP, ces absences ont particulièrement touché les Divisions MT, Transformation numérique, Communication et Biomédecine.

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6.2.5

Responsabilités décisionnelles, collaboration entre l'OFSP et le DFI

Responsabilités décisionnelles au sein de l'OFSP Selon les informations de l'OFSP, les notes d'information et les projets de décision à l'intention du DFI et du Conseil fédéral, les recommandations officielles de l'OFSP ainsi que les grandes orientations stratégiques concernant la gestion de la pandémie ont été élaborés par les GT de la taskforce, avant d'être approuvés par la «direction de la taskforce», composée des responsables de l'état-major de crise et du directeur de l'office.

A la lecture des procès-verbaux, les CdG constatent que les séances de la taskforce de l'OFSP ont essentiellement eu une fonction de coordination, de distribution de tâches et de mise en commun d'informations et étaient avant tout focalisées sur les aspects opérationnels de la gestion de crise. Les réunions semblent avoir été peu consacrées à la prise de décision ou à la détermination des aspects stratégiques de la gestion de crise. Ces éléments ont été assumés par les responsables de l'état-major de crise et le directeur de l'office, en collaboration avec le DFI (cf. plus bas).

Le directeur de l'OFSP a joué un rôle important dans l'organisation de crise au cours des premiers mois de la pandémie. En plus de participer régulièrement aux séances de la taskforce et d'approuver, avec les responsables de l'état-major de crise, les propositions soumises au DFI, il a participé aux réunions de coordination avec le département, conduit les séances de l'EMFP et représenté l'office aux séances de l'EMCC.

Les informations collectées par les CdG soulèvent certaines questions relatives à la prise de décision au sein de l'office durant la première vague:

117

­

L'analyse externe menée à l'été 2020 sur mandat de l'OFSP indique que, dans les premières semaines de la crise, la division MT aurait agi de façon autonome et n'aurait pas toujours respecté le chemin formel de soumission des propositions au Conseil fédéral par le biais de l'état-major de direction, ce qui a eu pour conséquence un manque de cohésion dans la conduite de l'office vis-à-vis du Conseil fédéral117.

­

La place jouée par la direction de l'OFSP au sens large dans la gestion de crise demeure peu claire. Selon les informations du DFI, les réunions de la direction ont eu lieu durant la première vague selon le rythme hebdomadaire habituel et des questions concernant la pandémie ont été traitées à chaque séance. Les décisions et propositions stratégiques relatives au Covid-19 ont la plupart du temps été directement coordonnées entre les responsables de la taskforce, le directeur de l'office et le DFI et soumises au chef du département pour décision. Lorsque les décisions, pour des raisons de temps, ne pouvaient pas être discutées au sein de la direction de l'office, cette dernière était informée a Evaluation du Bureau DOC, chap. 1, p. 6. Dans le cadre de la consultation relative au présent rapport, l'ancien responsable de la division MT a contesté les critiques émises dans le cadre de l'analyse externe mandatée par l'OFSP et déploré qu'il n'ait pas été associé à celle-ci, alors qu'il avait participé de manière significative à la prise de décisions importantes de l'office au début de la pandémie.

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posteriori par le directeur ou le responsable de la taskforce. L'analyse externe menée à l'été 2020 sur mandat de l'OFSP arrive à la conclusion que le rôle de la direction dans la conduite de la taskforce devrait être clarifié118.

­

Enfin, les CdG se sont interrogées sur le rôle du «MT Board»119 durant les premières semaines de la crise. Cet organe, institué en 2010, est une plateforme d'échange spécialisée ayant pour but d'assurer la coordination et la priorisation des activités au sein de la division MT de l'OFSP et de discuter des tâches, programmes, concepts et mesures dans le domaine de la lutte contre les maladies transmissibles, tant sur le plan du contenu que de l'organisation et des processus120. L'OFSP et le DFI ont indiqué aux CdG que les réunions du «MT Board» avaient été utilisées au début de la pandémie ­ au même titre que d'autres réunions d'experts de l'office organisées pour l'occasion ­ pour mener les premières discussions spécialisées autour du Covid-19.

Par la suite, la dénomination «MT Board» a été remplacée, au sein de la taskforce, par le terme générique de «discussions spécialisées». Le DFI a précisé que le «MT Board», respectivement les réunions de discussions spécialisées, n'avaient jamais eu de compétence décisionnelle et que ces plateformes servaient uniquement à la clarification de questions spécialisées et à l'élaboration de bases de décision121.

Collaboration entre l'OFSP et le DFI Tant l'OFSP que le DFI ont souligné que le SG-DFI avait été en contact étroit avec l'office durant toute la crise et associé de près à la préparation des bases de décision.

La directrice actuelle de l'office a indiqué que les deux unités échangeaient quotidiennement à travers diverses plateformes et réunions122. Dès le début de la pandémie, des points de situation réguliers ont été transmis par l'office au département (cf.

chap. 6.2.1). Le SG-DFI a participé aux séances de la taskforce dès fin février 2020.

Il a régulièrement fait part à cette dernière de ses remarques, sur la base de ses échanges avec les autres départements et services fédéraux ainsi qu'avec les milieux économiques, politiques et de la société civile. L'OFSP souligne en outre que les grandes orientations stratégiques de la gestion de crise ont été définies en étroite collaboration avec le SG-DFI et le chef du département. Ce dernier indique s'être 118 119 120

Evaluation du Bureau DOC, chap. 1, p. 6.

Signifie, en anglais, «Conseil de la division maladies transmissibles».

Le «MT Board» réunit les responsables de toutes les sections de la division MT, auxquels viennent s'ajouter, si nécessaire, des collaborateurs scientifiques de la division.

121 Selon les précisions du DFI, les réunions du «MT Board» ainsi que les autres réunions de discussions spécialisées ont eu lieu parallèlement aux séances de la taskforce. Les contenus et responsabilités concernant ces réunions étaient définis lors des séances de la taskforce et leurs résultats intégrés dans les travaux de la taskforce. Les dates des réunions étaient communiquées à l'ensemble des membres de la taskforce et la participation décidée selon l'appréciation des personnes concernées ou de leurs supérieurs. La documentation des résultats de ces réunions était confiée aux personnes responsables sur le plan du contenu. Ces réunions spécialisées n'ont pas fait l'objet de procès-verbaux. Le DFI a précisé que de telles discussions spécialisées se poursuivaient actuellement selon les mêmes modalités, jusqu'à trois fois par semaine.

122 La directrice actuelle de l'OFSP a notamment évoqué des réunions entre la direction et le chef du département («Amtssitzungen»), ainsi que des réunions à l'échelon de l'étatmajor («Stabsitzungen»).

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personnellement beaucoup impliqué dans la finalisation des propositions soumises au Conseil fédéral.

Dans l'ensemble, tant l'OFSP que le DFI tirent un bilan positif de la coopération entre l'office et le département durant la crise. Face aux CdG, la directrice actuelle a évoqué une collaboration basée sur la confiance, ouverte et proactive; elle arrive à la conclusion que l'approche informelle et peu compliquée qui a été appliquée a fait ses preuves. Elle a également souligné que cette bonne collaboration s'était poursuivie après la première phase de la crise.

Le chef du DFI, de son côté, a souligné l'importance de bénéficier, au sein de l'administration, de personnes ayant une longue expérience et permettant d'assurer la coordination entre les organes de gestion de crise, comme cela fut le cas de l'ancien secrétaire général du département, largement impliqué dans la coordination avec l'OFSP et qui a ensuite repris la conduite de l'EMCC.

L'analyse externe mandatée par l'OFSP à l'été 2020 formule néanmoins certaines critiques concernant les interfaces entre l'office et le département. Elle fait notamment état d'interventions directes du Conseil fédéral dans l'organisation de crise de la division MT, qui auraient rendu la conduite au sein de l'office difficile123. Elle laisse aussi entendre que la direction de l'office aurait dû mieux protéger la division MT face à certaines demandes à court terme formulées par le département124.

6.2.6

Changements aux postes-clés

Durant les premiers mois de la pandémie, l'OFSP et le DFI ont dû faire face aux départs de trois collaborateurs-clés de l'organisation de crise, à savoir le secrétaire général du DFI et le responsable de la division MT (fin mars 2020), ainsi que le directeur de l'OFSP (fin septembre 2020). Ces changements ­ qui étaient tous trois prévus depuis plusieurs mois ­ ont suscité diverses interrogations publiques et politiques. Dans ce contexte et au vu de l'importance de ces événements pour la continuité de la gestion de crise, les CdG ont décidé d'approfondir ceux-ci avec le DFI et l'OFSP125. Elles présentent leur appréciation à ce sujet au chap. 6.4.

Secrétaire général du DFI L'ancien secrétaire général du DFI, Lukas Bruhin, avait annoncé en septembre 2019 sa décision de quitter son poste à fin février 2020, après huit années de fonction126. Il était prévu qu'il reprenne, à partir du 1er mai 2020, la présidence du conseil d'institut de Swissmedic127. Fin janvier 2020, le Conseil fédéral avait nommé son successeur 123 124 125

Evaluation du Bureau DOC, chap. 1, p. 6.

Evaluation du Bureau DOC, chap. 5.2, p. 37.

Les CdG n'ont pas procédé à un échange direct avec les anciens responsables de la division MT (Daniel Koch et Stefan Kuster) sur ce thème. Le présent rapport leur a toutefois été transmis pour consultation et prise de position avant sa finalisation.

126 Le secrétaire général Lukas Bruhin quitte le Département de l'intérieur, communiqué de presse du DFI du 27 septembre 2019.

127 Lukas Bruhin nommé à la présidence du conseil de Swissmedic, communiqué de presse du Conseil fédéral du 13 décembre 2019.

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en la personne de Lukas Gresch-Brunner; son entrée en fonction était prévue pour le 1er mai128. Dans le contexte de la pandémie, M. Bruhin a prolongé son engagement au DFI au-delà de fin février. Le 25 mars 2020, le Conseil fédéral l'a nommé chef de l'EMCC à partir du 1er avril et jusqu'au 31 août au plus tard et a reporté son entrée en fonction chez Swissmedic au 1er septembre. En parallèle, il a décidé d'avancer l'engagement de M. Gresch-Brunner au 1er avril 2020, avec l'accord de ce dernier. Les CdG ont eu l'occasion d'échanger avec le nouveau secrétaire général à de nombreuses reprises depuis lors.

Responsable de la division MT de l'OFSP L'ancien responsable de la division MT, Daniel Koch, a atteint l'âge légal de la retraite au printemps 2020129; son départ était donc également prévu de longue date. Ce changement a représenté un défi pour l'OFSP, dans la mesure où M. Koch a représenté l'une des principales voix publiques de l'office durant les premières semaines de la pandémie, en sa fonction de principal responsable spécialisé. Son successeur, Stefan Kuster, nommé avant la déclaration de la pandémie, est entré en fonction le 1er avril.

En raison de la situation extraordinaire, M. Koch a néanmoins accepté de continuer à oeuvrer en qualité de «délégué de l'OFSP au Covid-19» au plus tard jusqu'à fin juin.

Les CdG se sont informées plus en détail concernant les modalités de cette transition.

L'OFSP a indiqué que la prolongation de l'engagement de M. Koch avait pour but d'assurer la transmission des connaissances qu'il avait accumulées au cours de sa longue expérience au service de l'office et d'assurer la sécurité opérationnelle et la continuité de la lutte contre la pandémie. La prolongation et le changement de sa fonction ont été réglés dans un contrat de travail à durée déterminée. Selon les précisions de l'office, les tâches de «délégué au Covid-19» ont été discutées lors d'un entretien avec la direction, «en étroite collaboration avec le chef de département». Elles n'ont toutefois pas été consignées par écrit, «en raison de la vitesse à laquelle les tâches évoluaient du fait de la crise et de la brièveté de l'engagement».

En termes de responsabilités, l'OFSP a indiqué aux CdG que M. Koch avait cessé dès le 31 mars 2020 d'exercer toute fonction disciplinaire, organisationnelle ou
stratégique au sein de la division MT et qu'il avait assumé essentiellement des tâches de communication externe. Sur le plan organisationnel, l'office a précisé que M. Koch avait cessé de participer à toute réunion de la division ou d'un échelon supérieur, et uniquement pris part à des séances d'échange d'informations avec les employés de l'OFSP et aux séances ordinaires de la taskforce, afin de bénéficier des informations utiles pour sa fonction de délégué et assurer la communication.

Stefan Kuster a assumé la conduite de la division MT dès le 1er avril 2020 et a rapidement assumé la coresponsabilité de la taskforce. L'office souligne qu'à «aucun moment, il n'y a eu de flou concernant la direction de la division et la délimitation des tâches entre Daniel Koch et Stefan Kuster».

Face aux CdG, le chef du DFI a souligné que la communication était une charge considérable pour l'office à cette période, qu'il était «tout naturel de demander à M. Koch 128

Lukas Gresch-Brunner, nouveau secrétaire général du DFI, communiqué de presse du DFI du 29 janvier 2020.

129 Plus précisément, Daniel Koch a atteint l'âge légal de la retraite le 30 avril 2020.

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s'il pouvait continuer deux mois en ses fonctions pour que son expertise puisse accompagner l'arrivée de M. Kuster» et que «la répartition du travail [avait] permis à ce dernier de véritablement prendre la responsabilité de la [division MT]», ce qui avait beaucoup aidé. Dans l'ensemble, tant le DFI que l'OFSP tirent un bilan positif de cette transition.

Suite à son départ de l'OFSP fin mai 2020130, M. Koch a continué de jouir d'une importante présence publique; dans ce cadre, il lui est également arrivé de prendre position dans les médias concernant certains aspects de la gestion de la pandémie.

Interrogé par les CdG, le chef du DFI a estimé que cette situation ne posait pas de problème particulier, dans la mesure où M. Koch n'avait pas critiqué les décisions du Conseil fédéral. Il a indiqué qu'un tel cas ne justifiait pas, à ses yeux, de procéder à des changements dans la gestion du personnel (p. ex. introduction d'une clause encadrant la prise de parole publique pour les anciens cadres de la Confédération suite à leur départ).

Directeur de l'OFSP En octobre 2019, le directeur de l'OFSP, Pascal Strupler, a fait part de sa décision de quitter sa fonction à fin septembre 2020131. Le 3 avril 2020, le Conseil fédéral a annoncé qu'il avait nommé Anne Lévy, directrice des Cliniques psychiatriques universitaires de Bâle et ancienne directrice du service de protection de la santé du canton de Bâle-Ville, pour lui succéder à partir de début octobre 2020132.

La nouvelle directrice a été associée aux travaux de l'office à partir du 17 août 2020 déjà et a participé durant six semaines en tant qu'invitée à l'ensemble des réunions relatives à la gestion de crise, afin de se préparer à son entrée en fonction. Les CdG ont procédé depuis lors à plusieurs échanges avec la nouvelle directrice; elle les a notamment informées des adaptations qu'elle avait apportées au sein de l'organisation de l'OFSP (cf. chap. 6.3).

Nouveau responsable de la division MT de l'OFSP Fin septembre 2020, après six mois d'engagement, Stefan Kuster a demandé à être déchargé de sa fonction de responsable de la division MT et à pouvoir se limiter à une activité d'expert au sein de l'office. Même si cet élément dépasse le cadre temporel de la première phase de la pandémie, les CdG l'ont abordé avec les responsables du DFI et de l'OFSP
dans le cadre de leurs travaux, afin de comprendre les raisons expliquant cette décision et la manière dont l'office a fait face à cette situation. Stefan Kuster a également pris position à ce sujet dans le cadre de la consultation sur le présent rapport.

130

La prolongation de contrat de M. Koch était limitée à trois mois et pouvait être résiliée pour la fin de chaque mois. M. Koch a indiqué aux CdG qu'il avait activé cette clause pour la fin du mois de mai 2020, sans préciser les raisons de cette décision.

131 Pascal Strupler quitte l'Office fédéral de la santé publique, communiqué de presse du DFI du 23 octobre 2019.

132 Anne Lévy nommée directrice de l'Office fédéral de la santé publique, communiqué de presse du Conseil fédéral du 3 avril 2020.

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Selon la prise de position de Stefan Kuster, son départ est lié au fait que la fonction qui lui a été assignée durant la pandémie n'avait rien à voir avec la fonction de conduite de la division MT pour laquelle il avait postulé en 2019, en termes de contenu, d'organisation et de présence médiatique, et que celle-ci n'était pas compatible avec cette fonction de conduite. Il a précisé que charge de travail en soi n'était pas la raison de son départ. Le DFI a salué la qualité du travail de M. Kuster en sa qualité de responsable de la division MT, qualifié d'excellent.

Les tâches assumées jusque-là par M. Kuster ont été réparties entre différentes personnes: la conduite opérationnelle de la taskforce a été reprise ad interim par la nouvelle directrice de l'office durant quelques semaines, avant d'être confiée à une nouvelle responsable exclusivement assignée à cette tâche dès novembre 2020 (cf.

chap. 6.3). Les aspects de communication publique ont essentiellement été assumés par le responsable de la section K&I. Les dossiers de la division MT ne présentant pas de lien avec le Covid-19 ont quant à eux été pris en charge par la responsable de l'unité de direction Santé publique. Il faut relever que le poste de responsable de la division MT n'a pas été immédiatement repourvu; la nouvelle directrice de l'OFSP a indiqué en mai 2021 qu'elle souhaitait procéder à la mise au concours une fois la pandémie terminée. Le chef du DFI a appuyé cette décision, considérant qu'il n'était «ni réaliste ni nécessaire de lancer ce processus en pleine gestion de crise». Le poste de responsable de la division MT a finalement été mis au concours en septembre 2021.

Conclusions du DFI Face aux CdG, le chef du DFI a souligné que la gestion de ces différents changements de responsables-clés en pleine phase sensible de la pandémie avait été difficile, mais qu'il estimait que cela avait fonctionné, en particulier grâce à la grande flexibilité dont ont fait preuve les personnes concernées, qui ont accepté de prolonger leur engagement ou de commencer celui-ci de manière prématurée. Il a souligné l'importance de bénéficier, dans ce genre de situations, d'institutions fortes, tout en précisant que «les institutions sont fortes parce que les personnes responsables sont expérimentées et très compétentes». Selon lui, cette situation n'a pas mis en évidence la nécessité de procéder à des changements dans la réglementation sur le personnel.

6.3

Evaluation par l'administration fédérale, améliorations et mesures

Adaptation de l'organisation de crise en été 2020 Le 19 juin 2020, suite à la fin de la «situation extraordinaire» au sens de la LEp et à la dissolution de l'EMCC (chap. 8), le Conseil fédéral a statué sur l'organisation de crise de la Confédération en période de «situation particulière»133. Sur cette base, diverses adaptations organisationnelles ont été mises en oeuvre au cours de l'été 2020.

133

Vorbereitung und Bewältigung eines Wiederanstiegs der Covid-19-Fälle in der Schweiz, décision du Conseil fédéral du 19 juin 2020.

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Dans sa décision du 19 juin 2020, le Conseil fédéral a désigné le DFI comme département responsable et la CSG comme organe chargé de la coordination interdépartementale. L'organisation de crise Covid-19134, regroupant la taskforce de l'OFSP et l'EMFP, a été placée sous la conduite d'un comité de pilotage constitué de représentants de tous les départements et de la ChF ainsi que de membres de la direction de l'OFSP; celui-ci a également été chargé d'assurer la coordination opérationnelle avec les différents interlocuteurs externes (autorités cantonales, économie, etc.).

Au sein de la taskforce de l'OFSP, une plus grande distinction a été opérée entre le niveau stratégique et le niveau opérationnel. L'office a également repris diverses tâches assumées jusque-là par l'EMCC, telles que la coordination avec le monde scientifique135. De manière générale, la structure de la taskforce a été allégée: le nombre de GT a été réduit à 11 et les interfaces des GT avec les interlocuteurs externes plus clairement définis. Un groupe de travail interdépartemental a également été institué pour gérer les questions relatives aux biens médicaux.

L'analyse externe de l'organisation de crise mandatée par l'OFSP (cf. ci-après) a toutefois montré que le retour à la «situation particulière» n'avait pas été suffisamment anticipé sur le plan organisationnel au sein de l'OFSP et que les mesures prises ont eu des conséquences négatives en matière de gestion du personnel (cf. chap. 6.2.4).

Evaluation de l'organisation de crise de l'OFSP et adaptations à l'automne 2020 Comme préalablement indiqué, l'OFSP a mandaté début juillet 2020 un bureau externe afin de procéder à une analyse de son organisation de crise durant les premiers mois de la pandémie136. Cette analyse, dont les conclusions ont été remises à l'office mi-octobre 2020, a mis en évidence différentes faiblesses dans l'organisation de crise de l'office (cf. chap. 6.2.2) et dans la gestion du personnel durant la première phase de la pandémie (cf. chap. 6.2.4). Le rapport final contenait une trentaine de recommandations d'amélioration.

Sur cette base, la nouvelle directrice de l'office a procédé à différentes adaptations organisationnelles dès son entrée en fonction à l'automne 2020. Selon ses indications, les responsabilités ont été réparties entre davantage d'épaules
et une séparation claire a été effectuée entre l'organisation de crise et l'organisation hiérarchique de l'office.

Les collaborateurs spécialisés ont été délestés des responsabilités de management, tandis que la conduite de la taskforce a été confiée à une personne chargée exclusivement de cette tâche137. Les rôles de la direction et des responsables de la taskforce ont été redéfinis, les processus ont été documentés et un diagramme des fonctions a été établi. Une description de poste a été établie pour toutes les personnes ayant une fonc-

134 135

Cf. organigramme détaillé, annexe 2.

La Swiss National Covid-19 Science Taskforce (TFS), auparavant subordonnée à l'EMCC, a été dès lors rattachée à la taskforce de l'OFSP. Son mandat a été actualisé en août 2020.

136 Organisations- und Prozessanalyse sowie Klärung des Optimierungspotentials der COVID-19-Krisenorganisation auf Stufe Abteilung Übertragbare Krankheiten (MT). Document interne du 16 octobre 2020 à l'intention de l'OFSP, rédigé par le bureau Dynamic Organizational Consulting (DOC) (non publié). Ci-après: «Evaluation du Bureau DOC».

137 Celle-ci est entrée en fonction en novembre 2020, tout d'abord à 50 %, puis à 100 % à partir de février 2021. Un poste de responsable suppléante a également été créé.

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tion dans l'organisation de crise et la direction des GT a été renforcée par une suppléance là où il n'y en avait pas encore. Une plateforme a également été créée pour la tenue de séances régulières entre les responsables de la taskforce et les responsables des GT. Le manque temporaire de personnel a été comblé par des ressources issues de l'office, du DFI et d'autres départements, par des engagements temporaires et par le recrutement de renforts externes. Selon la nouvelle directrice, la mise en oeuvre des recommandations issues de l'analyse a contribué de manière décisive à alléger la charge des collaboratrices et collaborateurs.

La nouvelle directrice a indiqué qu'aucun échange n'avait eu lieu entre le DFI et l'OFSP au sujet de cette analyse externe, mais que le département saluait les mesures prises par l'office. Le chef du DFI, de son côté, a confirmé aux CdG qu'il accueillait favorablement cette analyse et les mesures prises sur la base de celle-ci.

Evaluation interne du DFI A l'automne 2020, le SG-DFI a procédé à une évaluation interne de la gestion de crise à l'échelon du département, sous forme d'un sondage en ligne adressé aux unités administratives qui lui sont rattachées138. Les résultats de cette évaluation139 ont été abordés par le DFI avec les unités concernées en fin d'année 2020.

Il ressort de cette évaluation que l'ensemble des unités du DFI ont été en mesure de continuer à assumer leurs tâches durant la première phase de la pandémie et que le passage au travail à domicile a bien fonctionné, même si les unités ont été confrontées à de nombreuses questions organisationnelles durant les premières semaines. Par ailleurs, les unités tirent un bilan globalement positif de la collaboration à l'interne du DFI, même si certaines réponses laissent entendre que l'organisation de crise du département n'était pas suffisamment perceptible au début de la pandémie ou que la communication interne aurait pu être optimisée.

Le principal défi mis en lumière dans l'ensemble des unités concerne la préservation de la capacité à durer des collaboratrices et collaborateurs dans un contexte de crise prolongée. L'évaluation montre que l'on a porté trop peu d'attention à cet élément, notamment parce que la durée de la crise a été sous-estimée à ses débuts. Dans toutes les unités du DFI, la phase de
«situation extraordinaire» a occasionné une charge de travail élevée, qui s'est prolongée durant l'été pour certains offices. Certes, des ressources supplémentaires ont pu être mobilisées dans de nombreux cas, mais celles-ci n'ont pas toujours mené aux allégements souhaités, notamment parce que les suppléances n'étaient pas réglées de manière claire. La question des compensations à accorder aux personnes bénéficiant d'un horaire de travail basé sur la confiance a également été soulevée.

138

L'enquête en ligne a été menée du 25 septembre au 21 octobre 2020 auprès de toutes les unités du DFI au moyen d'un questionnaire par unité administrative contenant des questions spécifiques et des suggestions d'amélioration par thème. Les unités suivantes ont participé à l'enquête: OFSP, Office fédéral des assurances sociales (OFAS), Office fédéral de la statistique (OFS), OSAV, Office fédéral de la culture (OFC), Bibliothèque nationale, Archives fédérales suisses (AFS), Swissmedic, MétéoSuisse, Pro Helvetia, Musée national suisse.

139 Departementale Evaluation Covid, rapport du DFI du 2 novembre 2020 (non publié).

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L'évaluation montre qu'une organisation de crise a pu être mise en place dans toutes les unités administratives du DFI, mais qu'elle n'a pas toujours pu se baser sur une structure préexistante ou que les concepts à disposition ne se sont pas toujours révélés adéquats. L'ensemble des unités s'accordent sur le fait que les prescriptions relatives à l'organisation de crise devront être adaptées suite à la pandémie, au niveau des unités, du département et de la Confédération. L'évaluation a également mis en évidence l'importance de bénéficier d'un système de gestion de la continuité des affaires (Business continuity management); certaines unités disposaient d'instruments à cet effet, mais la plupart ont dû être adaptés ou repensés durant la crise. Dans l'ensemble toutefois, toutes les unités ont pu procéder aux priorisations nécessaires.

Les unités du DFI ont également exprimé diverses critiques concernant le soutien de l'Office fédéral du personnel (OFPER), jugé insuffisant. Selon elles, l'office a abordé trop tardivement les aspects de droit du personnel liés à la crise et n'était pas suffisamment présent. A contrario, elles tirent un bilan globalement positif de leur collaboration avec l'Office fédéral de l'informatique et de la télécommunication (OFIT).

Enfin, l'évaluation met en évidence certains manquements relatifs au fonctionnement de l'organisation de crise de l'OFSP déjà cités plus haut, notamment le fait que les interfaces avec l'office n'étaient pas toujours clairement déterminées, ce qui a compliqué la coordination interne. Enfin, de manière générale, il ressort que les rôles et compétences des organes de gestion de crise de la Confédération n'étaient pas réglés de manière suffisamment précise (cf. également chap. 9 et 10).

Face aux CdG, l'ancien secrétaire général du DFI a tiré un bilan globalement positif de l'organisation de crise à l'échelon du département. Il a estimé que le DFI avait été en mesure, dans l'ensemble, d'assurer son fonctionnement durant la première phase de pandémie, grâce au grand engagement du personnel et au soutien de l'OFIT, de l'Unité de pilotage informatique de la Confédération (UPIC) et du DFF. Le secrétaire général actuel a quant à lui fait valoir que cette crise était d'une ampleur incomparable à d'autres situations précédentes et qu'il était en conséquence
impossible d'être complètement préparé à celle-ci. Enfin, le chef du DFI a souligné face aux CdG la charge de travail particulièrement élevée à laquelle le département avait dû faire face. Selon lui, au début de la crise, «nous ne savions pas quelle durée aurait cette situation: nous avons essayé de garantir, avec les structures existantes et celles mises en place pour gérer la crise, la meilleure coordination sur le plan personnel». Les CdG n'ont pas connaissance de mesures spécifiques prises par le DFI à court terme, sur la base des résultats de l'évaluation interne menée par le département.

Point de situation de l'organisation de crise de l'OFSP en août 2021 Dans le cadre d'une visite à l'OFSP en août 2021, la sous-commission DFI/DETEC de la CdG-E a procédé à un point de situation avec les représentantes et représentants de l'office concernant l'organisation de crise et la situation du personnel.

La directrice actuelle a indiqué que la taskforce Covid-19 de l'OFSP comptait à l'été 2021 environ 300 collaboratrices et collaborateurs (soit environ 180 EPT), dont 165 personnes directement issues de l'office ou d'autres unités fédérales. Le personnel est complété par des collaboratrices et collaborateurs engagés à titre temporaire ainsi que des mandats de conseil externe, en particulier dans le domaine de l'informatique. La directrice actuelle a expliqué que la forte augmentation du personnel de la 43 / 136

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taskforce140 était volontaire et avait pour but de garantir aux employés un temps de récupération suffisant. Elle a souligné que cette stratégie s'était révélée payante, dans la mesure où l'office n'avait plus connu d'absences prolongées depuis l'automne 2020.

Elle a néanmoins fait remarquer que la situation en matière d'heures supplémentaires demeurait extrêmement tendue141 et qu'il serait probablement difficile de diminuer celles-ci en 2022 et 2023. En conséquence, l'office prévoit de continuer à employer du personnel temporaire à moyen terme, et également après la fin de la pandémie, afin que les collaboratrices et collaborateurs sollicités par la gestion de crise puissent compenser leurs heures supplémentaires et récupérer.

La directrice actuelle a présenté à la sous-commission les mesures de coaching et de soutien mises en place à l'intention des collaboratrices et collaborateurs de l'office.

Elle a également souligné l'importance de valoriser par un acte symbolique, à l'issue de la pandémie, l'investissement du personnel ayant contribué à la gestion de la crise, mais également de celles et ceux ayant assumé les autres tâches de l'office durant cette période. Enfin, elle a fait part de sa volonté de tirer les enseignements de la pandémie sur le plan de l'organisation interne de l'office, notamment au niveau de la numérisation, mais également de l'agilité organisationnelle, de la préservation des compétences acquises et de la répartition des responsabilités.

Toujours en août 2021, la sous-commission s'est également entretenue avec la responsable de la taskforce de l'OFSP, qui lui a présenté la structure dans sa version la plus actuelle142. Elle a souligné l'importance de disposer d'une structure flexible, capable de réagir rapidement à l'apparition de nouvelles questions liées à la pandémie, mais également de processus et de responsabilités décisionnelles clairement définis.

De son point de vue, il a été déterminant que les personnes assumant la conduite de l'organisation de crise puissent être déchargées de leurs autres responsabilités hiérarchiques au sein de l'office.

Autres évaluations réalisées ou en cours En mai 2020, le Conseil fédéral a chargé la ChF de procéder à une évaluation de la gestion de crise de la Confédération durant la pandémie de Covid-19. Le 11 décembre 2020, il a pris acte du rapport de la ChF présentant les résultats pour la première phase de la pandémie, contenant 11 recommandations143. Les CdG ont pris connaissance

140 141

En juin 2020, la taskforce comptait 128 collaborateurs.

La directrice actuelle a notamment indiqué que le nombre de cas de collaborateurs de l'OFSP ayant travaillé au-delà de 50 heures en une semaine était passé d'environ 150 en 2019 à près de 900 en 2020. Le solde horaire a augmenté de 37 % pour l'ensemble de l'office en 2020, de 63 % dans les divisions Transformation numérique et International et de 72 % au sein de l'unité de direction Santé publique.

142 Cf. organigramme détaillé, annexe 3.

143 Rapport de la Chancellerie fédérale du 11 décembre 2020 concernant l'évaluation de la gestion de crise pendant la pandémie de COVID-19 (1re phase / février - août 2020). Il s'agit d'une autoévaluation, que l'administration fédérale a fait valider par les cantons et des tiers concernés. 123 personnes ont été invitées à participer à des interviews structurées ou à répondre à un questionnaire en ligne détaillé. D'autres évaluations disponibles ont également été analysées. Aux fins de garantir une saisie des données et une première évaluation indépendantes, la ChF a mandaté un partenaire externe, Interface Politikstudien GmbH.

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des conclusions de ce rapport et procédé à ce sujet à divers échanges avec la ChF144.

En ce qui concerne l'organisation de crise, le rapport porte toutefois essentiellement sur le rôle de l'EMCC et de l'EMFP et sur la collaboration entre les différents organes fédéraux (cf. chap. 7, 8 et 9) mais pas sur les structures internes du DFI ou de l'OFSP.

Après une discussion avec le chef du DFI en juin 2020, l'OFSP a décidé de commander une vaste évaluation externe de la gestion de la crise COVID-19145. Celle-ci devait porter sur la préparation à la crise ainsi que sur l'adéquation et l'efficacité des mesures sanitaires prises pour lutter contre la propagation du coronavirus, en mettant notamment l'accent sur le résultat et l'impact de ces mesures. Au total, 11 domaines y ont été examinés146. Le rapport d'évaluation final a été publié le 26 avril 2022147. Il contient cinq recommandations, dont une portant sur l'organisation de crise de la Confédération148. L'OFSP a indiqué qu'il mettrait à profit les enseignements de cette évaluation et qu'il en tiendrait compte tant dans le plan national de pandémie que lors de la révision de la LEp149.

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L'appréciation globale de l'évaluation de la ChF ou le suivi de la mise en oeuvre de ses recommandations ne fait pas l'objet du présent rapport; ce sujet est approfondi par la CdG-E dans le cadre d'un dossier séparé.

Cette évaluation a été confiée aux bureaux Interface Politikstudien GmbH et INFRAS Forschung und Beratung, avec le soutien de différentes universités et hautes écoles.

Il s'agit premièrement de thèmes transversaux (implication des parties prenantes, stratégie de vaccination et mise en oeuvre, communication de crise auprès de la population, disponibilité et utilisation des données numériques), deuxièmement de l'analyse de stratégies de l'OFSP et leur mise en oeuvre (pesée des intérêts entre la protection des personnes vivant dans des homes, des EMS ou d'autres institutions et l'accès des proches, masques ­ disponibilité, utilisation et port obligatoire, garantir les capacités de traitement dans les hôpitaux et les cabinets, stratégie de test et de traçage des contacts) et troisièmement des conséquences indirectes de la gestion de crise de l'OFSP (conséquences des mesures sanitaires sur la société, conséquences psychiques des mesures sanitaires sur la société, conséquences économiques des mesures sanitaires).

Évaluation de la gestion de la crise COVID-19 jusqu'à l'été 2021, rapport des bureaux Interface et INFRAS du 4 février 2022 à l'intention de l'OFSP (uniquement disponible en allemand, résumé en français). Cf. également: Évaluation de la gestion de la crise du COVID-19: recommandations à l'Office fédéral de la santé publique, communiqué de presse de l'OFSP du 26 avril 2022.

Recommandation 1. Il est recommandé à l'OFSP et à la Confédération d'assurer une meilleure préparation organisationnelle en vue d'une future crise. Plus précisément, l'évaluation recommande à l'OFSP d'élaborer de nouvelles bases pour la gestion de crise, de renforcer les compétences du personnel en matière de gestion de crise et de mobiliser les ressources nécessaires pour garantir une planification prévisionnelle en cas de crise, et de s'exercer régulièrement à la gestion de crise. Par ailleurs, il est recommandé au DFI de clarifier rapidement au niveau fédéral si une crise doit être gérée à l'aide des structures ordinaires de l'administration fédérale ou s'il convient de recourir aux organes prévus dans la
législation actuelle.

Évaluation de la gestion de la crise du COVID-19: recommandations à l'Office fédéral de la santé publique, communiqué de presse de l'OFSP du 26 avril 2022. Cette évaluation ayant été publiée peu de temps avant l'adoption du présent rapport, les CdG n'ont pas procédé à une analyse détaillée de celle-ci. Elles ont toutefois constaté que l'évaluation rejoignait en grande partie leurs constats et conclusions en ce qui concerne l'organisation de crise fédérale. Dans le cadre de leurs travaux futurs dans ce dossier les CdG s'informeront sur les suites données par les autorités fédérales aux recommandations du rapport d'évaluation.

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Les CdG ont également pris connaissance des résultats d'une évaluation externe de la LEp, mandatée en 2019 par l'OFSP150. Celle-ci a été menée de mi-2019 à mi-2020 et inclut donc certaines expériences issues de la première phase de la pandémie. Elle arrive à la conclusion que, dans l'ensemble, aucune lacune grave n'est constatée dans la LEp et que son exécution a été adéquate. Le rapport tire un bilan positif de la gestion de crise basée sur la «situation particulière» et la «situation extraordinaire», mais estime qu'une analyse approfondie sera nécessaire pour montrer si et dans quelle mesure les mesures prévues ont réellement fait leurs preuves dans le cas d'une pandémie.

L'évaluation présente également diverses autres recommandations, portant notamment sur la collaboration avec les cantons et la gestion du matériel.

6.4

Appréciation par les CdG

Sur la base des faits mentionnés précédemment, les CdG font part ci-après de leur appréciation concernant l'organisation de crise de l'OFSP et du DFI.

6.4.1

Bases légales et autres prescriptions

Les informations collectées par les CdG montrent que le DFI et de l'OFSP se sont globalement reposés, pour la mise en place et l'exploitation de leur organisation de crise, sur les bases légales et les prescriptions existantes en la matière (LOGA et OLOGA, Org-DFI, instructions concernant la gestion des crises, LEp et plan de pandémie).

Les CdG n'ont identifié aucun indice montrant que les activités internes du département et de l'office durant la crise auraient été en contradiction avec ces dispositions, à quelques exceptions près151. Par contre, les CdG présentent une appréciation plus critique en ce qui concerne le respect des bases légales et des prescriptions concernant la coordination entre les organes de crise et le rôle de l'EMFP et de l'EMCC (cf.

chap. 7, 8 et 9).

Les CdG relèvent aussi que ces bases légales et prescriptions ne contenaient que très peu d'éléments portant spécifiquement sur l'organisation spécifique du DFI et de

150

Situationsanalyse «Umsetzung des Epidemiengesetzes (EpG)», rapport du bureau Bolz+Partner du 11 août 2020 (en allemand uniquement).

151 D'un côté, les CdG ont relevé quelques cas où la ligne hiérarchique habituelle n'a pas été respectée (cf. chap. 6.4.6 et 6.4.7). De l'autre, les CdG ont relevé que l'ancien directeur de l'OFSP avait assumé simultanément différentes fonctions au sein de l'organisation de crise, ce qui va à l'encontre des instructions du Conseil fédéral concernant la gestion des crises, qui recommandent d'éviter que les titulaires de fonctions soient actifs dans plusieurs états-majors en même temps (cf. chap. 6.4.7).

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l'OFSP en cas de crise152 (cf. chap. 6.1). Elles en concluent que ces documents ­ audelà de leur fonction de cadre général ­ n'ont pas été d'une grande utilité concrète pour l'organisation de crise du département et de l'office.

De manière générale, les CdG estiment qu'un examen global de l'adéquation des bases légales et des prescriptions concernant l'organisation de crise de la Confédération est indispensable suite à la pandémie, sur la base notamment des recommandations formulées par la ChF dans son rapport d'évaluation. Elles invitent le Conseil fédéral, notamment, à examiner l'adéquation de la hiérarchie des normes relatives à l'organisation de crise ainsi que la cohérence entre les bases légales et prescriptions de portée générale et les dispositions relatives aux crises spécifiques (cf. postulat 1, chap. 10).

Loi sur les épidémies et plan de pandémie: Les CdG estiment nécessaire que le Conseil fédéral examine, à la lumière de la crise du Covid-19, si la LEp et le plan de pandémie devraient être complétés avec des dispositions plus précises concernant l'organisation de crise spécifique du DFI et de l'OFSP (cf. à ce propos également chap. 6.4.2 à 6.4.8). Elles invitent le Conseil fédéral à intégrer ces aspects dans la révision en cours de la loi et du plan.

Recommandation 1: Dispositions sur l'organisation de crise du DFI et de l'OFSP dans la loi sur les épidémies et le plan de pandémie Le Conseil fédéral est invité à examiner, à la lumière de la crise du Covid-19, si la loi sur les épidémies ou le plan de pandémie devraient être complétés avec des dispositions plus précises concernant l'organisation de crise spécifique du DFI et de l'OFSP. Il est prié d'intégrer ces aspects dans la révision en cours de la loi et du plan.

LOGA et OLOGA: Face aux CdG, le DFI a fait valoir à plusieurs reprises que l'organisation de crise s'était largement basée sur les structures et processus habituels de l'administration fédérale, prévus dans la LOGA et l'OLOGA. De l'avis des CdG, cette approche est compréhensible, même si elle soulève diverses questions (cf. chap. 10).

Les CdG attendent du Conseil fédéral qu'il procède, à l'issue de la crise, à une analyse globale des bases légales et des prescriptions relatives à l'organisation de crise fédérale (cf. postulat 1, chap. 10).

Instructions concernant la
gestion des crises: les CdG font part de leurs conclusions à ce sujet au chap. 10. De manière générale, les CdG estiment nécessaire que le Conseil fédéral examine, dans son bilan de l'organisation de crise fédérale, dans quelle

152

Ainsi, le plan de pandémie précise les tâches de l'OFSP en cas d'événement, mais ne contient aucune information sur l'organisation de l'office ou sur les interfaces entre l'office et d'autres acteurs. Dans le même sens, le chap. 7 de la LEp, consacré aux aspects d'organisation et de procédure, ne contient aucun article relatif à l'OFSP. Les instructions du Conseil fédéral concernant la gestion des crises, quant à elles, se limitent à fixer certains principes généraux mais ne spécifient pas la manière dont l'organisation de crise doit être concrètement structurée à l'interne des départements ou des unités administratives.

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mesure ces instructions doivent être révisées au regard des enseignements de la pandémie et si des modifications doivent être apportées à la hiérarchisation des normes pertinentes (cf. postulat 1, chap. 10).

Plan de pandémie opérationnel du DFI: Les CdG saluent le fait que le DFI ait établi, dès le mois de mars 2020, un plan de pandémie départemental visant à protéger les collaboratrices et collaborateurs du département et à assurer le maintien des tâches essentielles. Ce document a vraisemblablement contribué à ce que le DFI et ses offices soient en mesure, malgré la pandémie, de continuer à assumer leur fonction. Elles partent du principe que le département examinera, à l'issue de la pandémie, quelles adaptations doivent être apportées à ce document, au regard des enseignements de la crise. Par ailleurs, elles jugent essentiel que l'ensemble des départements disposent d'un tel document actualisé en vue de crises futures; elles prient le Conseil fédéral de s'en assurer.

Recommandation 2: Plans de pandémie départementaux Le Conseil fédéral est invité à s'assurer que l'ensemble des départements disposent d'un plan de pandémie opérationnel actualisé en vue de crises futures.

Manuel de gestion de crise de l'OFSP: Les CdG saluent le fait que l'OFSP disposait d'un manuel de gestion de crise, ayant été actualisé pour la dernière fois en 2018.

Néanmoins, elles relèvent que certains chapitres de ce document ­ notamment ceux consacrés aux interfaces avec les autres acteurs ­ étaient trop sommaires et que le manuel a rapidement montré ses limites dans le contexte de la pandémie. Ainsi, le document était essentiellement focalisé sur la période de l'entrée en crise et beaucoup moins sur les étapes suivantes et n'évoquait pas l'option d'une crise de durée prolongée. Les CdG prient le Conseil fédéral de s'assurer que ce manuel soit révisé en profondeur au regard des enseignements de la pandémie (cf. à ce propos également les remarques des chap. 6.4.2 à 6.4.8). Dans ce cadre, elles attendent qu'une attention particulière soit portée aux phases suivant l'entrée en crise et aux interfaces de l'OFSP avec les autres acteurs (cf. aussi recommandation 5, chap. 6.4.4).

De manière plus générale, les CdG estiment important que le Conseil fédéral examine quelles autres unités administratives fédérales devraient disposer
d'un manuel de gestion de crise adapté à leurs spécificités et qu'il s'assure que ces documents soient établis et régulièrement actualisés. Elles invitent le Conseil fédéral à examiner la situation en la matière et à leur faire part du résultat de ses clarifications.

Recommandation 3: Manuel de gestion de crise Le Conseil fédéral est invité à s'assurer que le manuel de gestion de crise de l'OFSP soit révisé en profondeur au regard des enseignements de la pandémie.

Par ailleurs, le Conseil fédéral est prié d'examiner quelles autres unités administratives fédérales devraient disposer d'un manuel de gestion de crise adapté à leurs spécificités et de s'assurer que ces documents soient établis et régulièrement actualisés.

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Exercices de crise: Les CdG ne se prononcent pas, dans le présent rapport, sur la question de savoir si les recommandations issues des exercices menés par la Confédération au cours des années précédant la pandémie de Covid-19 (dont l'un portait justement sur le cas d'une pandémie) ont été mises en oeuvre de manière adéquate par le DFI et l'OFSP. Le département et l'office ont laissé entendre que ces recommandations avaient été intégrées dans les bases pertinentes de leur gestion de crise.

Dans les faits, les CdG constatent toutefois que ces exercices n'ont pas entièrement rempli leur fonction, puisqu'ils n'ont pas permis au département et à l'office d'être préparés de manière optimale à la crise du Covid-19. Les autorités fédérales se sont retrouvées dépourvues face à l'évolution de la situation au début de la pandémie et, en plusieurs points, l'organisation de crise fédérale n'a pas été mise en oeuvre conformément aux bases légales ou aux prescriptions. Pour les CdG, il est nécessaire que le Conseil fédéral procède à un examen critique des exercices de crise fédéraux, et qu'il s'assure que les recommandations issues de tels exercices soient mises en oeuvre de manière adéquate au sein de l'administration (cf. chap. 10).

Base légale spécifique pour l'«état-major de crise spécialisé»: Les clarifications des CdG ont confirmé que la taskforce de l'OFSP avait joué un rôle central dans l'organisation de crise de la Confédération, en assumant en quelque sorte la fonction «d'étatmajor de crise spécialisé» dans le domaine sanitaire. Premier organe de crise à avoir été activé fin janvier 2020, la taskforce a pris rapidement une place prépondérante dans la gestion de crise et la préparation des décisions du Conseil fédéral. Cette position centrale a même mené la taskforce à assumer certaines tâches qui auraient dû revenir à d'autres organes (cf. chap. 9). La taskforce a rapidement eu une taille conséquente, regroupant plusieurs dizaines puis centaines de collaborateurs, ce qui a représenté un défi sur le plan de la conduite, des finances et du personnel.

Les CdG ont constaté qu'aucune base légale spécifique n'existait pour encadrer l'activité d'un tel «état-major de crise spécialisé». Les seules dispositions existantes ­ à savoir la LOGA, l'OLOGA et les instructions du Conseil fédéral concernant la gestion
des crises ­ demeurent générales et ne prévoient pas spécifiquement le cas où l'étatmajor d'un office prendrait un rôle aussi prépondérant à l'échelon de la Confédération.

En fonction de la nature des crises auxquelles la Suisse sera confrontée à l'avenir, il est probable que d'autres offices fédéraux153 se retrouvent un jour soumis à une situation similaire à celle de l'OFSP, en devant à leur tour constituer à court terme un «étatmajor de crise spécialisé» jouant un rôle de pivot dans la gestion de crise nationale.

Au vu de ces éléments, les CdG estiment nécessaire que le Conseil fédéral modifie et complète les bases légales existantes de la gestion des crises, afin d'encadrer plus clairement l'activité de l'«état-major de crise spécialisé». Premièrement, ces bases légales devraient permettre de déterminer quel est le(s) département(s) ainsi que l'office fédéral (ou les offices fédéraux) à qui revient la principale responsabilité de gestion de la crise, en fonction du type d'événement. Deuxièmement, ces bases légales devraient fixer les principes fondamentaux relatifs à l'état-major de crise de cet office («état-major de crise spécialisé»), en particulier concernant les aspects suivants: modalités de la convocation, détermination des tâches, structure de conduite, interfaces 153

Par exemple l'Office fédéral de l'énergie ([OFEN], en cas de pénurie d'électricité) ou l'OFPP (en cas de catastrophe naturelle de grande ampleur).

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avec le Conseil fédéral et les autres acteurs de la gestion de crise, finances, personnel et communication.

De l'avis des CdG, de telles bases légales doivent permettre au Conseil fédéral de structurer plus clairement les étapes de l'entrée en crise, de garantir une prise de décision à un stade précoce concernant certaines questions importantes (notamment relatives aux tâches, au personnel et aux finances), mais aussi de renforcer la clarté de l'organisation de crise tant au sein de l'administration que vis-à-vis de l'extérieur.

Motion 1: Bases légales pour un «état-major de crise spécialisé» Sur la base de l'exemple de la taskforce Covid-19 de l'OFSP durant la crise du coronavirus, le Conseil fédéral est prié de modifier et de compléter les bases légales existantes afin d'encadrer plus clairement, en période de crise, les activités de «l'état-major de crise spécialisé».

Premièrement, ces bases légales doivent permettre de déterminer quel est le département (ou les départements) et l'office fédéral (ou les offices fédéraux) à qui revient la principale responsabilité de gestion de la crise.

Deuxièmement, ces bases légales doivent permettre de fixer les principes fondamentaux relatifs à l'état-major de crise de cet office («état-major de crise spécialisé»), notamment concernant les aspects suivants: modalités de la convocation, détermination des tâches, structure de conduite, interfaces avec le Conseil fédéral et les autres acteurs de la gestion de crise, finances, personnel et communication.

6.4.2

Entrée en crise

Face aux CdG, le chef du DFI a laissé entendre que le département n'avait «pas été surpris» lorsque le virus était apparu, dans la mesure où l'on savait qu'une telle situation pouvait se présenter. Il a fait valoir que l'OFSP suivait la progression du virus depuis fin décembre 2019, que l'office avait été actif rapidement en janvier et qu'il avait informé le DFI et le Conseil fédéral en conséquence.

Les CdG ne partagent pas entièrement cette appréciation positive. Si elles saluent que l'OFSP a régulièrement suivi l'évolution de la situation, elles regrettent qu'il ait fallu attendre plus de quinze jours, suite au premier signalement officiel de l'OMS le 5 janvier 2020, pour que l'apparition du Covid-19 soit thématisée à l'échelon des responsables de la division MT de l'OFSP (21 janvier 2020), puis que l'organisation de crise de l'office soit activée (23 janvier 2020).

Les CdG sont conscientes que l'identification des risques liés aux maladies transmissibles représente un défi, dans la mesure où de nombreux signalements parviennent à l'office au cours de l'année, dont une grande partie s'avèrent finalement de portée minime. Elles peuvent également comprendre l'argumentation du DFI selon laquelle les informations en provenance de Chine, au début de l'année 2020, étaient extrêmement rares et diffuses. Elles reconnaissent aussi que la position de l'OMS durant les premières semaines de la crise était parfois peu claire. En ce sens, elles partagent l'avis

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qu'il était important que l'office dispose d'une base d'informations fiables avant de procéder à une évaluation de la situation.

Néanmoins, considérant que les actions prises durant les premières semaines d'une crise sont déterminantes pour la suite, les CdG estiment qu'une marge d'amélioration existe en la matière et que l'OFSP devrait être en mesure de réagir de manière plus rapide dans ce genre de cas. Elles considèrent que l'exemple de la pandémie de la Covid-19 doit être vu comme une opportunité d'examiner comment améliorer le fonctionnement de l'office sur ce point. Elles prient le Conseil fédéral d'évaluer en profondeur l'adéquation des processus de traitement des signalements internationaux relatifs aux maladies transmissibles au sein de l'OFSP (y compris la transmission de l'information au DFI), d'évaluer la pertinence de prendre des mesures d'amélioration et de leur faire part de ses conclusions.

Recommandation 4: Traitement des signalements relatifs à des maladies transmissibles au sein de l'OFSP Le Conseil fédéral est invité à évaluer en profondeur l'adéquation des processus de traitement des signalements internationaux relatifs aux maladies transmissibles au sein de l'OFSP (y compris la transmission de l'information au DFI et le cas échéant au Conseil fédéral) et à évaluer la pertinence de prendre des mesures d'amélioration.

Les CdG relèvent qu'une fois le risque épidémiologique définitivement identifié, l'OFSP a agi rapidement, en convoquant son organisation de crise et en prenant une première série de mesures dans un délai de deux jours, et en informant ensuite régulièrement le DFI et le Conseil fédéral sur la situation épidémiologique. Elles notent en outre que le lancement de l'organisation de crise de l'office a en grande partie suivi les prescriptions du manuel de gestion de crise154, même si celui-ci a ensuite rapidement été dépassé par l'ampleur de la pandémie (cf. chap. 6.4.1).

Toutefois, les CdG constatent aussi que certaines décisions importantes relatives à l'organisation de crise de l'OFSP n'ont pas ­ ou pas assez clairement ­ été prises par les responsables de l'office au début de la crise, ce qui a eu une influence négative sur le fonctionnement interne de l'OFSP durant toute la première vague de pandémie (cf. chap. 6.4.3). Les CdG estiment qu'il aurait été nécessaire
d'accorder une place plus importante, durant les premières semaines ayant suivi l'apparition du Covid-19, à une réflexion de fond sur l'organisation de crise de l'office et son fonctionnement, mais aussi de l'organisation de crise de la Confédération en général (cf. ci-après et chap. 10).

Un élément qui explique cette situation est la difficulté, pour les autorités fédérales, d'appréhender l'ampleur de la crise et son caractère global et transversal à ses débuts.

Tant le DFI que l'OFSP ont reconnu face aux CdG que la durée potentielle de la crise 154

On peut notamment citer à cette effet la tenue d'une séance marquant l'entrée en crise, la nomination des principales fonctions de l'organisation de crise, la constitution de GT, l'établissement d'un organigramme, d'une présentation de la situation et d'une liste des tâches en suspens, la désignation des personnes chargées de l'interface avec le SG-DFI et la discussion des questions de ressources et de l'abandon de tâches.

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avait été sous-estimée, en soulignant qu'il était très compliqué d'anticiper l'évolution d'une telle pandémie. Le chef du DFI et la Présidente de la Confédération de 2020 ont aussi indiqué que le fait de reconnaître qu'il s'agissait d'une crise de grande portée avait été un défi sur le plan politique. Le chef du DFI en a conclu qu'il aurait été difficile d'agir autrement sur la base des informations disponibles à l'époque (cf.

chap. 6.2.1). Pour les CdG, ces arguments sont compréhensibles. Elles estiment néanmoins qu'il est particulièrement important que des enseignements concernant la durée des crises soient tirés en vue de crises futures (cf. chap. 10).

Les CdG ne se prononcent pas, dans le présent rapport, sur la question de savoir si les mesures sanitaires décidées par le Conseil fédéral au début de la crise étaient adéquates et si elles ont été prises au bon moment, cet aspect allant au-delà de la thématique de l'organisation de crise. Elles constatent que l'OFSP a, dès la fin du mois de janvier, régulièrement informé le DFI et le Conseil fédéral de la situation épidémiologique, par différents canaux. Les informations des CdG montrent que la véritable prise de conscience de la portée de la pandémie pour la Suisse a vraisemblablement eu lieu aux alentours du 24 février 2020, face à la dégradation soudaine de la situation sanitaire en Italie155. Les CdG notent avec satisfaction que le DFI et le Conseil fédéral ont ensuite réagi de manière très rapide, en déclarant la «situation particulière» et en décidant de l'interdiction des grandes manifestations dans un délai de quatre jours. A partir de cette date, le Conseil fédéral et les départements compétents se sont consacrés de manière intensive à la gestion de crise; en outre, les échanges entre l'OFSP, le DFI et les autres organes de crise fédéraux ont été nettement renforcés.

De manière générale, les CdG arrivent à la conclusion que l'OFSP et le DFI auraient probablement pu mettre davantage à profit la période située entre les premières déclarations relatives au virus (début janvier 2020) et l'arrivée du virus en Suisse (fin février 2020), notamment pour mener au niveau de l'office, du département et du Conseil fédéral une réflexion de fond concernant l'organisation de crise, fixer plus clairement les tâches des différents organes de crise et
leur coordination. Le fait que la taskforce de l'OFSP ait été, durant plusieurs semaines, la seule entité de la Confédération en charge de ce dossier explique aussi qu'elle se soit imposée par la suite comme un organe de gestion de crise incontournable à l'échelon fédéral (cf. chap. 9 et 10).

Cette situation est toutefois compréhensible dans une certaine mesure, selon les CdG.

Elle s'explique, d'un côté, par le contexte de grande incertitude qui prévalait au début de l'année 2020 au sujet du nouveau coronavirus et, de l'autre, par le fait qu'à cette période, les aspects sanitaires se situaient au premier plan du dossier. En ce sens, il était naturel que l'OFSP prenne en charge ce sujet. Les CdG estiment toutefois que le caractère global de la crise aurait dû être identifié plus tôt, et notamment que l'aspect des conséquences économiques potentielles auraient dû être davantage pris en compte dans l'organisation de crise (cf. chap. 10). Les CdG attendent du Conseil fédéral qu'il s'assure, dans le cas de crises futures, qu'une réflexion de fond sur l'organisation de crise soit menée de manière précoce, dès que le Conseil fédéral identifie le caractère transversal d'une crise (cf. chap. 9.2).

155

Il ressort des clarifications des CdG que l'OFSP ne s'attendait pas à ce qu'une éventuelle flambée des cas provienne d'Italie, mais plutôt d'Allemagne.

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En ce qui concerne l'organisation de crise au niveau du DFI, les CdG n'ont pas identifié d'éléments qui nécessiteraient des remarques du point de vue de la haute surveillance parlementaire. Elles constatent que le département s'est, durant les premières semaines de la crise, largement basé sur ses structures existantes et a, dès début mars 2020, rapidement établi un plan de pandémie départemental et mis celui-ci en oeuvre. L'évaluation menée a posteriori par le SG-DFI montre que les offices du DFI ont été en mesure d'assumer les tâches qui leur revenaient malgré la pandémie.

6.4.3

Activités de la taskforce Covid-19

La taskforce de l'OFSP a joué ­ et continue de jouer ­ un rôle central dans la gestion de la pandémie de coronavirus. Les CdG constatent que l'on avait probablement sousestimé, au début de la crise, l'importance que cet organe prendrait à l'échelon national.

Cet exemple témoigne de l'importance centrale jouée par les structures habituelles de l'administration (départements et offices) dans le cadre de l'organisation de crise (cf.

chap. 10).

Globalement, les CdG arrivent à la conclusion que la taskforce de l'OFSP a rempli son rôle aussi bien que possible durant la première vague de pandémie, compte tenu des circonstances particulières. Cette structure a permis à l'OFSP de coordonner l'ensemble des aspects sanitaires de la crise et de soumettre au Conseil fédéral en temps voulu des bases d'information et des propositions en vue de sa prise de décision, malgré des délais extrêmement serrés. Même si un potentiel d'amélioration a été décelé sur plusieurs points156, les CdG estiment que la qualité des tâches effectuées par la taskforce peut être qualifiée de bonne, au vu de la pression temporelle extrêmement forte et de la charge de travail très élevée. De manière générale, les travaux de la taskforce ont contribué à ce que la Suisse parvienne à surmonter de façon satisfaisante la première vague de pandémie, en comparaison internationale.

Au chapitre des points positifs, les CdG constatent aussi que la taskforce de l'OFSP présentait une grande flexibilité organisationnelle, qui lui a permis d'évoluer au cours de la crise et de s'adapter rapidement aux nouveaux défis, notamment à travers la création de GT supplémentaires. Elle s'est par ailleurs largement fondée sur les préceptes du manuel de gestion de crise de l'OFSP, même si celui-ci a montré certaines limites (cf. chap. 6.4.1).

Toutefois, les CdG relèvent aussi que l'absence de certaines décisions de fond au début de la crise ont eu une influence négative sur le fonctionnement de la taskforce au cours des mois ayant suivi: ­

156

La structure hiérarchique habituelle de l'office et l'organisation de crise n'ont pas été séparées de manière suffisamment claire. Aux yeux des CdG, il s'agit d'un manquement fondamental qui a eu des conséquences négatives sur l'ensemble de la gestion de crise de l'OFSP au cours des semaines suivantes, Les délais de consultation très courts concernant les mesures sanitaires ont notamment été critiqués par les autorités cantonales. Le manque de cohérence de certaines recommandations de l'office ­ par exemple concernant le port du masque ­ ont également fait l'objet de critiques publiques. Ces aspects font l'objet de clarifications séparées par les CdG.

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en particulier en ce qui concerne la conduite et la gestion du personnel (cf.

chap. 6.4.5). Les CdG reconnaissent qu'il fait sens de se baser, en cas de crise, sur les compétences existantes au sein d'un office et que le nombre de personnes disposant des compétences spécialisées et de l'expérience pour la gestion d'un tel événement dans le domaine de la santé publique est limité. Néanmoins, il est indispensable qu'une distinction claire soit faite, d'un côté, entre les tâches relevant de la gestion de crise et celles relevant de la gestion habituelle des affaires et, de l'autre côté, entre les tâches relevant de la gestion opérationnelle et celles relevant de la conduite stratégique. Ce manquement explique en outre probablement pourquoi l'OFSP n'a pas été en mesure de mener, durant les premières semaines de la crise, une réflexion stratégique plus approfondie concernant sa gestion de crise et son organisation.

­

La structure de soutien à la taskforce était visiblement faible. Selon son organigramme (cf. annexe), la taskforce disposait certes d'un «chef d'état-major» et d'un secrétariat. Néanmoins, les informations à disposition des CdG laissent penser que cette structure de soutien n'a pas joué un rôle prédominant sur le plan de la gestion de crise. Les CdG se demandent notamment s'il n'aurait pas été adéquat que cette structure soit renforcée par des personnes bénéficiant d'une expérience spécialisée en gestion de crise, qui auraient par exemple pu s'assurer que des cahiers des charges soient établis pour les responsables de la taskforce et que les domaines de compétence des GT soient clairement délimités (cf. ci-après).

­

Les responsabilités et les suppléances au sein de la taskforce n'ont pas été réglées de manière suffisamment claire. Les CdG regrettent que les personnes actives dans la taskforce n'aient pas bénéficié de cahiers des charges spécifiques durant la première vague de pandémie. Elles estiment que de tels documents devraient être systématiquement établis lors de crises futures, afin que les tâches et responsabilités soient déterminées et comprises de manière claire à l'interne comme à l'externe. Il va de soi que les responsabilités doivent être redéfinies de manière fréquente au cours d'une telle crise, mais cela justifie aux yeux des CdG d'autant plus que celles-ci soient clairement formulées dès que possible. Dans le même sens, les CdG jugent indispensable que des suppléances soient définies pour chaque poste.

­

La structure de la taskforce était complexe. La taskforce a rapidement compté un grand nombre de GT, présentant des tailles et fonctions variables. Les CdG estiment que la création de ces GT était justifiée au regard des tâches nombreuses et variées que l'office a dû prendre en charge. Toutefois, certains éléments laissent penser que le périmètre thématique, les tâches et les compétences des GT n'ont pas toujours été définis de manière suffisamment claire, ce qui a pu poser des difficultés pour la répartition des tâches et l'efficacité à l'interne, mais également pour la collaboration avec les interlocuteurs externes de l'office. Pour les CdG, il est important que les tâches des GT ainsi que leurs interfaces externes soient définis dès la mise en place de l'organisation de crise et régulièrement réexaminés.

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­

Le règlement des compétences décisionnelles manquait de transparence. Il a été difficile pour les CdG de comprendre comment les compétences décisionnelles pour la gestion de crise étaient réglées au sein de l'OFSP. Les CdG estiment indispensable que les compétences décisionnelles soient réglées de manière plus transparente à l'avenir et que l'on s'assure que tous les organes concernés figurent dans l'organigramme de l'organisation de crise (cf.

chap. 6.4.7).

Ces éléments ont eu pour conséquence d'affaiblir l'organisation de crise de l'OFSP durant la première vague de pandémie, de la rendre moins claire et plus complexe à conduire. Cet effet a probablement encore été accentué par l'arrivée au sein de la taskforce d'un grand nombre de collaboratrices et collaborateurs issus d'autres sections et d'autres unités. Pour les CdG, ces éléments confirment la nécessité de créer une base légale encadrant l'activité d'un tel «état-major de crise spécialisé» (cf. chap. 6.4.1).

Les CdG relèvent toutefois avec satisfaction qu'une grande partie des manquements évoqués ci-dessus ont été identifiés et comblés par la suite, par le biais de différentes mesures organisationnelles prises par l'OFSP à partir de l'été 2020, et que le fonctionnement de la taskforce a ainsi pu être amélioré (cf. chap. 6.4.9). Les CdG estiment toutefois important qu'un bilan en profondeur de l'organisation de crise de l'office soit tiré à l'issue de la pandémie et que l'on procède sur cette base à une adaptation du manuel de gestion de crise (cf. recommandation 3, chap. 6.4.1) et à d'éventuelles modifications dans la LEp et le plan de pandémie (cf. recommandation 1, chap. 6.4.1).

6.4.4

Collaboration avec les autres acteurs

Les CdG ont relevé que les interactions entre l'OFSP et les autres acteurs s'étaient essentiellement déroulées à trois niveaux, à savoir premièrement au sein des GT, deuxièmement par une représentation directe de certaines unités aux séances de la taskforce et troisièmement grâce à la participation de l'office à d'autres organes (cf.

chap. 6.2.3). Le principal défi pour l'OFSP a résidé dans la nécessité d'identifier les interlocuteurs pertinents et de les intégrer autant que possible dans son organisation de crise, tout en tenant compte des impératifs temporels et de ressources.

En ce qui concerne l'adéquation de la collaboration, les CdG constatent une divergence de vues entre l'OFSP, qui tire un bilan plutôt positif, et divers autres acteurs (cantons, certaines autres unités fédérales), qui sont parfois beaucoup plus critiques.

Il est difficile pour les CdG de déterminer quelle ligne l'OFSP a suivi en ce qui concerne la collaboration avec les autres acteurs. Certains témoignages laissent penser que l'office a considéré les interlocuteurs externes comme des «livreurs d'informations» plutôt que comme de véritables partenaires. Plus spécifiquement, on peut se demander pour quelles raisons certains acteurs importants de la gestion de crise (par exemple le DFAE pour la coordination internationale ou l'OFAE pour l'approvisionnement en matériel) ne siégeaient pas au sein de la taskforce de l'OFSP, et pourquoi d'autres acteurs tels que le SECO n'y ont participé qu'à partir du mois de mai 2020157.

157

La collaboration avec les représentants du monde scientifique constitue une problématique spécifique, qui est examinée à part par la CdG-N.

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La coordination avec les autres offices et départements a certes été assurée également par le biais d'autres plateformes, tels que l'EMFP et l'EMCC, mais les faits montrent que c'est bien la taskforce qui a joué un rôle central dans la coordination des mesures de gestion sanitaire de la pandémie.

Pour les CdG, il est indispensable qu'un concept clair, assorti de critères objectifs, soit défini au début de la crise en ce qui concerne les interfaces entre l'office chargé de la gestion de crise et les autres acteurs. Un tel concept devrait inclure une liste des interfaces à l'échelon des GT, une liste des unités directement représentées au sein de l'«état-major de crise spécialisé» et une liste des représentations de l'office au sein d'organes externes.

Sur le principe, les CdG attendent que les unités et organes chargés de la gestion de la crise promeuvent une collaboration ouverte et basée sur la confiance. Une telle approche se justifie d'autant plus dans un cas de crise de portée transversale comme celle-ci, qui sollicite nécessairement un grand nombre d'acteurs. Elle est toutefois possible uniquement si les tâches et responsabilités des unités et organes sont clairement délimitées et comprises. Les CdG partagent l'avis du chef du DFI selon lequel la collaboration est d'autant plus simple si les contacts entre unités sont établis et entretenus avant le début de la crise.

Les CdG invitent le Conseil fédéral à intégrer ces considérations dans les travaux relatifs à la révision du manuel de gestion de crise (cf. recommandation 3, chap. 6.4.1), mais également dans la révision en cours de la LEp et du plan de pandémie (cf. recommandation 1, chap. 6.4.1) et des instructions du Conseil fédéral sur la gestion des crises (cf. chap. 10).

Recommandation 5: Collaboration entre l'office chargé de la gestion de crise et les autres acteurs Le Conseil fédéral est invité à compléter son organisation de crise de manière à s'assurer qu'un concept clair, assorti de critères objectifs, soit défini au début de la crise en ce qui concerne les interfaces entre l'office chargé de la gestion de crise (respectivement l'«état-major de crise spécialisé») et les autres acteurs.

Un tel concept devrait inclure une liste des interfaces à l'échelon des groupes de travail de l'«état-major de crise spécialisé», une liste des
unités directement représentées au sein de l'«état-major de crise spécialisé» et une liste des représentations de l'office au sein d'organes externes.

Le Conseil fédéral est notamment invité à intégrer ces considérations dans les travaux relatifs à la révision du manuel de gestion de crise de l'OFSP, dans la révision en cours de la LEp et du plan de pandémie et dans la révision future des instructions du Conseil fédéral sur la gestion des crises.

6.4.5

Gestion du personnel

Face à la charge de travail extraordinaire liée à la gestion de la pandémie, l'OFSP a réagi rapidement ­ avec le soutien du DFI ­ afin de renforcer sa taskforce avec du 56 / 136

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personnel supplémentaire. Sur le fond, les CdG estiment que cette mesure était adéquate. Elles jugent approprié que le DFI ait clairement signifié, dès le début de la crise, que la gestion de la pandémie bénéficierait des priorisations nécessaires en matière de ressources. Elles n'ont pas eu connaissance d'éléments qui justifieraient une intervention du point de vue de la haute surveillance en ce qui concerne la mise à disposition ou le recrutement de personnel supplémentaire pour la taskforce.

Les CdG saluent le grand engagement du personnel de l'OFSP dans des conditions de travail particulièrement exigeantes, mais aussi l'esprit d'équipe et la volonté de travailler de manière pragmatique qui ont été constatées au sein de l'office.

Toutefois, les clarifications menées montrent que la gestion du personnel a constitué, dans l'ensemble, un point faible de l'OFSP durant la première vague de pandémie.

Les CdG déplorent les nombreux manquements en la matière mis au jour dans l'analyse externe mandatée par l'office, qui ont contribué à fragiliser le personnel de l'OFSP dans une période où celui-ci était particulièrement sollicité. Ces manquements s'expliquent par l'absence de certaines décisions stratégiques de fond au début de la crise, qui ont eu pour conséquence une structure de conduite peu claire (cf. chap. 6.2.4 et 6.4.3) et par la difficulté à estimer la durée de la crise à ses débuts. La directrice actuelle de l'OFSP elle-même a reconnu que le bilan en la matière était mitigé.

Les CdG regrettent aussi que l'OFSP n'ait pas été en mesure d'anticiper de manière plus appropriée le retour à la «situation particulière» à l'été 2020, fragilisant encore davantage les collaboratrices et collaborateurs de la taskforce. Au vu de la reprise des activités habituelles de l'office, il est certes compréhensible qu'une partie des employées et employés aient été réassignés à leur fonction d'origine. Les CdG estiment néanmoins que cette réorganisation aurait dû faire l'objet d'une communication interne plus claire et qu'elle aurait dû s'accompagner de mesures de soutien envers les personnes demeurant au sein de la taskforce. Ces éléments confirment la nécessité que la Confédération accorde à l'avenir une attention plus élevée ­ notamment dans les manuels de gestion de crise ­ à la phase de la sortie de crise.
Sur la base des enseignements de la pandémie, les CdG estiment nécessaire qu'un document de référence soit établi (par exemple sous la forme d'un manuel), ou que les documents déjà existants soient complétés, afin de permettre aux offices particulièrement sollicités par la gestion de crise de prendre au bon moment les décisions adéquates en matière de gestion du personnel. Aux yeux des CdG, il est notamment important que la documentation fournisse des informations concernant les éléments suivants: modalités de la mise à disposition de personnel issu d'autres unités fédérales, modalités de l'engagement de personnel externe, mesures de soutien au personnel et de récupération, gestion du personnel lors de la sortie de crise.

Recommandation 6: Manuel relatif à la gestion du personnel en cas de crise Le Conseil fédéral est invité à s'assurer qu'un document de référence relatif à la gestion du personnel en période de crise soit établi, ou que les documents déjà existants soient complétés, afin de permettre aux offices particulièrement sollicités par la gestion de crise de prendre au bon moment les décisions adéquates en la matière.

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Les CdG saluent le fait que l'OFSP ait, dès l'été 2020, procédé à une analyse de son organisation de crise. Les informations à disposition des CdG montrent qu'une prise de conscience semble avoir eu lieu à ce sujet au niveau de la direction de l'office suite à la première vague de pandémie. Les CdG relèvent avec satisfaction que plusieurs mesures dans le domaine du personnel ont été prises dès l'automne 2020, qui ont permis d'améliorer les conditions de travail des employées et employés, même si la situation en la matière demeure très tendue (cf. chap. 6.4.9). En particulier, la décision de distinguer de manière plus claire les niveaux stratégique et opérationnel au sein de l'organisation de crise a constitué une amélioration décisive. Les CdG saluent également le fait que des cahiers des charges aient été établis et des suppléances définies de manière systématique au sein de la taskforce. Elles ont également constaté qu'une attention renforcée avait été portée aux conditions de travail et à la reconnaissance de l'engagement des collaboratrices et collaborateurs.

6.4.6

Collaboration entre l'OFSP et le DFI

Les CdG tirent un bilan globalement positif de la collaboration entre l'OFSP et le DFI durant la première vague de la pandémie. Elles relèvent que les contacts entre l'office et le département ont été étroits dès le début de la crise en janvier 2020 et se sont déroulés à de nombreux niveaux. Le SG-DFI s'est également impliqué tôt dans l'organisation de crise de l'office, en participant dès fin février à toutes les séances de la taskforce. Cette mesure était adéquate aux yeux des CdG pour garantir une coordination efficace. De manière générale, il ressort des témoignages collectés par les CdG que la collaboration entre l'OFSP et le DFI était basée sur la confiance et constructive, ce que les commissions saluent. Cela est d'autant plus important qu'une grande partie de la gestion de la crise de la Confédération s'est précisément décidée à l'interface entre l'OFSP et le DFI (cf. chap. 6.4.7 et 10).

Les CdG, tout comme le chef du DFI, estiment que le fait d'avoir pu compter sur des personnes possédant une longue expérience au sein de l'administration et d'un large réseau était un avantage pour assurer une organisation de crise efficace. Cela a notamment été le cas de l'ancien secrétaire général du DFI, qui a joué durant la première vague de pandémie un rôle-clé en matière de coordination entre le département, la taskforce de l'office et plus tard l'EMCC.

Quelques bémols ont néanmoins été mis en évidence dans le cadre de l'analyse externe mandatée par l'OFSP à l'été 2020. Celle-ci laisse notamment entendre que la voie hiérarchique entre le Conseil fédéral, le DFI, la direction de l'OFSP et la division MT n'aurait pas toujours été respectée, ce qui aurait rendu la conduite au sein de l'office difficile (cf. chap. 6.2.5). Pour les CdG, il est compréhensible que, dans un contexte de crise de grande ampleur nécessitant une prise de décision rapide, certains contacts directs aient lieu entre des représentants du Conseil fédéral ou des départements et certaines divisions spécifiques des offices, sans que l'ensemble de la voie

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hiérarchique n'y soit associée158. Les CdG estiment néanmoins essentiel que le Conseil fédéral s'assure, lorsqu'il s'agit de prendre des décisions stratégiques importantes de la gestion de crise, que la voie hiérarchique définie soit scrupuleusement respectée, afin que la direction de l'office concerné puisse pleinement assumer sa responsabilité d'intermédiaire face aux demandes formulées par les échelons supérieurs et exercer la conduite qui lui revient (cf. également chap. suivant).

6.4.7

Responsabilités décisionnelles au sein de l'OFSP

Sur la base des informations qui leur ont été fournies, les CdG arrivent à la conclusion que les compétences décisionnelles pour la gestion de crise au sein de l'OFSP, durant la première phase de la pandémie, étaient réglées de manière peu transparente.

Les séances de la taskforce de l'OFSP semblent avoir eu essentiellement une fonction de coordination, de distribution de tâches et de mise en commun d'informations et étaient avant tout focalisées sur les aspects opérationnels de la gestion de crise. Les procès-verbaux ne font pas ­ ou très rarement ­ état de prises de décision ou de discussions stratégiques. Selon les explications de l'OFSP, la compétence de conduite stratégique et de décision finale revenait à la «direction de la taskforce», composée des deux responsables de l'état-major de crise et du directeur de l'OFSP, en étroite collaboration avec le DFI. Or, la «direction de la taskforce» ne figurait pas explicitement dans l'organigramme de l'organisation de crise de l'époque159 et il n'en a jamais été question dans la communication publique de l'office. A la connaissance des CdG, aucune trace écrite n'existe concernant les réflexions et décisions de la «direction de la taskforce». Il n'est ainsi pas possible de déterminer dans quelle mesure celles-ci reflétaient les opinions et échanges ayant lieu au sein de la taskforce.

Les CdG n'ont pas connaissance d'indices laissant supposer que les décisions prises par la «direction de la taskforce» de l'OFSP étaient inadéquates. Elles partent également du principe que le DFI a correctement assuré son mandat légal de conduite et de surveillance vis-à-vis de l'office. Néanmoins, elles se demandent s'il était approprié que la compétence de décision stratégique au niveau de l'OFSP pour la gestion de la crise soit concentrée entre les mains de trois personnes, toutes directement impliquées dans le traitement quotidien de la crise et dont une seule ­ le directeur ­ était membre de la direction de l'office160.

158

Selon l'art. 47, al. 4, et l'art. 38 de la LOGA, une autorité supérieure a le droit de reprendre à elle la responsabilité d'un dossier qu'elle a déléguée à des unités de niveaux inférieur lorsqu'elle le juge nécessaire. Cette compétence (nommée intervention ou évocation) fait partie des principes de base d'une administration hiérarchisée. Cf. à ce sujet: Tschannen, Pierre / Zimmerli, Ulrich / Müller, Markus (2014): Allgemeines Verwaltungsrecht, 4. Auflage. Bern: Stämpfli Verlag, chap. 6, consid. 7, p. 49.

159 Selon l'organigramme remis aux CdG, daté du 6 mai 2020 (cf. annexe), le directeur de l'OFSP se situe seul à la tête de l'organisation de crise et les responsables de l'état-major de crise lui sont subordonnés.

160 Formellement, cette manière de procéder n'entre pas en contradiction avec la LOGA, dans la mesure où celle-ci prévoit (art. 45) que la direction des unités administratives et l'exécution des tâches est du ressort des directeurs d'office, et non des directions d'office au sens large.

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Les CdG saluent certes le fait que la direction de l'office (au sens large) ait continué à se réunir de manière hebdomadaire durant la première vague, ait traité des questions relatives à la pandémie à chacune de ses séances et ait été informée des décisions stratégiques concernant la gestion de crise. Néanmoins, elles se demandent s'il n'aurait pas été souhaitable que la direction de l'OFSP prenne un rôle plus actif dans la prise de décision stratégique de la gestion de crise à l'échelon de l'office, considérant qu'elle aurait pu apporter une distance stratégique bienvenue.

Sur le principe, les CdG estiment que la voie hiérarchique habituelle incluant la direction de l'office devrait être respectée autant que possible, même en période de crise.

S'il est décidé de confier la responsabilité décisionnelle de gestion de crise à un autre organe (tel que la taskforce), il est alors nécessaire que la voie hiérarchique correspondante soit clairement définie. Fondamentalement, les CdG sont d'avis que le rôle de la direction de l'office et de ses interactions avec l'état-major de crise dans une telle situation doit de toute manière être clarifié.

Un autre exemple est celui du rôle joué dans l'organisation de crise par le «MT Board», organe interne de la division MT créé plusieurs années avant la pandémie161.

Les CdG sont conscientes de l'importance de bénéficier, en complément de la taskforce et afin de décharger cette dernière, de plateformes de discussion dans lesquelles les experts de l'office peuvent approfondir certaines questions techniques. De leur point de vue toutefois, le fait que le «MT Board» ait été impliqué ­ sous cette nomination ­ dans les travaux de la taskforce durant les premières semaines de la pandémie, alors qu'il n'était pas prévu dans l'organigramme de crise, a pu prêter à confusion. Ce cas met en évidence l'importance ­ mais aussi la difficulté ­ de dissocier clairement l'organisation de crise et les structures hiérarchiques préexistantes au sein d'un office.

Les CdG saluent le fait que le terme de «discussions spécialisées» ait été utilisé par la suite. Elles estiment également adéquat que ces plateformes de discussion n'aient pas eu de compétences décisionnelles. De leur point de vue, il serait souhaitable que ces discussions spécialisées soient également mentionnées, à
l'avenir, sous une forme appropriée dans l'organigramme de l'état-major de crise. Elles jugent en outre important que les compétences et les modalités du fonctionnement de ces plateformes de discussion soient définies de manière claire, par exemple dans le manuel de gestion de crise.

Pour les CdG, les exemples de la «direction de la taskforce», du rôle de la direction de l'office au sens large et ­ dans une moindre mesure ­ du «MT Board» illustrent le manque de clarté en matière de compétences décisionnelles au sein de l'OFSP durant la première période de la pandémie. Les commissions attendent du Conseil fédéral qu'il s'assure qu'à l'avenir, les responsabilités de décision soient déterminées de manière claire pour tous les échelons de l'«état-major de crise spécialisé» dès le début de la crise, que l'organe chargé de la conduite stratégique et de la prise de décision finale à l'échelon de l'office figure de manière explicite dans l'organigramme de crise et que les travaux et décisions de cet organe soient consignés de manière écrite.

Les clarifications des CdG ont également mis en évidence le rôle central joué par le directeur de l'OFSP dans l'organisation de crise durant les premiers mois de 2020, celui-ci ayant cumulé de nombreuses fonctions (conduite supérieure de la taskforce et

161

Concernant la composition et le rôle du «MT Board», cf. chap. 6.2.5.

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responsabilité de décision, coordination avec le DFI, conduite de l'EMFP et participation à l'EMCC). Si, d'un côté, une telle participation a probablement joué un rôle favorable pour une coordination efficace des mesures sanitaires, les CdG se demandent s'il était nécessaire et adéquat qu'autant de responsabilités soient assumées par le directeur en personne. Cette pratique va à l'encontre des instructions du Conseil fédéral concernant la gestion des crises, qui recommandent d'éviter que les titulaires de fonctions soient actifs dans plusieurs états-majors en même temps (ch. 3.1.2). Par ailleurs, un tel cumul pourrait se révéler problématique dans le cas où la personne en charge de ces tâches serait subitement empêchée d'occuper sa fonction. Enfin, les CdG doutent que, dans un tel contexte, la personne concernée soit constamment en mesure de prêter une attention adéquate aux questions de conduite stratégique générale et de personnel ou d'avoir le recul nécessaire pour le faire. Pour les CdG, le cumul des fonctions du directeur de l'OFSP pourrait aussi être l'une des raisons qui explique que l'EMFP soit entré en fonction relativement tard et que ses tâches décisionnelles aient été en partie reprises par la taskforce (cf. chap. 9).

Aux yeux des CdG, cet exemple est une bonne illustration du manque de séparation entre les tâches de conduite stratégique et de gestion opérationnelle au sein de l'OFSP durant les premiers mois de la crise. Elles invitent le Conseil fédéral à mener, sur cette base, une réflexion de fond sur le rôle des directeurs d'office en période de crise et sur l'opportunité que ceux-ci cumulent (ou non) une fonction de conduite dans plusieurs organes de crise en parallèle, et le prient de leur faire part de ses conclusions (cf. à ce propos également chap. 9 et 10).

Recommandation 7: Responsabilités décisionnelles au sein de l'office chargé de la gestion de crise Le Conseil fédéral est invité à s'assurer qu'à l'avenir, lorsqu'un «état-major de crise spécialisé» est mis sur pied, les responsabilités décisionnelles soient déterminées de manière claire pour tous ses échelons, que l'organe chargé de la conduite stratégique et de la prise de décision finale à l'échelon de l'office figure de manière explicite dans l'organigramme de crise et que les travaux et décisions de cet organe soient
consignés de manière écrite.

Le Conseil fédéral est également invité à examiner, sur le fond, quel rôle devrait assumer la direction de l'office (au sens large) en période de crise et quelles devraient être ses interactions avec l'«état-major de crise spécialisé». Il est prié de faire part aux CdG de ses conclusions à ce sujet.

Enfin, le Conseil fédéral est invité à mener, sur la base de l'exemple de l'ancien directeur de l'OFSP, une réflexion de fond sur le rôle des directeurs d'office en période de crise et sur l'opportunité que ceux-ci cumulent (ou non) une fonction de conduite dans plusieurs organes de crise en parallèle.

Les CdG notent avec satisfaction que plusieurs mesures d'amélioration ont été prises à partir de l'été 2020 afin de clarifier les structures de conduite et de décision au sein de l'organisation de crise de l'OFSP. On peut notamment citer la création d'un comité de pilotage chargé de la conduite de la taskforce puis la création d'une fonction de

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responsable de la taskforce à temps plein, ainsi que la redéfinition du rôle de la direction et des responsables de la taskforce (cf. chap. 6.3). Les CdG se félicitent de ces améliorations, qui ont contribué à mieux distinguer le niveau stratégique et le niveau opérationnel de l'organisation de crise.

6.4.8

Changements aux postes-clés

Les CdG relèvent que le départ de trois collaborateurs-clés, entre mars et septembre 2020, a représenté un défi pour l'organisation de crise du DFI et de l'OFSP, même si ceux-ci étaient prévus de longue date. De manière générale, elles constatent toutefois que le département et l'office ont été en mesure de gérer ces changements de manière adéquate. Cela s'explique notamment par la grande flexibilité des personnes concernées, qui ont accepté de prolonger leur engagement au-delà de la date prévue, de prendre de nouvelles responsabilités ou d'entrer en fonction plus tôt. Les CdG notent que les nouvelles personnes responsables ont été en mesure d'assumer rapidement les tâches qui leur revenaient. Les commissions ont eu l'occasion d'échanger avec ces personnes à plusieurs reprises depuis leur entrée en fonction et n'ont pas identifié d'éléments qui appelleraient des commentaires de leur part.

Globalement, les CdG arrivent à la conclusion que ces changements aux postes-clés n'ont pas eu d'impact négatif déterminant sur la gestion de crise de la Confédération.

Même si le départ de personnes disposant d'une longue expérience peut affaiblir l'administration, l'arrivée de nouveaux responsables apportant un regard frais et des compétences différentes peut aussi être considérée comme un avantage en période de crise.

De l'avis des CdG, le fait que les personnes incarnant la gestion de crise fédérale ont changé à plusieurs reprises a surtout représenté un défi dans la perception de l'organisation de crise par le public.

Aux yeux des CdG, l'exemple de l'ancien responsable de la division MT, Daniel Koch, est un cas particulier. De leur avis, il était adéquat au vu du contexte que le DFI propose à M. Koch un prolongement de son engagement à la fin du mois de mars 2020 et elles saluent que celui-ci ait pu être concrétisé. Il est compréhensible que le département ait choisi de continuer à miser, quelques semaines supplémentaires, sur cette figure publique de l'OFSP bénéficiant d'une image positive. Les CdG se demandent toutefois s'il n'aurait pas été souhaitable que les tâches confiées à M. Koch pour cette période soient consignées par écrit, afin de garantir une meilleure transparence à ce sujet.

Les CdG estiment par ailleurs que le fait de confier à M. Koch des tâches de communication au nom de l'office,
alors qu'il n'était plus directement impliqué dans la gestion de crise, comportait certains risques, comme celui d'incohérences dans les messages émis par les autorités, d'attentes erronées au sein de la population ou d'une incompréhension parmi les collaborateurs de l'office. Les CdG n'ont toutefois pas identifié d'indices laissant penser que cette situation a mené à des problèmes fondamentaux dans la pratique.

Les CdG se demandent encore si le prolongement de l'engagement de M. Koch a véritablement permis, comme le DFI l'a affirmé, d'«assurer la transmission des com-

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pétences qu'il avait accumulées au cours de sa longue expérience au service de l'office», sachant que M. Koch n'était plus directement impliqué dans l'organisation de crise. Elles renoncent toutefois à examiner ce point plus en détail. Enfin, en ce qui concerne la nécessité d'introduire une éventuelle clause encadrant la prise de parole publique pour les anciens cadres de la Confédération suite à leur départ, les CdG partagent l'avis du chef du DFI et estiment que cet exemple ne justifie pas une nécessité d'agir.

Pour terminer, les CdG regrettent que le nouveau responsable de la division MT, M.

Kuster, ait choisi de quitter son poste six mois après son engagement, ce départ ayant fragilisé une nouvelle fois la gestion de crise fédérale et sa perception publique. Elle estime toutefois que les raisons justifiant cette décision ­ en particulier le fait que les tâches relatives à la gestion de crise ne correspondaient en rien au cahier des charges pour laquelle M. Kuster avait été engagé en 2019 ­ sont absolument compréhensibles. Elles estiment que l'OFSP a réagi de manière adéquate suite à ce départ (cf.

chap. 6.2.6).

6.4.9

Evolution et perspectives

Dans l'ensemble, les CdG estiment que les mesures d'amélioration prises au sein de l'organisation de crise du DFI et de l'OFSP à partir de l'été 2020 sont positives: elles ont permis de clarifier les responsabilités, de renforcer la transparence des structures, d'améliorer la collaboration entre l'OFSP et les autres acteurs de la gestion de crise et d'alléger la charge de travail des collaboratrices et collaborateurs. Les CdG saluent en particulier la décision de confier la conduite de la taskforce à une personne spécialement dédiée à cette tâche. L'arrivée de la nouvelle directrice de l'OFSP a vraisemblablement joué un rôle déterminant dans la mise en place de ces mesures.

Les CdG constatent toutefois que la situation au sein de l'OFSP demeure particulièrement tendue. En particulier, la gestion du personnel au cours des mois et années à venir, dans la période de sortie progressive de la crise, constitue un défi central. Celuici concerne tout d'abord la question des heures supplémentaires de l'office, qui restent très élevées. Les CdG partent du principe que le DFI suivra de près la situation en la matière ­ notamment au regard du prolongement de la pandémie ­ et qu'il soumettra au Conseil fédéral, si nécessaire, des propositions pour faire face à cette problématique. Par ailleurs, il est indispensable que le retour progressif aux structures habituelles de l'office soit suffisamment anticipé, communiqué de manière transparente et ne soit pas assorti, pour les collaboratrices et collaborateurs, d'une charge de travail supplémentaire. A ce titre, les CdG estiment que la décision de l'office de prolonger les engagements temporaires externes au sein de la taskforce afin de garantir aux employées et employés un temps de récupération suffisant est adéquate. Enfin, comme la directrice de l'office, les CdG jugent important que l'investissement du personnel de l'OFSP, particulièrement sollicité au cours de la crise, soit salué de façon appropriée à l'issue de la pandémie.

Les CdG saluent également le fait qu'une évaluation interne concernant l'organisation de crise ait été menée au sein du DFI. Elles constatent avec satisfaction que ses résultats sont globalement positifs et partagent cette appréciation. Elles relèvent toutefois 63 / 136

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que l'évaluation met en lumière une nécessité d'agir sur plusieurs points (préservation de la capacité à durer, règlementation des suppléances, gestion de la continuité des affaires, soutien de l'office fédéral du personnel, etc.). Les CdG partent du principe que le DFI implémentera les mesures visant à faire face aux manquements constatés, en vue d'améliorer la gestion de crise du département à l'avenir. Elles se réservent la possibilité de s'informer sur la mise en oeuvre de ces mesures ultérieurement.

Enfin, les CdG considèrent que les résultats de l'évaluation externe de la gestion de la crise mandatée par l'OFSP, publiée en avril 2022, constituent un élément central. Les CdG partent du principe que le Conseil fédéral, le DFI et l'OFSP accorderont une attention particulière à ceux-ci et leur donneront les suites appropriées, notamment en ce qui concerne l'organisation de crise. Elles s'informeront à ce sujet dans le cadre de leurs travaux futurs dans ce dossier.

7

État-major fédéral protection de la population (EMFP)

Ce chapitre aborde la question du rôle et des tâches assumées par l'EMFP lors de la première phase de la pandémie de COVID-19, qui a duré de janvier à juin 2020. Il est rapidement apparu que l'EMFP n'avait pas été institué selon les règles en vigueur.

Les CdG se sont donc tout particulièrement penchées sur les raisons qui justifiaient une telle dérogation aux règles et sur le processus décisionnel correspondant. En outre, elles se sont demandé si les règles applicables à l'EMFP, qui n'existent que depuis quelques années, étaient suffisamment claires et judicieuses.

Les bases légales et les prescriptions concernant l'EMFP sont explicitées ci-après au chap. 7.1. Le chap. 7.2 décrit la manière dont l'EMFP a été institué et constitué (cf. chap. 7.2.1) ainsi que les tâches qui lui ont été assignées (chap. 7.2.2). Ensuite, le chap. 7.3 détaille les conclusions de l'évaluation de l'organisation de crise effectuée par l'administration fédérale. Enfin, le chap. 7.4 rend compte de l'appréciation des CdG.

7.1

Bases légales et autres prescriptions

7.1.1

Bases légales

Les principales prescriptions régissant l'EMFP se trouvent dans la LEp et dans l'ordonnance sur l'État-major fédéral Protection de la population (OEMFP)162, élaborée en 2018.

L'art. 55 LEp prévoit que le Conseil fédéral dispose d'un organe d'intervention pour les évènements présentant un risque particulier pour la santé publique, notamment pour faire face à une situation particulière ou extraordinaire (al. 1). Cet organe doit 162

Ordonnance du 2 mars 2018 sur l'État-major fédéral Protection de la population (RS 520.17). Cette ordonnance a remplacé l'ordonnance du 20 octobre 2010 sur l'organisation des interventions en cas d'évènement ABC et d'évènement naturel (RO 2018 1093).

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conseiller le Conseil fédéral et assister la Confédération et les cantons dans la coordination des mesures (al. 2). Comme a indiqué le Conseil fédéral dans le message sur le projet de loi, cet organe existait déjà et n'a pas été créé nouvellement; il était déjà prévu dans l'ordonnance sur l'organisation des interventions en cas d'évènement ABC et d'évènement naturel (ordonnance sur les interventions ABCN)163. Cette dernière a été complètement remaniée à partir de 2015 pour ensuite être intégrée à l'OEMFP en 2018164.

La transformation de l'ancienne cellule (État-major fédéral ABCN) en un organe intervenant lors de tout évènement concernant la protection de la population se fondait notamment sur les conclusions tirées à l'issue de l'ERNS 14 sur les thèmes de la pandémie et de la pénurie d'électricité à grande échelle et répondait également aux souhaits des cantons165.

L'OEMFP s'appuie sur l'art. 55 LEp: elle dispose que l'EMFP intervient aussi bien dans le domaine de la préparation qu'en cas d'évènements déterminés (art. 3 et 4), lors desquels il assume les tâches suivantes (art. 4, al. 2): ­

Il assure l'échange d'informations et la coordination avec d'autres états-majors et organes de la Confédération et des cantons, les exploitants d'infrastructures critiques et les organes compétents à l'étranger;

­

Il établit une vue d'ensemble de la situation en rassemblant des aperçus spécifiques et partiels et évalue celle-ci;

­

Il élabore des bases de décision à l'attention du Conseil fédéral, du département ou de l'office fédéral compétent;

­

Il coordonne l'expertise à l'échelon fédéral;

­

Il coordonne l'engagement des ressources nationales et internationales.

L'art. 6 OEMFP prévoit que l'EMFP se compose d'une conférence des directeurs166, d'un élément de planification, d'un élément d'intervention et d'appui et d'un secrétariat. Cet état-major compte plus de 30 membres permanents, qui figurent dans la liste établie en annexe 1 (il s'agit ici d'une vingtaine de services fédéraux de tous départe-

163

Message du 3 décembre 2010 concernant la révision de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme (FF 2011 291).

164 Cf. note de bas de page 162. Avec la mise en place de l'EMFP comme organe d'intervention de la Confédération appelé à couvrir un vaste champ thématique, la cellule spéciale prévue par l'art. 4 de l'ordonnance du 27 avril 2005 sur les mesures de lutte contre une pandémie d'influenza (OPI), qui officiait jusqu'alors, est également devenue superflue; l'ordonnance a été abrogée le 1er janvier 2016 (RO 2015 1463).

165 Cf. explications relatives à l'OEMFP du 16 février 2018, al. 1.1.

166 La conférence des directeurs est plus ou moins l'organe plénier de l'EMFP. Outre les représentants des membres permanents de l'état-major (selon annexe 1 OEMFP), elle compte d'autres personnes telles que le porte-parole du Conseil fédéral ainsi que les chefs des organisations cantonales de conduite ou leurs chefs d'état-major. Les membres de la conférence des directeurs coordonnent les propositions à adresser au Conseil fédéral. Ils conservent leurs compétences décisionnelles dans leur domaine et veillent à la mise en oeuvre des mesures prises par le Conseil fédéral ou les départements.

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ments, de la ChF, de trois établissements fédéraux, de différents organes des cantons167 ainsi que du Réseau national de sécurité). Il doit toutefois être composé en fonction des évènements et être complété si nécessaire.

La présidence de l'EMFP est normalement assumée par le directeur de l'OFPP. En cas d'évènement, la conférence des directeurs décide de l'attribution de la présidence (art. 8). L'OFPP exploite le secrétariat de l'EMFP (art. 11).

7.1.2

Prescriptions du plan de pandémie

Depuis 1995, la Suisse se prépare systématiquement aux pandémies de grippe. Le premier plan de pandémie suisse a vu le jour en 2004. Il a été actualisé au fil des années, la dernière mise à jour datant de 2018. Les principaux objectifs et le contenu du plan de pandémie 2018168 ont déjà été exposés brièvement au chap. 5.

Le chap. 3.2 du plan de pandémie porte sur la conduite, la coordination et le pilotage dans le cadre de la gestion d'une pandémie. Le chap. 3.2.1, qui concerne l'EMFP, indique que, en vertu de l'art. 55 LEp, cet état-major est l'instrument central de la Confédération pour les thèmes en lien avec la protection de la population en termes de prévention et de gestion des évènements. L'EMFP est chargé de préparer des bases décisionnelles harmonisées et de permettre ainsi au Conseil fédéral de préparer rapidement et efficacement les décisions. En cas de pandémie, il est en règle générale présidé par le directeur de l'OFSP ou le secrétaire général du DFI.

Un graphique donnant une vue d'ensemble des tâches et des compétences principales de l'EMFP et ­ en comparaison ­ des tâches et des compétences du Conseil fédéral, de la ChF et de l'OFSP est présenté au chap. 5.

7.2

Organisation et rôle de l'EMFP durant la première vague de la pandémie

7.2.1

Entrée en fonction et composition

Le 24 janvier 2020, l'OFSP a convié l'EMFP à une première séance extraordinaire d'information de la conférence des directeurs afin d'examiner l'évolution de la situation relative à la pandémie de Covid-19. L'objectif étant d'informer le plus largement possible et le problème étant encore éloigné de la Suisse, on avait alors renoncé à une composition sur mesure de l'EMFP. Le 31 janvier et le 24 février 2020, l'EMFP a procédé à deux autres séances d'information. De plus, une réunion de l'élément de planification a eu lieu le 19 février 2020: elle devait servir non seulement à échanger

167

CdC; Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP); Conférence gouvernementale des affaires militaires, de la protection civile et des sapeurs-pompiers (CG MPS); Conférence des directeurs cantonaux de l'énergie (EnDK); CDS; quatre organisations cantonales de conduite.

168 Plan suisse de pandémie Influenza, Stratégies et mesures pour la préparation à une pandémie d'Influenza, 5e édition, 2018.

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des informations, mais également à identifier les problèmes et les défis qui pourraient se poser à l'avenir.

Bien que l'OFSP et le DFI aient qualifié la situation de «critique» le 24 février 2020 (cf. chap. 6.2.1) et qu'il ait été indiqué, lors de la séance concernée de la taskforce Covid-19 de l'OFSP, que le directeur de l'OFSP de l'époque avait convoqué l'EMFP pour une séance qui devait se tenir plus tard ce même jour, l'état-major n'a pas été constitué formellement ce jour-là, mais seulement plus d'une semaine après, le 2 mars 2020. Le directeur de l'OFSP a alors été élu président de l'EMFP, mais aucun suppléant n'a été désigné. Étant donné que l'EMFP était censé être composé en fonction des évènements, il a alors été décidé dans le même temps que, outre les membres permanents, les secrétariats généraux de tous les départements, l'OFIT, la Conférence des commandants des polices cantonales de Suisse (CCPCS), les Chemins de fer fédéraux suisses (CFF) et CarPostal seraient conviés à participer. Par la suite, ce ne sont pas seulement quatre organes cantonaux de conduite qui ont été invités, mais les organes des 26 cantons. Par contre, on a renoncé explicitement à ne plus inviter les membres de l'EMFP peu concernés. Les séances de la conférence des directeurs ont ainsi rassemblé un nombre important de participants, jusqu'à 50 personnes présentes physiquement, et environ 40 personnes, à distance.

Alors que la conférence de directeurs s'est ensuite réunie à un rythme hebdomadaire, l'élément de planification de l'EMFP n'a pas été utilisé. Cet élément se compose, selon l'art. 9 OEMFP, d'experts opérationnels et veille à la préparation des bases de décision pour la conférence des directeurs. Selon les personnes interrogées, l'OFSP souhaitait renoncer à activer l'élément de planification afin de ne pas ventiler les différents thèmes et de concentrer leur traitement dans les mains de la seule taskforce de l'OFSP (cf. chap. 6 et 9).

7.2.2

Activités et tâches

Rôle et tâches de l'EMFP Comme indiqué plus haut au chap. 7.1.1, l'art. 4, al. 2, OEMFP prévoit que, en cas d'évènement, l'EMFP doit, d'une part, assurer l'échange des informations et la coordination et, d'autre part, intervenir concrètement, en évaluant la situation et en élaborant des bases de décision à l'intention du Conseil fédéral, du département ou de l'office fédéral compétent.

A ce propos, il faut souligner tout d'abord que les personnes interrogées par la souscommission compétente étaient unanimes sur le fait que l'EMFP a joué un rôle important et utile. Elles ont toutefois également été d'accord sur le fait que, s'il avait effectivement assumé ses tâches d'information et de coordination, l'EMFP n'a pas rempli celle consistant à élaborer des bases décisionnelles. Cet avis a été confirmé par les rapports d'évaluation rendus jusqu'ici (cf. ci-dessous, chap. 7.3) Toujours selon les personnes interrogées, aucune tâche, compétence ou responsabilité n'a été fixée lors de l'institution formelle de l'EMFP (pas plus que pour les autres organes de crise, comme la taskforce de l'OFSP et l'EMCC). La présidente actuelle, qui est également la directrice de l'OFSP, a déclaré que son prédécesseur avait indiqué 67 / 136

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oralement que les tâches et les compétences de l'EMFP étaient centrées sur la coordination, mais que l'état-major devait aussi préparer les propositions soumises au Conseil fédéral, les décisions finales relevant uniquement de la compétence de ce dernier ou des offices concernés.

Les responsables de l'EMFP ont précisé que, tout au début de la crise, certains thèmes techniques avaient encore été traités par l'état-major (approvisionnement en denrées alimentaires, protection des infrastructures critiques, approvisionnement en matériel de protection); par la suite, ils avaient été entièrement repris par la taskforce de l'OFSP. L'EMFP n'a plus alors fait office que de plateforme d'échange et d'information.

Cette répartition des tâches n'a toutefois jamais fait l'objet d'une décision formelle.

Selon les personnes interrogées, elle s'est faite sur le moment, pour répondre à une situation précise. Les représentants du DFI et de l'OFSP ont précisé qu'il était rapidement apparu qu'un organe aussi grand que l'EMFP ne se prêtait pas à la préparation des bases de décision du Conseil fédéral. De leur avis, rétrospectivement, il est clair qu'un état-major de la Confédération qui n'est pas composé de spécialistes aurait été dépassé s'il avait dû assumer la responsabilité de la gestion de la crise; c'est pour cela que celle-ci a été confiée à la taskforce de l'OFSP. Il était de plus prévu que l'office spécialisé ­ ici l'OFSP ­ prenne la présidence de l'EMFP en cas de crise.

Le président de l'EMFP d'alors, qui était également directeur de l'OFSP, a confirmé aux CdG qu'aucune décision formelle n'avait été prise concernant la répartition des tâches entre la taskforce de l'OFSP et l'EMFP, mais qu'il en avait discuté avec la direction du DFI. Il a ajouté que personne n'avait alors eu le temps de «se casser la tête» à réfléchir à cette question et à interpréter les prescriptions légales. L'actuel secrétaire général du DFI a indiqué aux CdG que son département avait informé le Conseil fédéral de la répartition des tâches le 7 avril 2020, par une note sur les activités de l'EMCC. Outre des informations sur le mandat, l'organisation et les activités de cet état-major, cette note contenait également des renseignements sur d'autres organes de crise, notamment sur les activités de l'EMFP. Selon cette note, lors de ses
séances hebdomadaires, la conférence des directeurs comparait les bilans établis par les membres concernant la situation et discutait des défis à venir; elle définissait de nouveaux champs d'action et abordait la coordination des travaux concernant certains sujets. Les échanges portaient principalement sur les thèmes qui pourraient apparaître dans les semaines ou les mois suivants. La note indique également que les champs d'action fixés étaient traités par des GT ad hoc, constitués d'experts de l'élément de planification de l'EMFP. Cette affirmation est toutefois contredite par les déclarations des personnes interrogées, qui ont signalé qu'on avait renoncé à utiliser l'élément de planification pour ne pas trop ventiler le traitement des thèmes et le concentrer entre les mains de la taskforce de l'OFSP.

Les représentants du DFI et de l'OFSP ont affirmé aux CdG que l'EMFP ne pouvait pas être chargé de gérer une pandémie, car il était dépourvu de spécialistes et/ou comptait trop de membres. Selon le secrétaire général actuel du DFI, c'est plutôt la gestion des catastrophes naturelles qui formait le coeur du mandat de l'EMFP. Le chef du DFI a maintenu que la LEp et les dispositions des autres prescriptions connexes étaient restées purement «théoriques» jusqu'à la pandémie de Covid-19 et qu'elles

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n'avaient jusque-là jamais dû être appliquées. L'ancien directeur de l'OFSP et président de l'EMFP durant la première phase de la pandémie est allé à l'encontre de cet argument, soulignant que l'EMFP était une émanation de l' l'ancienne «cellule spéciale Pandémie», qu'il avait créé et constitué alors qu'il était secrétaire général du DFI, suite à la crise du H1N1169. Il a ajouté qu'il était apparu clairement, lors de différents exercices, que l'EMFP pouvait assumer le rôle qui lui avait été dévolu. Toutefois, la crise causée par la pandémie de Covid-19 revêt une ampleur et s'étend sur une durée telle qu'elle n'est pas comparable aux exercices effectués ou aux pandémies survenues jusqu'ici. De son point de vue, l'ampleur de la pandémie et, partant, le grand nombre d'acteurs concernés sont bien trop importants pour confier la préparation de la politique sanitaire et les travaux législatifs à l'EMFP. C'est pourquoi ces tâches ont été attribuées à la taskforce de l'OFSP et au SG-DFI. La directrice actuelle de l'OFSP, également présidente de l'EMFP, a rappelé qu'il n'avait pas été possible d'identifier, à un moment précis, qu'il s'agissait d'une crise et que personne ne pouvait alors prévoir combien de temps elle durerait. L'OFSP avait certes déjà une certaine expérience des pandémies, notamment avec le SRAS ou la grippe aviaire, mais ces pandémies n'avaient duré que quelques semaines.

Les représentants du DDPS et de l'OFPP se sont montrés plus critiques envers le rôle joué par l'EMFP dans la crise du Covid-19. La cheffe du DDPS a déclaré aux CdG que, d'après son département, l'EMFP aurait été en mesure d'endosser un rôle plus important. Le chef d'état-major de l'EMFP a affirmé qu'il s'était adressé, à différentes reprises, au président de l'EMFP et directeur de l'OFSP pour lui présenter des propositions concernant le rôle et les tâches de l'état-major et lui demander d'activer l'élément de planification, sans succès. Les collaborateurs de l'OFPP responsables de l'EMFP ont indiqué, lors de leur audition, qu'ils s'étaient efforcés ­ du moins lors de la deuxième phase de la pandémie (suite au retour à la situation particulière en juin 2020) ­ de renforcer le rôle et l'efficacité de l'EMFP et d'adapter sa composition en fonction des évènements: ils avaient ainsi proposé de n'inclure que les dix offices
fédéraux les plus concernés et de se borner à informer les autres par écrit des derniers développements; on avait également tenté de clarifier et de formuler plus précisément certaines tâches de l'état-major. L'OFSP et le DFI avaient cependant rejeté ces propositions, souhaitant que l'EMFP reste exclusivement une plateforme d'information et d'échanges, comme lors de la première phase. Au final, l'OFSP et le DFI l'avaient emporté et l'EMFP était resté une simple plateforme d'échange et d'information.

Coordination avec d'autres organes de crise et avec les cantons Les personnes interrogées, de la cheffe du DDPS au chef du DFI en passant par les collaborateurs de l'OFSP et de l'OFPP faisant partie de l'EMFP, ont unanimement souligné que la collaboration et la coordination entre la taskforce de l'OFSP, l'EMFP et l'EMCC ­ principalement assurées par des personnes clés ayant siégé simultanément au sein de ces trois organes ­ ont bien fonctionné (cf. chap. 9).

Les cantons étaient totalement intégrés à l'EMFP; cela n'était pas le cas dans une même mesure au sein de la taskforce de l'OFSP: selon la directrice de l'OFSP, ils y 169

La grippe H1N1, également appelée grippe porcine, a été responsable d'une pandémie entre 2009 et 2010.

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étaient représentés lorsque cela était nécessaire (cf. chap. 6 et 10). Le chef d'étatmajor de l'EMFP a toutefois déclaré que certaines décisions auraient été mieux acceptées si les cantons avaient été impliqués plus tôt et plus systématiquement, ce qui aurait été faisable avec l'EMFP. Les cantons ont également apprécié de recevoir des informations directement de la Confédération par l'intermédiaire de l'état-major.

C'est la raison pour laquelle l'état-major a décidé d'inviter les 26 organes cantonaux de conduite, et pas seulement les quatre prévus originellement, lorsqu'il a été clair que l'EMFP ferait uniquement office de plateforme d'échange et d'information. Les cantons, et en particulier la CdC, ne partagent pas cette analyse: selon eux, l'EMFP n'a fait que simplifier marginalement la coordination avec la Confédération et a plutôt contribué, avec l'EMCC, «à une multiplication des canaux d'informations, ce qui n'a plus permis d'avoir un aperçu global de la situation»170. La collaboration entre la Confédération et les cantons faisant actuellement l'objet d'un examen par la CdG-E, cette thématique ne sera pas approfondie dans le présent rapport. Des considérations de portée générale sur ce thème sont toutefois présentées au chap. 10.

7.3

Évaluation par l'administration fédérale, améliorations et mesures

7.3.1

Analyse de la Chancellerie fédérale

En mai 2020, pendant la première phase de la pandémie, le Conseil fédéral avait déjà chargé la ChF et les services fédéraux concernés d'évaluer la gestion de crise de l'administration fédérale et de lui soumettre un premier rapport présentant les enseignements tirés et des recommandations d'ici à la fin 2020. Le rapport remis le 11 décembre 2020171 qualifie la gestion de crise de l'administration d'adéquate; il relève toutefois un potentiel d'amélioration dans différents domaines.

Concernant les organes de crise, le rapport relève que si les dispositions légales, les stratégies et les lignes directrices nécessaires existaient bien, elles n'ont que partiellement été appliquées. Cela est particulièrement évident pour les deux états-majors de crise que sont l'EMCC et l'EMFP: leurs «tâches, compétences et responsabilités n'étaient pas suffisamment claires ou complètement assumées, bien que les instructions concernant la gestion des crises dans l'administration fédérale et l'ordonnance du 2 mars 2018 sur l'État-major fédéral Protection de la population les définissent précisément». La gestion de la crise a donc été pour l'essentiel assumée par les étatsmajors de crise des départements, alors que, au vu de l'ampleur de la crise, elle aurait dû être menée au niveau supradépartemental.

Le rapport précise plus loin en ce qui concerne l'EMFP: «La fonction, le rôle et les compétences de l'EMFP n'étaient pas clairs non plus, si bien qu'il n'a pas pu assumer complètement les tâches qui lui revenaient. Par conséquent, il n'a pas préparé de bases de décision et de dispositions légales ou réglementaires, ni émis de décisions.

170

COVID-19: gestion de la crise durant la première vague, le point de vue des cantons, Rapport intermédiaire de la CdC du 18 décembre 2020.

171 Chancellerie fédérale, Rapport concernant l'évaluation de la gestion de crise pendant la pandémie de COVID-19 (1re phase / février - août 2020), 11 décembre 2020.

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Ces tâches ont elles aussi été assumées par la Taskforce OFSP. La mise sur pied de l'EMCC a en outre fortement relativisé l'importance des produits de l'EMFP et de sa conférence de directeurs ou les a rendus inutiles pour les prises de décision du Conseil fédéral. Les tâches, compétences et responsabilités de l'EMCC et de l'EMFP n'étaient pas coordonnées et sont restées obscures. La taille des deux états-majors et leur composition hétérogène ont gêné la collaboration et la prise de décision rapide.

Le niveau hiérarchique et le pouvoir de décision des membres des deux états-majors étaient inégaux, de même que leurs perspectives opérationnelles et stratégiques. Les personnes interviewées ont relevé qu'il était difficile de prendre des décisions stratégiques dans de grands organes supradépartementaux. Ces décisions ont donc été prises dans les départements. Les participants ont particulièrement apprécié l'EMCC et l'EMFP en tant que plateformes d'échange et d'information.» En conséquence, la ChF formule, dans ce rapport, les recommandations suivantes: «La Chancellerie fédérale et les départements doivent examiner si les ordonnances, instructions, plans stratégiques et conceptions en matière de gestion de crise doivent être adaptés dans l'optique de la gestion d'une crise longue et complexe nécessitant l'intervention de plusieurs départements.» (recommandation 1) «La Chancellerie fédérale et les départements doivent examiner ensemble les tâches, les compétences, les responsabilités et la composition de l'EMCC, de l'état-major de crise ad hoc du Conseil fédéral et des états-majors de crise des départements, les coordonner et le cas échéant adapter les ordonnances et les instructions pertinentes.

À cet égard, il faudra tenir compte de la répartition des rôles entre les organisations de crise et les structures départementales ordinaires.» (recommandation 2) Le 11 décembre 2020, le Conseil fédéral a transformé ces recommandations en mandats et a fixé à fin 2022 le délai de mise en oeuvre; la ChF doit lui soumettre une planification ad hoc, si nécessaire, d'ici à la fin de l'année 2021.

Le 16 août 2021, la ChF a informé le Conseil fédéral172 qu'elle entendait regrouper les deux recommandations mentionnées ci-dessus et donc les mandats correspondants.

Les réflexions de la ChF se concentrent soit sur la
collaboration entre un éventuel étatmajor de crise ad hoc du Conseil fédéral et l'EMFP, soit sur une refonte du mandat de l'état-major pour en faire un organe de soutien à la conduite. La ChF et l'OFPP veillent à ce que les dispositions de l'OEMFP et les instructions concernant la gestion des crises dans l'administration fédérale soient harmonisées. Les principes sur lesquels se fondent les états-majors de crise et la collaboration entre les différents organes ont été discutés une première fois à l'automne 2021 lors d'un atelier réunissant des représentants de tous les départements, de la ChF et des cantons. Les résultats ont été pris en compte dans le suivi de la première évaluation de la ChF et seront intégrés dans la deuxième évaluation de la ChF.

Outre les instructions concernant la gestion des crises dans l'administration fédérale et l'OEMFP, d'autres bases supradépartementales doivent être examinées, dont le plan suisse de pandémie Influenza.

172

Note d'information de la ChF du 16 août 2021 «Übersicht Stand der Umsetzung der Aufträge der Auswertung des Krisenmanagements in der Covid-19-Pandemie (1. Phase)» (en allemand uniquement).

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7.3.2

Évaluation interne de l'EMFP

Dans le cadre de l'évaluation interne de l'EMFP, une enquête a été menée durant la première phase de la pandémie de Covid-19, à l'été 2020, auprès des membres de la conférence des directeurs et des représentants des cantons; le taux de réponse était élevé puisqu'il a atteint les 90 %.

Dans le rapport présentant les résultats173, il apparaît clairement que l'EMFP «n'a pas été engagé conformément aux bases légales, à la planification préventive nationale (plan suisse de pandémie) ni à la planification préventive de l'EMFP.» Étant donné que l'option d'un EMFP réduit et «opérationnel» n'avait pas été retenue, cet organe, trop important de par le nombre de ses membres, n'a pas été associé à la préparation des objets du Conseil fédéral; l'élaboration de bases de décision à l'intention du Conseil fédéral, du département ou de l'office compétent, visée à l'art. 4, al. 2, let. c, OEMFP, n'a pas eu lieu et l'EMFP a uniquement fait office de plateforme d'échange et d'information.

À l'instar de l'analyse de la ChF, celle de l'EMFP a montré que l'intégration de l'EMFP dans l'appareil de gestion de crise de la Confédération et la délimitation des tâches entre l'EMFP, la Taskforce de l'OFSP et l'EMCC n'étaient pas claires pour toutes les personnes impliquées.

Le rapport soulève la question de savoir s'il est judicieux que, en cas d'évènement, le directeur de l'office compétent siège également à la présidence de l'EMFP. Le directeur de l'OFSP était par exemple très occupé par les dossiers de santé publique et par la direction de son office et n'avait donc pas beaucoup de temps pour se pencher sur les effets et les conséquences secondaires dans d'autres domaines (cf. chap. 6.4, 9 et 10). C'est pourtant là que réside, selon l'évaluation, la force d'un EMFP reposant sur une large assise.

Dans le cadre de l'évaluation, l'EMFP présente d'autres conclusions essentiellement opérationnelles ainsi que des recommandations concrètes. La recommandation 1 porte sur le rôle et les tâches de l'EMFP; elle est conforme au mandat de révision de la ChF et est en cours de traitement par les départements (cf. ci-dessus, chap. 7.3.1).

7.4

Appréciation des CdG

Si l'on considère les éclaircissements obtenus par les CdG et les évaluations de la ChF et de l'EMFP concernant la première phase de la pandémie, il apparaît clairement que l'EMFP n'a pas été institué conformément aux dispositions légales et aux dispositions du plan de pandémie. Il a fait office de plateforme d'échange et d'information, assumant ainsi son mandat de coordination; par contre, il n'a pas été en mesure de remplir sa tâche consistant à préparer des bases de décision du Conseil fédéral.

Les CdG ont donc clarifié la manière dont la décision d'instituer l'EMFP sans tenir compte des dispositions existantes avait été prise et quelle en était la raison. Elles ont ainsi constaté que le Conseil fédéral n'avait sur ce point pris aucune décision bien que, 173

EMFP, COVID-19 ­ Évaluation interne de l'EMFP (projet du 30 mars 2021).

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du point de vue des CdG, cela aurait été nécessaire. Elles considèrent que cette absence de décision est problématique, tout comme les explications avancées par les personnes interrogées pour justifier le fait que l'EMFP n'a pas été engagé conformément aux prescriptions.

7.4.1

Absence de décision concernant les tâches de l'EMFP

Il ressort de la LEp, de l'OEMFP et du plan de pandémie que l'EMFP est l'instrument principal de la Confédération tant pour ce qui est de la préparation que de la gestion des évènements et que, dans cette fonction, il doit notamment élaborer les bases de décision sur lesquelles se fondera le Conseil fédéral. Cette tâche est fixée à l'art 4, al. 2, OEMFP; il ne s'agit pas d'une disposition potestative («l'EMFP assume les tâches suivantes»). Ces prescriptions légales doivent également être appliquées en cas de crise. De l'avis des CdG, le Conseil fédéral aurait dû, dans le cas concret, identifier cette contradiction et adapter l'ordonnance en conséquence. Il ne suffit en effet pas que le président de l'EMFP, à l'époque directeur de l'OFSP, conclue que l'état-major doit être institué sans tenir compte des prescriptions existantes, que certaines des tâches qui sont dévolues à cet état-major par l'ordonnance doivent en fait être assumées par la taskforce de l'OFSP, et que ces décisions soient ensuite avalisées uniquement de manière informelle par le DFI. Les CdG reconnaissent toutefois que l'évolution de la pandémie a conditionné cette répartition des tâches entre la taskforce de l'OFSP et l'EMFP et que l'exécution des tâches quotidiennes n'a certainement laissé que peu de temps pour examiner la question fondamentale des compétences et des tâches.

Pour les CdG, la question se pose également de savoir quelles bases de décision l'EMFP aurait été censé préparer dans le cas concret. Par ailleurs, de l'avis de la commission, il serait nécessaire de clarifier sur le plan juridique si l'EMFP aurait pu luimême soumettre des propositions au Conseil fédéral, à un département ou à un office (cf. à ce sujet recommandation 8, chap. 7.4.3)174.

Dans le même temps, les commissions considèrent également que la principale raison pour laquelle certaines des tâches de l'EMFP ont été assumées par la taskforce est que l'EMFP n'avait été institué que très tard. Lorsqu'il a été opérationnel, le 2 mars 2020, la taskforce de l'OFSP était déjà active depuis environ six semaines. Elle avait donc assumé certaines des tâches normalement dévolues à l'EMFP avant même que ce dernier n'ait été créé. Il est bien sûr difficile de dire si la répartition des tâches entre la taskforce de l'OFSP et l'EMFP aurait été différente si ce dernier
avait été institué plus tôt. Le fait que cet organe ait mis du temps à être créé a favorisé cette répartition des tâches aux yeux des CdG, notamment parce que l'EMFP était alors dirigé par le directeur de l'OFSP. La question, selon les CdG, est de savoir pourquoi l'EMFP n'a été 174

Fondamentalement, l'EMFP ne fait pas partie des autorités qui peuvent soumettre des propositions au Conseil fédéral en vertu de l'art. 3, al. 1 et al. 3, OLOGA. On peut également douter du fait que l'art. 4, al. 2, let. c, OEMFP constitue une base légale suffisante pour que l'EMFP puisse soumettre des objets directement au Conseil fédéral. Si tel n'est pas le cas, l'EMFP pourrait certes préparer des décisions, mais les propositions en tant que telles devraient être transmises par le biais d'un département.

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institué qu'au début du mois de mars 2020 (et l'EMCC encore plus tard; cf. chap. 9 et 10).

Indépendamment du déroulement des évènements, les CdG sont d'avis que le Conseil fédéral aurait dû fixer les tâches et les compétences des trois organes de crise (EMFP, taskforce de l'OFSP et EMCC) au plus tard au moment où l'ampleur de la pandémie lui est clairement apparue et où il a de ce fait institué l'EMCC (cf. chap. 8 et 10). Le fait qu'il se soit contenté d'une référence aux directives idoines à titre de descriptif des principales tâches de l'EMCC, au moment de sa création le 20 mars 2020, n'est pas suffisant; pas plus que ne l'est le fait que la répartition des tâches opérées entre l'EMCC, l'EMFP et la Taskforce de l'OFSP ait été définie dans une note d'information du DFI environ une semaine plus tard (cf. chap. 9)175.

En effet, il est hautement important, en temps de crise, que les TCR soient clairement définies. Et c'est justement parce que le temps manque à ce moment-là que les règles à suivre dans de telles situations sont fixées (par ex. avec un plan de pandémie) lors de périodes de stabilité, afin de ne pas devoir «réinventer la roue». Lorsqu'on choisit de déroger à ces prescriptions légales, ce doit être après avoir consciencieusement pesé le pour et le contre, et les bases légales doivent être adaptées en conséquence.

Aux yeux des CdG, il est impensable que les tâches et compétences des différents organes ne soient déterminées en temps de crise que selon les besoins (cf. ci-dessous).

7.4.2

Justifications peu compréhensibles concernant l'engagement concret de l'EMFP

Les CdG considèrent comme contestables, ou difficilement compréhensibles, les motifs avancés par les personnes interrogées pour expliquer que l'EMFP n'avait pas pu assumer les tâches initialement prévues. En résumé, les arguments présentés sont au nombre de trois: premièrement, l'EMFP aurait eu un nombre de membres trop important; deuxièmement, il aurait été dépourvu de spécialistes et n'aurait donc pas été à même de préparer des bases de décision; et troisièmement, l'ampleur et la durée de la crise n'étaient pas prévisibles.

Concernant la taille de l'EMFP: il était déjà évident, au moment de l'élaboration du plan de pandémie, que l'EMFP et sa conférence des directeurs étaient des organes comptant un nombre de membres relativement élevé. Pourtant, un rôle important lui avait été attribué, dont celui de préparer les bases de décision pour le Conseil fédéral.

Les CdG peuvent comprendre, jusqu'à un certain point, que la taille de l'EMFP, dans sa composition normale, était déjà trop importante pour assumer cette fonction. Elles s'étonnent toutefois que ce fait n'ait jamais été constaté lors des exercices effectués précédemment et que certaines personnes interrogées aient même indiqué que l'étatmajor avait pu, dans le cadre de ces exercices, remplir les tâches qui lui étaient assignées (cf. aussi chap. 10).

Si cette faiblesse de l'EMFP est effectivement devenue évidente au moment de la pandémie de Covid-19 seulement, les CdG ont alors du mal à comprendre pourquoi 175

Note d'information du DFI du 7 avril 2020 «Aktivitäten des KSBC» (en allemand uniquement), cf. chap. 7.2.2.

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on n'a pas cherché à pallier ce problème en adaptant la composition de l'état-major aux évènements ainsi que le prévoit l'OEMFP, autrement dit en réduisant le nombre de participants. En effet, si l'on consulte la liste des membres permanents de l'EMFP et de la conférence des directeurs, on s'aperçoit très vite que tous les membres n'étaient pas affectés dans la même mesure par la pandémie: la crise avait certainement un impact direct bien plus important sur l'OFSP, le Centre de gestion des crises du DFAE ou le SSC que sur l'Office fédéral de topographie ou sur les établissements de la Confédération (Inspection fédérale de la sécurité nucléaire [IFSN], Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage [WSL], Service Sismologique Suisse). De plus, du point de vue des CdG, activer l'élément de planification aurait aussi permis de traiter des questions techniques dans un ou plusieurs groupes plus petits constitués d'experts au niveau technico-opérationnel, en vue de préparer des bases de décision à l'intention de la conférence des directeurs et, partant, du Conseil fédéral.

Outre la taille de l'EMFP, les représentants du DFI et de l'OFSP ont relevé l'absence de spécialistes en son sein, ce qui expliquerait, d'après eux, que l'EMFP n'ait fait office que de plateforme d'échange et d'information. Pour les CdG, cet argument est également contestable. Il va clairement à l'encontre des prescriptions inscrites dans la LEp et dans le plan de pandémie, que le DFI et l'OFSP ont contribué dans une large mesure à élaborer. Il est bien évident que, pour faire face à une crise, il est indispensable de disposer d'une certaine expertise: il est donc judicieux ­ comme cela a été le cas pour la pandémie de Covid-19 ­ que l'office compétent soit responsable du traitement de certaines questions ou thèmes et qu'il puisse mettre sur pied, si besoin est, pour sa propre organisation, un organe spécifique (taskforce de l'OFSP, par ex.). Cela ne signifie pas pour autant que la direction globale doit être assumée par l'office ou le département compétent et que ces derniers sont seuls en mesure d'élaborer les bases décisionnelles nécessaires. Selon les CdG, il pourrait même être utile que la gestion de crise soit confiée à un état-major spécial, comme l'EMFP. Le Parlement et l'exécutif sont également parvenus
à cette conclusion, comme le montrent les dispositions de la LEp, celles de l'OEMFP176 et le plan de pandémie; les commentaires relatifs à l'OEMFP relèvent que les tâches de l'EMFP ont été définies sur la base des expériences et des exercices de ces dernières années. Pour les CdG, il n'est pas concevable de déroger, en période de crise, aux prescriptions existantes sans avoir auparavant pesé minutieusement le pour et le contre.

Les considérations exposées ci-dessus sont également valables pour répondre aux arguments selon lesquels l'ampleur et les circonstances de la pandémie de Covid-19 n'étaient pas prévisibles au départ et qu'elles ont eu un impact important sur la répartition des rôles et des tâches entre les organes concernés. Pour les CdG, il n'aurait pas dû en être ainsi. Elles soulignent que l'EMFP avait notamment été institué afin de disposer d'un organe pouvant intervenir dans toutes les crises possibles et être modulable selon les évènements. En cas de crise, de quelque ampleur qu'elle soit, la répartition des rôles et des tâches entre les offices compétents et les états-majors transversaux ne devrait pas être redéfinie à chaque fois.

176

Cf. explications relatives à l'OEMFP du 16 février 2018, al. 1.

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Selon les CdG, si l'ampleur et les circonstances de la crise du Covid-19 ont eu un tel impact sur la répartition des tâches entre les organes de crise, cela tient aussi au fait que le Conseil fédéral et l'administration ont vu trop tard que le coronavirus et ses conséquences concernaient non seulement l'OFSP et le DFI, mais également l'ensemble de l'administration fédérale. En outre, et c'est encore plus important aux yeux des CdG, la gestion de la pandémie de Covid-19 a montré que le principe de la division en départements reste de mise même pendant une crise. Nombre de thèmes et de questions ont ainsi été traités avant tout dans le cadre des structures usuelles dans les départements au lieu d'être pris en charge par des états-majors transversaux. Les CdG considèrent que le Conseil fédéral devrait absolument prendre en considération cette réalité dans ses réflexions et remettre en question les prescriptions existantes en la matière (cf. chap. 10).

Au-delà de la question de savoir si l'EMFP était adapté et capable d'élaborer des bases de décision à l'intention du Conseil fédéral, les CdG estiment qu'il est aussi nécessaire de clarifier comment le processus d'élaboration doit se dérouler et comment ces bases de décision doivent être transmises au Conseil fédéral, au département ou à l'office (cf. aussi chap. 7.4.1).

7.4.3

Conclusions des CdG concernant l'EMFP

Les CdG ne peuvent que difficilement comprendre pourquoi l'EMFP n'a pas été institué selon les règles en vigueur et pourquoi il n'a pas été utilisé, en dehors de ses autres tâches, également pour la préparation des bases de décision. Les commissions reconnaissent certes que l'EMFP, mais aussi la taskforce de l'OFSP et l'EMCC, ont fait du bon travail, dans des circonstances difficiles. Elles sont plus critiques quant au fait que des prescriptions importantes n'ont pas été respectées. Du moment où l'EMFP n'a pas été institué selon les règles, il n'est pas possible de savoir si ce dernier pourrait remplir son mandat non pas seulement dans le cadre d'exercices, mais également en situation réelle de crise ou de pandémie.

Les CdG invitent donc le Conseil fédéral à ne pas uniquement adapter les règles existantes à la réalité de la première phase de la pandémie, mais également à s'interroger sur l'adéquation de la structure de l'EMFP et sur les tâches qui lui sont attribuées (et en particulier la possibilité d'élaborer des bases de décision et soumettre des propositions), notamment en considérant les logiques départementales qui continuent de prévaloir (cf. chap. 10).

Les CdG saluent les mandats d'examen du Conseil fédéral portant sur l'adéquation des bases légales et sur la répartition des rôles entre les organes chargés de gérer une crise (cf. chap. 7.3.1). Elles prennent par ailleurs acte du fait que le Conseil fédéral a également été chargé par un postulat177 «d'évaluer le succès de l'organisation de crise choisie pour gérer la pandémie de COVID-19 et d'exposer cette évaluation», en exa-

177

Po. Groupe libéral-radical «Rôle de l'État-major fédéral Protection de la population dans le contexte de la pandémie de COVID-19» du 17 mars 2021 (21.3205).

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minant en particulier le rôle de l'EMFP. Les CdG se tiendront informées de l'avancement des analyses en cours et de leurs résultats. Néanmoins, elles formulent la recommandation suivante concernant l'EMFP à l'intention du Conseil fédéral: Recommandation 8: Structures et tâches de l'EMFP Le Conseil fédéral est invité à examiner l'adéquation des structures de l'EMFP et les tâches qui lui sont attribuées, en particulier en ce qui concerne la possibilité pour l'EMFP d'élaborer des bases de décision et soumettre des propositions à l'intention du Conseil fédéral ou d'autres acteurs.

Les constatations concernant l'EMFP soulèvent par ailleurs la question de portée générale de l'équilibre adéquat à trouver, au niveau de l'organisation de crise fédérale, entre l'approche départementale et l'approche transversale (cf. à ce sujet chap. 10 et Postulat 1).

8

État-major du Conseil fédéral chargé de gérer la crise du coronavirus (EMCC)

À sa séance du 20 mars 2020, le Conseil fédéral a décidé de transformer l'organisation de crise du DFI existante en état-major de crise ad hoc du Conseil fédéral. Cet organe, nommé EMCC, a fonctionné jusqu'à la fin de la situation extraordinaire, le 19 juin 2020, puis a été dissous au 30 juin 2020.

Les CdG ont examiné en détail la mission, l'organisation et l'activité de l'EMCC en analysant les documents y afférents et en menant différentes auditions en 2021, notamment avec le chancelier de la Confédération, l'ancien responsable de l'EMCC et d'autres membres de l'EMCC. Elles entendaient ainsi connaître leurs expériences et leurs conclusions.

Les renseignements ci-après reposent sur cette base d'information.

Les bases légales et les directives concernant l'EMCC sont explicitées ci-après au chap. 8.1. Le chap. 8.2 décrit la manière dont l'EMCC a été institué et constitué (cf. chap. 8.2.1) ainsi que les tâches qui lui ont été assignées (chap. 8.2.2). Ensuite, le chap. 8.3 détaille les conclusions des évaluations de l'organisation de crise effectuées jusqu'ici par l'administration fédérale en ce qui concerne l'EMCC. Enfin, le chap. 8.4 rend compte de l'appréciation des CdG.

8.1

Bases légales et autres prescriptions

Le recours à un état-major de crise ad hoc du Conseil fédéral est réglé dans les instructions du Conseil fédéral du 21 juin 2019 concernant la gestion des crises dans l'administration fédérale (cf. également chap. 5). Au ch. 4.1, les instructions prévoient que la cheffe ou le chef du département responsable ou la présidente ou le président de la Confédération peut constituer un état-major de crise ad hoc du Conseil fédéral.

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Le département responsable active les fonctions et les services nécessaires à la gestion de la crise.

Selon le ch. 4.2.1 des instructions, l'état-major de crise ad hoc du Conseil fédéral assume notamment les tâches suivantes: a.

suivre et apprécier la situation pour le compte du Conseil fédéral et informer celui-ci;

b.

préparer des options d'intervention et des bases de décision pour le Conseil fédéral;

c.

coordonner ses activités avec celles des autres états-majors de crise engagés;

d.

coordonner et piloter la gestion des crises par le Conseil fédéral;

e.

assurer la coordination avec la cellule de communication en cas de crise de la ChF.

L'état-major de crise ad hoc peut donner des instructions aux autres états-majors de crise engagés (ch. 4.2.2). Les états-majors de crise des départements et les états-majors de crise interdépartementaux assistent l'état-major de crise ad hoc du Conseil fédéral conformément à ses instructions (ch. 3.4.3 et 3.5.3).

8.2

Organisation et rôle de l'EMCC durant la première vague de pandémie

8.2.1

Institution et composition

Le 20 mars 2020, soit quatre jours seulement après la déclaration de l'état de situation extraordinaire en vertu de la LEp, le Conseil fédéral a décidé de transformer l'organisation de crise du DFI existante en état-major de crise ad hoc du Conseil fédéral. Cet état-major devait être dirigé par le DFI et réunir une représentante ou un représentant des cantons, de chaque département et de la ChF. Le Conseil fédéral a en outre précisé que cet état-major de crise du Conseil fédéral était habilité à donner des instructions aux autres états-majors de crise.

L'état-major de crise ad hoc a été institué au moyen d'un arrêté du Conseil fédéral qui a aussi modifié l'ordonnance COVID-19 notamment. Dans sa proposition originelle du 17 mars 2020, le DFI avait indiqué que, pour des raisons de politique sanitaire, le DFI devait diriger la gestion de crise. Il proposait d'instaurer un groupe de pilotage dirigé par une délégation du DFI et auquel participeraient aussi les cantons, le DDPS (OFPP), le DFAE, le DEFR (SECO) et la ChF. Ce groupe de pilotage devait coordonner les activités de gestion de la crise dans le domaine de la santé et être habilité à donner des instructions aux autres organes (EMFP, taskforce de l'OFSP et GT intersectoriels). Selon la proposition du DFI, cette organisation de crise «n'avait pas vocation à gérer l'intégralité des problèmes en lien avec le coronavirus en Suisse» mais devait s'attacher principalement à coordonner la gestion de crise et à en gérer les répercussions sur le système de santé suisse, tandis que les autres thématiques devaient relever de la CSG. Pour des raisons inconnues des CdG, deux jours plus tard, le

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19 mars 2020, le DFI remettait au Conseil fédéral une nouvelle version de la proposition. Le DFI proposait qu'en plus des cantons et de la ChF, chaque département soit représenté dans le groupe de pilotage.

Dans un corapport relatif à cette proposition, un département a demandé de modifier la proposition du DFI de manière à transformer l'organisation de crise du DFI en étatmajor de crise ad hoc du Conseil fédéral, avançant que si la crise et les conséquences de la pandémie sur le système de santé devraient certes être au premier plan, la crise devait toutefois être traitée dans sa globalité. Il fallait donc tenir compte non seulement de ses aspects sanitaires, mais également de ses conséquences sur l'économie, les finances et la politique extérieure, d'où la nécessité d'une direction et d'une coordination globales par un organe habilité à donner les instructions nécessaires.

L'arrêté du Conseil fédéral instituant l'EMCC ne détaille pas les missions de cet organe. Ces tâches découlent donc des instructions du Conseil fédéral du 21 juin 2019178, auxquelles l'EMCC fait référence dans son rapport final du 19 juin 2020179 (cf. chap. 8.1).

Le 25 mars 2020, le Conseil fédéral a décidé de confier à Lukas Bruhin (alors secrétaire général du DFI, cf. chap. 6.2.6) la direction de l'EMCC à partir du 1er avril 2020.

Il n'a toutefois donné aucune indication sur la composition du reste de l'état-major.

Selon les explications fournies dans le cadre d'une audition des CdG, les départements étaient clairement responsables de la nomination de leur propre membre de l'étatmajor.

8.2.2

Activités et tâches

La séance constitutive de l'EMCC s'est tenue le 25 mars 2020. Au début, l'état-major de crise se réunissait trois fois par semaine; au fil du temps et des assouplissements, il est passé à deux séances par semaine. Des représentantes et représentants des milieux scientifiques, économiques et de la société civile prenaient part aux séances une fois par semaine. Après l'annonce par le Conseil fédéral, le 27 mai 2020, de la fin de la situation extraordinaire l'EMCC est passé à un rythme hebdomadaire au mois de juin 2020. Il s'est réuni la dernière fois le 18 juin 2020 pour adopter son rapport final à l'intention du DFI.

L'EMCC disposait d'un secrétariat composé des responsables des trois points de contact (économie, science et société civile) et de plusieurs collaboratrices et collaborateurs du service de soutien de la ChF et d'autres unités administratives comme la Direction du droit international public du DFAE (DDIP), le Contrôle fédéral des finances (CDF) et l'OFPP (une responsable, un collaborateur chargé de la présentation de la situation, un responsable du soutien et plusieurs personnes au service d'appui).

178

Instructions du 21 juin 2019 concernant la gestion des crises dans l'administration fédérale (FF 2019 4415).

179 État-major du Conseil fédéral chargé de gérer la crise du coronavirus (EMCC), rapport final du 19 juin 2020, p. 6.

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Les trois points de contact Science, Société civile et Économie ont par ailleurs soutenu l'EMCC180.

Le 31 mars 2020, la Confédération a intégré le monde scientifique via la conclusion d'une convention entre le Secrétariat d'État à la formation, à la recherche et à l'innovation (SEFRI), l'OFSP, l'EMCC, le Fonds national suisse (FNS), le Conseil des écoles polytechniques fédérales, Swissuniversities et les Académies suisses des sciences (a+). Cette convention s'est traduite par la création de la taskforce scientifique (TFS) réunissant une équipe de recherche composée de membres d'universités et de hautes écoles suisses rémunérés via le budget régulier de leur université ou haute école. La mission principale de la TFS était de fournir des conseils et des données scientifiques aux organes compétents pour l'organisation de crise de la Confédération et aux autorités cantonales.

En octobre 2020, l'ancien responsable de l'EMCC a indiqué aux CdG que le Conseil fédéral avait institué l'EMCC bien que le Plan de pandémie ne prévoyait pas cette possibilité. Il a expliqué que la déclaration de l'état de situation extraordinaire était à l'origine de cette décision. Auparavant, lors de la situation particulière, lorsque les secrétaires générales et les secrétaires généraux se rencontraient trois fois par semaine au sein de la CSG, ils avaient remarqué qu'ils ne parvenaient pas à assurer convenablement la coordination. L'institution de l'EMCC avait par conséquent aussi servi à décharger les secrétaires générales et les secrétaires généraux. Parallèlement à cela, on avait voulu impliquer les départements dans les décisions de santé publique compte tenu de leur portée. L'EMCC était donc venu compléter la structure prévue. Selon le responsable de l'EMCC de l'époque, cela en a valu la peine. Il était clair depuis le début que l'EMCC serait dissous dès que la situation l'aurait permis.

Pour son ancien responsable, l'EMCC était une cellule d'organisation et d'information qui donnait des impulsions; ce n'était pas un état-major de crise qui préparait les décisions du Conseil fédéral. L'EMCC a mené des discussions préparatoires concernant les actions possibles ou les bases de décision, avec en ligne de mire la gestion de la crise sanitaire181, et clarifié les compétences en réponse à des interrogations et des évolutions
stratégiques. L'ancien responsable de l'EMCC a expliqué qu'en associant la TFS, les milieux économiques et la société civile, l'EMCC avait généré une véritable plus-value. Cet organe suivait et appréciait la situation et en informait les départements, et non directement le Conseil fédéral. L'instauration de l'état-major de crise avait porté ses fruits. Parmi les points positifs, l'ancien responsable a mentionné sa participation à l'EMCC en tant que représentant du SG-DFI, mais également celle de représentants de l'OFSP et de l'EMFP. L'EMCC a permis de croiser rapidement les

180

Ils faisaient office de lien avec le groupe de travail intersectoriel Science (conseils scientifiques destinés aux responsables et aux autorités politiques pour accompagner la prise de décision, identification de projets de recherche porteurs), le groupe de travail intersectoriel Société civile (canal de communication entre l'administration publique et la société civile en collaboration avec le Staatslabor) et le groupe de travail intersectoriel Économie (garantie de l'acquisition et de la distribution des biens médicaux pertinents).

181 La note d'information du DFI du 7 mai 2020 indique à ce sujet que l'EMCC se concentrait principalement sur les conséquences directes de la crise dans le domaine sanitaire, tandis que le DEFR et sa taskforce Économie étaient responsables de l'atténuation des conséquences économiques.

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informations. Sur des sujets comme les masques, le traçage des contacts, les assouplissements ou l'ouverture des frontières, l'EMCC a apporté des contributions importantes.

Lors d'une autre audition, en février 2021, l'ancien responsable de l'EMCC s'est également exprimé de manière globalement positive au sujet de l'organe qu'il dirigeait.

Il a indiqué que l'organisation de crise dans son ensemble avait connu son grand lancement lorsque la situation particulière a été déclarée le 28 février 2020.

L'ancien responsable de l'EMCC a rappelé que les propositions soumises au Conseil fédéral n'émanaient pas de l'EMCC lui-même, mais des départements, comme cela était aussi prévu par les instructions du Conseil fédéral. L'EMCC a toutefois permis de garantir la synchronisation des connaissances étant donné que tous les départements y étaient représentés et que le directeur de l'OFSP dirigeait l'EMFP et la taskforce de l'OFSP.

L'EMCC n'a donc pas fait de propositions formelles, a ajouté son ancien responsable, mais il a discuté en amont de nombreuses propositions des départements au Conseil fédéral; il avait donc en tout temps la vue d'ensemble sur les objets en cours. De son point de vue, il a toujours été absolument clair et incontesté que les discussions en tant que telles devaient avoir lieu au Conseil fédéral et que les décisions devaient suivre les processus ordinaires (consultation des offices, procédure de corapport, etc.).

Compte tenu de l'étendue et de la complexité de la crise, cela n'aurait pas été possible autrement, selon l'ancien responsable de l'EMCC. Ce dernier a estimé que l'EMCC avait rempli correctement son rôle de lieu d'échange et de maturation des idées et avait aussi pris des initiatives; sans lui, il n'y aurait probablement pas d'application SwissCovid.

L'ancien responsable de l'EMCC a toutefois indiqué que l'on s'était également demandé si les secrétaires générales et les secrétaires généraux n'auraient pas dû siéger dans l'EMCC, notamment afin que les discussions au sein de cet organe soient mieux relayées dans les départements. En effet, l'organe de pilotage actuel, instauré suite au retour à la situation particulière, les inclut.

Lorsqu'il a été entendu par les CdG, le chancelier de la Confédération a relevé, outre les aspects positifs, quelques points négatifs. Il a tout
d'abord fait référence aux principes du processus décisionnel en trois phases appliqué par le Conseil fédéral (consultation des offices, procédure de consultation, prise de décision en autorité collégiale) et a indiqué que le Conseil fédéral avait maintenu celui-ci lorsqu'il a pris ses décisions visant à lutter contre la pandémie de Covid-19, ajoutant que le principe de collégialité avait été concluant dans ce cadre. Il a observé que la plus-value représentée par l'EMCC était difficile à estimer, même s'il a notamment relevé que l'implication continuelle des milieux scientifiques et économiques ainsi que de la société civile avait constitué un avantage. Le chancelier de la Confédération a estimé que l'EMCC exerçait essentiellement une fonction de coordination; s'il ne se substituait pas à la consultation des offices ou à la procédure de corapport, son action avait néanmoins facilité les processus et les consultations. Il a aussi indiqué que les discussions avaient été d'un grand apport principalement pour le DFI dans l'élaboration des propositions; il a estimé que l'EMCC n'avait pas eu un statut satisfaisant puisque, dans ce sens, il avait davantage fonctionné comme un état-major du DFI que comme l'état-major de 81 / 136

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crise du Conseil fédéral. Le chancelier de la Confédération a ajouté que l'EMCC n'ayant pas fait usage de son pouvoir de donner des instructions, il n'avait pas constitué un véritable état-major de crise ad hoc du Conseil fédéral: c'est donc bien le Conseil fédéral lui-même qui a exercé la fonction d'état-major de crise.

Initialement, le Conseil fédéral avait attendu de l'EMCC qu'il s'acquitte de tâches opérationnelles, qui se sont transformées par la suite de plus en plus en questions stratégiques. Ce n'est pas l'EMCC, mais la taskforce de l'OFSP qui a pris les décisions de fond et défini les grandes orientations.

Une importante constatation, selon chancelier de la Confédération, est que l'EMCC a été institué trop tard, ce qui a notamment conduit à l'application trop rigide du principe départemental, que les travaux de l'EMCC n'ont ensuite pas été en mesure d'atténuer.

Par ailleurs, d'après les instructions, l'EMCC devait principalement se charger des questions stratégiques, tandis que l'EMFP était responsable du volet opérationnel; ce n'est toutefois que vers la fin de la première vague que l'EMCC a été effectivement en mesure d'identifier et de traiter les questions stratégiques.

Le secrétaire général du DETEC également membre de l'EMCC, a expliqué aux CdG que si la Confédération était effectivement bien préparée aux crises brèves, elle l'était moins pour les crises telles que celle que nous traversons depuis le début de 2020. On aurait alors tôt fait de vouloir s'en remettre à un état-major de crise professionnel. Il se demandait toutefois si un état-major supplémentaire apporterait quelque chose. De son avis, il était plus adéquat de travailler dans le cadre des structures ordinaires, en veillant à les soulager. Selon lui, avec la CSG, il existe déjà un organe de coordination.

Les secrétaires générales et secrétaires généraux sont les plus proches des cheffes et chefs de département.

Les CdG ont auditionné une autre membre de l'EMCC, à savoir la directrice suppléante de l'OFJ. Celle-ci a souligné que le processus ordinaire de préparation des affaires du Conseil fédéral avait dû fonctionner même en période de crise, quoique dans des délais nettement plus courts. Elle a ajouté que l'administration fédérale n'avait souvent eu que quelques heures, ou un à deux jours, à disposition pour
préparer ces affaires. Le système a ainsi été confronté à des défis inimaginables, en particulier en lien avec les ordonnances édictées à l'époque par le Conseil fédéral en vertu du droit de nécessité. Dans un tel contexte, il avait également fallu traiter des questions supradépartementales qui avaient nécessité une importante coordination des offices transversaux comme l'OFJ, qui est systématiquement impliqué dans les procédures de consultation des offices et dans les procédures de corapport. L'EMCC s'est avéré très utile comme plateforme d'information182. La directrice suppléante de l'OFJ y a elle-même avant tout joué un rôle de coordination dans le domaine législatif.

Concernant les activités concrètes de l'EMCC, la directrice suppléante de l'OFJ a renvoyé au rapport final du 19 juin 2020 (voir aussi le chap. 8.3.1). Elle tire de l'activité de l'EMCC les principaux enseignements suivants: les instructions du Conseil

182

La note d'information du DFI du 7 mai 2020 indique à ce sujet que compte tenu des conditions générales difficiles, l'EMCC a essayé de simplifier le processus de consultation des offices.

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fédéral ont été élaborées pour gérer des évènements isolés. Avec la pandémie de Covid19 cependant, l'état d'urgence a duré des mois, et même plusieurs années, avec des conséquences sur toute la société et presque tous les domaines politiques. Face à cette situation, les instructions du Conseil fédéral n'étaient pas toujours adéquates. Lors de leur élaboration, on n'avait sans doute pas assez à l'esprit que le Conseil fédéral pourrait un jour être amené à discuter et arrêter de nouvelles versions des ordonnances de nécessité deux ou trois fois par semaine pendant une période prolongée. De son point de vue, la préparation des affaires du Conseil fédéral étant du ressort des offices et des départements compétents, la structure classique par département se prêtait mieux à la préparation de ces décisions parfois politiques, même si le temps manquait. La structure hiérarchique s'est par conséquent rapidement imposée face à la structure de l'EMCC, car elle convenait mieux à l'organisation des affaires du Conseil fédéral.

Dans ce contexte, la directrice suppléante de l'OFJ se demande si les instructions existantes ne devraient pas être révisées pour tenir compte de ce genre de crise.

Au mois d'août 2021, les CdG ont entendu le secrétaire général de la CdC en tant que représentant des cantons. Celui-ci a expliqué que sa participation à l'EMCC devait lui permettre de servir d'intermédiaire avec la Confédération et, ainsi, de transmettre le plus tôt possible aux cantons les informations de l'état-major de crise les concernant.

Mais face à l'accélération des évènements, les cantons n'avaient pas pu être très réactifs ­ du moins au début de la crise. Le secrétaire général de la CdC pensait initialement que les décisions du Conseil fédéral seraient préalablement discutées par l'EMCC. Or elles étaient le plus souvent déjà prises et les réunions d'état-major ne tenaient plus ou moins plus lieu que de séances d'information. Selon le secrétaire général de la CdC, le rôle de l'état-major de crise n'était pas clairement défini. En outre, cet organe comptait jusqu'à 50 personnes, ce qui était trop. Avant même l'instauration de l'état-major de crise par le Conseil fédéral, la CdC avait tenté de convaincre le Conseil fédéral d'instituer un état-major de crise composé de membres des exécutifs fédéral et cantonaux. La
Confédération avait toutefois rejeté cette idée. Mis à part les quelques occasions où il a pu apporter son aide en jouant les intermédiaires, le secrétaire général de la CdC a seulement fait acte de présence. Selon lui, il faut un étatmajor professionnel et permanent, qui s'y connaisse en gestion de crise. Ces considérations se retrouvent également dans le rapport final de la CdC concernant la collaboration entre Confédération et cantons durant l'épidémie de Covid-19, publié en mai 2022183.

En octobre 2020, le chef du DFI a expliqué aux CdG que depuis fin mars 2020, l'EMCC avait exercé une fonction importante en assumant des tâches de coordination et en étant à l'origine de diverses initiatives. L'une des tâches de l'EMCC était d'intégrer les contributions de la science, de la société civile et de l'économie, raison pour laquelle la TFS a été créée. Il a ajouté que l'EMCC avait joué un rôle essentiel et qu'il s'était avéré être une plateforme judicieuse pour évaluer la situation épidémiologique et coordonner les décisions du Conseil fédéral. Le chef du DFI a décrit ainsi les trois principales tâches de l'EMCC: il s'agissait d'observer la situation, de procéder à une appréciation politique et stratégique et d'élaborer des options d'interventions et des bases de décision pour le Conseil fédéral en intégrant les questions épidémiologiques 183

Collaboration Confédération-cantons durant l'épidémie de COVID-19: conclusions et recommandations, rapport final de la CdC du 29 avril 2022.

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et en coordonnant les activités avec celles des autres états-majors. La tâche la plus importante consistait à assurer la coordination et le transfert des informations des différents départements au niveau stratégique et politique. La mise en oeuvre concrète avait ensuite lieu dans les différents départements.

8.3

Évaluation par l'administration fédérale, améliorations et mesures

L'EMCC et la ChF ont tous deux publié un rapport sur l'évaluation de la gestion de la pandémie. L'EMCC a rédigé un rapport final concernant spécifiquement ses activités. Le rapport de la ChF suit une approche plus générale, mais il contient également des conclusions à propos de l'EMCC qui sont importantes pour le traitement du dossier.

8.3.1

Rapport final de l'EMCC du 19 juin 2020

Dans le résumé de son rapport, l'EMCC indique ­

qu'il a traité et coordonné des dossiers clés pour la gestion de la crise par le Conseil fédéral;

­

que, grâce à ses points de contact Science, Société civile et Économie, il a apporté une plus-value dans la gestion de la crise;

­

qu'il a pu s'appuyer sur les autres états-majors de crise;

­

qu'il a défini son rôle conformément aux instructions.

S'agissant du dernier point, le rapport précise que, en instituant l'EMCC, le Conseil fédéral recourait pour la première fois aux instructions concernant la gestion des crises ainsi qu'à l'instrument d'activation d'un état-major ad hoc. Il poursuit ainsi: «Avant de convoquer ce dernier, les avis divergeaient au sein des départements quant à l'ampleur de son rôle et à la manière dont il devrait faire usage de sa compétence de donner des directives. Selon les instructions, l'EMCC doit exercer une influence ciblée. Cependant, il n'a jamais eu à faire usage de sa compétence, mais a plutôt servi de plateforme de coordination, de force de proposition et de soupape pour les départements. Il a également tenu un bilan constant de la situation et planifié en continu les décisions importantes à soumettre au Conseil fédéral. En outre, l'EMCC a joué le rôle de plateforme d'échange avec les cantons, la communauté scientifique, la société civile et les milieux économiques, ce qui a permis de traiter rapidement des questions centrales et d'y apporter des réponses. La mise en oeuvre à proprement parler (p. ex.

l'élaboration de plans de protection types) et les propositions au Conseil fédéral ont été assurées dans les départements et les offices concernés, notamment sur la base des instructions concernant la gestion des crises. L'état-major ad hoc n'a donc pas

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remplacé les consultations des offices et les procédures de co-rapport, mais leur a préparé le terrain.»184 Sur la question du rôle de l'état-major, le rapport indique que l'EMCC s'est concentré sur la préparation de certaines affaires du Conseil fédéral encore en suspens, en sélectionnant en priorité celles qui relevaient de la politique de la santé et qui imposaient une collaboration entre départements. Il ajoute que le Conseil fédéral a été régulièrement informé des travaux de l'EMCC, au moyen d'une note d'information mensuelle et d'informations actualisées régulièrement transmises de vive voix par le chef du DFI sur la base des procès-verbaux de l'EMCC.

Le rapport mentionne en outre la participation de la TFS, créée à la fin mars 2020. Il souligne que la TFS a traité des questions qui relevaient du domaine scientifique, mais en veillant à présenter des résultats qui facilitent l'action de l'EMCC ou de l'OFSP, et qu'elle a présenté à l'EMCC les résultats importants de ses travaux; ceux-ci ont ensuite servi de base aux décisions ou de deuxième avis (sur des points controversés).

L'EMCC donne l'appréciation suivante du recours à la TFS185: «La mise sur pied d'une task force Science (TFS) en tant qu'organe consultatif indépendant s'est avérée précieuse. Cette approche devrait être prise en considération s'il fallait mettre en place une organisation pour faire face à une nouvelle crise, car en pareille situation le gouvernement a besoin d'une base de décision scientifiquement fondée et aussi solide que possible. Il s'est aussi révélé judicieux que la TFS se présente comme un organisme fortement représentatif, plutôt que comme le rassemblement de certaines personnalités. Cela a encore renforcé sa crédibilité. Pendant la phase aiguë de la crise, les services de la Confédération ont assumé une lourde charge de travail, et ce dans une extrême urgence. Ces circonstances ont montré qu'il est également précieux de pouvoir demander un deuxième avis auprès de scientifiques, et la composition pluridisciplinaire de la TFS a permis d'obtenir des avis d'experts de différentes disciplines.» En ce qui concerne sa coordination avec les autres états-majors de crise engagés, l'EMCC conclut dans son rapport que, dans l'ensemble, le réseau de crise de la Confédération a bien collaboré en se focalisant sur les objectifs,
et qu'il est parvenu à assurer une bonne coordination. Le document nuance cette appréciation en indiquant que l'EMCC n'a cependant pas été en mesure de prévenir quelques doublons. En outre, certaines affaires ont été traitées par le Conseil fédéral sans que l'EMCC ait pu intervenir, alors même que son apport aurait pu être précieux.

Par ailleurs, le rapport dresse la liste d'un certain nombre de dossiers auxquels l'EMCC a apporté sa contribution. Il cite par exemple la rédaction complète et les révisions successives de l'ordonnance 2 sur les mesures de lutte contre les coronavirus (ordonnance COVID-19)186 ­ comprenant la question de l'approvisionnement en matériel ­, la rédaction de la note d'information du DFI du 22 avril 2020 à l'intention de 184

État-major du Conseil fédéral chargé de gérer la crise du coronavirus (EMCC), rapport final du 19 juin 2020, p. 5.

185 État-major du Conseil fédéral chargé de gérer la crise du coronavirus (EMCC), rapport final du 19 juin 2020, p. 14.

186 Ordonnance 2 du 13 mars 2020 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (COVID-19) (Ordonnance 2 COVID-19; RS 818.101.24).

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l'OFSP sur la stratégie à mettre en oeuvre à partir du 27 avril à propos des masques d'hygiène et le projet d'arrêté en lien avec la note de discussion remise pour la séance du Conseil fédéral du 16 avril 2020 (mise en oeuvre de la stratégie de transition et proposition d'assouplissement des mesures).

L'EMCC conclut son rapport en soulignant que, en peu de temps, il est parvenu, grâce notamment à son secrétariat, à coordonner divers dossiers importants entre les départements et à aider à préparer les décisions du Conseil fédéral. Le secrétariat de l'EMCC a également pu agir efficacement et fournir une contribution importante, notamment dans l'achat du matériel de protection, les questions de communication, la préparation des premières mesures d'assouplissement, les questions liées aux frontières et les échanges entre la taskforce scientifique et l'OFSP.

Le rapport précise encore que les représentants des départements ont apprécié l'EMCC en tant que lieu d'échange et de partage d'informations. Au sein de l'étatmajor, la participation de la TFS et le dialogue avec celle-ci ont été perçus comme un avantage. La composition interdépartementale et le rythme des séances de l'EMCC étaient appropriés. Le rapport indique toutefois que, pour les membres de l'EMCC, cet état-major ad hoc a été davantage un organe de suivi que de décision et que, rétrospectivement, les discussions de l'EMCC ont été insuffisamment relayées dans les départements.

Par conséquent, l'EMCC se demande dans son rapport s'il aurait fallu instituer l'étatmajor ad hoc plus tôt afin d'atténuer quelque peu les logiques départementales qui ont continué de prévaloir pendant la crise.

Il recommande, pour l'avenir, de revoir certains fonctionnements relatifs à la collaboration entre les états-majors et à l'association de l'état-major ad hoc à la préparation des décisions du Conseil fédéral.

8.3.2

Évaluation par la ChF

Dans son rapport concernant l'évaluation de la gestion de crise pendant la pandémie de COVID-19187, la ChF évoque l'EMCC à plusieurs reprises. Selon elle, les bases nécessaires ­ lois, ordonnances, instructions, directives et documents stratégiques ­ étaient majoritairement disponibles. Par contre, une définition claire des domaines de tâches a manqué et la position hiérarchique des différents organes de crise n'était pas claire. Selon la ChF, la collaboration entre les états-majors de crise ou entre ceux-ci et l'administration fédérale n'a pas toujours suivi les règles. Cette conclusion concerne en particulier la mise sur pied, le rôle et la fonction des deux états-majors de crise supérieurs (EMCC et EMFP). La ChF formule dans son rapport les considérations suivantes: «L'EMFP et l'EMCC n'ont pas totalement rempli leur rôle et leurs tâches. L'EMCC a été constitué trop tard par rapport aux autres états-majors de crise et n'a pas pu

187

Chancellerie fédérale, rapport du 11 décembre 2020 concernant l'évaluation de la gestion de crise pendant la pandémie de COVID-19.

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assumer le rôle d'organe de conduite qui lui revient en vertu des instructions concernant la gestion des crises dans l'administration fédérale. Il n'a jamais fait usage de son pouvoir de donner des instructions aux autres états-majors de crise: il n'a donc pas piloté et coordonné la gestion de la crise comme le prévoient les bases légales. Il n'a en outre pas suffisamment contribué à la préparation des bases de décision à l'intention du Conseil fédéral. Des décisions stratégiques n'ont pas été préparées par l'EMCC mais au sein d'un comité de la Taskforce OFSP. L'EMCC n'ayant pas reçu de mandat clair, ses membres ne savaient pas ce qui était attendu d'eux.»188 De l'avis de la ChF, la coopération et la coordination de la gestion de crise, notamment, recèlent un potentiel d'amélioration. Les états-majors de crise supérieurs, l'EMCC et l'EMFP, ont essentiellement servi de plateformes d'échanges et d'information au lieu d'être exploités comme organes de coordination et de préparation des décisions du Conseil fédéral. La gestion de crise a donc été largement assumée par des organes départementaux.

Sur la base de ces constatations, la ChF formule entre autres dans son rapport la recommandation suivante: «La Chancellerie fédérale et les départements doivent examiner ensemble les tâches, les compétences, les responsabilités et la composition de l'EMCC, de l'état-major de crise ad hoc du Conseil fédéral et des états-majors de crise des départements, les coordonner et le cas échéant adapter les ordonnances et les instructions pertinentes.

A cet égard, il faudra tenir compte de la répartition des rôles entre les organisations de crise et les structures départementales ordinaires.» (recommandation 2)189 La ChF consacre de longs passages de son rapport à l'organisation de crise en général; d'importantes explications ainsi que plusieurs recommandations formulées par ses soins concernent l'EMFP et l'EMCC. Le chap. 7.3.1 du présent rapport fournit de plus amples informations sur le sujet et sur l'état de la mise en oeuvre des recommandations de la ChF qui visent principalement l'EMFP et l'EMCC.

8.4

Appréciation des CdG

Il ressort des rapports et des auditions que l'EMCC n'a pas assumé toutes les fonctions qui auraient dû être les siennes selon les instructions du Conseil fédéral. Il n'a par exemple jamais fait usage de son pouvoir de donner des instructions aux autres étatsmajors de crise. L'EMCC a davantage fait office d'organe d'information et de coordination que d'organe de conduite. S'il a joué un rôle important dans la préparation de décisions à prendre dans certains domaines, la phase finale des préparatifs est restée du ressort des structures départementales classiques. Les CdG se demandent à ce sujet si l'EMCC aurait dû ­ ou pu ­ assumer un rôle plus important vis-à-vis du Conseil fédéral (cf. ch. 4.2 des instructions relatives à la gestion des crises dans l'administration fédérale).

188

Chancellerie fédérale, rapport du 11 décembre 2020 concernant l'évaluation de la gestion de crise pendant la pandémie de COVID-19, p. 15.

189 Chancellerie fédérale, rapport du 11 décembre 2020 concernant l'évaluation de la gestion de crise pendant la pandémie de COVID-19, p. 16.

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C'est surtout à travers l'implication de représentantes et représentants des milieux scientifiques et économiques ainsi que de la société civile que l'état-major semble avoir eu une plus-value; à cet égard, il convient de relever en particulier la collaboration avec la TFS. Les CdG attendent néanmoins du Conseil fédéral qu'il s'assure, dans le cadre de la révision future de l'organisation de crise fédérale, que les interfaces avec la science et l'économie ainsi que l'intégration de la société civile soient désormais prévues de façon claire (cf. postulat 1 et chap. 10).

Par contre, les CdG estiment que le poids important des représentants du DFI au sein de l'EMCC est problématique: l'état-major, placé sous la direction de l'ancien secrétaire général du DFI, comptait aussi le secrétaire général actuel du DFI et l'ancien directeur de l'OFSP. Par rapport aux autres départements, le DFI était pour ainsi dire proportionnellement surreprésenté au sein de l'EMCC. Les activités de l'EMCC étaient axées sur la gestion sanitaire de la crise. En conséquence, l'EMCC constituait de facto un organe placé davantage au service du DFI que du Conseil fédéral.

En outre, le fait que la représentation des différents départements au sein de l'EMCC n'ait pas été réglée précisément ne paraît pas optimal aux CdG. Chaque département pouvait désigner lui-même sa délégation et l'état-major était donc composé de personnes de niveaux hiérarchiques différents. En pareil cas, les discussions peuvent être déséquilibrées. L'institution et la constitution tardive de l'EMCC ­ survenue quelques jours après la déclaration de l'état de situation extraordinaire, le 16 mars 2020 ­ est aussi un point de critique. L'état-major de crise a alors dû trouver sa place dans un contexte où une organisation de crise était déjà en place et où l'OFSP jouait un rôle majeur (cf. à ce sujet chap. 9 et 10).

Les CdG se félicitent des mandats du Conseil fédéral portant sur l'examen des bases (légales) de la gestion de crise dans l'optique d'une crise longue et complexe et sur l'examen des TCR et de la composition des états-majors de crise. Pour les commissions, il est nécessaire d'examiner si, respectivement dans quelle mesure, une distinction doit être opérée, lors de l'examen des structures de l'organisation de crise, entre les crises à gérer à court
terme et les crises de longue durée, et d'examiner si le rôle des structures et des processus ordinaires doit être redéfini en lien avec ces deux scénarios (cf. chap. 10). Manifestement, les hypothèses qui ont prévalu pour définir l'organisation de crise doivent être revues à la lumière des enseignements tirés de la gestion de la pandémie. On devra déterminer si elles étaient erronées ou si, en l'espèce, les directives n'ont pas été suffisamment prises en compte. Les auditions menées indiquent que cette organisation pourrait être améliorée pour le cas d'une crise de longue durée.

Si, à l'issue de l'examen de l'organisation de crise, on décide de maintenir l'instrument qu'est l'état-major de crise ad hoc du Conseil fédéral, il y aurait lieu de préciser les compétences de cet organe relatives à la préparation d'options d'intervention et de bases de décision pour le Conseil fédéral. Il faudrait également déterminer si cet étatmajor ad hoc doit être doté du droit de soumettre directement des propositions au Conseil fédéral ou à d'autres acteurs (cf. aussi chap. 7.4.1). L'examen de l'organisation de crise du Conseil fédéral devrait par ailleurs être l'occasion de déterminer à quel niveau normatif cette organisation devrait correspondre (cf. chap. 10). Les commissions insistent en outre sur l'importance d'examiner, lors des travaux en cours, la manière dont il faudrait modifier la répartition des rôles entre les organes que sont les 88 / 136

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états-majors de crise, les départements et les offices, mais aussi le Conseil fédéral. Il faudra par ailleurs analyser plus avant l'antinomie qui est apparue durant cette crise entre le principe départemental, d'une part, et le caractère transversal de l'état-major de crise du Conseil fédéral, habilité à donner des instructions, d'autre part (cf.

chap. 10).

Dans l'ensemble, les CdG adhèrent aux conclusions que la ChF tire dans son rapport du 11 décembre 2020 sur les questions des normes relatives à l'état-major de crise du Conseil fédéral et de la fonction de cet état-major et sur la nécessité, pour les différentes parties prenantes, de suivre des formations continues. Elles considèrent que les mandats formulés en ce sens par le Conseil fédéral sont pertinents et importants.

Les CdG saluent également les nombreuses démarches qui ont déjà été entreprises afin de mettre en oeuvre ces mandats. Malgré cela, elles adressent la recommandation suivante au Conseil fédéral: Recommandation 9: normes, fonction et compétences de l'état-major de crise ad-hoc Le Conseil fédéral est invité à mener une réflexion concernant les normes relatives à l'état-major de crise ad-hoc et la fonction de cet organe, dans le sens des mandats déjà émis dans le cadre de l'évaluation de la ChF. S'il est décidé de maintenir cet organe à l'avenir, ses compétences concernant l'élaboration d'options d'intervention et de bases de décision à l'intention du Conseil fédéral doivent être précisées.

Il faudrait également déterminer si l'état-major ad hoc doit être doté du droit de soumettre directement des propositions au Conseil fédéral ou à d'autres acteurs.

Enfin, il doit être clarifié à quel niveau normatif son organisation doit être fixée.

9

Coordination entre les trois principaux organes de crise fédéraux

Après avoir examiné séparément l'activité et le rôle des trois principaux organes de gestion de crise actifs durant la première période de la pandémie (chap. 6 à 8), les CdG abordent dans le présent chapitre la question de la coordination entre ces organes et présentent leurs conclusions à ce sujet.

A titre de remarque préliminaire, les CdG souhaitent saluer le grand engagement de l'ensemble des membres, collaboratrices et collaborateurs des trois organes concernés pour faire face à la pandémie et limiter autant que possible l'impact de celle-ci sur la Suisse. Pour les CdG, il est important de considérer les faits concernés dans leur contexte, à savoir celui d'une crise d'une portée extraordinaire, qui a soumis ces organes à une sollicitation extrême et les a placés durant plusieurs mois au centre de l'attention publique. Dans ce contexte, l'intervention de la haute surveillance parlementaire vise avant tout à tirer les enseignements généraux des faits passés, afin que la Confédération soit mieux prémunie en cas d'événements futurs.

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9.1

Faits et appréciation des acteurs concernés

La taskforce de l'OFSP (chap. 6) est le premier organe de crise fédéral à avoir été activé, le 23 janvier 2020. Elle a rapidement pris en charge un grand nombre de tâches relatives à la gestion sanitaire de la pandémie et a joué un rôle central dans l'organisation de crise fédérale, en prenant à son compte des responsabilités qui auraient dû être assumées par l'EMFP ou l'EMCC (cf. ci-après). Les clarifications des CdG ont montré que la taskforce, en sa fonction d'«état-major de crise spécialisé», avait essentiellement eu une fonction de traitement opérationnel des aspects sanitaires de la crise et de préparation des bases de décision sanitaires du Conseil fédéral. Les informations à disposition des CdG montrent que la prise de décision finale et la conduite stratégique ont été assumées par la direction de la taskforce (responsables de la taskforce et directeur de l'OFSP) et par le DFI.

L'État-major fédéral protection de la population (chap. 7) s'est réuni de manière informelle une première fois le 24 janvier 2020 et a été activé formellement le 2 mars 2020. Il a été placé sous la conduite du directeur de l'OFSP de l'époque. Cet organe a essentiellement joué un rôle de coordination opérationnelle et d'échange d'informations entre les unités fédérales et les autorités cantonales. Il n'a toutefois pas élaboré de bases de décision à l'attention du Conseil fédéral ni émis de propositions concernant la gestion de la crise, contrairement à ce qui était prévu dans l'ordonnance correspondante, et son élément de planification n'a pas été activé; ces fonctions ont été assumées par l'OFSP. Les témoignages collectés par les CdG ainsi que l'évaluation menée par la ChF montrent que l'EMFP a présenté plusieurs faiblesses (cf. chap. 7) et que son utilité a encore été relativisée par l'entrée en fonction de l'EMCC. L'ancien directeur et la directrice actuelle de l'OFSP sont d'avis que l'EMFP n'aurait pas été en mesure de prendre la tête de l'organisation de crise, au vu du caractère spécifique de celle-ci.

Enfin, l'État-major du Conseil fédéral chargé de gérer la crise du coronavirus (chap. 8) a été institué par une décision du Conseil fédéral du 20 mars 2020, suite à une proposition du DFI. Il a été placé sous la conduite de l'ancien secrétaire général du DFI et était rattaché au DFI. Ses principales fonctions
ont été d'assurer un soutien à la CSG en permettant une coordination interdépartementale dans la préparation des décisions sanitaires et d'établir une interface avec le monde scientifique, l'économie et la société civile. Les informations à disposition des CdG montrent que l'EMCC avait comme objectif initial d'assurer une fonction de coordination également vis-àvis de la taskforce de l'OFSP et de l'EMFP190 et qu'il a adressé certains mandats ponctuels à l'EMFP191. Toutefois, contrairement à ce que prévoient les instructions du Conseil fédéral, cet organe n'a pas véritablement assumé le pilotage stratégique global de la gestion de crise, cet aspect ayant été pris en charge par les structures 190

Dans une note d'information adressée au Conseil fédéral le 7 mai 2020, le DFI indique que l'EMCC coordonne la taskforce de l'OFSP et l'EMFP et qu'il «conduit et accompagne certains dossiers de ces états-majors sur lesquels il apporte une plus-value».

191 Dans une note d'information adressée au Conseil fédéral le 7 avril 2020, le DFI indique que l'EMFP va travailler, sur mandat de l'EMCC, sur différents domaines d'activité (approvisionnement en biens alimentaires, disponibilité de médicaments, produits médicaux et équipements de protection) et qu'il a établi, sur mandat de l'EMCC, un groupe de travail relatif au domaine alimentaire.

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habituelles de l'administration, respectivement par le Conseil fédéral lui-même (cf. chap. 10). Dans son rapport d'évaluation, la ChF estime en outre que l'EMCC a été constitué trop tard et n'a pas reçu de mandat clair.

Les CdG constatent que l'échange d'informations entre ces trois organes a essentiellement été assuré grâce à la participation croisée des responsables aux différentes séances: le chef d'état-major de l'EMFP a pris part à toutes les séances de la taskforce de l'OFSP depuis fin février 2020 ainsi qu'aux séances de l'EMCC. Le responsable de l'EMCC a participé, depuis fin mars 2020, aux séances de la taskforce de l'OFSP et de l'EMFP192. Le directeur de l'OFSP de l'époque a pris la tête de l'EMFP dès sa première séance informelle, fin janvier 2020; l'office y était par ailleurs représenté par 3 à 7 personnes. Le directeur de l'OFSP de l'époque a également représenté l'office au sein de l'EMCC. Enfin, le SG-DFI a participé régulièrement aux séances des trois organes.

Les CdG ont relevé que les tâches des trois organes de crise, respectivement la coordination entre ceux-ci, avaient été ponctuellement évoquées dans trois documents soumis au Conseil fédéral durant la première vague de pandémie. Tout d'abord, la proposition du DFI du 20 mars 2020 relative à la création de l'EMCC présente brièvement le rôle et l'organisation prévue de cet organe (cf. chap. 8) ainsi qu'un organigramme de l'organisation de crise fédérale incluant la taskforce de l'OFSP et l'EMFP (cf. annexe). Ensuite, les deux notes d'information transmises par le DFI au Conseil fédéral les 7 avril et 7 mai 2020 concernant les activités de l'EMCC donnent quelques informations sur la coordination entre celui-ci et les deux autres organes (cf. plus haut).

Aucun de ces trois documents ne présente toutefois une vue d'ensemble complète des tâches et compétences de ces organes ou des modalités de leur coordination.

Les CdG ont collecté l'appréciation de différents acteurs du dossier concernant la coordination et la répartition des tâches entre ces trois organes:

192

­

Le chef du DFI a estimé que la structure choisie avait permis d'intégrer l'ensemble des acteurs durant la période de situation extraordinaire. Il a fait valoir que les trois organes avaient assumé des tâches différentes, la taskforce de l'OFSP étant chargée des questions épidémiologiques et techniques, l'EMFP garantissant «une large coordination institutionnelle» sur le plan opérationnel et l'EMCC s'occupant des questions stratégiques et politiques. Il a en outre estimé que la participation croisée des responsables avait permis de garantir un lien fort et un flux d'information continu. Selon lui, il n'y a pas d'alternative, dans une telle situation, à ce que quelques personnes prennent une responsabilité importante de coordination.

­

L'ancien secrétaire général du DFI et responsable de l'EMCC a affirmé que la coordination entre la taskforce de l'OFSP et l'EMFP avait été assurée à un stade précoce de la crise. Il a souligné que l'EMCC avait eu pour but d'apporter une valeur ajoutée à la gestion de crise, mais pas de tout diriger, et qu'il devait être impliqué uniquement pour les sujets pour lesquels un besoin de conduite ou de coordination se faisait sentir. Il a estimé que cela avait bien Il participait déjà, en sa qualité de secrétaire général du DFI, aux séances de la taskforce de l'OFSP et de l'EMFP depuis le 24 février 2020.

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fonctionné grâce à l'échange entre les personnes et au fait que les membres se connaissaient.

­

Dans son rapport final (cf. chap. 8.3.1), l'EMCC est arrivé à la conclusion que le réseau de crise de la Confédération avait bien collaboré en se focalisant sur les objectifs et qu'il était parvenu à assurer une bonne coordination, notamment grâce à l'implication mutuelle des représentants des différents états-majors de crise. Il a toutefois reconnu que l'EMCC n'avait «pas été en mesure de prévenir quelques doublons et certaines dynamiques internes» et qu'il n'était «pas parvenu à assumer un rôle de coordination et d'intégration, notamment en raison du grand nombre de décisions à prendre et de la diversité des questions traitées dans tous les départements», ce qui contraste avec la volonté initiale affichée par l'EMCC dans les notes transmises au Conseil fédéral en avril et mai 2020. Il souligne en revanche que les discussions ayant eu lieu au sein de l'EMCC ont été d'un grand apport pour le DFI dans l'élaboration des propositions soumises au Conseil fédéral.

­

Le secrétaire général actuel du DFI a relevé qu'il était important de distinguer les niveaux stratégique et opérationnel de l'organisation de crise. Il a souligné que l'EMFP avait essentiellement été actif sur le plan opérationnel et qu'il avait joué un rôle important de coordination durant la première phase de la crise. Il a également reconnu qu'il était inévitable, dans une grande organisation comme l'administration fédérale, que certaines compétences soient partagées ou que des conflits de compétences surviennent.

­

L'ancien directeur de l'OFSP a estimé que les flux d'information entre organes avaient été garantis. Il a souligné que son office avait cherché à assurer une coordination étroite avec l'EMFP et que celle-ci avait été facilitée par le fait que l'OFSP assume la présidence de cet organe. De son point de vue, l'EMFP, en garantissant l'échange d'informations, a allégé la charge de la taskforce de l'OFSP, de l'EMCC et des autres organes de crise. Il a présenté aux CdG les raisons pour lesquelles l'OFSP avait repris certaines tâches initialement dévolues à l'EMFP (cf. chap. 7.2.2). La directrice actuelle de l'OFSP, de son côté, a estimé que les différents organes avaient permis un échange intensif et avaient énormément facilité la coopération. Le responsable de la section Gestion de crise et coopération internationale de l'OFSP, enfin, est d'avis que les flux d'information n'ont pas été un problème. Il a reconnu que l'EMCC avait certes constitué un nouvel acteur à intégrer dans l'organisation de crise, mais a estimé que la participation croisée des responsables et le fait de «savoir ce qui était décidé dans quel organe» avaient été d'une grande aide.

­

Les responsables de l'EMFP (chef d'état-major et co-responsable du comité de pilotage de l'élément de planification) ont indiqué que, durant les premières semaines de la crise, aucune coordination n'avait eu lieu, puisque seule la taskforce de l'OFSP était active, mais que les membres de l'EMFP avaient été régulièrement informés. Une fois les trois organes activés, ils considèrent que la coordination entre eux a été régulière et bonne. Ils ont toutefois signalé qu'il n'y avait pas eu de coordination systématique avec les autres états-majors de crise, notamment ceux des départements. Par contre, selon eux, les échanges

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entre l'EMFP et les états-majors de crise cantonaux ont été étroits et le chef d'état-major de l'EMFP a assuré, lorsque cela était nécessaire, l'intégration de ceux-ci au sein de la taskforce de l'OFSP.

­

9.2

Dans son rapport sur la gestion de crise fédérale durant la première vague193, la ChF porte un regard plus critique. Elle estime que «la collaboration entre les états-majors de crise ou entre ceux-ci et l'administration fédérale n'a pas toujours suivi les règles. Une définition claire des domaines de tâches a notamment manqué: 52 % des personnes interrogées ont déclaré que la répartition des compétences et des tâches entre les différents organes n'était pas claire. La position hiérarchique des différents organes de crise n'était pas claire non plus. 62 % des personnes interrogées ont en outre estimé que les organes étaient trop nombreux.» Le ChF considère également que «l'entrée dans la gestion de crise n'a pas été optimale: les tâches, compétences et responsabilités des organes et leurs processus n'étaient pas coordonnés, l'EMFP n'a pas été mis sur pied adéquatement au vu de la situation et l'EMCC a été mis sur pied trop tard.» Comme préalablement indiqué (cf. chap. 7.3.1), la ChF formule également diverses critiques concernant le fonctionnement de l'EMFP et de l'EMCC et la coordination entre ces deux organes194. Elle a formulé sur cette base deux recommandations, dont la mise en oeuvre est en cours (cf. chap. 7.3.1). L'évaluation de la ChF ne se prononce pas de manière spécifique sur l'organisation de crise du DFI et de l'OFSP ou sur la coordination entre la taskforce de l'OFSP et les autres organes de crise.

Appréciation des CdG

Sur la base des faits portés à leur connaissance, les CdG considèrent que la manière dont la taskforce de l'OFSP, l'EMFP et l'EMCC ont été articulés au sein de l'organisation de crise fédérale durant la première vague de pandémie était problématique en plusieurs points. Elles constatent ­ comme la ChF ­ que les compétences de ces organes n'étaient pas définies de manière claire. L'EMFP et l'EMCC n'ont pas complètement rempli le rôle qui leur était assigné par les bases légales et les prescriptions pertinentes, tandis que la taskforce de l'OFSP a assumé des tâches supplémentaires, sans bénéficier d'un cadre légal spécifique. Au final, l'EMFP et l'EMCC n'ont joué qu'un rôle plutôt subsidiaire dans la conduite de la gestion de crise, celle-ci ayant eu lieu en grande partie au sein des structures habituelles de l'administration, en particulier au sein du DFI et du l'OFSP (cf. chap. 10).

193

ChF: Rapport concernant l'évaluation de la gestion de crise pendant la pandémie de COVID-19 (1ère phase / février-août 2020), rapport du 11 décembre 2020.

194 La ChF estime en particulier que «la taille des deux états-majors et leur composition hétérogène ont gêné la collaboration et la prise de décision rapide. Le niveau hiérarchique et le pouvoir de décision des membres des deux états-majors étaient inégaux, de même que leurs perspectives opérationnelles et stratégiques. Les personnes interviewées ont relevé qu'il était difficile de prendre des décisions stratégiques dans de grands organes supradépartementaux. Ces décisions ont donc été prises dans les départements». A contrario, la ChF relève que les participants «ont particulièrement apprécié l'EMCC et l'EMFP en tant que plateformes d'échange et d'information» (cf. également chap. 7).

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Le principal problème, selon les CdG, réside dans le fait que ces trois organes ont été activés de manière échelonnée et peu coordonnée. Elles déplorent qu'il ait fallu près de six semaines, suite au lancement de la taskforce de l'OFSP (23 janvier 2020), pour que l'EMFP entre en activité (2 mars 2020), et encore près de trois semaines supplémentaires pour que le Conseil fédéral mette sur pied l'EMCC (20 mars 2020). L'une des causes de cette situation est l'absence de bases légales et de prescriptions concernant, d'un côté, la coordination des différents organes de crise entre eux et, de l'autre, la coordination entre ces derniers et les unités administratives ordinaires.

Certes, sur le plan opérationnel, les CdG saluent que de bons échanges d'informations aient pu être assurés entre ces trois organes, après qu'ils ont été activés. De leur point de vue, la participation croisée des responsables aux différentes séances était une solution adéquate, qui a permis d'assurer une coordination simple et pragmatique et de faire valoir les intérêts mutuels de ces organes. Toutefois, elles estiment que le Conseil fédéral aurait dû réagir plus tôt et mener une réflexion de fond sur les tâches et compétences de ces organes dès que le caractère global et transversal de la crise a été identifié, ce qui n'a pas été le cas (cf. plus bas).

Pour les CdG, l'activation tardive de l'EMFP et de l'EMCC est liée à deux faiblesses fondamentales. Premièrement, les autorités fédérales n'ont pas identifié suffisamment tôt la portée globale et transversale de la pandémie, ce qui a eu pour conséquence que l'organisation de crise est restée durant plusieurs semaines centrée sur les aspects sanitaires et que le DFI a pris, durant cette période, une influence majeure sur l'ensemble de la gestion de crise fédérale (cf. chap. 10). Deuxièmement, les CdG constatent que le principe départemental est resté très fort durant toute la première vague, relativisant le rôle d'organes transversaux tels que l'EMFP et l'EMCC (cf. chap. 10).

Concrètement, les CdG constatent que, durant les premières semaines de la pandémie, la taskforce de l'OFSP ­ en collaboration avec le DFI ­ a pris en charge de nombreuses responsabilités dans la lutte contre la pandémie et s'est rapidement imposée, de facto, comme le principal organe de gestion de crise
(cf. chap. 6). Dans une certaine mesure, cette situation est compréhensible, sachant que l'OFSP constitue l'unité spécialisée de la Confédération chargée du suivi et du traitement des maladies transmissibles et que l'office dispose des compétences spécialisées dans ce domaine. Par ailleurs, la gestion de la pandémie a nécessité de grandes ressources en personnel, que la taskforce de l'OFSP a pu mobiliser rapidement. Néanmoins, l'organisation de crise de la Confédération ne prévoyait pas qu'un «état-major de crise spécialisé» comme celuici prenne un rôle aussi prépondérant; en outre, aucune base légale ne réglait les modalités de fonctionnement et les responsabilités d'un tel organe (cf. motion 1, chap. 6.4.1).

Cela a eu pour conséquence que l'EMFP, lorsqu'il est entré en fonction début mars 2020, n'a pas été en mesure de prendre en charge les tâches de conduite qui lui revenaient selon la législation, puisque celles-ci étaient déjà assumées depuis plusieurs semaines par l'OFSP et le DFI. Théoriquement, la compétence centrale de conduite de la crise aurait dû, à ce moment-là, être transférée de l'OFSP à l'EMFP. Au vu du stade déjà avancé de la pandémie, de la grande pression liée à la crise et du rôle pris entretemps par la taskforce, il n'est pas surprenant que le directeur de l'OFSP ait renoncé à une telle mesure. Cela a toutefois eu pour conséquence que l'EMFP a été réduit à assumer un simple rôle de coordination et d'information. Les CdG estiment 94 / 136

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que la décision de ne pas accorder à l'EMFP un rôle plus important dans la gestion de la crise était déterminante et qu'elle ne correspondait pas entièrement aux prescriptions de l'OEMFP concernant les tâches de l'EMFP (cf. chap. 7.4). Le Conseil fédéral n'a toutefois pas traité cette question. Le fait que l'EMFP ait vu son rôle revu à la baisse a notamment eu une influence négative sur l'inclusion des cantons dans la gestion de crise fédérale, ceux-ci ayant une plus grande influence au sein de l'EMFP que dans la taskforce de l'OFSP (cf. chap. 10).

Le même schéma s'est, en quelque sorte, réitéré pour l'EMCC lors de sa création fin mars 2020: cet organe n'a finalement pas assumé le rôle de pilotage qu'un état-major de crise ad hoc du Conseil fédéral devrait endosser selon les instructions pertinentes, dans la mesure où le DFI et les autres départements géraient déjà depuis plusieurs semaines la pandémie au sein des structures habituelles de l'administration. Au final, l'EMCC a essentiellement joué un rôle subsidiaire, en se chargeant des tâches que les structures existantes n'arrivaient pas à assumer ou ne souhaitaient pas assumer, c'està-dire assurer la coordination entre départements dans la préparation des décisions sanitaires pour soulager la CSG et permettre les interfaces avec le monde scientifique, l'économie et la société civile, considérant que ces aspects n'étaient pas suffisamment pris en compte par la taskforce de l'OFSP et l'EMFP195.

Au final, de l'avis des CdG, l'EMFP et l'EMCC ont joué un rôle comparable dans l'organisation de crise, à savoir celui de plateformes d'échange d'informations et de coordination, sans réelle compétence de conduite stratégique. Ces deux organes ont certes visiblement permis de résoudre divers problèmes concrets de la lutte contre la pandémie, d'alléger les autres organes de crise et, indirectement, de soutenir le Conseil fédéral dans la gestion de la première vague. Toutefois, les CdG constatent qu'ils n'ont pas complètement rempli la tâche qui leur était assignée par les concepts et la législation.

Les CdG regrettent que l'organisation de crise n'ait pas été mise en oeuvre comme prévu, respectivement que la préparation aux crises développée au cours des trente dernières années196 n'ait pas permis que la Suisse dispose, début 2020, d'un concept d'organisation
de crise cohérent et équilibré. De leur point de vue, une telle préparation aux crises ne fait aucun sens si, dès l'apparition d'un événement, l'organisation prévue est librement adaptée ou n'est pas mise en oeuvre.

Les CdG sont d'avis que le Conseil fédéral aurait dû identifier plus tôt le caractère global et transversal de la crise (cf. chap. 10) et qu'il aurait dû, sur cette base, mener une réflexion de fond concernant les tâches et compétences respectives des organes de crise fédéraux et la nécessité d'établir un état-major ad-hoc du Conseil fédéral (cf.

aussi chap. 6.4.2). Elles estiment par ailleurs qu'il était de la responsabilité des départements et offices compétents de signaler au Conseil fédéral que les organes de crise

195

Pour les CdG, le fait que l'EMCC ait dû se charger des interfaces avec le monde scientifique, l'économie et la société civile signifie que ces aspects n'étaient pas suffisamment pris en compte dans l'organisation de crise en place, ce qu'elles jugent problématique.

Les CdG attendent du Conseil fédéral qu'il s'assure, dans le cadre de la révision future de l'organisation de crise fédérale, que les interfaces avec ces différents acteurs soient désormais prévus de façon claire dans l'organisation de crise (cf. chap. 10).

196 En particulier depuis l'accident nucléaire de Tchernobyl, en 1986.

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prévus (et en particulier l'EMFP) n'étaient pas en mesure d'assumer le rôle de conduite qui leur revenait. Or, dans le cas présent, les CdG constatent que le Conseil fédéral ne s'est pas penché, durant les premières semaines de l'épidémie, sur l'organisation de crise fédérale pour lutter contre le coronavirus, les choix en la matière ayant été laissés à l'appréciation des départements et offices compétents197.

En conséquence, l'organisation de crise s'est bâtie au fil de l'évolution de la situation sanitaire, en adaptant les structures organisationnelles aux circonstances, quitte à dévier des prescriptions en vigueur sur certains points.

En mars 2020, lors du lancement de l'EMFP et de l'EMCC, il était trop tard pour modifier fondamentalement les structures de gestion de crise qui s'étaient peu à peu cristallisées, sachant que le DFI et de l'OFSP assumaient de facto depuis plusieurs semaines la conduite stratégique de la crise.

Les CdG attendent du Conseil fédéral qu'il se montre plus actif sur cette question lors de crises futures et qu'il s'assure qu'une réflexion de fond sur l'organisation de crise soit menée de manière précoce. Elles le prient d'intégrer cet aspect dans la révision en cours de la LEp, du plan de pandémie198 et des instructions concernant la gestion des crises. En ce qui concerne le cas spécifique d'une pandémie, en particulier, elles l'invitent à déterminer s'il serait opportun que la déclaration de la «situation particulière» au sens de la LEp soit automatiquement assortie d'une décision relative à l'institution de l'EMFP, à l'institution d'un «état-major de crise spécialisé» (cf. motion 1, chap. 6.4.1) et à l'institution d'un éventuel état-major de crise ad hoc du Conseil fédéral.

Recommandation 10: Réflexion de fond concernant l'organisation de crise au début de la crise Le Conseil fédéral est invité à s'assurer que, dans le cas de crises futures, une réflexion de fond sur l'organisation de crise soit menée de manière précoce, c'està-dire dès le moment où le Conseil fédéral identifie le caractère transversal d'une crise. Elles le prient d'intégrer cet aspect dans la révision en cours de la LEp, du plan de pandémie et des instructions concernant la gestion des crises en général.

En ce qui concerne le cas spécifique d'une pandémie, en particulier, les CdG invitent le
Conseil fédéral à déterminer s'il serait opportun que la déclaration de la «situation particulière» au sens de la LEp soit automatiquement assortie d'une décision relative à l'organisation de crise et aux responsabilités des différents organes concernés, en tenant compte des tâches de coordination du DFI déjà prévues à l'art. 6, al. 3, de la LEp.

197

La seule fois où ce sujet a été abordé dans le cadre d'une décision du Conseil fédéral, c'est au moment de la création de l'EMCC, soit plus de deux mois après le lancement de la taskforce de l'OFSP.

198 Pour les CdG, la question se pose de savoir s'il est adéquat de disposer d'un plan de pandémie liée à un seul type de virus particulier, considérant qu'une approche plus large serait probablement opportune et que ceci pourrait avoir des répercussions sur l'organisation de crise nécessaire au sein de la Confédération.

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Pour terminer, les CdG relèvent que deux personnes en particulier ont joué un rôle déterminant dans la coordination entre ces organes, en cumulant plusieurs fonctions de conduite: premièrement, le directeur de l'OFSP de l'époque, qui disposait de la compétence de conduite et de décision au sein de la taskforce de l'OFSP, présidait l'EMFP et représentait l'office au sein de l'EMCC, et deuxièmement l'ancien secrétaire général du DFI, ayant participé à l'ensemble des organes de crise puis assumé la conduite de l'EMCC. Les CdG considèrent que ce cumul de mandats représentait un avantage pour la coordination entre les organes de crise et la transmission des informations. Elles sont également conscientes que ces personnes, actives de longue date au sein de l'administration, ont apporté à l'organisation de crise leur grande expérience et leur réseau. Mais les CdG relèvent aussi que tous deux ont pesé de manière déterminante, dans les coulisses de l'administration, sur la gestion de la crise fédérale dans son ensemble199, ce qui de leur point de vue présentait certains risques (cf.

chap. 10). Comme indiqué plus haut, les CdG estiment que certaines décisions de fond auraient plutôt dû être prises par le Conseil fédéral. Elles invitent le Conseil fédéral à mener une réflexion sur le rôle des directeurs d'office en période de crise et sur l'opportunité que ceux-ci cumulent une fonction de conduite dans plusieurs organes de crise (cf. recommandation 7, chap. 6.4.7). Enfin, sur le fond, elles se demandent s'il est adéquat que la conduite des trois principaux organes de crise soit assumée par un seul et même département; elles prient le Conseil fédéral d'examiner, dans le cadre de la révision future de l'organisation de crise fédérale, si les règles relatives à la conduite des organes transversaux de gestion de crise devraient être clarifiées (cf. postulat 1, chap. 10).

10

Considérations générales des CdG concernant l'organisation de crise de la Confédération durant la première vague de pandémie

Comme indiqué au chap. 2, les CdG se sont concentrées, dans le présent rapport, sur l'activité des trois principaux organes entrés en fonction pour faire face à la première phase de la pandémie de coronavirus. Sur la base de leur examen aux chap. 6 à 8, elles arrivent à la conclusion que les compétences de ces organes n'ont pas été définies de manière claire, que l'EMFP et l'EMCC n'ont pas complètement rempli le rôle qui leur était assigné par les bases légales et les prescriptions pertinentes et n'ont joué qu'un rôle subsidiaire dans la conduite de la gestion de crise, tandis que la taskforce de l'OFSP a assumé des tâches supplémentaires, sans bénéficier d'un cadre légal clair (cf. chap. 9.2).

Pour mieux comprendre les raisons de cette situation, il est nécessaire de placer ces trois organes dans le contexte plus général de l'organisation de crise fédérale durant la première vague de la pandémie. Les CdG font part, ci-après, des constatations

199

On peut par exemple citer à ce titre la décision du directeur de l'OFSP de l'époque de ne pas activer l'élément de planification de l'EMFP ou encore le rôle joué par l'ancien secrétaire général du DFI dans la proposition de fonder l'EMCC puis, une fois désigné responsable de cet organe, dans la définition des tâches assumées par celui-ci.

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qu'elles ont faites à ce propos dans le cadre de leur enquête, ainsi que de leur appréciation. Comme précisé au chap. 2, le présent rapport n'a pas pour but de livrer une analyse exhaustive de l'organisation de crise de la Confédération. En conséquence, les CdG se limitent ci-après à faire part de leurs considérations de portée générale.

Influence prédominante du DFI sur la gestion de crise Les informations à disposition des CdG montrent que le DFI a eu une influence prédominante sur la gestion de crise fédérale durant la première vague de pandémie. Durant près de six semaines, la taskforce de l'OFSP a constitué l'unique organe de gestion de crise fédéral. Une fois créés, l'EMFP et l'EMCC ont également été placés sous la conduite du département200. Une grande partie des propositions soumises au Conseil fédéral liées à la stratégie de gestion de crise se sont décidées à l'interface entre DFI et l'OFSP (cf. à ce sujet également chap. 6.4.6).

Cette situation est compréhensible aux yeux des CdG, dans la mesure où les aspects sanitaires figuraient clairement au premier plan de la crise et constituaient le point sur lequel la Confédération a dû se concentrer durant les premières semaines de la pandémie. La LEp elle-même prévoit à l'art. 6, al. 3, que le DFI coordonne les mesures de la Confédération en période de situation particulière (cf. chap. 4). Plusieurs acteurs interrogés par les CdG ont indiqué qu'ils estimaient pertinent que le DFI assume la conduite de la gestion de crise. Le chef du DEFR a ainsi rappelé qu'il s'agissait avant tout d'un problème de santé publique et que l'inquiétude du Conseil fédéral, au début de la crise, était que les systèmes de santé soient débordés et ne puissent plus assumer leur rôle.

Malgré cela, les CdG regrettent que le Conseil fédéral n'ait pas identifié plus tôt le caractère global et transversal de la crise et que l'organisation de crise n'ait pas davantage intégré les autres dimensions thématiques de la pandémie, notamment ses conséquences économiques (cf. ci-après).

Les CdG se demandent en outre s'il est vraiment adéquat, dans le cadre d'une crise d'une telle ampleur, que les trois principaux organes de crise fédéraux soient placés sous la conduite d'un même département. Selon elles, si cette constellation est avantageuse à certains égards, elle présente
aussi des risques (cf. ci-après).

Caractère global et transversal de la crise L'une des principales faiblesses de la gestion de crise fédérale durant la première vague de pandémie, du point de vue des CdG, est que les autorités fédérales ont identifié trop tard le caractère global et transversal201 que revêtait la crise. Comme indiqué précédemment, l'accent a essentiellement été mis, durant les premières semaines, sur les conséquences sanitaires de la pandémie, plaçant le DFI au centre de la gestion de 200

L'EMFP était placé sous la conduite du directeur de l'OFSP de l'époque et l'EMCC sous la conduite de l'ancien secrétaire général du DFI. Par ailleurs, l'EMCC était subordonné au DFI; cette décision est conforme aux instructions du Conseil fédéral, qui prévoient que l'état-major ad hoc du Conseil fédéral est rattaché au «département responsable».

201 Selon l'interprétation des CdG, une crise est globale lorsqu'elle touche de nombreux domaines de vie et/ou qu'elle possède un caractère international. Une crise est transversale lorsqu'elle nécessite, pour y faire face, l'intervention coordonnée de plusieurs unités de l'administration issues de domaines différents.

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crise. Les conséquences économiques du coronavirus, par exemple, n'ont pas été abordées par le Conseil fédéral avant le début du mois de mars 2020202. Les échanges entre la taskforce de l'OFSP et le SECO se sont longtemps limités à des questions relatives au droit du travail. Dans le même sens, les procès-verbaux de la taskforce montrent que les premiers contacts entre l'OFSP et le DDPS concernant l'implication de l'armée ont été initiés le 24 février 2020203. Le caractère global de la crise et son impact potentiel sur l'ensemble des départements semble avoir été réellement perçu à partir de la fin février 2020, lors de la flambée des cas en Italie puis de la déclaration de la situation particulière. Même si le Conseil fédéral a ensuite réagi de manière rapide en déclarant la situation particulière et en décidant de l'interdiction des grandes manifestations dans un délai de quatre jours (cf. chap. 6.4.2), les CdG estiment que cette prise de conscience aurait dû avoir lieu plus tôt.

Les CdG considèrent que le Conseil fédéral, dans le cadre de la détection précoce des crises, devrait disposer d'indicateurs lui permettant d'anticiper le développement potentiel d'une crise sectorielle en une crise globale. Pour les commissions, cet élément est crucial, dans la mesure où le succès de la gestion d'une crise par l'administration réside en grande partie dans la capacité de cette dernière à faire face de manière proactive ­ plutôt que réactive ­ aux évolutions potentielles. Elles invitent le Conseil fédéral à compléter les instruments existants afin d'établir un processus clair qui lui permette de déterminer de manière anticipée si une crise présente un caractère potentiellement global et transversal. Si le caractère global et transversal est confirmé, une réflexion de fond sur l'organisation de crise doit être immédiatement initiée (cf. recommandation 8, chap. 9.2).

Du fait que le caractère global et transversal de la crise a été reconnu relativement tard, les mesures visant à faire face à la crise ont été initiées et élaborées, durant plusieurs semaines, de manière individuelle et non coordonnée au sein des différents départements. Pour les CdG, c'est probablement l'une des raisons qui explique qu'une grande partie de la gestion de crise soit ensuite demeurée dans les structures habituelles de
l'administration et que les organes transversaux mis sur pied plus tard ­ EMFP et EMCC ­ n'ont pas été en mesure d'assumer le rôle de conduite qui leur revenait (cf. plus bas).

Par ailleurs, de l'avis des CdG, l'organisation de crise fédérale n'est pas véritablement parvenue à intégrer l'ensemble des dimensions thématiques de la crise, les trois principaux organes transversaux ayant été essentiellement focalisés sur les aspects sanitaires. Comme indiqué plus haut, il est certes compréhensible pour les CdG que ce domaine ait figuré au premier plan. Elles regrettent néanmoins que l'organisation de crise n'ait pas accordé une place plus équilibrée aux autres dimensions thématiques, notamment aux conséquences économiques de la pandémie.

Au-delà du caractère global et transversal, les CdG constatent que les autorités fédérales ont aussi sous-estimé la durée potentielle de la crise au début de celle-ci (cf.

202

La première note d'information du DEFR à l'intention du Conseil fédéral relative à l'impact de la pandémie sur l'économie date du 5 mars 2020 («Auswirkungen des neuartigen Coronavirus (SARS-CoV-2 / COVID-19) auf die Gesamtwirtschaft, den Tourismus und die Schweizer Unternehmen in China»).

203 A l'exception de quelques contacts préalables au sujet du soutien de l'armée aux contrôles dans les aéroports.

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chap. 6.4.2). De l'avis des CdG, l'organisation nécessaire est très différente si une crise est de durée courte, longue ou indéterminée; or, tout porte à croire que l'organisation de crise de la Confédération, telle qu'elle a été conçue et exercée au cours des années passées, se basait surtout sur le postulat d'une crise de durée modeste et déterminée. Les CdG estiment qu'il est particulièrement important que des enseignements soient tirés à ce sujet en vue de crises futures. Elles invitent en particulier le Conseil fédéral à s'assurer qu'une plus grande sensibilité soit accordée au sein de l'administration, dans des cas de crises potentielles, aux questions liées à la durée de la crise (abandon des tâches, planification du personnel, capacité à durer des structures de crise). Elles le prient en outre d'examiner ce point dans le cadre de la révision future l'organisation de crise fédérale (cf. postulat 1, ci-après).

Recommandation 11: Prendre en compte le caractère global et transversal d'une crise ainsi que sa durée Le Conseil fédéral est invité à compléter les instruments existants de la détection précoce des crises afin d'établir un processus clair, assorti d'indicateurs, qui lui permette de déterminer de manière anticipée si une crise présente un caractère potentiellement global et transversal.

Dans le cas d'une crise de caractère global et transversal, le Conseil fédéral est invité à s'assurer que l'ensemble des dimensions thématiques de la crise soient prises en compte de manière équilibrée dans l'organisation de crise.

Enfin, le Conseil fédéral est invité à s'assurer qu'une plus grande sensibilité soit accordée au sein de l'administration, dans des cas de crises potentielles, aux questions liées à la durée de la crise (telles que l'abandon des tâches, la planification du personnel ou la capacité à durer des structures de crise). Le Conseil fédéral est prié d'examiner cet aspect dans le cadre de la révision future de l'organisation de crise fédérale et de présenter aux CdG les mesures prises en ce sens, notamment au niveau des bases légales et prescriptions pertinentes et de la formation du personnel.

Approche transversale vs. principe départemental dans la gestion de crise Les bases légales et prescriptions prévoyaient que la conduite stratégique de la gestion de crise ait lieu dans le
cadre d'organes fédéraux de portée transversale (EMFP, étatmajor de crise ad hoc du Conseil fédéral). Or, les CdG constatent que ce principe n'a pas été respecté dans les faits, puisque ces organes ont finalement assumé essentiellement une fonction d'échange d'informations et de coordination. La majeure partie de la gestion de la crise a eu lieu dans les structures habituelles de l'administration, telles que définies dans la LOGA et l'OLOGA. Les propositions soumises au Conseil fédéral pour lutter contre le coronavirus ont ainsi été élaborées par les offices et départements et transmises au gouvernement par la voie hiérarchique classique, incluant une procédure de consultation des offices et de co-rapport, malgré les délais parfois très serrés.

Le principe départemental est donc demeuré très fort durant la crise. Au final, en quelque sorte, c'est le Conseil fédéral lui-même qui a joué le rôle de principal état100 / 136

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major de crise fédéral, soutenu dans sa tâche par la structure habituelle de l'administration, au premier rang de laquelle figuraient le DFI et la taskforce de l'OFSP. La coordination pour la prise de décision du gouvernement a été assumée par la CSG (cf.

plus bas), en partie soutenue par l'EMCC dès fin mars 2020. L'EMFP, pour sa part, a joué un rôle subsidiaire de coordination, essentiellement pour le compte du DFI.

Pour les CdG, le rôle central joué par le principe départemental dans la gestion de crise explique pourquoi ni l'EMFP ni l'EMCC n'ont finalement été en mesure d'assumer une fonction de conduite204, tandis que la taskforce de l'OFSP, créée dans le cadre des structures habituelles de l'administration, a joué un rôle majeur205.

Plusieurs acteurs interrogés ont fait part aux CdG des raisons pour lesquelles, selon eux, une approche départementale de la gestion de crise s'était révélée préférable. Le chef du DFI a fait valoir qu'une crise n'était pas le bon moment pour créer de nouveaux organes et qu'il valait mieux se baser sur les structures ayant fait leurs preuves.

Il a notamment souligné qu'il était avantageux de travailler dans un cadre où les personnes se connaissent et ont l'habitude de travailler ensemble, en particulier dans une situation où la durée de la crise n'est pas connue. Il a toutefois également reconnu que le rythme de la pandémie et la nécessité de travailler dans des délais très courts avaient constitué un défi pour les institutions suisses. Le secrétaire général actuel du DFI a fait valoir que le Conseil fédéral ne pouvait pas être remplacé par un état-major de crise, qu'il devait lui-même prendre les décisions et qu'il s'était basé pour cela sur ses propres structures, à savoir les départements et offices, les autres organes ayant joué un rôle de complément. Lui aussi a souligné l'importance de pouvoir se baser sur les processus et réseaux existants au sein de l'administration. Le chef de l'état-major de l'EMFP, enfin, a estimé que la décision de renoncer aux consultations à l'interne de l'EMFP pour les réaliser au sein des structures ordinaires de l'administration était avant tout dû au facteur temps.

Les CdG peuvent en partie comprendre les arguments en faveur d'une gestion de la crise dans les structures habituelles de l'administration. Face à une situation
aussi complexe, il est normal que les personnes chargées de gérer la crise se réfèrent aux structures existantes, celles qui sont les plus proches de leur fonctionnement habituel et donc les plus simples à utiliser. Le fait de pouvoir se baser sur une organisation où les gens se connaissent et sur des processus éprouvés est un clair avantage lorsqu'il s'agit de prendre des décisions rapidement; l'exemple de la bonne collaboration entre le DFI et l'OFSP le montre. Par ailleurs, établir une organisation de crise spécifique 204

Les démarches relatives à l'institution de l'EMCC (cf. chap. 8) sont une bonne illustration du rôle central joué par le principe départemental dans la gestion de crise. En effet, la première proposition relative à l'organisation de crise fédérale, soumise par le DFI au Conseil fédéral le 17 mars 2020, prévoyait l'établissement d'une organisation de crise rattachée au DFI et consacrée aux aspects sanitaires de la pandémie, à laquelle seules quelques unités administratives étaient associées. A l'issue de la procédure de corapport, le Conseil fédéral a finalement décidé d'instituer un état-major ad hoc dans lequel tous les départements seraient représentés et qui devait traiter, outre les aspects sanitaires, les aspects économiques, financiers et de politique étrangère de la crise. Dans les faits, néanmoins, cet état-major a été placé sous la conduite de l'ancien secrétaire général du DFI et s'est chargé en priorité de la coordination des décisions sanitaires du Conseil fédéral, qui ont été finalisées et soumises au gouvernement par l'OFSP et le DFI.

205 Même si les compétences de décision au sein de l'OFSP n'étaient pas réglées de manière claire (cf. chap. 6.4.7).

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prend du temps, et celui-ci manquait lors de l'éclatement de la pandémie. Dans ce contexte, il n'est pas surprenant que la gestion de crise ait été initiée dans le cadre des structures existantes au sein des départements.

Toutefois, les CdG soulignent que cette manière de procéder ne correspond pas complètement à ce qui était prévu dans les bases légales et les prescriptions, alors que celles-ci avaient fait l'objet de plusieurs exercices de crise au cours des dernières années.

Pour les CdG, cette situation met en évidence deux problématiques de fond relatives à la conception de l'organisation de crise fédérale: ­

Hiérarchie des normes: La principale norme réglant l'organisation de crise fédérale sont les instructions du Conseil fédéral concernant la gestion des crises. Or, celles-ci sont situées à un niveau hiérarchique inférieur aux normes régissant le fonctionnement habituel de l'administration (LOGA et OLOGA).

Le fonctionnement de l'EMFP, de son côté, est réglé au niveau d'une ordonnance. Au regard de cette hiérarchie, l'EMCC et l'EMFP n'étaient pas en mesure s'assumer un rôle supérieur de conduite vis-à-vis des départements206.

­

Manque de clarté concernant les compétences des organes de crise: les instructions concernant la gestion des crises prévoient que l'état-major ad hoc «prépare des options d'intervention et des bases de décision pour le Conseil fédéral». Dans le même sens, l'ordonnance sur l'EMFP indique que ce dernier «élabore des bases de décision à l'attention du Conseil fédéral». La possibilité que ces organes soumettent des propositions concrètes au gouvernement, sans passer par l'intermédiaire des départements, n'est toutefois pas mentionnée de manière explicite. Dans le même sens, les instructions indiquent que l'étatmajor ad hoc du Conseil fédéral peut donner des instructions aux autres étatsmajors de crise engagés, mais elles ne précisent pas s'il peut également donner des instructions aux départements ou offices.

Les CdG s'étonnent que l'on n'ait pas été en mesure d'identifier ces problématiques dans les simulations passées, ou que ces simulations n'aient pas permis d'empêcher de tels manquements de survenir (cf. ci-après). Elles estiment que l'on aurait dû prévoir le rôle déterminant que joueraient les structures habituelles de l'administration en cas de crise et le fait que celles-ci s'imposeraient en lieu et place des organes transversaux. Pour elles, il est important que le Conseil fédéral examine ces questions de manière approfondie dans le cadre de la révision future de l'organisation de crise fédérale et qu'il détermine, sur cette base, si des modifications des bases légales sont nécessaires (cf. postulat 1 ci-après).

Les CdG tiennent également à souligner que le fait de mener la gestion de crise au sein des structures existantes de l'administration présente aussi certains inconvénients. Ces structures ne sont pas prévues pour permettre une prise de décision du

206

Pour cela, il aurait été nécessaire que le Conseil fédéral procède à une modification des bases légales durant la crise (p. ex. déterminer les tâches et compétences de l'EMCC au niveau d'une ordonnance de nécessité ou suspendre provisoirement certains principes de la LOGA ou de l'OLOGA).

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Conseil fédéral incluant une consultation des acteurs concernés dans les délais extrêmement courts imposés par une crise. Cela peut avoir pour conséquence une prise en compte partielle des intérêts en présence ou une prise de décision tardive207. Cette situation a également soumis l'administration dans son ensemble à une charge de travail très élevée, ce qui a mené à des situations problématiques en matière de gestion du personnel (on peut citer à ce propos l'exemple de l'OFSP, cf. chap. 6.4.5). Par ailleurs, le fait de travailler au sein des structures départementales présente le risque que la gestion de crise s'organise de manière compartimentée et que les mesures prises manquent de cohérence globale, respectivement que le Conseil fédéral n'assume sa conduite de gestion de crise que de manière passive, sur la base des propositions individuelles des départements. Le fait de confier la gestion de crise à des organes transversaux tels que l'EMFP ou un état-major de crise ad hoc a précisément pour but de permettre une prise en compte équilibrée des intérêts des différentes unités et des départements.

Enfin, le fait que la gestion de crise ait lieu au sein des structures habituelles de l'administration et non au sein de structures spécifiquement chargées de cette tâche peut se révéler problématique en termes de transparence de la prise de décision, tant à l'interne de l'administration que vis-à-vis du Parlement et de la population; l'exemple de l'OFSP montre qu'il est important que les tâches de gestion de crise soient autant que possible distinguées des tâches régulières de l'administration (cf. chap. 6.4.7).

Pour les CdG, la crise du coronavirus a mis en exergue deux approches différentes de la gestion de crise: d'un côté, celle prévoyant le transfert de la gestion de crise à des organes transversaux disposant de compétences décisionnelles et d'instruction, et de l'autre celle prévoyant que la gestion de la crise demeure au sein des structures habituelles de l'administration, éventuellement renforcées de manière ponctuelle. Les CdG arrivent à la conclusion que ces deux approches sont complémentaires: une crise d'une telle ampleur ne peut pas être gérée uniquement dans le cadre des structures habituelles de l'administration; à l'inverse, une organisation de crise transversale entièrement détachée
des départements ne serait ni réaliste ni efficace. De l'avis des CdG, une gestion de crise réussie passe par une combinaison équilibrée de ces deux principes, tirant parti des avantages de chacun d'eux. Cette combinaison doit pouvoir être adaptée en fonction du type de crise, de son caractère sectoriel ou global et de sa durée.

Les CdG estiment nécessaire que le Conseil fédéral, dans le cadre de la révision future de l'organisation de crise fédérale, mène une réflexion de fond sur l'équilibre adéquat à trouver entre ces deux approches et qu'il tienne compte, dans sa future organisation de crise, des structures existantes au sein des départements (cf. postulat 1, ci-après).

Pour cela, elles l'invitent à identifier les aspects de la gestion de crise pour lesquels le traitement au sein des structures régulières de l'administration a apporté de bons résultats et ceux pour lesquels une plus grande coordination transversale aurait été nécessaire.

207

Face aux CdG, la Présidente de la Confédération de 2020 et le Chancelier de la Confédération ont souligné le défi qu'avait représenté la coordination des affaires relatives à la crise au sein du collège gouvernemental.

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Rôle de la CSG Les CdG n'ont pas examiné en détail, dans le cadre de la présente enquête, le rôle et le fonctionnement de la CSG dans la gestion de la crise fédérale. Néanmoins, dans la mesure où une grande partie de la gestion de la pandémie a été assumée dans le cadre des structures habituelles de l'administration, les commissions en déduisent que la CSG ­ en sa qualité d'organe dirigeant les travaux de coordination de l'administration (art. 53 LOGA) ­ a joué un rôle non négligeable dans la gestion de la crise208. Cette solution a toutefois montré ses limites, puisqu'il a été nécessaire de fonder l'EMCC dans le but de décharger la CSG de la coordination de certaines questions sanitaires.

Au vu de cette situation, les CdG se demandent dans quelle mesure cet organe était réellement adapté pour assurer la tâche de coordination stratégique (notamment s'il disposait des ressources et d'une expertise spécialisée suffisantes).

Dans son rapport d'évaluation, la ChF arrive à la conclusion que les tâches et compétences de la CSG au cours de la première vague de pandémie n'étaient pas claires, celle-ci ayant «d'abord agi comme une organisation de crise, avant de s'investir dans les organes».

Les CdG invitent le Conseil fédéral à examiner de manière critique, dans le cadre de la révision future de l'organisation de crise fédérale, quel a été le rôle assumé par la CSG dans l'organisation de crise et à déterminer de manière plus précise quelles tâches cet organe devrait assumer lors de crises à venir, respectivement comment la CSG devrait être soutenue dans sa tâche de coordination en période de crise (cf. postulat 1 ci-après).

Conduite des organes de crise Comme indiqué plus haut, les CdG ont relevé que la conduite des trois principaux organes de crise avait été assumée ­ directement ou indirectement ­ par le DFI. Cette situation est compréhensible pour les commissions, dans la mesure où les aspects sanitaires figuraient au premier plan du dossier. Les CdG se demandent néanmoins si une telle concentration des responsabilités de conduite est adéquate dans le cadre d'une crise d'une telle ampleur. De leur avis, même celle-ci présente des avantages, notamment en termes de coordination, elle comporte également certains risques: premièrement, celui que le département concerné bénéficie d'un poids trop important
dans l'organisation de crise fédérale, au détriment d'une représentation équilibrée des intérêts des autres départements, et deuxièmement celui que l'organisation soit fragilisée par le fait que son fonctionnement repose en large partie sur quelques personnes.

Les CdG s'interrogent sur l'opportunité que la directrice ou le directeur de l'office chargé de la gestion de crise préside également l'EMFP ou s'il ne serait pas plus adéquat que cet organe soit dirigé par une personne issue d'un autre département ­ par exemple la directrice ou le directeur de l'OFPP. Dans le même sens, elles se demandent si l'état-major de crise ad hoc du Conseil fédéral ne devrait pas être placé sous

208

La CSG a par ailleurs officiellement repris la coordination interdépartementale de l'organisation de crise suite au retour à la «situation particulière» en juin 2020 (cf. chap. 6.3).

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la conduite de la ChF, d'un «gestionnaire de crise» désigné par le Conseil fédéral, voire de la Présidente ou du Président de la Confédération209.

Pour les CdG, le fait que l'organisation de crise prévoie des organes transversaux tels que l'EMFP ou l'état-major de crise ad hoc du Conseil fédéral a précisément pour but de garantir une approche équilibrée de la gestion de crise qui prenne en compte autant que possible tous les intérêts en présence, à savoir ceux de tous les départements, mais également des cantons et d'autres acteurs externes. Ces organes constituent une sorte de «contrepoids» au rôle central légitimement joué par le département principal chargé de gérer la crise. Or, une telle fonction est relativisée dans le cas où la conduite de tous ces organes est assurée par un seul et même département.

Les CdG ont interrogé la Présidente de la Confédération de 2020 sur la question de savoir s'il aurait été adéquat que l'EMCC soit placé sous sa responsabilité. Celle-ci a indiqué que dans le contexte de la première vague, caractérisée par une grande pression et de nombreuses incertitudes, et face à la nécessité d'agir rapidement, la question ne s'était pas posée et qu'il n'y avait eu aucune raison de transférer une telle tâche de coordination à la Présidence.

Interrogés sur l'opportunité de confier la conduite de la gestion de crise à un coordinateur central issu de l'administration, tant le chef du DFI que l'ancien secrétaire général et le secrétaire général actuel du département ont estimé que cette solution n'aurait pas été adéquate. L'ancien secrétaire général a estimé que la conduite de la gestion de crise était une tâche politique revenant au Conseil fédéral et au Parlement et qu'un tel coordinateur aurait manqué de légitimité. Pour le chef du DFI, avec une telle structure, on aurait augmenté le risque que les autres acteurs s'engagent moins et laissent leur responsabilité au gestionnaire de crise.

Les CdG attendent du Conseil fédéral qu'il examine de manière approfondie, dans le cadre de la révision future l'organisation de crise fédérale, la question de savoir si les règles relatives à la conduite des organes transversaux de gestion de crise devraient être clarifiées, respectivement adaptées (cf. postulat 1 ci-après).

Délégation du Conseil fédéral La question s'est également posée, pour les CdG, de savoir s'il aurait été adéquat que le Conseil fédéral mette sur pied une délégation210 chargée de la gestion de crise. Cet

209

Les instructions du Conseil fédéral concernant la gestion des crises ne règlent pas clairement la question de la conduite de l'état-major de crise ad hoc du Conseil fédéral. Elles stipulent que «le chef du département responsable ou le président de la Confédération peut constituer un état-major de crise ad hoc du Conseil fédéral (ch. 4.1.1) et que «le département responsable active les fonctions et les services nécessaires à la gestion de la crise» (ch. 4.1.2).

210 Selon l'art. 23 LOGA, le Conseil fédéral peut, pour certaines affaires, constituer en son sein des délégations. Celles-ci comptent en règle générale trois membres. Les délégations préparent les délibérations et les décisions du Conseil fédéral ou traitent, au nom du collège gouvernemental, avec d'autres autorités, suisses ou étrangères, ou avec des particuliers.

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aspect fait notamment l'objet d'une motion déposée en juin 2021211 (cf. chap. 4). Le chef du DFI a indiqué aux CdG que l'option de constituer une telle délégation (composée du DFI, du DDPS et du DEFR) avait été envisagée dès fin février 2020, mais que le Conseil fédéral avait finalement privilégié la création d'un état-major ad hoc de crise. Selon lui, il a été rapidement clair que l'ensemble des départements étaient concernés par la pandémie et qu'il était préférable que tous soient intégrés dans l'organisation de crise.

Malgré cela, les CdG estiment que l'option de créer une délégation du Conseil fédéral en cas de crise mériterait d'être examinée. De leur point de vue, un tel organe permettrait d'éviter que la gestion de crise soit placée sous la conduite prépondérante d'un seul département (en l'occurrence le DFI) et ainsi d'encourager l'échange de points de vue et d'assurer une représentation plus équilibrée des différents intérêts en présence. Elle permettrait également d'éviter que le Conseil fédéral dans son ensemble doive assumer le rôle d'état-major de crise fédéral, et que la préparation des décisions stratégiques de la gestion de crise soient déléguées à un organe dédié. Un tel organe, de par son ancrage dans la LOGA, bénéficierait en outre d'une plus grande légitimité de conduite qu'un état-major ad hoc tel que l'EMCC.

Une question ouverte, pour les CdG, est de savoir quels départements devraient le cas échéant faire partie d'une telle délégation, respectivement selon quels critères ce choix devrait être opéré. Pour les CdG, il est à considérer que la composition de cette délégation pourrait évoluer au fil de la crise, en fonction des thématiques prioritaires. Enfin, les tâches concrètes d'une telle délégation en cas de crise devraient être définies de manière explicite. Les CdG estiment qu'une telle délégation devrait en outre, pour être efficace, bénéficier d'une structure de soutien adéquate, à savoir un état-major administratif dédié et l'apport de compétences spécialisées.

Les CdG rappellent que, indépendamment de l'existence d'une telle délégation, la prise de décision finale revient toujours au Conseil fédéral et que les départements ont la possibilité de faire valoir leurs intérêts dans le cadre de la consultation des offices et de la procédure de co-rapport.

Exercices de
crise Comme elles l'ont indiqué plus haut, les CdG ont constaté que la gestion de crise fédérale telle qu'elle avait eu lieu dans la pratique avait divergé en plusieurs points de ce qui était prévu sur le plan conceptuel et qui avait fait l'objet de plusieurs exercices par le passé. Le rôle de l'EMFP, par exemple, a largement différé entre la théorie et la pratique (cf. chap. 7). Cela soulève la question des enseignements tirés des exercices de crise passés.

Les CdG n'ont pas examiné dans le détail, dans le cadre du présent rapport, l'adéquation de l'instrument des exercices de crise ou la mise en oeuvre par les départements 211

Mo. Stark «Rendre la structure de conduite du Conseil fédéral résiliente aux crises» du 15 juin 2021 (21.3722). Celle-ci demande notamment qu'une «délégation du Conseil fédéral doit être constituée au plus tard lorsqu'une pandémie menace, afin de procéder à un examen préliminaire de l'opportunité pour le Conseil fédéral de qualifier la situation de particulière ou d'extraordinaire au sens de la LEp et de prendre toutes les mesures qui s'ensuivent; la délégation soumet des propositions au Conseil fédéral».

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et offices des recommandations issues de ces exercices, ces aspects dépassant le cadre de leur enquête. Elles ne se prononcent donc pas sur ces points.

Dans les faits, les CdG constatent toutefois que ces exercices n'ont pas entièrement rempli leur fonction, puisqu'ils n'ont pas permis aux autorités fédérales d'être préparées de manière optimale à la crise du Covid-19. Celles-ci se sont en effet retrouvées dépourvues face à l'évolution de la situation au début de la pandémie et, en plusieurs points, l'organisation de crise fédérale n'a pas été mise en oeuvre conformément aux prescriptions ou bases légales.

Face aux CdG, le chef du DFI a fait valoir qu'un exercice ne pouvait jamais être comparé avec une véritable pandémie (cf. chap. 6.4.1). Les CdG comprennent cet argument dans une certaine mesure; une crise de l'ampleur de celle du coronavirus dépasse forcément la caractère d'un simple exercice et il est normal qu'elle révèle certaines problématiques inattendues. Dans le même sens, il aurait été difficile de simuler une crise d'une durée de deux ans et l'ensemble de ses implications dans le cadre d'un exercice. Malgré cela, force est de constater que certains éléments fondamentaux, et en particulier la gestion de l'entrée en crise, le rôle central joué par le principe départemental face aux organes de crise transversaux et le fait que ces derniers ne seraient pas en mesure d'assumer complètement leur fonction, n'avaient visiblement pas été identifiés par l'ensemble des acteurs.

Les personnes interviewées dans le cadre de l'évaluation de la ChF ont relevé que les expériences faites lors de crises et d'exercices de crise précédents leur avaient été utiles. Toutefois, selon la ChF, la question de savoir à partir de quand une crise est avérée n'a pas été suffisamment approfondie à l'occasion d'un exercice. En outre, faute d'avoir participé à ce type d'exercices, la plupart des cadres ont eu besoin de temps pour jouer leur rôle pendant la situation extraordinaire212. Le Conseil fédéral a chargé la ChF et l'OFPER de veiller, avec les départements, à ce que les membres de leurs états-majors de crise, leurs cadres et leurs personnes-clefs en matière de gestion de crise bénéficient régulièrement d'une formation et d'un perfectionnement uniformes en matière de gestion de crises (recommandation 3).
Pour les CdG, il est nécessaire que le Conseil fédéral procède à un examen critique des exercices de crise fédéraux, et qu'il s'assure que les recommandations issues de tels exercices soient mises en oeuvre de manière adéquate au sein de l'administration.

Les CdG jugent en particulier essentiel que les exercices futurs tiennent compte des structures existantes de la Confédération et du rôle central joué par le principe départemental dans l'administration fédérale également en période de crise. Par ailleurs, il faudrait examiner dans quelle mesure la capacité de l'administration à faire face à des problématiques inattendues lors de crises pourrait être exercée dans le cadre de telles simulations. Enfin, du point de vue des CdG, de tels exercices devraient promouvoir

212

Rapport de la Chancellerie fédérale du 11 décembre 2020 concernant l'évaluation de la gestion de crise pendant la pandémie de COVID-19 (1re phase / février ­ août 2020), p. 16.

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une approche davantage orientée selon le principe «thinking outside of the box» en ce qui concerne les différents aspects d'une crise et de ses conséquences213.

La thématique de la préparation aux crises étant couverte par le postulat 21.3449 de la CPS-E214 (cf. chap. 4), adopté par le Conseil des Etats en septembre 2021, les CdG partent du principe que le Conseil fédéral examinera les points ci-dessus dans ce cadre.

Elles renoncent en conséquence à formuler une recommandation à ce sujet et apportent leur soutien au postulat.

Intégration des cantons dans l'organisation de crise La question globale de la coordination entre la Confédération et les cantons pour la gestion de la crise fait l'objet d'un examen séparé de la part de la CdG-E. Néanmoins, les CdG font brièvement part ci-après de leurs considérations concernant la manière dont les cantons ont été intégrés dans les trois principaux organes de crise examinés.

De manière globale, les CdG estiment que la manière dont les interfaces avec les cantons étaient réglées au sein des trois principaux organes de crise fédéraux n'était pas satisfaisante et manquait de cohérence. Les cantons ont été associés à ces organes, mais leur participation s'est essentiellement limitée à un rôle passif et leurs possibilités d'influence y ont été limitées. Au sein de la taskforce de l'OFSP, la collaboration a essentiellement eu lieu au niveau des GT, en fonction des thématiques spécifiques; par contre, aucun représentant des cantons n'était présent aux séances plénières de la taskforce. Au sein de l'EMCC, les cantons étaient représentés par le secrétaire général de la CdC; or, celui-ci a tiré un bilan plutôt négatif de cet organe en ce qui concerne l'intégration des cantons (cf. chap. 8.2.2). Enfin, plusieurs organes cantonaux étaient représentés au sein de l'EMFP, mais cet organe a essentiellement joué un rôle de coordination sur le plan opérationnel et n'a pas assumé de tâches de conduite (cf. chap. 7).

Dans son rapport intermédiaire d'évaluation de la gestion de crise paru en décembre 2020215, la CdC a émis plusieurs critiques concernant la prise en compte des cantons dans l'organisation de crise de la Confédération. Elle estime notamment que l'EMCC et l'EMFP n'ont «pas été jugés utiles par une majorité des cantons, leur rôle respectif n'ayant pas été clairement
perçu» et que ces organes étaient «inadaptés pour mener des discussions de fond ou pour prendre des décisions». De l'avis de la CdC, ces organes n'ont que «très marginalement facilité la conduite des opérations entre les cantons et la Confédération. Ils ont plutôt contribué à une multiplication des canaux d'informations, ce qui n'a plus permis d'avoir un aperçu global de la situation.»

213

«Thinking outside of the box» signifie, en anglais américain, penser différemment, de façon non conventionnelle ou selon une perspective nouvelle. Cette approche décrit un mode de pensée et de génération d'idées, pour lequel les participants sont appelés à faire preuve de la plus large ouverture d'esprit possible, faisant fi des dogmes et des principes pouvant encadrer habituellement et donc inhiber éventuellement ce type d'exercice.

214 Po. CPS-E «Gestion de crise à l'échelon stratégique» du 25 mars 2021 (21.3449). Le ch. 3 du postulat soulève la question de savoir «quels exercices et/ou modules de formation [...]

sont nécessaires afin d'assurer la capacité de conduite de ces états-majors en situation de crise».

215 COVID-19: gestion de la crise durant la première vague, le point de vue des cantons, rapport intermédiaire de la CdC du 18 décembre 2020.

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Ces constats sont confirmés dans le rapport final de la CdC publié en mai 2022216. La CdC conclut que, «en raison de leur taille et de leur composition hétérogène, les deux états-majors nationaux (EMCC, EMFP) n'ont pas rempli leur rôle pour la préparation des décisions: ils ont surtout fait office de plateforme d'échange d'informations.» La CdC constate que «les bases décisionnelles politiques n'ont pas été préparées par la structure organisationnelle prévue initialement. Cette tâche a été effectuée par les organes de crise techniques et sectoriels, mis en place de manière ad hoc et auxquels les cantons n'ont pas été systématiquement associés.» La CdC relève en outre que les échanges politiques entre Confédération et cantons n'étaient pas réglés de manière claire (en particulier au début de la crise) et qu'ils sont restés largement sectoriels. En conclusion, la CdC appelle de ses voeux la création d'un «État-major de la Confédération, permanent et transdépartemental, institué en association avec des représentants cantonaux, chargé d'assurer au niveau opérationnel la préparation des bases de décisions politiques à l'échelon fédéral»217. Elle invite la Confédération à réfléchir au rôle et à l'éventuel développement de l'EMFP et à adapter le cas échéant les bases légales.

La ChF, dans son rapport d'évaluation sur la première phase de la crise218, a reconnu que la collaboration entre la Confédération et les cantons avait été «entravée du fait que les canaux d'information, de communication et de consultation n'étaient pas clairement définis au début de la crise». Sur cette base, la ChF a formulé quatre maximes devant guider la collaboration avec les cantons en période de crise. Sur cette base, fin 2020, le Conseil fédéral a chargé la ChF et le Département fédéral de justice et police (DFJP) de préciser ­ d'un commun accord avec les cantons ­ les tâches, compétences et responsabilités de la Confédération et des cantons en période de crise, ainsi que les processus et les points de contacts.

De l'avis des CdG, l'implication des cantons dans les réflexions stratégiques de la gestion de crise a été fortement relativisée par le fait que les deux organes transversaux auxquels les autorités cantonales étaient associées n'ont finalement pas joué de rôle en matière de conduite et qu'une grande partie de la
gestion de crise s'est déroulée au sein des structures habituelles de l'administration.

Pour les commissions, il aurait été nécessaire que le Conseil fédéral détermine, au début de la crise, les principes fondamentaux relatifs à l'intégration des cantons dans les principaux organes fédéraux de gestion de crise. Cet exemple justifie une nouvelle fois l'importance de procéder de manière précoce à une réflexion de fond en la matière (cf. recommandation 10).

216

Collaboration Confédération-cantons durant l'épidémie de COVID-19: conclusions et recommandations, rapport final de la CdC du 29 avril 2022 (cf. en particulier chap. 4).

Ce document ayant été publié peu de temps avant l'adoption du présent rapport, les CdG n'ont pas procédé à une analyse détaillée de celui-ci. Elles ont toutefois constaté que les conclusions de la CdC rejoignaient en grande partie leurs constats et conclusions en ce qui concerne l'organisation de crise fédérale. Dans le cadre de leurs travaux futurs, les CdG examineront plus en détail le rapport de la CdC et s'informeront sur les suites données par les autorités fédérales aux recommandations qu'il contient.

217 Collaboration Confédération-cantons durant l'épidémie de COVID-19: conclusions et recommandations, rapport final de la CdC du 29 avril 2022, p. 16ss.

218 Rapport concernant l'évaluation de la gestion de crise pendant la pandémie de COVID-19 (1ère phase / février-août 2020), rapport de la ChF du 11 décembre 2020.

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Les CdG saluent les démarches initiées par le Conseil fédéral sur la base du rapport de la ChF afin de clarifier, pour l'avenir, la collaboration avec les cantons en période de crise. Elles continueront à s'informer de l'avancée des travaux à ce sujet et feront part ultérieurement de leur appréciation concernant la thématique spécifique de la collaboration entre la Confédération et les cantons durant la pandémie. Elles attendent en outre du Conseil fédéral qu'il porte une attention particulière, dans le cadre de la révision future de l'organisation de crise fédérale, à la question de l'intégration des cantons dans les organes de crise fédéraux (cf. postulat 1 ci-après).

Intégration de la science, de l'économie et de la société civile dans l'organisation de crise Les clarifications des CdG ont montré que l'une des principales fonctions de l'EMCC, suite à sa fondation fin mars 2020, a été d'intégrer au sein de l'organisation de crise de la Confédération, des interfaces avec le monde scientifique, l'économie et la société civile. Le rapport final de l'EMCC tire un bilan positif à ce sujet, en mettant un accent particulier sur la fondation de la Taskforce scientifique (cf. chap. 8).

Pour les CdG, le fait qu'il ait fallu attendre la fondation de l'EMCC pour que l'organisation de crise fédérale bénéficie de telles interfaces est problématique: cela signifie que ces aspects n'étaient pas suffisamment considérés dans l'organisation de crise jusque-là, et que les structures habituelles de l'administration n'étaient pas non plus en mesure d'intégrer de tels intérêts dans la prise de décision du Conseil fédéral.

Les CdG n'approfondissent pas plus en détail, dans le cadre du présent rapport, les raisons pour lesquelles de tels interfaces n'ont pas pu être établis plus tôt. La question de la prise en compte par l'OFSP des connaissances scientifiques, en particulier, fait actuellement l'objet d'un examen séparé de la part de la CdG-N. Les CdG attendent néanmoins du Conseil fédéral qu'il s'assure, dans le cadre de la révision future de l'organisation de crise fédérale, que les interfaces avec la science et l'économie ainsi que l'intégration de la société civile soient désormais prévues de façon claire (cf. postulat 1 ci-après).

Nécessité d'un examen de fond des principes et structures de l'organisation de
crise Les CdG rappellent que les considérations du présent rapport portent uniquement sur l'organisation de crise de la Confédération durant la première vague de pandémie (janvier à juin 2020). Elles saluent expressément les améliorations ayant été apportées au cours des mois ayant suivi à l'organisation de crise afin de combler sans tarder les manquements identifiés durant la première vague de pandémie; les mesures prises par l'OFSP dès l'été 2020 dans le domaine du personnel (cf. chap. 6.4.9) en sont un bon exemple.

Les CdG considèrent toutefois que de nombreuses questions de fond concernant l'organisation de crise soulevées lors de la première vague de pandémie demeurent actuelles et doivent faire l'objet d'un examen détaillé de la part du Conseil fédéral.

L'équilibre à trouver, au sein de l'organisation de crise, entre le principe départemental et les organes transversaux (cf. plus haut) en est un bon exemple. Les CdG constatent ainsi que, suite au retour à la «situation particulière» en juin 2020, l'EMFP a continué à ne jouer qu'un rôle subsidiaire de coordination au sein de l'organisation de

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crise fédérale et n'a pas assumé son rôle de conduite prévu par la législation (cf.

chap. 7.2.2).

Les CdG saluent la volonté du Conseil fédéral d'examiner d'un oeil critique l'organisation de crise fédérale, sur la base de l'évaluation réalisée par la ChF, et de procéder à des adaptations en profondeur en vue de son fonctionnement futur. Elles se félicitent en particulier des deux recommandations formulées par la ChF en matière d'organisation de crise (cf. chap. 7.4) qu'elles partagent entièrement. Considérant qu'il est important que ces efforts soient appuyés par le Parlement et que le Conseil fédéral rende compte des résultats de ses réflexions dans un rapport, les CdG ont décidé de déposer un postulat allant dans le même sens.

Dans ce cadre, les CdG invitent le Conseil fédéral à examiner en particulier différents aspects qu'elles ont soulevés dans le présent rapport, et en particulier les questions suivantes: ­

Le niveau hiérarchique des normes relatives à l'organisation de crise fédérale est-il adéquat? Doit-il être modifié?

­

La relation entre les normes de portée générale concernant l'organisation de crise fédérale et les normes portant sur l'organisation de crise dans les domaines thématiques spécifiques est-elle adéquate? Doit-elle être modifiée?

­

Quel doit être l'équilibre adéquat, au niveau de l'organisation de crise fédérale, entre une approche transversale (transfert de la gestion de crise à des organes transversaux disposant de compétences décisionnelles et d'instruction) et départementale (basée sur les structures habituelles de l'administration, éventuellement renforcées de manière ponctuelle)?

­

Comment tenir compte de manière adéquate des questions relatives à la durée de la crise dans la mise en oeuvre de l'organisation de crise?

­

Les règles relatives à la conduite des organes transversaux de gestion de crise doivent-elles être précisées? En particulier, est-il adéquat qu'un seul département soit chargé de la conduite de l'ensemble des principaux organes de crise fédéraux?

­

Quel doit être le rôle de la CSG dans l'organisation de crise fédérale?

­

Comment les cantons doivent-ils être intégrés dans l'organisation de crise fédérale?

­

Comment les interfaces avec la science, l'économie et la société civile doivent-ils être réglés dans l'organisation de crise fédérale?

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Postulat 1: Bilan global et révision de l'organisation de crise fédérale sur la base des enseignements de la crise du coronavirus Le Conseil fédéral est prié de procéder dès que possible, mais au plus tard dans le courant de l'année 2023, à un bilan critique global de son organisation de crise en intégrant tous les acteurs concernés. Sur cette base, le Conseil fédéral est prié d'établir un concept relatif à l'organisation de crise fédérale pour l'avenir.

Une fois ce concept établi, le Conseil fédéral est prié de déterminer quelles modifications doivent être apportées à toutes les bases légales, directives, instructions, plans stratégiques et conceptions en matière de gestion de crise, parmi lesquelles la LOGA, l'OLOGA et les instructions du Conseil fédéral concernant la gestion des crises.

Le Conseil fédéral est également prié d'examiner si des modifications portant sur l'organisation de crise doivent être entreprises au sein des bases légales et prescriptions portant sur les domaines thématiques spécifiques concernés par de potentielles crises (p. ex. lutte contre les épidémies, approvisionnement en électricité, sûreté nucléaire ou gestion des catastrophes naturelles).

Le Conseil fédéral est prié de faire part du résultat de ses travaux dans un rapport.

11

Conclusions et prochaines étapes

Sur la base de leur analyse des trois principaux organes de crise (taskforce de l'OFSP, EMFP et EMCC), les CdG tirent rétrospectivement un bilan mitigé de l'organisation de crise de la Confédération durant les premiers mois de la pandémie de coronavirus.

Celle-ci a certes permis à la Suisse de surmonter de manière globalement satisfaisante la première vague de pandémie, en comparaison internationale. Les membres, collaboratrices et collaborateurs de ces organes ont fait preuve d'un très grand engagement à leur tâche, que les CdG tiennent à saluer expressément. Les CdG sont également conscientes que les autorités ont dû agir rapidement, dans un contexte particulièrement incertain; il était notamment difficile d'estimer l'ampleur et la durée de la pandémie à ses débuts.

Néanmoins, les CdG ont également relevé que les autorités fédérales s'étaient retrouvées dépourvues à plusieurs égards face à l'arrivée de la pandémie, que certaines décisions organisationnelles ont été prises trop tard ou de manière peu coordonnée et que, sur certains points, l'organisation de crise a largement dévié des structures prévues par les bases légales et les prescriptions pertinentes, respectivement que ces dernières n'étaient pas claires. Elles regrettent que les exercices menés au cours des années précédentes n'ont pas permis aux autorités fédérales d'être préparées de manière optimales à la crise du Covid-19. Les CdG estiment également que le Conseil fédéral n'a pas joué un rôle suffisamment actif dans la conception de l'organisation de crise durant la première vague, celle-ci ayant été largement déterminée par les départements et en particulier par le DFI.

Les CdG jugent indispensable que le Conseil fédéral mène un examen de fond afin de déterminer les enseignements à tirer de cette pandémie en vue de crises futures et qu'il 112 / 136

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procède sur cette base à une révision des bases légales et prescriptions pertinentes.

Elles saluent les démarches entamées en ce sens ­ notamment suite à l'évaluation menée par la ChF ­ et les améliorations déjà apportées à l'organisation de crise au cours des derniers mois. Elles invitent le Conseil fédéral à intégrer les recommandations et considérations du présent rapport dans ses travaux en cours.

Taskforce de l'OFSP et DFI (chap. 6) La taskforce de l'OFSP, premier organe de crise activé fin janvier 2020, a pris rapidement une place prépondérante dans la gestion de crise et la préparation des décisions du Conseil fédéral, en assumant le rôle d'«état-major de crise spécialisé». Ce constat montre le rôle central joué par les structures habituelles de l'administration (départements et offices, en particulier l'OFSP) dans l'organisation de crise fédérale (contrairement aux organes supra-départementaux tels que l'EMCC et l'EMFP).

Les CdG relèvent que les bases légales et prescriptions pertinentes ne contiennent que peu de dispositions spécifiques concernant l'organisation de crise du DFI et de l'OFSP en cas de pandémie. Dans le même sens, aucune base légale n'existe pour encadrer l'activité des «états-majors de crise spécialisés» comme la taskforce de l'OFSP, malgré l'importance stratégique de ceux-ci. Elles estiment nécessaire que le Conseil fédéral pallie à ces manquements (recommandation 1 et motion 1). Enfin, les CdG saluent le fait que l'OFSP ait pu se baser, lors de l'entrée en crise, sur un manuel de gestion de crise à jour. Celui-ci a toutefois rapidement montré ses limites. Les commissions invitent le Conseil fédéral à réviser ce document et à examiner quelles autres unités devraient disposer d'un tel manuel (recommandation 3).

Si elles saluent que l'OFSP a régulièrement suivi l'évolution de la situation début janvier 2020, les CdG regrettent qu'il ait fallu attendre plus de quinze jours pour que l'apparition du Covid-19 soit thématisée par les responsables de l'OFSP. Certes, il était très difficile à l'époque pour l'office d'évaluer la gravité de la situation liée au nouveau coronavirus et les informations internationales à ce sujet étaient rares et diffuses. Elles estiment toutefois que l'office devrait être en mesure de réagir plus rapidement dans ce genre de cas. Elles invitent le
Conseil fédéral à évaluer en profondeur les processus de traitement des signalements relatifs aux maladies transmissibles au sein de l'OFSP (recommandation 4). Elles relèvent toutefois qu'une fois le risque épidémiologique définitivement identifié, l'office a agi rapidement en mettant sur pied sa taskforce en l'espace de deux jours.

Globalement, les CdG arrivent à la conclusion que la taskforce de l'OFSP a rempli son rôle aussi bien que possible durant la première vague de pandémie. Néanmoins, certaines décisions importantes relatives à l'organisation de l'OFSP n'ont pas ­ ou pas assez clairement ­ été prises au début de la crise, ce qui a eu une influence négative sur le fonctionnement interne de l'office durant les mois ayant suivi. Notamment, la hiérarchie habituelle de l'office et l'organisation de crise n'ont pas été bien séparées, la structure de la taskforce était complexe et les responsabilités et les suppléances n'étaient pas réglées de manière suffisamment claire.

La gestion du personnel a constitué un point faible de l'OFSP durant la première vague de pandémie. Une analyse externe mandatée par l'office a mis au jour de nombreux manquements en la matière. L'office n'a par ailleurs pas anticipé de manière suffi-

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sante le retour à la «situation particulière» à l'été 2020. Les CdG regrettent cette situation. Elles invitent le Conseil fédéral à s'assurer qu'un document de référence relatif à la gestion du personnel en période de crise soit établi (recommandation 6).

En ce qui concerne la collaboration entre la taskforce et les autres acteurs de la gestion de crise, les CdG constatent une divergence d'appréciation entre l'OFSP, qui tire un bilan plutôt positif, et d'autres voix bien plus critiques. Elles invitent le Conseil fédéral à s'assurer, à l'avenir, qu'un concept clair soit défini au début de la crise en ce qui concerne les interfaces entre l'office chargé de la gestion de crise et les autres acteurs (recommandation 5).

Les CdG constatent également que les compétences décisionnelles pour la gestion de crise au sein de l'office étaient réglées de manière peu transparente. La conduite stratégique et la prise de décision étaient concentrées dans les mains d'un petit nombre de personnes et la direction de l'office (au sens large) n'a pas joué un rôle actif en la matière. Les CdG attendent du Conseil fédéral qu'il s'assure qu'à l'avenir, les responsabilités de décision soient déterminées de manière claire et que les activités de l'organe chargé, à échelon de l'office, de la conduite stratégique et de la prise de décision concernant la gestion de crise soient plus transparentes (recommandation 7). Enfin, soulignant le grand nombre de fonctions cumulées par le directeur de l'OFSP durant la première vague de pandémie, les CdG invitent le Conseil fédéral à mener une réflexion de fond sur le rôle des directeurs d'office en période de crise.

Les CdG constatent avec satisfaction que la direction de l'OFSP a, dès l'automne 2020, pris diverses mesures pour faire face aux manquements identifiés durant la première vague de pandémie. Celles-ci ont permis de clarifier les responsabilités, de renforcer la transparence des structures, d'améliorer la collaboration entre l'OFSP et les autres acteurs et d'alléger la charge de travail des collaboratrices et collaborateurs. La gestion du personnel de l'office continuera toutefois à constituer un défi central ces prochains mois et années. Les CdG estiment crucial que le DFI suive étroitement la situation en la matière et intervienne si nécessaire, que le retour progressif
aux structures habituelles de l'office soit géré avec soin et que l'investissement du personnel de l'OFSP, particulièrement sollicité au cours de la crise, soit salué de façon appropriée.

En ce qui concerne l'organisation de crise à l'échelon du DFI, les CdG tirent un bilan globalement positif. Elles constatent notamment que le département a rapidement établi un plan de pandémie opérationnel. Les CdG invitent le Conseil fédéral à s'assurer que tous les départements disposent à l'avenir d'un tel plan (recommandation 2). Elles saluent également le fait que le DFI ait mené une évaluation interne de son organisation de crise et l'invitent à implémenter sur cette base les mesures d'amélioration nécessaires.

Les CdG ont également pris connaissance avec satisfaction de la bonne collaboration entre le DFI et l'OFSP durant la première vague de pandémie, basée sur la confiance et constructive. Elles relèvent que les contacts entre l'office et le département ont été étroits dès le début de la crise et se sont déroulés à de nombreux niveaux. Il semblerait néanmoins que, dans quelques cas, la voie hiérarchique entre le Conseil fédéral, le département, l'OFSP et la division MT n'ait pas été respectée. Même si de telles situations sont compréhensibles dans une situation de crise, les CdG estiment important 114 / 136

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que le Conseil fédéral s'assure à l'avenir que la voie hiérarchique soit suivie autant que possible.

État-major fédéral Protection de la population (chap. 7) L'EMFP n'a assurément pas été institué selon les dispositions légales et les prescriptions du plan de pandémie. Cet organe a fait office de plateforme d'échange et d'information, assumant ainsi son mandat de coordination, mais il n'a pas été en mesure de remplir sa tâche légale consistant à préparer des bases de décision du Conseil fédéral, comme cela était prévu dans l'ordonnance correspondante (OEMFP). Les CdG soulignent que les prescriptions légales doivent également être appliquées en cas de crise. Elles estiment que le Conseil fédéral aurait dû, dans le cas concret, identifier le champ de tensions avec l'OLOGA sur ce point et adapter l'ordonnance en conséquence. Il n'a toutefois pas traité cette question.

Les CdG constatent également que l'EMFP a été institué tardivement, début mars 2020. Dans l'intervalle, certaines de ses tâches avaient déjà été reprises par la taskforce de l'OFSP. Cela s'explique sans doute notamment par le fait que l'EMFP était conduit par le directeur de l'OFSP. Les CdG sont d'avis que le Conseil fédéral aurait dû fixer les tâches et les compétences des trois organes de crise (EMFP, Taskforce de l'OFSP et EMCC) au plus tard au moment où l'ampleur de la pandémie lui est clairement apparue.

Plusieurs raisons ont été avancées pour expliquer pourquoi l'EMFP n'avait pas été institué conformément aux dispositions légales en vigueur: l'EMFP était trop grand, il ne se prêtait pas à la préparation de décisions du Conseil fédéral car il était dépourvu de spécialistes, et, par ailleurs, l'ampleur et la durée de la crise n'étaient pas prévisibles. Pour les CdG, ces justifications sont contestables, ou difficilement compréhensibles. Elles peinent en particulier à comprendre pourquoi les défis liés à cet organe n'ont pas été identifiés dans le cadre des exercices effectués précédemment. Les CdG estiment en outre qu'il serait nécessaire de clarifier comment l'élaboration par l'EMFP des bases de décision à l'intention du Conseil fédéral doit se dérouler, comment ces bases de décision doivent être transmises au Conseil fédéral, aux départements ou aux offices, et si l'EMFP aurait pu lui-même soumettre des propositions.

Les CdG
invitent donc le Conseil fédéral à examiner, dans le cadre de ses travaux suite à la pandémie, l'adéquation des structures de l'EMFP et les tâches qui lui sont attribuées, en particulier en ce qui concerne la possibilité pour l'EMFP d'élaborer des bases de décision et soumettre des propositions à l'intention du Conseil fédéral ou d'autres acteurs (recommandation 8).

État-major de crise du Conseil fédéral (chap. 8) Les CdG constatent que l'EMCC non plus n'a pas assumé toutes les fonctions qui auraient dû être les siennes selon les instructions du Conseil fédéral. Il n'a par exemple jamais fait usage de son pouvoir de donner des instructions aux autres états-majors de crise. L'EMCC a surtout fait office d'organe d'information et de coordination. S'il a joué un rôle important dans la préparation de décisions dans certains domaines, la phase finale des préparatifs est toutefois restée du ressort des structures départementales classiques. C'est notamment en associant des représentants et représentantes des

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milieux scientifiques et économiques ainsi que de la société civile que l'EMCC a apporté une plus-value. À cet égard, il convient de mentionner en particulier la taskforce scientifique.

L'EMCC a été institué relativement tard (quelques jours après la déclaration de l'état de situation extraordinaire). Comme il n'était pas précisé qui les départements devaient y déléguer, cela a eu pour conséquence que des personnes de niveaux hiérarchiques différents y siégeaient. Les CdG voient également d'un oeil critique le poids important des représentants du DFI au sein de l'état-major de crise; de leur point de vue, l'EMCC a constitué de facto un organe placé davantage au service du DFI que du Conseil fédéral.

Dans l'ensemble, les CdG adhèrent aux conclusions que la ChF tire dans son rapport du 11 décembre 2020 sur les questions des normes relatives à l'état-major de crise du Conseil fédéral et de la fonction de cet état-major. Les CdG saluent les deux mandats du Conseil fédéral visant à examiner, d'un côté, les bases (légales) de la gestion de crise dans l'optique d'une crise longue et complexe et, de l'autre, les tâches, les compétences, les responsabilités et la composition des états-majors de crise.

Si l'instrument de l'état-major de crise ad hoc devait être maintenu à l'issue de cet examen, alors les compétences de cet organe relatives à la préparation d'options d'intervention et de bases de décision pour le Conseil fédéral devraient être précisées. Il faudrait également déterminer si l'état-major ad hoc doit être doté du droit de soumettre directement des propositions au Conseil fédéral et à d'autres acteurs. Enfin, il doit être clarifié à quel niveau normatif son organisation doit être fixée (recommandation 9).

Coordination entre les organes de crise (chap. 9) Les CdG estiment que la manière dont la taskforce de l'OFSP, l'EMFP et l'EMCC ont été articulés au sein de l'organisation de crise fédérale durant la première vague de pandémie n'était pas satisfaisante en plusieurs points. Certes, sur le plan opérationnel, de bons échanges d'information ont été assurés entre les trois principaux organes de crise. Elles constatent toutefois que les compétences de ces organes n'étaient pas définies de manière suffisamment claire. L'EMFP et l'EMCC n'ont pas complètement rempli la fonction qui leur était assignée
et n'ont joué qu'un rôle plutôt subsidiaire dans la conduite de la gestion de crise, assurant essentiellement la coordination et l'échange d'informations. Durant les premières semaines de la crise, la taskforce de l'OFSP s'est rapidement imposée comme le principal organe de gestion de crise. Cette situation est en partie compréhensible pour les CdG, puisque l'OFSP est l'unité fédérale spécialisée en matière de maladies transmissibles; toutefois, il n'était pas prévu qu'un «état-major de crise spécialisé» prenne un rôle aussi prépondérant et aucune base légale ne réglait le fonctionnement d'un tel organe.

Le principal problème, selon les CdG, réside dans le fait que ces trois organes ont été activés de manière échelonnée et non coordonnée. Elles déplorent en particulier l'entrée en activité tardive de l'EMFP et de l'EMCC. Cette situation est liée à deux faiblesses fondamentales: premièrement, les autorités fédérales n'ont pas identifié suffisamment tôt la portée globale et transversale de la pandémie. Deuxièmement, le principe départemental est resté très fort durant toute la première vague, relativisant

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le rôle d'organes transversaux tels que l'EMFP et l'EMCC. Les CdG soulignent également l'absence de bases légales et de prescriptions concernant, d'un côté, la coordination des différents organes de crise entre eux et, de l'autre, la coordination entre ces derniers et les unités administratives ordinaires.

Les CdG regrettent que l'organisation de crise n'ait pas été mise en oeuvre comme prévu. Elles sont d'avis que le Conseil fédéral aurait dû mener rapidement une réflexion de fond concernant les tâches et compétences respectives des organes de crise fédéraux et la nécessité d'établir un état-major ad-hoc. Or, le gouvernement n'a pas abordé cette question durant les premières semaines de la pandémie, les choix en la matière ayant été laissés à l'appréciation des départements et offices compétents. En conséquence, l'organisation de crise s'est bâtie au fil de l'évolution de la situation sanitaire, en adaptant les structures organisationnelles aux circonstances. Les CdG attendent du Conseil fédéral qu'il se montre plus actif sur cette question lors de crises futures et qu'il s'assure qu'une réflexion de fond sur l'organisation de crise soit menée de manière précoce (recommandation 10).

Considérations générales des CdG concernant l'organisation de crise (chap. 10) Les CdG relèvent que le DFI a eu une influence prédominante sur la gestion de la crise fédérale durant la première vague de pandémie. Cette situation est compréhensible, dans la mesure où les aspects sanitaires figuraient clairement au premier plan de la crise. Les CdG regrettent toutefois que le Conseil fédéral n'ait pas identifié plus tôt le caractère global et transversal de la pandémie. Cela a eu pour conséquence que les mesures de gestion de crise ont été initiées et élaborées, durant plusieurs semaines, de manière peu coordonnée au sein des différents départements. Par ailleurs, l'organisation de crise fédérale n'est pas véritablement parvenue à intégrer toutes les dimensions thématiques de la crise, notamment ses conséquences économiques. Enfin, les CdG constatent que les autorités fédérales ont sous-estimé la durée potentielle de la crise au début de celle-ci et sont parties du postulat d'une crise de durée modeste et déterminée. Elles invitent le Conseil fédéral à compléter les instruments existants de détection précoce des crises
afin de mieux identifier à l'avenir le caractère global et transversal d'une crise, de garantir la prise en compte de l'ensemble des dimensions thématiques et de s'assurer que l'administration accorde une plus grande sensibilité à la durée de la crise (recommandation 11).

Les CdG constatent également que le principe départemental est resté très fort durant la première vague de pandémie. La majeure partie de la gestion de crise a eu lieu dans les structures habituelles de l'administration (offices et départements), le Conseil fédéral jouant lui-même le rôle de principal état-major de crise. De ce fait, et contrairement à ce que prévoyaient les bases légales et prescriptions, les organes fédéraux de portée transversale (EMFP et EMCC) n'ont joué qu'un rôle plutôt subsidiaire. Les CdG peuvent en partie comprendre les arguments en faveur d'une gestion de crise dans les structures habituelles, qui permet de se baser sur des processus et réseaux existants. Cette approche présente néanmoins aussi certains inconvénients, comme une prise de décision plus lente, une gestion de crise compartimentée et moins cohérente et un manque de transparence. Les CdG arrivent à la conclusion que les deux approches (gestion au sein des structures habituelles de l'administration et gestion au sein d'organes transversaux) sont complémentaires en période de crise. Elles estiment 117 / 136

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nécessaire que le Conseil fédéral mène une réflexion de fond sur l'équilibre adéquat à trouver entre ces deux approches dans la gestion de crise, permettant de tirer parti des avantages de chacune.

Les commissions se demandent également s'il était adéquat que la conduite des trois principaux organes de crise soit assumée par un même département, à savoir le DFI.

Une telle concentration, si elle comporte des avantages, présente aussi certains risques, notamment ceux d'une représentation déséquilibrée des intérêts et d'une fragilisation de l'organisation. Elles invitent le Conseil fédéral à examiner l'adéquation des règles en la matière. Elles l'invitent également à analyser le rôle joué par la CSG durant la crise et à déterminer plus précisément ses tâches en cas de crises futures.

Pour les CdG, il serait souhaitable d'examiner l'option de créer une délégation du Conseil fédéral en cas de crise. De leur point de vue, celle-ci permettrait de décharger le gouvernement tout en assurant une représentation plus équilibrée des intérêts en présence. Plusieurs questions se posent néanmoins concernant la composition d'une telle délégation et les structures soutenant celle-ci.

Les CdG n'ont pas examiné dans le détail, dans le cadre du présent rapport, l'adéquation de l'instrument des exercices de crise ou la mise en oeuvre par les départements et offices des recommandations issues de ces exercices. Elles constatent toutefois que ces exercices n'ont pas entièrement rempli leur fonction, puisqu'ils n'ont pas permis aux autorités fédérales d'être préparées de manière optimale à la crise du Covid-19.

Même si elles reconnaissent qu'il est impossible de se préparer dans le moindre détail à une crise d'une telle ampleur, elles relèvent que certains éléments fondamentaux n'avaient visiblement pas été identifiés par l'ensemble des acteurs. Pour les CdG, il est nécessaire que le Conseil fédéral examine de manière critique comment améliorer ces exercices à l'avenir, et qu'il s'assure que les recommandations issues de tels exercices soient mises en oeuvre de manière adéquate. Les CdG partent du principe que le Conseil fédéral examinera ces aspects lors du traitement du postulat 21.3449 sur la préparation aux crises, adopté par le Conseil des Etats en septembre 2021.

Les CdG sont également mitigées en ce qui concerne
l'intégration des cantons dans l'organisation de crise fédérale. Pour elles, la manière dont les interfaces avec les cantons étaient réglées au sein des trois principaux organes de crise fédéraux n'était pas satisfaisante et manquait de cohérence. L'implication des cantons dans les réflexions stratégiques de la gestion de crise a été fortement relativisée par le fait que l'EMFP et EMCC n'ont finalement pas joué de rôle central de conduite. Les CdG saluent les démarches initiées par le Conseil fédéral afin de clarifier, pour l'avenir, la collaboration avec les cantons en période de crise. Dans le même sens, elles attendent du Conseil fédéral qu'il s'assure que les interfaces avec le monde scientifique et l'économie ainsi que l'intégration de la société civile soient précisées au sein de l'organisation de crise fédérale.

Pour terminer, les CdG saluent la volonté du Conseil fédéral d'examiner d'un oeil critique l'organisation de crise fédérale et de procéder à des adaptations en profondeur en vue de son fonctionnement futur. Elles considèrent que de nombreuses questions de fond soulevées lors de la première vague de pandémie ­ mises en évidence dans le présent rapport ­ doivent faire l'objet d'un examen détaillé. Elles attendent du Con-

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seil fédéral qu'il procède dès que possible, mais au plus tard dans le courant de l'année 2023, à un bilan critique global de son organisation de crise en intégrant tous les acteurs concernés. Sur cette base, les CdG prient le Conseil fédéral d'établir un concept relatif à l'organisation de crise fédérale pour l'avenir et de déterminer quelles modifications doivent être apportées aux bases légales, directives, instructions, plans stratégiques et conceptions pertinents (postulat 1).

Prochaines étapes Les CdG prient le Conseil fédéral de donner son avis sur les constatations et les recommandations du présent rapport d'ici au 30 septembre 2022, et de leur indiquer par quelles mesures et dans quel délai il entend mettre en oeuvre leurs recommandations.

Dans l'intervalle, elles continueront à se tenir informées des évolutions pertinentes relatives à l'organisation de crise de la Confédération ainsi qu'à l'avancée des évaluations à ce sujet actuellement menées par l'administration.

17 mai 2022

Au nom des Commissions de gestion des chambres fédérales: La présidente de la CdG-N, Prisca Birrer-Heimo Le président de la CdG-E, Matthias Michel Le président de la sous-commission DFAE/DDPS de la CdG-N, Nicolo Paganini Le président de la sous-commission DFI/DETEC de la CdG-E, Marco Chiesa Le président de la sous-commission DFJP/ChF de la CdG-E, Daniel Fässler La secrétaire des CdG et de la DélCdG, Beatrice Meli Andres

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Abréviations AFS

Archives fédérales suisses

AMCS

Association des médecins cantonaux de Suisse

BLA

Base logistique de l'armée

CCDJP

Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police

CCPCS

Conférence des commandants des polices cantonales de Suisse

CdC

Conférence des gouvernements cantonaux

CDF

Contrôle fédéral des finances

CdG

Commissions de gestion des Chambres fédérales

CdG-E

Commission de gestion du Conseil des Etats

CdG-N

Commission de gestion du Conseil national

CDS

Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé

CFF

Chemins de fer fédéraux suisses

CFP

Commission fédérale pour la préparation et la gestion en cas de pandémie

CFV

Commission fédérale pour les vaccinations

CG MPS

Conférence gouvernementale des affaires militaires, de la protection civile et des sapeurs-pompiers

ChF

Chancellerie fédérale

CPA

Contrôle parlementaire de l'administration

CPS-E

Commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats

CSEC-E

Commission de la science, de l'éducation et de la culture du Conseil des Etats

CSG

Conférence des secrétaires généraux

DDIP

Direction du droit international public du DFAE

DDPS

Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports

DEFR

Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche

DETEC

Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication

DFAE

Département fédéral des affaires étrangères

DFF

Département fédéral des finances

DFI

Département fédéral de l'intérieur

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DFJP

Département fédéral de justice et police

ECDC

Centre européen de prévention et de contrôle des maladies

ECS 17

Exercice de conduite stratégique de la Confédération

EMCC

État-major de crise du Conseil fédéral chargé de gérer la crise du coronavirus

EMFP

État-major fédéral protection de la population

EnDK

Conférence des directeurs cantonaux de l'énergie

EPF

Écoles polytechniques fédérales

EPT

Équivalent plein temps

ERNS 14

Exercice du Réseau national de sécurité 2014

FF

Feuille fédérale

FNS

Fonds national suisse

GT

Groupes de travail

IFSN

Inspection fédérale de la sécurité nucléaire

IVI

Institut de virologie et d'immunologie

K&I

Section Gestion de crise et collaboration internationale de l'OFSP

LEp

Loi fédérale du 28 septembre 2012 sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme (Loi sur les épidémies; RS 818.101)

LOGA

Loi fédérale du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (RS 172.010)

MT

Division Maladies transmissibles de l'OFSP

OEMFP

Ordonnance du 2 mars 2018 sur l'État-major fédéral Protection de la population (RS 520.17)

OFAE

Office fédéral pour l'approvisionnement économique du pays

OFAS

Office fédéral des assurances sociales

OFC

Office fédéral de la culture

OFEN

Office fédéral de l'énergie

OFIT

Office fédéral de l'informatique et de la télécommunication

OFJ

Office fédéral de la justice

OFPER

Office fédéral du personnel

OFPP

Office fédéral de la protection de la population

OFS

Office fédéral de la statistique

OFSP

Office fédéral de la santé publique

OLOGA

Ordonnance du 25 novembre 1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (RS 172.010.1)

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OMS

Organisation mondiale de la santé

OPI

Ordonnance du 27 avril 2005 sur les mesures de lutte contre une pandémie d'influenza (Ordonnance sur la pandémie d'influenza; RO 2005 2137)

OrC LEp

Organe de coordination de la loi sur les épidémies

Ordonnance 2 COVID-19 Ordonnance 2 du 13 mars 2020 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (COVID-19) (RS 818.101.24) Ordonnance COVID-19 Ordonnance du 28 février 2020 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (COVID-19) (RS 818.101.24) Org DFI

Ordonnance du 28 juin 2000 sur l'organisation du Département fédéral de l'intérieur (RS 172.212.1)

OSAV

Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires

PHEIC

Urgence de santé publique de portée internationale (Public health emergency of international concern)

RO

Recueil officiel

RS

Recueil systématique du droit fédéral suisse

SECO

Secrétariat d'État à l'économie

SEFRI

Secrétariat d'État à la formation, à la recherche et à l'innovation

SEM

Secrétariat d'État aux migrations

SG-DFI

Secrétariat général du DFI

SII

Système d'information et d'intervention

SSC

Service sanitaire coordonné

TCR

Tâches, compétences et responsabilités

TFS

Swiss National Covid-19 Science Taskforce

UE

Union européenne

UPIC

Unité de pilotage informatique de la Confédération

WSL

Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage

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Liste des personnes auditionnées Amherd, Viola

Conseillère fédérale, Cheffe du DDPS

Berset, Alain

Conseiller fédéral, Chef du DFI

Bruhin, Lukas

Secrétaire général du DFI (jusqu'au 31 mars 2020) / Chef de l'EMCC

Eder, Toni

Secrétaire général du DDPS

Gresch, Lukas

Secrétaire général du DFI (à partir du 1er avril 2020)

Guggisberg, Hans

Chef de la section État-major fédéral, OFPP / Chef d'état-major de l'EMFP

Koch, Daniel219

Responsable de la division Maladies transmissibles, OFSP (jusqu'au 31 mars 2020) / Co-Responsable de la Taskforce Covid-19 de l'OFSP (du 23 janvier au 31 mars 2020) / Délégué de l'OFSP pour le Covid-19 (du 1er avril au 31 mai 2020)

Kopp, Christine

Responsable de la Taskforce Covid-19 de l'OFSP (depuis octobre 2020)

Kuster, Stefan220

Responsable de la division Maladies transmissibles, OFSP (du 1er avril 2020 à l'automne 2020) / Co-Responsable de la Taskforce Covid-19 de l'OFSP (du 1er avril 2020 à l'automne 2020)

Kuster, Susanne

Directrice suppléante de l'OFJ / Membre de l'EMCC

Lévy, Anne

Directrice de l'OFSP (à partir du 1er octobre 2020) / Présidente de l'EMFP (à partir du 1er octobre 2020)

Mathys, Patrick

Responsable de la section Gestion de crise et collaboration internationale, division Maladies transmissibles, OFSP / Co-Responsable de la Taskforce Covid-19 de l'OFSP (du 23 janvier 2020 à l'automne 2020)

Mayer, Roland

Secrétaire général de la CdC / Membre de l'EMCC

Parmelin, Guy

Conseiller fédéral, Chef du DEFR

Ramsauer, Matthias

Secrétaire général du DETEC / Membre de l'EMCC

Simonazzi, André

Vice-chancelier, Porte-parole du Conseil fédéral / Membre de l'EMCC

219

Daniel Koch n'a pas été auditionné par les CdG en tant que personne individuelle, mais dans le cadre de l'audition commune d'une délégation de l'OFSP en juin 2020 (à l'époque déjà en qualité d'ancien responsable de division). Il a ensuite été consulté sur le projet du présent rapport.

220 Stefan Kuster n'a pas été auditionné par les CdG en tant que personne individuelle, mais dans le cadre de l'audition commune d'une délégation de l'OFSP en août 2020 (à l'époque en qualité de responsable de division). Il a ensuite été consulté sur le projet du présent rapport.

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Sommaruga, Simonetta

Conseillère fédérale, Cheffe du DETEC, Présidente de la Confédération 2020

Storch, Daniel

Chef de la section Risques radiologiques, OFSP / Co-responsable de l'organe de direction, élément de planification de l'EMFP

Strupler, Pascal

Directeur de l'OFSP (jusqu'au 30 septembre 2020) / Président de l'EMFP (du 24 janvier 2020 au 30 septembre 2020)

Thurnherr, Walter

Chancelier de la Confédération

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Annexe 1

Organigramme de la taskforce Covid-19 de l'OFSP, mai 2020 (uniquement en allemand)

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Annexe 2

Organigramme de la taskforce Covid-19 de l'OFSP, août 2020 (uniquement en allemand)

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Annexe 3

Organigramme de la taskforce Covid-19 de l'OFSP, août 2021

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Annexe 4

Organigramme de l'organisation de crise de la Confédération, selon proposition du DFI au Conseil fédéral de mars 2020 (uniquement en allemand)

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Annexe 5

Organigramme de l'organisation de crise de la Confédération (jusqu'à fin juin 2020), selon présentation de l'OFSP aux CdG, juin 2020 (uniquement en allemand)

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Annexe 6

Organigramme de l'organisation de crise de la Confédération (à partir de juillet 2020), selon présentation de l'OFSP aux CdG, août 2020 (uniquement en allemand)

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Annexe 7

Vue d'ensemble des recommandations et interventions parlementaires Recommandation 1: Dispositions sur l'organisation de crise du DFI et de l'OFSP dans la loi sur les épidémies et le plan de pandémie Le Conseil fédéral est invité à examiner, à la lumière de la crise du Covid-19, si la loi sur les épidémies ou le plan de pandémie devraient être complétés avec des dispositions plus précises concernant l'organisation de crise spécifique du DFI et de l'OFSP. Il est prié d'intégrer ces aspects dans la révision en cours de la loi et du plan.

Recommandation 2: Plans de pandémie départementaux Le Conseil fédéral est invité à s'assurer que l'ensemble des départements disposent d'un plan de pandémie opérationnel actualisé en vue de crises futures.

Recommandation 3: Manuel de gestion de crise Le Conseil fédéral est invité à s'assurer que le manuel de gestion de crise de l'OFSP soit révisé en profondeur au regard des enseignements de la pandémie.

Par ailleurs, le Conseil fédéral est prié d'examiner quelles autres unités administratives fédérales devraient disposer d'un manuel de gestion de crise adapté à leurs spécificités et de s'assurer que ces documents soient établis et régulièrement actualisés.

Motion 1: Bases légales pour un «état-major de crise spécialisé» Sur la base de l'exemple de la taskforce Covid-19 de l'OFSP durant la crise du coronavirus, le Conseil fédéral est prié de modifier et de compléter les bases légales existantes afin d'encadrer plus clairement, en période de crise, les activités de «l'état-major de crise spécialisé».

Premièrement, ces bases légales doivent permettre de déterminer quel est le département (ou les départements) et l'office fédéral (ou les offices fédéraux) à qui revient la principale responsabilité de gestion de la crise.

Deuxièmement, ces bases légales doivent permettre de fixer les principes fondamentaux relatifs à l'état-major de crise de cet office («état-major de crise spécialisé»), notamment concernant les aspects suivants: modalités de la convocation, détermination des tâches, structure de conduite, interfaces avec le Conseil fédéral et les autres acteurs de la gestion de crise, finances, personnel et communication.

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Recommandation 4: Traitement des signalements relatifs à des maladies transmissibles au sein de l'OFSP Le Conseil fédéral est invité à évaluer en profondeur l'adéquation des processus de traitement des signalements internationaux relatifs aux maladies transmissibles au sein de l'OFSP (y compris la transmission de l'information au DFI et le cas échéant au Conseil fédéral) et à évaluer la pertinence de prendre des mesures d'amélioration.

Recommandation 5: Collaboration entre l'office chargé de la gestion de crise et les autres acteurs Le Conseil fédéral est invité à compléter son organisation de crise de manière à s'assurer qu'un concept clair, assorti de critères objectifs, soit défini au début de la crise en ce qui concerne les interfaces entre l'office chargé de la gestion de crise (respectivement l'«état-major de crise spécialisé») et les autres acteurs.

Un tel concept devrait inclure une liste des interfaces à l'échelon des groupes de travail de l'«état-major de crise spécialisé», une liste des unités directement représentées au sein de l'«état-major de crise spécialisé» et une liste des représentations de l'office au sein d'organes externes.

Le Conseil fédéral est notamment invité à intégrer ces considérations dans les travaux relatifs à la révision du manuel de gestion de crise de l'OFSP, dans la révision en cours de la LEp et du plan de pandémie et dans la révision future des instructions du Conseil fédéral sur la gestion des crises.

Recommandation 6: Manuel relatif à la gestion du personnel en cas de crise Le Conseil fédéral est invité à s'assurer qu'un document de référence relatif à la gestion du personnel en période de crise soit établi, ou que les documents déjà existants soient complétés, afin de permettre aux offices particulièrement sollicités par la gestion de crise de prendre au bon moment les décisions adéquates en la matière.

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Recommandation 7: Responsabilités décisionnelles au sein de l'office chargé de la gestion de crise Le Conseil fédéral est invité à s'assurer qu'à l'avenir, lorsqu'un «état-major de crise spécialisé» est mis sur pied, les responsabilités décisionnelles soient déterminées de manière claire pour tous ses échelons, que l'organe chargé de la conduite stratégique et de la prise de décision finale à l'échelon de l'office figure de manière explicite dans l'organigramme de crise et que les travaux et décisions de cet organe soient consignés de manière écrite.

Le Conseil fédéral est également invité à examiner, sur le fond, quel rôle devrait assumer la direction de l'office (au sens large) en période de crise et quelles devraient être ses interactions avec l'«état-major de crise spécialisé». Il est prié de faire part aux CdG de ses conclusions à ce sujet.

Enfin, le Conseil fédéral est invité à mener, sur la base de l'exemple de l'ancien directeur de l'OFSP, une réflexion de fond sur le rôle des directeurs d'office en période de crise et sur l'opportunité que ceux-ci cumulent (ou non) une fonction de conduite dans plusieurs organes de crise en parallèle.

Recommandation 8: Structures et tâches de l'EMFP Le Conseil fédéral est invité à examiner l'adéquation des structures de l'EMFP et les tâches qui lui sont attribuées, en particulier en ce qui concerne la possibilité pour l'EMFP d'élaborer des bases de décision et soumettre des propositions à l'intention du Conseil fédéral ou d'autres acteurs.

Recommandation 9: Normes, fonction et compétences de l'état-major de crise ad-hoc Le Conseil fédéral est invité à mener une réflexion concernant les normes relatives à l'état-major de crise ad-hoc et la fonction de cet organe, dans le sens des mandats déjà émis dans le cadre de l'évaluation de la ChF. S'il est décidé de maintenir cet organe à l'avenir, ses compétences concernant l'élaboration d'options d'intervention et de bases de décision à l'intention du Conseil fédéral doivent être précisées. Il faudrait également déterminer si l'état-major ad hoc doit être doté du droit de soumettre directement des propositions au Conseil fédéral ou à d'autres acteurs. Enfin, il doit être clarifié à quel niveau normatif son organisation doit être fixée.

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Recommandation 10: Réflexion de fond concernant l'organisation de crise au début de la crise Le Conseil fédéral est invité à s'assurer que, dans le cas de crises futures, une réflexion de fond sur l'organisation de crise soit menée de manière précoce, c'està-dire dès le moment où le Conseil fédéral identifie le caractère transversal d'une crise. Elles le prient d'intégrer cet aspect dans la révision en cours de la LEp, du plan de pandémie et des instructions concernant la gestion des crises en général.

En ce qui concerne le cas spécifique d'une pandémie, en particulier, les CdG invitent le Conseil fédéral à déterminer s'il serait opportun que la déclaration de la «situation particulière» au sens de la LEp soit automatiquement assortie d'une décision relative à l'organisation de crise et aux responsabilités des différents organes concernés, en tenant compte des tâches de coordination du DFI déjà prévues à l'art. 6, al. 3, de la LEp.

Recommandation 11: Prendre en compte le caractère global et transversal d'une crise ainsi que sa durée Le Conseil fédéral est invité à compléter les instruments existants de la détection précoce des crises afin d'établir un processus clair, assorti d'indicateurs, qui lui permette de déterminer de manière anticipée si une crise présente un caractère potentiellement global et transversal.

Dans le cas d'une crise de caractère global et transversal, le Conseil fédéral est invité à s'assurer que l'ensemble des dimensions thématiques de la crise soient prises en compte de manière équilibrée dans l'organisation de crise.

Enfin, le Conseil fédéral est invité à s'assurer qu'une plus grande sensibilité soit accordée au sein de l'administration, dans des cas de crises potentielles, aux questions liées à la durée de la crise (telles que l'abandon des tâches, la planification du personnel ou la capacité à durer des structures de crise). Le Conseil fédéral est prié d'examiner cet aspect dans le cadre de la révision future de l'organisation de crise fédérale et de présenter aux CdG les mesures prises en ce sens, notamment au niveau des bases légales et prescriptions pertinentes et de la formation du personnel.

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Postulat 1: Bilan global et révision de l'organisation de crise fédérale sur la base des enseignements de la crise du coronavirus Le Conseil fédéral est prié de procéder dès que possible, mais au plus tard dans le courant de l'année 2023, à un bilan critique global de son organisation de crise en intégrant tous les acteurs concernés. Sur cette base, le Conseil fédéral est prié d'établir un concept relatif à l'organisation de crise fédérale pour l'avenir.

Une fois ce concept établi, le Conseil fédéral est prié de déterminer quelles modifications doivent être apportées à toutes les bases légales, directives, instructions, plans stratégiques et conceptions en matière de gestion de crise, parmi lesquelles la LOGA, l'OLOGA et les instructions du Conseil fédéral concernant la gestion des crises.

Le Conseil fédéral est également prié d'examiner si des modifications portant sur l'organisation de crise doivent être entreprises au sein des bases légales et prescriptions portant sur les domaines thématiques spécifiques concernés par de potentielles crises (p. ex. lutte contre les épidémies, approvisionnement en électricité, sûreté nucléaire ou gestion des catastrophes naturelles).

Le Conseil fédéral est prié de faire part du résultat de ses travaux dans un rapport.

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