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22.044 Message concernant la modification de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (Soutien financier aux cantons qui gèrent des centres de départ à la frontière) du 18 mai 2022

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'une modification de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous proposons simultanément de classer l'intervention parlementaire suivante: 2018

M 17.3857

Aide financière aux cantons qui gèrent des centres de départ à la frontière suisse (E 13.12.17, Abate; N 19.9.18)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

18 mai 2022

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ignazio Cassis Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2022-1524

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Condensé La présente modification de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI) vise à mettre en oeuvre la motion 17.3857 «Aide financière aux cantons qui gèrent des centres de départ à la frontière suisse». La Confédération pourra, si nécessaire, participer financièrement, dans des situations extraordinaires et pendant une période limitée, aux coûts des centres cantonaux servant à héberger temporairement des étrangers qui peuvent être remis aux autorités d'un État voisin.

Contexte La motion 17.3857 Abate «Aide financière aux cantons qui gèrent des centres de départ à la frontière suisse» charge le Conseil fédéral de créer, une base légale qui permettra de soutenir financièrement les cantons qui gèrent des logements temporaires accueillant des étrangers renvoyés de Suisse sans décision formelle, et ce, bien que les cantons soient en principe compétents en matière d'étrangers.

La motion se fonde sur les nombreux franchissements illégaux de la frontière enregistrés au cours du premier semestre 2016 dans le canton du Tessin. La gestion d'un centre temporaire à Rancate a permis de procéder rapidement à la remise des personnes concernées aux autorités italiennes. Le Tessin a assumé seul, en vertu des compétences qui lui ont été conférées, les coûts d'hébergement et de sécurité du centre, alors que ce dernier servait les intérêts de tous les cantons et de la Confédération. Le centre a depuis fermé ses portes car il n'existe à l'heure actuelle aucun besoin.

Contenu du projet La mise en oeuvre de la motion permettra à la Confédération de soutenir financièrement les centres de départ qui sont exploités par les cantons hors du domaine de l'asile si un besoin se fait à nouveau sentir à l'avenir. De plus, une base légale est créée pour la rétention des étrangers dans ces centres cantonaux.

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Message 1

Contexte

1.1

Nécessité d'agir et objectifs visés

Le 28 septembre 2017, Fabio Abate, alors conseiller aux États, a déposé la motion 17.3857 «Aide financière aux cantons qui gèrent des centres de départ à la frontière suisse», qui charge le Conseil fédéral de créer la base légale qui permettra de soutenir financièrement les cantons qui gèrent des logements temporaires (centres de départ) accueillant les étrangers devant être renvoyés dans un État voisin en vertu d'un accord de réadmission. Le 22 novembre 2017, le Conseil fédéral a proposé d'accepter la motion. Cette dernière a été adoptée par le Conseil des États le 13 décembre 2017 et par le Conseil national le 19 septembre 2018.

La motion a eu pour toile de fond la hausse de la migration illégale à la frontière sud de la Suisse en 2016 et 2017. La situation avait alors obligé le canton du Tessin, particulièrement touché par ce phénomène en raison de sa situation géographique exposée sur la route migratoire vers le nord de l'Europe, à ouvrir un centre de départ à Rancate. En exploitant ce centre, le canton du Tessin a fourni des prestations qui ont également servi les intérêts des autres cantons. Le renvoi des personnes concernées en Italie a notamment permis de limiter la migration illégale de transit par la Suisse.

Ont été hébergées dans le centre de départ de Rancate des personnes appréhendées à la frontière sud qui n'ont pas déposé de demande d'asile en Suisse et qui ont fait l'objet d'un renvoi sans décision formelle. En règle générale, ces personnes ont été remises le lendemain aux autorités frontalières italiennes dans le cadre d'une procédure accélérée (cf. art. 6, par. 4, de l'accord du 10 septembre 1998 entre la Confédération suisse et la République italienne relative à la réadmission des personnes en situation irrégulière1). À la demande du canton du Tessin, le Département fédéral des finances (DFF; Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières [OFDF]2) et le Département fédéral de justice et police (DFJP) se sont déclarés prêts, dans ce contexte extraordinaire, à participer aux coûts d'exploitation dudit centre dans le cadre de conventions de prestations de durée limitée. Le projet du Conseil fédéral vise à créer une base légale claire afin que la Confédération puisse apporter un soutien financier temporaire aux cantons frontaliers en cas de situation extraordinaire.
Un centre de départ cantonal permet d'exécuter rapidement et sans décision formelle, dans le cadre d'accords de réadmission bilatéraux, les renvois d'étrangers appréhendés à la frontière. Le Tessin est jusqu'à présent le seul canton à avoir ouvert un tel centre. Le taux d'occupation du centre de Rancate ayant fortement baissé par rapport aux années 2016 et 2017 en raison d'un retour au calme à la frontière sud, la Confédération n'a pas prolongé sa participation aux frais d'exploitation après 2019. Compte tenu du faible taux d'occupation affiché par le centre, le canton du Tessin a cherché des solutions plus avantageuses. Le 15 janvier 2020, son conseil d'État a décidé de 1 2

RS 0.142.114.549 Administration fédérale des douanes (AFD) jusqu'au 31 décembre 2021.

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remplacer le centre de départ de Rancate par l'abri de la protection civile de Stabio à partir du 1er septembre 2020. Son exploitation est pour l'heure prévue jusque fin 2023.

À l'heure actuelle, on n'enregistre pas un nombre exceptionnellement élevé d'entrées illégales en Suisse et de contrôles de personnes qui nécessiterait l'ouverture de centres cantonaux de départ spécifiques.

Pour mettre en oeuvre la motion, la disposition sur la rétention (art. 73 de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l'intégration [LEI]3) sera complétée par une disposition selon laquelle les autorités fédérales ou cantonales compétentes pourront procéder à la rétention de personnes dépourvues d'autorisation de courte durée, de séjour ou d'établissement afin d'assurer leur remise aux autorités d'un État voisin en vertu d'un accord de réadmission. Il s'agit là presqu'exclusivement de personnes relevant du domaine des étrangers et non de celui de l'asile. En vertu du droit des étrangers, ces renvois sont ordonnés et exécutés par les cantons. Étant donné que la charge impliquée par ces renvois est plus importante pour les cantons frontaliers que pour les autres, la Confédération doit pouvoir participer, à raison d'un forfait journalier, aux frais d'exploitation liés aux rétentions dans les centres de départ cantonaux implantés dans les régions frontalières. Cette participation présuppose toutefois une hausse significative des entrées illégales en Suisse, comme cela avait par exemple été le cas en 2016 et 2017. En outre, ces centres cantonaux de départ doivent servir à héberger à court terme des étrangers qui ont été appréhendés dans la zone frontalière lors de leur entrée illégale en Suisse et sont renvoyés du pays sans décision formelle (art. 64c, al. 1, let. a, LEI). L'art. 82 LEI doit être complété en ce sens.

Toute participation de la Confédération aux frais d'exploitation d'un centre cantonal de départ implanté dans une zone frontalière ne sera consentie que pendant une période limitée et dans des situations extraordinaires.

La mise en oeuvre de la motion 17.3857 Abate faisait initialement partie du projet «Modification de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI): mise en oeuvre du plan d'action "Gestion intégrée des frontières" et soutien financier aux cantons qui gèrent des centres de départ à la frontière suisse». La consultation relative à ce projet a eu lieu du 13 décembre 2019 au 19 avril 20204. Ce projet comportait quatre volets:

3 4

1.

Mise en oeuvre du plan d'action «Gestion intégrée des frontières», lequel vise à définir, pour la première fois, dans la LEI les obligations imposées aux exploitants lors de la construction et de l'exploitation d'aérodromes constituant une frontière extérieure Schengen.

2.

Adaptations rédactionnelles dans les dispositions relatives aux vérifications aux frontières.

3.

Modification du titre de la disposition pénale sur l'incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour illégaux (art. 116 LEI).

4.

Soutien financier aux cantons qui gèrent des centres de départ à la frontière et base légale pour la rétention dans ces centres (mise en oeuvre de la mo. 17.3857 Abate).

RS 142.20 Les documents mis en consultation sont disponibles sous www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2019 > DFJP.

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En raison de la crise du coronavirus et des difficultés rencontrées par le secteur aérien, le projet a été reporté au printemps 2021 en ce qui concerne les volets 1 à 3. La mise en oeuvre de la motion Abate n'est, quant à elle, pas concernée, raison pour laquelle elle est poursuivie en tant que projet indépendant.

1.2

Solutions étudiées et solution retenue

1.2.1

Participation aux coûts fondée sur la loi sur l'asile

Ont été hébergées dans le centre de départ de Rancate uniquement des personnes qui ont été appréhendées à la frontière sud par l'OFDF lors de leur entrée illégale en Suisse et qui n'ont pas déposé de demande d'asile dans le pays. Une participation de la Confédération aux coûts des centres cantonaux de départ fondée sur la loi du 26 juin 1998 sur l'asile5 est donc exclue.

1.2.2

Soutien dans le cadre de l'exécution des renvois relevant de la législation sur les étrangers

L'hébergement d'étrangers en situation irrégulière dans le centre de départ de Rancate a permis d'assurer l'exécution des renvois. L'exécution des renvois d'étrangers incombe aux cantons. Conformément à l'art. 71 LEI, la Confédération assiste les cantons qui sont chargés d'exécuter les renvois ou les expulsions, notamment par la collaboration à l'obtention des documents de voyage, l'organisation du voyage de retour et la coordination entre les cantons concernés et le Département fédéral des affaires étrangères. Cette disposition ne donne toutefois pas de base légale à une participation de la Confédération aux coûts des centres cantonaux de départ.

1.2.3

Soutien dans l'accomplissement des tâches de sécurité dans l'espace frontalier

Les cantons exercent le contrôle des personnes sur leur territoire (art. 9 LEI). Dans le cadre de ses tâches douanières et autres que douanières, l'OFDF accomplit également des tâches de sécurité dans l'espace frontalier afin de contribuer à la sécurité intérieure du pays (art. 96 de la loi du 18 mars 2005 sur les douanes [LD]6). En vertu de l'art. 97 LD, le DFF a conclu avec le canton du Tessin une convention selon laquelle l'OFDF est habilité à accomplir des tâches de police relevant de la compétence du canton.

Cette convention règle en particulier le secteur d'intervention, l'étendue des tâches déléguées et l'échange d'informations. L'art. 97 LD et la convention conclue avec le canton du Tessin en vertu de ce dernier ne constituent pas une base suffisante pour permettre à la Confédération de participer aux coûts du centre de départ de Rancate.

5 6

RS 142.31 RS 631.0

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1.2.4

Conclusion

Il manque donc une base légale explicite qui permettrait de soutenir le canton du Tessin ou d'autres cantons particulièrement touchés par le phénomène de la migration de transit. La solution proposée vise à créer une base légale qui permettra de garantir un soutien financier pendant une période limitée et dans des situations extraordinaires.

1.3

Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral

Le projet n'a été annoncé, ni dans le message du 29 janvier 2020 sur le programme de la législature 2019 à 20237, ni dans l'arrêté fédéral du 21 septembre 2020 sur le programme de la législature 2019 à 20238. La modification de la LEI concernant le soutien financier aux cantons qui gèrent des centres de départ hors du domaine de l'asile et la base légale pour la rétention des étrangers dans ces centres apparaît toutefois indiquée afin que le mandat confié par le Parlement au Conseil fédéral dans la motion puisse être exécuté.

1.4

Classement d'interventions parlementaires

Le présent message donne suite à la motion 17.3857 Abate, qui est encore pendante.

Le Conseil fédéral propose donc de classer cette dernière.

2

Procédure de consultation

Le 13 décembre 2019, le Conseil fédéral a chargé le DFJP d'ouvrir une procédure de consultation. Cette dernière, qui devait initialement s'achever le 27 mars 2020, a été prolongée jusqu'au 19 avril 2020 en raison de la pandémie de COVID-19.

24 cantons, 4 partis politiques, 2 associations faîtières de l'économie et 18 autres milieux intéressés se sont exprimés sur la mise en oeuvre de la motion 17.3857 Abate.

Le DFJP a reçu 48 avis au total. En outre, 11 participants ont renoncé explicitement à se prononcer.

20 cantons (AG, AI, AR, BE, BL, BS, FR, GL, GR, LU, NW, SG, SH, SO, SZ, TG, TI, UR, VD, ZG), 3 partis politiques (Le Centre, PLR et UDC), la Fédération des entreprises romandes, GastroSuisse, la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police et la Fédération suisse du tourisme voient d'un bon oeil les modifications législatives proposées.

Quelques participants approuvent sur le principe les modifications proposées mais demandent des ajustements ou des précisions en ce qui concerne la rétention dans les 7 8

FF 2020 1709 FF 2020 8087

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centres cantonaux de départ (GE, ZH, AsyLex, Commission nationale de prévention de la torture [CNPT] et Organisation suisse d'aide aux réfugiés [OSAR]) ou la participation financière de la Confédération aux coûts des centres de départ implantés dans une zone frontalière (NE, VS, PS et Association des services cantonaux de migration [ASM]).

L'Union syndicale suisse (USS) approuve la disposition concernant le soutien financier de la Confédération aux cantons qui gèrent un centre de départ à la frontière mais rejette les précisions relatives à la rétention.

2.1

Base légale de la rétention d'étrangers dans les centres de départ (art. 73, al. 1, let. c, et 2, P-LEI)

AsyLex et l'OSAR déplorent que l'examen par un tribunal du bien-fondé de la rétention se fasse a posteriori. Pour l'OSAR, la durée maximale de trois jours de la rétention est disproportionnée. Elle s'oppose en outre à ce qu'une telle mesure puisse être ordonnée à l'encontre de mineurs et demande une adaptation en ce sens de l'art. 80, al. 4, LEI. Le canton de Genève estime que les rétentions dans les centres cantonaux de départ engendreront des dépenses plus élevées liées à la gestion des contentieux par les tribunaux cantonaux.

AsyLex, la CNPT et l'OSAR exigent que la rétention soit ordonnée par écrit et formulent diverses exigences concernant l'hébergement, en particulier la nécessité de prévoir des espaces distincts pour les hommes, les femmes et les familles. Le PS exige, lui aussi, des conditions d'hébergement appropriées dans les centres de départ.

Le canton de Zurich souhaite, en plus des modifications proposées, que l'on complète l'art. 73, al. 1, let. b, LEI de façon à ce qu'une rétention visant à établir l'identité ou la nationalité d'une personne ne puisse être ordonnée que si cette dernière est tenue de collaborer à cet effet et qu'elle n'a pas contribué activement, de son chef, à la clarification de son identité.

Position du Conseil fédéral La rétention est une mesure qui existe déjà et qui est réglementée de manière exhaustive dans la LEI: les conditions auxquelles elle est ordonnée, les compétences relatives aux décisions en la matière et l'examen de sa légalité par un tribunal y sont donc réglés (art. 73 et 80 LEI). La mise en oeuvre de la motion vise uniquement à créer un nouvel état de fait concernant la rétention afin que la remise des personnes concernées aux autorités du pays voisin puisse être assurée.

Un ajustement des conditions, de la procédure et de l'examen de la rétention par un tribunal n'est pas nécessaire puisque la réglementation en vigueur a montré sa validité.

Cette mesure n'engendre des coûts pour les tribunaux que dans des situations extraordinaires, lorsque l'exploitation des centres de départ se révèle nécessaire.

Les personnes faisant l'objet d'une rétention sont hébergées dans des centres cantonaux de départ et non dans des établissements de détention administrative, et ce, pendant trois jours au maximum. La CNPT peut contrôler les conditions d'hébergement dans ces centres en se fondant sur son mandat légal (art. 2 de la loi fédérale du 7 / 14

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20 mars 2009 sur la Commission de prévention de la torture9). Lors de la construction et de l'exploitation de tels centres, les cantons doivent respecter les principes découlant notamment de l'art. 10 de la Constitution (Cst.)10 et des obligations internationales de la Suisse (notamment l'art. 10 du pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques11 et l'art. 3 de la convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales12). Un hébergement correct est donc garanti.

2.2

Participation financière de la Confédération aux coûts des centres cantonaux de départ implantés dans une zone frontalière (art. 82, al. 3, P-LEI)

VS demande que l'on modifie le libellé de la disposition de sorte qu'un canton puisse gérer plusieurs centres de départ, et que l'on supprime l'exigence du nombre exceptionnellement élevé d'entrées illégales en Suisse et de contrôles de personnes dans la zone frontalière concernée comme condition d'une participation financière de la Confédération aux coûts des centres cantonaux de départ.

NE et l'ASM estiment que, dans des situations extraordinaires et d'urgence, la participation financière de la Confédération doit être obligatoire.

Pour le PS, la Confédération doit s'assurer que les cantons utilisent de manière appropriée les contributions qui leur sont versées.

Position du Conseil fédéral Les cantons ont la possibilité d'exploiter plusieurs centres puisque les forfaits sont versés au cas par cas. Les personnes hébergées dans les centres de départ sont soumises au droit des étrangers et non au droit d'asile. L'exécution du droit des étrangers relève de la compétence des cantons. La nouvelle réglementation permettra toutefois à la Confédération de soutenir les cantons dans cette tâche dans les situations particulières prévues, sans l'y obliger. La motion 17.3857 Abate ne demande pas non plus l'instauration d'une telle obligation. La Confédération pourra par ailleurs apporter un soutien autre que financier, par exemple en renforçant le dispositif de l'OFDF sur place. Les modifications proposées ont été approuvées par une grande majorité des participants à la consultation. Le Conseil fédéral considère que les ajustements demandés ne sont pas nécessaires pour les raisons susmentionnées. Il s'en tient donc au projet misen consultation sans le modifier.

9 10 11 12

RS 150.1 RS 101 RS 0.103.2 RS 0.101

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3

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen

Au niveau européen, les procédures dans le domaine du retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sont réglementées par la directive sur le retour13. L'objectif de cette dernière est de définir des procédures claires, transparentes et équitables lors du renvoi de ressortissants d'États tiers en séjour irrégulier de l'espace Schengen.

Cette directive est un développement de l'acquis de Schengen, qui a été repris par la Suisse en 2011.

La mise en place et l'exploitation de centres temporaires servant à héberger des étrangers entrés illégalement en Suisse qui sont remis à un État voisin au sein de l'espace Schengen en vertu d'un accord de réadmission n'entrent toutefois pas dans le champ d'application de la directive sur le retour. Cette dernière s'applique uniquement aux ressortissants d'États tiers faisant l'objet d'une procédure de renvoi, ce qui n'est pas le cas des étrangers renvoyés de Suisse sans décision formelle et remis aux autorités d'un État voisin en vertu d'un accord de réadmission conformément à l'art. 64c, al. 1, let. a, LEI. Il s'agit ici d'une exception au sens de l'art. 6, par. 3, de la directive sur le retour, qui prévoit que les États membres peuvent s'abstenir de prendre une décision de retour à l'encontre d'un ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire si le ressortissant concerné est repris par un autre État membre en vertu d'accords ou d'arrangements bilatéraux existant. Dans ce cas, c'est l'État membre qui a repris le ressortissant concerné qui applique la directive.

4

Présentation du projet

4.1

Réglementation proposée

Pour mettre en oeuvre la motion 17.3857 Abate, il est proposé de compléter l'art. 82 LEI de manière à ce que la Confédération puisse soutenir financièrement, pendant une période limitée, lorsqu'un nombre exceptionnellement élevé d'entrées illégales en Suisse et de contrôles de personnes est enregistré, les cantons frontaliers qui exploitent des centres de départ (logements temporaires) servant à héberger des étrangers qui peuvent être remis à un État voisin en vertu d'un accord de réadmission.

Il est en outre prévu de créer, à l'art. 73 LEI, une base légale pour la rétention d'étrangers dans ces centres (voir ch. 1.1).

4.2

Adéquation des moyens requis

Le projet vise à mettre en oeuvre la motion 17.3857 Abate adoptée par le Parlement.

La Confédération pourra participer financièrement aux frais d'exploitation des centres cantonaux de départ. Il n'en découlera aucune autre tâche pour la Confédération et les 13

Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, JO L 348 du 24.12.2008, p. 98.

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cantons. Les conséquences financières du projet sont présentées en détail au ch. 6. Les moyens requis pour mettre en oeuvre le projet sont en adéquation avec les objectifs visés.

4.3

Mise en oeuvre

Le projet de loi ne prévoit pas de nouvelles tâches pour les autorités d'exécution de la Confédération et des cantons. La mise en oeuvre proposée de la motion Abate 17.3857 prévoit un nouvel état de fait concernant la rétention dans les centres cantonaux de départ et, à certaines conditions, un soutien financier fédéral pour ces installations.

Les modifications de la loi proposées visent à élargir la marge de manoeuvre, à créer de la transparence et à améliorer l'efficacité des mesures d'exécution.

5

Commentaire des dispositions

Art. 73, al. 1, let. c, et 2 Lors de la mise en service du centre de départ du canton du Tessin, à Rancate, s'était posée la question de savoir sur quelle base légale s'appuyer pour justifier l'hébergement temporaire d'étrangers dans ce centre en vue de leur remise aux autorités italiennes. Pour cette raison, l'art. 73 est complété afin de créer une base légale claire en la matière. Il est désormais prévu que, dans un tel cas, les autorités ordonnent une rétention. À la suite de cette modification de loi, les prescriptions concernant notamment la durée maximale de rétention jusqu'à la remise de la personne à l'autorité étrangère compétente et la possibilité de demander que l'autorité judiciaire contrôle la légalité de la rétention seront également valables pour les rétentions dans les centres de départ.

Art. 82, al. 3 On considère que l'on a affaire à «un nombre exceptionnellement élevé d'entrées illégales en Suisse» au sens de l'art. 82, al. 3, let. b, LEI lorsqu'une partie importante des personnes qui ont franchi illégalement la frontière suisse et ont été renvoyées sans décision formelle ne peuvent pas être directement remises aux autorités d'un État voisin pendant une période prolongée sans devoir être logées provisoirement dans un centre d'hébergement cantonal (centre de départ), et ce, malgré des mesures organisationnelles et un renforcement du déploiement de personnel de l'OFDF et des autorités cantonales. La participation financière temporaire de la Confédération peut se prolonger jusqu'à ce que la situation se soit normalisée. Une situation extraordinaire s'est par exemple produite à la frontière sud durant les mois de pointe de 2016 et 2017.

Le Conseil fédéral précisera, au niveau de l'ordonnance, à quelles conditions la Confédération pourra participer aux frais d'exploitation. Pour ce faire, il tiendra compte de la charge importante qui pèse sur les cantons frontaliers dans des situations extraordinaires. La participation financière aux frais d'exploitation sera consentie uniquement pour une période limitée et en cas de situation extraordinaire à la frontière. De plus, il s'agit d'une disposition potestative, ce qui signifie que la Confédération pourra 10 / 14

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renoncer à participer aux frais d'exploitation ­ bien que toutes les conditions soient remplies ­ mais soutenir le canton concerné d'une autre manière, par exemple en renforçant le dispositif de l'OFDF sur place.

La Confédération participera aux frais d'exploitation supportés par les cantons sous la forme de forfaits journaliers, par analogie avec le forfait versé pour l'exécution de la détention conformément à l'art. 82, al. 2, LEI en relation avec l'art. 15 de l'ordonnance du 11 août 1999 sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers (OERE)14. Cette pratique, qui a montré son efficacité au cours des dernières années dans le domaine de la détention administrative, garantit que la Confédération n'aura à participer aux frais d'exploitation que si le centre est effectivement utilisé pour héberger des étrangers appréhendés à la frontière et renvoyés de Suisse. Par conséquent, la Confédération ne versera aucune contribution aux frais d'exploitation lorsqu'un centre de départ ne sera temporairement pas utilisé. Autre avantage du régime des forfaits journaliers: le Secrétariat d'État aux migrations est ainsi mieux informé de l'occupation effective d'un centre de départ.

Le forfait journalier sera versé pour chaque étranger hébergé. Le montant maximal de ce forfait sera fixé au niveau de l'ordonnance. Il sera fixé contractuellement en fonction des coûts d'hébergement et d'encadrement occasionnés par un étranger dans le centre concerné jusqu'à sa remise aux autorités étrangères. Il sera nettement inférieur au forfait de détention actuel (200 francs par jour), ce qui se justifie dans la mesure où le dispositif sécuritaire est moins important dans un centre de départ que dans un établissement de détention administrative. De surcroît, la rétention près de la frontière concernera presqu'exclusivement des personnes relevant du domaine des étrangers.

La mise en place et l'exploitation d'un centre de départ dans un canton frontalier au moment où l'on enregistre un nombre exceptionnellement élevé d'entrées illégales sont dans l'intérêt de toute la Suisse.

6

Conséquences

6.1

Conséquences pour la Confédération

Le projet n'a pas de conséquences en matière de personnel pour la Confédération.

La Confédération aura à supporter à long terme des coûts supplémentaires puisqu'elle pourra être amenée à participer aux frais d'exploitation des centres cantonaux de départ. Le montant de ces coûts est difficile à évaluer.

À l'heure actuelle, on n'enregistre pas un nombre exceptionnellement élevé d'entrées illégales en Suisse et de contrôles de personnes qui justifierait l'ouverture de centres cantonaux de départ spécifiques. En 2017, la Confédération (DFJP et DFF) a participé, sur la base de la convention susmentionnée, à hauteur de 900 000 francs aux frais d'exploitation du centre de départ de Rancate (voir ch. 1.1). 5926 personnes ont été hébergées dans ce centre. Pour 2018 et 2019, la participation minimale fixée contractuellement s'élevait à 240 000 francs. La Confédération n'apporte plus de contribution financière depuis fin 2019.

14

RS 142.281

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À l'avenir, la participation de la Confédération aux frais d'exploitation d'un centre de départ dépendra de divers facteurs, notamment de la survenance d'une situation extraordinaire dans la zone frontalière. Qui plus est, cette participation financière sera définie par une disposition potestative, ce qui signifie que la Confédération pourra s'abstenir d'accorder un soutien financier au canton même si toutes les conditions de participation sont remplies, pour autant qu'elle soit en mesure d'épauler le canton d'une autre manière, par exemple en renforçant le dispositif de l'OFDF sur place. Une telle mesure ne constitue cependant pas une condition préalable à une participation financière de la Confédération. À cet égard, il convient de noter que l'OFDF ne pourra apporter un tel soutien dans tous les cas, au vu des compétences limitées dont il dispose dans certains cantons et de ses ressources en personnel restreintes. Le montant du forfait journalier maximal versé à titre de participation aux frais d'exploitation sera fixé au niveau de l'ordonnance; il sera nettement inférieur au forfait alloué pour les détentions conformément à l'art. 15 OERE (voir ch. 5).

6.2

Conséquences pour les cantons et les communes ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

Si la Confédération participe aux frais d'exploitation des centres cantonaux de départ (disposition potestative, voir ch. 5), les dépenses des cantons frontaliers seront réduites d'autant.

Le projet n'entraîne aucune conséquence spécifique pour les communes, les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne. Aussi cette question n'a-t-elle pas été analysée plus avant.

6.3

Conséquences pour l'économie, la société et l'environnement

Les réglementations proposées ne devraient avoir aucune conséquence notable pour l'économie, la société et l'environnement. La participation financière aux frais d'exploitation des hébergements cantonaux destinés à garantir les renvois d'étrangers vont renforcer la sécurité en Suisse, ce qui est dans l'intérêt de tout le pays. Aussi cette question n'a-t-elle pas été analysée plus avant.

7

Aspects juridiques

7.1

Constitutionnalité

Le projet de modification de la LEI se fonde sur l'art. 121, al. 1, Cst. (compétence législative de la Confédération en matière d'octroi de l'asile et en matière de séjour des étrangers). Il est conforme à la Constitution.

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7.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Les modifications de la LEI proposées sont conformes aux obligations internationales de la Suisse.

7.3

Forme de l'acte à adopter

Conformément aux art. 164, al. 1, Cst. et 22, al. 1, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement15, toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale. Le présent projet respecte cette règle.

7.4

Frein aux dépenses

Le projet n'est pas assujetti au frein aux dépenses visé à l'art. 159, al. 3, let. b, Cst., vu qu'il ne contient aucune disposition relative aux subventions et qu'il n'entraîne pas la création d'un crédit d'engagement ou d'un plafond de dépenses.

7.5

Conformité aux principes de subsidiarité et d'équivalence fiscale

Le projet n'affecte pas la répartition des tâches de la Confédération et des cantons.

7.6

Délégation de compétences législatives

Le projet ne prévoit pas de délégation de compétences législatives au Conseil fédéral.

7.7

Protection des données

Le projet n'a pas de répercussions sur les réglementations en matière de protection des données.

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RS 171.10

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FF 2022 1312

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