FF 2023 www.fedlex.admin.ch La version électronique signée fait foi

Respect des droits fondamentaux par les autorités fédérales dans la lutte contre la pandémie de COVID-19, à l'exemple du cas de l'extension du certificat COVID Rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 30 juin 2023

2023-2300

FF 2023 1956

FF 2023 1956

L'essentiel en bref Pour faire face à la pandémie de COVID-19, le Conseil fédéral a pris différentes mesures ayant impliqué une restriction des droits fondamentaux. Selon la Constitution fédérale, de telles restrictions doivent reposer sur une base légale, être justifiées par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui et être proportionnées au but visé. Durant la pandémie, la question du respect de ces critères a, dans certains cas, fait l'objet de controverses dans le public. Diverses requêtes à ce sujet ont été adressées aux Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG).

La Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) a décidé d'approfondir ce sujet du point de vue de la haute surveillance parlementaire, en se focalisant sur la décision du Conseil fédéral de décembre 2021 relative à l'extension du certificat COVID-19. Sur la base de cet exemple spécifique, la commission a examiné comment les autorités fédérales compétentes, à savoir le Département fédéral de l'intérieur (DFI), l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) et l'Office fédéral de la justice (OFJ), s'étaient assurées que les critères constitutionnels pour la restriction des droits fondamentaux étaient remplis, si le résultat de leur examen était adéquat du point de vue de la légalité et quels enseignements pouvaient être tirés de cet exemple pour d'autres situations à venir.

Pour la commission, il est indéniable que la décision d'extension du certificat COVID-19 de décembre 2021 constituait une restriction importante des droits fondamentaux et qu'une telle mesure doit être prise avec une grande retenue et dans le strict respect de la Constitution. Sur la base de ses clarifications, elle arrive à la conclusion que, dans le cas présent, le DFI, l'OFSP et l'OFJ ont veillé de manière adéquate au respect des critères constitutionnels, au regard des connaissances de l'époque et compte tenu du contexte particulier de la pandémie. La CdG-N n'a identifié aucun indice de manquement fondamental du point de vue de la haute surveillance sur la gestion sur ce point. Elle estime toutefois que certains enseignements de portée générale peuvent être tirés de ce cas en vue de crises futures.

La commission tire un bilan globalement positif de la collaboration entre l'OFSP et l'OFJ dans le cas de l'extension du
certificat COVID-19. Elle note que l'OFJ a été systématiquement consulté sur les projets d'ordonnance concernés et que les échanges entre les offices ont été nombreux et étroits. Au vu des délais restreints et de la difficulté de prévoir l'évolution de la pandémie à l'époque, la commission juge compréhensible que l'OFJ n'ait été en mesure, dans un premier temps, que de procéder à un examen sommaire de la constitutionnalité des mesures proposées. Elle relève que l'office a, suite à la décision du Conseil fédéral de décembre 2021, accordé une attention particulière au critère de la proportionnalité et s'est prononcé de manière critique lors de différentes consultations des offices portant sur des propositions de durcissements supplémentaires. La commission invite le Conseil fédéral à examiner diverses mesures visant à renforcer la fonction de contrôle de l'OFJ en période de crise (recommandation 1).

2 / 52

FF 2023 1956

Le DFI et l'OFJ ont estimé que l'extension du certificat COVID-19 disposait d'une base légale suffisante dans la LEp. La CdG-N considère que cette argumentation est recevable sur le plan juridique. De son point de vue, il est important que la loi laisse au Conseil fédéral une certaine marge d'appréciation concernant les mesures devant être adoptées en cas de pandémie. Sur le plan de l'opportunité politique, la commission se demande toutefois s'il n'aurait pas été adéquat d'ajouter dans la loi, courant 2021, une disposition décrivant de manière plus explicite l'objet et les buts du certificat. La CdG-N relève néanmoins que la légitimité du certificat a été renforcée de manière indirecte par plusieurs autres mesures. Elle prie le Conseil fédéral d'examiner, lors de la révision prévue de la LEp, l'opportunité de préciser le cadre légal relatif au statut immunitaire en vue de pandémies futures (recommandation 2).

Concernant le critère de l'intérêt public prépondérant, la CdG-N estime qu'il ne fait aucun doute que la pandémie de COVID-19 représentait une menace pour la santé publique. Par ailleurs, le début du mois de décembre 2021 constitue l'une des périodes de la pandémie où l'incertitude concernant l'évolution sanitaire était la plus grande. Enfin, le Conseil fédéral avait clairement communiqué l'objectif des mesures qu'il prévoyait de prendre, à savoir la protection du système hospitalier. La CdG-N estime en outre approprié que le Conseil fédéral se soit basé, pour son appréciation de la situation épidémiologique, sur une combinaison de plusieurs indicateurs et que ceux-ci aient été régulièrement réexaminés. De son point de vue toutefois, la question de la pertinence et de la précision des différents indicateurs se pose. Pour cette raison, elle invite le Conseil fédéral à évaluer ­ sur la base des connaissances d'aujourd'hui ­ la pertinence et la précision desdits indicateurs et à établir, sur cette base, une liste des indicateurs potentiels pouvant être utilisés en cas de pandémie future (recommandation 3). Par ailleurs, elle estime nécessaire que le Conseil fédéral examine l'opportunité de préciser les critères figurant dans la LEp pour déterminer le passage à la «situation particulière», respectivement le maintien de cette dernière (recommandation 4).

Pour terminer, la commission estime que
les autorités concernées ont traité de manière appropriée la question de la proportionnalité des mesures liées au certificat COVID-19. De son point de vue, le DFI et l'OFSP se sont basés sur les informations les plus actuelles pour évaluer l'adéquation d'une extension du certificat. La commission constate en outre que les autorités ont veillé à ce que les mesures respectent le principe de proportionnalité, tant dans leur conception qu'à travers la limitation de leur durée et leur portée spatiale. L'OFJ a par ailleurs interrogé de manière régulière la nécessité du maintien des mesures concernées. Enfin, la CdG-N note que le Conseil fédéral a pris en compte l'ensemble des éléments pertinents dans la pesée d'intérêts concernée. La commission constate par ailleurs que la décision du Conseil fédéral de décembre 2021 portant sur l'extension du certificat COVID-19 est cohérente par rapport aux orientations stratégiques qu'il avait définies plus tôt dans l'année. Enfin, elle rappelle que les mesures concernées ont été adoptées dans un contexte de grande incertitude et qu'il faut tenir compte de cet aspect dans l'appréciation rétrospective de celles-ci.

3 / 52

FF 2023 1956

Table des matières L'essentiel en bref

2

1

Introduction

5

2

Objet du rapport

6

3

Démarches de la CdG-N

8

4

Rappel des faits

9

5

Établissement des faits 5.1 Examen des critères constitutionnels par les autorités fédérales compétentes 5.2 Explications des autorités fédérales compétentes concernant le résultat de l'examen des critères constitutionnels 5.2.1 Critère de la base légale 5.2.2 Critère de l'intérêt public prépondérant 5.2.3 Critère de la proportionnalité

11

Appréciation de la CdG-N et recommandations 6.1 Examen des critères constitutionnels par les autorités fédérales compétentes 6.2 Explications des autorités fédérales compétentes concernant le résultat de l'examen des critères constitutionnels 6.2.1 Critère de la base légale 6.2.2 Critère de l'intérêt public prépondérant 6.2.3 Critère de la proportionnalité

23

Conclusions

30

6

7

12 14 14 17 20

24 25 25 27 29

Abréviations

33

Annexes: 1 Lettre du DFI à la CdG-N du 14 avril 2022 2 Lettre de l'OFJ à la CdG-N du 13 avril 2022

34 47

4 / 52

FF 2023 1956

Rapport 1

Introduction

Pour faire face aux risques liés à la pandémie de COVID-191, le Conseil fédéral a pris, entre 2020 et 2022, différentes mesures sanitaires ayant impliqué une restriction des libertés fondamentales des habitantes et habitants de la Suisse (limitation ou suspension de certaines activités, restrictions appliquées aux rassemblements privés et publics ou aux déplacements, limitation de certains droits démocratiques, etc.). La majorité de ces mesures ont été prises sur la base du droit d'urgence prévu par la Constitution fédérale (Cst.)2 et/ou sur la base de la loi sur les épidémies (LEp)3.

La question de savoir si les mesures du Conseil fédéral respectaient les critères prévus par la Constitution pour permettre une restriction des droits fondamentaux a, dans certains cas, fait l'objet de controverses dans le public. Selon l'art. 36 Cst., toute restriction d'un droit fondamental doit reposer sur une base légale (al. 1), être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (al. 2) et être proportionnée au but visé (al. 3).

Fin 2021 et début 2022, le groupement «Comité juristes»4 a transmis aux Chambres fédérales trois lettres5 formulant des critiques sur cet aspect. Celles-ci portaient en particulier sur les décisions du Conseil fédéral de septembre et décembre 2021 introduisant une obligation de présenter un certificat sanitaire COVID-19 pour accéder à certains lieux ou certaines activités6.

1 2

3 4

5

6

Ci-après: «crise du COVID-19», «crise», «pandémie de COVID-19» ou «pandémie».

Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18.4.1999 (RS 101). L'art. 185, al. 3, Cst., notamment, prévoit que le Conseil fédéral est «habilité à édicter des ordonnances et prendre des décisions, en vue de parer à des troubles existants ou imminents menaçant gravement l'ordre public, la sécurité extérieure ou la sécurité intérieure».

Loi fédérale du 28.9.2012 sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme (Loi sur les épidémies, LEp; RS 818.101).

www.juristen-komitee.ch (consulté le 12.12.2022). Selon les informations issues de son site Internet, ce groupement réunit plus de 300 juristes issus de 22 cantons et s'engage «pour l'ordre constitutionnel et la démocratie».

Lettre du «Comité juristes» à la Présidente du Conseil national et au Président du Conseil des États du 24.12.2021 («Deklaration von Schweizer Juristen: 2G-Zertifikatspflicht ist verfassungswidrig»); lettre du «Comité juristes» aux Commissions de gestion du 11.2.2022 («Petition du Comite Juristes: Retour immédiat à la Constitution et enquête»); lettre du «Comité juristes» aux Commissions de gestion du 9.3.2022 («Ihr Antwortschreiben vom 21. Februar 2022»). Ces lettres peuvent être consultées sur le site Internet du «Comité juristes».

Pour plus de détails à ce sujet, cf. chap. 4. Dans ses lettres, le «Comité juristes» formulait également diverses demandes envers le Parlement, telles que la suspension de la «situation particulière» au sens de la LEp et l'institution d'une commission d'enquête.

5 / 52

FF 2023 1956

Les lettres du «Comité juristes» ont été transmises pour traitement aux Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG). Celles-ci, en leur fonction d'organe de haute surveillance parlementaire, mènent depuis 2020 une inspection portant sur la gestion de la crise du COVID-19 par le Conseil fédéral et l'administration fédérale7.

La CdG du Conseil national (CdG-N), chargée du traitement de ce dossier, a pris connaissance des critiques fondamentales soulevées par le «Comité juristes» concernant la constitutionnalité des mesures fédérales de lutte contre la pandémie, mais également d'autres interrogations soulevées par certains juristes en lien avec ce thème8. Considérant que certains aspects pouvaient présenter un intérêt de portée générale du point de vue de la haute surveillance, la commission a décidé d'approfondir ceux-ci avec les entités fédérales compétentes. Sur la base des clarifications menées, la commission fait part dans le présent rapport de son appréciation à ce sujet.

2

Objet du rapport

La CdG-N a focalisé son examen sur la décision du Conseil fédéral du 17 décembre 2021 portant sur l'extension de la portée du certificat COVID-199 (ci-après «extension du certificat COVID-19»). Sur la base de cet exemple spécifique, la commission a examiné les questions suivantes:

7

8

9

1.

De quelle manière les autorités fédérales compétentes ­ à savoir le Département fédéral de l'intérieur (DFI), l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) et l'Office fédéral de la justice (OFJ) ­ se sont-elles assurées que les conditions de l'article 36 Cst. sur la restriction des droits fondamentaux étaient remplies?

2.

Quel a été le résultat de leur examen?

3.

Le résultat de leur examen était-il adéquat du point de vue de la légalité?

4.

Quels enseignements peuvent être tirés de cet exemple pour d'autres situations semblables à l'avenir?

Les CdG lancent une inspection visant à analyser la gestion de la pandémie de Covid-19 par les autorités fédérales, communiqué de presse des CdG du 26.5.2020. Un aperçu des thèmes abordés par les CdG dans le cadre de cette inspection est disponible dans les Rapports annuels 2020, 2021 et 2022 des CdG et de la Délégation des CdG du 26.1.2021, du 25.1.2022 et du 24.1.2023, chap. 4 (FF 2021 570, FF 2022 513, FF 2023 579).

Cf. par exemple Biaggini, Giovanni (2022): Das Verfassungsgefüge im Stresstest der Pandemie. In: Schweizerisches Zentralblatt für Staats- und Verwaltungsrecht, 123/2022, pp. 59­91.

Coronavirus: le Conseil fédéral adopte des mesures supplémentaires, communiqué de presse du Conseil fédéral du 17.12.2021. Cf. également chap. 4.

6 / 52

FF 2023 1956

Conformément à son mandat légal et à ses principes d'action10, la CdG-N a approfondi ce cas sous l'angle de la haute surveillance sur la gestion des autorités fédérales. Dans le cas présent, elle a essentiellement concentré son examen sur le critère de la légalité11 et dans une moindre mesure sur les critères de l'opportunité et de l'efficacité. La commission a en particulier analysé si les trois aspects constitutifs de l'art. 36 Cst.

avaient été examinés de manière adéquate par les entités responsables, si les résultats de cet examen semblaient plausibles et si les explications fournies laissaient entrevoir un potentiel d'amélioration sur le plan de la gestion. Pour la commission, il est crucial que les résultats de cet examen soient présentés de manière transparente au public. Le présent rapport contribue à renforcer cette transparence.

Lors de ses travaux, la CdG-N s'est focalisée sur la manière dont le DFI, l'OFSP et l'OFJ ont examiné si les conditions de l'art. 36 Cst. étaient remplies dans le cadre de leur préparation des décisions du Conseil fédéral. La commission n'approfondit pas ici les modalités de la décision finale du Conseil fédéral; celle-ci est le résultat d'une pesée d'intérêts politique qui inclut ­ au-delà de l'aspect de la constitutionnalité ­ divers autres éléments.

La CdG-N précise en outre que son appréciation se base sur les connaissances des autorités au moment de leurs décisions de l'époque et non pas sur une analyse rétrospective, sur la base des connaissances d'aujourd'hui. La commission souligne l'importance de tenir compte du contexte de l'activité examinée: les autorités fédérales concernées ont dû prendre leurs décisions dans des délais restreints et sur la base d'informations parfois incomplètes ou incertaines. La CdG-N part du principe que les explications qui lui ont été livrées par les autorités fédérales concernées reflètent de manière fidèle leur activité de l'époque.

10 11

Principes d'action des CdG du 30.1.2015 (FF 2015 4395).

Le critère de la légalité ­ et donc l'examen du respect de la Constitution par le Conseil fédéral ­ fait partie du mandat des CdG. Toutefois, les CdG n'approfondissent pas cette question sous le même angle qu'un tribunal; selon leurs principes d'action, elles ont notamment pour objectif d'identifier les points justifiant une intervention politique, de tirer les enseignements en vue d'une application cohérente de la législation, de concourir à une meilleure gestion des affaires et d'oeuvrer pour une plus grande transparence concernant l'activité des autorités. L'appréciation de la CdG-N ne constitue pas une activité judiciaire et ses conclusions ne préjugent pas d'éventuelles décisions futures des autorités judiciaires.

7 / 52

FF 2023 1956

3

Démarches de la CdG-N

Les lettres transmises par le «Comité juristes» ont été traitées par la CdG-N comme des requêtes au sens de l'art. 129 de la loi sur le Parlement (LParl)12. La CdG-N a chargé sa sous-commission DFI/DETEC13 de procéder aux investigations dans ce dossier et d'établir les faits pertinents.

La sous-commission a invité le DFI et l'OFJ à lui transmettre des prises de position écrites concernant les aspects soulevés par le «Comité juristes». Considérant que les réponses de ces deux entités revêtent un intérêt public, elle a décidé de les publier en annexe du présent rapport (cf. annexes 1 et 2). Elle a également auditionné des représentantes et représentants du DFI, de l'OFSP et de l'OFJ14. Fin 2022, elle a adressé des questions écrites complémentaires au DFI et à l'institut suisse des produits thérapeutiques (Swissmedic).

En novembre 2022, la sous-commission a décidé d'élaborer un rapport succinct afin de présenter une synthèse des faits à sa connaissance et de faire part de ses conclusions. Ce rapport a été soumis à consultation auprès des entités concernées. Lors de sa séance plénière du 30 juin 2023, la CdG-N a examiné et approuvé la version finale du rapport et a transmis celui-ci au Conseil fédéral. Lors de cette même séance, elle a également décidé de publier ce rapport.

Le chapitre 4 présente un bref rappel des faits. Au chapitre 5, la CdG-N présente les principales informations et explications recueillies auprès des entités compétentes.

Enfin, au chapitre 6, la commission fait part de son appréciation du point de vue de la haute surveillance parlementaire. Le chapitre 7 est consacré aux conclusions.

12

13

14

Loi du 13.12.2002 sur l'Assemblée fédérale (Loi sur le Parlement, LParl; RS 171.10).

Conformément à l'art. 129 LParl, les CdG examinent les requêtes de citoyens sous l'angle de la haute surveillance parlementaire, pour autant que celles-ci contiennent des éléments permettant d'identifier d'éventuels dysfonctionnements ou lacunes systémiques dans l'application des lois ou dans la gestion des affaires des autorités fédérales. Les requêtes ne constituent toutefois pas des voies de droit et ne confèrent aucun droit à des prétentions juridiques de la part du requérant. Les CdG décident librement si elles veulent entrer en matière concernant les requêtes qui leur sont soumises et, le cas échéant, de la façon dont elles souhaitent les traiter.

La sous-commission DFI/DETEC de la CdG-N se compose des conseillères nationales et conseillers nationaux Thomas de Courten (président), Angelo Barrile, Katja Christ, Alois Huber, Christian Imark, Matthias Samuel Jauslin, Priska Seiler Graf, Marianne Streiff-Feller (jusqu'à août 2022), Lilian Studer (à partir d'août 2022) et Michael Töngi.

M. Lukas Gresch, secrétaire général du DFI, M. Michael Gerber, chef de la Division Droit et membre de la direction de l'OFSP, Mme Fosca Gattoni Losey, cheffe suppléante de la Division Droit des produits thérapeutiques de l'OFSP, Mme Susanne Kuster, cheffe du Domaine de direction Droit public et directrice suppléante de l'OFJ, M. Gabriel Gertsch, juriste au sein de l'Unité législation I de l'OFJ.

8 / 52

FF 2023 1956

4

Rappel des faits

En mars 2021, le Parlement suisse a introduit dans la loi COVID-1915 ­ parmi d'autres modifications ­ l'art. 6a, relatif au certificat sanitaire16. Cette modification de la loi a été combattue par référendum; le 28 novembre 2021, le peuple suisse l'a approuvée par 62 % des voix.

Le 19 mai 2021, le Conseil fédéral a esquissé les grandes lignes de l'utilisation future du certificat COVID-19 et a transmis celles-ci pour consultation aux cantons, partenaires sociaux et commissions parlementaires17. Le 4 juin 2021, il a adopté l'ordonnance COVID-19 certificats18, qui précisait les tâches de la Confédération et des cantons dans ce domaine. Celle-ci indiquait que le certificat était destiné aux personnes vaccinées, guéries ou au bénéfice d'un résultat de test négatif (principe 3G19).

Le 23 juin 202120, le Conseil fédéral a introduit pour la première fois une disposition relative à l'utilisation du certificat COVID-19 au niveau de l'ordonnance COVID-19 situation particulière21. Un certificat était notamment requis pour accéder aux discothèques et salles de danse ainsi qu'aux grandes manifestations.

Face à une forte hausse des cas de COVID-19 en août 2021, le Conseil fédéral a décidé le 25 août de lancer une consultation sur l'extension du certificat obligatoire22. Le 8 septembre 2021, constatant que la situation dans les hôpitaux restait tendue, le Conseil fédéral a décidé d'étendre l'obligation de présenter un certificat notamment aux restaurants et aux lieux culturels et de loisirs23.

Le 3 décembre 202124, face à l'apparition du variant Omicron ­ classé préoccupant par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) fin novembre ­ et à une nouvelle hausse des patients hospitalisés, le Conseil fédéral a décidé d'étendre une nouvelle 15

16

17 18

19 20 21

22

23

24

Loi fédérale du 25.9.2020 sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l'épidémie de COVID-19 (Loi COVID-19; RS 818.102); la version concernée est celle du 20.3.2021.

Celui-ci portait sur les exigences techniques applicables à l'établissement du certificat, mais ne spécifiait pas les modalités de son utilisation, à l'exception du fait que le certificat doit pouvoir «dans la mesure du possible, être utilisé par son détenteur pour entrer dans d'autres pays et en sortir».

Coronavirus: le Conseil fédéral précise l'utilisation future du certificat COVID, communiqué de presse du Conseil fédéral du 19.5.2021.

Ordonnance du 4.6.2021 sur les certificats attestant la vaccination contre le COVID-19, la guérison du COVID-19 ou la réalisation d'un test de dépistage du COVID-19 (Ordonnance COVID-19 certificats; RS 818.102.2).

«Geimpft, genesen, getestet» (vacciné, guéri, testé).

Coronavirus: le Conseil fédéral décide d'un nouvel assouplissement d'envergure et facilite l'entrée en Suisse, communiqué de presse du Conseil fédéral du 23.6.2021.

Ordonnance du 23.6.2021 sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19 en situation particulière (Ordonnance COVID-19 situation particulière; RS 818.101.26). Cette ordonnance était basée sur l'art. 6, al. 2, let. a et b, LEp.

Coronavirus: le Conseil fédéral lance à titre préventif une consultation sur l'extension du certificat obligatoire, communiqué de presse du Conseil fédéral du 25.8.2021.

Cette proposition a reçu un accueil majoritairement positif de la part des cantons.

Coronavirus: le Conseil fédéral étend l'obligation de présenter un certificat et lance une consultation sur de nouvelles règles pour entrer en Suisse, communiqué de presse du Conseil fédéral du 8.9.2021.

Coronavirus: le Conseil fédéral renforce les mesures de lutte contre la pandémie, communiqué de presse du Conseil fédéral du 3.12.2021.

9 / 52

FF 2023 1956

fois le périmètre d'application du certificat25. Il a introduit également dans l'ordonnance la possibilité de restreindre l'accès aux manifestations et établissements aux seules personnes vaccinées ou guéries (principe 2G).

Le 10 décembre 2021, jugeant l'évolution de la situation «très critique», le Conseil fédéral a soumis à consultation deux options de renforcement des mesures sanitaires26.

Il a finalement opté, le 17 décembre27, pour une extension du principe 2G à plusieurs domaines28, partiellement assortie d'une obligation de test (principe 2G+)29. Ces mesures étaient limitées au 24 janvier 2022.

Le 31 décembre 2021, le Conseil fédéral a renoncé à adopter des mesures supplémentaires, en raison d'incertitudes concernant l'évolution future de la situation épidémiologique en lien avec le variant Omicron30.

Le 19 janvier 2022, après consultation des cantons et de divers partenaires, le Conseil fédéral a décidé de prolonger les mesures de lutte contre la pandémie (et notamment les principes 3G, 2G et 2G+) jusqu'à fin mars 2022, tout en indiquant qu'il «continuera[it] de vérifier régulièrement si l'évolution de la pandémie permet de lever les mesures plus tôt»31. Au vu de l'évolution favorable de la situation dans les hôpitaux, le Conseil fédéral a finalement décidé, le 16 février 2022, de lever la quasi-totalité des mesures sanitaires dès le lendemain, y compris toutes les règles relatives au certificat COVID-1932. Le 30 mars 2022, le Conseil fédéral a mis un terme à la «situation particulière» au sens de la LEp à partir du 1er avril et d'abroger les dernières mesures sanitaires33.

25

26 27 28

29

30 31

32

33

Notamment pour les espaces intérieurs de toutes les manifestations publiques, les activités sportives et culturelles d'amateurs en intérieur et les événements en plein air dès 300 personnes.

Coronavirus: le Conseil fédéral met deux variantes en consultation avec des mesures supplémentaires, communiqué de presse du Conseil fédéral du 10.12.2021.

Coronavirus: le Conseil fédéral adopte des mesures supplémentaires, communiqué de presse du Conseil fédéral du 17.12.2021.

Notamment intérieur des restaurants, des établissements culturels et des installations de sports et de loisirs ainsi qu'événements en intérieur, assorti d'un port du masque obligatoire.

Notamment pour les répétitions de musique à vent, les discothèques et les bars, mais uniquement pour les personnes dont la vaccination ou la guérison datait de plus de 4 mois.

Coronavirus: le Conseil fédéral a discuté de la situation actuelle, communiqué de presse du Conseil fédéral du 31.12.2021.

Coronavirus: la quarantaine et le travail à domicile prolongés jusqu'à fin février, les autres mesures pour l'instant jusqu'à fin mars, communiqué de presse du Conseil fédéral du 19.1.2022.

Coronavirus: le Conseil fédéral lève les mesures ­ l'obligation de porter un masque dans les transports publics et les établissements de santé ainsi que l'isolement sont maintenus, communiqué de presse du Conseil fédéral du 16.2.2022.

Coronavirus: retour à la situation normale et planification de la phase de transition jusqu'au printemps 2023, communiqué de presse du Conseil fédéral du 30.3.2022.

10 / 52

FF 2023 1956

5

Établissement des faits

Dans ce chapitre, la CdG-N présente les informations et explications qui lui ont été fournies par le DFI, l'OFSP et l'OFJ. Les informations issues des prises de position écrites du DFI et de l'OFJ sont présentées sous forme résumée, puisque ces documents sont disponibles en annexe34.

Dans un premier temps, la commission aborde la manière dont l'OFSP et l'OFJ ont procédé à l'examen des critères constitutionnels dans le cas présent et se sont coordonnés à cet effet (ch. 5.1). Ensuite, elle présente les explications qui lui ont été fournies par les autorités concernant le résultat de cet examen pour chacun des trois critères constitutionnels (base légale, intérêt public, proportionnalité) (ch. 5.2).

A titre de remarque préalable, la commission souligne l'importance d'évaluer l'activité des autorités dans le contexte de l'époque35. En décembre 2021, la Suisse, comme la majorité des pays du monde, était confrontée à une importante vague de pandémie due à la combinaison du variant Delta (prédominant en Suisse à partir du mois d'août) et du nouveau variant Omicron (classé préoccupant par l'OMS fin novembre). Le nombre de cas confirmés en laboratoire était en forte augmentation depuis début novembre36, tout comme les hospitalisations37 et les décès38, plaçant le système de santé sous pression. A l'époque, de grandes incertitudes demeuraient concernant la gravité du variant Omicron. Face à cette situation, le Conseil fédéral avait pour objectifs principaux de limiter l'impact de la pandémie sur les personnes individuelles (notamment les personnes non immunisées) et sur le système de santé (en particulier préserver les capacités des soins intensifs)39.

34 35

36

37

38

39

Des renvois aux passages concernés des lettres sont indiqués en note de bas de page.

Ces éléments de contexte ont également été soulignés à plusieurs reprises par le DFI.

Le département a indiqué à la CdG-N que le Conseil fédéral avait pris ses décisions au plus près de sa conscience, sur la base des connaissances scientifiques de l'époque, en s'appuyant notamment sur l'expertise de l'OFSP et de la taskforce scientifique suisse (Swiss National Covid-19 Science Taskforce, SN-STF).

En moyenne sur 7 jours: 2183 cas déclarés par jour au 1.11.2021, 8560 cas déclarés par jour au 17.12.2021. Source: OFSP, Dashboard COVID-19 Suisse, www.covid19.admin.ch (consulté le 15.12.2022).

En moyenne sur 7 jours: 43,57 hospitalisations par jour au 1.11.2021, 118 hospitalisations par jour au 17.12.2021. Source: OFSP, Dashboard COVID-19 Suisse, www.covid19.admin.ch (consulté le 15.12.2022). La barre des 300 personnes atteintes du COVID-19 hospitalisées en soins intensifs a été franchie le 13.12.2021.

En moyenne sur 7 jours: 4,14 décès par jour au 1.11.2021, 27,57 décès par jour au 17.12.2021. Source: OFSP, Dashboard COVID-19 Suisse, www.covid19.admin.ch (consulté le 15.12.2022).

Cf. notamment Coronavirus: le Conseil fédéral adopte des mesures supplémentaires, communiqué de presse du Conseil fédéral du 17.12.2021.

11 / 52

FF 2023 1956

5.1

Examen des critères constitutionnels par les autorités fédérales compétentes

La CdG-N s'est tout d'abord informée sur la manière dont les autorités fédérales compétentes avaient, dans le cadre de la préparation des décisions du Conseil fédéral concernant l'extension du certificat COVID-19, examiné si les critères de l'art. 36 Cst.

étaient remplis.

Le DFI et l'OFSP ont indiqué qu'ils avaient régulièrement réexaminé les mesures sanitaires sous l'angle de la proportionnalité, au regard de l'objectif de protection du système de santé40. L'OFSP a précisé que la limitation des mesures dans le temps avait également contraint les autorités à s'interroger régulièrement sur leur pertinence41.

L'OFJ, de son côté, est chargé d'examiner la constitutionnalité et la légalité de l'ensemble des projets d'actes législatifs, leur conformité et leur compatibilité avec le droit national et international et leur exactitude quant au fond42. L'office a indiqué à la CdG-N que le contrôle de la conformité des ordonnances COVID-19 avait représenté un défi particulier, dans la mesure où les délais étaient très courts, l'OFSP luimême étant soumis à une grande pression temporelle. Les projets de révision ont parfois été soumis à l'OFJ sans rapport explicatif43. La directrice suppléante a indiqué que l'OFJ ne disposait de guère d'informations pour examiner la proportionnalité des mesures proposées de manière autonome et que l'office avait donc souvent dû se limiter à vérifier l'absence de violation manifeste des droits fondamentaux dans les projets qui lui étaient soumis et à s'assurer que les textes présentaient une certaine cohérence. Elle a précisé que l'office avait également basé son appréciation sur les connaissances scientifiques disponibles publiquement et les conclusions de la SN-STF44.

Selon les informations reçues, l'OFSP et l'OFJ ont eu des contacts fréquents et étroits concernant la proportionnalité des mesures sanitaires, également en-dehors des procédures formelles de consultation, notamment par le biais de conférences téléphoniques ayant permis d'échanger des arguments et explications45. L'OFSP a reconnu que les échanges avaient souvent eu lieu à très court terme, ne permettant pas toujours un échange réfléchi comme il aurait été souhaitable en temps normal46. Selon l'office, les questions soulevées par l'OFJ dans le cadre des consultations ont fait l'objet «de discussions et d'analyses approfondies»47.

40 41

42

43 44 45 46 47

Audition du DFI et de l'OFSP du 23.5.2022.

Audition du DFI et de l'OFSP du 23.5.2022. Le secrétaire général du DFI a également souligné que la nécessité de s'adapter régulièrement à la volatilité de la situation épidémiologique tout en garantissant la stabilité juridique avait constitué un défi durant cette période.

Lettre de l'OFJ du 13.4.2022 (cf. annexe 2), paragraphes 22 et 23. Selon l'office, ce contrôle abstrait ne peut être exhaustif, mais permet d'éviter d'éventuelles violations manifestes du droit déterminant.

Lettre de l'OFJ du 13.4.2022 (cf. annexe 2), paragraphe 23.

Audition de l'OFJ du 29.4.2022.

Audition de l'OFJ du 29.4.2022, audition du DFI et de l'OFSP du 23.5.2022.

Audition du DFI et de l'OFSP du 23.5.2022.

Lettre du DFI du 14.4.2022 (cf. annexe 1), paragraphe 58.

12 / 52

FF 2023 1956

Le secrétaire général du DFI a encore souligné que l'appréciation finale concernant la proportionnalité des mesures était toujours effectuée par le Conseil fédéral, sur la base d'une pesée d'intérêts incluant non seulement les réflexions internes à l'administration, mais également l'avis des cantons, des partenaires sociaux et des commissions parlementaires.

La commission s'est informée sur la manière dont l'OFJ avait, dans le cas concret, examiné la proportionnalité des mesures relatives au certificat COVID-19 entre décembre 2021 et janvier 2022. Il en est notamment ressorti que l'OFJ avait, en décembre 2021, considéré qu'une extension du certificat était proportionnée car elle permettait d'éviter d'autres mesures plus strictes, notamment des fermetures généralisées (cf. également ch. 5.2.3). Par la suite, l'office a néanmoins fait part à l'OFSP de réserves sur ce point.

Sur le plan chronologique, la commission relève les éléments suivants:

48 49 50 51 52

­

Du 10 au 14 décembre 2021, l'OFSP a réalisé une consultation des offices sur deux variantes de révision de l'ordonnance COVID-19, en vue de la séance du Conseil fédéral du 17 décembre. L'OFJ indique que ses remarques ont principalement porté sur une précision des règles envisagées48. Selon la directrice suppléante, l'OFJ a soutenu de manière implicite l'appréciation de l'OFSP selon laquelle l'extension du certificat COVID-19 pour protéger le système de santé remplissait le critère de proportionnalité, (cf. paragraphe précédent)49. La directrice suppléante a reconnu que, faute de temps, l'OFJ n'avait pas été en mesure d'approfondir la question de la proportionnalité de cette mesure à long terme et s'était concentré sur d'autres aspects; elle a toutefois souligné que les connaissances concernant le nouveau variant Omicron étaient encore très incertaines à l'époque. Elle a précisé que l'office avait fait part de ses réserves sur ce point au cours des semaines suivantes (cf. plus bas)50.

­

Le 22 décembre 2021, l'OFSP a envoyé en consultation des offices une série de nouvelles mesures, incluant une extension des principes 2G+ et 3G. Sur la base des nouvelles connaissances scientifiques concernant le variant Omicron, l'OFJ a alors mis expressément en question la proportionnalité de ces mesures, qui impliquaient selon l'office une grave restriction des libertés individuelles et de la liberté économique. De l'avis de l'OFJ, l'objectif de protection de la santé publique pouvait être atteint par des mesures plus modérées. Suite à cette prise de position, l'OFSP a renoncé à proposer au Conseil fédéral un renforcement des mesures51.

­

Le 17 janvier 2022, l'OFJ a transmis à l'OFSP une nouvelle prise de position formulant des réserves concernant la proportionnalité d'une prolongation des mesures sanitaires relatives au certificat. Il a prié l'OFSP d'examiner une nouvelle fois la justification de ces mesures52. L'OFSP a indiqué qu'il avait par Lettre de l'OFJ du 13.4.2022 (cf. annexe 2), paragraphes 18 à 21.

Audition de l'OFJ du 29.4.2022.

Audition de l'OFJ du 29.4.2022.

Lettre de l'OFJ du 13.4.2022 (cf. annexe 2), paragraphes 24 à 26.

Lettre de l'OFJ du 13.4.2022 (cf. annexe 2), paragraphe 27.

13 / 52

FF 2023 1956

la suite été en contact étroit avec l'OFJ à ce sujet53. Au final, le Conseil fédéral a décidé, le 19 janvier, de prolonger l'obligation de certificat jusqu'à fin mars54, tout en précisant qu'il continuerait de vérifier si l'évolution de la pandémie permettrait de lever les mesures plus tôt.

5.2

Explications des autorités fédérales compétentes concernant le résultat de l'examen des critères constitutionnels

Ci-après, la CdG-N présente les explications fournies par le DFI, l'OFSP et l'OFJ concernant le résultat de leur examen relatif au respect des trois critères prévus par l'art. 36 Cst. pour une restriction des droits fondamentaux en vue de la décision du Conseil fédéral du 17 décembre 2021. Comme précisé en introduction (cf. ch. 2), la CdG-N considère que ces explications reflètent l'appréciation et les connaissances des autorités au moment de leurs décisions de l'époque.

Dans le cadre de ses échanges, la commission a également abordé avec les unités concernées diverses questions de portée générale liées à ce cas; celles-ci sont mentionnées au fil du texte.

5.2.1

Critère de la base légale

L'art. 36, al. 1, Cst. prévoit que toute restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale et les restrictions graves doivent être prévues par une loi fédérale. Les cas de danger sérieux, direct et imminent sont réservés. Selon le «Comité juristes», ces conditions n'étaient pas satisfaites lors de la décision du Conseil fédéral du 17 décembre 2021. Le DFI et l'OFJ considèrent de leur côté que ce critère était rempli; ils ont présenté à la commission leur appréciation juridique sur ce point.

Selon l'art. 5, al. 1, Cst., le droit est la base et la limite de l'activité de l'État (principe de légalité). Parmi les quatre éléments constitutifs de ce principe55, le «Comité juristes» mettait plus particulièrement en doute, dans le cas concret, le respect des exigences de rang normatif56 et de précision de la base légale57.

53 54 55

56 57

Audition du DFI et de l'OFSP du 23.5.2022.

Cette mesure était notamment largement soutenue par les cantons.

Exigence de la règle de droit (présence d'une norme générale et abstraite), exigence de la publicité suffisante (publication de la norme dans les règles), exigence du rang normatif (cf. note de bas de page 56), exigence de la précision de la base légale (cf. note de bas de page 57). Pour plus de détails, cf. lettre de l'OFJ du 13.4.2022 (cf. annexe 2), paragraphes 3 à 5.

Edicter sous forme d'une loi fédérale les dispositions qui restreignent gravement les droits fondamentaux.

Les normes doivent être suffisamment précises pour que le sujet de droit puisse orienter son comportement en fonction de cette norme et appréhender les conséquences d'un comportement donné.

14 / 52

FF 2023 1956

Selon les explications de l'OFJ et de l'OFSP, l'extension du certificat COVID-19 du 17 décembre 2021 se fondait sur l'art. 6, al. 2, let. b, LEp58. Cet article prévoit que le Conseil fédéral peut, en cas de situation particulière, ordonner des mesures visant la population ou certains groupes d'individus. Selon l'OFJ, le critère du rang normatif est rempli, puisque l'art. 6 LEp constitue une disposition de loi au sens formel59.

Concernant le critère de la précision de la base légale, l'OFJ a reconnu face à la CdG-N que les termes de l'art. 6 LEp étaient très ouverts. Toutefois, il a souligné que cette disposition devait être replacée dans le contexte des autres articles de la LEp60, en considérant en particulier les art. 31 à 38 et 40 LEp, dans lesquels le législateur a précisé les mesures pouvant être prises par le Conseil fédéral en période de situation particulière61. L'OFJ a expliqué que cette liste de mesures concrétisait la norme de principe de l'art. 6 LEp, mais qu'elle n'était pas exhaustive et que le législateur avait délibérément laissé au Conseil fédéral une grande marge d'appréciation, car il n'était pas possible de déterminer à l'avance toutes les mesures nécessaires face à l'évolution d'une pandémie62.

Selon l'OFJ, le fait que le certificat ne soit pas cité nommément dans la LEp n'est «pas d'une importance décisive». L'office fait valoir à ce propos que l'art. 40 LEp autorise le Conseil fédéral à prendre des mesures particulièrement incisives pour combattre les maladies transmissibles, telles que les fermetures d'écoles ou l'interdiction de manifestations. Pour l'OFJ, si le gouvernement a le pouvoir de prendre des mesures aussi fortes, il doit a fortiori avoir celui de prendre une mesure plus tempérée qui poursuit le même but, comme le certificat obligatoire, qui visait à éviter au Conseil fédéral de prononcer des fermetures ou interdictions plus strictes63. L'office a également estimé que l'absence de mention explicite du certificat COVID-19 dans la LEp était compatible avec la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant la précision des bases légales64.

Au regard de ces éléments, l'OFJ est arrivé à la conclusion que l'art. 6 LEp en relation l'art. 40 LEp et l'ordonnance COVID-19 situation particulière formaient une base juridique suffisamment précise pour introduire une obligation de certificat. Il a précisé que les questions de savoir si les mesures décidées sur cette base légale répondaient à 58 59 60 61

62

63 64

Lettre du DFI du 14.4.2022 (cf. annexe 1), paragraphe 36; lettre de l'OFJ du 13.4.2022 (cf. annexe 2), paragraphe 6.

Lettre de l'OFJ du 13.4.2022 (cf. annexe 2), paragraphe 7.

Lettre de l'OFJ du 13.4.2022 (cf. annexe 2), paragraphes 9 et 10.

Lettre de l'OFJ du 13.4.2022 (cf. annexe 2), paragraphe 10. En ce qui concerne les mesures visant la population ou certains groupes d'individus, l'art. 40 LEp prévoit la possibilité d'une interdiction totale ou partielle de manifestations (let. a), la fermeture d'écoles, d'autres institutions publiques ou entreprises privées ou une réglementation de leur fonctionnement (let. b) ou encore une interdiction ou limitation d'entrée ou de sortie de certains bâtiments ou zones ou de certaines activités se déroulant dans des endroits définis (let. c). Cf. à ce sujet lettre du DFI du 14.4.2022 (cf. annexe 1), paragraphe 36; lettre de l'OFJ du 13.4.2022 (cf. annexe 2), paragraphe 10.

Lettre de l'OFJ du 13.4.2022 (cf. annexe 2), paragraphes 11, 12 et 17. Face à la commission, la directrice suppléante de l'OFJ a souligné que le Parlement aurait eu la possibilité, si l'avait jugé nécessaire durant la pandémie, de réduire cette marge d'appréciation en modifiant la loi, mais qu'il ne l'avait pas fait.

Lettre de l'OFJ du 13.4.2022 (cf. annexe 2), paragraphe 12. Pour l'OFJ, cette manière de procéder est un corollaire du principe de proportionnalité prévu dans la Cst.

Lettre de l'OFJ du 13.4.2022 (cf. annexe 2), paragraphes 13 à 16.

15 / 52

FF 2023 1956

un intérêt public suffisant et si elles étaient proportionnées devaient être examinées séparément (cf. à ce sujet ch. 5.2.2 et 5.2.3)65.

La CdG-N a demandé à l'OFJ s'il avait été envisagé, dans le courant de l'année 2021, de procéder à une modification de la LEp ou de la loi COVID-19 afin d'y intégrer une mention plus explicite du certificat en tant qu'instrument de mise en oeuvre des mesures sanitaires, au vu de l'importance de cet outil et de son caractère potentiellement controversé. La directrice suppléante de l'office a indiqué qu'un tel ajout n'avait pas été discuté, dans la mesure où les autorités fédérales partaient du principe que les bases légales existantes suffisaient, tout en permettant au Conseil fédéral de garder une flexibilité de réaction face à l'évolution de la pandémie.

Face à la commission, les représentants de l'OFSP ont indiqué qu'en février 2021, l'OFJ avait établi un avis de droit portant sur le cadre légal pour des distinctions en fonction du statut vaccinal66, qui avait par la suite donné un cadre pour la mise en oeuvre du certificat. Selon eux, il n'était alors pas encore possible de prévoir quelle serait la portée de cet instrument et il aurait été trop tôt à l'époque pour établir un cadre juridique plus détaillé67.

La CdG-N a également abordé la question de savoir s'il n'aurait pas été opportun de régler de manière plus explicite le but du certificat au niveau de la loi, afin d'encadrer plus précisément son utilisation par le Conseil fédéral et permettre une meilleure appréciation de la proportionnalité de cette mesure. L'OFJ a estimé que l'art. 6 LEp devait être vu dans le contexte général de la loi, qui avait pour but principal de lutter contre l'avancée de la pandémie, et que le périmètre et le but de l'application du certificat étaient également précisés au niveau de l'ordonnance68.

En ce qui concerne les enseignements pour l'avenir, l'OFSP s'est montré favorable à ce qu'un examen approfondi soit mené, dans le cadre de la révision de la LEp, concernant le cadre légal relatif au statut immunitaire en cas de pandémie69, au vu de l'impact important de cet aspect dans les débats de société.

De manière plus générale, la CdG-N s'est aussi demandé s'il serait souhaitable d'introduire une obligation pour le Conseil fédéral d'assortir systématiquement ses ordonnances70 d'une explication afin de permettre une plus grande transparence concernant les réflexions et objectifs sur lesquels les dispositions concernées se fondent.

65 66

67 68 69 70

Lettre de l'OFJ du 13.4.2022 (cf. annexe 2), paragraphe 17.

Cadre légal pour des distinctions en fonction du statut vaccinal, note de l'OFJ du 18.2.2021. Dans cet avis de droit ­ publié le 18.2.2021 ­ l'OFJ approfondissait la question de savoir s'il était admissible juridiquement de traiter différemment les personnes vaccinées et non-vaccinées. L'office arrivait à la conclusion que, dans l'exercice d'une tâche de l'Etat, une telle distinction devait reposer sur une base légale et respecter le principe de l'égalité de traitement ainsi que ­ pour les droits fondamentaux ­ être justifiée par un intérêt public et être proportionnée. L'OFJ y indiquait en outre que, dans certaines situation, l'égalité de traitement pouvait exiger un traitement distinct des personnes vaccinées. Ce document a notamment été discuté au sein des Commissions des institutions politiques des Chambres fédérales au printemps 2021.

Audition du DFI et de l'OFSP du 23.5.2022.

Audition de l'OFJ du 29.4.2022.

Audition du DFI et de l'OFSP du 23.5.2022.

Notamment celles liées au droit d'urgence ou aux art. 6 et 7 LEp.

16 / 52

FF 2023 1956

Les représentants de l'OFSP et de l'OFJ71 ont souligné que les ordonnances du Conseil fédéral avaient toujours été accompagnées d'un rapport explicatif qui contenait généralement des informations sur les raisons des dispositions concernées, notamment en vue de la consultation des cantons. Ils ont reconnu qu'une présentation plus exhaustive des motivations aurait été appréciable d'un point de vue juridique, mais ont également souligné l'énorme pression temporelle à laquelle les offices responsables étaient soumis pour l'élaboration de ces documents. Ils sont arrivés à la conclusion qu'une telle mesure ne ferait que refléter une pratique déjà existante et impliquerait un important travail formel supplémentaire, peu opportun en période de crise.

5.2.2

Critère de l'intérêt public prépondérant

L'art. 36, al. 2, Cst. prévoit que toute restriction d'un droit fondamental doit être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui. Le «Comité juristes» estimait, dans sa requête, que cette condition n'était pas remplie lors de l'extension du certificat COVID-19 du 17 décembre 2021. L'intérêt public en question, dans le cas d'espèce, est celui de la protection de la santé publique face à une menace effective.

Le DFI estime que le risque de surcharge des systèmes de soins dû à la combinaison des variants Delta et Omicron en décembre 2021 «représentait une menace pour la santé publique» suisse72. Face à la commission, l'OFSP a souligné que, début décembre 2021, le suivi épidémiologique était mis à rude épreuve et qu'une augmentation des hospitalisations était ­ sur la base des connaissances de l'époque ­ le scénario le plus probable73. Le DFI estime que «les mesures adoptées visaient [...] la sauvegarde de l'intérêt public à la santé, en évitant une surcharge des structures de soins»74.

En réponse aux affirmations du «Comité juristes», le DFI a présenté dans sa prise de position écrite différents éléments qui attestent selon lui la présence d'une menace pour la santé publique durant l'hiver 2021­2022. Le département évoque notamment une surmortalité durant plusieurs semaines75 ainsi qu'une surcharge du système hospitalier impliquant le report d'interventions non urgentes76.

Le DFI s'est également prononcé sur les critiques mettant en doute l'adéquation des indicateurs utilisés pour évaluer la menace sur la santé publique représentée par le COVID-19. De l'avis du département, l'indicateur du nombre de cas constituait un critère pertinent pour permettre une estimation de l'évolution de la pandémie77. Il a toutefois souligné que le Conseil fédéral s'était basé, pour évaluer la situation épidémiologique, sur une combinaison de plusieurs indicateurs (cas, hospitalisations, décès

71 72 73 74 75 76 77

Audition de l'OFJ du 29.4.2022, audition du DFI et de l'OFSP du 23.5.2022.

Lettre du DFI du 14.4.2022 (cf. annexe 1), paragraphe 34.

Audition du DFI et de l'OFSP du 23.5.2022.

Lettre du DFI du 14.4.2022 (cf. annexe 1), paragraphe 34.

Lettre du DFI du 14.4.2022 (cf. annexe 1), paragraphe 6.

Lettre du DFI du 14.4.2022 (cf. annexe 1), paragraphes 8 et 12.

Lettre du DFI du 14.4.2022 (cf. annexe 1), paragraphe 23.

17 / 52

FF 2023 1956

et taux d'occupation des unités de soins intensifs)78 et que ceux-ci avaient été régulièrement réexaminés durant la pandémie79. Face à la commission, le Secrétaire général du DFI a ainsi souligné qu'à partir du moment où la population avait été majoritairement vaccinée, le critère du nombre de cas avait perdu en pertinence. Il a affirmé qu'à partir du mois d'août 2021, le Conseil fédéral avait fait du taux d'occupation des hôpitaux le principal critère d'évaluation de la situation et qu'il s'était ensuite basé exclusivement sur cet objectif80.

Dans le même sens, face aux critiques du «Comité juristes» concernant le manque de fiabilité des tests PCR81, le DFI a reconnu que «ceux-ci ne permettent pas à eux seuls de tirer des conclusions solides sur une menace réelle pour la santé publique. C'est pourquoi plusieurs sources de données ont été utilisées tout au long de la pandémie afin de soutenir les processus décisionnels»82. Le secrétaire général du DFI a indiqué que face à une pandémie d'une telle complexité, il n'était pas réaliste de déterminer les indicateurs pertinents à l'avance, par exemple au niveau de la loi83.

Le DFI a également réfuté trois affirmations du «Comité juristes» tendant à relativiser la gravité de la situation sanitaire de l'époque. Premièrement, il a indiqué que ­ contrairement aux allégations du «Comité juristes» ­ la charge sur le système de santé avait été causée en majorité par les personnes non-vaccinées, ces dernières étant proportionnellement beaucoup plus représentées parmi les cas d'hospitalisations et de décès84. Deuxièmement, il a souligné que les personnes infectées asymptomatiques pouvaient également contribuer à la propagation du virus, contrairement à ce que certains ont affirmé durant la pandémie85. Troisièmement, il a expliqué que la dissociation entre l'indicateur «nombre de cas confirmés en laboratoire» et l'indicateur «nombre de décès confirmés en laboratoire», observée durant la pandémie, ne reflétait pas ­ comme le prétendait le «Comité juristes» ­ une pratique de tests excessive visant à créer artificiellement une situation de menace sanitaire, mais qu'elle s'expliquait par une couverture vaccinale élevée au sein de la population à risque et par le fait que le variant Omicron avait entraîné moins d'évolutions graves de la maladie86.

De manière plus
générale, le «Comité juristes» a critiqué le fait que la Suisse aurait repris de manière automatique, durant la pandémie, le statut de menace sanitaire émis par l'OMS. Face à la CdG-N, l'OFSP a souligné que la déclaration de la «situation particulière» en Suisse au sens de l'art. 6, al. 1, LEp se basait non seulement sur les 78

79

80 81 82 83 84 85 86

Lettre du DFI du 14.4.2022 (cf. annexe 1), paragraphe 24. Les valeurs indicatives concernant ces indicateurs ont été publiées par le Conseil fédéral en mai 2021, dans le cadre du «modèle des trois phases».

La CdG-N a constaté que les indicateurs épidémiologiques utilisés par la Confédération avaient en effet été régulièrement affinés et complétés durant la pandémie. Ainsi, à partir de juin 2020, un projet visant à calculer la charge virale du COVID-19 dans les eaux usées a été développé par l'Institut fédéral suisse des sciences et technologies de l'eau (EAWAG). Depuis l'été 2022, l'indicateur correspondant figure dans le dashboard public de l'OFSP.

Audition du DFI et de l'OFSP du 23.5.2022.

Polymerase Chain reaction, réaction de polymérase en chaine.

Lettre du DFI du 14.4.2022 (cf. annexe 1), paragraphe 26.

Audition du DFI et de l'OFSP du 23.5.2022.

Lettre du DFI du 14.4.2022 (cf. annexe 1), paragraphes 14 à 17.

Lettre du DFI du 14.4.2022 (cf. annexe 1), paragraphe 30.

Lettre du DFI du 14.4.2022 (cf. annexe 1), paragraphe 33.

18 / 52

FF 2023 1956

signalements de l'OMS (let. b), mais aussi sur le risque concret pour la santé publique en Suisse (let. a87). L'OFSP a précisé que le Conseil fédéral «ne fond[ait] pas ses décisions uniquement sur ces recommandations de l'OMS» et que le message sur la LEp excluait clairement tout automatisme88. Il a par ailleurs rappelé que la situation particulière avait été levée en Suisse avant que l'OMS ne recommande de le faire89.

Le «Comité juristes» a également estimé que le maintien de la «situation particulière» au sens de l'art. 6 LEp durant près de deux ans ne respectait pas le principe de proportionnalité prévu dans la Constitution. Face à la CdG-N, l'OFJ et l'OFSP ont expliqué que cette critique n'était pas recevable sur le plan juridique, dans la mesure où l'art. 6 LEp détermine uniquement la «compétence organique» (c'est-à-dire quel organe est compétent pour la prise de mesures90). Or, le critère de la proportionnalité ne s'applique pas à la question de savoir quel organe est compétent, mais à la question de savoir quelles mesures concrètes de lutte contre la pandémie sont admissibles91.

Concernant le maintien de la situation particulière, l'OFJ a souligné que le Conseil fédéral disposait d'une marge d'appréciation, voulue par le législateur92.

En lien avec ces points, la CdG-N a abordé la question générale de savoir si les critères de l'art. 6, al. 1, LEp visant à déterminer le passage à la «situation particulière», respectivement le maintien de cette dernière, devraient être précisés au regard des expériences faites durant la pandémie. L'OFJ a estimé qu'une définition plus claire du critère de «menace pour la santé publique» présenterait certains avantages93. L'OFSP a également estimé que cette question méritait d'être examinée de manière approfondie, tout en soulignant qu'il était important que la LEp garde une flexibilité lui permettant de faire face rapidement à la grande variété de situations épidémiologiques possibles94.

Dans ses lettres, le «Comité juristes» a également émis différentes critiques concernant la gestion des capacités de soins intensifs durant la pandémie et la réduction des capacités hospitalières au cours des dernières années95. Dans la mesure où cette thé-

87

88 89 90

91

92 93 94 95

La loi précise ce risque au moyen des éléments suivants: «lorsque les organes d'exécution ordinaires ne sont pas en mesure de prévenir et de combattre l'apparition et la propagation d'une maladie transmissible et qu'il existe l'un des risques suivants: 1. un risque élevé d'infection et de propagation, 2. un risque spécifique pour la santé publique, 3. un risque de graves répercussions sur l'économie ou sur d'autres secteurs vitaux».

Message du Conseil fédéral du 3.12.2010 concernant la révision de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme (FF 2011 291, 345).

Audition du DFI et de l'OFSP du 23.5.2022.

En «situation particulière», la compétence de prise de décision revient au Conseil fédéral, après consultation des cantons. Les cantons gardent toutefois la possibilité de prendre des mesures dans les domaines n'ayant pas été réglementés par le Conseil fédéral.

L'OFJ a expliqué que, pour cette raison, durant la pandémie, il avait concentré son examen de la proportionnalité sur les différentes mesures concrètes proposées, et non sur la situation particulière en tant que telle.

Audition de l'OFJ du 29.4.2022, audition du DFI et de l'OFSP du 23.5.2022.

Audition de l'OFJ du 29.4.2022. Notamment préserver les compétences propres des cantons et clarifier la délimitation entre les trois situations au sens de la LEp.

Audition du DFI et de l'OFSP du 23.5.2022.

Lettre du DFI du 14.4.2022 (cf. annexe 1), paragraphes 18 à 21.

19 / 52

FF 2023 1956

matique a été abordée à plusieurs reprises par le Parlement ces derniers mois96 et qu'elle ne présente qu'un lien indirect avec l'aspect examiné dans le présent rapport, la CdG-N renonce à l'approfondir ici.

5.2.3

Critère de la proportionnalité

Selon l'art. 36, al. 3, Cst., toute restriction d'un droit fondamental doit être proportionnée au but visé. Pour être considérée comme proportionnée, une mesure doit remplir simultanément les critères d'adéquation (permettre ou faciliter la réalisation du but poursuivi), de nécessité (ne pas excéder ce qu'exige la réalisation du but poursuivi, si d'autres mesures plus modérées sont possibles) et de proportionnalité au sens strict (les charges créées ne doivent pas être hors de proportion avec le résultat recherché).

Sur le plan de l'adéquation, le «Comité juristes» mettait en doute l'efficacité du certificat COVID-19 pour protéger la santé publique, en affirmant que les personnes vaccinées présentaient également un risque accru de maladie et de transmission et que le COVID-19 ne présentait pas un risque plus important que la grippe saisonnière. Face à la CdG-N, le DFI a clairement démenti ces affirmations97. Il a notamment souligné que «toutes les données internationales et nationales démontrent que la vaccination contre le COVID-19 protège contre les évolutions graves [de la maladie]» et que celleci «contribue donc de manière décisive à la réduction de la charge de morbidité». Il a également indiqué que la vaccination entraînait une réduction de la transmission du virus, même si une contamination au niveau individuel demeurait possible98. Enfin, le DFI a présenté des chiffres montrant que la mortalité liée au COVID-19 avait été, en Suisse comme dans le monde, nettement plus élevée que celle d'une grippe saisonnière. Le département a toutefois reconnu que certaines craintes initiales ­ par exemple concernant la vulnérabilité des enfants face au COVID-19 ­ ne s'étaient pas confirmées.

Le DFI a également démenti les affirmations du «Comité juristes» selon lesquelles l'adoption de la règle 2G aurait été contre-productive, car elle aurait conduit à une augmentation des nouvelles infections et des décès au sein des établissements médicosociaux (EMS). Selon le département, l'analyse des données montre que le niveau des infections et décès dans les EMS est resté très bas durant cette période et plus faible que lors des vagues de pandémie précédentes.99

96

97 98 99

En décembre 2021, le Parlement a intégré dans la loi COVID-19 l'art. 3, al. 4bis, qui précise que les cantons, afin de renforcer les services de santé sollicités par la pandémie, «financent les réserves de capacités nécessaires pour affronter les pics d'activité» et «définissent les capacités nécessaires en accord avec la Confédération». Le 10.3.2022, la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS) a émis des recommandations aux cantons relatives à la mise en oeuvre de cet article. Durant les sessions d'automne et d'hiver 2022, le Parlement a débattu de l'opportunité de préciser les prescriptions de la loi au sujet des capacités hospitalières, mais n'a finalement pas procédé à des modifications substantielles.

Lettre du DFI du 14.4.2022 (cf. annexe 1), paragraphes 41 à 51.

Ces informations ont également été confirmées à la CdG-N par Swissmedic (cf. encadré).

Lettre du DFI du 14.4.2022 (cf. annexe 1), paragraphes 53 et 54.

20 / 52

FF 2023 1956

Excursus: protection indirecte du vaccin contre le COVID-19 Fin 2022, des doutes ont été exprimés publiquement concernant la capacité du vaccin contre le COVID-19 à empêcher la transmission du virus à d'autres personnes (protection indirecte)100. La CdG-N a adressé des questions complémentaires sur ce point à Swissmedic et au DFI, afin de savoir quelles étaient les connaissances scientifiques concernant cet aspect durant la pandémie et dans quelle mesure le critère de la protection indirecte avait joué un rôle dans la décision du Conseil fédéral du 17 décembre 2021 concernant l'extension du certificat COVID-19101.

La commission a pris note que de nombreuses études internationales concernant la protection indirecte avaient été réalisées au cours de l'année 2021 et que cellesci avaient montré que la vaccination permettait de réduire la transmission du virus à l'échelon individuel et sa circulation dans la population, mais que cette protection indirecte n'était pas absolue et qu'elle dépendait de plusieurs facteurs (notamment le variant concerné). Début décembre 2021, les connaissances concernant le nouveau variant Omicron étaient encore parcellaires102.

Le DFI a indiqué à la commission que le principal objectif de la campagne de vaccination fédérale avait toujours été la protection individuelle directe contre une évolution grave de la maladie et que la protection indirecte constituait un argument secondaire. Selon les explications du département, les décisions du Conseil fédéral relatives au certificat COVID-19 se fondaient sur la même réflexion: la limitation de l'accès à certains lieux aux seules personnes vaccinées ou guéries se basait avant tout sur le fait que ces personnes étaient protégées contre les formes graves de la maladie et représentaient donc un moindre risque de surcharge du système de santé (cf. plus bas). Selon le DFI, on s'attendait également, dans une certaine mesure, à ce qu'une vaccination ou une guérison protège contre la transmission.

La CdG-N a procédé à une analyse des informations communiquées par les autorités fédérales durant cette période103; elle constate que l'argument de la protection directe du vaccin contre les formes graves de la maladie figurait au premier plan, que l'argument de la protection indirecte a été évoqué avec modération et que la communication reflétait de manière équilibrée les connaissances scientifiques de l'époque.

100

Cf. par exemple Die Ächtung der Ungeimpften, In: Neue Zürcher Zeitung, 11.11.2022.

Ces doutes ont fait suite à l'affirmation d'une responsable de l'entreprise Pfizer, lors d'une intervention au Parlement européen, selon laquelle la protection du vaccin contre la transmission du virus n'avait pas été examinée par l'entreprise au moment de sa mise sur le marché.

101 Lettre du DFI à la CdG-N du 20.1.2023, lettre de Swissmedic à la CdG-N du 20.1.2023 (non publiées).

102 Les recherches menées par la suite ont montré que l'effet de la vaccination en termes de protection indirecte était faible pour ce variant.

103 Notamment: recommandations de vaccination de l'OFSP du 26.11.2021, du 21.12.2021 et du 21.1.2022, communiqués de presse du 26.11.2021, du 3.12.2021, du 14.12.2021 et du 21.12.2021, points de presse du 30.11.2021 et du 3.12.2021.

21 / 52

FF 2023 1956

Concernant le critère de nécessité, le DFI a estimé104 que les mesures de restriction des libertés fondamentales liées au certificat n'étaient pas excessives, car elles étaient limitées tant dans leur nature105 que dans leur durée106 et leur portée spatiale107.

Enfin, le DFI a présenté à la commission différents éléments considérés par le Conseil fédéral dans sa pesée des intérêts relative à la proportionnalité au sens strict. Le département a notamment mentionné les aspects suivants: ­

Le but premier de la limitation d'accès aux seules personnes vaccinées ou guéries était de réduire le risque d'infection des personnes non immunisées, qui transmettent plus facilement le virus et peuvent tomber gravement malades, afin de protéger le système hospitalier d'une surcharge et par là garantir la sauvegarde de l'intérêt public de la santé108. Depuis l'été 2021, le Conseil fédéral avait clairement indiqué que la protection du système de santé constituait désormais l'objectif principal des mesures de lutte contre la pandémie109;

­

Les autorités ont veillé à restreindre aussi peu que possible et pour une durée aussi brève que possible les droits fondamentaux des citoyens et elles ont toujours eu à coeur d'éviter de nouvelles fermetures d'établissements et d'institutions, considérant qu'une telle mesure serait particulièrement contraignante pour les acteurs économiques, culturels et sportifs110;

­

Il s'agissait également de limiter la restriction des droits fondamentaux pour la population immunisée, qui ne pesait pas de manière particulièrement importante sur le système de santé. En ce sens, une limitation de l'accès de certains lieux publics aux personnes disposant d'un certificat apparaissait comme la mesure la plus modérée possible111;

­

Au vu de la résistance élevée du variant Omicron aux anticorps et du risque de transmission, des mesures renforcées (port du masque obligatoire et restriction 2G+) ont été appliquées également aux personnes vaccinées et guéries112.

Le DFI a également souligné l'importance de tenir compte du contexte de l'époque, en particulier les nombreuses incertitudes concernant les risques liés au variant Omicron, détecté trois semaines auparavant. La CdG-N s'est renseignée plus en détail concernant les connaissances scientifiques sur lesquelles le DFI s'est fondé lors de sa

104 105 106 107

108 109

110 111 112

Lettre du DFI du 14.4.2022 (cf. annexe 1), paragraphe 57.

Car il s'agissait de conditions d'accès et pas d'interdiction totale d'accès.

Car les mesures étaient prévues pour une durée limitée.

Car les mesures se limitaient à certaines institutions et établissements du domaine des loisirs, du divertissement, des sports et de la culture et ne concernaient pas l'offre de biens et services de consommation courante.

Lettre du DFI du 14.4.2022 (cf. annexe 1), paragraphe 56.

Audition du DFI et de l'OFSP du 23.5.2022. Cf. à ce sujet notamment Coronavirus: le Conseil fédéral maintient les mesures de protection et appelle la population à se faire vacciner, communiqué de presse du Conseil fédéral du 11.8.2021.

Audition du DFI et de l'OFSP du 23.5.2022.

Audition du DFI et de l'OFSP du 23.5.2022.

Lettre du DFI du 14.4.2022 (cf. annexe 1), paragraphe 56.

22 / 52

FF 2023 1956

proposition au Conseil fédéral en vue de la décision du 17 décembre 2021113. Elle a pris note que les principaux éléments connus à l'époque étaient les suivants: le variant Omicron semblait plus résistant aux anticorps et nettement plus transmissible que le variant Delta, la protection de la vaccination contre le variant Omicron semblait plus faible, la gravité de l'évolution de la maladie n'était pas claire et le taux d'hospitalisations était en hausse dans plusieurs pays touchés par Omicron. Par ailleurs, le taux d'occupation des unités de soins intensifs en Suisse s'approchait d'un seuil critique et le nombre de décès avait quadruplé en un mois et demi, tandis que les capacités de tests touchaient à leurs limites114. Les autorités étaient particulièrement préoccupées par les risques d'un effet combiné des variants Delta et Omicron. De l'avis du DFI et de l'OFSP, «la seule déduction logique d'après ce que nous avions connu jusqu'à ce moment, était qu'une augmentation des cas créerait aussi une hausse des hospitalisations» et que le système de santé risquait de se retrouver au bord de la rupture. Pour le DFI, il n'était à l'époque pas possible de prévoir que le degré de gravité d'Omicron serait finalement inférieur à ce que l'on craignait115.

Au vu de ces éléments, le DFI estime que les restrictions des droits fondamentaux liées au certificat étaient aptes, nécessaires et proportionnées au but poursuivi, compte tenu de la situation très tendue dans les hôpitaux et de l'état des connaissances au moment de la prise de décision 116. Il conclut que «le Conseil fédéral a pris, en toute transparence et connaissance de cause, des décisions difficiles si l'on considère les nombreuses incertitudes [...], en se basant sur le principe de prévoyance et sur l'état des connaissances prévalant.»117 Le département a en outre précisé que les restrictions des droits fondamentaux avaient été régulièrement réexaminées par la suite, en collaboration notamment avec l'OFJ (cf. ch. 5.1)118.

6

Appréciation de la CdG-N et recommandations

Ci-après, la CdG-N fait part de son appréciation du point de vue de la haute surveillance parlementaire. Comme indiqué plus haut (cf. ch. 2), la commission a concentré son examen sur le critère de la légalité et dans une moindre mesure sur les critères de l'opportunité et de l'efficacité. Ses conclusions ne préjugent pas d'éventuelles décisions futures des autorités judiciaires.

Pour la commission, il est indéniable que les mesures prises par le Conseil fédéral en situation particulière, et notamment l'introduction de limitations liées au certificat COVID-19, ont constitué une restriction importante des droits fondamentaux. Dans une telle situation, elle juge essentiel que les autorités fédérales s'assurent conscien-

113

114 115 116 117 118

Le département lui a indiqué qu'il s'était basé, pour son appréciation, sur les dernières connaissances disponibles à l'époque concernant le variant Omicron, notamment livrées par la NCS-TF, ainsi que l'évolution de la situation épidémiologique en Suisse et à l'étranger.

Audition du DFI et de l'OFSP du 23.5.2022.

Audition du DFI et de l'OFSP du 23.5.2022.

Lettre du DFI du 14.4.2022 (cf. annexe 1), paragraphe 55.

Lettre du DFI du 14.4.2022 (cf. annexe 1), paragraphe 58.

Lettre du DFI du 14.4.2022 (cf. annexe 1), paragraphe 58.

23 / 52

FF 2023 1956

cieusement que les critères fixés à l'art. 36 Cst. pour une telle restriction soient remplis et qu'elles soumettent ces mesures de manière régulière à un examen critique.

La commission constate que le DFI, l'OFSP et l'OFJ lui ont présenté en détail leur analyse concernant le respect de l'art. 36 Cst. De son point de vue, les explications fournies sont cohérentes et montrent que les autorités fédérales ont accordé une attention particulière à la question de la constitutionnalité des mesures adoptées, dans la limite des possibilités liées au contexte particulier de la crise du COVID-19. Elle constate également que les mesures prises figuraient dans la continuité de la stratégie dite des «trois phases», présentée par le Conseil fédéral au printemps 2021119. La commission n'a identifié aucun indice de manquement fondamental de la part des autorités concernées du point de vue de la haute surveillance sur la gestion. Elle estime toutefois que certains enseignements de portée générale peuvent être tirés de ce cas en vue de crises futures. Elle fait part de ses remarques à ce propos ci-après.

6.1

Examen des critères constitutionnels par les autorités fédérales compétentes

La CdG-N relève que la responsabilité d'examiner la proportionnalité des mesures fédérales revient à plusieurs acteurs: premièrement à l'office et au département compétents sur le plan thématique (ici le DFI et l'OFSP) lors de la planification et de la conception des mesures, deuxièmement à l'OFJ dans le cadre de la consultation des offices, et troisièmement au Conseil fédéral dans le cadre de sa pesée d'intérêts finale, au moment de prendre sa décision.

La commission note que l'OFJ a bien été consulté par l'OFSP sur les projets relatifs à l'extension du certificat COVID-19. Elle salue le fait que les deux offices aient entretenu des échanges étroits à ce sujet durant la pandémie. Si elle regrette que l'OFJ n'ait pas été en mesure de procéder à une évaluation approfondie de la question de la constitutionnalité en vue de la décision du Conseil fédéral du 17 décembre 2021, la CdG-N estime que cette situation est compréhensible au vu des délais restreints et des informations parcellaires de l'époque liées au variant Omicron. La commission constate néanmoins que l'OFJ a été en mesure d'exclure toute violation manifeste du principe de proportionnalité. Elle relève par ailleurs que l'office a, par la suite, accordé une attention particulière à la proportionnalité des mesures proposées et a émis à deux reprises au moins des réserves à ce sujet. Fin décembre 2021, l'intervention de l'OFJ a mené l'OFSP à renoncer à un nouveau renforcement des mesures.

Malgré tout, pour la commission, il est problématique que l'OFJ ait dû parfois examiner les projets de révision d'ordonnances sans bénéficier d'un rapport explicatif et qu'il n'ait pas toujours disposé des informations lui permettant d'examiner de manière autonome la proportionnalité des mesures proposées. La CdG-N comprend que cette situation s'explique par le contexte particulier de la pandémie et notamment la forte pression temporelle à laquelle l'OFSP était soumis. Elle estime néanmoins primordial que l'OFJ soit en mesure de procéder à un contrôle aussi complet et indépendant que 119

Cf. Document de réflexion «Modèle des trois phases», rapport du Conseil fédéral du 12.5.2021. Concernant l'utilisation du certificat, cf. en particulier chap. 4.1.

24 / 52

FF 2023 1956

possible des projets d'actes législatifs qui lui sont soumis, cette fonction revêtant une importance encore plus grande en période de crise. Elle invite le Conseil fédéral à examiner comment la fonction de contrôle légal opérée par l'OFJ ­ en particulier concernant le respect des critères constitutionnels pourrait être renforcée en période de crise. Elle le prie d'examiner notamment les points suivants: ­

Garantir que les ressources de l'OFJ puissent être renforcées à court terme, si cela s'avère nécessaire pour garantir un contrôle adéquat;

­

S'assurer que l'OFJ bénéficie d'une base d'informations aussi complète que possible, lui permettant de procéder à un examen indépendant de la proportionnalité;

­

Mettre en place des structures permettant des échanges à courte échéance entre l'OFJ et les offices spécialisés, pour clarifier d'éventuelles questions ouvertes concernant les mesures proposées;

­

Détacher des collaboratrices ou collaborateurs de l'OFJ dans les offices spécialisés en période de crise, afin de permettre un examen des questions juridiques dès la conception des mesures.

Recommandation 1:

Fonction de contrôle de l'OFJ en période de crise

Le Conseil fédéral est prié d'examiner comment la fonction de contrôle légal opérée par l'OFJ ­ en particulier concernant le respect du principe de proportionnalité ­ pourrait être renforcée en période de crise.

6.2

Explications des autorités fédérales compétentes concernant le résultat de l'examen des critères constitutionnels

6.2.1

Critère de la base légale

La CdG-N considère que l'argumentation du DFI et de l'OFJ, selon laquelle l'utilisation du certificat COVID-19 disposait d'une base légale suffisamment précise dans la LEp (art. 6, al. 2, let. b, en relation avec art. 40), est recevable sur le plan juridique.

La commission reconnaît que le législateur, dans la LEp, a laissé au Conseil fédéral une importante marge d'appréciation concernant les mesures sanitaires pouvant être adoptées. Cette flexibilité se justifie par le fait qu'il n'est pas possible de déterminer à l'avance dans le détail quelles mesures seront nécessaires face à l'évolution d'une pandémie. Dans le même sens, la commission partage l'avis de l'OFJ que, dans la mesure où la LEp permet au Conseil fédéral de prendre certaines mesures particulièrement strictes, il est logique ­ et même approprié au regard du principe de proportionnalité ­ que ce dernier puisse également décider de mesures plus tempérées, comme une restriction d'accès limitée à certains groupes de personnes120. À ce propos, elle constate que le Conseil fédéral a communiqué à plusieurs reprises que l'in120

A condition que ces mesures respectent les principes d'intérêt public et de proportionnalité (cf. plus bas).

25 / 52

FF 2023 1956

troduction de restrictions liées au certificat COVID-19 visait précisément à éviter de prendre des mesures plus strictes touchant l'ensemble de la population.

Sur le plan de l'opportunité politique néanmoins, la CdG-N estime que l'argumentation du DFI et de l'OFJ touche à ses limites. Considérant que l'introduction d'un certificat sanitaire associé à des restrictions d'accès était prévisible de longs mois à l'avance et que l'on pouvait s'attendre à ce que cette mesure fasse l'objet de critiques publiques121, la commission se demande s'il n'aurait pas été adéquat d'inclure, par exemple au sein de la LEp ou de la loi COVID-19, une disposition mentionnant de manière plus explicite l'objet et les buts du certificat. La commission estime qu'une telle disposition aurait permis d'asseoir la légitimité démocratique de cet instrument.

Une proposition en ce sens aurait pu être soumise par l'administration ou ajoutée par le Parlement lui-même. La CdG-N est toutefois consciente qu'une telle révision était difficile à planifier face l'évolution incertaine de la pandémie et qu'elle aurait soumis les acteurs concernés à une pression encore plus élevée.

La commission constate qu'au-delà de l'art. 6, al. 2, let. b LEp, la légitimité démocratique du certificat COVID-19 a été assurée de manière indirecte par plusieurs autres moyens. Début 2021, l'OFJ a publié à un avis de droit portant sur le cadre légal pour des distinctions en fonction du statut vaccinal, qui soulignait l'importance du respect des critères constitutionnels. Dès le printemps 2021, le Conseil fédéral a présenté de manière transparente ses lignes directrices relatives à l'utilisation future du certificat et s'y est conformé par la suite. Il a consulté les cantons, les commissions parlementaires et les partenaires sociaux à ce sujet. Des consultations ont aussi été réalisées pour chacune des modifications d'ordonnances relatives à l'extension du certificat.

Enfin, il faut tenir compte de l'acceptation par le peuple suisse, fin novembre 2021, de la modification de la loi COVID-19122; l'introduction du certificat a constitué l'un des principaux éléments de débat lors de la campagne et, selon les études réalisées par la suite, le soutien au certificat et l'utilité de cet instrument pour éviter des restrictions plus strictes ont constitué les principaux
arguments expliquant l'acceptation de la loi123.

De l'avis de la commission, il existe une certaine probabilité que l'instrument du certificat sanitaire soit à nouveau utilisé dans le cas d'une éventuelle pandémie future et que des questions similaires se posent quant à ses fondements légaux. En conséquence, la commission estime souhaitable que le Conseil fédéral examine, dans le cadre de la révision prévue de la LEp, l'opportunité de préciser le cadre légal relatif au statut immunitaire, respectivement à l'outil du certificat sanitaire et à ses modalités d'utilisation en période de pandémie. En lien avec cette mesure, la CdG-N invite également le Conseil fédéral à s'assurer qu'en cas de pandémie future, le but des mesures sanitaires adoptées au niveau de la loi et de l'ordonnance soit toujours précisée de manière explicite dans les textes pertinents.

121

Notamment au vu du référendum contre la modification de la loi COVID-19 et des réactions à l'introduction d'un certificat sanitaire dans d'autres pays dès l'été 2021.

122 Cette votation a bénéficié d'un taux de participation particulièrement élevé (65,7 %), soit le quatrième plus haut depuis l'introduction du droit de vote des femmes en 1971.

123 Golder, Lukas / Mousson, Martina / Keller, Tobias et al. (2022): Analyse VOX novembre 2021. Complément d'enquête et analyse sur les votations populaires du dimanche 28 novembre 2021. Berne: Gfs.Bern, janvier 2022.

26 / 52

FF 2023 1956

Recommandation 2:

Base légale relative au certificat sanitaire

Le Conseil fédéral est prié d'examiner, dans le cadre de la révision prévue de la LEp, l'opportunité de préciser le cadre légal relatif au statut immunitaire, respectivement à l'outil du certificat sanitaire et à ses modalités d'utilisation en période de pandémie.

La commission reconnaît qu'il ne serait guère réaliste ­ en particulier en période de crise ­ d'exiger l'introduction d'une obligation formelle de motivation pour l'ensemble des ordonnances du Conseil fédéral. La commission constate que, durant la pandémie, le Conseil fédéral s'est efforcé de fournir des explications à ce sujet par le biais des documents soumis à la consultation des cantons, des communiqués de presse ou d'autres documents. Pour la commission, il est important que le Conseil fédéral continue de s'efforcer d'assortir ses décisions d'explications claires sur les motivations et objectifs de celles-ci. De telles informations sont cruciales non seulement pour l'acceptation des mesures au sein de la population, mais également pour le contrôle ultérieur de leur proportionnalité.

6.2.2

Critère de l'intérêt public prépondérant

Au regard des connaissances disponibles, il ne fait aucun doute pour la CdG-N que la pandémie de COVID-19 représentait une menace pour la santé publique et que, par conséquent, le critère d'intérêt public était rempli, comme l'affirment le DFI et l'OFSP. Les arguments mentionnés par le DFI font l'objet d'un large consensus scientifique, notamment le fait que le COVID-19 a provoqué une surmortalité tant en Suisse qu'à l'étranger ou encore que les personnes non-vaccinées étaient davantage susceptibles de développer des formes graves de la maladie et donc de peser sur le système hospitalier. Il est également incontestable que les capacités du système de santé suisse ont été poussées à leurs limites durant la pandémie. La CdG-N constate en outre que le maintien de la «situation particulière» au sens de la LEp ­ et donc la présence d'une menace pour la santé publique ­ n'a jamais été remis en cause ni par le Parlement, ni par les cantons.

Dans ce contexte, le début du mois de décembre 2021 constitue, de l'avis de la commission, l'une des périodes de la pandémie où l'incertitude concernant l'évolution sanitaire était la plus grande, en raison de l'effet combiné du variant Delta et du variant Omicron et des nombreuses inconnues concernant la dangerosité de ce dernier.

La commission note que le Conseil fédéral, sur la base du modèle des «trois phases», a communiqué de manière transparente, à partir d'août 2021, que sa priorité serait désormais «de protéger les structures hospitalières» et qu'il ne prendrait de nouvelles mesures qu'en cas de surcharge des hôpitaux124. Par la suite, l'ensemble des décisions

124

Coronavirus: le Conseil fédéral maintient les mesures de protection et appelle la population à se faire vacciner, communiqué de presse du Conseil fédéral du 11.8.2021.

27 / 52

FF 2023 1956

d'extension du périmètre du certificat COVID-19 ont été motivées par la volonté de protéger le système hospitalier125.

La CdG-N salue le fait que le Conseil fédéral se soit basé, pour son appréciation de la situation épidémiologique, sur une combinaison de plusieurs indicateurs et que ceuxci aient été régulièrement réexaminés dans le courant de la pandémie. La commission relève que les indicateurs utilisés ont été continuellement améliorés et adaptés durant la pandémie, que les autorités se sont efforcées de les combiner de manière à augmenter la précision du suivi épidémiologique et que les données issues de ceux-ci ont été publiées de manière transparente. La commission est consciente que chaque indicateur pris isolément ne permet pas de tirer des conclusions solides concernant la menace pour la santé publique. En ce sens, un système combiné et régulièrement rééquilibré constituait une stratégie adéquate.

La commission partage l'appréciation du DFI qu'il ne serait guère approprié de fixer de manière abstraite, au niveau de la loi, les indicateurs devant être utilisés en cas de pandémie. Elle estime toutefois qu'il serait souhaitable que le Conseil fédéral procède à un bilan concernant la pertinence et la précision des indicateurs utilisés durant la pandémie de COVID-19 et qu'il établisse, sur cette base, une liste des indicateurs potentiels pouvant être utilisés en cas de pandémie future, en clarifiant comment les données correspondantes pourraient être collectées.

Recommandation 3:

Indicateurs visant à apprécier la menace pour la santé publique en cas de pandémie

Le Conseil fédéral est prié de procéder à un bilan concernant la pertinence et la précision des différents indicateurs utilisés durant la pandémie de COVID-19 pour apprécier l'état de la menace pour la santé publique.

Le Conseil fédéral est prié d'établir, sur cette base, une liste des indicateurs potentiels pouvant être utilisés en cas de pandémie future, en clarifiant comment les données correspondantes pourraient être collectées. Il est prié de publier cette liste en temps voulu.

Concernant le lien entre les recommandations de l'OMS et la déclaration ­ respectivement le maintien ­ de la «situation particulière» en Suisse, la CdG-N juge adéquat que le Conseil fédéral, conformément à l'art. 6, al. 1, LEp, fonde sa décision en premier lieu sur le risque concret pour la santé publique en Suisse et qu'il procède à un examen circonstancié des signalements de l'OMS, excluant de fait une reprise automatique.

Enfin, la commission estime nécessaire que le Conseil fédéral examine, au regard des expériences faites durant la pandémie, l'opportunité de préciser les critères figurant à l'art. 6, al. 1, LEp pour déterminer le passage à la «situation particulière», respective125

Cf. notamment communiqués de presse du Conseil fédéral du 8.9.2021 («réaction à la situation durablement tendue qui prévaut dans les hôpitaux»), du 3.12.2021 («forte hausse de patients atteints du COVID-19 dans les hôpitaux») et du 17.12.2021 («le nombre d'hospitalisation continue à augmenter et l'occupation des lits de soins intensifs est très élevée»).

28 / 52

FF 2023 1956

ment le maintien de cette dernière. En particulier, la question se pose pour la commission si les risques énumérés à l'art. 6, al. 1, let. a LEp126 ne mériteraient pas d'être précisés au niveau de la loi, de l'ordonnance ou d'une directive.

Recommandation 4:

Critères visant à déterminer le passage à la «situation particulière» et le maintien de cette dernière

Le Conseil fédéral est prié d'examiner l'opportunité de préciser les critères figurant à l'art. 6, al. 1, LEp pour déterminer le passage à la «situation particulière», respectivement le maintien de cette dernière et le cas échéant à quel niveau normatif.

6.2.3

Critère de la proportionnalité

Pour la CdG-N, les explications du DFI, de l'OFSP et de l'OFJ concernant l'examen de la proportionnalité des mesures liées au certificat COVID-19 montrent que cette question a été traitée de manière appropriée par les autorités concernées, autant que les circonstances particulières de la pandémie le permettaient. Cet aspect a ensuite été réexaminé de manière critique à plusieurs reprises; à ce titre, l'OFJ a joué un rôle déterminant (cf. ch. 6.1).

Pour la commission, il est particulièrement important, pour évaluer l'examen du principe de proportionnalité, de tenir compte du contexte dans lequel le Conseil fédéral a pris la décision d'extension du certificat COVID 19: mi-décembre 2021, la situation épidémiologique en Suisse était particulièrement tendue, les connaissances concernant le nouveau variant Omicron étaient parcellaires et l'évolution future de la situation demeurait incertaine.

La CdG-N considère que le DFI et l'OFSP étaient en mesure d'évaluer de manière appropriée l'adéquation de l'extension du certificat COVID-19 pour protéger la santé publique. La commission a constaté que le département et l'office disposaient des informations les plus actuelles concernant la situation épidémiologique en Suisse, les risques du COVID-19 pour la santé publique et les processus d'immunisation contre le COVID-19 (par le biais du vaccin ou d'une guérison)127. Il est clair que les connaissances relatives aux risques du variant Omicron ­ et donc à l'efficacité du certificat face à ce variant ­ étaient encore limitées au moment de la décision du 17 décembre 2021. Il est toutefois compréhensible que, dans ce contexte incertain, les autorités se soient basées sur les expériences relatives aux variants précédents.

Pour la commission, les informations fournies par Swissmedic et le DFI au sujet de la protection indirecte du vaccin (capacité de limiter la transmission du virus à d'autres personnes) ne remettent pas en cause les conclusions des autorités fédérales concer126

Risque élevé d'infection et de propagation, risque spécifique pour la santé publique, risque de graves répercussions sur l'économie ou sur d'autres secteurs vitaux.

127 Concernant les bases scientifiques de l'OFSP, cf. également Recours du Conseil fédéral et de l'OFSP aux connaissances scientifiques pour la gestion de la crise du coronavirus, rapport de la CdG-N du 30.6.2023.

29 / 52

FF 2023 1956

nant l'adéquation d'une extension du certificat COVID-19. En effet, la protection indirecte ne figurait pas au premier plan de la décision d'extension du Conseil fédéral, mais constituait uniquement un argument secondaire. Par ailleurs, les connaissances scientifiques collectées durant l'année 2021 laissaient à penser que le vaccin permettait, dans une certaine mesure, de limiter la transmission du virus à d'autres personnes.

En ce qui concerne la nécessité de l'extension du certificat, la CdG-N estime, en se plaçant dans la situation des autorités, qu'il aurait été difficile ­ sur la base des informations disponibles à l'époque ­ d'envisager des mesures moins fortes permettant de garantir la protection de l'intérêt public de la santé. La commission constate que les autorités concernées ont veillé à ce que les mesures soient en vigueur uniquement durant le temps nécessaire, en les limitant dans leur nature, leur durée et leur portée spatiale. L'OFJ, en particulier, a interrogé par la suite de manière régulière la nécessité du maintien des mesures concernées.

Enfin, la commission constate que le Conseil fédéral a pris en compte, dans sa pesée d'intérêts concernant la proportionnalité au sens strict, l'ensemble des éléments pertinents, à savoir le risque d'infection lié au statut immunitaire (vacciné ou guéri), la nécessité de préserver le système hospitalier, la nécessité d'éviter de nouvelles fermetures généralisées, la nécessité de restreindre aussi peu que possible les droits fondamentaux, ainsi que les incertitudes liées au nouveau variant Omicron. La CdG-N estime que l'articulation et la pondération de ces différents critères constitue une décision politique du Conseil fédéral, qui porte la responsabilité finale de ses choix.

Elle constate que la décision du Conseil fédéral est cohérente par rapport aux orientations stratégiques qu'il avait définies plus tôt dans l'année 2021, notamment dans son rapport relatif au modèle des «trois phases».

7

Conclusions

Sur la base des informations à sa disposition, la CdG-N estime que le Conseil fédéral et les entités concernées de l'administration fédérale ont agi de manière globalement adéquate en ce qui concerne l'examen des critères fixés à l'art. 36 Cst. lors de la décision d'extension du certificat COVID-19 en décembre 2021.

Pour la commission, il est indéniable que cette décision constituait une restriction importante des droits fondamentaux et qu'une telle mesure doit être prise avec une grande retenue et dans le strict respect de la Constitution. De son point de vue, les explications fournies par le DFI, l'OFSP et l'OFJ sont cohérentes et montrent que ces autorités ont examiné de manière adéquate les critères fixés à l'art. 36 Cst., dans la limite des connaissances de l'époque et des possibilités liées au contexte particulier de la crise du COVID-19. Les bases de décision du Conseil fédéral ont tenu compte de manière adéquate de cet examen et le Conseil fédéral a pu se baser sur celui-ci pour procéder à sa pesée d'intérêts finale. La CdG-N n'a identifié aucun indice de manquement fondamental du point de vue de la haute surveillance sur la gestion. Elle estime toutefois que certains enseignements de portée générale peuvent être tirés de ce cas en vue de crises futures.

La commission tire un bilan globalement positif de la collaboration entre l'OFSP et l'OFJ concernant l'examen de la proportionnalité des mesures. Elle note que l'OFJ a 30 / 52

FF 2023 1956

été systématiquement consulté sur les projets d'ordonnance concernés et que les échanges entre les offices ont été nombreux et étroits. Au vu des délais restreints et des incertitudes sanitaires, la commission juge compréhensible que l'OFJ n'ait été en mesure, dans un premier temps, que de procéder à un examen sommaire de la constitutionnalité des mesures proposées. Elle relève par ailleurs que l'office a, par la suite, accordé une attention particulière au critère de la proportionnalité et a émis diverses remarques à sujet. La commission invite le Conseil fédéral à examiner diverses mesures visant à renforcer la fonction de contrôle de l'OFJ en période de crise (recommandation 1).

La CdG-N considère que l'argumentation selon laquelle l'extension du certificat COVID-19 disposait d'une base légale suffisante dans la LEp est recevable sur le plan juridique. De son point de vue, il est important que la loi laisse au Conseil fédéral une certaine marge d'appréciation concernant les mesures pouvant être adoptées, si cellesci sont plus modérées que d'autres mesures autorisées et que les autres critères constitutionnels sont respectés. Sur le plan de l'opportunité politique, la commission se demande toutefois s'il n'aurait pas été adéquat d'ajouter dans la loi, courant 2021, une disposition mentionnant de manière plus explicite l'objet et les buts du certificat, afin d'asseoir sa légitimité démocratique. La CdG-N relève néanmoins que la légitimité du certificat a été complétée de manière indirecte par plusieurs autres moyens (notamment diverses consultations et l'adoption de la loi COVID-19 en votation populaire).

Afin de prévenir des situations similaires en cas de pandémie future, la commission prie le Conseil fédéral d'examiner, lors de la révision prévue de la LEp, l'opportunité de préciser le cadre légal relatif au statut immunitaire (recommandation 2).

Concernant le critère de l'intérêt public prépondérant, la CdG-N estime qu'au regard des connaissances disponibles, il ne fait aucun doute que la pandémie de COVID-19 représentait une menace pour la santé publique. Par ailleurs, le début du mois de décembre 2021 constitue l'une des périodes de la pandémie où l'incertitude concernant l'évolution sanitaire était la plus grande. Enfin, le Conseil fédéral avait clairement fait part de son objectif de
focaliser les mesures sanitaires sur la protection du système hospitalier. La CdG-N estime en outre approprié que le Conseil fédéral se soit basé, pour son appréciation de la situation épidémiologique, sur une combinaison de plusieurs indicateurs et que ceux-ci aient été régulièrement réexaminés. Elle invite le Conseil fédéral à procéder à un bilan concernant la pertinence et la précision des indicateurs utilisés durant la pandémie de COVID-19 et à établir, sur cette base, une liste des indicateurs potentiels pouvant être utilisés en cas de pandémie future (recommandation 3). Par ailleurs, elle estime nécessaire que le Conseil fédéral examine l'opportunité de préciser les critères figurant dans la LEp pour déterminer le passage à la «situation particulière», respectivement le maintien de cette dernière (recommandation 4).

La commission estime que les autorités concernées ont traité de manière appropriée la question de la proportionnalité des mesures liées au certificat COVID-19. De son point de vue, le DFI et l'OFSP disposaient des informations les plus actuelles pour évaluer l'adéquation d'une extension du certificat. La commission constate en outre que les autorités ont veillé à ce que les mesures soient limitées tant dans leur nature que dans leur durée et leur portée spatiale. L'OFJ, en particulier, a interrogé de manière régulière la nécessité du maintien des mesures concernées. Enfin, la CdG-N note 31 / 52

FF 2023 1956

que le Conseil fédéral a pris en compte, dans sa pesée d'intérêts finale, l'ensemble des éléments pertinents. L'articulation et la pondération de ces éléments constitue une décision politique du Conseil fédéral, qui porte la responsabilité de ses choix. La commission souligne également l'importance de tenir compte du contexte de grande incertitude dans lequel les mesures ont été décidées.

La CdG-N invite le Conseil fédéral à tenir compte des constatations et recommandations formulées dans le présent rapport et le prie de bien vouloir lui remettre un avis à ce sujet d'ici au 4 octobre 2023.

30 juin 2023

Au nom de la Commission de gestion du Conseil national La présidente: Prisca Birrer-Heimo La secrétaire: Ursina Jud Huwiler Le président de la sous-commission DFI/DETEC: Thomas de Courten Le secrétaire de la sous-commission DFI/DETEC: Nicolas Gschwind

32 / 52

FF 2023 1956

Abréviations CdG

Commissions de gestion des Chambres fédérales

CdG-N

Commission de gestion du Conseil national

CDS

Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé

Cst.

Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101)

DETEC

Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication

DFI

Département fédéral de l'intérieur

EMS

Établissement médico-social

FF

Feuille fédérale

LEp

Loi fédérale du 28 septembre 2012 sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme (Loi sur les épidémies; RS 818.101)

Loi COVID-19

Loi fédérale du 25 septembre 2020 sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l'épidémie de COVID-19 (RS 818.102)

LParl

Loi du 13 décembre 2002 sur l'Assemblée fédérale (Loi sur le Parlement; RS 171.10)

NCS-TF

Swiss National Covid-19 Science Taskforce, taskforce nationale de conseil scientifique pour le COVID-19

OFJ

Office fédéral de la justice

OFSP

Office fédéral de la santé publique

OMS

Organisation mondiale de la santé

Ordonnance COVID-19 certificats

Ordonnance du 4 juin 2021 sur les certificats attestant la vaccination contre le COVID-19, la guérison du COVID-19 ou la réalisation d'un test de dépistage du COVID-19 (RS 818.102.2)

Ordonnance COVID-19 situation particulière

Ordonnance du 23 juin 2021 sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19 en situation particulière (RS 818.101.26)

PCR

Polymerase Chain reaction, réaction de polymérase en chaine

RS

Recueil systématique

Swissmedic

Institut suisse des produits thérapeutiques

33 / 52

FF 2023 1956

Annexe 1

Lettre du DFI à la CdG-N du 14 avril 2022 1. Remarques préliminaires En date du 17 décembre 2021, le Conseil fédéral a adopté des mesures supplémentaires et notamment l'introduction d'une restriction d'accès aux espaces intérieurs de certains établissements et installations aux seules personnes vaccinées ou guéries (restriction d'accès dite «2G»). Là où le port du masque n'était pas possible ou adéquat, l'accès était restreint aux seules personnes titulaires à la fois d'un certificat de vaccination ou de guérison et d'un certificat de test, ou aux titulaires d'un certificat de vaccination ou de guérison ne datant pas de plus de 120 jours (restriction d'accès dite «2G+»). Dans un premier temps, la durée de validité de ces mesures était limitée au 24 janvier 2022.

1

Il est indéniable que les mesures prises par le Conseil fédéral en situation particulière constituent des restrictions importantes des droits fondamentaux, notamment de la liberté personnelle (art. 10 Cst.) ainsi que de la liberté économique (art. 27 Cst.)128. La question de savoir si ces mesures ­ comme le défend le Comité Juristes ­ portent atteinte aux droits fondamentaux tels que définis dans la Constitution doit être évaluée sur la base d'un examen des conditions prévues à l'art. 36 Cst. [...]

2

Pour ce qui est des nombreuses prises de position qui suivent, il convient de relever que l'évaluation des mesures doit avoir lieu à la lumière des circonstances existant au moment de la décision du Conseil fédéral, et en l'état des connaissances qui prévalaient à ce moment.

3

2. Intérêt public: questions du Comité Juristes concernant les menaces pour la santé publique Afin d'évaluer juridiquement si la condition de restriction des droits fondamentaux, à savoir la poursuite d'un intérêt public, est remplie, il convient dans un premier temps de répondre aux diverses affirmations du Comité Juristes concernant les menaces pour la santé publique que représente le COVID-19.

4

128

Pour des approfondissements à ce sujet, nous renvoyons au traitement de la thématique des allégements en faveur des personnes vaccinées contre le COVID-19 par la CIP-E du 23.2.2021, notamment les positions de l'Office fédéral de la justice ainsi que des Professeurs Belser et Stöckli de l'Université de Fribourg. L'avis de droit de l'Office fédéral de la justice du 18.2.2021 relatif au cadre légal pour des distinctions en fonction du statut vaccinal est disponible à l'adresse suivante: www.bj.admin.ch/bj/fr/home/publiservice/publikationen/berichte-gutachten/2021-02-18.html.

34 / 52

FF 2023 1956

a. Surmortalité Affirmation 1. Le Comité Juristes estime que les chiffres de mortalité corrigés des variations démographiques pour la Suisse en 2021 sont, à la date de sa lettre, nettement inférieurs à la moyenne des dix années précédentes. Cela vaudrait même pour la tranche d'âge des plus de 70 ans129. Il ne s'agirait donc pas d'une menace grave et immédiate pour la santé publique.

5

Tant en automne et en hiver 2020/21 qu'en automne et en hiver 2021/22, une surmortalité a été enregistrée pendant plusieurs semaines (monitoring de la mortalité de l'OFS), qui correspond aux décès dus au COVID-19 déclarés. Pour plus d'informations sur la surmortalité, nous renvoyons aux réponses aux ch. 2.4 et 6.3.

6

b. Surcharge des hôpitaux Affirmation 2.1. Le Comité Juristes estime qu'au 15 décembre 2021, les lits d'hôpitaux en Suisse étaient occupés à 83 % et que la part des patients COVID n'était officiellement que de 7,2 % malgré l'épidémie130, et que les unités de soins intensifs étaient occupées à 80,4 %, la part des «patients COVID» étant officiellement de 34,5 %.

7

Les hôpitaux sont tenus de garder des lits disponibles pour les urgences. C'est pourquoi un taux d'occupation de 80 % des capacités doit être considéré comme élevé et indique une possible surcharge, au moins au niveau régional. En outre, des capacités ont été créées pour les personnes hospitalisées à cause du COVID-19 en reportant les interventions non urgentes. Celles-ci doivent toutefois être rattrapées. Le nombre d'interventions reportées n'a pas été relevé, mais en été 2020 (de mai à septembre), les unités de soins intensifs étaient occupées en moyenne par environ 550 patients non COVID-19, alors qu'en décembre 2021, la moyenne des patients non COVID-19 hospitalisés dans les unités de soins intensifs était de 388.

8

Affirmation 2.2. Un taux de disponibilité d'environ 20 % indique une exploitation normale131. En 2015 encore, on avait critiqué le fait qu'un taux d'occupation de «seulement» 80 % posait un problème: les hôpitaux étaient «trop grands» et donc non rentables132.

9

129

Source: Annexe à la lettre du Comité Juristes «Cas de décès par tranche d'âge en 2021 par rapport à la période 2010-2020 (à chaque fois jusqu'à la semaine 48) en Suisse».

130 OFSP, COVID-19 Suisse, Capacité hospitalière totale, www.covid19.admin.ch.

131 ELMIGER, Direktor (CEO) der Privatklinik Bethanien, in: Nau.ch, 16.9.2021, «Keine Krise: Spital-CEO kritisiert Angst-Berichterstattung», www.nau.ch/news/schweiz/keinekrise-spital-ceo-kritisiert-angst-bericht-erstattung-66003628.

132 FRIEDLI, NZZ, 5.4.2015, «Schweizer Spitaler nur zu 80 Prozent ausgelastet», www.nzz.ch/nzzas/nzz-am-sonntagleiskalte-betten-schweizer-spitaeler-nur-zu-80prozent-ausgelastet-1.18516688.

35 / 52

FF 2023 1956

Le taux d'occupation des hôpitaux a été relevé par le SSC à partir d'avril 2020. Le SSC ne peut pas fournir d'informations sur le taux d'occupation des années précédentes.

10

Affirmation 2.3. Le Comité estime qu'il n'y a jamais eu de triage dans les hôpitaux et que des lits de soins intensifs ont toujours été disponibles133.

11

Les données relatives au triage n'ont pas été collectées. Le manque de ressources disponibles a cependant été confirmé à plusieurs reprises par les hôpitaux, et démontré par le report des opérations.

12

Affirmation 2.4. Selon le Comité, ce ne sont de toute façon pas les personnes non vaccinées qui sont à l'origine de la surcharge du système de santé, mais ce sont tout de même elles qui sont pénalisées par le régime 2G. En effet, entre la fin de la «Semaine nationale de la vaccination» (14 novembre 2021), date à laquelle toutes les personnes en Suisse avaient eu accès à la vaccination, et le 15 décembre 2021, la répartition des décès dus au COVID-19 en fonction du statut vaccinal des patients décédés indique que 41,96 % d'entre eux avaient été déclarés «non vaccinés», 39,57 % «entièrement vaccinés», 0,92 % «partiellement vaccinés» et 17,56 % «statut inconnu»134.

13

Par rapport à leur proportion au sein de la population, les personnes non vaccinées sont plus souvent hospitalisées pour des maladies liées au COVID-19 que les personnes entièrement vaccinées, ce qui contribue de manière disproportionnée à l'utilisation du système de santé, comme le montrent les données suivantes pour la période du 27 décembre 2021 au 23 janvier 2022: 14

15

En ce qui concerne les hospitalisations: ­

133

Chez les personnes âgées de 0 à 59 ans, 906 hospitalisations au total ont été déclarées en rapport avec une infection par le SARS-CoV-2 confirmée en laboratoire. Parmi celles-ci, 630 (70 %) concernaient des personnes non vaccinées. Par rapport à leur proportion dans la population, l'incidence des hospitalisations chez les personnes non vaccinées de cette classe d'âge était de 25,7 pour 100 000 habitants (non vaccinés) et, chez les personnes entièrement vaccinées, de 7,0 pour 100 000 habitants (entièrement vaccinés). Les personnes

NZZ, 27.7.2021, «Die Spitaler sind das Nadelöhr der Pandemie. Waren sie je überlastet?

Und wieso haben sie Plätze abgebaut?» («hat trotz den Engpässen kein Spital eine explizite Patienten-Triage eingeführt»), www.nzz.ch/schweiz/spitaeler-in-der-coronakrisewaren-sie-je-ueberlastet-Id.1636298; vgl. auch SRF, 06.11.2020, «Triage-Entscheid soll für die ganze Schweiz gelten» («noch genügend Plätze vorhanden»; «Derzeit ist laut Pargger knapp die Hälfte der rund 900 zertifizierten Intensivplatze mit Corona-Patienten belegt, effektiv seien aber rund 1200 Plätze einsatzbereit.»), www.srf.ch/news/schweiz/ coronavirus-in-der-schweiz-triage-entscheid-soll-fuer-die-ganze-schweiz-gelten.

134 OFSP, COVID-19 Suisse, Décès en fonction du statut vaccinal, www.covid19.admin.ch/ fr/vaccination/status. Du 15.11.2021 au 15.12.2021 en chiffres absolus: 227 «non vaccinées», 214 «entièrement vaccinées», 5 «partiellement vaccinées» et 95 «inconnu» (état: 19.12.2021).

36 / 52

FF 2023 1956

vaccinées de moins de 60 ans ont donc dû être hospitalisées 3,7 fois moins souvent que les personnes non vaccinées.

­

16

Chez les personnes âgées de 60 ans et plus, 850 (49 %) des 1737 hospitalisations survenues au cours de la même période concernaient des personnes non vaccinées. L'incidence des hospitalisations était de 401,8 pour 100 000 habitants pour les personnes non vaccinées de cette classe d'âge et de 45,9 pour 100 000 habitants pour les personnes entièrement vaccinées, ce qui signifie que les personnes entièrement vaccinées ont été hospitalisées 8,8 fois moins souvent.

En ce qui concerne les décès: ­

En ce qui concerne les décès liés à l'infection par le SARS-CoV-2, l'incidence pour la même période dans la classe d'âge des 0 à 59 ans était de 0,69 pour 100 000 habitants chez les personnes non vaccinées et de 0,05 pour 100 000 habitants chez les personnes entièrement vaccinées. La population entièrement vaccinée a donc connu 13,7 fois moins de décès que la population non vaccinée de cette classe d'âge.

­

Dans la classe d'âge des 60 ans et plus, cette différence était encore plus marquée pour les décès, avec un facteur de 15,8, l'incidence des décès chez les personnes non vaccinées étant de 102,1 pour 100 000 habitants, contre 6,5 pour 100 000 habitants chez les personnes entièrement vaccinées.

Si l'on considère maintenant la proportion (et non plus les chiffres absolus) des personnes vaccinées et non vaccinées décédées par rapport à la population correspondante, les personnes non vaccinées sont excessivement touchées. Il convient également de noter que le nombre de décès est certes un indicateur approprié de la gravité des maladies, mais qu'il ne reflète pas directement la charge du système de santé.

Seule la moitié environ des décès confirmés en laboratoire135 survient dans les hôpitaux. L'autre moitié se produit en grande partie dans les EMS et, dans une moindre mesure, dans d'autres institutions médico-sociales et à domicile. Les hospitalisations de patients atteints d'une infection par le SARS-CoV-2 confirmée en laboratoire sont en revanche plus lourdes pour le système de santé. La prise en charge et les soins (en partie en unité de soins intensifs) des patients atteints du COVID-19 nécessitent non seulement des médicaments, des consommables médicaux, des appareils et des machines, mais pèsent aussi et surtout sur le personnel des soins intensifs, les médecins, le personnel de nettoyage ainsi que sur l'administration supplémentaire qui en découle.

17

135

Parmi tous les cas de décès confirmés en laboratoire survenus à partir du 5.10.2020 avec un résultat clinique de décès rempli, 47 % se sont produits dans les hôpitaux, 43 % dans les EMS et 3 dans d'autres lieux. Dans 7 % des cas, le lieu du décès n'était pas indiqué.

37 / 52

FF 2023 1956

c. Critique concernant la réduction du nombre de lits dans les hôpitaux Affirmation 3.1. Le Comité Juristes est d'avis que de 1982 à 2019, les capacités hospitalières ont été continuellement réduites en Suisse, et en particulier de 63 % en ce qui concerne le nombre de lits136.

18

Au cours des dernières décennies, les capacités hospitalières ont été continuellement réduites. Cette évolution s'explique en premier lieu par la préférence donnée aux traitements ambulatoires sur les hospitalisations, rendue possible notamment par les développements médicaux (p. ex. l'existence de nouvelles possibilités d'opération)137.

19

Affirmation 3.2. Selon le Comité, les capacités en termes de soins intensifs n'ont cessé de diminuer, d'environ 15 à 20 %, depuis l'apparition du COVID-19 en Suisse (à l'exception d'une courte phase de maximisation en mars/avril 2020)138.

20

Le nombre de lits a pu être augmenté à court terme en mars et avril 2020 grâce à la création de lits supplémentaires. Cela a été rendu possible par le report des interventions non urgentes dans toute la Suisse et le recours à du personnel spécialisé d'autres unités de soins. Les interventions non urgentes doivent toutefois être rattrapées et le personnel spécialisé d'autres services doit être réintégré dans sa fonction initiale. Le nombre de lits certifiés n'a guère évolué depuis le début de la pandémie (déc. 2019: 863 lits de soins intensifs, sept. 2021: 873, mars 2022: 884).

21

d. Critère non pertinent du nombre de cas, notamment en raison des nombreuses personnes asymptomatiques non contagieuses Affirmation 4.1. Le Comité Juristes est d'avis que la mesure du «nombre élevé de cas» n'a aucune valeur en soi, même selon l'OMS.

22

Le nombre de cas n'est pas un critère non pertinent, car depuis le dépistage à grande échelle, il constitue une première mesure importante de l'évolution de la pandémie.

D'une part, les personnes infectées par le SARS-CoV-2, même sans symptômes, contribuent à la propagation du virus (voir réponse 4.3.). D'autre part, l'incidence des cas, notamment dans les classes d'âge plus élevées, permet une estimation précoce, bien que prudente, de l'évolution des hospitalisations.

23

En complément du nombre de cas, l'OFSP publie depuis le printemps 2020 le nombre d'hospitalisations et de décès. Depuis l'été 2020, l'OFSP publie en outre ré24

136

H+, Les Hôpitaux de Suisse, «Hôpitaux, lits et population ­ Nombre d'hôpitaux et de lits par rapport à la population, dès 1947», www.hplus.ch/fr/chiffresstatistiques/moniteur-deshopitaux-et-cliniques-de-h/ensemble-de-la-branche/structures/hopitaux/hopitaux-lits-etpopulation.

137 Infrastructure, emploi, finances | Office fédéral de la statistique (admin.ch).

138 Source: OFSP, «Rapport sur la situation épidémiologique en Suisse et dans la Principauté de Liechtenstein (FL), Semaine 49 (6.12­12.12.2021), p. 14, p. 23», www.bag.admin.ch/dam/bag/de/dokumente/mt/k-und-ilaktuelle-ausbrueche-pandemien/2019-nCoV/covid-19-woechentlicher-lagebericht.pdfdownload.pdf/BAG_COVID19_Woechentliche_Lage.pdf, www.covid19.admin.ch/fr/hosp-capacity/icu.

38 / 52

FF 2023 1956

gulièrement le taux d'occupation dans les unités de soins intensifs. Ensemble, tous ces indicateurs fournissent des informations sur la dynamique ou l'évolution de la pandémie. C'est pourquoi ils constituaient un élément central des notes d'information adressées au Conseil fédéral. Dans le cadre du modèle des trois phases139, des valeurs indicatives ont été déterminées pour ces quatre indicateurs au printemps 2021 afin d'évaluer la possibilité d'assouplissements des mesures relatives à la pandémie.

Affirmation 4.2. Selon le Comité, les résultats des tests PCR ne permettent pas à eux seuls de tirer des conclusions solides sur une menace réelle pour la santé publique car les résultats peuvent être positifs même en l'absence de maladie symptomatique.

25

Le DFI convient que les tests PCR ne permettent pas à eux seuls de tirer des conclusions solides sur une menace réelle pour la santé publique. C'est pourquoi plusieurs sources de données et d'évaluations ont été utilisées tout au long de la pandémie afin de soutenir les processus décisionnels.

26

Outre les études citées par le Comité, plusieurs études ont montré que des virus infectieux ont également été cultivés par des patients présentant des valeurs Ct élevées.

27

La réponse à la question 4.3 ci-dessous donne également une estimation de la possibilité de transmission par des personnes asymptomatiques.

28

Affirmation 4.3. De plus, la prétendue importance de la transmission asymptomatique aurait été réfutée depuis longtemps.

29

Les personnes infectées asymptomatiques contribuent également à la propagation du virus, de sorte que les personnes vulnérables sont également exposées à un risque plus élevé. Des études récentes, y compris des méta-analyses, montrent clairement que les personnes infectées asymptomatiques peuvent transmettre des virus vivants et infecter d'autres personnes, même si le risque de transmission est moindre que chez les personnes symptomatiques140.

30

Affirmation 4.4 Le nombre élevé de cas que l'on déplore ne proviendrait donc pas exclusivement de personnes malades ou suspectées d'être infectées. Il serait plutôt fabriqué de manière ciblée par des tests excessifs effectués sur des personnes saines et asymptomatiques. La dissociation observée depuis longtemps entre les «cas confirmés en laboratoire» et les «décès confirmés en laboratoire» en serait une autre preuve.

31

139

Coronavirus: le Conseil fédéral présente les prochaines étapes avec le modèle des trois phases (admin.ch).

140 Cf. par ex. https://jammi.utpjournals.press/doi/full/10.3138/jammi-2020-0030.

Pour une comparaison de l'étude de Wuhan avec d'autres études, cf. www.thelancet.com/journals/lanepe/article/PIIS2666-7762(21)00059-4/fulltext.

39 / 52

FF 2023 1956

Les réponses ci-dessus traitent déjà de la transmissibilité du SARS-CoV-2 par des personnes infectées asymptomatiques. En outre, une proportion de tests PCR positifs supérieure à 15 % (comme observé en décembre 2021) indique que les personnes testées sont majoritairement symptomatiques. Depuis le début de l'année 2022, la proportion de tests positifs est même passée à plus de 30 %, ce qui suggère un nombre élevé de cas non déclarés.

32

La dissociation entre le nombre de cas et le nombre de décès est principalement due à la couverture vaccinale élevée dans les classes d'âge présentant un risque plus élevé de maladie grave. Cette évolution a commencé à être visible au printemps 2021, lorsqu'une grande partie des personnes à risque étaient déjà vaccinées. Elle a été renforcée par le variant Omicron, résistant aux anticorps, qui a certes entraîné des infections (nombre élevé de cas), mais guère de cas graves (décès), en particulier chez les personnes vaccinées. De plus, le variant Omicron entraîne rarement des évolutions graves, même chez les personnes non vaccinées. Au moment de l'introduction de la 2G (20.12.2021), on ne disposait toutefois que de peu de preuves concernant ces propriétés du variant Omicron et les statistiques de divers pays de comparaison présentant une proportion plus élevée d'infections à Omicron ont fait état d'une augmentation (parfois nette) du nombre d'hospitalisations141, 142. L'exemple de Hong-Kong, où la couverture vaccinale était nettement plus faible, notamment dans les groupes de population plus âgés, et où le nombre de décès quotidiens le plus élevé jamais mesuré dans le monde n'a été enregistré que pendant la vague Omicron, montre à quel point les contaminations sont dangereuses, même avec le variant Omicron moins grave.

D'autres pays ont enregistré des taux de contamination tout aussi élevés, mais des taux de mortalité nettement plus faibles.

33

e. Appréciation juridique: la condition de l'intérêt public est remplie Fondé sur ce qui précède, le DFI est d'avis qu'en l'état au 17 décembre 2021, la menace pesant sur les systèmes de soins, par le risque de surcharge dû à la combinaison des variants Delta et Omicron, hautement infectieux, représentait une menace pour la santé publique. Une hausse du nombre de décès à l'automne et en hiver 2021 montre, a posteriori, que le nombre de cas et la surmortalité sont en lien. Les mesures adoptées visaient donc la sauvegarde de l'intérêt public à la santé, en évitant une surcharge des structures de soins.

34

3. Principe de légalité: question du Comité Juristes sur les bases légales Affirmation 5. Selon le Comité Juristes, aucune base légale [pour le certificat 2G] ne peut être trouvée dans la loi COVID-19 ou dans la loi sur les épidémies, comme c'était déjà le cas pour l'obligation de certificat 3G.

35

141

WHO HQ, Enhancing readiness for omicron (B.1.1.529): Technical Brief and Priority Actions for Member States, 10. Dezember 2021, 20211208-global-technical-brief-andpriority-action-on-omicron---final_rev_2021-12-11.pdf (who.int).

142 WHO, COVID-19 Weekly Epidemiological Update, Edition 70, 14. December 2021, Weekly epidemiological update on COVID-19 ­ 14 December 2021 (who.int).

40 / 52

FF 2023 1956

Tout comme les restrictions d'accès aux personnes vaccinées, guéries et testées négatives, la restriction d'accès 2G et 2G+ prévue dans l'ordonnance COVID-19 situation particulière (RS 818.101.26, état le 20 décembre 2021) se fonde sur l'art. 6, al. 2, let. b, en lien avec l'art. 40 LEp. Selon l'art. 6, al. 2, let. b, LEp, le Conseil fédéral peut en effet, en situation particulière et après consultation des cantons, ordonner les mesures visant les individus et la population (let. a et b). Les mesures concernant la population sont prévues précisément à l'art. 40 LEp. Selon l'art. 40, al. 2, LEp, les mesures suivantes peuvent notamment être prises: une interdiction totale ou partielle de manifestations (let. a), la fermeture d'écoles, d'autres institutions publiques ou entreprises privées ou une réglementation de leur fonctionnement (let. b) ou encore une interdiction ou limitation d'entrée ou de sortie de certains bâtiments ou zones, ou de certaines activités se déroulant dans des endroits définis (let. c).

36

Cet article contient plusieurs mesures ayant pour but de limiter les contacts entre les personnes ou d'éviter toute exposition dans un environnement contaminé afin de réduire la probabilité pour les individus d'être exposés à un agent pathogène et donc infectés. Ces mesures sont d'ordre collectif (éloignement social) et visent avant tout les manifestations, les écoles et les entreprises qui, vu le nombre de personnes qui y sont rassemblées, sont particulièrement propices à la propagation de certaines maladies (p. ex. grippe ou rougeole). Les interdictions et les restrictions prévues par cet article visent à réduire les contaminations en empêchant ou en freinant l'extension de maladies transmissibles. Au moment de décider si des mesures concrètes doivent être prises, il convient de prendre en considération le contexte épidémiologique à l'échelle nationale et internationale (lieu, expansion et évolution du foyer infectieux, infectiosité, groupes particulièrement concernés) ainsi que les caractéristiques de la manifestation, de l'école ou de l'entreprise (origine des participants et nombre, appartenance des élèves à des groupes fortement exposés, etc.). La durée des mesures ordonnées doit être limitée au temps nécessaire pour éviter la propagation d'une maladie transmissible. De ce fait, les autorités compétentes sont tenues d'en contrôler régulièrement le bien-fondé (FF 2011 291, 372).

37

Le DFI est d'avis que la décision du Conseil fédéral du 17 décembre 2021 d'adopter de nouvelles restrictions d'accès aux manifestations et à certains établissements et institutions, limitant l'accès selon les règles 2G et 2G+, se fonde sur l'art. 6, al. 2, let. b en lien avec l'art. 40, al. 2, let. a et b, LEp. La base légale permettant la fermeture d'établissement, elle permet également, à titre de mesure moins restrictive, une restriction d'accès à certaines conditions. Pour de plus amples explications sur les bases légales, nous renvoyons à la question 1 posée par la CdG à l'OFJ.

38

4. Questions du Comité Juristes relatives à l'efficacité et à la proportionnalité des mesures Le Conseil fédéral doit en outre veiller au respect de la proportionnalité des mesures qu'il ordonne. Les mesures doivent être aptes et nécessaires à remplir le but poursuivi, soit en l'espèce la protection de la santé publique contre une surcharge des infrastructures. Enfin, une mesure portant davantage atteinte aux libertés ne devrait pas être maintenue si le but poursuivi peut vraisemblablement être atteint avec une mesure moindre.

39

41 / 52

FF 2023 1956

Afin d'évaluer la proportionnalité des mesures adoptées par le Conseil fédéral le 17 décembre 2021, il convient d'évaluer la situation épidémiologique prévalant à cette date. Il convient dès lors de répondre aux diverses affirmations du Comité Juristes sur la nécessité et l'aptitude des mesures.

40

a. Explications sur les risques rencontrés par les personnes vaccinées et sur la faible dangerosité du COVID-19 Affirmation 6.1. Selon le Comité Juristes, les données internationales indiqueraient même que les personnes vaccinées présenteraient un risque accru de maladie, d'hospitalisation et de décès suite à une infection au COVID-19: ainsi, selon les chiffres actuels en Angleterre, 6 cas de COVID-19 sur 10, 6 hospitalisations pour COVID-19 sur 10 et 8 décès pour COVID-19 sur 10 sont générés par des personnes entièrement «vaccinées».

41

Le rapport de la UK Health Security Agency cité par le Comité (COVID-19 vaccine surveillance report, Week 48)143 indique explicitement qu'avec une couverture vaccinale élevée, une grande partie des cas, des hospitalisations et des décès sont à attendre chez les personnes vaccinées. En effet, il y a beaucoup plus de personnes vaccinées que de personnes non vaccinées dans la population et un vaccin (même très efficace) ne protège jamais à 100 %144.

42

La notion de «risque accru» dans l'argumentaire du Comité doit donc être interprétée avec prudence. Les chiffres d'hospitalisation et de décès doivent toujours être considérés par rapport à la population vaccinée ou non vaccinée (taux d'incidence), afin de pouvoir se prononcer sur le risque relatif (voir la réponse à la question 2.4 ci-dessus).

43

Les données du système suisse de surveillance hospitalière (CH-SUR)145 montrent que les patients totalement immunisés, bien qu'ils représentent une part plus importante de la population (particulièrement dans les groupes de population plus âgés), sont en proportion moins nombreux parmi les personnes hospitalisées146. Il en va de même pour le nombre de décès en fonction du statut immunitaire147.

44

L'affirmation selon laquelle les personnes vaccinées présentent un risque accru de maladie, d'hospitalisation et de décès après une infection au COVID-19 est clairement et manifestement fausse. Toutes les données internationales et nationales démontrent que la vaccination contre le COVID-19 protège contre les évolutions graves, y compris celles menant à une hospitalisation et à un transfert dans une unité de soins intensifs. Le risque d'évolution grave est plusieurs fois plus élevé pour les personnes non vaccinées que pour les personnes vaccinées. La vaccination contribue donc de manière 45

143 144

Cf. COVID-19 vaccine surveillance report ­ week 48 (publishing.service.gov.uk).

Voir sur ce sujet la p. 30, COVID-19 vaccine surveillance report ­ week 48 (publishing.service.gov.uk).

145 Cf. le système de surveillance sentinelle hospitalière (CH-SUR).

146 Voir sur ce sujet la section 4.1 du rapport de février 2022 sous www.bag.admin.ch/dam/bag/fr/dokumente/mt/k-und-i/aktuelle-ausbrueche-pandemien/2019-nCoV/sur-bericht-februar-2022.pdf.download.pdf/2022_02_report_full_introFR_2022_02_22.pdf.

147 Voir sur ce sujet la section 4.3 du rapport mentionné en note 146.

42 / 52

FF 2023 1956

décisive à la réduction de la charge de morbidité, tant pour l'individu que dans une perspective sociétale.

Affirmation 6.2. Selon le Comité Juristes, les personnes vaccinées pourraient transmettre le virus aussi bien que les personnes non vaccinées et, en cas de «percée du virus», tomber malades aussi gravement que les personnes non vaccinées.

46

La majorité des personnes vaccinées sont protégées contre l'infection. Cette protection est initialement élevée et diminue avec le temps, mais peut être restaurée pour une certaine période par une vaccination de rappel148. Au niveau de la population, elle entraîne une nette réduction de la transmission. La protection vaccinale contre l'infection n'est toutefois pas absolue et dépend notamment des variants prédominants ou émergents. En d'autres termes, même les personnes vaccinées, si elles sont infectées, peuvent contaminer d'autres personnes, même si elles ne tombent pas elles-mêmes gravement malades. Pour éviter une contamination au niveau individuel et une éventuelle propagation, la vaccination doit être complétée par des mesures de protection et de prévention (p. ex., le port du masque). En cas de risque particulier, cela vaut également pour les personnes vaccinées, pour lesquelles une évaluation individuelle des risques doit être effectuée. La vaccination offre une protection durable contre les formes graves de la maladie149.

47

Affirmation 6.3. Dans l'ensemble, le SARS-CoV-2 ne représenterait pas un risque plus important que celui de la grippe saisonnière: une étude d'octobre 2020 aurait calculé une létalité globale de 0,15 % à 0,20 %; pour les personnes de moins de 70 ans, elle ne serait que de 0,03 à 0,04 %. Une étude plus récente considérerait une létalité globale de 0,15 %. Chez les enfants et les adolescents, on estimerait que la létalité du SARS-CoV-2 ne serait que de 0,0027 %, ce qui signifie que le «risque» pour eux tendrait vers zéro.

48

Pour des maladies telles que la grippe et le COVID-19, qui peuvent être légères ou graves, il faut s'attendre à un nombre élevé d'infections non déclarées. Les estimations de létalité (nombre de décès par rapport au nombre de personnes infectées) reposent donc sur de nombreuses hypothèses ­ contrairement à celles concernant la mortalité (nombre de décès rapporté à la population). La létalité et la mortalité peuvent varier en fonction du variant viral en circulation et de l'immunité préexistante dans la population. En cas d'infection très élevée, même un virus à létalité modérée peut entraîner une mortalité élevée, une menace pour la santé publique et un préjudice économique important. C'est ainsi qu'en Suisse, en même temps que les vagues épidémiques de COVID-19, on a observé une surmortalité parfois élevée150, 151 chez les 49

148

https://sciencetaskforce.ch/en/policy-brief/protection-duration-after-vaccination-or-infection-and-efficacy-of-a-third-dose-by-vaccination-or-booster-by-infection/ 149 Ibid.

150 Office fédéral de la statistique. Mortalité, causes de décès. Décès par semaine de 2020 à 2022, consulté le 14.3.2022 sous Mortalité, causes de décès | Office fédéral de la statistique (admin.ch).

151 Office fédéral de la statistique, Suivi de la mortalité (MOMO), consulté le 14.3.2022 sous Suivi de la mortalité (MOMO) | OFS ­ Experimental Statistics (admin.ch).

43 / 52

FF 2023 1956

personnes de 65 ans et plus. Cela a également été le cas lors de certaines fortes épidémies de grippe saisonnière (p. ex., en 2017), mais dans une mesure nettement moindre et ce, bien qu'aucune mesure étatique n'ait été prise. Des modélisations récentes estiment, sur la base des données de surmortalité, que la mortalité liée au COVID-19 devrait être trois fois plus élevée que le nombre de décès enregistrés, au niveau mondial, et 1,3 fois plus élevée pour la Suisse152. Cela correspond à 18,2 millions de décès dans le monde pour 2020­21 (soit 9,1 millions par an). En revanche, le nombre de décès liés à la grippe dans le monde est estimé entre 291 000 et 646 000 par an153, 154.

Pendant la phase pandémique, la mortalité liée au COVID-19 a donc été, en Suisse comme dans le monde, nettement plus élevée que la mortalité liée à la grippe saisonnière.

Affirmation 6.4. En Suisse, dans les classes d'âge de 0 à 9 ans et de 10 à 19 ans, seuls trois décès (sur un total de plus de 11 000 décès) auraient été enregistrés en relation avec un test PCR positif entre le 24.2.2020 et le 5.12.2021, le dernier aux alentours du 28.3.2021.

50

51

Il a été en effet réjouissant de constater que les enfants étaient moins touchés.

b. Affirmations sur la dangerosité des mesures Affirmation 7. Selon le Comité Juristes, depuis l'adoption de la règle des 2G le 17 décembre 2021, il y a eu une augmentation disproportionnée des nouvelles infections ou des décès associés au COVID-19 dans les EMS.

52

L'analyse des données montre que le nombre de nouvelles infections et de décès associés au COVID-19 dans les EMS est resté stable à un niveau très bas depuis l'entrée en vigueur de la règle des 2G. La proportion d'hospitalisations nécessaires chez les résidents d'EMS est également plus faible que lors des vagues précédentes.

53

La prévention des infections dans les EMS ne se limite toutefois pas à une seule mesure, mais com- prend un ensemble de mesures dynamiques qui sont régulièrement adaptées à la situation épidémiologique. La règle des 2G ­ valable exclusivement dans les zones de l'institution accessibles au public (restaurants, cafés) ­ est une mesure parmi de nombreuses autres, comme le port systématique du masque par tous les visiteurs et collaborateurs, les tests répétés, la gestion des visiteurs, l'isolement ou la quarantaine.

54

152

COVID-19 Excess Mortality Collaborators, Estimating excess mortality due to the COVID-19 pandemic: a systematic analysis of COVID-19-related mortality, 2020­21 ­ ScienceDirect, Lancet, 2022.

153 Iuliano A, Estimates of global seasonal influenza-associated respiratory mortality: a modelling study ­ The Lancet, 2017.

154 Paget, Global mortality associated with seasonal influenza epidemics: New burden estimates and predictors from the GLaMOR Project ­ PubMed (nih.gov), 2019.

44 / 52

FF 2023 1956

c. Appréciation juridique: la condition de la proportionnalité des mesures est remplie Selon le DFI, l'adoption par le Conseil fédéral, le 17 décembre 2021, des restrictions d'accès à certains établissements, institutions et manifestations en intérieur aux personnes vaccinées et guéries s'avère conforme au principe de proportionnalité. Les mesures étaient en effet aptes, nécessaires et proportionnées au but poursuivi, compte tenu de la situation très tendue dans les hôpitaux et de l'état des connaissances au moment de la prise de décision.

55

Bien que l'immunité ne protège qu'en partie contre la transmission du variant Omicron, il est reconnu qu'elle protège d'une manière efficace contre des formes graves de la maladie et des hospitalisations. L'accès à certaines manifestations et entreprises a été interdit aux personnes n'ayant qu'un résultat de test négatif. L'objectif était de réduire le risque d'infection des personnes non immunisées, qui transmettent plus facilement le virus et peuvent tomber gravement malades (et éventuellement nécessiter une hospitalisation). L'obligation de port du masque était une mesure supplémentaire apte à la protection contre le risque de transmission du virus. Le variant Omicron étant largement résistant aux anticorps et transmissible, les mesures renforcées (port du masque obligatoire) concernaient également la partie vaccinée et guérie de la population. Là où l'obligation de port du masque ne pouvait pas être respectée, il était également nécessaire de restreindre l'accès aux personnes guéries ou vaccinées présentant un résultat négatif de test ou fraîchement vaccinées ou guéries, de manière à réduire fortement les risques d'infection lorsque cela est nécessaire pour empêcher une mise en danger du fonctionnement des hôpitaux. Il faut tenir compte du fait que de telles restrictions d'accès servent à protéger le système de santé d'une surcharge, d'autant plus qu'en limitant l'accès aux titulaires de certificats 2G et 2G+, on diminue le risque de transmission et donc le risque d'augmentation du nombre de personnes malades nécessitant un traitement hospitalier. L'objectif principal du Conseil fédéral dans le prononcé des me- sures, à savoir la protection des structures hospitalières, était ainsi garanti et les mesures étaient aptes à remplir le but escompté.

56

Les mesures de restrictions d'accès 2G et 2G+ s'avéraient nécessaires, c'est-à-dire qu'elles n'étaient pas excessives, tant par leur nature, car il s'agissait de conditions d'accès et pas d'interdiction totale d'accès, que par leur durée, car les mesures étaient initialement prévues pour une durée limitée au 24 janvier 2022, ou enfin par leur portée spatiale, car elles se limitaient à certaines institutions et établissements du domaine des loisirs, du divertissement, des sports et de la culture et ne concernaient pas l'offre de biens et services de consommation courante. En outre, il faut tenir compte du fait qu'à la mi-décembre 2021, le variant Delta prévalait toujours et que l'on ne disposait pas encore de connaissances suffisamment sûres sur Omicron et le risque qu'il représentait.

57

[...]

Pour conclure, il convient de souligner que le Conseil fédéral a délibérément limité les mesures dans le temps, conformément à la proposition du DFI. Cela traduit la volonté du Conseil fédéral de réexaminer en permanence les mesures en question et les restrictions des droits fondamentaux qui en découlent quant à leur nécessité ou à la lumière des critères énoncés à l'art. 36 Cst. Dans ce contexte-là, le DFI et l'OFSP ont 58

45 / 52

FF 2023 1956

eu des échanges réguliers avec d'autres services fédéraux concernés. Ils ont en particulier pris connaissance des questions soulevées par l'Office fédéral de la justice dans le cadre de la consultation pour un projet de mesures supplémentaires fin décembre 2021 (prise de position de l'OFJ du 28 décembre 2021) ainsi que d'un projet de prolongation des mesures mi-janvier 2022 (prise de position de l'OFJ du 17 janvier 2022). Les questions soulevées par l'OFJ dans ce cadre ont fait l'objet de discussions et d'analyses approfondies. Se fondant sur la proposition du DFI, le Conseil fédéral a pris, en toute transparence et connaissance de cause, des décisions difficiles si l'on considère les nombreuses incertitudes qui régnaient à cette période sur la situation, en se basant sur le principe de pré- voyance et sur l'état des connaissances prévalant.

Pour ce faire, il a été en contact étroit avec la Swiss National COVID-19 Science Task Force. Dans le cadre du réexamen régulier du dispositif de mesures visant à endiguer la pandémie de COVID-19, le Conseil fédéral a finalement levé dès la mi-février 2022 les restrictions d'accès aux personnes titulaires d'un certificat COVID-19.

46 / 52

FF 2023 1956

Annexe 2

Lettre de l'OFJ à la CdG-N du 13 avril 2022 1. Question 1: base juridique du certificat obligatoire L'obligation de limiter l'accès à certains lieux ou manifestations aux personnes disposant d'un certificat de vaccination ou de guérison COVID-19 («certificat sanitaire») reposait sur la loi fédérale du 28 septembre 2012 sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme (loi sur les épidémies, LEp, RS 818.101) et sur l'ordonnance du 23 juin 2021 sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19 en situation particulière (ordonnance COVID-19 situation particulière, RS 818.101.26, remplacée depuis lors par l'ordonnance du même nom du 16 février 2022), fondée sur cette loi.

1

Par des révisions successives de l'ordonnance COVID-19 situation particulière, le Conseil fédéral a édicté pour la première fois en juin 2021 une obligation de présenter un certificat, notamment concernant les grandes manifestations, les discothèques et d'autres établissements culturels et sportifs (RO 2021 379), l'a étendu ensuite à d'autres domaines (RS 2021 542 et 2021 813), a édicté en décembre 2021 une obligation de durée limitée de présenter un certificat 2G, notamment à l'intérieur des établissements de restauration, des bars et des boîtes de nuit dans lesquels la consommation a lieu sur place, et une obligation de durée limitée de présenter un certificat 2G+ dans les discothèques et les établissements culturels et sportifs (RO 2021 882), avant enfin de supprimer le certificat obligatoire en février 2022 (RO 2022 97)155.

2

Selon l'art. 5, al. 1, de la Constitution (Cst., RS 101), le droit est «la base et la limite de l'activité de l'État» (principe de légalité). Selon l'acception générale de cette norme, ce principe comprend quatre éléments. Dans le cas qui nous occupe, nul ne semble contester que l'obligation de présenter un certificat a été imposée sous la forme d'une norme générale et abstraite (exigence de la règle de droit) et a été publiée dans les règles (exigence de la publicité suffisante). Nous ne nous étendrons pas sur ces deux points.

3

Par contre, la requête du Comité Juristes (plus précisément les contributions et articles de presse cités dans les notes de bas de page 18 à 23 de ce document) met en question le respect des exigences en matière de rang normatif et de précision de la base légale.

4

Selon le principe du rang normatif, les «dispositions importantes fixant des règles de droit», notamment les «dispositions fondamentales» qui restreignent gravement les droits fonda- mentaux doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale (art. 36, 5

155

Le Conseil fédéral a en outre édicté l'ordonnance du 4.6.2021 sur les certificats attestant la vaccination contre le COVID-19, la guérison du COVID-19 ou la réalisation d'un test de dépistage du COVID-19 (ordonnance COVID-19 certificats, RS 818.102.2), fondée sur l'art. 6a de la loi fédérale du 25.9.2020 sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l'épidémie de COVID-19 (loi COVID-19, RS 818.102). L'ordonnance COVID-19 certificats règle notamment les conditions d'établissement des certificats sanitaires et leur durée de validité. Elle ne constitue pas une base juridique pour l'obligation de présenter un certificat.

47 / 52

FF 2023 1956

al. 1, 2e phrase, et 164, al. 1, let. b, Cst.). Le principe de la précision de la base légale, quant à lui, requiert que les normes juridiques soient suffisamment précises pour le sujet de droit puisse orienter son comportement en fonction de cette norme et appréhender les conséquences d'un comportement donné avec un certain degré de certitude (ATF 119 IV 242 c. 1c).

Comme on l'a exposé en introduction, le certificat obligatoire se fondait sur les dispositions de la section 4 de l'ordonnance COVID-19 situation extraordinaire ­ chaque fois dans la version en vigueur à ce moment-là ­, section qui se fondait elle-même sur l'art. 6 de la loi sur les épidémies. L'art. 6, al. 2, let. a et b, LEp a la teneur suivante: 6

«Le Conseil fédéral peut, après avoir consulté les cantons: a.

ordonner des mesures visant des individus;

b.

ordonner des mesures visant la population;»

L'art. 6 LEp satisfait sans conteste à l'exigence du rang normatif, puisqu'il s'agit d'une disposition de loi au sens formel.

7

Nous démontrerons ci-dessous que la loi sur les épidémies répond aussi au principe de la précision de la base légale en ce qui concerne le certificat obligatoire.

8

L'art. 6, al. 2, let. a et b, LEp est la base légale formelle de l'ordonnance COVID-19 situation particulière (et donc du certificat obligatoire), mais il convient de replacer ces dispositions dans le contexte des autres articles de la loi sur les épidémies. Celleci fait une distinction entre la situation normale, la situation particulière (art. 6) et la situation extraordinaire (art. 7). En passant de la situation normale à l'une des deux autres, on provoque une «escalade» des compétences, c'est-à-dire que les attributions des organes d'exécution ordinaires passent au Conseil fédéral. Celui-ci, pour faire le nécessaire, peut ordonner des «mesures visant des individus» ou «visant la population».

9

Ces termes sont très ouverts. Cependant, selon les travaux préparatoires, la marge de manoeuvre du Conseil fédéral se limite aux mesures citées aux art. 31 à 38 et 40 LEp (message du 3 décembre 2010 concernant la révision de la LEp, ci-après «message LEp», FF 2011 291, 345). Les art. 30 à 40 LEp concrétisent l'art. 6 LEp en déterminant la liste des mesures à la disposition de la Confédération. À l'égard des individus, le Conseil fédéral peut ordonner par exemple une quarantaine (art. 35 LEp) ou restreindre l'exercice de certaines activités ou d'une profession (art. 38 LEp). Envers la population ou certains groupes de personnes, il peut notamment prononcer l'interdiction totale ou partielle de manifestations, fermer des écoles, d'autres institutions publiques ou des entreprises privées, ou réglementer leur fonctionnement, ou bien encore interdire ou limiter l'entrée et la sortie de certains bâtiments ou zones, ou certaines activités se déroulant dans des endroits définis (art. 40, al. 2, LEp). Ces mesures collectives ont ceci en commun qu'elles doivent réduire la probabilité pour les individus d'être exposés à un agent pathogène et donc infectés («éloignement social»; voir le message LEp, p. 372).

10

La liste des mesures visant la population ou certains groupes de personnes n'est pas exhaustive (comme l'exprime le terme «en particulier» dans la phrase introductive de l'art. 40, al. 2, LEp); le Conseil fédéral peut donc prendre d'autres mesures nécessaires. La LEp lui laisse délibérément une marge d'appréciation conséquente. Comme 11

48 / 52

FF 2023 1956

il n'est pas possible au législateur de toutes les décrire par avance, la LEp commet assez largement au gouvernement le soin de prendre par voie d'ordonnance des mesures en accord avec le but de la loi (art. 2 LEp).

L'art. 40 LEp concrétise néanmoins dans une vaste mesure la norme de principe de l'art. 6, al. 2, let. b, LEp en mentionnant des exemples de mesures possibles. Le fait que le certificat obligatoire ne soit pas cité nommément n'est pas d'une importance décisive. En effet, l'art. 40 LEp autorise le Conseil fédéral à prendre des mesures amples et incisives lorsque c'est nécessaire pour combattre une maladie transmissible, telles qu'interdire des manifestations ou fermer des écoles, des institutions publiques ou des entreprises privées. Comparé à ces restrictions, le certificat obligatoire est une mesure plus modérée, qui visait d'ailleurs à éviter au Conseil fédéral de fermer des établissements ou d'interdire des manifestations. Si le gouvernement a le pouvoir de prendre des mesures aussi fortes, il doit a fortiori avoir celui de prendre une mesure plus tempérée qui poursuit le même but (réduire la probabilité pour les individus d'être exposés à un agent pathogène et donc infectés). C'est là un corollaire du principe de la proportionnalité (art. 5, al. 2, et 36, al. 3, Cst.).

12

Le fait que le certificat obligatoire ne soit pas mentionné aux art. 6 et 40 LEp est également compatible avec la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant le principe de précision de la base légale. Il souligne que cette exigence: 13

«ne doit pas être comprise d'une manière absolue. Le législateur ne peut pas renoncer à utiliser des définitions générales ou plus ou moins vagues, dont l'interprétation et l'application sont laissées à la pratique. Le degré de précision requis ne peut pas être déterminé de manière abstraite. Il dépend, entre autres, de la multiplicité des situations à régler, de la complexité ou de la prévisibilité de la décision à prendre dans le cas particulier, du destinataire de la norme, ou de la gravité de l'atteinte aux droits constitutionnels; il dépend aussi de l'appréciation que l'on peut faire, objectivement, lorsque se présente un cas concret d'application» (arrêt du TF 6B_786/2020 du 11 janvier 2021 [traduction]; voir ATF 132 I 49 c. 6.2; confirmé dans le contexte de la pandémie de COVID-19 par l'ATF 147 I 478 c. 3.1.2).

14

Étant donné ce qui précède, la formulation ouverte des art. 6, al. 2, et 40 LEp doit être vue comme l'expression de l'impossibilité pour le législateur, en particulier s'agissant de la lutte contre une maladie transmissible, de prévoir dans les moindres détails quelles mesures seront nécessaires et conformes au principe de proportionnalité pour parer au danger dans un con- texte en évolution rapide. Le Tribunal fédéral le reconnaît également lorsqu'il constate, spécifiquement en relation avec la pandémie de COVID-19, que: 15

«lorsqu'il est nécessaire d'ordonner des mesures de police pour parer à des dangers difficilement prévisibles et les adapter sur-le-champ aux circonstances concrètes, il faut accepter d'être un peu moins exigeant par rapport à l'exactitude de la base légale. Dans le cas des normes indéterminées, le principe de proportionnalité prend une im- portance particulière: lorsque la sécurité juridique est amoindrie du fait de l'indétermi- nation des règles de droit, la proportionnalité des mesures doit être examinée d'autant plus attentivement» (ATF 147 I 478 c. 3.1.2 [traduction]; voir aussi ATF 143 I 310 c. 3.3.1).

16

49 / 52

FF 2023 1956

En conclusion: la loi sur les épidémies nomme de manière non exhaustive les mesures que le Conseil fédéral peut prendre dans une situation particulière ou extraordinaire. Comme le confirme la jurisprudence du Tribunal fédéral, le législateur ne peut en effet pas déterminer totalement à l'avance les mesures nécessaires dans le domaine de la lutte contre les dangers sanitaires. La loi donne donc au Conseil fédéral un vaste pouvoir d'appréciation. S'il peut prendre des mesures très incisives telles qu'ordonner des fermetures et interdire des manifestations, il peut, en vertu du principe de proportionnalité, prendre des mesures plus modérées poursuivant le même but. Il en découle que l'art. 6 LEp en relation avec les autres dispositions de la LEp, et en particulier l'art. 40, et l'ordonnance COVID-19 situation particulière forment une base juridique suffisamment précise pour l'obligation de présenter un certificat 2G. Savoir si une mesure déterminée répond à un intérêt public suffisant et si elle est appropriée, nécessaire et raisonnable au regard des restrictions éventuelles de droits fondamentaux est une autre question, qui doit être évaluée à part.

17

2. Question 2: consultation de l'OFJ avant la décision du certificat 2G obligatoire Le vendredi soir 10 décembre 2021, l'OFSP a ouvert une consultation des offices sur une révision de l'ordonnance COVID-19 situation particulière. Le délai pour prendre position arrivait à échéance mardi 14 décembre. Le texte comportait deux variantes (une variante 1 prévoyant la généralisation du «2G» et une variante 2 prévoyant aussi des fermetures partielles). Ces deux variantes étaient accompagnées d'un document motivant les textes notamment comme suit: 18

«Au vu du taux d'occupation déjà élevé des USI [unités de soins intensifs], encore appelé à augmenter au cours de ces prochaines semaines, et des incertitudes liées au variant Omicron, il est impératif d'endiguer la circulation du virus et de réduire le nombre des infections et des hospitalisations. Cette démarche permettra aussi de préserver une certaine marge de manoeuvre dans la perspective d'une éventuelle vague du variant Omicron en janvier.

19

C'est la raison pour laquelle le Conseil fédéral a décidé de soumettre à titre prévisionnel à l'avis des cantons, des commissions parlementaires, des partenaires sociaux et des associations directement concernées deux options quant aux prochaines étapes de la lutte contre la pandémie. La procédure proposée vise à éviter des fermetures généralisées.» 20

L'OFJ a pris position le 14 décembre 2021 sur toute une série de dispositions des deux variantes, demandant principalement une clarification de nombre de règles envisagées. Il ne s'est pas prononcé expressément sur la question du respect de la proportionnalité par les deux variantes. Cela signifie que l'OFJ n'a pas contesté l'appréciation de l'OFSP que l'objectif d'endiguer la circulation du virus et de réduire le nombre des infections et des hospitalisations était un intérêt public prépondérant.

21

50 / 52

FF 2023 1956

3. Question 3: examen par l'OFJ des conditions des restrictions de droits fondamentaux Aux termes de l'art. 7, al. 3, de l'ordonnance sur l'organisation du DFJP (RS 172.213.1), l'OFJ examine la constitutionnalité et la légalité de l'ensemble des projets d'actes législatifs, leur conformité et leur compatibilité avec le droit national et international en vigueur et leur exactitude quant au fond. Même si ce contrôle abstrait ne peut aller au fond des choses sur tous les points, notamment en raison de l'étendue de certains projets et de la difficulté de recenser tous les cas d'application possibles, il permet d'éviter des violations manifestes du droit déterminant en un domaine donné (rapport du Conseil fédéral du 5 mars 2010 sur le renforcement du contrôle préventif de la conformité au droit, FF 2010 2009 à 2014).

22

Le contrôle de la conformité au droit supérieur a lieu usuellement dans le cadre de la consultation des offices. Parfois, l'OFJ est déjà consulté avant la consultation des offices (préconsultation). Lors des révisions successives de l'ordonnance COVID-19 situation particulière, l'OFSP était lui-même soumis à une forte pression temporelle.

C'est pourquoi l'OFJ n'a souvent été consulté qu'à très brève échéance. Comme les projets de révision devaient également faire l'objet d'un examen rédactionnel par la Commission de rédaction interne à l'administration pendant le même délai, le temps à disposition pour faire l'examen de la conformité au droit supérieur était très réduit.

Les projets de révision ont parfois été soumis à l'OFJ sans rapport explicatif. L'OFJ ne disposait par ailleurs de guère d'informations pour évaluer de manière autonome la proportionnalité des mesures envisagées. L'OFJ a donc dû se contenter le plus souvent d'un contrôle limité à vérifier l'absence de violation manifeste des droits fondamentaux dans les projets de révision qui lui étaient soumis.

23

Le 22 décembre 2021, l'OFSP a envoyé en consultation des offices une série de nouvelles mesures, telles que le «2G+» ou l'extension de l'exigence du «3G». Le 28 décembre 2021, l'OFJ s'est fondé sur les connaissances nouvelles sur la contagiosité du variant Omicron pour mettre expressément en question dans une prise de position adressée à l'OFSP la constitutionnalité de mesures. Le 30 décembre 2021, l'OFJ a demandé à l'OFSP l'inscription du paragraphe suivant dans une éventuelle proposition au Conseil fédéral: 24

«Le Conseil fédéral doit veiller au respect de la proportionnalité des mesures qu'il ordonne. Pour l'OFJ, cela vaut pour chacune des «strates» de mesures. Une mesure portant davantage atteinte aux libertés ne devrait pas être ordonnée si le but poursuivi peut vraisemblablement être atteint avec une mesure moindre. La généralisation du port du masque et la fermeture des établissements où le masque ne peut pas être porté sont justifiées pour réduire fortement les risques d'infection lorsque cela est nécessaire pour empêcher une mise en danger du fonctionnement des hôpitaux. L'exclusion des personnes non vaccinées ni guéries de larges pans d'activités au travers de l'exigence du 2G est en revanche une restriction dont la proportionnalité est discutable là où la protection contre les infections devrait pouvoir être assurée suffisamment par le port obligatoire du masque. Un renforcement encore supplémentaire avec l'exigence du 2G+ impliquerait actuellement une restriction grave de la liberté économique des entreprises concernées. En effet, plus de la moitié de la population doublement vaccinée n'a pas encore reçu la 3e dose et devrait donc se faire tester pour accéder aux prestations de ces entreprises. Une application indifférenciée de cette 25

51 / 52

FF 2023 1956

exigence du 2G+, même dans des domaines où l'on peut escompter que l'obligation du port du masque sera très largement respectée, risquerait donc d'être considérée comme disproportionnée si les personnes vaccinées avec deux doses restent suffisamment protégées contre le risque d'hospitalisation. [...] On peut enfin s'interroger sur la justification du maintien de la règle du 3G si le variant Omicron est apte à se diffuser largement chez les personnes vaccinées ou guéries: l'obligation de test pour les seules personnes ni vaccinées ni guéries ne contribue plus que marginalement à protéger celles-ci d'une infection; une généralisation de l'obligation de test (3G+, voire 1G) serait davantage apte à atteindre le but visé.» Le train de nouvelles mesures qui avaient été envisagées par l'OFSP le 22 décembre 2022 pour lutter contre le variant Omicron a par la suite été abandonné.

26

Le 17 janvier 2022, l'OFJ a rappelé dans une prise de position relative à une nouvelle consultation des offices que le Conseil fédéral doit veiller au respect de la proportionnalité des mesures qu'il ordonne. Une mesure portant davantage atteinte aux libertés ne devrait pas être maintenue si le but poursuivi peut vraisemblablement être atteint avec une mesure moindre. Il a précisé que la prolongation pendant plus de deux mois de l'exclusion des personnes non vaccinées ni guéries de larges pans d'activités au travers de l'exigence du 2G est une restriction dont la proportionnalité est discutable là où la protection contre les infections devrait pouvoir être assurée suffisamment par le port obligatoire du masque.

27

52 / 52