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Chômage partiel pendant la crise du coronavirus Rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 20 octobre 2023

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L'essentiel en bref À leur séance des 25 et 26 janvier 2021, les Commissions de gestion des Chambres fédérales ont décidé de lancer une inspection sur le chômage partiel pendant la crise du coronavirus et de confier un mandat d'évaluation au Contrôle parlementaire de l'administration (CPA). Ce dernier était chargé de déterminer si les adaptations successives des bases légales du chômage partiel au cours de la crise étaient opportunes, si la Confédération avait fourni un soutien adéquat aux organes d'exécution dans les cantons et si la surveillance de la Confédération avait été pertinente. Se fondant sur les résultats de cette évaluation, la Commission de gestion du Conseil national (CdGN) parvient aux conclusions suivantes: durant la crise du coronavirus, le chômage partiel s'est révélé être l'instrument adéquat. Les modifications qui ont rapidement été apportées aux bases légales, dès le tout début de la crise, ont permis de verser en peu de temps et à un large cercle d'ayants droit des indemnités à hauteur de 16 milliards de francs, prises en charge par la Confédération. La commission considère que le SECO a soutenu les organes d'exécution comme il le devait, même si, en raison de la crise, certaines informations n'ont pu être communiquées qu'à très court terme.

Sur la base de l'évaluation du CPA, la CdG-N identifie toutefois plusieurs points pouvant être améliorés.

Adaptations des bases légales et exhaustivité des bases de décision La loi prévoyant le recours au chômage partiel en cas de restrictions ordonnées par les autorités, cette solution était donc appropriée dans le cadre de la crise du coronavirus. Il a cependant fallu plusieurs fois adapter les dispositions correspondantes.

Dans son évaluation, le CPA a constaté que ces modifications, souvent effectuées à très court terme et de manière rétroactive, ont été maintenues, ce qui a généré des problèmes, dont l'apparition d'une situation inégalitaire entre les employés et employées recevant un salaire à l'heure et ceux et celles recevant un salaire mensuel pour ce qui est des indemnités de vacances et pour jours fériés. Lors d'une prochaine crise, la CdG-N recommande par conséquent de définir très concrètement, dès le moment où les mesures d'urgence seront prises, ou le plus tôt possible après leur entrée en vigueur, les critères selon
lesquels ces mesures pourront être levées et le contrôle de leur mise en oeuvre sera réalisé. En outre, les informations sur les risques identifiés par les offices concernés fournies au Conseil fédéral pour fonder ses décisions devront être exhaustives.

Contrôles sur la légalité de l'octroi des indemnités en cas de réduction de l'horaire de travail (IRHT) Les procédures de demande et de versement des IRHT ont été simplifiées durant la crise afin de garantir, dans les plus brefs délais, la sécurité financière des entreprises.

Lors de son enquête, le CPA s'est intéressé au plan de contrôle élaboré au cours de l'été 2020 par le SECO, qui définit la stratégie de lutte contre les abus; il a constaté que, bien que la situation ait radicalement changé après la première vague de la pandémie de l'été 2020, ce plan n'avait été mis à jour que deux ans plus tard. Pour la CdG-N, il est important de prioriser les contrôles visant à déterminer si des abus ont été commis ou si des personnes ont indûment reçu des IRHT, de manière à ce que les 2 / 22

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nombreux signalements d'abus puissent être traités dans le délai de péremption de cinq ans. De plus, la CdG-N demande au Conseil fédéral de veiller à ce que le contrôle effectué concernant les éventuels abus ou le versement indu des IRHT soit axé sur les risques afin que la confiance dans cet instrument soit renforcée pour des futures situations de crise.

État des lieux des contrôles relatifs aux IRHT versées (août 2023) Sur un total de 2 241 signalements d'abus, 994 ont été classés comme infondés lors du contrôle analytique et n'ont pas requis un contrôle supplémentaire sur place. Sur 747 signalements ayant fait l'objet d'un contrôle approfondi, 81 cas ont été dénoncés au SECO pour abus présumés. Dans deux tiers des contrôles effectués par le SECO, des erreurs ont été constatées dans le décompte des entreprises.

Plus de 200 contrôles sur place sont en cours et 300 signalements doivent encore être vérifiés..

Autres aspects La CdG-N formule également trois autres recommandations: elle demande d'abord au Conseil fédéral que les données concernant le nombre de contrôles effectués concernant la légalité de la perception des IRHT par les entreprises durant la crise du coronavirus soient analysées et que le résultat soit publié. En outre, elle invite le Conseil fédéral à expliciter dans quelle mesure les contrôles et les sanctions en cas d'abus ont effectivement un effet dissuasif. Enfin, le Conseil fédéral est prié de déterminer si la composition actuelle de la Commission de surveillance du fonds de compensation de l'assurance-chômage (CS AC) permet de garantir un contrôle véritablement indépendant du versement des IRHT.

La CdG invite le Conseil fédéral à prendre position sur les sept recommandations d'ici au 1er mars 2024.

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Rapport 1

Introduction

1.1

Contexte

Durant la crise du coronavirus,1 entre 2020 et 2022, les établissements de restauration, les lieux de loisirs et les commerces non essentiels ont été fermés, avec effet immédiat, ou se sont vu imposer des restrictions par les autorités. En vue d'atténuer les conséquences économiques du coronavirus, la Confédération et les cantons ont pris des mesures, comme l'octroi des crédits COVID-19, l'allocation pour perte de gains destinée aux indépendants et indépendantes et la réglementation applicable aux cas de rigueur.

Les modalités d'obtention des indemnités en cas de réduction de l'horaire de travail (IRHT) existantes ont également été modifiées pour faire face à la situation de crise: les procédures de demande et de versement des IRHT ont été simplifiées, la durée de versement, allongée, leur montant, augmenté et le cercle des bénéficiaires, élargi. Ces modifications, intervenues souvent à très court terme durant la pandémie, ont suscité des critiques envers le Conseil fédéral, l'administration, le Parlement mais aussi envers les cantons, qui étaient chargés de leur exécution.

L'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail est un instrument prévu par la loi sur l'assurance-chômage (LACI)2 permettant de couvrir une partie des coûts salariaux des entreprises concernées par une réduction de l'horaire de travail, offrant ainsi une alternative aux licenciements que celle-ci pourrait entraîner.3 L'octroi des IRHT vise ainsi à prévenir le chômage (art. 1a, al. 2, LACI). Ainsi, en cas de réduction vraisemblablement temporaire, inévitable et involontaire de l'horaire de travail (art. 31, al. 1, let. d, LACI) sur décision des autorités (art. 32, al. 3, LACI), l'assurance-chômage (AC) prend en charge une partie des coûts salariaux de l'employeur ou de l'employeuse, à certaines conditions. En temps normal, les IRHT sont financées par les contributions des employés et employées, et des employeurs et employeuses4.

Un nombre sans précédent d'entreprises a déposé des demandes d'IRHT pour leur personnel durant la crise du coronavirus. En avril 2020, le nombre de personnes au chômage partiel a dépassé le million, atteignant un niveau jamais vu jusque-là. Dès lors, les IRHT n'ont plus été prises en charge par l'AC5; entre 2020 et 2022, c'est la Confédération qui a assumé le financement de ces indemnités à travers une contribu-

1 2 3 4

5

Ci-après «pandémie de COVID-19» ou «crise du coronavirus».

Loi fédérale du 25.6.1982 sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité (LACI; RS 837.0).

Plus d'information sous: www.kmu.admin.ch > Portail PME du SECO > Savoir pratique > Personnel > Droit du travail > Aspects contractuels > Réduction de l'horaire de travail Chômage partiel pendant la crise du coronavirus, rapport du Contrôle parlementaire de l'administration à l'intention de la Commission de gestion du Conseil national du 13.1.2023, chap. 2.1, p. 12 (ci-après «rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N).

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 2.1, p. 12.

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tion exceptionnelle. Les dépenses pour l'IRHT des années 2020 à 2022 se montent à environ 16,2 milliards de francs.6

1.2

Objet et méthode de l'évaluation de la CdG-N

Le 26 janvier 2021, dans le cadre de leur inspection concernant la gestion de la crise du coronavirus par les autorités fédérales7, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont chargé le CPA de procéder à une évaluation de l'octroi des IRHT durant la crise du coronavirus. La compétence de ce mandat a été confiée à la souscommission DFF/DEFR de la CdG-N. À sa séance du 9 septembre 2021, la commission a également mandaté le CPA de clarifier les questions suivantes: 1.

Les adaptations successives des bases légales relatives au chômage partiel au cours de la crise ont-elles été effectuées de manière opportune?

2.

La Confédération a-t-elle fourni un soutien adéquat aux organes d'exécution dans les cantons?

3.

La surveillance de la Confédération est-elle opportune et garantit-elle la légalité du recours aux prestations?

Le CPA a délimité le cadre temporel de son évaluation et décidé qu'elle couvrirait la période allant du mois de mars 2020, soit du début de la crise du coronavirus, au mois de juin 2022 inclus. Dans le cadre de ses travaux, le CPA a analysé les éléments qui ont fondé les décisions du Conseil fédéral ainsi que d'autres documents; il a également auditionné des collaborateurs et collaboratrices concernés de l'administration8. De plus, une entreprise externe a mené une enquête et d'autres auditions avec des représentants et des représentantes des organes d'exécution dans les cantons, sur mandat du CPA9. La plupart des modifications apportées en matière d'IRHT ont été supprimées déjà en juin 2022.10 Le CPA a présenté les résultats de son enquête dans son rapport final du 13 janvier 2023 à l'intention de la CdG-N.

La CdG-N a discuté du présent rapport ­ et des recommandations qui y sont formulées ­ à sa séance du 20 octobre 2023 et l'a adopté à l'intention du Conseil fédéral. Elle a en outre décidé de le publier, avec ses annexes, en y joignant celui du CPA.

La CdG-N donne ci-après son appréciation des principaux résultats de l'évaluation du CPA et en tire sept recommandations à l'intention du Conseil fédéral. Le présent rapport vient donc compléter le rapport du CPA et n'en reprend les résultats que dans la

6 7

8 9

10

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 6.6, pp. 55­56.

Pour de plus amples informations sur les travaux relatifs à cette inspection, voir www.parlement.ch > Organes > Commissions > Commissions de surveillance > CdG > Inspection Gestion de la pandémie de Covid-19 (état au 19.8.2022).

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 1.2, p. 9.

Ecoplan (2022). «Kurzarbeit in der Coronakrise, Befragung der Vollzugsstellen und Dokumentenanalyse», rapport du 20.10.2022, établi sur mandat du CPA (en allemand uniquement).

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, annexe 3 «Principales adaptations des règles relatives au chômage partiel», pp. 68 à 70.

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mesure où la compréhension des conclusions et des recommandations de la CdG-N l'exige.

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Constatations et recommandations

Le présent chapitre contient différents constats et recommandations de la CdG-N s'appuyant sur les conclusions du CPA. Après quelques considérations sur les procédures simplifiées abordées au chap. 2.1, le chap. 2.2 traite de l'exhaustivité des informations destinées à former la base décisionnelle du Conseil fédéral. Le chap. 2.3 a pour sujet la fixation des priorités et les responsabilités dans le cadre de la surveillance exercée par la Confédération en matière de chômage partiel. Il se clôt sur quelques explications relatives aux possibilités d'optimisation des contrôles sur la légalité des IRHT versées et sur les effets de ces contrôles (chap. 2.4).

2.1

Adaptations et prolongations des réglementations relatives aux IRHT

En mars 2020, le Conseil fédéral a décrété la situation extraordinaire et décidé de restreindre un grand nombre d'activités. Parallèlement, il a édicté, en vertu du droit de nécessité, une ordonnance modifiant les réglementations relatives aux IRHT pour faire face à la pandémie11. La procédure d'octroi des IRHT se divise en deux étapes: la procédure d'annonce et de préavis et la procédure de décompte pour le paiement.

Selon la procédure ordinaire, les entreprises doivent fournir les données concernant le salaire de chaque employé et employée lorsqu'elles font une demande d'IRHT. Cette procédure a été simplifiée de sorte que, dans le cadre de la procédure de décompte sommaire, pour solliciter l'octroi d'IRHT, les indications relatives aux salaires et aux heures de travail perdues devaient être fournies pour l'ensemble des ayants-droits du personnel et non plus pour chaque salarié de manière séparée12. Cette procédure devait permettre, d'une part, d'alléger la charge de travail des organes d'exécution dans les cantons et, d'autre part, de garantir le versement rapide des indemnités, malgré le nombre élevé de demandes d'IRHT13.

2.1.1

Résultats de l'évaluation du CPA

Dans son évaluation, le CPA conclut que la simplification de la procédure relative au versement des IRHT a été un instrument adéquat dans la première phase de la crise du coronavirus (soit lors de la première vague d'infection jusqu'à l'été 2020), car elle a permis un traitement rapide des demandes d'IRHT et un versement en temps utile 11

12 13

Ordonnance du 20.3.2020 sur les mesures dans le domaine de l'assurance-chômage en lien avec le coronavirus (COVID-19) (ordonnance COVID-19 assurance-chômage; RS 837.033); état au 17.3.2020. ici RO 2020 877.

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, p. 2.

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 2.2 et 2.3.1.

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des indemnités. Le CPA se montre plus critique en ce qui concerne le grand nombre d'adaptations et de prolongations effectuées après cette première phase, qui ont été source d'incertitudes et ont entraîné une lourde charge de travail pour les organes d'exécution. En outre, en raison du nombre élevé d'adaptations et de leur caractère rétroactif, il a été difficile pour les organes d'exécution de garder une vue d'ensemble des règles en vigueur et d'être toujours au fait des dispositions à appliquer14.

L'introduction du décompte sommaire au mois d'avril 2020, avec application rétroactive au 1er mars, en est un exemple. La procédure de décompte sommaire a plusieurs fois été prolongée, souvent très rapidement, pour finalement être appliquée sans interruption jusqu'au 31 mars 202215. Dans le cadre de son évaluation, le CPA constate que le Secrétariat d'État à l'économie (SECO) était tout d'abord parti du principe que la procédure ordinaire serait réinstaurée à l'automne 2020, une fois l'ordonnance COVID-19 assurance-chômage arrivée à échéance. La possibilité de recourir à la procédure sommaire ayant toutefois été inscrite par la suite dans la loi COVID-19 du 25 septembre 2020 (art. 17, let. b; RO 2020 3835), le Conseil fédéral a reçu la compétence nécessaire pour en prolonger l'application de manière réitérée jusqu'au 31 mars 202216.

Fin 2020, les cantons se sont prononcés en faveur d'une prolongation de la procédure de décompte sommaire; du côté du Parlement, la Délégation des finances (DélFin) avait fait très tôt part de son opposition à cette prolongation, alors que les Commissions de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS) soutenaient plutôt cette mesure pour les phases aiguës de la pandémie. En novembre 2021, le Tribunal fédéral a considéré que la procédure de décompte sommaire avantageait les travailleurs et travailleuses recevant un salaire horaire par rapport aux personnes touchant un salaire mensuel: les premiers recevaient en effet des indemnités de vacances ou pour jours fériés, alors que les seconds non. Cette inégalité a toujours existé, même dans l'ordonnance de nécessité, et était déjà connue du SECO. Le fait que la procédure de décompte sommaire définie dans l'ordonnance a été reprise et inscrite dans la loi COVID-19 a surpris le SECO, si bien qu'il n'a pas eu le temps
nécessaire pour apporter des clarifications sur les conséquences qu'aurait cette mesure dans le message relatif à la loi COVID-1917. Dans son rapport, l'organe de révision interne du SECO (DBIR) critique le fait que les clarifications juridiques concernant ce point n'aient pas non plus été apportées ultérieurement18. Du fait de la durée d'application de la procédure de décompte sommaire, cette problématique a pris une plus grande importance, car elle concernait un très grand nombre d'entreprises. À la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral, le Conseil fédéral a décidé que les entreprises concernées pourraient déposer une demande de versement rétroactif des indemnités de vacances et pour jours fériés

14 15 16 17 18

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, figure. 3, p. 26.

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, Tableau 2, p. 28.

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 3.3.2.

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 3.3.2.

Rapport succinct sur le processus de mise en place de la procédure de versement de l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail, SECO, 1.3.2022, ch. 4, p. 6 (Kurzbericht über den Prozess zur Entstehung des summarischen Verfahrens der Kurzarbeitsentschädigung (KAE) des SECO vom 1.3.2022, 4. Die Überführung der Regelungen vom Notrecht in die Botschaft Covid-19 ALV, S. 6; en allemand uniquement).

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pour les années 2020 et 2021. Au Parlement, le crédit supplémentaire correspondant d'environ 2 milliards de francs a suscité des critiques, mais a finalement été adopté19.

2.1.2

Appréciation de la CdG-N

La CdG-N salue la rapidité avec laquelle les organes compétents sont intervenus au début de la crise du coronavirus, contribuant ainsi à garantir la mise en oeuvre des mesures de soutien aux entreprises prévues dans la loi afin d'éviter des vagues de licenciements faisant suite aux décisions administratives de fermeture des établissements.

Efficacité de la mesure de chômage partiel sur le marché du travail L'évaluation menée par le CPA tout comme les recommandations de la CdG-N se concentrent sur l'opportunité des mesures d'indemnisation du chômage partiel prises durant la crise du coronavirus, de mars 2020 à juin 2022. Les rapports n'examinent cependant pas l'efficacité du chômage partiel sur le marché, car l'effet de ce dernier ne peut être analysé de manière fiable qu'à moyen ou long terme.

En avril 2023, la Commission de surveillance du fonds de compensation de l'assurance-chômage (CS AC) a publié une étude dans laquelle elle analysait les conséquences de la pandémie de COVID-19 sur le marché du travail et le rôle joué par l'assurance-chômage. En ce qui concerne le tout début de la pandémie, l'étude souligne que les mesures de chômage partiel n'ont pas entièrement pu empêcher qu'il y ait des licenciements, notamment du fait que le chômage partiel n'avait jusque-là été que peu utilisé lors de précédentes crises par les branches d'activités les plus touchées (gastronomie et hôtellerie) et que l'expérience manquait. De plus, nombre de contrats saisonniers, donc limités dans le temps, arrivaient à échéance au printemps 2020. L'étude a tout de même permis de démontrer que, lors de la vague de pandémie de l'hiver 2020/2021, le nombre de licenciements avait été moins important dans les entreprises qui avaient bénéficié des IRHT. Lors de la deuxième phase de la pandémie, soit de juillet 2020 à mars 2021, l'étude n'a pas identifié d'effetsorga sur les licenciements; elle a toutefois relevé que les entreprises ayant reçu les IRHT montraient des signes de rétablissement plus rapide que celles n'en ayant pas bénéficié.20

19 20

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 3.3.2, p. 29.

Brülhart, Marius / Lalive, Rafael / Lehmann, Tobias / Siegenthaler, Michael (2020): Covid-19 financial support to small businesses in Switzerland: evaluation and outlook.

In: Swiss Journal of Economics and Statistics, 165 (15); Götz, Alexander / Kopp, Daniel / Siegenthaler, Michael (2021): Kurzarbeit in der Schweiz während der Covid-19-Krise. In: KOF Analysen, 2021(4); OCDE (2020: Les dispositifs de maintien dans l'emploi pendant la période de confinement de la crise du COVID-19 et au-delà, éditions de l'OCDE, Paris; OCDE (2021): Perspectives de l'emploi de l'OCDE: Affronter la crise du COVID-19 et préparer la reprise, éditions de l'OCDE, Paris; OCDE (2022): Études économiques de l'OCDE: Suisse, janvier 2022, éditions de l'OCDE, Paris; OCDE (2022): Riding the waves: Adjusting job retention schemes through the Covid-19 crisis (en anglais uniquement), éditions de l'OCDE, Paris.

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Du point de vue de la commission, il est nécessaire que le Conseil fédéral fasse procéder à une analyse permettant de déterminer si, durant la période concernée, les IRHT ont permis d'éviter durablement le chômage ou si elles ont seulement permis de soutenir temporairement le tissu économique et, par conséquent, si elles vraiment ont été utiles durant la pandémie.

D'après le rapport du CPA, le SECO était conscient du problème posé par l'inégalité de traitement relative aux indemnités de vacances et pour jours fériés déjà au moment de la mise en oeuvre de la procédure de décompte sommaire. La CdG-N reconnaît que, à ce moment-là, la situation était extraordinaire et exigeait alors des décisions à court terme et parfois rétroactives. Elle souligne toutefois que le fait de procéder à des adaptations successives et de réitérer les prolongations de délai comporte des risques et crée une incertitude juridique, comme le montre la problématique des indemnités de vacances et pour jours fériés. Elle ne peut toutefois pas comprendre pourquoi il n'a pas été procédé aux éclaircissements nécessaires sur les conséquences de cette inégalité de traitement, par exemple en demandant un avis de droit indépendant, avant d'inscrire la procédure de décompte sommaire dans la loi COVID-19.21 Il est primordial, pour la commission, qu'à l'avenir, en cas de crise, les conditions d'arrivée à échéance des mesures prises en vertu du droit de nécessité ou celles de leur prolongation soient clairement définies dès le processus d'élaboration de ces mesures.

Recommandation 1

Critères régissant la levée des mesures prises en vertu du droit de nécessité

Le Conseil fédéral est prié, lors d'une prochaine crise, de définir très concrètement, dès le moment où des mesures seront prises en vertu du droit de nécessité ou le plus tôt possible après leur entrée en vigueur, les critères selon lesquels ces mesures pourront être levées.

Le Parlement s'est déjà penché sur la question de la mise en place de la procédure de décompte sommaire; se ralliant à la proposition du Conseil fédéral, il a finalement rejeté la motion correspondante22.

La CdG-N prend en outre acte du fait que le crédit supplémentaire de 2 milliards de francs qui a été accordé ne sera vraisemblablement pas épuisé et qu'un nombre d'entreprises beaucoup moins important que prévu a déposé une demande de versement rétroactif23.

21 22 23

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 3.3.2 «Problématique 2: versement rétroactif des indemnités de vacances et de jours fériés», p. 29.

Mo. Bauer «Indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail. Poursuivre sur le chemin de la simplification administrative» du 24.9.2020 (20.4169).

Rapport de la Délégation des finances aux commissions des finances du Conseil national et du Conseil des États concernant la haute surveillance sur les finances de la Confédération 2022 du 13.3.2023, chap. 4.6.1.

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2.2

Bases de décisions du Conseil fédéral incomplètes

Au cours de la crise du coronavirus, nombre d'adaptations ont été effectuées dans un court laps de temps, la plupart par le Conseil fédéral au niveau de l'ordonnance. Dans le cadre de son évaluation, le CPA a analysé les bases de décision sur lesquelles s'est fondé le Conseil fédéral afin de déterminer si elles étaient complètes.

2.2.1

Résultats de l'évaluation du CPA

Dans son rapport, le CPA conclut que les bases de décision sur lesquelles s'est appuyé le Conseil fédéral pour procéder aux adaptations de la réglementation des IRHT étaient lacunaires24. Dans le cas de la procédure de décompte sommaire décrite dans les chapitres précédents, le SECO s'est très tôt prononcé pour la levée de cette mesure, qui a même été décrite au CPA comme «tenant du bricolage».25 Les bases de décision du Conseil fédéral ne rendent toutefois pas compte de la position du SECO; elles mettent plutôt toujours en avant des considérations pratiques.

Ainsi, les adaptations concernant le montant des IRHT versées ont été une conséquence de la simplification des procédures décrites au chap. 2.1 et ont été justifiées de la manière suivante: la procédure de décompte sommaire ne permettait plus aux organes d'exécution de disposer des informations nécessaires pour procéder aux déductions sur les IRHT pour les heures supplémentaires effectuées les mois précédents par les employés et les employées ou pour tenir compte des revenus d'un emploi provisoire. «Normalement», les heures supplémentaires ou le revenu d'un emploi provisoire sont déduits des IRHT et tous les employés et employées reçoivent 80 % de leur salaire assuré. Le Parlement a décidé que les employés et employées touchant un salaire modeste auraient quant à eux droit à 100 % de leur salaire assuré à partir de décembre 2020, bien que le Département de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR) et le Conseil fédéral dans son ensemble se soient opposés à cette mesure: le gouvernement comme l'administration ont en effet souligné, d'une part, que l'aide sociale apportait un soutien lorsque le salaire était insuffisant et, d'autre part, que l'objectif premier des IRHT était en fait d'éviter le chômage causé par des réductions temporaires de l'horaire de travail.26 Le but principal d'autres adaptations concernant les IRHT, qui était aussi d'éviter le chômage dû à des réductions temporaires de l'horaire de travail, a au fil du temps été lui aussi de moins en moins mentionné dans les bases de décision27, avec pour conséquence que les risques économiques engendrés par ces modifications de durée ou de montant n'ont pas été suffisamment pris en considération28.

Le plus gros risque économique des IRHT réside dans le fait de soutenir des
emplois ou de maintenir en vie des entreprises entières qui n'ont pas d'avenir face aux changements structurels de l'économie. En outre, il existe le risque que certaines entre24 25 26 27 28

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 3.4, p. 30.

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 3.3.1, p. 25.

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 3.3.1, p. 20.

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 3.1.

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 3.4.2.

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prises touchent des IRHT pour du personnel dont l'emploi n'est pas absolument menacé (effet d'aubaine)29. De l'avis du CPA, les risques économiques liés aux adaptations effectuées n'ont été que peu pris en compte dans les bases de décision présentées au Conseil fédéral.30

2.2.2

Appréciation de la CdG-N

Se fondant sur les résultats de cette évaluation, la CdG-N conclut que les bases de décision du Conseil fédéral étaient partiellement lacunaires et que, au fur et à mesure que la crise progressait, certains risques n'ont plus été mentionnés. Il apparaît important pour la CdG-N que, même en temps de crise, l'objectif des instruments mis en place ne soit pas relégué au second plan31. La commission s'interroge quant à savoir si le département compétent a entièrement rempli son devoir d'information envers le Conseil fédéral (art. 12a de la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration [LOGA]32). Elle considère comme primordial que les informations fournies au Conseil fédéral par les départements soient aussi complètes que possible, surtout en période de crise. L'art. 30 de l'ordonnance du 25 novembre 1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (OLOGA)33 précise que tant le Conseil fédéral que la Conférence des secrétaires généraux (CSG), les départements et la Chancellerie fédérale doivent assurer «le bon fonctionnement de l'administration» au moyen d'instructions et de documents auxiliaires. En conséquence, la CdG-N formule les recommandations suivantes à l'intention du Conseil fédéral: Recommandation 2

exhaustivité des bases de décision du Conseil fédéral

La CdG-N invite le Conseil fédéral à veiller à ce que les risques éventuels liés à une mesure (notamment lorsque celle-ci est prise en vertu du droit de nécessité) soient indiqués dès le départ de manière aussi claire et exhaustive que possible dans les bases de décision établies par les départements à son intention.

Cette recommandation vise à ce que les informations fournies par les départements au Conseil fédéral en vertu de la «Directive sur les affaires du Conseil fédéral»34 soient claires et complètes même en temps de crise35.

29 30 31 32 33 34 35

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 3.4.2.

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 3.4, p. 30.

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 3.1.

Loi fédérale du 21.3.1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA; RS 172.010).

Ordonnance fédérale du 25.11.1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (OLOGA; RS 172.010.1).

Également appelée «classeur rouge» Plus d'information sous: www.intranet.bk.admin.ch > Coordination au sein de la Confédération > Directives sur les affaires du Conseil fédéral (état au 9.6.2023).

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2.3

Priorisation et responsabilités dans le cadre de la surveillance exercée par la Confédération en matière de chômage partiel

Outre l'application uniforme du droit relatif au chômage partiel, l'exercice de la surveillance est également un devoir de la Confédération (art. 76, al. 2, LACI). En matière de surveillance, l'AC applique ce qu'on appelle le «modèle des trois niveaux»36.

Le premier niveau est formé par les organes d'exécution dans les cantons, soit concrètement par les offices cantonaux de l'emploi (ACt), qui sont chargés d'autoriser les préavis de chômage partiel, et les caisses de chômage (CCh), qui versent les indemnités. Le deuxième niveau comprend l'organe de compensation de l'AC. Ses tâches de surveillance sont assurées par le Service de révision du centre de prestations Marché du travail et assurance-chômage de la Direction du travail du SECO (TCRD).

Cet organe est principalement chargé de contrôler ou de réviser les activités des organes d'exécution; il peut confier cette tâche à des tiers (art. 83 LACI). Au troisième niveau, les activités de l'organe de compensation de l'AC sont contrôlées à leur tour par la Révision interne du SECO (DBIR), organe directement subordonné au secrétaire d'État ou à la secrétaire d'État. En outre, le Contrôle fédéral des finances (CDF) effectue des contrôles dans le cadre de son mandat, en tant qu'organe de surveillance financière37.

En dehors des périodes de crise, les IRHT sont financées par le fonds de compensation de l'assurance-chômage, lequel est alimenté paritairement par les employeurs et employeuses ainsi que les employés et employées. Il est contrôlé par la Commission de surveillance du fonds de compensation de l'assurance-chômage (CS AC).

La CS AC est une commission extraparlementaire rattachée au DEFR (art. 89 LACI) composée de représentants et de représentantes des partenaires sociaux, de la Confédération, des cantons et des milieux scientifiques. Le Conseil fédéral élit la présidente ou le président de cette commission, traditionnellement la cheffe ou le chef de la Direction du travail du SECO. La CS AC fixe notamment les frais administratifs que les organes d'exécution peuvent facturer au fonds. L'organe de compensation et la révision interne du SECO lui font tous deux rapport38.

2.3.1

Résultats de l'évaluation du CPA

Durant la pandémie de COVID-19, il a été nécessaire, au vu du grand nombre de demandes déposées, de fixer des priorités pour procéder aux contrôles concernant la légalité du recours aux prestations. Par exemple, l'organe de compensation de l'assurance-chômage n'a examiné que sporadiquement les préavis de chômage partiel approuvés par les organes d'exécution, contrairement à ce que prévoient les processus normaux. Cette manière de procéder s'imposait du fait de la simplification apportée à 36 37 38

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 2.3.1, figure 2.

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 2.3.2.

Art. 26, al. 1, let. e, ainsi que art. 26, al. 2, let. d, du Règlement de la Commission de surveillance du fonds de compensation de l'assurance-chômage du 16.12.2015, état au 14.06.2021.

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la procédure de préavis, celle-ci ne permettant pas d'obtenir toutes les informations nécessaires pour vérifier si les conditions d'octroi des indemnités étaient effectivement remplies. En effet, selon la procédure de décompte sommaire, le décompte des IRHT ne devait plus comporter que le montant total des salaires des employés et employées de l'entreprise et non plus des informations détaillées. Les employeurs et employeuses étaient toutefois toujours obligés de tenir la comptabilité des heures de travail et des salaires de leurs employés et employées, au cas où un contrôle serait effectué sur place. Pour être en mesure de procéder à un grand nombre de contrôles, le SECO a dû mandater des sociétés externes et il a fallu remettre à plus tard les contrôles auprès des caisses de chômage39.

Dans son rapport, le CPA a examiné les priorités fixées en matière de surveillance et considéré qu'elles pouvaient être judicieuses à condition que les contrôles auprès des CCh, qui avaient été repoussés, soient effectués dans un délai raisonnable40. Il s'est montré critique en ce qui concerne la surveillance exercée par la CS AC, en tant qu'organe supérieur de surveillance, sur le fonds de compensation de l'AC. Lors des entretiens avec des membres de la CS AC, le CPA a constaté qu'aucun débat critique n'avait eu lieu concernant la problématique des IRHT versées indûment. Des études antérieures menées par le CPA41 et le CDF42 avaient montré que cette commission pouvait certes garantir l'échange direct d'informations entre les partenaires sociaux, les organes d'exécution et l'administration fédérale, mais que l'on pouvait se demander dans quelle mesure elle était à même d'exercer une surveillance qui soit indépendante.

2.3.2

Appréciation de la CdG-N

La CdG-N considère le fait que tous les organes sous la surveillance de la CS AC sont eux-mêmes membres de ladite CS AC comme critiquable du point de vue de la gouvernance. En outre, nombre de mesures relatives aux IRHT relèvent de la responsabilité du SECO, lequel assume même la présidence de l'organe supérieur de surveillance. Il apparaît donc nécessaire, pour la commission, que le Conseil fédéral oriente la définition des critères régissant la fixation des priorités en matière de contrôles des organes d'exécution des IRHT et règle la manière de traiter les cas de versement indu des indemnités également pour ce qui est des employeurs.

En outre, la CdG-N constate que la circulation des informations entre les membres de la CS AC a bien fonctionné durant la crise. On peut se demander dans quelle mesure la circulation des informations laisse la place à une critique indépendante des mesures ainsi transmises lorsque les responsables de ces informations siègent eux-mêmes au

39 40 41 42

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 5.1.

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 5.1.

Évaluation de la conduite et de la surveillance de l'assurance-chômage par la Confédération. Rapport du CPA à l'intention de la CdG-E du 27.3.2008 (FF 2009 2807).

CDF (2018): Gouvernance auprès de l'assurance-chômage, 22.5.2018.

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sein de l'organe de surveillance43. C'est pourquoi la commission formule la recommandation ci-après: Recommandation 3

Composition de la Commission de surveillance du fonds de compensation de l'assurance-chômage

La CdG-N invite le Conseil fédéral à examiner si la composition de la Commission de surveillance du fonds de compensation de l'assurance-chômage est adéquate pour garantir une surveillance indépendante en matière d'IRHT, compte tenu également du fait que les IRHT ont été entièrement financées par la Confédération durant la crise du coronavirus.

En prolongement de la recommandation formulée ci-dessus, la CdG-N estime important que l'activité de surveillance exercée par le Conseil fédéral et les procédures de contrôle qui en découlent soit suffisamment anticipées lorsque, dans des situations de crise telles que celle du coronavirus, des mesures doivent être prises en vertu du droit de nécessité. La mise en oeuvre d'instruments tels que l'IRHT exige en effet un accompagnement conséquent en matière de contrôles et il est essentiel que ceux-ci soient pris en compte le plus tôt possible dans le processus de gestion de crise. La Commission formule ainsi la recommandation suivante: Recommandation 4

Anticipation de l'activité de surveillance

Le Conseil fédéral est prié d'évaluer de manière adéquate, dès le moment où des mesures devant être prises en vertu du droit de nécessité sont considérées, les contrôles que celles-ci requerront et de garantir les conditions nécessaires à leur mise en oeuvre dans les délais requis.

2.4

Contrôles relatifs à la légalité des IRHT versées et effets de ces contrôles

En lien avec les priorités fixées en matière de contrôle, le fonds de compensation de l'assurance-chômage a élaboré un plan de contrôle stratégique «Lutte contre les abus dans le domaine des indemnités en cas de RHT pendant et après la Covid-19» au cours de l'été 2020. Ce plan de contrôle décrivait entre autres la procédure allant du dépôt de la demande au paiement des IRHT ainsi que les responsabilités des entreprises, des organes d'exécution, de l'organe de compensation et du CDF. Les risques d'abus en matière d'IRHT ont été pondérés et, sur la base de cette évaluation, le nombre de contrôles auprès des employeurs et employeuses a été planifié.44

43 44

Les représentants et les représentantes des milieux scientifiques qui siègent au sein de la CS AC n'ont pas de conflit d'intérêts.

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 5.2.

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Les contrôles visant à déterminer si les IRHT ont été perçues de manière licite sont toujours en cours. La possibilité d'une restitution expire cinq ans après le paiement, soit, pour les premières IRHT liées à la pandémie, au début de l'été 2025. Avant la pandémie de COVID-19, l'organe de compensation vérifiait pratiquement toutes les décisions de versement des IRHT, ce qu'il n'a pas pu faire durant la pandémie en raison de l'explosion des demandes. Par conséquent, le SECO a proposé à la CS AC, en août 2020 déjà, d'allouer 25 millions de francs du fonds de compensation de l'assurance-chômage à l'engagement de sociétés de contrôle externes45.

Dans le cadre des contrôles effectués auprès des entreprises, une différence est faite entre les erreurs commises en remplissant les demandes de IRHT et les abus effectifs, qui relèvent d'une volonté de percevoir indûment les IRHT. En cas d'erreur, l'organe de compensation peut demander le remboursement des IRHT indûment perçues. En cas d'abus, il peut, sur la base de deux articles de loi, répercuter les coûts occasionnés, dans le cadre des contrôles, par la perception abusive ou la tentative de perception abusive de prestations (art. 88, al. 2bis, LACI; art. 45, al. 4, de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales [LPGA]), ou faire payer à l'entreprise concernée un montant pouvant aller jusqu'au double des prestations perçues (art. 88, al. 2ter, LACI en dérogation à l'art. 25, al. 1, LPGA).46

2.4.1

Résultats de l'évaluation du CPA

Le CPA a estimé que le plan de contrôle stratégique relatif à la lutte contre les abus, que l'organe de compensation de l'AC a élaboré dans un délai adéquat à l'automne 2020, était clair et que la présentation des risques était pertinente. La situation a pourtant radicalement changé après l'été 2020. Le CPA a constaté que l'organe de compensation du SECO n'avait ni mis à jour ni complété ce plan de contrôle, depuis un certain temps déjà. Par exemple, le plan partait d'une estimation allant de 300 à 400 signalements d'abus de la part des organes d'exécution ou d'autres unités; or, le nombre de ces signalements a dépassé le chiffre de 2000 en avril 2022. Certains de ces signalements ont été classés sans suite après un premier examen, car les IRHT perçues par l'entreprise ne dépassaient pas un certain seuil. Cette manière de procéder n'était pas prévue dans le plan de contrôle. Le contrôle des abus a demandé l'engagement d'un plus grand nombre de ressources que prévu47. Aucun plan actualisé n'a été présenté au CPA avant que ce dernier n'ait terminé son évaluation. Ce n'est que le 4 janvier 2023 que le SECO a publié un plan actualisé, daté du 9 septembre 2022, sur la plateforme Internet consacrée aux IRHT48.

45 46 47 48

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 5.3.

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 5.4.

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 5.1.

Plus d'information sous: www.travail.swiss > Employeurs > Prestations d'assurance > Indemnité en cas de RHT > Perception indue de prestations (état au 15.6.2023).

À ce moment-là, le CPA n'était plus en mesure d'en faire une appréciation de fond.

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Il a par ailleurs considéré, en se fondant également sur l'avis du CDF 49, que le recours à des spécialistes externes en vue des contrôles avait été judicieux. Quelque 40 personnes travaillant pour deux sociétés différentes spécialisées en la matière avaient été engagées et avaient suivi une formation; d'après ces sociétés, les employés et employées concernés ont eu besoin de plusieurs mois pour se familiariser avec cette thématique complexe, malgré la formation dispensée. Dans son rapport, le CPA considère les difficultés que représente la thématique complexe des IRHT et se demande si les ressources actuelles suffiront pour procéder à un nombre satisfaisant de contrôles auprès des employeurs et employeuses, alors que la collaboration avec l'une des sociétés externes de contrôle a pris fin et que le délai de péremption est des cinq ans pour le traitement des signalements. D'après le SECO, la façon dont les signalements sont gérés garantit que cela sera le cas50.

Le CPA a constaté que, à la suite des contrôles effectués sur place jusqu'en juin 2022, l'organe de compensation de l'AC a déposé une plainte pénale basée sur des indices sérieux de perception volontairement indue des IRHT dans presque 10 % des cas.

Toutefois, l'organe de compensation n'a fait qu'exiger le remboursement du montant perçu indûment, sans envisager d'imposer d'autres sanctions possibles. La révision de la LACI de 2002 offre pourtant la possibilité de mettre à la charge de l'entreprise les frais supplémentaires occasionnés, dans le cadre du contrôle, par la perception abusive ou la tentative de perception abusive de prestations (art. 88, al. 2bis, LACI; art. 45, al. 4, LPGA) ou de faire payer à l'entreprise concernée un montant pouvant aller jusqu'au double des prestations perçues (art. 88, al. 2ter, LACI, en dérogation à l'art. 25, al. 1, LPGA). Le CPA a relevé que l'administration n'avait encore jamais eu recours à ces sanctions51.

2.4.2

Appréciation de la CdG-N

La CdG-N salue le fait qu'un plan de contrôle pertinent relatif à la lutte contre les abus ait été défini très rapidement lors de la première phase de la pandémie de COVID-19.

Il lui est toutefois difficile de comprendre pourquoi ce plan n'a pas été mis à jour pendant deux ans alors même que la situation avait radicalement changé. Le nouveau plan de contrôle table sur le dépôt de 1200 signalements d'abus auprès du SECO; axé sur la surveillance des risques, il prévoit également le contrôle par échantillonnage de 2500 autres cas afin de s'assurer de la conformité au droit des demandes et des versements. De plus, ce plan indique que l'examen de quelque 900 autres annonces orientées sur les risques effectuées par des organes d'exécution de la LACI fait partie intégrante de l'ensemble des cas à contrôler en fonction des risques.52

49 50 51 52

«Implication des tiers dans la mise en oeuvre des mesures Covid-19», rapport du CDF du 13.5.2022.

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 5.3.

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 5.4.

Plan de contrôle stratégique «Lutte contre les abus dans le domaine des indemnités en cas de RHT pendant et après la Covid-19», plan établi par le Service de révision du SECO le 9.9.2022.

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Sur son site Internet, le SECO publie des chiffres relatifs aux contrôles effectués en matière de perception des IRHT durant la pandémie de COVID-19. Le CPA a analysé ces chiffres sur la période choisie pour son évaluation, soit de mars 2020 à juin 2022.

La CdG-N a interprété les chiffres actuels sur la base de cette analyse du CPA. D'après le SECO, 2241 demandes d'IRHT ont été vérifiées depuis septembre 2020 ou vont l'être (état: août 2023). Le nombre total de cas d'abus présumés se monte lui pour la même période à 8153. Sur la base de ces chiffres, le montant attendu des remboursements relatifs aux IRHT se monte actuellement à 114 150 562 francs suisses54.

Le plan de contrôle récemment mis à jour prévoit 2500 contrôles par échantillonnage.

Les chiffres publiés par le SECO ne permettent pas de déterminer comment plusieurs des cas concernés par les contrôles par échantillonnage ont été choisis et combien l'ont été à la suite d'un signalement de la part des caisses de chômage ou d'autres organes55. Par conséquent, la CdG-N n'est pas en mesure de déterminer si le plan de contrôle a bien été mis en oeuvre. Elle souligne également que le délai de péremption absolu de cinq ans56 doit être respecté.57 La commission estime important que tous les signalements soient traités dans les délais de péremption en vigueur, mais aussi que les contrôles prévus dans le plan de contrôle soient effectués à temps.

Les quelque 114 millions de francs devant être remboursés représentent moins d'un pour cent de la totalité des IRHT versées.58 Le rapport final du CPA a montré que, jusqu'en juin 2022, même en cas de signalements fiables d'abus des IRHT et de plaintes pénales déposées par l'organe de compensation, seules les IRHT ayant été indûment perçues ont fait l'objet d'une demande de remboursement et aucune sanction n'a été imposée (chap. 5.4)59. La CdG-N doute fort que les entreprises puissent être dissuadées de demander indûment des IRHT si les possibilités de sanctions prévues par le législateur ne sont pas appliquées.

Au vu des résultats de l'évaluation et de l'appréciation des données récentes provenant du SECO, la CdG-N formule les trois recommandations suivantes concernant les contrôles relatifs à la légalité des IRHT perçues durant la pandémie de COVID-19: 53

54 55

56

57

58 59

Ces abus demeurent «présumés» dans la mesure où leur traitement judiciaire reste réservé. Dès lors que l'organe de révision constate un abus au terme d'un contrôle, une plainte pénale est automatiquement déposée.

Plus d'information sous:www.travail.swiss > Employeurs > Prestations d'assurance > Indemnité en cas de RHT > Perception indue de prestations (état au 4.8.2023).

Plan de contrôle stratégique «Lutte contre les abus dans le domaine des indemnités en cas de RHT pendant et après la Covid-19» Plan établi par le Service de révision du SECO le 9.9.2022, tableau 3.

Ce délai correspond à la période durant laquelle une demande de restitution des IRHT versées indûment peut être réalisée, à savoir au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. L'institution d'assurance est également tenue de respecter un délai de péremption de trois ans à partir du moment où elle a pris connaissance d'un cas de versement de prestation indue (art. 25, al. 2, LPGA).

Rapport de la révision interne du SECO du 21.8.2023. «Revisionsbericht über die Prüfungen im Bereich der Kurzarbeitsentschädigung (KAE)» (en allemand uniquement), chap. 3.2, Recommandation 3a.

Rapport du CDF du 13.5.2022. Implication des tiers dans la mise en oeuvre des mesures COVID-19, p.30.

Plus d'information sous: www.travail.swiss > Employeurs > Prestations d'assurance > Indemnité en cas de RHT > Perception indue de prestations (état au 7.9.2023).

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 5.4.

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Recommandation 5

Appréciation des données disponibles concernant les IRHT

La CdG-N invite le Conseil fédéral à veiller à ce que les données disponibles concernant les IRHT versées durant la pandémie de COVID-19 ainsi que leurs contrôles soient systématiquement analysées afin de garantir une surveillance renforcée de cet instrument.

Elle enjoint en outre le Conseil fédéral à publier les résultats pertinents de ces analyses.

Recommandation 6

Mise en oeuvre d'une approche plus axée sur les risques

La CdG-N invite le Conseil fédéral à faire en sorte que, tout en respectant les délais de péremption en vigueur, tous les contrôles prévus par le plan de contrôle soient menés de manière qu'il soit possible d'avoir une vue d'ensemble de la proportion des IRHT perçues indûment et des abus commis durant la pandémie de COVID-19, ceci afin de renforcer la confiance dans la fiabilité de l'instrument qu'est le chômage partiel.

Recommandation 7

Effet dissuasif contre les abus

La CdG-N invite le Conseil fédéral à vérifier que les sanctions prévues dans la loi et appliquées par l'organe de compensation en cas de perception indue des IRHT sont mises en oeuvre, comme l'a voulu le législateur, de façon à dissuader toute tentative d'abus si une crise similaire devait survenir.

3

Conclusions et suite de la procédure

L'appréciation par la CdG-N des résultats obtenus par le CPA montre que l'instrument des IRHT, prévu pour faire face à ce type de situation, a été intensément utilisé durant la pandémie de COVID-1960. Les adaptations apportées en très peu de temps aux bases légales ont permis un versement rapide des indemnités, ce qui revêtait une grande importance en ces temps de pandémie61. La commission considère que le SECO a soutenu les organes d'exécution comme il le devait, même si, en raison de la crise, certaines informations n'ont pu être communiquées qu'à très court terme62.

Dans le même temps, s'appuyant sur l'évaluation, elle conclut qu'il est nécessaire d'intervenir dans différents domaines et formule, dans le présent rapport, sept recommandations à l'intention du Conseil fédéral. Ces recommandations concernent les nombreuses modifications apportées aux bases légales après la première vague de coronavirus (soit à partir de l'été 2020) et leur durée de validité (recommandation 1) 60 61 62

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 3.1.

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 3.3.1.

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 4.

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ainsi que la question de l'exhaustivité des bases de décisions dont disposait le Conseil fédéral lorsque ces modifications ont été effectuées (recommandation 2). La CdG-N estime également qu'il est important d'évaluer de manière adéquate et anticipée les contrôles qui doivent être menés dans le cadre de la surveillance des mesures prises en vertu du droit de nécessité (recommandation 4). En outre, la CdG-N recommande de réexaminer la composition de la CS AC, se référant à la surveillance et aux contrôles exercés en matière d'IRHT, lesquelles étaient financées par la Confédération durant la pandémie de COVID-19 (recommandation 3). De plus, la commission souhaite que les données relatives aux IRHT perçues soient actualisées et analysées de manière pertinente (recommandation 5). La CdG-N est convaincue que la confiance dont bénéficie l'instrument que sont les IRHT serait renforcée si un contrôle par échantillonnage, axé sur les risques, était réalisé pour déterminer la proportion de cas dans lesquels les IRHT ont été perçues par erreur ou à la suite d'un abus. Ce contrôle permettrait d'avoir une vue d'ensemble de la manière dont cet instrument est utilisé en temps de crise et de procéder à des améliorations (recommandation 6). Enfin, la CdG-N demande au Conseil fédéral de vérifier que les sanctions prévues par la loi concernant les abus commis en matière d'IRHT sont appliquées de manière pertinente aux entreprises ayant commis des abus et que l'imposition de ces sanctions a un effet suffisamment dissuasif sur les autres entreprises (recommandation 7).

La commission attache une importance toute particulière aux contrôles des IRHT perçues par les entreprises ainsi qu'à l'actualisation et à l'analyse des données correspondantes (recommandations 5 et 6). La CdG-N estime important que les contrôles prévus puissent être réalisés en respectant les délais de péremption en vigueur.

Consciente que la situation créée par la pandémie de COVID-19 a été exceptionnelle, non seulement pour la population, mais également pour les milieux économiques et l'administration fédérale, la CdG-N relève que le SECO, tout comme les autres organes de la Confédération, les cantons et les organes d'exécution ont fait preuve d'un engagement hors pair pour que les IRHT puissent être versées le plus rapidement possible aux
entreprises63. Malgré cela, elle considère qu'il est primordial de tirer de cette situation les enseignements qui s'imposent, notamment pour les activités et le fonctionnement de l'administration, actuellement comme en situation de crise.

63

Rapport du CPA du 13.1.2023 à l'intention de la CdG-N, chap. 6.4.

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La CdG-N invite le Conseil fédéral à répondre à ses réflexions et recommandations ainsi qu'aux considérations du CPA sur lesquelles elles reposent d'ici au 1er mars 2024. Elle le prie également d'indiquer au moyen de quelles mesures et dans quels délais il envisage de mettre en oeuvre ses recommandations.

20 octobre 2023

Pour la Commission de gestion du Conseil national: La présidente, Prisca Birrer-Heimo La secrétaire, Ursina Jud Huwiler La présidente de la sous-commission DFF/DEFR, Yvonne Feri Les collaborateurs scientifiques des Commissions de gestion, Selina Stoller, Dorian Gollut

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Liste des abréviations Al.

CS AC

Alinéa Commission de surveillance du fonds de compensation de l'assurance-chômage CCh Caisse de chômage AC Assurance-chômage Art.

Article RO Recueil officiel du droit fédéral LPGA Loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales LACI Loi sur l'assurance-chômage FF Feuille fédérale Let.

Lettre DBIR Révision interne du SECO DFF Département fédéral des finances CDF Contrôle fédéral des finances DélFin Délégation des finances CdG Commissions de gestion CdG-N Commission de gestion du Conseil national RHT Chômage partiel (réduction de l'horaire de travail) IRHT Indemnité en cas de RHT Chap.

Chapitre ACt Autorité cantonale (offices cantonaux de l'emploi) CPA Contrôle parlementaire de l'administration LOGA Loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration OLOGA Ordonnance sur l'organisation du gouvernement et de l'administration SECO Secrétariat d'État à l'économie SECO TRCD Service de révision du centre de prestations Marché du travail et assurance-chômage CSSS Commission de la sécurité sociale et de la santé publique DEFR Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche

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