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23.080 Message concernant l'approbation et la mise en oeuvre d'un avenant à la convention contre les doubles impositions entre la Suisse et la France du 22 novembre 2023

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'un arrêté fédéral1 concernant l'approbation et la mise en oeuvre d'un avenant à la convention contre les doubles impositions entre la Suisse et la France2, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

22 novembre 2023

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Alain Berset Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

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Condensé Depuis quelques années, le télétravail a pris de l'ampleur. La pandémie de COVID-19 a joué un rôle d'accélérateur à cet égard. Cette évolution a également des répercussions fiscales, notamment dans un contexte transfrontalier. Les conventions contre les doubles impositions prévoient en règle générale que le revenu d'une activité lucrative dépendante est imposable dans l'État où l'activité lucrative est physiquement exercée.

Avec le développement du télétravail, le droit d'imposer se déplace en quelque sorte de l'État où est situé l'employeur vers l'État de résidence de l'employé. Pour la Suisse, qui est importatrice nette de main-d'oeuvre, cette évolution est de nature à entraîner des pertes de recettes fiscales pour l'imposition des personnes physiques.

Des négociations entre la Suisse et la France ont eu lieu durant le second semestre 2022 en vue de convenir, notamment, d'une nouvelle solution pour l'imposition du revenu afférent au télé travail. La nouvelle solution en matière d'imposition du télétravail négociée avec la France offre aux employeurs et aux employés de toute la Suisse la possibilité de s'accorder sur un télétravail transfrontalier jusqu'à 40 % du temps de travail par année civile, y compris 10 jours de voyages d'affaires dans l'État de résidence de l'employé ou dans un État tiers. La solution négociée attribue le droit d'imposer le revenu afférent au télétravail effectué par l'employé dans son État de résidence à l'État de l'employeur, ce moyennant une compensation en faveur de l'État de résidence de l'employé fixée à 40 % des impôts dus sur les rémunérations versées à raison des activités exercées en télétravail depuis l'État de résidence. Un échange automatique de renseignements concernant les données salariales est prévu afin d'assurer l'application des nouvelles règles.

Par ailleurs, ces négociations ont été l'occasion de mettre à jour d'autres dispositions dans la convention entre la Suisse et la France contre les doubles impositions. Ainsi, l'avenant met notamment la convention en conformité avec les résultats des travaux de l'OCDE visant à lutter contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices.

Les cantons et les milieux intéressés à la conclusion des conventions contre les doubles impositions ont accueilli favorablement l'avenant. Cet avenant a été signé à Paris le 27 juin 2023.

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Message 1

Présentation de l'avenant

1.1

Contexte, déroulement et résultat des négociations

La convention du 9 septembre 1966 entre la Suisse et la France en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales (ci-après «CDI-FR»)3 a été révisée par les avenants du 3 décembre 19694, du 22 juillet 19975 et du 27 août 20096. Par ailleurs, l'accord du 25 juin 20147 a modifié le protocole additionnel à la CDI-FR en matière d'assistance administrative afin de le rendre complètement conforme à la norme internationale en la matière.

Depuis quelques années, le télétravail a pris de l'ampleur. La pandémie de COVID-19 a joué un rôle d'accélérateur à cet égard et le télétravail devrait continuer à se développer. Cette évolution a également des répercussions fiscales, notamment dans un contexte transfrontalier. Les conventions contre les doubles impositions prévoient en règle générale que le revenu d'une activité lucrative dépendante est imposable dans l'État où cette activité est physiquement exercée. Avec le développement du télétravail, le droit d'imposer se déplace en quelque sorte de l'État où est situé l'employeur vers l'État de résidence de l'employé. Pour la Suisse, qui est importatrice nette de main-d'oeuvre, cette évolution est de nature à entraîner des pertes de recettes fiscales pour l'imposition des personnes physiques.

À la fin de l'année 2022, la Suisse offrait près de 380 000 emplois frontaliers à des personnes résidant dans un autre pays. Plus de la moitié de ces personnes résidaient en France (214 000, soit 56 % du total)8. Plus de 100 000 de ces personnes travaillaient dans le canton de Genève, les autres se répartissaient surtout le long de l'Arc jurassien. Compte tenu des régimes d'imposition actuellement en vigueur entre la Suisse et la France (cf. paragraphe suivant), les pertes de recettes fiscales dues au déplacement du droit d'imposer vers l'État de résidence des employés qui télétravaillent impacteraient avant tout le canton de Genève. En cas de télétravail de 20 % (un jour par semaine en moyenne pour un emploi à plein temps), les pertes de recettes fiscales, impôt fédéral direct compris, ont été estimées à environ 50 millions de francs par année pour le canton de Genève.

Dans la relation bilatérale franco-suisse, deux systèmes sont en vigueur pour l'imposition du revenu d'une activité lucrative dépendante: le régime ordinaire et le régime frontalier. Dans le régime ordinaire, prévu par la CDI-FR, les rémunérations sont im3 4 5 6 7 8

RS 0.672.934.91 FF 1969 II 1483 RO 2000 1936; FF 1997 IV 1025 RO 2010 5683; FF 2009 1389; 2010 1409 RO 2016 1195, 1193; FF 2011 3519 www.bfs.admin.ch > Trouver des statistiques > Travail et rémunération > Activité professionnelle et temps de travail > Population active, participation au marché du travail > Frontaliers, frontalières.

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posables dans l'État contractant où le travail est physiquement effectué. Dans le régime frontalier, instauré par l'Accord du 11 avril 1983 entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République française relatif à l'imposition des rémunérations des travailleurs frontaliers9 (ci-après «Accord de 1983»), qui s'applique entre les cantons de BE, BL, BS, JU, NE, SO, VD et VS et la France, les rémunérations sont imposables uniquement dans l'État de résidence des travailleurs frontaliers moyennant le versement, par cet État, d'une compensation de 4,5 % de la masse salariale brute à l'autre État. Par ailleurs, en vertu de l'Accord du 29 janvier 1973 entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République française sur la compensation financière relative aux frontaliers travaillant à Genève10 (ci-après «Accord de 1973»), le canton de Genève paie chaque année aux départements de l'Ain et de la Haute-Savoie une compensation égale à 3,5 % de la masse salariale brute versée par les employeurs genevois relative aux habitants de ces deux départements qui travaillent à Genève.

En 2019, la France a introduit un prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu de l'activité salariée. Celui-ci est notamment aussi dû par les employeurs étrangers si la France dispose d'un droit d'imposition sur le revenu de l'activité selon la convention contre les doubles impositions applicable. Toutefois, en vertu du droit français, les employeurs de frontaliers au sens de l'Accord de 1983 ne sont pas soumis à cette retenue. Les autres employeurs suisses sont notamment concernés lorsque des collaborateurs domiciliés en France effectuent leurs tâches en télétravail en France. En Suisse, le prélèvement à la source, par un employeur suisse, de l'impôt français sur le salaire d'un employé résident de France serait toutefois en contradiction avec l'art. 271 du code pénal11.

Le 13 mai 2020, l'autorité compétente suisse a conclu avec l'autorité compétente française un accord amiable COVID-19. En résumé, cet accord prévoyait que le télétravail à domicile n'était pas pris en compte aux fins de l'imposition et que le droit d'imposer n'était pas modifié. Il a été prorogé plusieurs fois entre 2020 et 2022, d'abord sur la base des restrictions sanitaires, puis jusqu'au 31 octobre 2022 et ensuite jusqu'au 31 décembre
2022, sur la base cette fois de la déclaration conjointe du 29 juin 202212, dans laquelle la Suisse et la France ont convenu de négocier une nouvelle solution durable pour l'imposition du télétravail et de permettre le télétravail durant la période 9

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www.estv.admin.ch > Droit fiscal international > Droit fiscal international par pays > France > III. Accords amiables de portée générale > 1. Frontaliers > Accord entre le Conseil fédéra1 suisse et le Gouvernement de la République française relatif à l'imposition des rémunérations des travailleurs frontaliers.

www.estv.admin.ch > Droit fiscal international > Droit fiscal international par pays > France > IV. Accords conclus par les cantons > 1. Frontaliers > Accord entre le Conseil fédéra1 suisse et le Gouvernement de la République française sur la compensation financière relative aux frontaliers travaillant à Genève et https://silgeneve.ch/legis > Accords et Concordats > Traités internationaux et accords transfrontaliers > Accord entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République française sur la compensation financière relative aux frontaliers travaillant à Genève.

RS 311.0 www.estv.admin.ch > Droit fiscal international > Droit fiscal international par pays > France > III. Accords amiables de portée générale > 1. Frontaliers > Déclaration conjointe de la France et de la Suisse concernant la mise en place d'un accord provisoire applicable aux travailleurs transfrontaliers en vue d'aboutir à des règles d'imposition pérennes en matière de télétravail.

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de négociation. Durant la période d'application de ces accords amiables, la question du conflit de normes entre l'effet extraterritorial du prélèvement à la source français et l'art. 271 du code pénal a pu être évitée dès lors que le droit d'imposer était maintenu dans l'État de l'employeur, également en cas d'exercice de télétravail.

Des négociations entre la Suisse et la France ont eu lieu durant le second semestre 2022. Des représentants du Département fédéral des affaires étrangères et des cantons de GE, NE et VD ont été étroitement associés aux pourparlers et ont fait partie de la délégation suisse conduite par le Secrétariat d'État aux questions financières internationales; le canton de VD a assuré la coordination avec les autres cantons directement concernés par l'Accord de 1983. Les paraphes ont été apposés le 22 décembre 2022 sur un projet d'avenant à la CDI-FR (ci-après «avenant»).

En parallèle des paraphes apposés sur l'avenant, ont été signés, d'une part, un accord amiable entre autorités compétentes clarifiant la notion de frontalier au sens de l'Accord de 198313 et, d'autre part, un accord amiable transitoire entre autorités compétentes afin de tenir compte des délais d'approbation de l'avenant tant en Suisse qu'en France14.

Le premier accord amiable stipule que le télétravail jusqu'à 40 % du temps de travail par année civile ne remet en cause ni la qualité de frontalier selon l'Accord de 1983, ni l'assiette pour le versement de la compensation de 4,5 % de la masse salariale brute (pour l'année 2022, la compensation s'est élevée à 380 millions de francs). Cela signifie que les rémunérations restent imposables uniquement dans l'État de résidence du frontalier (en règle générale la France). La France versera donc la compensation à la Suisse sur le total de la masse salariale communiquée par la Suisse. Par conséquent, le télétravail exercé en France jusqu'à 40 % du temps de travail par année civile n'aura pas d'impact sur le montant de la compensation prévue par l'Accord de 1983. En revanche, les personnes qui télétravaillent au-delà de cette limite perdent la qualité de frontalier et sont soumises au régime ordinaire prévu par la CDI-FR. Cet accord amiable n'est pas limité dans le temps.

Le second accord amiable, par essence transitoire, vise à permettre le télétravail à concurrence
de 40 % du temps de travail par année civile entre le 1er janvier 2023 et la date d'entrée en vigueur du nouvel avenant. Il est donc intrinsèquement lié au sort de l'avenant. Comme l'avenant a été signé avant le 30 juin 2023, l'accord amiable transitoire s'appliquera jusqu'au 31 décembre 2024.

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www.estv.admin.ch > Droit fiscal international > Droit fiscal international par pays > France > III. Accords amiables de portée générale > 1. Frontaliers > Accord amiable conclu entre les autorités compétentes de la Suisse et de la France concernant l'exercice du télétravail dans le cadre de l'accord du 11 avril 1983 entre le Conseil fédéral suisse, agissant au nom des cantons de Berne, Soleure, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Vaud, Valais, Neuchâtel et Jura, et le Gouvernement de la République française, relatif à l'imposition des rémunérations des travailleurs frontaliers.

www.estv.admin.ch > Droit fiscal international > Droit fiscal international par pays > France > III. Accords amiables de portée générale > 1. Frontaliers > Accord amiable conclu entre les autorités compétentes de la Suisse et de la France concernant les dispositions applicables aux revenus visés au 1 de l'article 17 de la Convention du 9 septembre 1966 entre la Suisse et la France en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales («la Convention»).

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En outre, des discussions menées au printemps 2023 entre les autorités compétentes suisse et française ont abouti le 30 juin 2023 à la conclusion de deux accords amiables15 fixant des règles communes d'interprétation des deux accords amiables signés le 22 décembre 2022. Ces accords amiables interprétatifs concernent, d'une part, les conséquences fiscales en cas de dépassement de la limite de 10 jours de missions temporaires par année considérés comme du télétravail et, d'autre part, la relation entre la limite de 40 % du temps de travail annuel et la limite de 10 jours de missions temporaires. L'accord amiable afférent à l'Accord de 1983 précise également l'articulation de ces seuils avec la tolérance, convenue dans l'échange de lettres de 2005, des 45 nuitées passées par des frontaliers dans l'État de l'employeur ou dans un État tiers. Ces clarifications répondent aux souhaits exprimés par les associations intéressées à la conclusion des conventions fiscales lorsque le présent projet d'avenant leur a été soumis (cf. ch. 2).

La solution négociée concernant l'imposition du télétravail transfrontalier entre la Suisse et la France n'a pas d'incidence sur la notion de frontalier au sens de l'Accord du 21 juin 1999 sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'UE16, qui est réservée.

Par ailleurs, la révision de la CDI-FR a été l'occasion de mettre la CDI-FR en conformité avec les résultats des travaux de l'Organisation de coopération et de développement économiques (ci-après «OCDE») visant à lutter contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (ci-après «plan d'action BEPS»).

Les cantons et les milieux intéressés à la conclusion des conventions contre les doubles impositions ont accueilli favorablement l'avenant lors de la procédure d'orientation au mois de mars 2023. L'avenant a été signé à Paris le 27 juin 2023.

1.2

Appréciation

1.2.1

Imposition du télétravail

La nouvelle solution en matière d'imposition du télétravail avec la France offre aux employeurs et aux employés de toute la Suisse la possibilité de s'accorder sur un télétravail transfrontalier de 40 % du temps de travail au maximum par année civile, y compris 10 jours de voyages d'affaires ou de service dans l'État de résidence de l'em15

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www.estv.admin.ch > Droit fiscal international > Droit fiscal international par pays > France > III. Accords amiables de portée générale > 1. Frontaliers > Accord amiable conclu entre les autorités compétentes de la Suisse et de la France sur les modalités du régime applicable à l'exercice du télétravail dans le cadre de la Convention du 9 septembre 1966 entre la Suisse et la France en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales et www.estv.admin.ch > Droit fiscal international > Droit fiscal international par pays > France > III. Accords amiables de portée générale > 1. Frontaliers > Accord amiable conclu entre les autorités compétentes de la Suisse et de la France sur les modalités du régime applicable à l'exercice du télétravail dans le cadre de l'accord du 11 avril 1983 entre le Conseil fédéral suisse, agissant au nom des cantons de Berne, Soleure, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Vaud, Valais, Neuchâtel et Jura, et le Gouvernement de la République française, relatif à l'imposition des rémunérations des travailleurs frontaliers.

RS 0.142.112.681

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ployé ou dans un État tiers. Une telle solution contribue à l'attractivité des employeurs situés en Suisse, actuellement confrontés à une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée, et en particulier au développement de la prospérité économique dans les régions frontalières franco-suisses.

L'attribution du droit d'imposer les rémunérations afférentes au télétravail exercé dans l'État de résidence de l'employé à l'État où est situé l'employeur permet de résoudre dans la très grande majorité des cas (c'est-à-dire jusqu'à la limite de 40 % de télétravail) le conflit de normes induit par le dispositif extraterritorial français de prélèvement à la source sur les salaires. Dans le périmètre défini, elle simplifie les démarches administratives pour les employeurs et les employés dans la mesure où ils ne devront appliquer qu'un seul droit fiscal (les entreprises situées en Suisse appliqueront uniquement le droit fiscal suisse).

Un échange automatique de renseignements concernant les données salariales est prévu afin d'assurer l'application des nouvelles règles. Il englobe également les frontaliers au sens de l'Accord de 1983.

Alors que, selon les dispositions de la CDI-FR, la France aurait le droit d'imposer le revenu afférent aux jours télétravaillés en France, la solution convenue prévoit une imposition maintenue en Suisse et une compensation fixée à 40 % des impôts dus sur les rémunérations versées à raison des activités exercées en télétravail depuis l'État de résidence. Autrement dit, la Suisse pourra conserver 60 % des impôts dus sur les rémunérations versées à raison des activités exercées en télétravail depuis la France.

Cette solution préserve les intérêts budgétaires des cantons et de la Confédération par rapport à la perte du droit d'imposer applicable en l'absence d'accord sur l'imposition du télétravail.

S'agissant en particulier du canton de Genève, qui verse déjà aujourd'hui la compensation prévue par l'Accord de 1973 à deux départements français et qui avait demandé à ce que cet état de fait soit reflété dans la solution négociée, une franchise de 15 % tient compte de ce versement. Au-dessous de cette franchise, la Suisse ne versera pas de compensation au titre du télétravail à la France lorsque l'employeur est situé dans le canton de Genève. Selon les estimations réalisées conjointement par
la Confédération et le canton de Genève, la nouvelle solution ne devrait en principe pas impacter directement les finances cantonales genevoises. Il est en effet prévu que la Confédération participe dorénavant à la compensation versée par le canton de Genève en vertu de l'Accord de 1973, avec un plafond correspondant au montant de la nouvelle compensation au titre du télétravail incombant à Genève. Cette solution permet d'établir une certaine égalité de traitement avec d'autres cantons qui connaissent des règles fédérales d'imposition des frontaliers.

Par ailleurs, l'accord amiable clarifiant la notion de frontalier au sens de l'Accord de 1983 stipule que le télétravail jusqu'à 40 % du temps de travail par année civile ne remet en cause ni la qualité de frontalier au sens de l'Accord de 1983, ni l'assiette pour le versement de la compensation de 4,5 % de la masse salariale brute. La solution permet ainsi de sécuriser l'assiette de la compensation prévue par l'Accord de 1983 sans remettre en cause l'accord lui-même, ce qui était une demande des huit cantons directement concernés par cet accord. L'accord amiable est applicable depuis le 1er janvier 2023.

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De plus, pour le régime ordinaire sous la CDI-FR, la conclusion d'un accord amiable transitoire permet d'assurer la possibilité de télétravailler dès le 1er janvier 2023, c'està-dire sans rupture par rapport à la situation qui prévalait en 2022, et ce jusqu'à l'entrée en vigueur de l'avenant.

En outre, les accords amiables du 30 juin 2023 précisent l'interprétation de la limite de 10 jours de missions temporaires par année considérés comme du télétravail. Ils répondent aux souhaits exprimés par les associations intéressées à la conclusion des conventions fiscales lorsque le présent projet d'avenant leur a été soumis (cf. ch. 2).

Dans l'ensemble, le résultat des négociations concernant l'imposition du télétravail est équilibré et conforme aux intérêts de la Suisse, tant sur le plan économique que sur le plan fiscal.

1.2.2

Autres modifications de la CDI-FR

L'avenant modifiant la CDI-FR met en oeuvre les standards minimaux, c'est-à-dire la norme minimale selon le rapport sur l'action 6 du plan d'action BEPS et évite ainsi l'octroi d'avantages dans des situations abusives, ainsi que la norme minimale selon le rapport sur l'action 14 du plan d'action BEPS concernant l'amélioration des mécanismes de règlement des différends. En outre, il rend possible l'application, le cas échéant, de l'imposition minimale convenue par l'OCDE et les États du G20 pour certaines entreprises.

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Procédure de consultation

L'avenant est sujet au référendum, conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, de la Constitution (Cst.)17. En vertu de l'art. 3, al. 1, let. c, de la loi du 18 mars 2005 sur la consultation (LCo)18, il était donc en principe soumis à une consultation. Cependant, selon l'art. 3a, al. 1, let. b, LCo, il est possible d'y renoncer lorsqu'aucune information nouvelle n'est à attendre du fait que les positions des milieux intéressés sont connues.

Une procédure d'orientation a été organisée en mars 2023. Dans ce cadre, l'avenant a été adressé aux cantons et aux milieux intéressés à la conclusion des conventions contre les doubles impositions avec une note explicative, pour prise de position. Le projet d'avenant a été globalement bien accueilli et n'a pas rencontré d'opposition.

Les milieux économiques ont souligné l'importance de clarifier avec la France les conséquences fiscales du dépassement, le cas échéant, de la limite de 10 jours de missions temporaires considérés comme jours télétravaillés (cf. ch. 1.1) ainsi que la relation entre la limite de 40 % du temps de travail annuel et la limite de 10 jours de missions temporaires (cf. ch. 1.1). Ces souhaits ont été pris en compte par la conclusion des accords amiables du 30 juin 2023. Les positions des milieux intéressés étant ainsi connues et documentées, il a été possible, en vertu de l'art. 3a, al. 1, let. b, LCo, de renoncer à organiser une procédure de consultation.

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RS 101 RS 172.061

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Commentaires des dispositions de l'avenant

Les modifications de la CDI-FR apportées par l'avenant concernant l'imposition du télétravail sont présentées sous le ch. 3.1. Les autres modifications sont présentées sous le ch. 3.2.

3.1

Imposition du télétravail (art. 4 de l'avenant et nouveau protocole additionnel)

L'art. 4 de l'avenant introduit un nouveau par. 5 à l'art. 17 de la CDI-FR. Cette disposition, qui s'applique nonobstant le par. 1 de l'art. 17 mais sous réserve du par. 4 de l'art. 17 (c'est-à-dire de l'Accord de 1983), renvoie au contenu du nouveau protocole additionnel contenant les règles applicables à l'imposition du télétravail qui figure à l'art. 10 de l'avenant (ci-après «protocole additionnel télétravail»).

Définition du télétravail au sens de l'avenant (art. 10 de l'avenant, ainsi que par. 3 du protocole additionnel télétravail) Aux fins de l'application de l'art. 17, par. 5, de la CDI-FR, on entend par «activités exercées en télétravail depuis l'État de résidence» toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail, qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l'employeur, est effectué par un salarié dans son État de résidence, à distance et en dehors des locaux de l'employeur, pour le compte de celui-ci, conformément aux dispositions contractuelles liant l'employé et l'employeur, en utilisant les technologies de l'information et de la communication. Selon cette définition, la zone géographique dans laquelle le télétravail peut être exercé est donc l'ensemble du territoire de l'État de résidence du salarié.

Cette définition du télétravail inclut également les missions temporaires, à savoir les voyages d'affaires ou de service, exercées par le salarié pour le compte de cet employeur dans l'État de résidence de l'employé ou dans un État tiers, pour autant que leur durée cumulée n'excède pas dix jours par année. Dans cette limite, ces jours de déplacements professionnels comptent donc comme jours de télétravail au sens de la définition avec imposition des rémunérations correspondantes dans l'État où l'employeur est situé. Cette précision permet de considérer les missions temporaires effectuées de manière occasionnelle comme couvertes par la définition du télétravail, ce qui évite que les rémunérations des personnes concernées fassent l'objet d'une ventilation internationale.

Possibilité de télétravailller jusqu'à 40 % du temps de travail par année civile et attribution du droit d'imposer les rémunérations à l'État dans lequel l'employeur est situé (art. 10 de l'avenant, ainsi que par. 1, let. a et d, du protocole additionnel télétravail) L'avenant à la CDI-FR stipule
que les activités exercées en télétravail depuis l'État de résidence du salarié pour le compte d'un employeur situé dans l'autre État contractant sont considérées effectuées auprès de cet employeur dans cet autre État dans la 9 / 20

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limite de 40 % du temps de travail par année civile. Autrement dit, il établit la possibilité pour les résidents de France travaillant pour un employeur suisse de télétravailller jusqu'à 40 % du temps de travail par année civile en maintenant l'imposition en Suisse de la quote-part des rémunérations correspondant à la part télétravaillée en France. Cette règle vaut pour tout le territoire suisse; en sont toutefois exemptés les frontaliers travaillant dans les huit cantons directement concernés par l'Accord de 1983, lesquels bénéficient d'une tolérance identique de télétravail de 40 % mais ne sont pas matériellement couverts par l'avenant à la CDI-FR (cf. ch. 1.1). La limite fixée correspond à deux jours par semaine en moyenne pour un emploi à plein temps et s'adapte proportionnellement pour un emploi à temps partiel. La règle est réciproque, c'est-à-dire qu'elle s'applique non seulement aux personnes qui résident en France et sont salariées d'un employeur situé en Suisse mais également à celles qui résident en Suisse et travaillent pour un employeur situé en France. Au-delà de la limite de 40 % du temps de travail, les règles ordinaires de la CDI-FR sont applicables et une ventilation internationale des rémunérations selon l'État d'activité doit être effectuée dès le 1er jour de télétravail.

L'attribution du droit d'imposer les rémunérations à l'État dans lequel l'employeur est situé présente notamment l'avantage de résoudre le conflit de normes qui existe en relation avec le prélèvement à la source sur les salaires instauré en France en 2019, lequel a vocation à s'appliquer non seulement aux employeurs situés en France, mais également à ceux situés à l'étranger, par exemple en Suisse. En Suisse, le prélèvement à la source de l'impôt français serait toutefois en contradiction avec l'art. 271 du code pénal. Jusqu'à la fin de l'année 2022, l'accord amiable COVID-19 et la déclaration conjointe du 29 juin 2022 ont permis d'éviter le conflit de normes précité dès lors que le droit d'imposer était maintenu dans l'État de l'employeur, également en cas d'exercice de télétravail. La nouvelle solution pérenne, en ce qu'elle attribue à l'État de l'employeur le droit d'imposer les rémunérations correspondant aux jours travaillés dans cet État et aux jours télétravaillés dans l'autre État contractant, permet
de résoudre, en grande partie (c'est-à-dire jusqu'à la limite prévue de 40 % de télétravail), le conflit de normes. Elle simplifie aussi les démarches des employeurs qui peuvent continuer à appliquer uniquement un seul droit fiscal à l'ensemble des rémunérations versées. La règle est réciproque.

Compensation au titre du télétravail (art. 10 de l'avenant, ainsi que par. 1, let. b, du protocole additionnel télétravail) Selon la CDI-FR, le revenu d'une activité lucrative dépendante est imposable dans l'État contractant où le travail est physiquement effectué. Comme l'avenant attribue le droit d'imposer la totalité des rémunérations à l'État de l'employeur (la Suisse en général), une compensation pour le manque à gagner subi avec la nouvelle règle d'imposition dans l'État de résidence de l'employé (en général la France) a été négociée.

Après des discussions approfondies, le taux de la compensation a été fixé à 40 % des impôts dus sur les rémunérations versées à raison des activités exercées en télétravail depuis l'État de résidence. La compensation est due le 30 juin de l'année suivant celle au cours de laquelle les rémunérations ont été versées. La règle est réciproque.

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Cette compensation est applicable dans tous les cantons, avec une particularité pour le canton de Genève (cf. point suivant). Pour les huit cantons directement concernés par l'Accord de 1983, la compensation n'est toutefois applicable que pour les personnes qui ne sont pas frontalières au sens de cet accord.

La compensation au titre du télétravail n'a pas d'incidence sur la manière dont les employeurs et les employés pourront agencer le télétravail dans la limite de 40 % du temps de travail par année civile. Elle ne déploie d'effets qu'entre les États contractants.

Franchise de 15 % applicable uniquement au canton de Genève et nouvelle participation de la Confédération à la compensation financière genevoise (art. 10 de l'avenant, ainsi que par. 1, let. c, du protocole additionnel télétravail) En vertu de l'Accord de 1973, le canton de Genève paie chaque année aux départements de l'Ain et de la Haute-Savoie une compensation égale à 3,5 % de la masse salariale brute versée par les employeurs genevois relative aux habitants de ces deux départements qui travaillent à Genève (ci-après «CFG»). Dès lors qu'une nouvelle compensation au titre du télétravail est introduite, il aurait été souhaitable d'en tenir compte lors du calcul de la CFG sous la forme, par exemple, d'une réduction de l'assiette de ladite CFG. Cependant, la France, qui n'était pas disposée à accepter un déplacement de substrat fiscal, politiquement délicat sur le plan interne, des deux départements vers Paris, s'est par conséquent montrée inflexible, arguant du caractère budgétaire selon elle ­ et non fiscal ­ de la CFG. Toutefois, la réduction non admise de la CFG est prise en compte dans l'avenant, indirectement, sous la forme d'une franchise de 15 % en-dessous de laquelle la Suisse ne versera pas de compensation au titre du télétravail à la France lorsque l'employeur est situé dans le canton de Genève.

Comme il s'agit d'une franchise, seuls les éventuels jours télétravaillés entre 15 % et 40 % du temps de travail donnent lieu au versement d'une compensation au titre du télétravail de la Suisse à la France.

Aujourd'hui, la Confédération ne participe pas au versement de la CFG bien que l'impôt fédéral direct soit prélevé sur les salaires versés aux résidents des deux départements concernés par l'Accord de 1973 qui travaillent à
Genève. Compte tenu notamment du résultat des négociations impliquant le versement d'une nouvelle compensation au titre du télétravail à la France, le canton de Genève a demandé à la Confédération de le soutenir financièrement et de participer dorénavant au paiement de la CFG. À l'appui de sa demande, il invoquait une inégalité de traitement par rapport aux cantons concernés par les accords conclus par la Confédération sur l'imposition des frontaliers notamment avec l'Allemagne et l'Italie, dans lesquels la Confédération participe à la répartition des impôts prélevés à la source en Suisse. En ce sens, il est prévu que la Confédération participe dorénavant à la CFG à hauteur de la quotepart estimée de l'impôt fédéral direct dans les recettes fiscales collectées sur les salaires des résidents des deux départements français travaillant à Genève. La quotepart estimée de l'impôt fédéral direct dans la CFG de 352 millions de francs payée en 2023 est de 50 millions environ. Toutefois, vu la situation budgétaire actuelle de la Confédération, il est prévu que la participation de la Confédération à la CFG soit plafonnée au montant de la nouvelle compensation au titre du télétravail incombant à Genève. Selon les estimations actuelles concernant 2022, la compensation au titre du 11 / 20

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télétravail incombant à Genève serait comprise entre 38 millions et 48 millions de francs, c'est-à-dire moins que la quote-part estimée de l'impôt fédéral direct dans la CFG (environ 50 millions). Cette solution permet d'établir une certaine égalité de traitement avec d'autres cantons qui connaissent des règles fédérales sur l'imposition des frontaliers et permet de satisfaire à la demande du canton de Genève de ne pas payer plus en faveur de la France que ce qu'il ne verse à l'heure actuelle.

La participation de la Confédération à la CFG dans la mesure précitée est directement liée à la nouvelle solution en matière d'imposition du télétravail stipulée par l'avenant.

Par conséquent, elle est inscrite dans l'arrêté fédéral d'approbation du nouvel avenant, lequel est soumis aux Chambres fédérales par le présent message et sujet au référendum facultatif.

Comme l'Accord de 1973 est unilatéral en ce sens que seul le canton de Genève s'est engagé à verser une compensation à la France et que la France ne paie pas de compensation similaire à Genève ou à la Suisse, la règle n'est pas réciproque. En d'autres termes, il n'y aura pas de franchise à déduire par la France lors de la détermination de la compensation au titre du télétravail à verser à la Suisse.

Échange automatique de renseignements portant sur les données salariales (art. 6 de l'avenant insérant un nouvel art. 28ter dans la CDI-FR et art. 8 de l'avenant insérant un nouveau par. XII dans le protocole additionnel à la CDI) Selon la déclaration conjointe du 29 juin 2022, le partage des recettes fiscales liées au télétravail doit être vérifiable. La France a demandé l'échange automatique des données salariales pour ses résidents qui travaillent en Suisse, aussi bien pour les frontaliers selon l'Accord de 1983 que pour les personnes soumises au régime ordinaire prévu à l'art. 17 de la CDI-FR. S'agissant de l'Accord de 1983, la France souhaite depuis de nombreuses années croiser la masse salariale communiquée par la Suisse avec les revenus déclarés en France par les frontaliers. Concernant les personnes soumises aux règles ordinaires prévues à l'art. 17 de la CDI-FR et dont les rémunérations sont imposables en Suisse, la France souhaite s'assurer que ses résidents soient bien imposés au taux global. Ces demandes sont légitimes et acceptables du
point de vue suisse. La Suisse a d'ailleurs déjà accordé un échange similaire de données salariales à l'Italie dans le nouvel accord sur l'imposition des frontaliers du 23 décembre 202019, qui a été approuvé par les Chambres fédérales.

Compte tenu des contextes bilatéraux différents, le champ d'application de l'échange automatique des données salariales convenu avec la France diffère de celui convenu avec l'Italie: il ne comprend pas les cotisations sociales ni le montant total de l'impôt à la source retenu en Suisse. Les renseignements individualisés à échanger sont les suivants:

19

a)

les nom(s) et prénom(s) de la personne, la date de naissance, le code postal de son lieu de résidence et, si disponible, tout autre élément de nature à faciliter l'identification de la personne (adresse, lieu de naissance, état civil, n° d'identification fiscale);

b)

l'année civile au cours de laquelle le revenu est réalisé;

RS 0.642.045.43

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c)

le nombre de jours ou le pourcentage de télétravail;

d)

le montant de la masse totale des rémunérations brutes versées.

Il est prévu que ces renseignements soient échangés chaque année, jusqu'au 30 novembre de l'année suivant celle au cours de laquelle les rémunérations ont été versées.

Les modalités d'application de ces dispositions (format électronique à utiliser, etc.)

feront l'objet d'un accord amiable. Les règles sur la confidentialité des renseignements échangés prévues par la norme internationale en matière d'échange de renseignements sur demande sont applicables à l'échange automatique portant sur les données salariales. En Suisse, l'Administration fédérale des contributions (ci-après «AFC») est l'autorité compétente pour transmettre à la France les renseignements concernant les résidents de France qui travaillent pour le compte d'un employeur situé en Suisse. C'est également l'AFC qui recevra les renseignements de l'Administration fiscale française concernant les résidents de Suisse qui sont employés en France. Il est probable que ces nouvelles tâches confiées à l'AFC nécessiteront des ressources supplémentaires, aussi bien sur le plan financier que sur le plan du personnel (cf. ch. 4).

Dispositions transitoires (art. 11, par. 4, de l'avenant) Compte tenu des procédures d'approbation de l'avenant à respecter dans chacun des États contractants et afin de permettre aux personnes concernées de télétravailler entre le 1er janvier 2023 et la date d'entrée en vigueur du nouvel avenant, un accord amiable transitoire a été conclu entre les autorités compétentes (cf. ch. 1.1). Il prévoit la possibilité de télétravailller jusqu'à 40 % du temps de travail par année civile durant cette période intermédiaire. En contrepartie du maintien, pendant cette période transitoire, du droit d'imposer les rémunérations liées au télétravail dans l'État dans lequel l'employeur est situé, il est prévu que la Suisse verse à la France un montant en francs suisses correspondant à 2,3 % de l'impôt dû sur les rémunérations versées au titre d'un emploi salarié à des résidents de France, pour chaque année comprise entre le 1er janvier 2023 et le 31 décembre de l'année de l'entrée en vigueur de l'avenant. Ce paiement, qui se substitue en quelque sorte à la compensation au titre du télétravail due selon l'avenant et qui est fondé sur des estimations des possibilités de télétravailler, est calculé net et prend en compte le montant dû par
la France à la Suisse au titre de cette même période. Il est prévu qu'il soit versé par la Suisse à la France au plus tard le 30 juin de l'année suivant celle au cours de laquelle l'avenant entre en vigueur. Au cas où, contre toute attente, l'accord amiable transitoire devait cesser de s'appliquer avant le 31 décembre 2024, le montant à verser serait calculé au prorata de la durée d'application de cet accord amiable.

A défaut des bases légales nécessaires en droit suisse, un échange automatique de renseignements portant sur les données salariales durant la période transitoire ne pourra pas être effectué.

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3.2

Autres modifications de la CDI-FR

Préambule à la CDI-FR (art. 1 de l'avenant) L'art. 1 de l'avenant remplace le préambule de la CDI-FR par une nouvelle disposition. Celle-ci a été élaborée dans le cadre de l'action 6 du plan d'action BEPS et elle figure dans le Modèle de convention de l'OCDE de 201720.

Cette disposition établit clairement que la Suisse et la France n'avaient pas l'intention, en concluant la CDI-FR, de créer des possibilités de non-imposition ou d'imposition réduite par la fraude ou l'évasion fiscale. En d'autres termes, la CDI-FR vise également à éliminer une double non-imposition causée par la fraude ou l'évasion fiscale.

Il est ainsi tenu compte du fait qu'il existe des situations de double non-imposition voulues, par exemple des distributions de dividendes à des sociétés du même groupe.

En pareil cas, la double non-imposition permet d'éviter des charges économiques multiples indésirables.

Il est nécessaire d'inscrire cette disposition dans la CDI-FR pour respecter la norme minimale fixée par l'action 6 du plan d'action BEPS.

Définitions générales (art. 2 de l'avenant ad art. 3 de la CDI-FR) La définition de l'autorité compétente suisse est adaptée à la situation actuelle.

Entreprises associées (art. 3 de l'avenant ad art. 9 de la CDI-FR) Il est introduit un par. 2 à l'art. 9 de la CDI-FR selon le Modèle de convention de l'OCDE de 2017. Cette disposition prévoit l'obligation de procéder à des ajustements corrélatifs en cas d'ajustement des bénéfices.

La modification de l'art. 9 de la CDI-FR correspond à la pratique déjà appliquée par les autorités compétentes. Comme précédemment, la Suisse n'est pas tenue de procéder à des ajustements corrélatifs automatiques en cas d'ajustement des bénéfices par les autorités fiscales françaises. Elle ne doit procéder à des ajustements corrélatifs que si ceux-ci correspondent à une solution convenue dans le cadre d'une procédure amiable. La modification de l'art. 9 de la CDI-FR correspond à la politique actuellement suivie par la Suisse dans le domaine des conventions contre les doubles impositions.

Procédure amiable (art. 5 de l'avenant ad art. 27 de la CDI-FR) La disposition de la CDI-FR sur la procédure amiable est modifiée sur deux points.

Conformément au libellé du Modèle de convention de l'OCDE issu de l'action 14 du plan d'action BEPS concernant l'amélioration des mécanismes de règlement des différends, la 1re phrase du par. 1 de cette disposition prévoit dorénavant la possibilité 20

www.oecd.org > Thèmes > Fiscalité > Conventions fiscales > Modèle OCDE de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune.

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pour une personne contribuable de demander l'ouverture d'une procédure amiable soit dans son État de résidence, soit dans l'autre État contractant. Cette modification a été convenue par la Suisse avec plusieurs pays au cours des dernières années.

La 1re phrase de l'art. 27, par. 3, de la CDI-FR est remplacée par un libellé identique à la teneur de la disposition correspondante du Modèle de convention de l'OCDE.

L'ancienne formulation, qui ne mentionnait que les difficultés d'application (et non les doutes en relation avec l'interprétation de la CDI-FR) comme pouvant donner lieu à une procédure amiable de portée générale, était due à des particularités institutionnelles qui existaient en France lors de la conclusion de la CDI-FR en 1966. La modification de la disposition constitue une mise à jour mettant la CDI-FR en conformité avec la norme minimale de l'action 14 du plan d'action BEPS et ne modifie pas matériellement la pratique actuelle des autorités compétentes.

Conformément à la norme minimale de l'action 14 du plan d'action BEPS, les pays qui le peuvent devraient insérer dans leurs conventions fiscales la 2e phrase du par. 2 de l'art. 25 du Modèle de convention de l'OCDE, dont la teneur est la suivante: «L'accord [amiable] est appliqué quels que soient les délais prévus par le droit interne des États contractants». Lorsqu'un pays ne peut pas insérer cette phrase dans ses conventions fiscales, par exemple parce qu'il a formulé une réserve (ce qui est le cas de la Suisse), il devrait être prêt à adopter d'autres dispositions conventionnelles qui limitent le délai pendant lequel un État contractant peut effectuer un ajustement en application de l'art. 7, par. 2, ou de l'art. 9, par. 1, du Modèle de convention de l'OCDE, afin d'éviter les ajustements tardifs qui ne peuvent faire l'objet d'un allègement en vertu de la procédure amiable. Le commentaire de la version du Modèle de convention de l'OCDE de 2017 mentionne ces dispositions. Or, la France n'a pas été en mesure d'accepter les propositions suisses faites en ce sens. Cela étant, bien que les dispositions limitant le délai pour effectuer un ajustement n'aient pas été insérées dans la CDI-FR, celle-ci est conforme à la norme minimale de l'action 14 du plan d'action BEPS étant donné que les deux États contractants étaient prêts à mettre en
oeuvre la norme, mais n'ont pas pu se mettre d'accord sur une solution commune.

Droit aux avantages (art. 7 de l'avenant insérant un nouvel art. 29bis dans la CDI-FR) Un nouvel art. 29bis est introduit dans la CDI-FR. Cette disposition prévoit une clause anti-abus faisant référence aux objets principaux d'un montage ou d'une transaction.

Selon cette clause, un avantage fondé sur la CDI-FR n'est pas accordé si l'obtention de cet avantage était l'un des objets principaux d'un montage ou d'une transaction, à moins qu'il soit établi que l'octroi de cet avantage est conforme à l'objet et au but des dispositions correspondantes de la CDIFR.

Cette clause anti-abus est certes nouvelle, mais elle correspond dans les grandes lignes aux clauses que la Suisse a conclues pour lutter contre les abus dans un grand nombre de conventions contre les doubles impositions jusqu'en 2017. Elle se différencie de ces clauses par le fait qu'elle n'est pas limitée à certains types de revenus, tels que les dividendes, les intérêts ou les redevances de licence. Au contraire, elle s'applique à toutes les dispositions de la CDI-FR. Ainsi, les abus sont réservés pour tout avantage fondé sur la CDI-FR.

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La teneur de cette disposition diffère en outre sur un autre point de celle des clauses anti-abus adoptées par la Suisse dans ses conventions contre les doubles impositions jusqu'en 2017. Elle ne se limite pas aux états de fait dans lesquels l'objet principal du montage ou de la transaction est de tirer des avantages de la CDI-FR; elle englobe également les états de fait dans lesquels l'obtention de ces avantages n'en est qu'un des objets principaux. Cependant, cette différence de terminologie ne devrait pas aboutir à un résultat différent, car la seconde partie de la clause prévoit que les avantages fondés sur la CDI-FR sont quand même accordés s'ils sont conformes à la finalité ou à l'objet des dispositions correspondantes, ce qui devrait en principe être le cas si l'obtention de l'avantage n'était pas l'objet principal du montage ou de la transaction.

Cette clause anti-abus a été élaborée dans le cadre de l'action 6 du plan d'action BEPS.

Elle est inscrite au Modèle de convention de l'OCDE (art. 29, par. 9). Pour respecter la norme minimale fixée dans le cadre de l'action 6 du plan d'action BEPS, il suffit en principe d'inscrire la clause anti-abus dans les conventions contre les doubles impositions. Aucune autre disposition anti-abus n'est requise. La Suisse a donc proposé de renoncer aux clauses anti-abus existantes, notamment l'art. 14 de la CDI-FR. Toutefois, la France a refusé cette proposition en invoquant notamment le mauvais message qui serait induit par une suppression de ces dispositions.

Clause afférente à l'imposition minimale des groupes d'entreprises (art. 9 de l'avenant insérant un nouveau par. XIII dans le protocole additionnel à la CDI-FR) Un nouveau par. XIII est introduit dans le protocole additionnel à la CDI-FR existant.

Cette clause précise que la CDI-FR n'empêche pas les États contractants de mettre en oeuvre les dispositions de droit interne relatives à l'imposition minimale des groupes d'entreprises, prises sur le fondement des règles globales anti-érosion de la base d'imposition du Cadre inclusif de l'OCDE («pilier deux»). Par conséquent, la CDI-FR ne fait pas obstacle à l'application par la Suisse des dispositions de droit interne prévoyant de prélever un impôt complémentaire («top-up tax»), auprès d'un résident de Suisse au titre d'un établissement stable situé
en France. Cette disposition permet à la Suisse de mettre en oeuvre une imposition minimale conforme aux règles mentionnées et d'exclure ainsi les mesures prises par d'autres États. La clause ne déploiera ses effets que lorsque la Suisse aura adopté les dispositions relatives à l'imposition minimale des grands groupes d'entreprises.

Entrée en vigueur (art. 11 de l'avenant) L'avenant à la CDI-FR entrera en vigueur le lendemain de la date de la réception de la seconde notification transmise par la voie diplomatique confirmant l'achèvement des procédures internes requises en vue de son entrée en vigueur. Ses dispositions seront applicables aux années ou périodes fiscales commençant après l'année civile au cours de laquelle l'avenant entre en vigueur.

Toutefois, le protocole additionnel télétravail sera applicable aux rémunérations payées à partir du 1er janvier 2023. Il confirme ainsi l'accord amiable transitoire conclu entre les autorités compétentes (cf. ch. 1.1).

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4

Conséquences financières

Selon les règles ordinaires de la CDI-FR, qui seraient applicables en l'absence de la solution négociée et qui attribuent le droit d'imposer les salaires à l'État contractant dans lequel le télétravail est physiquement exercé, la diminution des recettes fiscales suisses est estimée à quelques centaines de millions de francs par année. La part de cette perte de recettes pour la Confédération peut être estimée à 15 % environ. Or, dans le cadre du télétravail jusqu'à 40 % du temps de travail annuel, la solution négociée attribue à l'État contractant où est situé l'employeur le droit d'imposer les rémunérations afférentes au télétravail exercé dans l'État de résidence de l'employé. Par rapport aux règles ordinaires de la CDI-FR, la nouvelle solution permet à la Suisse d'imposer les rémunérations versées à raison des activités exercées en télétravail en France et de conserver 60 % des impôts correspondants. La nouvelle solution sur l'imposition du télétravail préserve ainsi les recettes fiscales suisses par rapport à l'application des règles ordinaires de la CDI-FR. Les salaires correspondant au télétravail, dès lors que la part télétravaillée sans prise en compte des missions temporaires excède les 40 % du temps de travail annuel, sont imposables dans l'État de résidence de l'employé.

La nouvelle participation de la Confédération à la compensation financière genevoise prévue dans l'avenant aura des conséquences sur le budget ordinaire de la Confédération. Selon les estimations actuelles et en considérant que l'avenant devrait pouvoir entrer en vigueur au plus tôt vers la fin de 2024, pour les années transitoires 2023 et 2024, un montant d'environ 100 millions de francs sera versé au canton de Genève en 2025. Dès 2026, environ 50 millions de francs seront mis au budget pour le versement annuel au canton. Une actualisation de ces montants sera faite en vue du budget 2025 avec plan intégré des tâches et des finances 2026­2028. Le nouveau crédit sera de la responsabilité de l'AFC.

Lors de la mise en oeuvre de l'avenant, il faut s'attendre à une augmentation des charges en personnel et des charges financières pour l'AFC et les administrations fiscales cantonales. L'AFC devra se préparer suffisamment tôt aux nouvelles conditionscadres et prendre les dispositions nécessaires (mise en place de processus,
adaptations organisationnelles, adaptations de l'informatique ou mise en place de l'infrastructure informatique, etc.). La manière dont l'échange de renseignements se déroulera en détail sur le plan technique doit encore être définie avec la France. Ces adaptations devront être conçues de manière à être aussi efficaces que possible et à économiser les ressources. Actuellement, selon une estimation sommaire fondée sur l'échange automatique de renseignements sur les comptes financiers, les dépenses supplémentaires pour l'AFC liées à la mise en place de l'échange automatique de renseignements avec la France dès 2025 et jusqu'à la mise en service du système informatique sont estimées à 2 millions de francs et à trois équivalents plein temps (EPT). Pour l'exploitation courante du système informatique, il faut compter, dès la mise en service, avec des ressources financières d'environ 400 000 francs par an. Les ressources en personnel nécessaires à l'exploitation courante du système informatique seront évaluées ultérieurement.

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5

Aspects juridiques

5.1

Compétence pour conclure l'avenant et forme de l'acte à adopter

L'avenant se fonde sur l'art. 54, al. 1, Cst., qui attribue à la Confédération la compétence en matière d'affaires étrangères. L'art. 184, al. 2, Cst. confère au Conseil fédéral la compétence de signer des traités internationaux et de les ratifier. En vertu de l'art. 166, al. 2, Cst., il appartient à l'Assemblée fédérale d'approuver les traités internationaux, à l'exception de ceux dont la conclusion relève de la seule compétence du Conseil fédéral en vertu d'une loi ou d'un traité international (voir également l'art. 7a, al. 1, de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration21). Dans le cas d'espèce, il n'existe pas de loi ou de traité qui délègue au Conseil fédéral la compétence de conclure un traité tel que l'avenant. Le Parlement est donc compétent pour approuver ce dernier.

L'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst. dispose qu'un traité international est sujet au référendum notamment s'il contient des dispositions importantes fixant des règles de droit. Selon l'art. 22, al. 4, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)22, sont réputées fixer des règles de droit les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences.

L'avenant contient des dispositions qui créent des obligations pour les autorités suisses et confèrent des droits à celles-ci et aux contribuables (personnes physiques et morales). Il contient donc des dispositions importantes fixant des règles de droit au sens des art. 22, al. 4, LParl et 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst. L'arrêté fédéral portant approbation de l'avenant est ainsi sujet au référendum en matière de traités internationaux au sens de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

L'Assemblée fédérale approuve les traités internationaux soumis à référendum sous la forme d'un arrêté fédéral (art. 24, al. 3, LParl).

5.2

Modification de la loi relative à l'exécution des conventions internationales dans le domaine fiscal

Afin de disposer d'une base légale formelle en droit suisse posant le principe d'une répartition entre la Confédération et les cantons aussi bien pour la compensation au titre du télétravail à verser à la France que pour celle à recevoir de la France, il est prévu de modifier la loi du 18 juin 2021 relative à l'exécution des conventions internationales dans le domaine fiscal (LECF)23. La nouvelle disposition autorise le Conseil fédéral à édicter les règles nécessaires. Actuellement, l'art. 35, al. 3, LECF prévoit uniquement le cas du versement par la Suisse à l'autre État contractant, et non l'inverse. Ce dernier devient obsolète en raison de la nouvelle disposition prévue et peut 21 22 23

RS 172.010 RS 171.10 RS 672.2

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être supprimé. L'art. 141a, al. 2, Cst. dispose que lorsque l'arrêté portant approbation d'un traité international est sujet au référendum, l'Assemblée fédérale peut y intégrer les modifications de lois liées à la mise en oeuvre du traité. Par conséquent, l'arrêté fédéral d'approbation de l'avenant contient une disposition modifiant la LECF.

5.3

Participation de la Confédération à la compensation financière genevoise

La participation de la Confédération à la CFG est directement liée à la nouvelle solution en matière d'imposition du télétravail stipulée par l'avenant. Par conséquent, elle est inscrite dans l'arrêté fédéral d'approbation du nouvel avenant soumis aux Chambres fédérales. Comme mentionné au ch. 3.1, elle correspond à la quote-part de l'impôt fédéral direct dans les recettes fiscales collectées dans le canton de Genève sur les salaires des résidents des deux départements français concernés, avec un plafond correspondant au montant de la nouvelle compensation au titre du télétravail incombant au canton de Genève et aux communes genevoises.

Sous réserve de l'entrée en vigueur de l'avenant du 27 juin 2023, la participation de la Confédération à la CFG est due à compter de l'année fiscale 2023 (art. 3, al. 3, de l'arrêté fédéral). En principe, elle est versée par la Confédération au canton de Genève au plus tard le 30 juin de l'année suivant celle à laquelle elle se rattache. Toutefois, le versement de la participation de la Confédération à la CFG au titre des années comprises entre le 1er janvier 2023 et le 31 décembre de l'année de l'entrée en vigueur de l'avenant n'interviendra pas avant l'année suivant celle de l'entrée en vigueur de l'avenant: elle sera due au plus tard le 30 juin de cette année-là (art. 3, al. 4).

Afin de tenir compte des taxations ordinaires ultérieures au sens des art. 99a et 99b de la loi du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct24 et des art. 35a et 35b de la loi du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes25, qui sont effectuées avec un décalage temporel par rapport à l'année durant laquelle la retenue à la source est effectuée par l'employeur, l'art. 3, al. 5, de l'arrêté fédéral prévoit que le montant de la participation de la Confédération, au titre d'une année fiscale donnée, sera adapté selon l'évolution des recettes fiscales collectées sur les salaires des habitants des départements de l'Ain et de la Haute-Savoie par le canton de Genève et les communes genevoises au titre de cette année.

24 25

RS 642.11 RS 642.14

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