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Feuille Fédérale

Berne, le 21 avril 1975

127e année

Volume I

N°15 Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 75 francs par an: 42 fr. 50 pour six mois; étranger: 91 francs par an, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement.

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75.024 Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant les droits politiques des Suisses de l'étranger (Du 3 mars 1975)

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons ci-joint un projet de loi fédérale sur les droits politiques des Suisses de l'étranger.

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Aperçu introductif

La nouvelle loi doit permettre aux Suisses de l'étranger, sous certaines conditions, de prendre part aux élections et votations fédérales ainsi que de signer des initiatives populaires et des demandes de référendum. Notre message met en évidence les raisons qui nous ont engagés à accorder aux Suisses de l'étranger un droit de vote intégral (droit de vote des citoyens en séjour en Suisse) ainsi que le libre choix de-la commune où ils désirent exercer leurs droits politiques (domicile politique). En outre, nous exposons les raisons pour lesquelles une réglementation spéciale est prévue pour les fonctionnaires et employés de la Confédération envoyés à l'étranger.

Le projet de loi se fonde sur l'article 45Ms de la constitution relatif aux Suisses de l'étranger, accepté par le peuple et les cantons le 16 octobre 1966 (RO 1966 1730). Le premier texte légal adopté en vertu de cet article a été la loi fédérale du 21 mars 1973 (RO 1973 1976) sur l'assistance des Suisses de l'étranger, le deuxième, la loi fédérale du 14 décembre 1973 (RO 1974 795) sur la taxe d'exemption du service militaire frappant les Suisses de l'étranger; ces deux lois sont entrées en vigueur le 1er janvier 1974. Le troisième texte est la loi du 4 octobre 1974 (FF 1974II808) sur l'aide aux écoles suisses de l'étranger, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 1976.

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1306 D'autres mesures, qui se fondent également sur l'article 45bis de la constitution, ont été prises au niveau de l'administration. Au nombre de ces mesures, il faut compter le nouveau règlement du service diplomatique et consulaire, adopté le 24 novembre 1967 (RO 1967 2039), contenant également des dispositions prises en vertu de l'article constitutionnel sur les Suisses de l'étranger et fixant les rapports avec nos concitoyens de l'étranger, ainsi que leurs droits et leurs obligations. En ce qui concerne l'octroi de congés militaires, la nouvelle ordonnance du 23 décembre 1969 (RO 1970 359) sur les contrôles militaires, en vigueur dès le 1er juillet 1970, a permis d'obtenir des simplifications importantes et une pratique plus rationnelle. Complétant ces dispositions, l'arrêté du Conseil fédéral du 17 novembre 1971 (RO 7977 1645) concernant le service militaire des Suisses de l'étranger et des double-nationaux permet dorénavant à tous les jeunes Suisses de l'étranger d'accomplir sous certaines conditions leur école de recrues en Suisse.

On peut constater à bon droit aujourd'hui que l'article constitutionnel sur les Suisses de l'étranger a permis de développer efficacement une politique équilibrée à l'égard de nos concitoyens de l'étranger, réglant leurs droits et obligations compte tenu de leur situation particulière à l'étranger. Il a été ainsi possible de supprimer, une série de complications, telles que le traitement de la même affaire par plusieurs autorités, des décisions contradictoires, des formalités inutiles, etc., ce qui a permis d'obtenir des économies non négligeables de temps et de travail. Nous avons l'intention de poursuivre nos efforts dans ce sens, même si nous pensons que ce projet relatif aux droits politiques de nos concitoyens de l'étranger marque pratiquement l'aboutissement de la législation d'exécution de l'article 45bls de la constitution.

2 Partie générale 21 Situation initiale L'exercice des droits politiques a déjà retenu l'attention des Suisses de l'étranger sous l'empire de la constitution fédérale de 1848. Dans notre message du 2 juillet 1965 concernant l'insertion dans la constitution d'un article 45bls sur les Suisses à l'étranger (FF 1965 II 434), le Conseil fédéral présentait comme il suit les aspirations antérieures de nos concitoyens à l'étranger: «De nombreuses interventions ont été faites en vue d'une participation aux élections et votations fédérales. En 1874 déjà, quelques Suisses de Milan et Mulhouse demandèrent aux autorités fédérales de pouvoir prendre part à la votation du ] 9 avril 1874 sur la revision de la constitution. Le Conseil fédéral rejeta cette requête en invoquant la loi fédérale du 19 juillet 1872 sur les élections et votations fédérales (encore en vigueur aujourd'hui), selon laquelle le droit de vote ne peut être exercé que par les Suisses domiciliés en Suisse. Au cours des décennies qui suivirent, ce furent principalement les fonctionnaires des douanes stationnés à l'étranger, niais près de la Suisse (gares frontière) qui demandèrent à participer aux

1307 élections et votations. Les autorités n'eurent pas toujours une attitude uniforme à cet égard. Cependant, au cours de la première et de la seconde guerre mondiale, les Suisses de l'étranger appelés sous les drapeaux purent participer aux élections au Conseil national organisées alors qu'ils étaient au service, mais seulement en vertu :des dispositions arrêtées sur la base des pouvoirs extraordinaires.

Lors de la votation sur l'initiative de crise du 2 juin 1935, des demandes pressantes, émanant d'Allemagne, de France et d'Italie, furent adressées par le canal des postes diplomatiques suisses en vue d'autoriser les Suisses à l'étranger à prendre part à cette votation, si importante pour le pays. Se fondant sur une circulaire adressée dès le 13 novembre 1925 par le Conseil fédéral aux cantons, la chancellerie fédérale adopta ime attitude positive à l'égard de cette requête. Selon cette circulaire, l'électeur suisse jouissant du droit de vote, qui s'annonce dans une commune suisse comme citoyen en séjour en y déposant des papiers de légitimation réguliers, et qui n'est pas sous le coup d'une mesure qui l'exclut du droit de citoyen actif, doit être admis à exercer dans cette commune son droit de vote en matière fédérale, à la condition qu'il soit biffé du registre électoral de son précédent domicile. Bien que cette circulaire n'ait pas fait mention des Suisses à l'étranger, la chancellerie fédérale en inféra, dans une communication qu'elle adressa aux cantons le 25 avril 1935, que les Suisses à J'étranger étaient également habilités à exercer leurs droits politiques dans une commune suisse, à condition d'y avoir déposé leurs papiers d'identité. Cette disposition permit à quelque 600 Suisses de l'étranger de prendre part à la votation sur l'initiative de crise. En revanche, en octobre de la même année, le gouvernement du canton de Schwyz refusa l'accès aux urnes, lors des élections au Conseil national, aux 250 ouvriers zurichois occupés aux travaux pour l'usine de l'Etzel. Bien que cette décision ne touchât pas directement les Suisses à l'étranger, elle remit en question le problème de la condition d'un domicile suisse au lieu d'une simple résidence électorale, ce qui ne laissa pas de créer un état d'incertitude. C'est pourquoi le Conseil fédéral fut amené, le 4 octobre 1937, à revenir sur la
circulaire du 13 novembre 1925. Cette dernière - comme il le releva lui-même - mettait sur le même plan le domicile politique et celui de droit civil; ce faisant, elle s'écartait évidemment de la doctrine et de la pratique. Le Conseil fédéral ne voyait dès lors pas d'autre solution que de renoncer aux facilités accordées par la circulaire du 13 novembre 1925 aux citoyens en séjour; il n'était notamment plus possible désormais aux ressortissants suisses à l'étranger de prendre part à ime élection ou votation fédérale.

Comme l'ont fait de nombreux compatriotes à l'étranger à titre individuel, les organisations des Suisses à l'étranger n'ont pas cessé de soulever le problème des droits politiques. 11 a également été l'objet de discussions lors des Journées des Suisses à l'étranger. Ainsi, lors delà quatrième décès journées en 1921, on réclama une loi fédérale pour les Suisses à l'étranger, loi qui devait prévoir le droit de vote.

D'autres interventions eurent lieu en 1926, 1933, 1935, 1947, 1949 et 1950. C'est ainsi qu'en 1947, la colonie suisse de Londres présenta des propositions particulièrement détaillées. Depuis 1958, cette requête ne disparaît plus de l'ordre du jour des Journées des Suisses à l'étranger. Année après année, les conférences de nos compatriotes traitent ce problème dans les pays les plus divers et souvent de manière fort approfondie.»

Après la votation populaire sur l'article 45bls de la constitution fédérale, la Commission des Suisses de l'étranger de la Nouvelle société helvétique s'est déterminée comme il suit dans une requête relative à l'exercice des droits politiques par nos concitoyens de l'étranger adressée au chef du Département politique le 31 juillet 1968 (traduction):

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«La Confédération doit permettre aux Suisses de l'étranger de prendre part aux élections et votations fédérales lors de séjours dans leur pays d'origine, même si ceux-ci sont de très courte durée, n'excédant pas quelques heures dans certains cas.

La réalisation de ce postulat fondamental pourrait être la suivante: La Confédération doit inviter les cantons à inscrire les Suisses de l'étranger dans le registre des électeurs de leur commune d'origine ou au chef-lieu de leur canton d'origine sur présentation de leurs papiers d'identité. Il faut en même temps créer pour les Suisses de l'étranger une carte fédérale d'électeur qui devra être remise au requérant après son inscription au registre des électeurs et que ce dernier présentera au moment d'exercer son droit de vote. L'inscription au registre des électeurs et la remise de la carte fédérale d'électeur devraient être renouvelées avant chaque scrutin fédéral. On répondrait avec ce droit de vote des Suisses de l'étranger en séjour aux voeux exprimés par la grande majorité des compatriotes à l'étranger, parce qu'une telle innovation correspondrait en premier lieu au principe même de l'octroi des droits politiques et seulement en deuxième lieu à l'exercice effectif des droits politiques. Cette possibilité aurait un effet psychologique excellent sur le moral de nos concitoyens de l'étranger et ne pourrait que renforcer les liens qui les unissent à leur patrie.»

Plus récemment, lors des festivités ayant marqué Je 50e congrès des Suisses de l'étranger qui s'est déroulé à Berne en 1972, la question de l'exercice des droits politiques par les Suisses de l'étranger a été notamment à l'ordre du jour.

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Situation juridique

Les droits politiques en matière fédérale comprennent le droit de vote, le droit d'élire et d'être élu, ainsi que le droit d'initiative sur le plan constitutionnel et celui de référendum. Selon l'ordre constitutionnel en vigueur, l'exercice de ces droits n'est pas seulement lié au droit de cité suisse, mais aussi au domicile en Suisse. Le principe du domicile fixé à l'article 43 de la constitution exclut donc les Suisses de l'étranger de la participation à la formation de la volonté politique en matière fédérale. Cette mesure atteint de nombreux citoyens tels que des Suisses de l'étranger qui accomplissent pourtant du service dans l'armée suisse, des collaborateurs de maisons suisses envoyés à l'étranger (tels que techniciens et ingénieurs), des employés de la Swissair, des collaborateurs des représentations diplomatiques et consulaires suisses, des professeurs.

Ce n'est qu'en 1966 qu'une nouvelle situation juridique a été en principe créée par l'insertion de l'article 45bls dans la constitution. Cette base donne au législateur la possibilité de déroger au principe du domicile en ce qui concerne les Suisses de l'étranger afin de leur permettre d'exercer des droits politiques.

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Institution d'une commission d'étude

Tenant compte de cette situation de fait et de droit, nous avons, au vu d'un rapport du Département politique du 26 août 1971, institué par décision du 15 septembre 1971 une commission d'étude chargée d'examiner les problèmes que pose l'exercice de droits politiques par des Suisses de l'étranger. Cette

1309 commission était composée de représentants des administrations cantonales et communales, de l'administration fédérale (Chancellerie fédérale, Département politique, Département de justice et police), ainsi que du Secrétariat des Suisses de l'étranger de la Nouvelle société helvétique.

La commission a fait connaître les résultats de ses délibérations dans un rapport du 21 mai 1973 accompagné des avant-projets d'une loi fédérale et d'une ordonnance.

24 Arguments pour et contre l'exercice de droits politiques par les Suisses de l'étranger Les avis peuvent différer au sujet de la portée pratique d'une loi donnant la possibilité aux Suisses de l'étranger d'exercer en Suisse leurs droits politiques. A notre avis, ce sont plutôt les considérations de principe parlant en faveur d'une telle participation des Suisses de l'étranger, qui jouent un rôle déterminant.

Tout d'abord, des considérations d'ordre psychologique ont une importance primordiale. La possibilité pour le Suisse de l'étranger de prendre part au scrutin pourrait contribuer - qu'il en fasse usage ou non - à susciter un intérêt accru de sa part pour l'avenir politique du pays et renforcer ses liens avec la patrie. Il n'éprouvera plus ainsi le sentiment d'être un citoyen de deuxième classe n'ayant rien à dire lors d'élections et votations fédérales. De telles réflexions sont d'autant plus pertinentes que la nature de l'émigration s'est sensiblement modifiée ces dernières décennies. Un nombre toujours plus grand d'émigrants ne se rendent aujourd'hui à l'étranger que pour un temps relativement court en qualité de chercheurs, d'étudiants, de techniciens, d'employés, d'aides au développement, etc. On les désigne souvent sous le terme allemand de «Kontraktschweizer». Ayant la perspective de revenir au pays dans un avenir pas trop lointain, ces.émigrants ont, pour une bonne part, beaucoup plus d'intérêt à conserver leurs relations avec la Suisse et à participer aux votations et aux élections.

Un autre argument qui parle en faveur de la participation des Suisses de l'étranger peut être déduit de l'objet de nombreuses votations fédérales. Si l'on examine les objets soumis ces dernières années au vote du peuple et des cantons, on constate qu'une part appréciable d'entre eux touche également d'une manière plus ou moins directe les intérêts des
Suisses de l'étranger. Avant toute autre, citons la votation concernant l'article sur les Suisses de l'étranger du 16 octobre 1966, à laquelle les personnes directement intéressées ne pouvaient prendre part; il est aisé, à cet égard, d'établir une comparaison avec le projet relatif au suffrage féminin. Rappelons en outre les votations sur la spéculation foncière (2 juillet 1967), l'amnistie fiscale générale (18 février 1968), l'emprise étrangère (7 juin 1970), le régime des finances fédérales (15 novembre 1970 et 6 juin 1971), la protection de l'homme et de son milieu naturel (6 juin 1971), la stabilisation du marché de la construction (4 juin 1972), la sauvegarde de la monnaie (4 juin

1310 1972), l'accord avec les communautés européennes (3 décembre 1972), les articles relatifs à l'enseignement et à la recherche scientifique (4 mars 1973), l'article sur les jésuites et les couvents (20 mai 1973), la votation concernant l'initiative contre l'emprise étrangère et la surpopulation de la Suisse (20 octobre 1974), les votations populaires du 8 décembre 1974 sur les arrêtés fédéraux touchant l'amélioration des finances de la Confédération et freinant les décisions en matière de dépenses et sur le régime de l'assurance-maladie.

Enfin, nous avons déjà signalé dans notre message relatif à l'article constitutionnel une anomalie largement critiquée, à savoir que «les Suisses de l'étranger sont exclus de la participation à un scrutin fédéral qui a lieu pendant qu'ils font du service militaire en Suisse» (FF 7955II457). Une réforme dans ce domaine paraît être dictée par l'évidence même.

Il y a certainement des raisons qui s'opposent à l'exercice de droits politiques par les Suisses de l'étranger. Pour l'essentiel, elles découlent du principe du vote s'exerçant au lieu de domicile. Puisque le Suisse de l'étranger vit à l'étranger et est lié à son domicile à l'étranger, il ne lui est - estime-t-on pas facile d'apprécier l'ensemble des circonstances politiques en Suisse et de prendre part à un scrutin en parfaite connaissance de cause. Cette difficulté est d'autant plus grande que, dans la démocratie directe, le citoyen est fréquemment appelé aux urnes et doit s'occuper d'innombrables questions, certes souvent compliquées; lors des élections, le citoyen devrait notamment connaître les candidats présentés.

A vrai dire, ces derniers arguments valent aussi en partie pour les Suisses de l'intérieur. Il est possible, jusqu'à un certain point, d'obvier aux inconvénients résultant du domicile à l'étranger; nous reviendrons sur ce point. Le Suisse de l'étranger n'est d'ailleurs pas forcé d'exercer les droits politiques; s'il estime qu'on exige trop de lui, il pourra s'abstenir de prendre part aux scrutins et le fera s'il le veut. Il s'agit uniquement de lui donner la possibilité de voter.

25 La situation en droit comparé Comment d'autres Etats ont-ils réglé la question des droits politiques de leurs ressortissants établis à l'étranger? Un Belge qui quitte son pays est biffé du registre des habitants
et des électeurs. Toutefois, jusqu'à la vérification et la mise à jour du registre qui ont lieu périodiquement après un ou deux ans, le Belge de l'étranger possède encore le droit de participer aux élections, de même que celui qui conserve une résidence en Belgique. La réglementation est semblable au Danemark: les Danois de l'étranger n'ont aucun droit de vote ou d'élection, sauf s'ils se trouvent hors du pays en raison d'une mission confiée par l'Etat et s'ils conservent une résidence au Danemark. Le droit de vote peut être exercé dans les représentations diplomatiques et consulaires danoises. La République fédérale d'Allemagne ne reconnaît pas de droit de vote aux Allemands de l'étranger. Elle se borne à accorder la possibilité d'exercer le droit de vote par correspondance aux fonctionnaires et employés des services publics, transférés à

1311 l'étranger par leur employeur, et à leurs familles, ainsi qu'aux Allemands vivant à l'étranger qui ont conservé leur domicile dans la République fédérale. La France autorise les Français de l'étranger à participer aux votations et élections en exerçant personnellement ce droit dans un bureau de vote ou en votant par procuration, dans la mesure où ils sont inscrits au registre des électeurs d'une commune française. Le vote par correspondance n'est pas prévu pour les Français de l'étranger. L'établissement en Grande-Bretagne et l'inscription au registre des électeurs sont les conditions sine qua non que doivent remplir les sujets britanniques pour exercer leurs droits. Peuvent voter par procuration certaines catégories de personnes, telles que celles qui font partie des forces armées stationnées à l'étranger et les fonctionnaires de l'Etat envoyés dans ces régions, de même que d'autres fonctionnaires et, sous certaines conditions, les hommes d'affaires en voyage à l'étranger. On sait que l'Italie reconnaît aux Italiens de l'étranger le droit de prendre part au vote et aux élections, mais l'exercice de ces droits dépend d'un séjour dans la mère-patrie. Des efforts sont actuellement faits en vue de permettre aux Italiens expatriés de voter à l'étranger. Les Pays-Bas ne reconnaissent aucun droit de vote à leurs ressortissants qui se trouvent à l'étranger. La Norvège a étendu le droit électoral à ses ressortissants de l'étranger qui exercent une activité diplomatique ou consulaire ainsi qu'aux personnes faisant partie de leur ménage. Les autres Norvégiens domiciliés à l'étranger sont électeurs s'ils ont été inscrits dans les 10 années précédant le jour de l'élection dans un bureau norvégien de contrôle des habitants et si, à la suite d'une requête de leur part, ils figurent au rôle des électeurs prévu pour ce scrutin. Le vote doit avoir lieu dans les locaux des représentations norvégiennes à l'étranger. Les Autrichiens de l'étranger n'ont pas le droit de vote. En revanche, des Autrichiens ayant conservé un domicile dans leur patrie et exerçant la plus grande part de leur activité lucrative à l'intérieur du pays, mais qui, pour un motif quelconque, séjournent à l'étranger, peuvent voter s'ils retournent en Autriche et figurent dans la liste des électeurs.

La Suède accorde le droit électoral à ses
ressortissants à l'étranger. Ce droit vaut pour les élections au Parlement aussi bien que pour celles qui concernent les autorités provinciales et communales. L'autorité électorale de l'Etat désigne en accord avec le ministère des affaires étrangères les autorités à l'étranger (représentations suédoises à l'étranger) auprès desquelles le scrutin peut avoir lieu. En vertu d'une modification du «Fédéral Voting Assistance Act 1968», il est recommandé à chacun des Etats des USA de rendre possible à tous les citoyens américains de l'étranger la participation aux élections et votations des divers niveaux (fédéral, des Etats, etc.) dans la mesure où ils ont conservé le domicile électoral dans l'Etat dont ils sont ressortissants, et de ne pas réserver cette faculté à quelques catégories d'électeurs à l'étranger (p. ex. personnes faisant partie des forces armées ou de la marine marchande).

Les Etats susmentionnés autorisent les étrangers à exercer sur leur territoire (le plus souvent au siège de la représentation diplomatique ou consulaire) les droits politiques qui leur sont conférés par l'Etat dont ils sont ressortissants.

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Problèmes principaux et solutions proposées

Motifs en faveur du droit de vote s'exerçant lors d'un séjour en Suisse

Les Suisses de l'étranger ont proposé diverses solutions relatives à la manière dont les droits politiques pourraient s'exercer: celles qui vont le plus loin réclament la possibilité de voter à l'étranger sous forme de vote par correspondance ou du vote dans les représentations suisses; une solution de compromis serait le vote par procuration, auquel cas il faudrait aussi utiliser les services des représentations diplomatiques et consulaires; enfin, selon une autre proposition, on envisagerait simplement la possibilité pour nos concitoyens de l'étranger de voter lorsqu'ils séjournent en Suisse.

Nous avons déjà rappelé que la Commission des Suisses de l'étranger de la Nouvelle société helvétique a fait sienne la demande tendant à accorder le droit de vote et le droit électoral à ceux qui séjournent en Suisse; toutefois, certains milieux des Suisses de l'étranger ont opposé des objections à ce principe. On a relevé à ce sujet que cette manière de procéder créerait une discrimination parmi nos concitoyens de l'étranger; en effet, cette solution défavoriserait ceux d'entre eux qui vivent très loin de leur patrie et ne peuvent s'accorder un voyage au pays pour des motifs financiers ou autres.

Théoriquement, l'exercice de droits politiques par les Suisses de l'étranger serait concevable sous les quatre formes ci-après': .-

le vote au siège de la représentation diplomatique ou consulaire à l'étranger, le vote par procuration, le vote par correspondance s'exerçant de l'étranger, le vote lors d'une présence en Suisse,

Les trois premières formes, qui impliquent notamment l'envoi d'imprimés électoraux, de listes de signatures, etc., à l'étranger, ont partiellement le caractère d'actes politiques accomplis en territoire étranger.

La Suisse considère comme incompatible avec ses droits de souveraineté le fait de permettre aux étrangers de prendre part, de son territoire, à la vie politique de l'Etat dont ils sont ressortissants. Comme on ne trouve sur ce point en droit international, coutumier ou conventionnel, aucune disposition ni obligation, chaque Etat apprécie librement, selon son droit interne, les limites de sa souveraineté. Il lui est notamment loisible d'autoriser, sur son territoire, la participation d'étrangers à des élections étrangères, ou de n'autoriser cette participation que sous certaines dispositions restrictives ou encore de l'interdire complètement. Les conventions de Vienne sur les relations diplomatiques, du 18 avril 1961 (RO 1964 431) et sur les relations consulaires, du 24 avril 1963 (RO 1968 927), qui ont été ratifiées par la Suisse, ne contiennent aucune disposition réglant les compétences des représentations diplomatiques et consulaires en ce qui concerne l'exercice de droits politiques sur territoire étranger.

1313 Jusqu'à ce jour, la Suisse a rejeté par principe les demandes de divers Etats, notamment le Danemark, la France, l'Italie, la Norvège et la Suède, tendant à autoriser la participation de leurs ressortissants à l'étranger à certaines élections ou votations sur territoire suisse. Si elle voulait présenter une telle demande pour les Suisses de l'étranger, elle devrait accorder la réciprocité.

Pour juger des effets résultant d'un éventuel octroi de la réciprocité, il faut se souvenir qu'un million d'étrangers environ vivaient à la fin de 1973 dans notre pays. Cet effectif - qui ne comprend ni les saisonniers, ni les frontaliers, ni les fonctionnaires internationaux et leurs familles - correspond à un taux d'étrangers s'élevant à 16,7 pour cent de la population. Abstraction faite de la Principauté de Liechtenstein, du Luxembourg et d'autres petits Etats, notre pays est, en Europe, celui qui a le pourcentage le plus élevé d'étrangers. A cela s'ajoute le fait que les ressortissants de certains Etats atteignent un taux bien supérieur à celui des Suisses de l'étranger dans l'Etat correspondant. C'est ainsi qu'environ 552000 Italiens, 119000 Espagnols, 111000 Allemands, 43000 Autrichiens, 32 000 Yougoslaves et 23 000 Turcs résidaient en Suisse à la fin de 1973. Quant au nombre de nos compatriotes à l'étranger (double-nationaux compris), il était à la même époque de 19 000 en Italie, 5 000 en Espagne, 37 000 dans la République fédérale d'Allemagne, 6000 en Autriche, 150 en Yougoslavie et 400 en Turquie. Le rapport n'est inversé que pour la France, où vivent 92 000 de nos compatriotes alors que l'effectif des Français en Suisse n'atteint que 53 000 personnes.

Comme le montrent ces chiffres, les conditions qui régnent à l'étranger et qui sont déterminantes pour l'appréciation de ce problème ne peuvent se comparer à celles que nous connaissons. Si notre pays accordait aux étrangers vivant sur son territoire la possibilité d'exercer de la Suisse leurs droits politiques dans des questions concernant leur pays d'origine, cette situation serait beaucoup plus lourde de conséquences que si un Etat étranger agissait d'une manière analogue à l'égard des étrangers établis sur son propre territoire.

Le champ de l'activité politique des étrangers devrait être élargi en raison même de considérations ayant trait à
la réciprocité. Les étrangers auraient ainsi l'occasion d'utiliser la Suisse comme plate-forme pour s'exprimer au sujet de leurs divergences politiques. A cause de sa situation géographique et parce qu'il abrite le siège de nombreuses organisations et conférences internationales, notre pays exerce de toute façon un grand attrait sur les étrangers. En outre, on ne saurait méconnaître certains courants et groupements à tendances extrémistes, cela est d'autant moins à ignorer qu'ils sont manifestement influencés de l'extérieur. Il faut enfin se rappeler que l'ampleur de l'activité politique des étrangers ne peut être fixée une fois pour toutes, mais qu'elle doit toujours être appréciée selon les circonstances politiques du moment. Si ces circonstances changent après l'octroi de la réciprocité, on ne peut exclure le danger que l'activité déployée par la propagande lors d'élections, de votations ou de récolte de signatures ne provoque des perturbations de l'ordre public.

Feuillt fédérale. 127- année. Vol. I.

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1314 Outre ces motifs, d'autres raisons inhérentes à la matière même ou d'ordre géographique, voire psychologique, s'opposent à n'importe quel genre de vote s'exerçant à partir de l'étranger, mais parlent en faveur de la solution prévoyant l'octroi du droit de vote aux personnes séjournant dans le pays.

Il est bien évident qu'aucun pays ne connaît un si grand nombre de votations que la Suisse. Pour que le Suisse de l'étranger puisse mieux apprécier les objets de ces votations, il est désirable qu'il soit personnellement présent dans notre pays. Ainsi, le Suisse de l'étranger ayant le droit de vote pourra non seulement resserrer ses relations avec notre peuple et la Suisse, mais encore approfondir ses connaissances touchant notre pays et mieux saisir les problèmes mis en discussion.

La condition exigeant que notre concitoyen de l'étranger se rende en Suisse pour exercer ses droits politiques permettra le mieux de tenir compte du principe du vote au lieu de domicile qu'établit l'article 43 de la constitution.

L'exercice de droits politiques est réservé à celui qui, par son établissement dans une région déterminée, témoigne par là même un certain attachement pour elle.

En raison de l'exigence du séjour, il est probable que seuls les Suisses de l'étranger qui connaissent quelque peu notre pays et ses problèmes se déplaceront pour prendre part à des votations ou à des élections; seul, celui qui s'intéresse vraiment à notre vie politique montrera quelque empressement à se plier aux formalités de procédure dont il sera encore question. En d'autres termes, le séjour sera censé suppléer, pour les Suisses de l'étranger, le domicile en Suisse qui leur fait défaut, mais qui est exigé des citoyens suisses vivant dans le pays même.

II convient en outre de considérer la répartition géographique des Suisses de l'étranger. Par le passé déjà et de manière particulièrement nette lors du 50e congrès des Suisses de l'étranger du 26 août 1972, à Berne, il est apparu que c'est avant tout nos concitoyens établis dans les pays voisins qu'intéressé l'exercice des droits politiques; 49 pour cent de tous les Suisses de l'étranger vivent dans ces Etats, Ainsi ce-seraient principalement ceux que l'on peut désigner sous le nom de frontaliers, au sens large du terme, qui feraient usage du droit de vote accordé à ceux qui
séjourneraient dans leur patrie. Mais il ne faut pas, non plus, perdre de vue que les Suisses de l'étranger accomplissant leur école de recrues pourraient alors prendre part, s'ils le désirent, aux élections et votations fédérales ayant lieu à la même époque. En outre, relevons qu'un grand nombre de Suisses qui exercent à l'étranger une activité pour le compte d'entreprises et d'institutions suisses, reviennent fréquemment au pays (Swissair, Office national suisse du tourisme, collaborateurs de la radio et de la télévision, journalistes, représentants de maisons suisses, etc.). D'autres compatriotes ont aussi l'occasion de faire des séjours en Suisse. C'est par exemple le cas des scientifiques exerçant leur activité dans des pays européens et même outte-mei, dont une bonne partie garde d'étroites relations avec la Suisse, notamment en raison de fréquentes visites. Rappelons à ce sujet que ]50 Suisses environ travaillent

1315 comme enseignants dans des universités de la République fédérale d'Allemagne; quelque 3500 Suisses ayant une activité scientifique vivent aux Etats-Unis et au Canada.

L'objection selon laquelle cette exigence touchant le séjour créerait deux catégories de Suisses de l'étranger (ceux qui peuvent se permettre de se rendre en Suisse et tous les autres) tient trop peu compte d'un fait essentiel : la solution que nous proposons doit se rapprocher autant que possible du principe du vote au domicile, appliqué de tout temps dans notre pays, qui se justifie notamment en raison du grand nombre de votations sur des objets précis. II s'agit aussi en l'occurrence de différences résultant de faits de nature géographique et non d'une discrimination juridique. Tous les Suisses de l'étranger pourront voter dans les même conditions. Même les Suisses de l'intérieur doivent en fait subir les inégalités que créent l'emplacement de leur domicile et les communications.

D'ailleurs, la solution qui permettrait aux Suisses de l'étranger d'exercer, en matière fédérale, leurs droits politiques à l'étranger (par exemple auprès des représentations diplomatiques et consulaires) créerait, elle aussi, deux sinon trois catégories de concitoyens. Aucun Etat n'est en effet tenu de supporter, sur son territoire, l'exercice par des étrangers du droit de vote et du droit électoral.

S'il existe des pays qui acceptent une telle activité sur leur sol, il faut s'attendre que d'autres Etats opposent un refus ou n'accordent ce droit qu'en l'assortissant de conditions restrictives. Pour exercer leurs droits politiques en matière fédérale, les Suisses de l'étranger se verraient tributaires de l'attitude plus ou moins généreuse des pays dont ils sont les hôtes, situation qui ne serait pas désirable pour des raisons de principe.

Compte tenu de toutes les circonstances qui parlent en faveur du droit de vote assorti d'un séjour en Suisse ou qui s'y opposent, les arguments en faveur de cette exigence nous semblent l'emporter; le régime ainsi instauré correspond mieux à nos institutions politiques et tient compte des nombreuses votations ayant lieu sur des objets précis.

262

Légitimation personnelle

262.7 Immatriculation Qui est Suisse de l'étranger et doit pouvoir voter en cette qualité?

A notre avis, le Suisse de l'étranger doit satisfaire à trois conditions cumulatives : il doit posséder la citoyenneté suisse, ne pas avoir de domicile en Suisse et être immatriculé auprès de la représentation suisse compétente. Il est nécessaire de maintenir l'exigence de l'immatriculation, sinon la procédure serait difficilement praticable. Au surplus, les conditions fixées à l'article 74 de la constitution fédérale sont applicables ; est électeur celui qui a vingt ans révolus et n'est pas privé des droits politiques.

262.2 Double-nationaux

Faut-il établir dans la loi une distinction entre les citoyens ne possédant que la nationalité suisse et les double-nationaux?

1316 Constatons tout d'abord qu'en Suisse comme dans beaucoup d'autres pays, le nombre des double-nationaux est en augmentation.

Alors qu'en 1950, 30 pour cent des personnes immatriculées auprès de nos représentations à l'étranger possédaient la double nationalité, cette proportion atteignait 49 pour cent en 1973; il y a lieu de prévoir que le taux des doublenationaux continuera de s'accroître. La législation suisse qui, dans certains cas, règle généreusement l'acquisition et surtout la conservation de la nationalité suisse, a notamment contribué à cette évolution. Ainsi, les citoyens suisses qui se naturalisent à l'étranger ne perdent notre droit de cité que s'ils y renoncent expressément ; en outre, la Suissesse qui épouse un étranger peut conserver sa nationalité suisse en remettant une déclaration à cet effet.

Compte tenu de cette situation de fait et de droit, les solutions ci-après sont possibles : - l'exclusion complète des double-nationaux, - l'exclusion de certaines catégories de double-nationaux, - l'admission sans réserve des double-nationaux.

L'exclusion de tous les double-nationaux entraînerait une discrimination des Suisses de l'étranger entre eux qu'il ne serait guère possible de concilier avec l'esprit et le but de notre loi sur la nationalité. Cette exclusion pourrait aussi être comprise de telle manière que chaque double-national serait d'emblée considéré comme un Suisse de moindre valeur. Un tel traitement ne serait pas conforme à la réalité. L'expérience montre qu'une double nationalité ne prouve rien quant au degré d'attachement à la Suisse. H faut se garder des conclusions hâtives et généralisées. Nombreux sont les double-nationaux qui, au fond de leur coeur, restent fortement attachés à notre pays. Cela vaut notamment pour les Suissesses qui ont épousé des étrangers mais conservent leur nationalité suisse.

L'exclusion des double-nationaux, d'ailleurs, serait pratiquement irréalisable parce qu'on ne pourrait tenir, à l'étranger, un contrôle exact des Suisses ayant une seconde nationalité.

L'exclusion partielle des double-nationaux entraînerait aussi une discrimination puisqu'on créerait des double-nationaux de première et de seconde zone.

Le fait qu'un double-national accomplit du service militaire dans l'Etat de résidence pourrait, par exemple, constituer un critère
d'exclusion. Il serait aussi possible de prendre pour critère d'exclusion la notion de «nationalité prépondérante», qui entre notamment en cause pour l'assurance-vieillesse et survivants facultative, pour l'octroi de la protection diplomatique ainsi que dans la loi sur l'assistance des Suisses de l'étranger. Tout utile que soit cette notion de nationalité prépondérante, on peut pourtant y renoncer dans le domaine des droits politiques. En effet, si le double-national vient en Suisse et prend sur lui d'entreprendre diverses formalités pour pouvoir exercer son droit de vote, il prouve suffisamment son attachement à notre pays pour qu'il n'y ait pas lieu de procéder encore à une enquête dispendieuse en vue de déterminer la nationalité prépondérante.

1317 Dans nos affaires intérieures, les double-nationaux sont d'ailleurs assimilés aux citoyens uniquement suisses pour ce qui a trait à l'exercice des droits politiques. Si un double-national revient en Suisse, il peut y exercer sans restriction ses droits politiques et même accéder à de hautes fonctions fédérales.

Aucune disposition n'interdit à un Suisse double-national de devenir membre des conseils législatifs, conseiller fédéral, chancelier de la Confédération ou juge fédéral. En raison de l'accroissement prévisible du nombre des doublenationaux, leur exclusion pourrait même, dans quelques décennies, avoir pour conséquence que la loi proposée ne concernerait qu'une minorité des Suisses de l'étranger. Il subsiste bien là possibilité, un peu choquante dans ses effets, qu'un double-national puisse exercer son droit de vote aussi bien en Suisse que dans un autre Etat. Toutefois, le poids de cette objection est d'autant plus faible que de tels cas n'entreraient guère en considération au point de vue des chiffres.

Normalement, un double-national décidera de lui-même où il veut voter selon les attaches qu'il aura avec l'un ou l'autre Etat, de sorte qu'une certaine sélection se produira d'elle-même dans les rangs des double-nationaux. Celle-ci peut d'ailleurs aussi être dictée par les conditions de droit régnant dans chaque Etat de domicile. On a rappelé, au cours du 50e congrès des Suisses de l'étranger à Berne que nous avons déjà cité, qu'un double-national suisse et américain court le danger de perdre son droit de cité des Etats-Unis s'il exerce ses droits politiques en Suisse. Il appartient au double-national d'évaluer lui-même les risques qu'il court à cet égard. Aucune obligation d'élire ou de voter ne lui est imposée.

Les considérations s'opposant à l'établissement d'une distinction entre citoyens uniquement suisses et double-nationaux ont donc sensiblement plus de poids que les arguments contraires. C'est pourquoi nous recommandons purement et simplement de prendre aussi en considération les double-nationaux.

262.3 Etrangères ayant épousé des Suisses de l'étranger Conformément à la loi du 29 septembre 1952 (RO19521115) sur la perte et l'acquisition de la nationalité suisse, les femmes d'origine étrangère.acquièrent notre droit de cité par leur mariage avec un Suisse. Selon la législation
suisse, les Suissesses mariées peuvent exercer leurs droits politiques en matière fédérale dès le premier jour de leur présence dans notre pays, donc sans délai d'attente. Nous rappelons à ce sujet les explications que nous avons données dans le message du 23 décembre 1969 (FF 1970161) sur l'institution du suffrage féminin en matière fédérale.

Les Suissesses mariées à l'étranger devraient donc être placées sur pied d'égalité avec les étrangères mariées à des Suisses résidant dans notre pays. Cela aurait pour conséquence que la Suissesse vivant à l'étranger qui, malgré son mariage avec un Suisse, garde son droit de cité originaire et devient ainsi doublenationale - cela arrive assez souvent -, ne subirait pas de discrimination par rapport aux autres double-nationaux. L'institution d'un délai d'attente n'aurait

1318 un sens que s'il était lié à un séjour en Suisse et si celui-ci devait se prolonger pendant un certain temps. Mais, indépendamment du fait qu'un contrôle serait difficile, un tel délai ne saurait être imposé, 262.4

Motifs de privation des droits politiques

Quels motifs de privation des droits politiques faut-il prévoir dans la loi?

Conformément à l'article 74, 2e alinéa, de la constitution, la privation des droits politiques en matière fédérale peut être prévue par la législation cantonale comme par la législation fédérale. Les cantons sont compétents pour ce qui concerne cette privation des droits politiques en matière cantonale et communale (art. 74, 4e al., est.). La Confédération est toutefois autorisée à fixer des limites uniformes en vue de la privation des droits politiques (art. 66 est.).

Le droit fédéral en vigueur ne connaît plus de motif de privation des droits politiques depuis la revision du code pénal militaire du 4 octobre 1974 qui - en liaison avec les nouvelles dispositions du code pénal ordinaire - a abrogé les dispositions qui prévoyaient la privation des droits civiques à titre de peine accessoire s'ajoutant aux peines militaires de la réclusion et de l'emprisonnement.

Les cantons ont prévu d'autres motifs de privation de ces droits. Le plus souvent, c'est l'interdiction qui est invoquée (art. 369 CC). Dans certains cas, l'état d'indigence et l'interdiction de fréquenter les auberges constituent encore un motif d'exclusion. Toutefois, les motifs cantonaux de privation des droits politiques n'ont aucun effet intercantonal en ce sens que le citoyen privé de ses droits politiques dans son ancien canton de domicile ne sera pas d'office privé de ces droits s'il transfère son domicile dans un autre canton.

En raison des multiples aspects et de la variété des législations cantonales en la matière, une unification s'impose dans ce domaine. Sur le plan fédéral, nous prévoyons comme unique motif de privation des droits politiques l'interdiction au sens de l'article 369 du code civil (maladie mentale ou faiblesse d'esprit) puisque, dans ce cas, la capacité de discernement politique requise pour l'exercice du droit de vote ferait défaut. Cependant, une interdiction prononcée dans l'Etat de résidence pour maladie mentale ou faiblesse d'esprit devrait être valable comme motif de privation dans la mesure où une telle interdiction aurait aussi pu être prononcée selon le droit suisse. De cette manière, il sera possible d'empêcher une privation des droits politiques pouvant être ordonnée à l'étranger en raison de faits qui, en droit suisse, n'auraient pas été de nature à entraîner une telle mesure.

263

Etendue des droits politiques

II serait concevable de permettre aux Suisses de l'étranger d'exercer pleinement tous les droits politiques ou, au contraire, de n'autoriser que l'exercice de certains d'entre eux. La question porte sur le droit de vote, l'initiative populaire et le référendum.

1319 263,1 Droit de vote intégral Deux solutions pourraient être appliquées aux votations en matière fédérale : selon la première, les Suisses de l'étranger pourraient prendre part à tous les scrutins sans exception; selon la seconde, ils ne pourraient participer au scrutin que dans des cas spéciaux.

Des enquêtes approfondies ont démontré qu'il serait difficile d'établir des critères valables s'appliquant aux cas spéciaux. Les objets soumis aux votations qui touchent aussi nos compatriotes de l'étranger sont nombreux. La liste des «cas spéciaux» serait donc assez longue; le danger existerait qu'elle soit incomplète. D'autre part, le critère fondé sur l'importance plus ou moins grande du projet soumis à la votation ne serait guère convaincant. Faudrait-il décider quelles sont les votations ayant de l'importance pour les Suisses de l'étranger ou plutôt pour le pays tout entier? Et qui prendrait la décision? On ne verrait pas non plus très bien pourquoi les Suisses de l'étranger devraient être exclus d'une votation qui, à cause de l'objet du scrutin, ne les toucherait pas directement. Ce ne sont pas par exemple les seuls propriétaires d'immeubles qui peuvent prendre part à une votation concernant la spéculation foncière, mais bien tous les électeurs. Il semble donc nécessaire d'accorder aux Suisses de l'étranger le droit de vote intégral.

263.2 Elections Les élections fédérales comprennent l'élection du Conseil national et celle des jurés fédéraux. Conformément à l'article 73 de la constitution fédérale, l'élection du Conseil national a lieu d'après le principe de la proportionnalité, chaque canton ou demi-canton formant un collège électoral. Les 200 sièges sont répartis entre les 25 Etats proportionnellement à leur population de résidence, chacun d'entre eux ayant droit à un siège au moins. C'est le chiffre de la population donné par le dernier recensement qui fournit la clef de répartition; la population étrangère est comptée dans la population de résidence, qui ne comprend pas les citoyens suisses habitant l'étranger. Cette réglementation n'empêcherait cependant pas les Suisses de l'étranger de participer à l'élection du Conseil national.

Certains concitoyens ont aussi préconisé la formation d'un 26e collège électoral pour la «Cinquième Suisse» de manière que celle-ci puisse envoyer au Parlement
des représentants pouvant mieux sauvegarder ses intérêts. La création d'un collège électoral supplémentaire exigerait toutefois une revision des articles 72 et 73 de la constitution réglant la composition du Conseil national; or une telle revision n'entre pas en discussion.

Il fallait en outre examiner s'il y avait lieu de prévoir, pour les Suisses de l'étranger, la faculté de signer des listes de candidats (art. 5 de la loi fédérale du 14 février 1919 concernant l'élection du Conseil national; RS 263.2). Il n'y a aucune raison de faire abstraction de ce droit. Mais il va de soi que les Suisses de l'étranger devraient signer ces listes en Suisse et non hors du pays.

1320 L'élection des jurés fédéraux, qui a lieu dans des arrondissements électoraux particuliers, est d'une importance minime pour les Suisses de l'étranger.

A cela s'ajoute que, dans la plupart des cas, l'élection est tacite. D'ailleurs, un postulat, actuellement pendant (postulat Breitenmoser du 16 décembre 1971), propose de supprimer purement et simplement l'élection par le peuple des jurés fédéraux ou de déclarer les parlements cantonaux compétents pour ces élections.

Ce postulat, traité par le Conseil national le 27 septembre 1972, a été accepté.

Nous y reviendrons dans notre message concernant les droits politiques (droits politiques des citoyens résidant en Suisse).

263.3 Eligibilité En ce qui concerne l'éligibilité, il s'agit principalement de la possibilité pour les Suisses de l'étranger d'être élus au Conseil national. L'article 75 de la constitution déclare éligible tout électeur suisse laïque. A son tour, la qualité d'électeur requiert un domicile en Suisse (art. 43 est.). Selon le droit en vigueur, le Suisse de l'étranger ne peut exercer son mandat s'il ne transfère pas son domicile en Suisse.

Dès l'entrée en vigueur de la loi que nous proposons et qui prévoit, pour l'octroi de la qualité d'électeur au Suisse de l'étranger, l'adoption de règles spéciales en vertu de l'article 45bls de la constitution, ce citoyen serait - selon l'article 75 de la constitution - éligible au Conseil national. Il est évident que certains problèmes se poseraient en raison du maintien de son domicile à l'étranger. L'exécution des tâches parlementaires, auxquelles le conseiller national résidant en Suisse doit déjà consacrer un temps sans cesse croissant, poserait des exigences supplémentaires importantes au député domicilié à l'étranger.

L'élection du Conseil des Etats est du domaine des cantons. Il n'y a donc pas lieu de fixer dans cette loi des principes s'appliquant à l'éligibilité des Suisses de l'étranger au conseil des cantons.

Jusqu'à présent, la question du domicile à l'étranger n'a joué aucun rôle pour l'élection des conseillers fédéraux, des membres du Tribunal fédéral ou du chancelier de la Confédération. C'est ainsi que furent élus au Conseil fédéral Bernhard Hammer en 1875, Robert Haab, alors ministre de Suisse en Allemagne, en 1917, le professeur F. T. Wahlen, alors directeur de la PAO
à Rome, en 1958. Il s'agit en effet, dans ces cas, de charges assumées à plein temps, qui exigent forcément la prise d'un domicile en Suisse.

263.4 Initiative populaire et demande de référendum Le droit de signer une initiative populaire tendant à une revision partielle ou totale de la constitution fédérale ou un référendum est établi par les articles 120 et 121 ainsi que par les articles 89 et 89Ms de la constitution fédérale.

L'exercice de ces droits est réglé par la législation fédérale.

Ces droits particulièrement caractéristiques de nos institutions démocratiques devraient aussi être reconnus .aux Suisses de l'étranger.

1321 264 Questions de procédure A notre avis, la nouvelle loi ne devrait contenir que des principes généraux, les questions de procédure - qui ont avant tout un caractère technique - devant être réglées dans le détail par voie d'ordonnance. Cette manière de procéder se justifie d'autant plus que les questions sont nouvelles et qu'on ne peut guère, sur le plan de l'exécution, se fonder déjà sur des constatations d'ordre pratique. Il faut admettre que,,tôt ou tard, lès dispositions administratives devront être revues. Toutefois, il est plus facile de modifier l'ordonnance que de reviser la loi.

264,1

Domicile politique des Suisses de l'étranger

Nous avons déjà vu que les Suisses de l'étranger ne devront pouvoir exercer leurs droits politiques qu'en Suisse. Etant donné qu'ils n'ont pas de domicile dans notre pays, la commission d'étude avait estimé qu'il fallait les attribuer à leur commune d'origine pour l'exercice de ces droits, puisqu'elle est déjà compétente pour régler les questions touchant l'état civil de nos compatriotes de l'étranger et leur taxe d'exemption du service militaire. Pour les motifs exposés ci-après, nous n'avons pu adopter une telle solution.

264,2

Inscription

Pour pouvoir participer aux votati ons et aux élections, le citoyen suisse ayant le droit de vote doit être inscrit au rôle des électeurs. Selon les cantons, ce rôle est mis à jour lors de chaque votation ou élection ou reste valable pour une période déterminée à titre de rôle permanent des électeurs. Pour des raisons pratiques, il faut renoncer à prévoir un rôle des électeurs permanent pour les Suisses de l'étranger. Le contrôle et la tenue à jour de ce rôle causeraient, tant aux communes qu'aux représentations suisses à l'étranger, un travail qui serait hors de proportion avec la participation effective des Suisses de l'étranger aux scrutins fédéraux.

Pour éviter d'avoir à tenir à jour un rôle permanent des électeurs, il faut prévoir un autre système de contrôle. A cet effet, le Suisse de l'étranger devrait s'annoncer avant chaque votation ou élection à sa commune d'origine par l'entremise de la représentation compétente. Il appartiendrait alors à cette commune de décider si elle veut inscrire les Suisses de l'étranger annoncés dans un rôle des électeurs établi pour la votation ou l'élection prévue, rôle qui serait détruit après chaque scrutin.

Cette procédure suppose l'immatriculation du Suisse de l'étranger, ainsi que le prescrit l'article 12 du règlement du service diplomatique et consulaire suisse adopté par le Conseil fédéral le 24 novembre 1967 (RO 1967 2039). Il existe à vrai dire certains pays où, en raison de circonstances particulières, la Suisse n'entretient aucune représentation. Nos compatriotes qui y sont établis peuvent relever d'une représentation située dans un autre Etat, qui agit par la voie consulaire (p. ex. Taiwan, qui est comprise dans la juridiction du consulat général de Hongkong); dans d'autres cas, ils sont uniquement enregistrés de

1322 manière inofficielle (comme les Suisses de Rhodésie du Sud auprès du consulat général de Suisse à Johannesbourg) ou ne sont pas du tout immatriculés (p. ex.

les Suisses du Liechtenstein). Il faudra donc établir sur le plan administratif une réglementation spéciale pour tenir compte de ces cas.

264.3

Commune d'origine et commune de présence

Les principes développés jusqu'ici exigent que, pour exercer ses droits politiques, le Suisse de l'étranger vienne dans son pays et que sa commune d'origine soit en même temps son domicile politique. Cette solution entraîne toutefois tant de difficultés et de complications que l'exercice des droits politiques par nos concitoyens émigrés pourrait, dans une large mesure, être rendu illusoire par une telle réglementation. On s'est donc demandé s'il ne serait pas possible d'établir par correspondance, d'un lieu librement choisi dans le pays, les contacts nécessaires avec la commune d'origine. Afin de faciliter autant que faire se peut l'exercice des droits politiques aux Suisses de l'étranger, la commission avait envisagé de faire intervenir dans la procédure dé votation, outre la commune d'origine, une autre commune - désignée par l'expression de «commune de présence» - auprès de laquelle le Suisse de l'étranger pourrait retirer le matériel de vote. Il lui serait loisible de désigner une nouvelle commune de présence avant chaque élection ou votation. L'intervention d'une seconde autorité garantirait d'autre part le contrôle d'une présence personnelle.

Cette solution permettrait d'éviter au Suisse de l'étranger la perte supplémentaire de temps et d'argent qu'il devrait supporter s'il lui fallait se rendre de la frontière suisse ou de son lieu de séjour habituel en Suisse dans une commune d'origine peut-être très éloignée.

264.4 Initiative populaire et demande de référendum Les demandes de référendum et les initiatives populaires présentées par des Suisses de l'étranger devraient également être signées en Suisse. La récolte des signatures étant organisée par des comités privés et non par des services officiels, la commission' a estimé qu'il faut traiter les Suisses de l'étranger sur le même pied que les citoyens résidant en Suisse quant à la signature des initiatives et des demandes de référendum.

264.5 Motifs en faveur d'une loi spéciale La législation fédérale relative à l'exercice des droits politiques est actuellement en cours de revision. A ce sujet, nous rappelons notre message à l'appui d'un projet de loi sur les droits politiques, qui sera publié prochainement. Nous nous sommes demandé si les dispositions prévues pour les Suisses de l'étranger devaient être l'objet d'une loi particulière ou
s'il fallait les inclure dans la loi générale sur les droits politiques.

Les deux solutions seraient possibles. En raison des considérations qui suivent, nous nous sommes cependant décidés à présenter une loi spéciale sur les droits politiques des Suisses de l'étranger. Sans doute faut-il tenter de régler

1323 l'exercice des droits politiques par les Suisses de l'étranger de la même manière que les droits des citoyens résidant dans le pays. Toutefois, il existe entre les deux groupes de personnes qu'intéressé cette législation des différences essentielles qui, tenant à la nature même des choses, ont, comme nous l'avons vu, une importance particulière sur le plan de la procédure. Il s'agit bien de tenir compte de la situation particulière des Suisses de l'étranger, comme le demande d'ailleurs expressément l'article 45Ms de la constitution fédérale. L'expérience montre nettement, dans les domaines les plus divers, qu'une législation tenant trop peu compte des différences essentielles existant entre les citoyens résidant en Suisse et leurs compatriotes de l'étranger est finalement inapplicable. C'est en adoptant une loi spéciale destinée aux Suisses de l'étranger, toutes les fois que cette manière de procéder paraît opportune en raison des particularités attachées à l'objet en discussion, qu'on peut le mieux obvier à ce danger ; c'est déjà le cas, notamment dans le domaine de l'assistance (LF du 21 mars 1973 sur l'assistance des Suisses de l'étranger; RO 7973 1976) et de la taxe militaire (LF du 14 décembre 1973 sur la taxe d'exemption du service militaire frappant les Suisses de l'étranger; RO 1974 795).

Comme la Commission d'étude, nous sommes parvenus à la conclusion que les droits politiques de nos concitoyens à l'étranger devaient être réglés par une loi particulière.

27 Résultat de la procédure de consultation Après avoir pris connaissance du rapport du Département politique, du 5 juin 1973 et de celui de la Commission d'étude du 21 mai 1973, nous avons autorisé, le 25 juin 1973, le Département politique à procéder, auprès des cantons, des partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale, de la Commission des Suisses de l'étranger de la Nouvelle société helvétique, ainsi qu'auprès d'autres milieux intéressés, à une consultation portant sur les avant-projets de loi et d'ordonnance relative aux droits politiques des Suisses de l'étranger.

Tous les gouvernements cantonaux et, à deux exceptions près, les partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale, ainsi que la Commission des Suisses de l'étranger de la Nouvelle société helvétique, ont donné une réponse.

La grande majorité des cantons
et tous les partis ayant donné leur avis se sont prononcés en faveur de l'exercice du droit de vote par les Suisses de l'étranger ; il en est de même de la Commission des Suisses de l'étranger de la Nouvelle société helvétique.

Sept cantons (Glaris, Soleure, Baie-Ville, Baie-Campagne, Appenzell Rhodes-Extérieures, Saint-Gall et Argovie) ont exprimé un avis différencié; cinq d'entre eux, à savoir Glaris, Baie-Ville, Baie-Campagne, Appenzell RhodesExtérieures et Argovie, se sont prononcés en faveur de l'octroi des droits politiques au moins à certaines catégories de Suisses de l'étranger, tandis que Soleure et Saint-Gall, ainsi que le canton de Vaud, dont l'avis est d'ailleurs positif, ont formulé certaines objections touchant l'inégalité de fait qui résulte

1324 du principe de l'obligation de séjour, ainsi que de l'atteinte indésirable portée au principe du vote au domicile - toujours appliqué jusqu'ici - par l'intercalation de la commune d'origine.

Le principe du droit de vote exercé uniquement sur le territoire suisse (principe de l'obligation de séjour) a trouvé de loin le plus grand nombre de partisans ; les cantons de Fribourg, Saint-GalI, Grisons, Vaud et Genève, ainsi que le Mouvement d'action républicaine se déclarent toutefois partisans du vote par correspondance ou par l'intermédiaire des représentations suisses à l'étranger.

La majorité des cantons et des groupements consultés approuvent expressément ou tacitement la prise en considération des double-nationaux, la capacité électorale des Suisses à l'étranger et l'adoption d'une loi spéciale.

Les cantons de Zurich, Berne, Lucerne, Schwyz, Glaris et Baie-Campagne, de même que le parti de l'Union démocratique du centre et la Commission des Suisses de l'étranger de la Nouvelle société helvétique ont présenté une proposition intéressante. L'intercalation de la commune d'origine leur paraît trop compliquée; le choix du lieu de séjour comme domicile électoral tiendrait mieux compte que la commune d'origine du principe du vote au domicile, valable en règle générale dans l'ensemble de notre pays. C'est pourquoi ils ont recommandé de laisser au Suisse de l'étranger le libre choix de son domicile politique et de compter son suffrage au lieu de séjour.

Au cours de la procédure de consultation, on a aussi exprimé le voeu que les droits politiques soient accordés dans leur plénitude au personnel des représentations diplomatiques et consulaires, «. . .puisque dans ce cas aussi, le lien nécessaire avec la patrie peut tout naturellement être considéré comme une condition acquise» (canton de Baie-Campagne).

Dans son ensemble, le résultat de la procédure de consultation peut être qualifié de positif et la solution esquissée est recommandée par la majorité des groupes interrogés. Nous sommes toutefois d'avis qu'il faudrait notamment retenir la proposition de modification concernant le libre choix par les Suisses de l'étranger de leur domicile politique, proposition présentée par six cantons, par le parti de l'Union démocratique du centre et par la Commission des Suisses de l'étranger de la Nouvelle société
helvétique. Une telle solution tient en effet mieux compte du principe appliqué, en Suisse de l'exercice des droits politiques dans la commune de domicile et, aussi, de la notion du droit de vote au lieu de séjour que la solution envisagée par la Commission, à savoir l'exercice de ces droits dans la commune d'origine. Selon les expériences généralement faites, le Suisse de l'étranger retourne plus volontiers au lieu où il a, au cours de sa vie et en raison de son domicile, noué ses relations les plus étroites. Ce lieu, comme c'est le cas pour le Suisse vivant dans son pays, ne se confond que dans un très petit nombre de cas avec la commune d'origine. Il n'y a donc guère lieu de redouter que les suffrages des Suisses de l'étranger ne soient recueillis dans un canton déterminé en vue d'un but précis ni que des abus ne se produisent en raison du libre choix de la commune politique.

1325 En ce qui concerne les fonctionnaires et employés de la Confédération transférés à l'étranger, il faut retenir qu'ils ont besoin d'une autorisation de leur employeur pour quitter l'Etat où ils séjournent. D'ailleurs, pour des raisons de service, il ne serait pas possible d'accorder en même temps à tous les fonctionnaires et employés fédéraux le congé qui leur permettrait de participer à une élection ou votation fédérale en Suisse. Une autorisation de caractère sélectif porterait atteinte au principe de l'égalité de traitement. En mettant les fonctionnaires et employés fédéraux envoyés à l'étranger sur le même pied que les autres Suisses de l'étranger, c'est-à-dire en imposant aussi à ces fonctionnaires et employés l'exigence du séjour en Suisse, on les empêcherait dans la plupart des cas d'exercer leurs droits politiques ; on ferait dépendre l'exercice de ces droits de la volonté de leur employeur. Une telle égalité de traitement produirait des résultats contraires à l'effet visé; cela serait d'autant plus choquant que cette catégorie de citoyens conserve des attaches étroites avec notre pays et est particulièrement familiarisé avec les conditions qui y existent. Pour les fonctionnaires et employés fédéraux envoyés à l'étranger, il conviendrait de renoncer à l'exigence du séjour et d'autoriser le vote par correspondance. Cette manière de procéder correspondrait aux règles adoptées par d'autres Etats de l'Europe de l'Ouest.

28

Solutions proposées

Compte tenu des conclusions de la Commission d'étude et des voeux exprimés au cours de la procédure de consultation, nous vous proposons d'adopter les règles ci-après : - Le Suisse de l'étranger ne peut exercer les droits politiques que sur le territoire de la Confédération (droit de vote des citoyens en séjour).

- Le Suisse de l'étranger (qu'il soit uniquement Suisse ou double-national) possède intégralement le droit de vote et le droit électoral en matière fédérale, y compris le droit de signer des initiatives populaires et des demandes de référendum.

- Le Suisse de l'étranger peut choisir librement la commune dans laquelle il entend exercer ses droits politiques (domicile politique).

- Le Suisse de l'étranger peut - à l'instar de ses concitoyens résidant en Suisse voter ou élire dans la commune qu'il désigne, soit par anticipation, soit aux heures ordinaires fixées pour l'ouverture des locaux de vote; le vote par correspondance à partir d'une localité quelconque de la Suisse est également possible dans les cas énumérés dans la loi sur les droits politiques ; les règles dérogatoires applicables aux fonctionnaires et employés de la Confédération envoyés à l'étranger sont réservées.

'-- Le suffrage du Suisse de l'étranger est compté avec les suffrages de la commune de son choix.

1326

3 Partie spéciale 31

Caractéristiques du projet de loi

La loi fédérale sur les droits politiques des Suisses de l'étranger se borne à établir les dispositions qui, en raison des conditions propres aux Suisses de l'étranger, exigent une réglementation spéciale. Il s'agit des dispositions fixant le principe, définissant la notion «Suisse de l'étranger», réglant l'étendue et l'exercice des droits politiques; au surplus, c'est la législation générale sur les droits politiques qui est applicable aux Suisses de l'étranger.

32 Les dispositions du projet Titre Le titre du projet qui vous est soumis, à savoir la «loi fédérale sur les droits politiques des Suisses de l'étranger», met en évidence son caractère de loi spéciale par rapport au texte plus général de la «loi fédérale sur les droits politiques».

1 Principe (art. 1er) Le principe essentiel de la loi est énoncé à l'article 1er. Cette disposition entend exprimer que le Suisse de l'étranger ne peut exercer ses droits politiques qu'en Suisse. Les suffrages exprimés à l'étranger seraient en effet nuls selon l'article 6 du projet de loi sur les droits politiques (un message à ce propos vous sera soumis d'ici peu).

2 Champ d'application personnel (art. 2) Cet article précise quelles personnes doivent être considérées comme Suisses de l'étranger au sens de la loi. Ce sont tous les Suisses et toutes les Suissesses n'habitant pas la Suisse, qui sont immatriculés auprès d'une représentation diplomatique ou consulaire suisse à l'étranger. Il s'agit là d'une prescription de forme, qui doit permettre d'assurer les contrôles nécessaires.

3 Etendue des droits politiques (art. 3 à 5) Les articles 3 et 4 définissent les divers droits politiques. La liste de ces droits est la même que pour les citoyens suisses résidant dans le pays ; il s'agit du droit de vote ainsi que de la signature d'initiatives populaires et de demandes dé référendum. L'article 3 mentionne expressément que ces droits ne concernent que les élections ou votations fédérales.

L'article 5 du projet exclut du droit de vote toute personne frappée d'interdiction pour maladie mentale ou faiblesse d'esprit au sens de l'article 369 du code civil; cette exclusion touche également les personnes qui, pour les mêmes motifs, sont l'objet d'une interdiction prononcée à l'étranger, dans la mesure où celle-ci aurait pu l'être en vertu du droit suisse.

1327 4 Exercice des droits politiques (art. 6 et 7) L'article 6 contient le deuxième principe essentiel de la loi, à savoir que le Suisse de l'étranger peut désigner librement d'un scrutin à l'autre la commune suisse dans laquelle il entend exercer ses droits politiques, cela à la différence des citoyens résidant en Suisse qui ne peuvent le faire qu'au lieu de domicile. Son suffrage sera aussi compté dans cette commune.

L'article 7 fixe les règles générales de la procédure. Celles-ci prévoient que le Suisse de l'étranger doit s'annoncer avant chaque élection ou votation par l'intermédiaire de la représentation diplomatique ou consulaire compétente auprès de la commune qu'il a désignée; cette formalité doit être accomplie dans chaque cas aux fins de permettre les contrôles nécessaires et d'assurer la préparation du matériel pour la votation ou l'élection.

5 Procédure de recours (art. 8) Cette disposition, qui a un caractère déclaratoire, a été insérée dans la loi en vue de l'information des Suisses de" l'étranger. Ce sont les dispositions générales de la procédure administrative fédérale qui s'appliquent en matière de recours.

6 Dispositions finales (art. 9 à 12) Pour plus de clarté, l'article 9 réserve le droit cantonal en ce qui concerne les droits politiques en matière cantonale et communale ainsi que l'élection du Conseil des Etats; quant à l'article 10, il rappelle les dispositions de la loi sur les droits politiques s'appliquant aux citoyens résidant en Suisse.

L'article 11 autorise le Conseil fédéral à arrêter les dispositions d'exécution nécessaires et à désigner les pays dans lesquels il n'existe aucune représentation diplomatique ou consulaire et où l'immatriculation n'est pas possible (2e al.).

En raison des motifs déjà exposes au chiffre 27 « Résultat de la procédure de consultation», nous avons prévu au 3e alinéa le vote par correspondance des fonctionnaires et employés de la Confédération envoyés à l'étranger. Les épouses des fonctionnaires et employés n'ayant pas besoin de l'autorisation de la Confédération pour quitter le pays d'accueil, elles ne peuvent être incluses dans cette réglementation particulière. Il en va de même des enfants majeurs et autres personnes de leur parenté, ainsi que pour le personnel de maison. Toutes ces personnes sont assujetties aux règles générales
s'appliquant à l'exercice des droits politiques par les Suisses de l'étranger.

33 Principes régissant l'ordonnance d'exécution C'est au Conseil fédéral qu'il appartient d'édicter l'ordonnance d'exécution. Pour permettre de mieux comprendre le déroulement du vote et, partant, les modalités d'application de la loi, sous réserve des modifications qui pourraient être apportées, nous exposons ci-après l'essentiel des dispositions prévues :

1328 a. Le Suisse de l'étranger qui désire participer à l'élection du Conseil national ou à une votation fédérale doit communiquer cette intention à la représentation diplomatique ou consulaire auprès de laquelle il est immatriculé.

Ce faisant, il doit désigner la commune dans laquelle il entend exercer son droit politique. Cette communication doit parvenir à la représentation un mois au moins avant le jour fixé pour le scrutin.

b. La représentation transmet la communication à la commune désignée. , c. Le Suisse de l'étranger doit, au plus tôt dans les trois dernières semaines précédant le jour fixé pour l'élection ou la votation, se présenter personnellement à la commune pour y retirer le matériel de vote et justifier en bonne et due forme de son identité.

La commune désignée examine la qualité d'électeur du Suisse de l'étranger, éventuellement après entente avec la commune d'origine, et établit s'il y a lieu la carte d'électeur; au besoin, le Suisse de l'étranger qui s'est annoncé pour participer à l'élection ou à la votation sera inscrit au rôle des électeurs de la commune. Cette réglementation facultative permettra de tenir compte de la grande diversité de l'organisation propre aux cantons et communes. Aucun canton ni commune ne peut être tenu de prévoir une organisation spéciale à cause des Suisses de l'étranger.

d. Après réception du matériel de vote, le Suisse de l'étranger doit pouvoir, tout comme ses concitoyens de l'intérieur, voter par anticipation dans les délais fixés par la commune qu'il a désignée ou se rendre pendant les heures ordinaires d'ouverture au local de vote pour y prendre part au scrutin. Il peut cependant, comme les Suisses de l'intérieur, donner aussi son suffrage par correspondance sous les conditions fixées par la loi.

e. Le Suisse de l'étranger qui, à l'occasion d'un séjour dans sa patrie, désire signer une initiative populaire ou une demande de référendum, doit le faire à la chancellerie communale du lieu où il séjourne après avoir justifié de son identité; sa qualité d'électeur sera attestée sur la liste de signatures par la chancellerie communale dès qu'elle aura reçu confirmation par la représentation suisse compétente de son immatriculation en qualité de citoyen suisse.

4

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

Nous nous rendons compte que les effets pratiques de la loi que nous vous proposons d'adopter seront limités. Il est probable qu'un petit nombre seulement des Suisses de l'étranger feront usage du droit qui leur sera accordé. Cela résultera dans une certaine mesure du principe, cité plusieurs fois, qui veut que le Suisse de l'étranger ne puisse exercer ses droits politiques que sur le territoire de la Confédération.

Dans ces conditions, l'application de la lui n'aura que des conséquences minimes pour les cantons et les communes. Les frais supplémentaires devraient se situer à un niveau peu élevé. Il s'agira uniquement de dépenses adminis-

1329

tratives (surtout de frais d'impression). Les Suisses de l'étranger qui s'annonceront se répartiront entre de nombreuses communes de Suisse. C'est pourquoi il n'est guère probable que, prises séparément, elles devront engager du personnel supplémentaire.

5

Constitutionnalité

Le projet de loi se fonde sur l'article 45bls de la constitution qui autorise la Confédération, compte tenu de la situation particulière des Suisses de l'étranger, à édicter des dispositions en vue de déterminer leurs droits et leurs obligations, notamment quant à l'exercice de droits politiques.

6

Considérations finales

Le projet de loi que nous vous proposons d'adopter a, avant tout, une portée psychologique. En cas d'acceptation de la loi, de nombreux compatriotes vivant à l'étranger prendront conscience de la possibilité qu'ils ont de participer à la formation de la volonté politique dans leur patrie s'ils veulent se rendre en Suisse pour un scrutin ou y séjournent lors d'une votation ou d'une élection. Il ne faut pas non plus oublier la nombreuse catégorie de citoyens qui ne travaillent que pendant un temps limité à l'étranger ; il devrait aller de soi qu'ils puissent prendre part au scrutin lors d'un séjour en Suisse. Enfin, les Suisses de l'étranger qui accomplissent des périodes de service militaire dans leur patrie devraient aussi pouvoir voter ou participer à des élections pendant ces périodes.

Le projet de loi établit des principes et propose des règles de procédure qui correspondent dans les limites du possible à celles qui sont en vigueur; pourtant ces règles tiennent compte des circonstances propres aux Suisses de l'étranger et sont applicables sans qu'il en résulte de trop grandes complications administratives pour la Confédération, les cantons et les communes.

7 Proposition Compte tenu des considérations qui précèdent, nous vous proposons d'adopter le projet de loi ci-joint sur les droits politiques des Suisses de l'étranger.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 3 mars 1975 Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Graber 33340

Le chancelier de la Confédération, Huber

1330

(Projet)

Loi fédérale sur les droits politiques des Suisses de l'étranger

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'article 45Ms de la constitution ; vu le message du Conseil fédéral du 3 mars 1975 v, arrête:

1

Principe

Article premier Le Suisse de l'étranger ne peut exercer les droits politiques qu'en Suisse.

2

Champ d'application Art. 2

Sont réputés Suisses de l'étranger au sens de la présente loi tous les Suisses et toutes les Suissesses qui n'ont pas de domicile en Suisse et sont immatriculés auprès d'une représentation suisse à l'étranger.

3

Etendue des droits politiques Art. 3

Tout Suisse de l'étranger qui a 20 ans révolus et n'est pas privé des droits civiques peut prendre part aux votations et élections fédérales ainsi que signer des initiatives populaires et des demandes de référendum.

Art. 4

L'éligibilité est déterminée selon l'article 75 de la constitution fédérale.

W FF 1975 11305

1331 Art. 5 1

Est exclu du droit de vote en matière fédérale, sous réserve du 2e alinéa, celui qui, selon le droit suisse, est frappé d'interdiction pour cause de maladie mentale ou de faiblesse d'esprit (art. 369 CC).

2 Une interdiction prononcée à l'étranger pour maladie mentale ou faiblesse d'esprit vaut également comme motif d'exclusion dans la mesure où elle aurait aussi pu être prononcée en vertu du droit suisse.

4

Exercice des droits politiques Art. 6

Le Suisse de l'étranger désigne la commune suisse où il entend exercer son droit de vote.

Art. 7 Pour exercer son droit de vote, le Suisse de l'étranger doit s'annoncer avant chaque élection ou votation à la commune de son choix par l'intermédiaire de la représentation suisse,.

5

Procédure de recours

Art. 8 Les dispositions générales de la procédure administrative fédérale sont applicables aux recours formés contre les décisions cantonales de dernière instance ou contre celles de la Chancellerie fédérale.

6 Dispositions finales Art. 9 Le droit cantonal est réservé en ce qui concerne les droits politiques en matière cantonale et communale, notamment la participation à l'élection du Conseil des Etats.

Art. 10

Sauf dispositions contraires de la présente loi ou de ses prescriptions d'exécution, la législation relative aux droits politiques des Suisses de l'intérieur . est applicable aux Suisses de l'étranger.

Art. 11 1

Le Conseil fédéral arrête les dispositions d'exécution.

II détermine les cas où l'immatriculation n'est pas exigée et où la preuve d'un domicile à l'étranger peut être apportée d'une autre manière.

2

1332 3

II peut régler, en dérogeant à l'article 1er, l'exercice des droits politiques par les fonctionnaires et employés de la Confédération en service à l'étranger.

1 2

23540

Art. 12 La présente loi est soumise au référendum facultatif.

Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur.

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant les droits politiques des Suisses de l'étranger (Du 3 mars 1975)

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