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8587 MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la modification de la loi sur la navigation aérienne (Du 28 septembre 1962)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre un projet de loi apportant quelques modifications à la loi du 21 décembre 1948 sur la navigation aérienne.

Le premier but du projet, c'est de régler d'une façon nette la question des atterrissages hors des aérodromes autorisés, et plus particulièrement dans les montagnes. La commission fédérale d'experts constituée en 1957 pour la lutte contre le bruit a voué une attention particulière à cette question, le rapport final de sa sous-commission chargée d'étudier la question du bruit des avions a été livré d'avance au Conseil fédéral et a pu servir ainsi à la préparation du présent projet. On a aussi tenu compte, autant que possible, des résultats d'une conférence à laquelle les milieux les plus intéressés avaient été convoqués par le chef du département des postes et des chemins de fer à la fin de janvier 1962, ainsi que des mémoires reçus de quelques organisations s'occupant plus spécialement de la lutte contre le bruit dans les montagnes.

Dans le domaine de la lutte contre le bruit, il est recommandable de saisir la présente occasion pour introduire dans la loi le principe selon lequel la répression du bruit des avions rentre, aussi bien que le souci de la sécurité aérienne, dans les tâches générales des autorités chargées de la surveillance de l'aéronautique.

Le présent projet contient une version modifiée de quelques autres articles dont la pratique impose un remaniement sur des bases paraissant aujourd'hui suffisamment étudiées.

Feuille fédérale. 114« année. Vol. II.

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Le projet se rapporte donc aux points suivants: A. Atterrissages en cas de détresse ou hors des aérodromes autorisés (art. 8 et 17) B. Réduction du bruit des avions (art. 15) C. Organisation du service de la sécurité aérienne (art. 40) D. Aéronefs d'étrangers (art. 54) E. Applicabilité territoriale des lois (art. 11) D'autres modifications, en préparation, concernent les articles 91, 94, 98 et 99 de la loi; il s'agit de les adapter aux dispositions de la loi fédérale surla juridiction pénale administrative. Ces modifications vous seront soumises dans le projet concernant cette dernière loi.

D'autres questions qui pourraient donner lieu à des modifications de la loi ont été renvoyées; les unes sont de peu de portée pratique, tandis que les autres sont encore insuffisamment élucidées. Elles devront être examinées, le moment venu, en corrélation avec une revision générale.

A. Atterrissages en cas de détresse ou iiors des aérodromes autorisés I

La réglementation des atterrissages hors des aérodromes autorisés a, ces derniers temps, retenu l'intérêt du public et donné lieu à des discussions dans une plus large mesure que jadis. Il s'agit moins ici des exercices simulant des atterrissages en cas de détresse en vue de la formation du personnel, lesquels ont toujours été pratiqués et n'ont guère suscité des objections, que des diverses formes de l'aviation en haute montagne.

Les débuts de cette activité, alors exclusivement sportive, sont antérieurs à la première guerre mondiale, alors que certains pilotes atterrissaient et décollaient sur la couche de glace qui recouvrait les lacs de Davos et de Saint-Moritz. Entre les deux guerres, il y eut plusieurs fois des atterrissages à des altitudes plus élevées, sur des glaciers (Jungfrau, Concordia, Diavolezza, Mont-Blanc) ; à cette époque remontent aussi les premiers services de taxi aérien et de vols de plaisance dans la montagne.

Ce fut seulement après la seconde guerre mondiale que l'aviation de montagne prit un grand essor. Le 19 novembre 1946, un avion de transport de l'armée américaine échoua par mauvais temps sur le glacier de Gauli; l'opération de secours entreprise par l'aviation militaire suisse avec des avions Fieseier Fi-156 « Storch» marque le début de l'aviation de secours suisse. Tout de suite après 1950, en Valais et aux Grisons, des aviateurs civils inaugu-

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raient une activité de pionniers, grandement favorisée par le fait qu'on disposait d'un avion vraiment propre à cet usage, le Piper Pa-18 «Super Cub» à destination multiple. Par la suite, pour des tâches spéciales, l'hélicoptère s'ajouta de plus en plus à l'avion.

Grâce aux expériences faites, d'autres pilotes purent être initiés à la technique particulière de l'atterrissage en montagne. Sur les 85 pilotes qui furent ainsi formés, 35 renoncèrent à poursuivre ce genre d'activité. On dispose aujourd'hui, pour les tâches difficiles, d'une vingtaine de pilotes.

Vu l'importance de l'atterrissage en montagne pour les sauvetages, l'office fédéral de l'air a encouragé ce type particulier de formation; jusqu'ici, il a organisé huit cours pour les pilotes des glaciers, auxquels il faut ajouter une douzaine d'autres cours dus à l'initiative de sections de l'aéro-club de Suisse.

La préoccupation principale a toujours été d'assurer la disponibilité des pilotes pour des opérations de secours, qu'il s'agisse de rechercher les victimes d'un accident ou de procéder, en cas de catastrophe ou de maladie, à des transports urgents de personnes ou de biens, ou enfin d'approvisionner des groupes nombreux, voire des localités entières, coupés du monde extérieur. L'hiver 1961-1962 a montré une fois de plus, dans l'Oberland bernois, quelles tâches incombent à l'aéronef dans ce domaine.

Les services de l'avion ou de l'hélicoptère ont aussi été mis de plus en plus à contribution pour le transport de matériaux à destination d'endroits écartés. Dans plus d'un cas, les matériaux destinés à la construction d'une cabane de club alpin ont été ainsi amenés à pied d'oeuvre; l'approvisionnement de ces cabanes est aussi assuré de cette manière dans nombre de cas.

Cela se faisait autrefois par des porteurs et des mulets, mais on les trouve aujourd'hui beaucoup plus difficilement, par suite de l'évolution des conditions économiques ; ils deviennent si rares que l'aviateur de montagne doit prendre la relève.

Tout cela n'a guère été contesté. Il n'en va pas de même des vols touristiques, surtout des atterrissages sur les glaciers, lorsqu'ils rentrent dans la catégorie des transports commerciaux de personnes, us se sont beaucoup multipliés ces dernières années et l'opposition a grandi en proportion, fondée surtout sur les arguments
suivants: -- Celui qui cherche le repos dans les montagnes est exposé de façon inadmissible au bruit des avions; -- La profanation croissante de la nature alpine prend des aspects particulièrement détestables; .--- L'alpinisme est déshonoré, le touriste d'ancienne observance, gagnant les sommets par ses propres moyens, étant refoulé par des gens qui se sont épargné de façon peu sportive la peine de gravir les cimes.

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Ces considérations méritent parfaitement d'être prises au sérieux, malgré l'emploi de certaines formules inadéquates ou exagérées. Elles expriment en somme des intérêts respectables. On ne peut non plus contester que ces vols touristiques aient parfois donné lieu à des abus auxquels il importe de mettre un frein.

II Les adversaires de l'aviation de montagne ont aussi fait valoir que l'activité qui a été pratiquée (en dehors des aérodromes autorisés ou concessionnés), et surtout son encouragement par l'office fédéral de l'air, ne reposaient sur aucun fondement juridique et qu'ils étaient même totalement illégaux.

On pourrait de prime abord opposer à cette thèse les considérations suivantes : -- Même en l'absence de tout autre fondement juridique, la notion de la force majeure couvrirait tout au moins les vols de sauvetage proprement dits ; -- L'autorisation donnée par l'office fédéral de l'air de procéder, pour des buts d'instruction, à des atterrissages hors des aérodromes autorisés peut s'appuyer sans conteste sur l'article 17 de la loi; -- La compétence de la Confédération de soutenir (dans certaines conditions) par des subventions la formation du personnel aéronautique figure dans le catalogue de l'article 101 de la loi sur la navigation aérienne. Le titre de cette partie de la loi exprime d'ailleurs nettement le fait que l'encouragement de la navigation aérienne en général rentre dans les tâches de la Confédération.

Le reste pourrait être discuté, en particulier certaines divergences que la sous-commission du bruit des avions, mentionnée plus haut, a relevées entre l'article 17 de la loi, l'article 65 du règlement d'exécution et la pratique. Mais il est inutile d'entrer dans les détails parce que la situation juridique doit, c'est incontestable, être clarifiée sur certains points, et que c'est justement là le but de la revision que nous vous proposons ici.

III

Si les articles 8 et 17 do la loi, qui traitent de cette matière, sont obscurs, c'est surtout parce que le principe de l'obligation d'utiliser des aérodromes déterminés, tempéré par l'admissibilité d'exceptions, n'en ressort qu'indirectement, et parce qu'une prescription relative à la conduite à tenir en cas d'atterrissage forcé est mêlée au reste de façon peu adéquate.

Les buts essentiels de la revision apparaissent ainsi immédiatement : 1. Formuler le principe ancien (et qu'il serait impossible d'écarter dans l'état actuel de l'aviation) selon lequel les aéronefs ne peuvent atterrir que sur des aérodromes:

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2. Formuler aussi l'admissibilité d'exceptions, également d'une nécessité évidente ; 3. Délimiter exactement le champ d'application des prescriptions sur la conduite à tenir après un atterrissage forcé.

IV

Les exceptions à l'obligation d'atterrir sur un aérodrome doivent être cataloguées, et les atterrissages en montagne être exactement réglés. Comme c'est surtout à propos de ces derniers que les opinions sont divisées, il est peut-être opportun d'indiquer sommairement les intérêts en jeu (sans que l'ordre adopté implique un jugement de valeur) : 1. Intérêts privés : a. Celui qui n'est pas aviateur aimerait n'être pas dérangé par des aéronefs, surtout s'il pratique l'alpinisme ou tient au repos de ses vacances; b. Le pilote aimerait se livrer au pilotage sans autres limitations que celles qu'imposé la sécurité aérienne ; c. Celui à qui l'aéronef peut être utile de quelque façon tient à en disposer sans restrictions et à bon marché, soit pour des transports de matériaux, soit pour gagner les monts ou les vallées pour ses vacances, soit encore pour être conduit à l'hôpital s'il lui arrivait un accident; td. L'entrepreneur d'aviation tient à favoriser librement la demande et à en tirer parti.

2. Intérêts publics : a. Garantie de l'ordre et de la sécurité publics, surtout en relation avec les dangers de l'activité aéronautique et le bruit qu'elle cause. Cette garantie a une grande importance pratique ; 6. Protection des sites et de la nature au sens large. Cette protection est d'ordre plutôt idéal ; c. Encouragement de la navigation aérienne, dicté par des intérêts économiques et militaires de caractère général; d. Développement de l'industrie touristique, dans l'intérêt évident de l'économie. En ce qui concerne les atterrissages en montagne, il faut cependant reconnaître qu'on ne peut pas toujours établir d'emblée si ce développement de l'industrie touristique commande l'admission de ces atterrissages ou leur interdiction.

Cette brève énumération montre la multiplicité et l'opposition des intérêts en cause; elle révèle aussi que la recherche de solutions équitables ne peut être chose facile.

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Pour la revision des dispositions de la loi, il n'est pas encore nécessaire d'aborder les questions de détail les plus difficiles.

La loi sur la navigation aérienne est une loi-cadre; elle se borne à poser des principes généraux; les détails sont laissés au Conseil fédéral, qui a le pouvoir de prendre des ordonnances. C'est très consciemment que le législateur a donné ce caractère à la loi, et il ne serait pas indiqué de le lui enlever à l'occasion de la présente revision de certaines prescriptions. Une exception s'impose pourtant : Le législateur doit régler lui-même la délicate question du principe à appliquer aux atterrissages exécutés en montagne à des fins touristiques, lesquels suscitent surtout les critiques.

VI

Nous ne voulons nullement invoquer les raisons de technique législative et de méthode esquissées ci-dessus pour demander un blanc-seing au pouvoir législatif. Les détails de la solution à laquelle nous pensons se présentent comme suit : 1. L'usage des aérodromes autorisés ou concessionnés se règle d'après les prescriptions existantes et n'est pas touché par la présente modification de la loi. Ceci s'applique aussi aux aérodromes pour lesquels des autorisations ou des concessions seront accordées à l'avenir.

2. L'usage par un aéronef d'un terrain situé en dehors des aérodromes est un atterrissage forcé ou un atterrissage en campagne : a. L'atterrissage forcé est celui qu'un cas de détresse rend indispensable de façon imprévue, soit par suite d'une panne, soit parce que les circonstances, par exemple la situation météorologique, l'imposent. Il va sans dire qu'un tel atterrissage n'exige pas d'autorisation préalable ; quant à la conduite après l'atterrissage, les prescriptions en vigueur la règlent de façon suffisante et ne demandent pas de complément ; 6. A la différence de l'atterrissage forcé, l'atterrissage en campagne est l'usage prémédité d'un terrain sis hors des aérodromes ; on est en présence d'une exception au principe de l'usage obligatoire des aérodromes, et la question est alors de savoir si l'on pourra soumettre de telles dérogations à l'obligation d'une autorisation, et dans quels cas.

3. Avec des aéronefs sans moteur -- concrètement parlant: avec les planeurs et les ballons libres --- des atterrissages occasionnels en campagne doivent pouvoir être effectués sans autorisation spéciale: II n'y a pas de dangers particuliers, le terrain ne peut en général être indiqué d'avance, aucun bruit de moteur n'est prodxiit. Les droits des propriétaires fonciers restent naturellement réservés. S'il s'agit non pas d'un atterrissage en campagne, mais d'un atterrissage forcé, le devoir de l'annoncer s'étend aux aéronefs de cette catégorie, car une enquête peut être nécessaire.

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4. Les atterrissages en campagne avec des aéronefs à moteur ne doivent, de façon générale, pouvoir être admis que s'ils sont au bénéfice d'une autorisation.

Cette autorisation devra être de la compétence de l'office fédéral de l'air, avec une exception qui sera mentionnée et motivée tout à l'heure.

Il doit être expressément prescrit que, pour l'octroi d'une autorisation, la lutte contre le bruit sera dûment prise en considération, à côté du souci de garantir la sécurité aérienne.

Pour les atterrissages en campagne à des fins de sauvetage ou de formation des pilotes, ou en montagne, ou pour des buts touristiques -- toujours s'il s'agit d'aéronefs à moteur -- des prescriptions spéciales doivent être édictées. Elles devront prévoir, afin que la mesure admissible n'en soit pas dépassée, certaines restrictions aux atterrissages en montagne à des fins touristiques; la tolérance dont ils jouissent a suscité en effet, ces derniers temps, de fréquentes critiques. Leur interdiction totale et générale irait cependant trop loin et méconnaîtrait par trop les intérêts du tourisme. Des enquêtes faites dans les centres de tourisme ont montré qu'au contraire un certain besoin de tels vols se manifeste en beaucoup d'endroits. Mais la tranquilité des hôtes de vacances qui cherchent avant tout à la montagne une détente qu'aucun bruit d'avion ne vienne troubler, commande de limiter par principe ces atterrissages à des lieux déterminés, dont on fera un choix restrictif. La majorité de la sous-commission 3 (bruit des avions) se prononce pour une solution reposant sur cette base. Il y aura lieu de se tenir aux lignes directrices exposées ci-après.

5. Dans la plupart des cas, il est indispensable que les vols de sauvetage puissent être entrepris aussitôt qu'ils sont nécessaires; le temps passé à demander une autorisation pourrait entraîner des conséquences funestes. Les vols de sauvetage ne doivent donc pas nécessiter d'autorisation spéciale, pourvu qu'ils se déroulent dans le cadre d'une organisation de sauvetage reconnue à ce titre par l'office fédéral de l'air et au bénéfice d'une autorisation, de caractère général, s'étendant à la reconnaissance des terrains utilisés.

Citons comme exemple la garde aérienne suisse de sauvetage. L'autorisation est liée à certaines conditions relatives au matériel, au personnel et
à l'exploitation. Elle est subordonnée, s'il y a heu, à des obligations déterminées.

Pour d'autres atterrissages en campagne en vue de porter secours, mais qui ne peuvent faire l'objet d'une autorisation générale, l'autorisation pourra être donnée dans un cas particulier par l'office de l'air même si certaines conditions exigées d'ordinaire ne sont pas remplies. Citons comme exemple des vols d'approvisionnement ou d'évacuation de personnes après des avalanches ou de fortes chutes de neige.

6. Les atterrissages en campagne pour la formation des pilotes seront, comme jusqu'ici, autorisés dans chaque cas particulier, par l'instructeur de

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vol en vertu de l'autorisation générale d'exploitation accordée à une école d'aviation. L'instructeur de vol connaît le niveau de formation de son élève et les lieux d'atterrissage entrant en ligne de compte ; lui-même a été préparé à sa tâche et devra respecter les limites imposées à l'activité de son école par l'autorisation d'exploitation. Il ne serait pas raisonnable d'imposer cette tâche à l'office de l'air.

Pour les atterrissages en montagne, l'élève-pilote devra être en possession d'un permis personnel complétant sa licence de vol. Les «atterrissages en campagne» exécutés en vue de la formation aéronautique de base ne sauraient se faire en montagne ; la montagne n'entre en considération qu'à un stade ultérieur, elle ne peut être abordée que par des pilotes dont la formation de base est achevée, c'est-à-dire qui sont au moins en possession de la licence de pilote privé.

7. De façon générale, les atterrissages en montagne, et avant tout sur les glaciers, doivent être soumis à une double limitation: a. S'ils servent à l'entraînement des pilotes ou au transport de personnes à des fins touristiques, ils ne peuvent avoir lieu qu'en des endroits déterminés, les opérations de sauvetage ou les transports de matériaux restent donc en dehors de cette restriction. Ces places d'atterrissage en montagne devront être désignées par le département des postes et des chemins de fer, d'accord avec les autorités cantonales. Elles devront être subdivisées en catégories, entre autres d'après la difficulté de leur emploi ; o. La seconde limitation est d'ordre personnel. Des atterrissages en montagne ne pourront être faits que par des pilotes qui y auront été autorisés individuellement. L'autorisation sera délivrée par l'office fédéral de l'air sous la forme d'un permis spécial complétant la licence de pilote (comparable, par exemple, au permis de vol aux instruments) et valable pour des catégories déterminées de places d'atterrissage, selon la capacité du pilote. Le permis donnera droit à l'usage général des places d'atterrissage qu'il concerne, sous réserve des dispositions spéciales relatives aux atterrissages pour la formation des pilotes ou à des fins touristiques.

8. Les atterrissages en montagne pour le transport de touristes doivent aussi être soumis à une autorisation spéciale. Elle sera donnée par
l'office fédéral de l'air, avec l'accord des autorités des cantons où les places d'atterrissages sont situées, et seulement pour une durée déterminée. L'autorisation indiquera les places entrant en ligne de compte, les trajets à suivre, les heures auxquelles sont permis les vols et la fréquence de ceux-ci.

En résumé, nous dirons que les vols en montagne ne seront licites que si le pilote y est autorisé personnellement et que s'il atterrit, en montagne, sur des places expressément désignées. D'après le projet de loi, seul un

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nombre limité, relativement faible, de ces places seront mises à disposition pour cet usage.

Ces dispositions concernent avant tout les transports de personnes à titre commercial, mais leur champ d'application ne coïncide pas entièrement avec cette notion: II ne couvre pas, par exemple, le transport commercial d'ouvriers jusqu'à un chantier mais il s'étend au transport d'un groupe de skieurs, même si ce transport n'est pas assuré par une entreprise commerciale de transports aériens, 9. Des considérations analogues s'appliquent aux atterrissages en campagne pour le transport commercial de biens: ils seront également subordonnés à une autorisation spéciale de l'office fédéral de l'air, donnée d'accord avec l'autorité du canton où se trouve la place utilisée, limitée à un certain temps et restreinte à un certain but, lequel peut, du reste, exiger plusieurs vols. Si ces vols de transport ont lieu en montagne, il faudra que le pilote possède le permis spécial; en revanche, les atterrissages ne peuvent être limités aux places d'atterrissage en montagne désignées comme telles, si l'on veut éviter d'en multiplier le nombre de façon excessive.

VII

Le nouveau texte proposé pour les articles 8 et 17 et les nouvelles prescriptions d'exécution, qui se tiendront dans le cadre qui vient d'être tracé, créeront une situation juridique claire. Sur ce nouveau fondement, on pourra trouver, en particulier en ce qui concerne le trafic commercial, des solutions concrètes constituant un compromis équitable entre les intérêts contradictoires.

Ce résultat ne peut être obtenu, il est vrai, qu'au prix de complications notables. C'est ainsi que l'autorisation de l'office de l'air pour un projet d'atterrissages commerciaux en montagne à des fins touristiques présuppose en particulier : -- l'assentiment du canton, -- l'autorisation pour des vols professionnels (art. 33), -- la présence d'une place d'atterrissage en montagne désignée d'entente avec le canton, -- le permis spécial complétant la licence du pilote, lequel doit être valable pour la place envisagée.

VIII Dans le détail, les articles du projet donnent encore lieu aux remarques ci-après : Article 8. --Le 1er alinéa réincorpore à la loi la mention expresse de l'obligation d'utiliser des aérodromes, telle qu'elle se trouvait à l'article 20 de

722 l'arrêté du Conseil fédéral du 27 janvier 1920 concernant la réglementation de la circulation aérienne en Suisse. Il pose aussi le principe de la réglementation des exceptions.

Le 2e alinéa contient la restriction déjà discutée de la faculté du Conseil fédéral d'admettre des exceptions à l'obligation d'utiliser des aérodromes.

Le 3e alinéa contient le reste du texte actuel, sans changement d'ordre matériel.

Article 17. -- La portée de l'article est expressément limitée aux atterrissages forcés; son titre marginal est modifié en conséquence. Comme il a été dit, la prescription s'appliquera aussi aux atterrissages forcés d'aéronefs sans moteur (ballons libres et planeurs).

B. Lutte contre le bruit des avions La lutte contre le bruit ne concerne naturellement pas les seuls atterrissages en campagne. Elle pose un problème tout général dans le domaine des aéronefs à moteur. Déjà dans la nouvelle ordonnance sur les règles de l'air, du 18 novembre 1960 (HO 1960, 1577), il est prescrit, en propres termes, qu'aucun bruit inutile ne doit être causé par l'usage des aéronefs.

Dans le même sens, la présente revision de la loi sera l'occasion de poser pour principe que la police aérienne a pour tâche non seulement de veiller à la sécurité aérienne, mais aussi de réprimer le bruit des avions. Ce sont les articles 12 et 15 de la loi, dans la section intitulée «Prescriptions de police», qui se prêtent le mieux à cela. L'article 12 ne doit plus seulement donner au Conseil fédéral la compétence d'arrêter des prescriptions de police; il doit indiquer aussi la direction dans laquelle cette compétence doit être exercée ; il en va de même pour l'article 15 à l'égard des mesures spéciales que l'office fédéral de l'air peut devoir ordonner. Le parallélisme de ces tâches est ainsi illustré sans que le système de la loi s'en trouve altéré.

A cette occasion, nous devons cependant insister sur le fait qu'il existe des domaines où ces deux buts semblent contraires. Les procédures d'envol prescrites aujourd'hui sur beaucoup d'aéroports pour diminuer le bruit des avions ont pour effet de réduire notablement les réserves disponibles, ce qui entraîne une réduction latente de la sécurité aérienne. Cela montre la difficulté et l'importance des tâches devant lesquelles se trouvent les autorités lorsque les fins à poursuivre
sont ainsi en conflit (à quoi s'ajoute, à l'arrièreplan, le troisième critère, celui de la rentabilité, d'importance mineure, il est vrai, sous l'angle des tâches de police). Ce qu'on peut imposer à la collectivité en fait de brait est aussi difficile à préciser à l'aide d'une formule simple que les risques que le souci de la sécurité aérienne permet encore d'assumer. Mais le tout délimite le domaine dans lequel, du point de vue de la police, l'activité aéronautique peut s'exercer.

723 C. L'organisation du service de la sécurité aérienne L'organisation du service de la sécurité aérienne civile était jusqu'ici, d'après l'article 40 de la loi, l'affaire de l'office fédéral de l'air.

Dès le début, la sécurité aérienne a été comprise dans un sens large.

D'après la terminologie actuelle, qui s'appuie sur les standards et recommandations de l'organisation de l'aviation civile internationale, il s'agit avant tout des services suivants : -- Service de la circulation (direction de vol, information de vol, alarme) -- Service des transmissions --- Service météorologique -- Services d'information aéronautique (AIP, avis aux navigateurs aériens, etc.)

-- Mise à disposition d'aides à la navigation (radiophares, etc.)

Au cours des années, le nombre des avions a beaucoup augmenté; les vitesses moyennes et altitudes de croisière des avions civils de transport sont devenues bien plus considérables. Les conséquences en sont en particulier une surcharge croissante de l'espace aérien, un enchevêtrement plus marqué du trafic militaire et du trafic civil, une complication plus grande et un renchérissement de tous les services de sécurité aérienne, pour lesquels la prévention des collisions est devenue un problème très sérieux.

Il en est résulté, à l'étranger comme chez nous, la nécessité de mieux coordonner les services de sécurité aérienne civil et militaire ; on tend même en beaucoup d'endroits à une intégration proprement dite, ne serait-ce que pour réduire les frais. Dans notre pays, des mesures étendues de coordination ont été prises ces dernières années ; elles ont été grandement facilitées par le fait que, depuis des années, la direction de vol de l'aviation civile est assurée de façon uniforme, pour la Confédération et pour les exploitants des grands aéroports, par Radio-Suisse S. A. La suite du développement est à l'étude auprès de la commission fédérale de la sécurité aérienne. Quelle que soit la manière dont les choses évolueront, il sera opportun, vu la participation d'intérêts militaires, d'enlever à l'office fédéral de l'air et au département des postes et des chemins de fer le soin de régler à la base les questions de sécurité aérienne, et de les faire rentrer dans la compétence du Conseil fédéral. Tel est le sens de la nouvelle version que nous vous proposons pour le 1er alinéa
de l'article 40; cet alinéa reprend en outre ce que le 2e alinéa contenait précédemment, mais en l'exprimant selon la nouvelle terminologie.

La rédaction que nous proposons pour le 2e alinéa de l'article 40 donne au Conseil fédéral la possibilité d'intégrer les services civil et militaire de la sécurité aérienne. Mais on doit rester conscient du fait que cette intégration ne peut être obtenue d'un coup, et que même dans sa phase finale elle ne pourra guère s'étendre à tous les organes et à tous les services.

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D. Aéronefs d'étrangers I

Les aéronefs qui sont la propriété d'étrangers ne pouvaient jusqu'ici, d'après l'article 54 de la loi, être portés au registre matricule suisse que si le propriétaire était une personne physique domiciliée en Suisse, l'aéronef étant d'autre part utilisé, en règle générale, à partir de la Suisse.

Cette norme a conduit plusieurs fois, ces dernières années, à des difficultés inutiles. Il arriva en particulier à la Sivissair de devoir utiliser assez longtemps des avions appartenant à des sociétés étrangères, sans pourtant avoir l'intention de les acquérir définitivement. Or sans transfert de propriété l'avion ne pouvait être immatriculé dans le registre suisse. II ne pouvait donc voler sous pavillon suisse, car il en serait résulté, en droit international, des situations difficiles. On fut donc contraint, pour rendre l'immatriculation possible, de construire au moins un transfert provisoire de propriété, combiné avec un droit de rachat de la part de la société étrangère. Ce fut le cas de plusieurs avions à réaction employés des années par la Swissair, aux termes des arrangements passés entre elle et la compagnie aérienne scandinave (Scandinavian Airlines System), avant d'être acquis par cette dernière.

De tels cas pourraient se présenter encore dans l'avenir, surtout si la collaboration internationale continue de progresser. Quelle que soit la situation dans les cas particuliers, il serait plus simple et plus sûr que les intéressés puissent régler les conditions de la propriété conformément à leurs intérêts sans être forcés de recourir à des fictions juridiques.

Il est par conséquent désirable d'élargir quelque peu, à titre exceptionnel, le cadre tracé à l'immatriculation d'aéronefs appartenant à des étrangers.

Aucun intérêt public décisif ne s'oppose à cette mesure; on peut au contraire imaginer des situations critiques où de telles exceptions seraient tout à fait dans l'intérêt de notre pays.

II

La nouvelle rédaction de l'article 54 tend à permettre de telles exceptions.

La lettre a reproduit, en changeant un peu les termes, la disposition qui fait l'objet de l'article 54 actuel. La condition d'être «domicilié» en Suisse faisait se demander s'il fallait entendre le domicile au sens du droit civil, et quelles notions de police des étrangers devaient être aussi considérées; l'expression «séjournant depuis un temps assez long», qui exprime un simple fait, fait disparaître ces difficultés et répond mieux au sens et au but de cette prescription, déjà parce qu'elle laisse une certaine place à la libre appréciation. Mais l'intention n'est pas de changer quelque chose à la pratique antérieure.

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La lettre 6 contient une disposition essentiellement nouvelle, qui permet l'immatriculation d'aéronefs appartenant à des étrangers même si le propriétaire n'est pas une personne physique et n'est pas domicilié en Suisse.

Les limites de ces facilités sont les suivantes : 1. Il doit s'agir d'une exception. Les immatriculations de ce genre ne doivent donc pas prendre une grande extension, et le cas d'exception doit pouvoir être justifié par une situation exceptionnelle.

2. Cette situation exceptionnelle doit être démontrée par une procédure déterminée, et l'immatriculation faire l'objet d'une autorisation spéciale.

C'est le Conseil fédéral qui aura la compétence de la délivrer, parce que des points de vue importants de politique étrangère, d'économie nationale, voire des points de vue militaire, peuvent jouer un rôle.

3. Il doit y avoir intention d'employer l'aéronef au service d'une entreprise commerciale suisse de navigation aérienne, et pour un temps assez long ; cette condition indique quels intérêts relevant de l'économie générale et de la politique des communications doivent pouvoir être démontrés.

Il n'est pas exigé que l'entreprise soit la société nationale de transports aériens, que l'avion soit employé à des services réguliers, ou que normalement il soit mis en service à partir de la Suisse ; de telles exigences pourraient avoir des conséquences aussi gênantes que superflues justement en période critique.

La modification, uniquement rédactionnelle, que nous proposons d'apporter à l'article 52, est en rapport avec ce qui précède. Le renvoi, au début du 2e alinéa, aux articles 53 et 54 était une cause de malentendu ; il ne mentionne plus désormais que l'article 54, et il est mis à sa vraie place, à la fin de la lettre c.

III La nouvelle réglementation proposée n'est pas en contradiction avec les normes du droit positif international (art. 17 à 24 de la convention du 7 décembre 1944, relative à l'aviation civile internationale).

Les questions politiques qui peuvent se poser dans les cas concrets seront étudiées par le Conseil fédéral au cours de la procédure d'autorisation.

E. Applicabilité territoriale des lois Tout comme les navires, les aéronefs sont mis, par leur immatriculation dans un registre national, en relation juridique étroite avec un Etat déterminé. En bref, ils en portent le pavillon. Les effets de cette relation à l'étranger dépendent dans une mesure essentielle de l'ordre juridique applicable

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aux faits survenant à bord. Comme en droit maritime, il faut distinguer trois domaines : -- La situation la plus simple est celle de l'aéronef qui se trouve sur le territoire ou au-dessus du territoire de l'Etat dans lequel il est immatriculé: la question évoquée plus haut ne se pose pas.

-- Si l'aéronef est sur le territoire ou au-dessus du territoire d'un autre Etat, les droits de souveraineté de ce dernier ont la priorité ; il peut légiférer et appliquer ses lois. Cela résulte du principe de la territorialité, que le droit international consacre aussi à l'article premier de la convention du 7 décembre 1944 relative à l'aviation civile internationale. Mais ces droits n'ont pas besoin d'être proclamés et exercés dans toute leur étendue ; l'Etat en cause peut en limiter l'exercice à sa convenance, tout comme les Etats riverains de la mer consentent, selon une pratique constante en droit international, à l'application étendue de la législation de l'Etat d'immatriculation sur les navires étrangers qui se trouvent dans leurs eaux territoriales. En droit aéronautique, cependant, la jurisprudence internationale n'a pas encore pu se constituer de façon aussi complète, et l'on peut craindre, dans ce domaine, surtout les conflits positifs de compétence. Une différence essentielle avec la navigation maritime réside d'ailleurs en ce que les aéronefs se déplaçant très vite, sur de grandes distances et à de grandes hauteurs, les cas sont plus fréquents où il n'est plus possible, ultérieurement, de déterminer avec certitude sur le territoire de quel Etat un fait s'est passé.

-- Comme le navire en haute mer, l'aéronef peut enfin se trouver au-dessus d'une étendue qui ne relève d'aucune souveraineté ; bien que ce ne soit pas le cas pour des jours ou des semaines, mais en général seulement pour quelques heures, on doit empêcher, ici aussi, qu'il survienne des cas placés en dehors de toute juridiction. Comme dans le droit maritime, c'est à l'Etat d'immatriculation d'y veiller.

La loi sur la navigation aérienne règle déjà certaines des questions qui se posent à ce propos. C'est ainsi qu'elle règle de façon assez détaillée les problèmes de droit pénal (art. 96 à 98) ; elle contient aussi des dispositions sur les mesures que le commandant de bord doit prendre pour assurer la conservation des preuves (art. 99) ;
au reste, elle se borne à exprimer le principe que l'espace atmosphérique au-dessus de la Suisse est soumis aux lois suisses, sous réserve des dispositions des accords internationaux et des règles reconnues des droits internationaux public et privé (art. 11).

Les droits et devoirs du commandant d'aéronef sont réglés aujourd'hui de façon détaillée par l'ordonnance du 22 janvier 1960 (RO 1960, 85); en la préparant, on s'est efforcé d'éviter à la fois la naissance de cas échappant à toute juridiction et la possibilité de conflits de lois avec les juridictions étrangères. On se rendait parfaitement compte que la base légale manquait

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d'uniformité et que l'article 64 offrait un fondement bien droit pour l'application du droit suisse aux aéronefs suisses à l'étranger ou pour les tâches de conservation des preuves par le commandant d'un aéronef étranger au-dessus de la Suisse.

n Le nouvel examen de cette question que pose la revision de la loi a montré qu'il était préférable de rédiger cette disposition en termes plus généraux, en se guidant non point tant sur les articles 63 et 99 que sur la donnée fondamentale de l'article 11.

Les motifs de cette solution peuvent se résumer comme suit : 1. Tandis qu'il s'agissait précédemment de considérations plutôt théoriques, les cas concrets et pratiques ont cessé d'être une rareté, par suite de l'intensification rapide du trafic international.

2. Le renvoi, contenu dans l'article 11, aux règles reconnues des droits internationaux public et privé ne suffit à exclure ni les conflits positifs de lois ni l'apparition, de cas échappant à toute juridiction, car ces règles n'ont pas encore acquis un développement suffisant.

3. Il se passera encore beaucoup de temps jusqu'à ce. que les travaux -- entrepris précisément à ces fins -- pour conclure des conventions internationales réglant ces questions conduisent à des résultats. Il faudra du reste ensuite que la majorité des Etats participant au trafic aérien international deviennent parties à ces conventions en les ratifiant ou en y adhérant.

ni Le but visé est relativement facile à atteindre si l'on remanie l'article 11 en obéissant aux considérations suivantes: 1. Le principe selon lequel l'espace aérien au-dessus de la Suisse est soumis aux lois suisses doit être confirmé (1er al.) ; il exprime en droit interne le principe de la territorialité reconnu par le droit des gens. Pour faire voir plus nettement qu'il ne s'agit pas seulement de droit matériel, mais que ce principe englobe les normes du droit suisse réglant les conflits de lois, l'expression précédente de «lois» a été remplacée par celle, plus générale, de «droit».

2. En ce qui concerne les aéronefs étrangers, le Conseil fédéral est autorisé à admettre des exceptions (2e al.). C'est là une restriction volontaire apportée à un droit de souveraineté qui résulte du principe de la territorialité ; nous avons déjà relevé ce fait en nous référant au .droit maritime; la loi fédérale sur la navigation maritime ne contient, il est vrai, aucune disposition correspondante, parce que des navires étrangers ne peuvent venir jusqu'à notre territoire. L'article 2, 2e alinéa, de l'ordonnance précitée sur les droits et devoirs du commandant d'aéronef montre comment une telle exception peut se présenter: «Pour les aéronefs étrangers qui n'atterrissent pas en

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Suisse, les prescriptions de droit impératif de l'Etat d'immatriculation sont réservées, et les dispositions de la présente ordonnance concernant les obligations d'état civil du commandant ne sont pas applicables.» La faculté conférée au Conseil fédéral est restreinte par le fait que les dispositions légales concernant la responsabilité civile ainsi que les dispositions pénales doivent rester intactes. La même réserve figure déjà à l'article 108 de la loi, permettant au Conseil fédéral d'établir des règles spéciales pour certaines catégories d'aéronefs.

3. Le noyau de la revision proposée réside à proprement parler dans le fait que le domaine d'application du droit suisse est étendu au-delà des frontières du pays; en principe, ce droit est également en vigueur à bord des aéronefs suisses à l'étranger (3e al.).

On évite ainsi volontairement de faire de l'aéronef, même par une fiction, une «partie volante du territoire national». Le droit de légiférer et d'appliquer des règles de droit n'est pas considéré comme découlant de la souveraineté territoriale de l'Etat d'immatriculation; il s'agit au contraire d'une juridiction sur les personnes et sur les biens, d'un for constitué par la communauté organisée à bord sous l'autorité du commandant. Ce sont en principe les mêmes considérations que nous vous avons soumises dans notre message du 22 février 1952, concernant le projet de la loi sur la navigation maritime sous pavillon suisse (FF 1952, 257).

On prévient ainsi la naissance possible d'un vide juridique. Cela s'applique surtout au cas où l'aéronef survole la haute mer ou une autre étendue échappant à toute juridiction.

Mais là où cet élargissement du champ d'application conduirait à violer le principe de la territorialité tel qu'il s'applique dans le droit des gens et où il conduirait à des conflits positifs de compétence, il ne peut intervenir que subsidiairement. Cela veut dire qu'il peut intervenir seulement dans la mesure où le droit positif de l'Etat dans lequel ou au-dessus duquel se trouve l'aéronef ne doit pas obligatoirement être appliqué. Ceci suppose: -- Qu'il est possible de déterminer encore après coup cet Etat, pour ce qui est du moment où le fait en question s'est passé à bord; -- Que cet Etat se prévaut de la compétence qui résulte pour lui du principe de la territorialité et ne
la limite pas de son plein gré (ce qui pourrait avoir heu sous la forme d'un renvoi facultatif au droit d'un autre Etat) ; --· Qu'une norme imperative en ce sens peut être trouvée dans le droit de cet Etat, pour permettre de juger les faits en question.

Dans tous les autres cas, c'est le droit suisse qui est applicable (y compris, ici aussi, les normes relatives aux conflits de lois). Ces normes permettent de résoudre les conflits de droit international qui peuvent résulter de faits survenant à bord d'aéronefs suisses à l'étranger.

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La possibilité de conflits positifs de lois existe dans un cas de plus, celui où une règle de droit étranger applicable d'après la présente disposition heurterait le droit public interne ; dans ce cas d'exception, le juge suisse ou l'autorité suisse devrait néanmoins appliquer le droit suisse.

Examinons brièvement les applications possibles de cette disposition: --- II s'agit tout d'abord d'une norme suisse du droit international privé.

Elle signifie pratiquement que, si le droit suisse est applicable subsidiairement, on doit agir comme si le fait considéré (naissance ou décès à bord, acte juridique entre passagers, etc.) s'était passé au sol, en territoire suisse; elle ne signifie donc pas que la loi suisse est toujours et de plein droit applicable.

-- En tant que norme suisse du droit administratif international, la disposition en question pourrait être appliquée à des actes officiels accomplis par un membre d'une police suisse accompagnant un prisonnier, alors qu'il est à bord d'un aéronef suisse ; elle règle aussi les droits et devoirs de l'équipage de l'avion pendant le vol au-dessus d'étendues qui ne relèvent d'aucune souveraineté, par exemple l'océan Atlantique.

--- Pour le droit pénal international, la disposition ne joue en revanche aucun rôle, à cause de la réserve générale qui a dû être faite au 4e alinéa.

Une comparaison avec les dispositions correspondantes de l'article 4, 1er alinéa, de la loi sur la navigation maritime sous pavillon suisse (HO 1956, 1395) montre, à côté d'un parallélisme assez étendu, quelques différences dont la raison doit être donnée : -- Cette autre loi ne parle que de droit fédéral. L'expression «droit suisse» que l'on trouve dans notre projet est plus générale et permettrait, par exemple, d'appliquer une loi de police cantonale au comportement d'agents de la police cantonale en mission officielle.

-- La loi sur la navigation maritime parle de la loi de l'Etat riverain que celui-ci a «déclarée imperative»; dans notre projet, les termes choisis sont plus généraux: «ne prescrit pas obligatoirement autre chose». Au fond, cela revient au même, mais cela permet, dans des cas-limites, de pousser un peu plus loin l'examen des fondements, et c'est préférable aussi du point de vue de la réserve de l'ordre public, faite plus haut.

-- «... de l'Etat dans lequel ou
au-dessus duquel ils se trouvent»: Dans la navigation maritime, la question ne peut pas du tout se poser sous cette forme ; dans la navigation aérienne, elle se rapporte avant tout au cas et au moment du survol. Elle trouve sa réponse même pour le temps où l'aéronef est au sol à l'étranger. Car la soumission à la souveraineté de l'Etat étranger est alors, naturellement, beaucoup plus marquée, et si quelque chose se passe au sol, les difficultés de localisation disparaissent.

Feuille fédérale. 114e année. Vol. II.

50

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Mais des restrictions des droits de souveraineté, consenties librement par l'Etat intéressé, sont encore concevables, de sorte que l'applicabilité du droit du pavillon, à titre subsidiaire, garde sa signification.

-- Dans la loi sur la navigation maritime, on trouve une disposition spéciale pour le cas du naufrage. Des situations semblables pourraient se présenter dans la navigation aérienne. Mais il ne nous semble pas nécessaire de les régler expressément; elles peuvent sans inconvénient être abandonnées à la pratique.

En dehors du trafic aérien commercial, la disposition en question n'aura guère d'importance pratique ; mais elle pourra se révéler utile pour régler des cas toujours plus fréquents et qui resteraient douteux.

4, Les dispositions des conventions internationales, les règles reconnues du droit international et les dispositions qui, dans la loi sur la navigation aérienne, règlent l'applicabilité des dispositions pénales quant au lieu sont réservées dans tous les cas d'application de l'article 11 (4e al.).

Pour les deux premiers groupes de normes, une réserve expresse n'est pas indispensable, mais elle peut servir à attirer l'attention sur l'existence et le développement de normes juridiques internationales uniformes. A ce propos, il faut rappeler encore une fois la convention du 7 décembre 1944 relative à l'aviation civile internationale, qui pose expressément le principe de la territorialité à son article premier et déclare, à son article 12, que les règles de vol et de manoeuvre des aéronefs de l'Etat survolé sont applicables en tout lieu à la conduite de ceux-ci.

L'applicabilité des dispositions pénales quant au lieu est réglée en détail aux articles 96 et 97 et harmonisée avec les dispositions correspondantes du code pénal. La réserve a pour but de ne rien changer à ce régime, qui n'a conduit à aucun inconvénient majeur. On ne saurait taire, cependant, que divers points de l'article 97 ne satisfont pas entièrement. Mais les questions sont complexes ; il nous a semblé prématuré de les aborder dans le présent projet de revision.

La rédaction antérieure du 2e alinéa réservait les règles reconnues du droit international privé. Cette clause peut être supprimée sans dommage.

Pour ce qui est du droit national, le nouveau texte du 1er alinéa et du 3e alinéa la rend sans objet, et
elle ne pourrait qu'induire en erreur; s'agissant des règles contenues dans les conventions internationales, elle ne dit rien de plus que ce qui est exprimé au 4e alinéa, En résumé, la nouvelle version de l'article 11 fait disparaître les lacunes et les faiblesses constatées au départ, rapproche, quant aux principes, dans une large mesure notre droit aérien du droit maritime suisse, tout en tenant .suinsaminent compte des aspects particuliers de la navigation aérienne.

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Nous fondant sur les considérations qui précèdent, nous vous recommandons d'adopter le projet de loi modifiant la loi sur la navigation aérienne. La commission fédérale de la navigation aérienne l'a approuvé ; la consultation des départements n'a conduit que dans le cas de l'article 40 à une divergence notable avec la version que la commission désirait; il n'a pas été touché au but de cet article.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 28 septembre 1962.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, P. Chaudet 14319

Le chancelier de la Confédération,

Ch. Oser

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LOI FÉDÉRALE modifiant la loi sur la navigation aérienne

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu le message du Conseil fédéral du 28 septembre 1962, arrête La loi fédérale du 21 décembre 1948 (1) sur la navigation aérienne est modifiée comme suit : Art. 8 1 L'envol et l'atterrissage d'aéronefs ne peuvent, sous réserve des exceptions précisées par le Conseil fédéral, avoir lieu que sur des aérodromes.

2 Pour les atterrissages d'aéronefs à moteur hors des aérodromes autorisés, une autorisation spéciale est nécessaire; pour les atterrissages en montagne en vue de l'entraînement des pilotes et pour le transport de personnes à des fins touristiques, l'autorisation ne sera donnée que pour un nombre restreint de places d'atterrissage désignées par le département des postes et des chemins de fer d'entente avec le département militaire fédéral et les autorités cantonales compétentes.

3 L'office fédéral de l'air peut prescrire les routes aériennes qui devront être suivies par les aéronefs.

IV. Applicabilité des lois quant au lieu

Art. 11 L'espace atmosphérique au-dessus de la Suisse est soumis au droit suisse.

2 Pour les aéronefs étrangers, le Conseil fédéral peut admettre des exceptions, si les dispositions sur la responsabilité civile et les dispositions pénales de la présente loi n'en sont pas affectées.

1

(!) RO 1950, 491.

733 3

Le droit suisse est applicable à bord des aéronefs suisses à l'étranger, en tant que le droit de l'Etat dans lequel ou au-dessus duquel les aéronefs se trouvent ne s'applique pas d'une manière imperative.

4 Les dispositions des conventions internationales, les règles reconnues du droit international et les dispositions de la présente loi sur l'applicabilité des dispositions pénales quant au lieu, sont réservées dans tous les cas.

Art. 12 Le Conseil fédéral arrête les prescriptions de police pour l'usage de l'espace atmosphérique, en particulier pour garantir la sécurité aérienne et pour combattre le bruit des avions.

I. Prescriptions de police 1. Compétence

Art. 15

Des mesures spéciales de police, en particulier pour garantir la sécurité aérienne et combattre le bruit des avions, sont prises par l'office fédéral de l'air au moment où il accorde une autorisation ou par une décision particulière.

4. Mesures spéciales

Art. 17 1

Si un aéronef en détresse doit atterrir hors d'un aérodrome autorisé, le commandant demandera, après l'atterrissage, les instructions de l'autorité de police aérienne par l'entremise des autorités locales.

2 Jusqu'à l'arrivée de ces instructions, l'aéronef, ses occupants et son contenu, restent sous la surveillance des autorités locales.

Art. 40 Le Conseil fédéral organise le service de la sécurité aérienne ; celui-ci comprend en particulier les services de la circulation aérienne, les services des transmissions, le service météorologique et les services d'information aéronautique, ainsi que la mise à disposition d'aides à la navigation.

3 Les services civil et militaire de la sécurité aérienne doivent être réunis, dans la mesure du possible.

1

Art. 52 L'office fédéral de l'air tient le registre matricule suisse.

2 Un aéronef ne peut être immatriculé dans le registre matricule suisse que: a. S'il est reconnu propre au vol par un contrôle officiel; &. S'il n'est pas immatriculé dans le registre matricule d'un autre Etat; 1

6. Atterrissages forcés

II. Service de la sécurité aérienne

IL Registre matricule 1. Conditions générales de l'immatriculation

734

o. S'il est la propriété de Suisses, de sociétés commerciales ou coopératives, d'associations suisses, de collectivités ou établissements de droit public suisse; l'article 54 est réservé.

3 Le Conseil fédéral arrête les prescriptions de détail sur les conditions, le contenu, la"modification et la radiation des immatriculations.

3. Aéronefs dT étrangers

Art. 54 Les aéronefs qui sont la propriété d'étrangers peuvent être immatriculés dans le registre matricule suisse: a. Si le propriétaire est une personne physique séjournant en Suisse depuis un temps assez long et si l'aéronef est en règle générale utilisé à partir de la Suisse ; ou b. Exceptionnellement et avec l'autorisation du Conseil fédéral, si l'aéronef doit être employé pour un temps assez long par une entreprise suisse de transports aériens commerciaux.

II

Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur de la présente

loi.

14849

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la modification de la loi sur la navigation aérienne (Du 28 septembre 1962)

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