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Message du fr

Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale concernant la loi sur le droit de vote des citoyens suisses.

(Du 2 octobre 1874.)

Monsieur le Président et Messieurs, Les articles 44, 46, 47, 66 et 74 de la nouvelle Constitution fédérale renferment, au sujet du droit de cité, de rétablissement, du séjour et des droits politiques, cinq dispositions qui réservent à la législation fédérale le droit de régler ces questions.

Le Conseil fédéral a ou en première ligne, au point de vue de la forme, à examiner la question de savoir s'il devait présenter à l'Assemblée fédérale une loi unique embrassant toutes ces matières, ou s'il valait mieux les répartir dans plusieurs lois spéciales. Après mûr examen, le Conseil fédéral s'est décidé pour ce dernier système, et cela pour divers motifs. D'abord, les diverses questions qu'il s'agit de régler par des lois ne sont pas également urgentes, et, comme l'activité législative de l'Assemblée fédérale est absorbée de tous côtés, il a paru opportun de ne s'occuper immédiatement que des questions urgentes, laissant à l'arrière-plan, pour le moment, celles dont la solution est moins pressante. En second lieu, ces diverses matières sont souvent sans connexité entre elles. Les règles sur l'acquisition et la perte du droit de cité n'ont rien à faire avec celles qui détermineront les droits des personnes en séjour, et la question des droits politiques appartient à un tout

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autre ordre d'idées que celle des rapports de droit civil des citoyens établis ou en séjour.

Aussi le Conseil fédéral a-t-il cru utile de prévoir, pour les matières dont il s'agit, trois lois fédérales séparées, qu'il élaborera dans l'ordre suivant : 1. Loi fédérale sur le droit de vote des citoyens suisses (articles 47, 66 et 74 de la Constitution fédérale).

2. Loi fédérale sur la différence entre l'établissement et le séjour et sur les rapports de droit civil des citoyens établis et eu séjour, ainsi que les dispositions relatives aux doubles impositions (articles 46 et 47 de la Constitution fédérale).

3. Loi fédérale sur l'acquisition et la perte du droit de cité suisse (article 44 de la Constitution fédérale).

Le Conseil fédéral a estimé ne pas devoir tarder à présenter à l'Assemblée fédérale un projet sur la première de cos questions, et il le présente en effet dans la session actuelle, afin que cette question, qui a une influence considérable sur le droit de vote d'un grand nombre de citoyens suisses, puisse au moins être réglée définitivement par les Chambres, encore avant les prochaines élections fédérales. Quant aux deux autres projets da loi, qui ont besoin, pour être élaborés, d'un examen plus approfondi, ne fût-ce qu'à cause de leur étendue, le Conseil fédéral s'est borné à ordonner des études préparatoires, qui sont déjà en bonne voie ; il s'efforcera de les pousser de manière que ces lois puissent encoi'o ótre présentées aux Conseils au moins dans le cours de la présente législature.

En co, qui concerne spécialement le droit de vote en matière politique, la Constitution fédérale renferme deux dispositions à ce sujet. En premier lieu, une loi fédérale doit déterminer les règles auxquelles seront soumis les Suisses en séjour quant à leurs droits politiques, et en second lieu la législation fédérale doit fixer les limites dans lesquelles un citoyen suisse peut être privé de ses droits politiques. Ces prescriptions ont servi de base à la loi que nous vous présentons et à laquelle nous avons cru pouvoir donneile titre de « loi sur le droit de vote des citoyens suisses. » Nous plaçons en tête de la loi le 1er alinéa de l'article 74 et le 2e alinéa de l'article 43 de la Constitution fédérale, dispositions qui, bien que la première ne soit insérée que sous la rubrique: Conseil national,
dominent évidemment toute la matière.

Les trois premiers articles traitent naturellement de ce droit de vote dans le triple organisme de la Confédération, des Cantons et des communes.

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Pour les élections et votations fédérales, la règle est le droit de suffrage exercé au lieu du domicile. Cette règle concerne tous les citoyens suisses sans distinction. La Constitution porte, à l'art. 74, qu'il reste réservé à la législation fédérale d'établir des prescriptions uuiforires sur les élections et votations fédérales. Des dispositions uniformes de ce genre sont déjà renfermées dans la loi sur les élections au Conseil national, et, il sera peut-être nécessaire d'en établir d'autres par la suite. Nous estimons toutefois qu'il est convenable d'attendre quelque temps encore que le besoin réel s'en soit fait sentir.

En ce qui concerne les élections et votations cantonales, l'article 43 dit au 4e alinéa : « Le Suisse établi jouit, au lieu de son domicile, de tous les droits dss citoyens du Canton», mais il ajoute, alinéa 5 : « En matière cantonale et communale, il devient électeur après un établissement de trois mois. » L'article 2 de uotre loi formule d'une manière semblable ces dispositions sur le droit de vote cantonal. Mais ici surgit aussitôt l'importante question de savoir quel doit ótre le droit de vote des citoyens en séjour dans les affaires cantonales ? Il paraîtrait que le règlement des droits des citoyens en séjour doit être laissé à la législation cantonale, si l'article 47 ne venait pas s'y opposer. Mais cet article donnant à la Confédération le droit de fixer des prescriptions sur l'exercice des droits politiques des citoyens suisses en séjour, il va sans dire que la Confédération a implicitement le droit d'établir les règles auxquelles seront soumis les Suisses en séjour pour leur droit de vote dans les affaires cantonales. De quelle manière cela doit-il avoir lieu ?

Précédemment la règle assez générale était que les citoyens simplement eu séjour n'ont aucun droit politique en affaires cantonales. Cette règle existe encore aujourd'hui dans les Cantons de Zurich, Lucerne, Uri, Schwyz, Unterwaiden, Glaris, Zong, Fribourg, Baie (Ville et Campagne), Schaffhouse, Appen/ell (Rhodes extérieures et intérieures), St-Gall, Argovie, Valais et Tessin. Mais depuis que par la forte augmentation du mouvement de la population le nombre des citoyens en séjour s'est presque partout extraordinairement accru, des modifications à cette règle ont déjà été apportées dans une série de Cantons. Berne
a, par un arrêté récent du Gouvernement, accordé aux citoyens en séjour en affaires cantonales les mômes droits qu'aux citoyens établis ; Zurich s'occupe de mesures semblables ; Soleure, Grisons, Vaud et Genève ont accordé aux citoyens en séjour le droit de vote cantonal après un an de séjour ; BàleCainpagne et St-Gall ont, contrairement à Fribourg, qui s'est formellement prononcé en sens opposé, accordé le droit de voter au moins aux fils de citoyens suisses établis qui font ménage commun

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avec leurs parents ; Tlmrgovie donne aux citoyens en séjour le droit de vote dans les élections de cercle et de district, et Neuchâtel paraît aussi accorder le droit de vote, complet aux citoyens en séjour, 3 mois après le dépôt de leurs papiers. Illesi dès lors évidemment devenu impossible d'exclure absolument du droit de vote en matière cantonale les citoyens en séjour. Cette exclusion, comme nous le verrons plus tard d'une manière encore plus précise, n'.aurait du reste pas de motifs sérieux. On comprend en revancbe que les citoyens en séjour, élément de population trèsmobile, ne soient pas mis tout à fait sur la même ligne que l'élément plus stable des citoyens établis. Les Cantons qui ont fixé au délai un peu plus long pour les citoyens en séjour nous paraissent donc avoir eu raison. Nous- proposons de fixer à un an ce délai, mais d'accorder du reste aux citoyens en séjour les mômes droits en.

matière de vote cantonal qu'aux citoyens établis et aux bourgeois de la commune.

Si quelques Cantons veulent abréger ce délai ou accorder le droit de vote cantonal à des citoyens plus jeunes que l'âge fixé par la loi fédérale, comme le font par exemple, sous ce dernier rapport, les Cantons de Zoug, Appenzell et Grisous, rien naturellement ne s'y oppose. La législation fédérale n'a à combattre qu'une restriction non justifiée du droit de vote, et les conditions qu'elle doit établir n'ont par conséquent d'autre signification que de mettre un frein aux tentatives que l'on pourrait faire de restreindre le droit de vote en matière cantonale notablement plus qu'en matière fédérale. D'autre part, il va sans dire que les Cantons qui veulent accorder nn droit de vote plus étendu doivent assimiler les Suisses établis et en séjour, étrangers au Canton, aux ressortissants du Canton, comme le prescrit l'art. 60 de la Constitution fédérale.

Nous proposons d'ajouter à l'art. 2 une disposition dans ce sens.

Passant au droit de vote communal, dont traite l'art. 3, il faut faire observer ici que l'ancienne Constitution fédérale n'accordait aux citoyens établis et a fortiori aux citoyens en séjour , aucune espèce de droit de vote, mais qu'elle renferme uniquement uue disposition portant que les mêmes droits doivent être accordés aux citoyens établis originaires d'autres Gantons qu'aux citoyens du propre Canton établis
hors de leur commune d'origine. En revanche, la nouvelle Constitution fédérale a fait de nouveau ici un grand pas en avant. Elle pose, à l'art. 43, alinéa 4, le principe que le Suisse établi jouit, au lieu de son domicile, de tous les droits des citoyens, du Canton et, avec ceux-ci, de tous les droits des bourgeois de la commune. Maintenant, le droit de voto en affaires cantonales étant, au fond, placé par l'art. 2 sur la môme ligne que le droit de vote en affaires fédérales, il s'en suit que le droit de

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vote communal doit dans la règle se déterminer aussi d'après les conditions du droit de vote fédéral; par ce moyen nous arrivons à créer pour tous les citoyens suisses un droit de vote reposant sur la même base en affaires fédérales, cantonales et communales, Cette uniformité est d'une si grande valeur pratique qu'il ne convient pas de l'affaiblir par des exceptions trop nombreuses.

Une première exception concerne le délai et a déjà été discutée.

Une seconde exception est posée par l'art. 43 de la Constitution lui-même. Cet article exclut le Suisse établi ou en séjour de la participation aux biens des bourgeoisies et des corporations, ainsi que du droit de vote dans les affaires parement bourgeoisiales, à moins que la législation cantonale n'en décide autrement.

On se demande seulement si l'on doit faire ici une autre exception relativement au droit de vote des citoyens en séjour.

Nous proposons de ne pas lu faire et d'accordei' aux citoyens en séjour le droit de vote communal après le délai d'un an, comme le droit de vote cantonal. Co point pouvant Otre l'un des plus contestés, nous croyons devoir le riiotiver d'une manière un peu plus détaillée.

D'abord, au .point de vue de la forme, il sera bon de ne pas apporter trop de complication dans les registres électoraux. D'après notre proposition, le registre électoral sera tout à fait le même pour le vote cantonal que pour le vote communal.

Quant au fond, nous devons ensuite faire remarquer qu'il nous paraît aussi juste que sage dû permettre à tous les citoyens suisses de prendre une part active à la vie politique de la commune dans laquelle ils ont fixé leur séjour. Nous considérons, avec toute raison, une organisation communale vivace et saine comme la base d'une vie politique prospère et libre, et nous ne devons dès lors en exclure personne sans motifs urgents. Dans le cercle étroit de la commune, ce qu'il faut craindre c'est le marasme, bien plus que l'excès de mouvement. Il serait donc peu sage de refuser aux citoyens en séjour le droit de s'occuper des affaires communales et de repousser ainsi un élément qui apportera précisément le mouvement et la vie.

En outre, on ne voit pas pourquoi on accorderait aux citoyens établis presque tous les droits des bourgeois de la commune, pour eu exclure les citoyens eu séjour, car il n'existe au fond pas de différencu essentielle entre ces deux catégories. Ce ne sont que des motifs politiques et fiscaux qui les ont fait traiter d'une manière

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un peu différente. Les catégories ordinaires des citoyens en séjour sont les suivantes : 1° les personnes qui ne veulent séjourner que peu de temps dans \\n endroit ; 2° les personnes qui à la vérité séjournent plus longtemps, niais dont la position sociale, par le fait do leur vie isolée et de leur état de dépendance, rend pourtant ce séjour provisoire, comme par exemple les étudiants, les domestiques célibataires, les ouvriers et les manoeuvres.

Or, il nous paraît tout à fait convenable de ne pas encombrer les registres électoraux, pas plus que les registres d'impôt, Je personnes de la première catégorie ; car ces personnes n'ont, dans la règle, aucun intérêt particulier à' prendre une part active à la vie de la commune, dans laquelle elles ne séjournent que peu de temps et dont les affaires ne leur sont que peu connues. Mais, dès qu'on fixe un délai d'un an, toutes ces personnes ne sont naturellement plus en cause et il ne reste aiuti que les personnes de la seconde catégorie. Or, pour celles-ci les motifs d'exclusion ne sont plus applicables dans la même mesure, car il serait étrange de donner tous les droits au citoyen établi depuis 3 mois et de les refuser au citoyen en séjour depuis 1 an, qui, dans la règle, sera beaucoupmieux instruit des affaires de la commune.

On allègue, il est vrai, pour justifier l'exclusion de ces personnes , leur position dépendante ; mais, en bonne logique, cet argument motiverait aussi l'exclusion du droit de vote fédéral et cantonal, et l'on obvie mieux à cet inconvénient en créant des garanties pour la liberté du vote, par exemple par le vote secret. En tout cas, il ne convient pas de priver par de tels motifs de défiance des classes entières de la population de leur droit de vote.

Quand m6me le suffrage universel, comme toutes les institutions humaines, présente aussi certains côtés fâcheux, les côtés lumineux sont tels cependant qu'aux yeux du républicain ils effacent les ombres du tableau. Les inconvénients qui ont été signalés ont d'ailleurs déjà perdu de leur importance par le fait que l'on peut, d'après la Constitution federalo, changer à volonté sa position de citoyen en séjour en celle de citoyen établi.

On allègue, en outre, que les Suisses en séjour ne contribuent en rien aux dépenses des communes, tandis que par leur vote ils peuvent fortement
obérer ces dernières. Il est vrai qu'on perçoit ordinairement de ces personnes, pour simplifier les choses, une taxe de séjour. Mais ce n'est qu'une affaire de commodité, qui peut aussi être réglée autrement, au gré des Cantons, comme c'est effectivement déjà le cas dans quelquesTims d'entre eux. Au resta, cet

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argument n'a pas non plus de valeur réelle, puisque les bourgeois et les domiciliés pauvres sont dans la même position et ont cependant le droit de vote.

Nous faisons observer, au surplus, qu'il n'entre point dans notre intention de supprimer celles des dispositions des législations cantonales qui font sous certains rapports, du droit de vote en matière communale, le corrélatif de .l'obligation de payer les impôts, comme c'est le cas, par exemple, dans le Canton de Berne ; nous demandons uniquement que dans les cas de ce genre on accorde les mêmes droits aux ressortissants de la commune, aux citoyens établis et aux citoyens en séjour.

Nous vous recommandons en conséquence d'adopter avec la rédaction proposée ces trois articles, attendu qu'ils organisent le droit de cité suisse, non pas à un point do vue exclusif, mais bien d'une manière harmonique et libérale. Nous passons maintenant à la seconde partie de notre tâche, consistant à fixer en vertu de l'art. 66 4e la Constitution fédérale les limites dans lesquelles un citoytn suisse peut être privé de ses droits politiques.

Ici se présente d'abord une question de forme, à savoir si l'on déterminera positivement et d'une manière uniforme les motifs d'exclusion du droit de vote, ou si l'on se bornera à déclarer inadmissibles quelques motifs existant dans les législations cantonales. Le Conseil fédéral s'est décidé pour le premier mode de procéder, qui crée eu cette matière un droit plus clair. Au reste, on a reconnu, lors d'un examen plus approfondi des dispositions des législations "cantonales, que les divergences ne sont pas si grandes que l'on pourrait le supposer. Nous énumérerons successivement tous les motifs d'exclusion admis et nous y joindrons nos observations.

1. Sont exclus presque partout les citoyens domiciliés hors du Canton. Nous croyons pouvoir passer ici ce motif d'exclusion sous silence, puisque dans les articles précédents il est déjà statué que dans tous les cas le domicile ordinaire fait règle pour le droit de vote et que personne ne peut exercer ses droits politiques dans plus d'un Canton.

Quelques législations cantonales renferment, il est vrai, des dispositions en vertu desquelles un citoyen établi peut exercer son droit de vote à son domicile précédent pendant le temps qu'il doit attendre pour pouvoir obtenir Je droit de
vote dans son nouveau domicile. Le citoyen qui n'a pas encore obtenu dans sa commune de domicile le droit de vote conserve ce dernier dans sa commune d'origine. Toutefois, dans ces deux cas il ne s'agit pas d'une exclusion du droit de vote, mais d'une extension extraordinaire de ce

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droit. C'est pourquoi il ne nous paraît pas exister de motif d'intervenir de par la Confédération contre des dispositions de ce genre.

2. Tous les Cantons sont d'accord qu'une exclusion du droit de citoyen actif peut avoir lieu par sentence du juge en matière pénale, et cela soit d'une manioro permanente lorsqu'il s'agit de peines infamantes, soit temporairement pour dos délits moins graves.

Nous estimons que ce motif d'exclusion doit otre maintenu sans restriction. La législation pénale étant restée du ressort des Cantons, il n'est pas admissible que l'on entre ici daus des détails.

La condition essentielle nous parait toujours être l'existence d'un jugement pénal.

En conséquence, nous admettons par exemple l'exclusion des personnes suivantes : a. celles qui se servent do moyens illicites pour exercer un droit de vote ou pour parvenir à uue charge officielle (Tessiu) ; 6. celles qui ont été condamnées pour banqueroute simple ou frauduleuse (Neuchâtel) ; c. les citoyens condamnés plus d'une fois pour actes contraires aux moeurs (St-Gall).

d. ceux qui n'ont pas rempli d'une manière suffisante leurs obligations militaires (Tessin) ; e. ceux auquels la fréquentation des auberges et cabarets est interdite (Berna, Uri, Schwyz, Nidwalden, Fribourg, Argovie).

Le tout en supposant que dans tous ces cas la pénalité a été prononcée par sentence juridique. En revanche nous ne pouvons attribuer la même importance à . de · simples décisions d'autorités administratives.

D'autre part nous considérerions comme non admissible l'exclusion des personnes suivantes : a. celles qui sont l'objet d'une enquête pénale (St-Gall, Grisons), parce qu'il n'existe pas encore de sentence ; b. celles qui, ayant le moyen d'acquitter la part virilo des dettes de leur ascendants, en auraient répudié la succession (Valais), parce qu'ici il n'y a pas lieu à une sentence pénale.

3. Un troisième motif d'exclusion généralement établi, excepté à Appenzell et dans le Tessin, est l'interdiction (pour prodigalité, aliénation mentale ou idiotisme). Les interdits ne sont pas siti juris, il leur manque donc aussi la capacité nécessaire pour l'exercice des droits politiques. C'est pourquoi nous maintenons ce motif d'exclusion et proposons de le préciser en disant que les personnes qui sont sous tutelle sont exclues du droit de vote, sauf le cas où

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la tutelle a pour cause la minorité. Dans ces conditions, l'exclusion dépend d'un fait matériel, c'est-à-dire du jugement portant interdiction.

Nous n'irions pas plus loin en fait d'exclusions. Nous croyons néanmoins devoir énumérer ici les divers motifs d'exclusion prévus dans les Constitutions et les lois cantonales, et que, dans l'intérêt du suffrage universel, nous proposons de ne pas admettre.

1. La Constitution d'Appeuzell Rh.-Ext. statue dans un cas l'exclusion par un motif religieux. N'ont droit de voter que ceux qui ont reçu l'instruction' religieuse. Ce motif n'est plus compatible avec l'article de la nouvelle Constitution fédérale et doit par conséquent être éliminé.

2. La Constitution de Lucerne renferme un motif de môme nature, clans la disposition portant que l'admission dans l'état ecclésiastique entraîne la perte des droits électoraux, même comme citoyen actif. Cette disposition n'est pas non plus compatible avec l'article 49 de la Constitution fédérale.

3. Sont exclus à Neuchatel et à Genève ceux qui sont au service d'une puissance étrangère. Depuis l'abolition du service étranger cette disposition n'a plus guère que la signification d'une réminiscence historique, et comme l'art. 12 de la Constitution fédérale prévoit les cas qui pourraient avoir une signification politique, il ne conviendrait pas de sanctionner cette anomalie dans une loi fédérale.

4. A Schaffhouse et à Neuchatel, le fait de ne pas avoir payé les impôts constitue aussi un motif d'exclusion. Schaffhouse exclut tous ceux qui ne peuvent acquitter les impôts cantonaux ou communaux, et Neuchatel ceux qui sont en arrière du plus d'une année pour le, paiement, des impôts, non compris ceux de l'année courante. Nous ne saurions admettre ce motif d'exclusion, car on ne voit pas pourquoi l'on créerait ici une espèce de contrainte ou de privilège fiscal. Le fisc peut, comme tout autre créancier,- faire valoir ses droits envers les citoyens, mais ce qui n'est guère admissible, c'est qu'il applique des peines spéciales à ceux qui ne lui paient pas ce qui lui revient; cela ne peut s'expliquer quo par le fait qu'il a exceptionnellement le pouvoir de les infliger lui-même.

Lorsqu'un homme songe tout d'abord a procurer le pain nécessaire à si-s parents ou à ses enfants dans la misère avant d'acquitter l'impôt, il no mérite
pas pour cela de se voir privé de ses droits civiques.

5. Nous arrivons a parler d'un cas dans lequel la plupart des Constitutions cantonales statuent la perte des droits de citoyen actif; nous voulons dire le cas de faillite. Les Constitutions des Cantons

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d'Appenzell Rh.-Ext. et Eh.-Int., du Tessin, de Neuchatel et de Genève sont les seules qui laissent aux faillis l'exercice de leurs droits politiques. D'un autre côté, les dispositions d'exclusion sont mitigées dans un certain nombre de Cantons. Zurich et Thurgovio par exemple ne privent les faillis de leurs droits que clans les cas où il y a de leur faute ; Obwalden ne retire pas les droits « dans le cas où il n'y a évidemment pas une faute imputable au failli » ; Baie-Ville statue l'exclusion * en tant que le failli no peut prouver qu'il est tombé en faillite sans qu'il y ait faute gravo de sa part » ; Vaud admet aussi la preuve de « pertes accidentelles qun les faillis eux-mêmes auraient éprouvées », et Valais admet la preuve de la «force majeure ou de dettes héréditaires ». En sens inverse, dans plusieurs Cantons, raccommodement fait au détriment dos créanciers, les actes de défaut de biens ou d'insolvabilité (Lucmio, StGall, etc.), sont assimilés à la faillite proprement dite.

Si malgré cela nous ne proposons pas l'admission de ce motif d'exclusion, nous sommes dirigés par les considérations ci-après : La question se rattache d'une manière générale ù la discussion des différents systèmes qui ont été admis en matière de poursuites pour dettes. Dans presque tous les Etats dont les origines remontent à un passé éloigné, on voit que l'exécution forcée dus engagements est avant tont dirigée contre la personne du débiteur. Ainsi dans la Grèce et dans la Rome anciennes, et dans nos Etats dont l'origine date du moyen âge.

La peine de l'esclavage pour les débiteurs insolvables, la contrainte par corps, la flétrissure jointe au bannissement, le pilori, l'obligation humiliante imposée au débiteur de porter un chapeau vert (Unterwaiden), les peines infamantes, subsistent en partie encore aujourd'hui. Mais une observation qui n'est pas moins concluante fait voir que chez un peuple où la circulation des biens prend uu développement plus complet, la poursuite pour dettes change d'objet et se dirige peu à peu plutôt contre les biens que contre la personne du débiteur. Ainsi chez nous, en 1850, les faillis ont été déclarés aptes au service militaire, et tout récemment la contrainte par corps et le bannissement dos faillis ont été abolis par les articles 59 et 45 de la Constitution fédérale. Or, en pareille
matière, on ne saurait s'arrêter à mi-chemin sans s'embarrasser dans des contradictions et des injustices. Notre république reconnaît comme principes et bases de son existence l'obligation du service militairo pour tous et le droit de voter. L'un et l'autre sont en intime connexion ; celui qui dans les affaires du pays peut émettre sa voix doit, en cas de besoin, payer aussi de sa personne, mais d'un autre côté celui qui doit donner son sang à son pays, si celui-ci le réclame, ne doit pas être privé de sa voix dans la commune. Si donc

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oïl impose à une partie des citoyens l'obligation de servir tout en les privant du droit de vote, on brise le lieu naturel qui existe entre le droit et le devoir ; on ravale au rôle de mercenaire celui qui a été dépouillé du droit de voter et Ton détruit par là l'égalité de droits dans le peuple et dans l'armée. L'ancien système était conséquent en ce qu'il déclarait le failli déchu civilement et militairement ; mais le nouveau système tombe dans une contradiction qui doit être levée et ne peut l'être d'une manière équitable qu'en plaçant à côté du devoir un droit corrélatif.

D'autres considérations, viennent encore militer en faveur de cette opinion. Si l'on veut unifier le droit en cette matière, on n'a que l'alternative ou d'adopter aussi ce motif d'exclusion pour les Cantons qui ne l'ont pas admis jusqu'à présent ou de le supprimer pour tous les Cantons. Or, il n'y a aucun doute que l'extension d'une règle sur l'exclusion des faillis du droit de vote aux Cantons où elle est inconnue leur répugnerait, les froisserait peut-être, en sorte qu'on doit d'autant moins y songer que plusieurs autres Cantons s'efforcent de mitiger la rigueur de cette règle. Le système moyen qu'ils ont choisi ne nous parait cependant pas ce qu'il y a de mieux, et nous ne sachions pas que dans la pratique il ait les effets désirés ; ainsi le Canton de Lucerne en est revenu. Nous trouvons qu'il est parfaitement juste qu'un banqueroutier convaincu de dol et d'actes frauduleux soit puni et que dans un jugement pénal la privation des droits civiques soit prononcée; on peut aussi, lo cas échéant, étendre la notion de culpabilité et faire, en cas de faillite, des enquêtes plus rigoureuses. Mais ce qui nous répugne, c'est que lorsqu'il s'agit do faillis n'ayant commis aucun acte punissable, on veuille établir une distinction entre ceux qui ont fait des pertes par leur faute et ceux qui ont fait des pertes par une cause qui leur est étrangère. D'ordinaire on n'arrivera par là à aucun résultat. Le juge en est réduit à des considérations morales sans aucune base pour son appréciation, parce qu'il ne peut jamais pénétrer dans l'intérieur d'un ménage, connaître les motifs de telle ou telle mesure fatale et les circonstances de famille qni peuvent avoir entraîné telle ou telle dépense. Cu n'est pas au juge d'ici-bas que cette mission
peut appartenir, et il y a quelque chose de pénible à voir dépendre d'appréciations plus ou moins arbitraires la question do l'existence politique d'un citoyen. Le juge doit réprimer la faute commise devant la loi, mais non la faute morale; quant à cette dernière, l'opinion publique se chargera de la punir, et le mépris et le refus d'accorder du crédit à un homme déshoanôto le châtieront d'une manière bien plus sensible que ne peut le faire le juge.

45 A cela vient se joindre la circonstance que cette mosure frappe fort inégalement. De nos jours la faillite d'un grand négociant exécutée juridiquement dans toutes les formes est chose fort rare ; elle est remplacée d'ordinaire par le concordat. Aussi, précédemment et dans quelques législations actuelles, raccommodement était-il assimilé à la faillite. Toutefois, on en est revenu dans plusieurs Cantons, parce qu'on y a vu un préjudice pour les créanciers, attendu que le plus souvent ceux-ci se trouvent beaucoup mieux de l'accommodement que de l'exécution de la faillite, en sorte qu'on n'a aucun intérêt à rattacher nue disposition pénale au concordat, lequel a d'ailleurs lien, dans beaucoup de cas, oxtrajudiciairement.

Il arrive donc ordinairement qu'il n'y a que la faillite du petit particulier qui soit atteinte par la loi ; et même, dans cette catégorie, les individus les moins recommanclables, qui ne possèdent rien, s'en tirent souvent à meilleur compte, parce que personne ne veut supporter les frais d'une poursuite, tandis que la loi tombe de tout son poids sur les gens qui ont cherché à conserver quelques biens et offrent ainsi au créancier tout an moins la perspective d'un paiement partiel. Une mesure dont l'application est si inégale dans la pratique ne saurait dès lors être considérée comme bonne.

A l'appui de l'exclusion des faillis du droit de citoyen actif, on a souvent rappelé les paroles suivants du Professeur Keller : « Sur ce point on a, en Suisse, sur l'honneur dans ses rapports avec les affaires politiques, une manière de voir que l'on ne conçoit plus ailleurs de nos jours. Paire faillite signifie encore, en Suisse, être un gueux, et cela produit son effet bien au delà de l'étroit domaine des relations entre créanciers et débiteur ; l'idée qu'en souscrivant un effet de commerce on risque sa capacité civique, est un joyau que tout législateur devrait enchâsser dans ses lois. » · Sans vouloir contester en quoi que co soit l'autorité de Keller, nous croyons cependant pouvoir dire qu'aujourd'hui les expressions de failli et de gueux ne sont plus identiques , car depuis que 1ns circonstances sont telles qu'une grande faillite eu entraîne ordinairement d'autres à sa suite et compromet économiquement une foule d'existences, qu'un pareil malheur peut atteindre aussi des personnes qui
sont parfaitement honorables aux yeux de chacun, et enfin depuis que la faculté de souscrire des lettres de change est accordée à chacun dans plusieurs Cantons et que de simples emprunts se contractent en grand nombre sous cette forme, on s'est tellement habitué au risque qui s'y rattache que la perte de la capacité politique dont on est menacé par cette signature

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n'effraie plus autant. Ce sont ordinairement des soucis et des appréhensions bien plus graves qui préoccupent.

Il peut en revanche arriver parfois que la crainte de la honte attachée à la faillite soit exploitée pour dépouiller un débiteur de tout ce qui Ini reste, ou pour contraindre des parents ou amis à intervenir ; il nous paraît que la législation n'a aucun intérêt à favoriser de telles machinations.

Les motifs tirés des nécessités de l'honneur politique ne sont pas seuls déterminants, il y a encore une autre pensée qui selon nous pòse d'un beaucoup plus grand poids clans la balance. C'est le grand principe, digne d'une république, que l'étendue de la propriété privée ne doit exercer aucune influence sur la capacité politique des citoyens, que le citoyen le plus pauvre, le plus dénué do biens, doit jouir des mômes droits que le plus riche, que celuilà seulement est méprisable qui est déchu de ses droits civils à cause de ses mauvaises actions. Et, ce principe , qui exclut toute espèce d'aristocratie de la richesse, contribue à relever le sentiment d'honneur" chez le peuple, à faciliter la réhabilitation de celui qui est tombé, et même à rendre possible la liquidation de dettes antérieures, bien mieux que l'abaissement légal de celui qui est tombé dans le malheur.

Tel est'le point de vue auquel nous nous plaçons aussi pour rejeter un dernier motif d'exclusion, celui de l'assistance.

L'exclusion des assistés de l'exercice des droits politiques est une règle de police qui a pénétré dans notre législation à la suite de l'obligation d'assister les pauvres. Afin de diminuer le nombre des appels à l'assistance, on a imaginé des expédients qui n'ont eu que fort rarement poxir effet d'éloigner les demandes importunes de secours, mais ont abouti d'autant plus sûrement à cet autre résultat que tous les individus qui, par suite de l'assistance reçue, étaient déchus des droits civiques, sont devenus des assistés en permanence, tout en perdant avec l'honneur le sentiment qui les pousse à se réhabiliter par leurs propres forces. Aussi revient-on de pins eu-plus de ces moyens d'intimidation. Cependant, jusqu'ici les Cantons de Lucerne, Ori, Glaris, Apponzell R.-E. et É.-L, Grisons, Tessin, Vaud, Neuchâtel et Genève sont les seuls qui n'aient jamais connu ce motif d'exclusion ou qui l'aient rayé de leur
législation. D'autres Cantons -toutefois, tels que Zurich, Thurgovie et Valais, y ont apporté des tempéraments, en n'excluant que les assistés 'à titre permanent ; Zoug et Soleure ne comprennent pas dans la catégorie des assistés exclus du droit de vote ceux qui reçoivent des secours de la caisse des pauvres pour pouvoir visiter les écoles ou apprendre un art ou un métier, tandis que quelques

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législations, telles que celles d'Argovie et de Soleure, prolongent l'exclusion jusqu'après le remboursement intégral des secours reçus.

' A l'appui de cette mesure, on a allégué que le vote des individus qui ne peuvent pas subvenir par eux-mêmes à leur existence n'offre aucune garantie d'indépendance. Nous nous sommes déjà prononcés plus haut à ce sujet, et nous ajouterons seulement à ce qui a été dit que cette mesure aurait sa raison d'otre alors qu'on exclurait du droit de vote tous les assistés, c'est-à-dire toutes les personnes qui ne vivent pas de leur propre travail ou de leurs propres ressources.

Or comme on ne le fera pas et qu'on ne peut le faire, il n'y aucune raison d'exclure ceux qui reçoivent l'assistance publique.

En conséquence, nous maintenons encore le principe que lo citoyen pauvre, se trouvât-il même dans une extrûme détresse, doit avoir autant de droits et l'honneur aussi intact que le plus riche, alors du moins qu'il n'a aucun délit à se reprocher, et nous n'admettons pas dans la nouvelle loi fédérale que l'assistance publique constitue un empôchëment au droit de voter.

Nous n'en dirons pas davantage sur cette deuxième partie de la loi que forme l'art. 4.

Quant à l'article final de cette loi très-courte mais d'une haute portée, nous ferons seulement observer que toutes les dispositions des Constitutions et des lois cantonales contraires aux dispositions ci-dessus seront naturellement et de plein droit abrogées sans révision ultérieure de ces Constitutions ou de ces lois de la part des Cantons.

Nous saisissons cette occasion, Monsieur le Président et Messieurs, pour vous renouveler l'assurance de notre haute considération.

Berne, le 2 octobre 1874.

Au nom du Conseil fédéral suisse, Le Président de la Confédération: SCHENK.

Le Chancelier de la Confédération: SCHIESS.

48

Projet.

Loi fédérale sur

le droit de vote des citoyens suisses.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉKALE de la

CONFÉDÉRATION

SUISSE,

en exécution des art. 43, 46, 47, 66 et 74 de la Constitution fédérale; vu le message du Conseil fédéral du 2 octobre 1874, arrête : Art. 1. A droit de prendre part aux élections et aux votations en matière fédérale, tont Suisse âgé de 20 ans révolus et qui n'est du reste pas exclu du droit de citoyen actif par la législation du Canton dans lequel il a son domicile (art. 74, 1er alinéa, de la Constitution fédérale).

Le citoyen suisse peut prendre part à ces élections et votations au lieu de son donneile après avoir dûment justifié de sa qualité d'électeur (art. 43, alinéa 2, de la Constitution fédérale).

Art. 2. Le droit de vote dans les élections et votations cantonales est également régi par les prescriptions de l'art. 1.

Les citoyens établis qui appartiennent à un autre Canton n'acquièrent toutefois ce droit qu'après un établissement de trois mois,

49 et les citoyens en séjour étrangers au Canton après un séjour d'une année.

Dans le cas où la législation cantonale fixerait pour les élections et votations cantonales un âge moins avancé ou abrégerait le délai ci-dessus pour ses propres ressortissants établis ou en séjour dans le Canton, ces dispositions seront aussi applicables aux citoyens établis ou en séjour ressortissants d'un autre Canton.

Nul ne peut exercer des droits politiques dans plus d'un Canton. (Art. 43, alinéa 3, de la Constitution fédérale.)

Art. 3. Le droit de vote en matière communale est régi, pour les citoyens suisses établis ou en séjour, par les dispositions de l'art. 2.

La participation aux biens des bourgeoisies et corporations et le droit de vote dans les affaires purement bourgeoisiales sont exceptés de ces di-oits, à moins que la législation cantonale n'en décide autrement. (Art. 43, alinéa 4, de la Constitution fédérale).

Art. 4. Un citoyen ne peut être exclu du droit de vote que dans les cas suivants : 1. par sentence du juge en matière pénale ; 2. s'il est sous tutelle pour une autre eause que celle de minorité.

Art. 5. La présente loi entrera en vigueur à l'expiration des délais prévus pour 'la. votation populaire.

Toutes les dispositions des Constitutions et des législations cantonales contraires à la présente loi seront abrogées dès le jour de cette entrée en vigueur.

Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution de la présente loi.

Feuille fédérale suisse. Année XXVI.

Vol. III.

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Message du Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale concernant la loi sur le droit de vote des citoyens suisses. (Du 2 octobre 1874.)

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1874

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45

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Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

17.10.1874

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