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Message du

Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale concernant un projet de loi sur la responsabilité des chemins de fer et autres entreprises de transports concédées par la Confédération, ensuite d'accidents survenus pendant leur construction ou leur exploitation et ayant entraîné la mort ou des lésions corporelles.

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(Du 26 mai 1874.)

Monsieur le Président et Messieurs, La loi fédérale sur l'établissement et l'exploitation des chemins de fer sur le territoire de la Confédération suisse prévoit à son article 38, chiffre 2, l'élaboration d'une loi fédérale sur « les actions civiles en dommages-intérets qui peuvent être inten« tées aux administrations de chemins de fer ensuite d'accidents
survenus pondant la construction ou dans l'exploitation et ayant
«entraîné la mort ou des lésions graves».

Nous avons déjà rappelé, dans le message sur la loi foderalo concernant les rapports de droit en matière de transport, d'expédition; etc., par chemins de fer, qu'un projet de loi préparatoire ayant trait à la question avait été porto à la connaissance des administrations ' de chemins de fer et du public et que ce n'est qu'après avoir été soumis à l'examen d'une Commission d'experts qu'il a reçu la forme sous laquelle nous vous le présentons maintenant.

911 Le seul travail législatif sur la matière qu'il nous a été possible de prendre en considération, en faisant abstraction de la loi autrichienne du 5 mars 1869, qui ne porte que sur quelques parties isolées et sans lien entre elles, est la loi de l'empire allemand du 7 juin 1871.

Nous avons pensé que nous ne devions nous éloigner de cette base que pour des motifs urgents et tirés de la matière elle-même, et que là, en particulier, où nous admettions cette loi dans son contenu, il y avait lieu d'en adopter également, du moins autant que faire se pouvait, la forme et la teneur.

Dans ce projet, comme dans celui concernant le droit de transport des marchandises par chemins de fer, etc., la sévérité qu'on pourrait taxer d'excessive ne l'est que d'une manière apparente et se justifie par les mômes considérations que celles que nous avons déjà fait valoir à propos de ce dernier projet. L'idée, en particulier, d'une assurance mutuelle, abstraction faite des cas, relativement rares, où la personne tuée où-blessée ne s'est trouvée en contact avec l'entreprise qui l'a lésée ni par le fait d'un contrat d'engagement, ni par le fait d'un contrat de transport, mais où toutefois l'accident est survenu sans qu'il y ait, en aucune façon, faute de sa part, peut également être invoquée, dans l'espèce. Si donc, ensuite des dispositions très-sévères concernant leur responsabilité, les entreprises peuvent être actionnées pour des accidents dus au hasard et même, dans certains cas (art. 2, alinéa 2), pour des cas de force majeure, elles sauront se couvrir des indemnités qu'elles auront à payer par des retenues insensibles sur les gages et les traitements convenus avec leur personnel d'employés et ouvriers et par une augmentation également, insensible du prix du transport des personnes, si bien qu'il s'établira entre les différents intéressés,: sans que ceux-ci le sachent et y prennent garde, comme à. leur insu, une véritable société d'assurance mutuelle.

Mais il est, eu outre, également conforme aux règles de l'équité que, vis-à-vis de personnes qui se sont trouvées en rapport avec ces entreprises soit pendant leur établissement, soit pendant leur exploitation, sans toutefois qu'il ait existé entre lesiparties des rapports issus d'un contrat, et lorsque ces personnes ont é.té tuées ou blessées par elles, les entreprises
soient tenues, suivant' les circonstances, de les indemniser, alors môme qu'il ne saurait otre question de la preuve d'une négligence à leur charge ou à la charge de leur personnel.. Car ici c'est le caractère, dangereux de l'entreprise môme qui provoque le dommage, et il est absolument juste et équitable que l'autorisation de l'autorité ne soit accordée à une

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entreprise dangereuse en elle-même pour le public qu'à la condition quu l'entrepreneur sera responsable vis-à-vis du public, même lorsque, dans l'espèce, aucune faute ne saurait lui être reprochée.

L'exclusion absolue pour les entreprises de transport du droit do se donner une réglementation particulière pour se soustraire totalement on partiellement à la responsabilité qui leur est imposée par cette loi, art. lì et art. 12, I8r alinéa, d'une manière encore beaucoup plus énergique que dans le projet sur le droit de transport des marchandises par chemins de fer, etc., se justifie également par le caracte.ro de monopole que revotent ces entreprises.

Nous n'avons, en ce qui concerne le détail des articles, que les observations suivantes à présenter : Ad Art. 1.

L'alinéa 1er de l'art. 1er reproduit à peu près littéralement la loi de l'empire allemand du 7 juin 1871, concernant l'obligation do réparer le dommage en cas d'accidents survenus pendant l'expLùtation do chemins de fer, de mines, etc., lorsqu'ils ont entraîné la mort ou des lésions corporelles.

Il faut d'abord remarquer que les dispositions de la loi de l'oinpire allemand, qui ne s'appliquent qu'aux Chemins de fer en exploitation, ont été étendues dans deux directions, à mesure que, d'une part, en ce qui concerne l'exploitation des chemins de fer, on a assimilé à ces derniers les autïes entreprises de transport concédées par la Confédération, et qne, d'autre part, en ce qui concerne les chemins de f e r , l'entreprise est envisagée par notre loi comme responsable durant l'établissement de ceux-ci.

Quoique l'art. 38, chiffre 2, de la loi sur les chemins de fer laisse place ä l'interprétation que la construction d'autres entreprises que les chemins de fer, mais rentrant dans la catégorie qui nous occupe, devrait être envisagée comme responsable, nous avons cru ne pas devoir entrer dans-cette voie. Un véritable besoin de moyens de droit exceptionnels, destinés à assurer la protection des personnes, n'existe en particulier que lorsqu'il s'agit de travaux d'art nécessités par l'établissement d'une voie ferrée (tunnels, construction de viaducs, ponts, etc.); en outre, la question de savoir ce qu'il faut entendre par l'établissement de bateaux à vapeur aurait été grosse de difficultés.

De pins, nous nous sommes séparés de la loi de l'empire allemand en choisissant l'expression plus courte « d'entreprise de transport t au }ieu de cèlle «d'entrepreneur de l'établissement ou de l'ex-

913 ploitation d'une entreprise de transport», cela dans le but de mettre fin à un doute qui peut s'élever lorsque la Société par actions ou le corps politique (fisc) ou la personne privée, soit le concessionnaire au nom et pour le compte desquels on construit, ont conclu avec l'entrepreneur de la. construction un contrat pour l'établissement de la voie. On pourrait, en effet, se.demander si c'est la responsabilité de l'entrepreneur de la construction ou celle de la Société d'actionnaires, etc., au nom et pour le compte de laquelle le constructeur, appelé essentiellement dans le langage ordinaire «l'entrepreneur de l'établissement du chemin de fer», qui se trouve engagée.

Selon nous, .il ne peut y avoir de doute sur ce point. La Société par actions, soit le concessionnaire, doit être envisagée comme la personne responsable, de telle sorte que celui qui a subi un dommage ne pourra plus être renvoyé à s'adresser à un entrepreneur trop souvent insolvable. Il sera donc dans l'intérêt bien entendu des Sociétés d'actionnaires ou des autorités fédérales, cantonales et communales, qui, font établir à leurs frais des voies ferrées par des entrepreneurs, de se faire donner ' des cautionnements suffisants pour le cas où des demandes d'indemnité pour réparation du dommage causé par leur fait viendraient à être f?1-mulées aux termes de la présente loi.

L'alinéa 2 de l'article 1er est nouveau ; mais il ne contient, en somme, que des renvois à la loi sur le droit de transport des marchandises par chemins de fer, etc., qui complètent la loi allemande, sans toutefois la modifier dans son esprit.

L'art. 2 est nouveau et contient des modifications importantes à la loi de l'empire allemand.

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Par la disposition contenue à l'alinéa 1er, nous avons cru devoir trancher une controverse sur laquelle la loi allemande observe un silence absolu (voir les commentaires d'Bndemann, pages 23 et 24), Lorsque la personne tuée ou blessée est entrée en rapport avec l'entreprise par un. acte coupable et pouvant provoquer des accidents, mais que toutefois l'accident n'a pas été le fait de cet acte, avec lequel il n'a aucun rapport immédiat et direct, qu'il est, en outre, de nature telle qu'il engage, pris en lui-même, la responsabilité de l'entreprise, il y a lieu d'examiner si elle pourra opposer à la personne qui a subi le dommage,
sa propre turpitude. La loi se taisant sur ce point, il serait possible de faire valoir des raisons excellentes en faveur des deux opinions diamétralement opposées.

Le tribunal de l'Empire allemand s'est prononcé, ainsi que cela résulte d'un communiqué qui a paru dans le n° 85 de la Gazette des chemins de fer, année 1873, page 972, en faveur de cette der-

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nière opinion, la moins favorable aux chemins de fer, et défendue également par Endemann, dans son commentaire, page 15. Nous avons choisi le terme moyen entre ces deux extrêmes. Si l'acte coupable, la faute ne soutient que de très-lointains rapports avec l'accident qui a entraîné le dommage, nous admettons qu'une opposition peut être formulée par l'entreprise lorsque l'acte coupable est une faute grave, un crime, un acte déloyal, une transgression consciente des règlements de police, et nous la repoussons lorsque ce n'est pas le cas.

. Dans la disposition finale de l'art. 2, nous avons, pour le cas où la personne tuée ou blessée serait un employé ou un ouvrier de l'entreprise, fixé des limites encore plus étroites à la possibilité d'une opposition lorsque la faute n'est pas en, rapport "direct avec la cause de l'accident, et nous en avons exclu complètement celle qui pourrait être tirée de la force majeure lorsque l'accident est arrivé à des employés durant le temps de leur service ou à des ouvriers pendant leur travail.

Nous avons cru par là donner une satisfaction beaucoup plus grande aux besoins et aux intérêts de la classe ouvrière, que par la constitution d'un fonds des invalides, dont l'idée a été si vivement discutée et qu'un Gouvernement cantonal proposait de rendre obligatoire. Si l'on prescrivait directement à des Compagnies une obligation de cette nature dans leurs concessions, on arriverait bientôt à se convaincre que des dispositions spéciales sur la inanière dont ces fonds d'invalides doivent être organisés et sur les mesures administratives à prendre par l'autorité fédérale pour exercer sur ces fonds une surveillance nécessaire, sont indispensables, ce qui nous conduirait à l'introduction d'un système de tutelle absolument malsaine.

\Dans les dispositions proposées, au contraire, combinées avec celles de l'art. 4, gît la nécessité indirecte mais urgente pour les entreprises de créer et de doter elles mômes ces fonds des invalides.

L'art. 3 est littéralement emprunté à la loi de l'empire allemand. Nous n'avons rien changé à la forme de la loi allemande, quoique celle-ci donne lieu aux interprétations les plus multiples.

Le doute et une place à des interprétations diverses ne sauraient otre écartés, dans ces questions si difficiles et si complexes, par une rédaction quelconque.
La littérature et la jurisprudence des tribunaux auront pour mission de les résoudre en tenant compte des expériences faites.

Des modifications de rédaction auraient au contraire pour efl'et de nous empêcher de mettre à profit les expériences qui se font au-

91* jourd'hui dans tous les pays allemands où la loi de l'empire est en vigueur.

C'est pour le même motif que nous n'avons apporté que peu de changements à l'article 4. Nous n'avons choisi qu'une expression qui doit indiquer d'une manière -plus claire que ce n'est le cas pour la loi allemande que l'entreprise de transport ne peut déduire de la somme payée comme indemnité -que cello que la personne lésée perçoit réellement de la caisse d'assurance, à la condition essentielle que les subsides fournies par celle-ci ne soient pas inférieurs au tiers du montant dé la contribution d'assurance, mais non pas à ce qu'il peut être en droit d'en retirer et ,qu'en fait il ne peut percevoir ensuite d'insolvabilité, de chicanes, etc., etc.

11 nous est impossible, de partager l'opinion exprimée au sujet de cet article 4 par les deux commentateurs, connus jusqu'à présent, de la loi de l'empire allemand (Endemann dans son commentaire, page 55, et Jacobi : Die Verbindlichkeit zum Schadenersätze, etc., 2de édition, Berlin 1874, page 31), qui soutiennent que sur la demande des ayants droit- de la personne tuée, lorsqu'il s'agit de l'entretien, les versements faits aux établissements d'assurance doivent également entrer en ligne de compte alors même que l'hypothèse prévue spécialement',,à l'article "4 (contribution de '/_, de la prime) ne s'est pas réalisée.

Nous gommes bien plutçt partis de l'idée que, pour autant que la supposition prévue à l'article 4 n'existe pas, les établissements de transport obligés à indexopdser ne peuvent pas s'appuyer sur les mêmes rapports que ceux qui existent entre la personne ayant droit à une indemnité et les établissements d'assurance, etc., qui leur sont complètement étrangers. Il va sans dire qu'on ne préjuge pas par là la question de savoir si les établissements d'assurance, etc., ont le droit, soit à teneur de leur statuts, soit en vertu du droit existant, de conserver par devers eux ce qu'ils pourraient avoir à" payer eu égard à l'indemnité garantie par l'établissement de transport, ou de revendiquer ce qu'ils auraient déjà versé.

A l'article 5, qui est emprunté à l'article 7 de la loi allemande, nous avons modifié la disposition contenue dans ladite loi et aux termes de laquelle le juge doit accorder une rente à la personne lésée, pour la dédommager des frais de son entretien
et du gain dont elle est privée, lorsque les deux parties ne désirent pas se mettre d'accord sur la fixation d'un capital. Nous avons laissé cette question à la libre appréciation du juge.

L'article 6 est nouveau. Le principe exprimé dans cet article qu'en cas de dol ou de négligence grave il peut être alloué au lésé ou aux ayants droit de celui qui a été tué une somme d'argent

91ß raisonnable, indépendamment du dédommagement qui leur est dû pour les pertes pécuniaires qu'ils ont prouvé avoir subies, repose .sur des considérations d'équité et se trouvait sanctionné déjà dans plusieurs lois cantonales (voir Code zuricois, articles 1844 et 1845).

Il devait trouver sa place ici, parce que nous n'avons pas adopté le principe de la loi allemande (§ 9) qui statue que tous autres droits delà partie lésée demeurent réservés.

Ad Art. 7 et 8.

C'est pour le mCme motif que nous avous dû admettre à l'article 7, alinéa 1er, et à l'article 8 des dispositions sur la question, laissée par la loi allemande à la législation de droit commun, de savoir comment il y avait lieu de procéder en cas de perte ou d'avarie des objets que la victime de l'accident emportait avec elle et qui se trouvaient placés sous sa garde personnelle.

Dans l'alinéa 2 de l'article 7, nous avons également tranché une question n'appartenant pas, par sa nature, à cette loi, mais dont la solution était urgente. Cette question est celle de savoir de quelle manière on doit trancher le litige survenant à propos d'objets qui n'auraient été confiés au transporteur, ni comme marchandise, ni comme bagage, et qui au moment de l'accident, survenu soit pendant la construction soit durant l'exploitation de la voie, ne se seraient pas trouvés sous la garde de la personne tuée ou blessée.

Dans le projet antérieur, il avait été statué que dans des cas semblables une indemnité pourrait ótre réclamée, alors même que l'ontreprise de transport n'aurait aucune faute particulière à se reprocher, mais que la réalité de l'accident pourrait être prouvée, celui-ci ne pouvant être envisagé, aux termes de l'article 39 de la loi sur le droit de transport des mai'chandises, comme un cas de force majeure. La rédaction nouvelle fait abstraction de cette excessive sévérité et n'autorise une demande d'indemnité que dans les cas où l'entreprise de transport est en faute dans le sens prévu à l'article 38 de la loi sur le droit de transport des marchandises par chemins de fer, etc. Ce qui nous a déterminés, en particulier, à prendre cette nouvelle décision, c'est que d'après le projet antérieur qui s'en référait à l'alinéa 2 de l'article 39 de la loi sur le droit de transport des marchandises par chemins de fer, etc., les entreprises de transport auraient pu ótre rendues responsables, même pour des escroqueries commises par un voyageur au préjudice d'un autre voyageur, ce qui sei'ait dans tous les cas aller beaucoup trop loin.

917 Ad Art.' 9.

En .ce qui concerne la doctrine de la prescription, nous nous sommes séparés sur quelques points de la loi de l'empire allemand.

Au lieu du ternie de 2 ans, nous avons fixé celui d'un an, conformément à la prescription prévue en matière de transport de marchandises. La disposition contenue dans la loi de l'empire allemand et par laquelle on exclut, en ce qui touche cette prescription, la restitution de l'état antérieur en cas de minorité (restitutio ex capite minoris oetatis) a pu être par conséquent abandonnée, puisque cette règle de droit commun n'existe probablement plus dans aucun Canton de la Suisse. Par contre, nous avons jugé bon, eu égard ù, la théorie de l'interruption de la prescription des oppositions, Je nous référer à la loi sur le droit de transport des marchandises par chemins de fer, etc.

La distinction établie par l'article 8 de la loi de l'empire allemand, quand au moment où commence la prescription entre l'action des ayants droit de la personne tuée au montant de leur entretien, qui ne se prescrit qu'à partir du jour du décès et toutes les autres actions qui se prescrivent déjà à partir du jour de l'accident, nous a paru devoir soulever des1 doutes et provoquer, des malentendus.

Nous avons en conséquence fixé le moment où se produit le fait qui motive la demande d'indemnité (mort, 'blessure, etc.) comme celui à partir duquel courrait ïa prescription. Il va toutefois sans dire que, s'il ne s'est agi au premier moment que ' d'une blessure qui, plus tard, a entraîné la mort, ce 'ne 'sera plus du jour où la personne a été blessée, mais du jour de sa mort, que la prescription commencera à courir pour toutes les actions en indemnité qui auront pu être formulées (art. 3, alinéas 1 et 2). La question de savoir si et pendant combien de temps un cas de mort qui intervient après l'accident doit être envisagé comme ayant été amené par ce dernier, dans le sens' de la loi, sera résolue dans chaque cas spécial suivant la libre appréciation du juge.

Nous avons, par une disposition nouvelle ajoutée à l'article 9 du premier projet, excepté de cette courte prescription les cas dans lesquels la personne ayant droit à une indemnité peut étayer ses prétentions sur la preuve du dol ou d'une faute grave à la charge de l'entreprise de transport.

Cette décision nous était impérieusement commandée,
dès l'instant où nous nous fûmes prononcés pour le retranchement de l'article ·!! du premier projet, par lequel le droit des Cantons était réservé d'une manière générale'pour les demandes basées sur le droit cantonal et prescrites dans un terme plus éloigné.

918 II est extrêmement probable que tous les droits des Cantons, ainsi que le fait, par exemple, la loi zuricoise, prescrivent ces sortes d'actions résultant de délits ou de quasi-délits dans vn délai beaucoup plus long que celui d'une année et que ce délai s'étend au moins jusqu'à la dixième année. Ensuite du retranchement pur et simple de l'article 11 et sans la disposition additionnelle proposée à l'art. 0, les demandes introduites contre les entreprises de transport et fondées sur le dol ou une négligence grave tomberaient également sous le coup de la prescription d'un an. Et par là naîtrait une contradiction singulière entre la présente loi et les dispositions de la loi sur le droit de transport des marchandises.

Pendant que, d'après l'article 32, chiffre 3, et la disposition finale de l'article 35 de la loi sur le droit de transport des mar-chandises par chemins do fer, etc., l'entreprise peiit encore ótre actionnée, moyennant la preuve d'un simple vol commis par un employé sur la marchandise transportée par lui ou le bagage à lui confié, après le terme d'une année, unti demande d'indemnité fondée sur l'assassinat d'un voyageur par un (imployé devrait «tre déclarée mal fondée et envisagée comme prescrite, alors rnOme que l'acte n'aurait être découvert que longtemps après. Il est clair que les retards qui ne manqueront pas de se produire avant qu'on puisse arriver à la découverte de crimes si graves commis par des employés et dont les entreprises de transport sont, à teneur de l'article '48, alinéa 2, de la loi sur le droit de transport des marchandises, responsables, et à réunir les preuves nécessaires, seront beaucoup plus fréquents si le délit se combine avec des lésions qui peuvent entraîner môme la mort de la personne blessée, que s'il no s'agit que d'objets remis ensuite d'une convention et que, la personne lésée restant vivante et en santé, elle pourra commencer immédiatement ses recherches. C'est pour cela qu'une exception à la prescription annuelle est encore plus indispensable dans les cas de ce genre et qu'elle a déjà été prévue dans la loi sur le droit de transport des marchandises par chemins de fer, etc.

Les inconvénients qui résultent de cette double manière d'envisager la question de droit, et qui sont la conséquence aussi bien dés exceptions statuées ici que des prescriptions
déjà contenues dans la loi sur le droit de transport des marchandises, puisque pour ces cas exceptionnels les différents modes de prescriptions prévus par les lois cantonales restent en vigueur, ne sauraient être envisagés comme très-considérables. Il est d'ailleurs à espérer qu'avant qu'un cas rentrant dans cette catégorie tombe sous le coup de la prescription cantonale la plus courte, un droit uniforme sur les obligations aura été créé et apportera dans ce domaine l'unité désirable.

919 Ad Art. 10.

Cet article proclame à peu de chose près les mêmes règles que celles qui sont contenues a l'article & et au commencement de l'article 7 de la loi de l'empire allemand. Le juge, soit qu'il s'agisse de l'appréciation du dommage, soit qu'il s'agisse de la preuve des faits qui ont donné lieu à la demande d'indemnité, n'est pas lié aux règles spéciales de procédure en matière de preuve qui auraient pour effet de limiter sa liberté d'appréciation.

Nous avons déjà exprimé plus haut notre, manière de voir sur l'article 11 et l'alinéa 1er de l'article 12.

L'alinéa final de l'article 12 prévoit également pour cette loi, et cela ensuite des sollicitations très-vives du commerce, des dispositions législatives fédérales, grâce auxquelles, en vue d'amener l'application uniforme de la. présente loi,-la législation fédérale déterminera de quelle manière il pourra y avoir recours au Tribunal fédéral contre les jugements ou prononcés des tribunaux cantonaux.

Moyennant les explications qui précèdent, nous avons l'honneur de vous recommander également l'adoption de ce projet, prévu à l'article 38 de la loi fédérale concernant l'établissement et l'exploitation des chemins de fer sur le territoire de la Confédération suisse du 23 décembre 1872.

Nous profitons de cette occasion pour vous prier, Monsieur le Président et Messieurs, d'agréer l'assurance de notre considération la plus distinguée.

Berne, le 26 mai 1874.

Au nom du Conseil fédéral suisse, Le Président de la Confédération : SCHENK.

Le Chancelier delà Confédération: r

SOHIKSS.

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Projet.

Loi fédérale concernant

la responsabilité des chemins de fer et autres entreprises de transports concédées par la Confédération, en cas d'accidents qui arrivent pendant leur construction ou leur exploitation et qui entraînent la mort ou des lésions corporelles.

Article 1er.

Des cas de blessure ou de mort d'une personne.

Si l'exploitation d'une entreprise de transport, concédée par la Confédération, ou la construction d'un chemin de fer, occasionnela mort d'une personne, ou lui cause une lésion corporelle, l'entreprise de transports est responsable du dommage causé, tant qu'elle ne parvient pas à prouver que l'accident est dû à une force majeure, ou qu'il a été causé par la faute de celui-là même qui a été tué ou blessé.

Sont applicables ici les articles 38 et 39 de la loi sur le droit de transport des marchandises par chemins de fer, etc., déterminant les cas considérés comme faute de la part du transporteur, ainsi que ceux qui ne peuvent être regardés comme force majeure.

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Art. 2.

De l'influence des circonstances dans lesquelles la personne tuée ou blessée est entrée en rapport avec la construction ou l'exploitation de l'entreprise de transports.

Lorsqu'il peut, être prouvé que la personne tuéo ou blessée est entrée en rapport avec la construction ou l'exploitation de ,l'entreprise de transports par un acte coupable ou déloyal, tel que celui, par exemple, de s'introduire furtivement dans des locaux destinés au transport, pour frustrer le transporteur du prix de '.ransport qui lui est dû, ou par une transgression consciente des règlements de police, elle ue peut pas réclamer une indemnité conforme à, l'art. 1er de la présente loi , lors même que l'accident serait arrivé sans faute de sa part.

Si la personne tuée ou blessée est un employé ou un ouvrier de l'entreprise de transports, et que l'accident soit arrivé durant le temps de son service ou de son travail, l'entreprise en est responsable, lors même qu'elle pourrait prouver qu'il y a eu force majeure.

Art. 3.

De la fixation du dommage en cas de mort ou de lésion corporelle.

En cas de mort, l'indemnité doit comprendre les frais occasionnés par les tentatives do guérisou et par l'ensevelissement, et les pertes pécuniaires que le défunt a subies pendant sa maladie, pour incapacité de travail totale ou partielle.

Si la personne tuée était, au moment de sa mort, obligée de pourvoir à l'entretien d'une autre personne, celle-ci peut réclamer une indemnité pour autant qu'elle a été privée de son entretien par cet accident.

En cas de lésions corporelles, l'indemnité doit comprendre les frais de guérison et les pertes pécuniaires que subit la personne blessée, pour incapacité de travail totale ou partielle, durable ou passagère, due aux suites de l'accident dont elle a été victime.

Art. 4.

De la déduction des contributions payées par le transporteur aux établissements d'assurance, etc.

Si la personne tuée ou blessée était assurée contre l'accident dont elle a été victime, auprès d'un établissement d'assurance, auFeuilLe ftdtraU suisse. Année XX VI. Vol. I.

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9.1:2

près d'une caisse d'assistance ou de secours en cas de maladie, ou auprès de tont antre établissement analogue, à l'aide de subside* fournis par l'établissement de transports, les sommes payées par l'établissement d'assurance, etc., à la personne qui a droit à l'indemnité, doivent être déduites de l'indemnité due par le transporteur, lorsque les subsides fournis par celui-ci ne sont pas inférieur,0 au tiers du montant total de la prime ou contribution d'assurance.

Des indemnités consistant en rentes annuelles.

Art. 5.

LUI wque les deux parties ne sont pas d'accord sur la fixation d'une rente, il y a lieu d'allouer, à titre d'indemnité, à la personne lésée, un capital suffisant pour la dédommager du montant de son entretien ou du gain dont elle a été privée, à partir du moment où l'accident est arrivé.

Si l'indemnité est payée au moyen d'une rente, l'entreprise de transports qui a l'obligation de la servir peut, en tout temps, en demander la suppression ou la diminution lorsque les circonstances qui en ont amené la fixation ou la quotité ont essentiellement rhangé dos lors.

De même, si les circonstances qui ont servi de base à la fixation, diminution ou suppression de la rente sont venues dès lors à changer d'une manière essentielle, celui à qui la rente était due peut en demander en tout temps l'augmentation ou le rétablissement.

Art. 6.

Si un dol ou une grave négligence est établi à la charge de l'entreprise de transports (voir art. 38 de la loi sur le droit de transport des marchandises par chemins de fer, etc.). il peut être alloué au lésé ou aux parents de celui qui a été tué une somme d'argent raisonnable tont-à-fait indépendamment du dédommagement qui leur est dû pour les pertes pécuniaires qu'ils ont prouvé avoir subies.

Art. 7.

Des objets avariés ou perdus à l'occasion de la mort ou de la blessure d'une personne.

Si, à l'occasion d'un cas de mort ou de blessure dont le transporteur est responsable en vertu des dispositions précédentes, des

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objets so trouvant sous la garde personnelle de la victime de l'accident, tuée ou blessée, ont été perdus ou avariés en tout ou «n partie, et si l'avarie ou la perte de ces objets est en connexion avec l'accident dont il s'agit, il y a également lieu d'accorder un dédommagement pour ces objets.

Autres cas de dommage causé à des choses.

A part cela, l'entreprise de transports ne doit de dédommagement pour les objets perdus, détruits ou endommagés qui ne lui ont été confiés ni comme marchandise, ni comme bagage à transporter, que lorsqu'il est prouvé qu'elle est en faute, dans le sens prévu à l'art. 38 de la loi sur le droit de transport des marchandises par chemins de fer, etc.

Art. 8.

Du calcul du dommage lorsqu'il y a eu avarie d'objets transportés.

Dans les cas mentionnés à l'art. 7, il faut prendre pour base du calcul du dommage causé la valeur réelle des objets perdus, détruits ou avariés. Une indemnité supérieure ne peut être exigée que lorsqu'il est démontré qu'il y a en dol ou grave négligence de la part de l'entreprise de transports.

Art. 9.

De la prescription des actions et exceptions.

Les demandes en indemnité autorisées par la présente loi se prescrivent par un an à partir du jour où a eu lieu la mort, la blessure, la destruction, l'avarie ou la perte (art. 7).

Les dispositions de l'art. 35 de la loi sur le droit de transport des marchandises par chemins de fer, etc., sont applicables à l'interruption de la prescription des actions et à la prescription des exceptions.

Si un dol ou une grave négligence est établi à la charge de l'entreprise de transports (voir art. 38 de la loi sur le droit de transport des marchandises par chemins de fer, etc.), elle peut être actionnée, môme après le délai d'un an, en vertu des lois de prescription qui sont en outre en vigueur.

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Art. 10.

De la libre appréciation du juge.

Si des demandes en indemnités, laites en vertu de la présente loi, donnent lion a contestation judiciaire, le tribunal devra prononcer sur la quotité de l'indemnité et sur la vérité des faits affirmés d'après sa conviction morale, telle qu'elle résulte de l'instruction de la cause, et cela en dérogation aux règles spéciales en matière de preuves qui peuvent exister dans les lois de procédure qui seront appliquées.

Art. 11.

L'exclusion ou la limitation de la responsabilité ne peut avoir ieu.

Sont sans effet légal les règlements, publications ou conventions spéciales qui excluraient on limiteraient d'avance la responsabilité fixée pour les demandes en indemnité par les dispositions de la présente loi.

Art. 12.

Toutes les dispositions des lois fédérales et cantonales ou des règlements existants, toutes les publications et les conventions qui sont en opposition avec les dispositions de la présente loi, sont abrogées dès le jour de sa promulgation.

En vue d'amener l'application uniforme de la présente loi, la législation fédérale décidera de quelle manière il pourra y avoir recours au Tribunal fédéral contre les jugements ou prononcés des tribunaux cantonaux.

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Message du

Conseil fédéra! à la haute Assemblée fédérale accompagnant la loi concernant les rotations populaires sur les lois et arrêtés fédéraux.

(Du 29 mai 1874.)

Monsieur le Président et Messieurs, La Constitution fédérale statue à l'article 89 ce qui suit: «Les lois fédérales, les décrets et les arrêtés fédéraux ne peuvent être rendus qu'avec l'accord des deux Conseils.

« Les lois fédérales sont soumises k l'adoption ou au rejet du peuple, si la demande en est faite par 30,000 citoyens actifs ou par huit Cantons. Il en est de même des arrêtés fédéraux qui sont d'une portée générale et qui n'ont pas un caractère d'urgence. » L'article 90 statue en outre que la législation fédérale déterminera les formes et les délais à observer pour les votations populaires.

La nouvelle Constitution étant entrée en vigueur, ces deux articles sont applicables k toutes les lois et k tous les arrêtés législatifs de l'Assemblée fédérale. Il est donc urgent de prendre les mesures nécessaires pour l'exécution de l'article 90, afin de rendre possible la mise eu oeuvre et de régler la procédure qui devra être suivie à l'avenir toutes les fois que l'Assemblée fédérale aura rendu une loi on un arrêté.

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Message du Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale concernant un projet de loi sur la responsabilité des chemins de fer et autres entreprises de transports concédées par la Confédération, ensuite d'accidents survenus pendant leur construction o...

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Bundesblatt

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Feuille fédérale

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Foglio federale

Jahr

1874

Année Anno Band

1

Volume Volume Heft

24

Cahier Numero Geschäftsnummer

---

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

06.06.1874

Date Data Seite

910-925

Page Pagina Ref. No

10 063 201

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