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Message du

Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale concernant la loi sur l'organisation judiciaire fédérale, (Du 23 mai 1874.)

. Monsieur le Président et Messieurs, Les articles 106 à 114 inclusivement de la Constitution fédérale statuent au sujet de Y organisation et des compétences chi Tribunal fédéral une série de dispositions générales dont l'exécution est réservée à la législation fédérale. L'art. 107 entre antres dit que l'organisation du Tribunal et de ses sections, le nombre de ses membres et des suppléants, la durée de leurs fonctions et leur traitement seront déterminés par la loi. D'autres articles renvoient également à la législation la fixation des compétences du Tribunal fédéral en matière civile et pénale, ainsi qu'en matière de contestations administratives. Comme un certain nombre de dispositions de notre nouvelle loi fondamentale ne pourront être mises en oeuvre qu'après la constitution définitive du Tribunal fédéral, nous avons pensé qu'il y avait urgence à hâter l'exécution des lois qui y sont relatives. Aussi notre Département de Justice et Police, dans la compétence duquel ces matières rentrent tout naturellement, prit-il des mesures en conséquence, aussitôt que l'acceptation du projet de Constitution nouvelle par le peuple et les Cantons put être considérée comme certaine. Sur la demande de ce Département, M. ie Dr Blumer, Député au Conseil des Etats, voulut bien consentir à élaborer, sur des bases convenues à l'avance, un avant-projet de

990 loi nur l'organisation judiciaire fédérale. Pour discuter ce projet, nuits avons nommé le 4 mai une Commission qui le soumit à un examen approfondi sous la présidence du Chef du Département de Justice et Police les 11 et 12 du même mois. Après en avoir délibéré à notre tour, nous avons l'honneur de soumettre ledit projet ii l'appréciation de votre haute autorité, en l'accompagnant des observations suivantes : La base fondamentale de ce travail est naturellement la Constitution fédérale nouvelle. Il a en outre été tenu compte des dispositions de la loi organique du 5 juin. 1849, pour autant du moins que ces dispositions étaient encore utilisables. Quant à la division extérieure de la loi, elle a été entièrement changée. Le projet qui est sous vos yeux comprend tout naturellement et logiquement quatre titres : I. Dispositions générales; II. Administration de la justice civile ; III. Administration de la justice pénale; IV. Des contestations de droit public.

Il nous a paru utile de réunir en une seule et môme loi d'exésution tout ce qui concerne l'organisation et les compétences du Tribunal fédéral. C'est pour cela que, en exécution de l'article 113 de la Constitution nouvelle, nous avons ajouté à la loi le titre des « contestations de droit public », dans lequel nous avons pu régler également ce qui concerne les « contestations administratives». Enfin, pour des motifs que nous exposerons plus loin, nous avons laissé k des arrêtés spéciaux le soin de fixer certains points, comme la quotité des traitements, le siège du Tribunal, etc.

Après ces quelques observations préliminaires, nous allons entreprendre l'examen d'un certain nombre de questions spéciales.

I. Dispositions générales.

Nous proposons à l'article 1er de composer le Tribunal fédéral de neuf juges et de six suppléants. Une réduction du nombre des membres de ce corps se justifie à nos yeux par le fait que nous aurons à l'avenir un Tribunal fédéral permanent, dont les juges auront des traitements fixes et, du moins pendant les premières années, ne seront pas surchargés d'affaires. D'un autre côté, une réduction plus forte ne nous semble pas possible, d'abord à cause de la nécessité de former trois sections pour l'administration de la justice pénale et ensuite parce que le Tribunal fédéral aura

991 à prononcer en première et dernière instance sur des contestations de droit public très-importantes et dont dans notre Etat federati?

on ne remettrait pas volontiers la solution entre les mains d'un trop petit nombre d'hommes. L'effectif de neuf membres pouvant paraître considérable pour prononcer sur des contestations de droit civil et spécialement sur des questions d'expropriation et de divorce, nous avons disposé à l'art. 10 qu'il suffira que sept membres prennent part aux délibérations.

Quant au nombre des suppléants, il nous a paru qu'on pouvait sans inconvénient le réduire à six. Il est à désirer que les juge« effectifs siègent le plus souvent possible; l'autorité du Tribunal et de sa jurispru lence en fait une nécessité. Les suppléants ne devront être appelés qu'en cas d'empêchement motivé des membres ordinaires du Tribunal et lorsqu'il y aura impossibilité de former le quorum. Envisagé à ce point de vue, le nombre proposé de suppléants suffira certainement.

Les articles 2 et 8 et le premier membre de l'art. 4 du projet sont la reproduction des articles 107 et 108 de la Constitution nouvelle, en sorte que nous nous dispensons de présenter aucune observation à leur sujet. Le second alinéa de l'art. 4 a été ajouté pour compléter la première disposition de cet article et cela d'une manière qui nous paraît indispensable. En effet, des doutes auraient pu se produire sur la question de savoir si par les mots « carrière ou profession » on doit entendre aussi les fonctions de directeur de chemin de fer, par exemple, tandis que celles de membre d'un Conseil d'administration d'une Société anonyme ne pourraient en aucun cas être considérées comme interdites par ces deux expressions. Et cependant il n'est pas nécessaire d'insister beaucoup poui montrer que la participation à l'administration d'un chemin de fer ou d'un établissement de crédit, ou de quelque autre entreprise financière que ce soit est incompatible avec les fonctions de juge fédéral.

Abstraction faite de la circonstance que cette simultanéité donnerait lieu à de très-fréquentes récusations, il est certain que l'on n'aurait pas une confiance suffisante dans l'impartialité et la liberti' d'esprit d'un juge qui serait intéressé d'une manière directe à une entreprise de ce genre, même lorsqu'il serait appelé à prononcer dans des cas
où sa propre Société ne paraîtrait pas comme partie.

La rédaction du 2e alinéa de l'art. 4 ne vise du reste qui> les directeurs et administrateurs de Sociétés qui ont pour objet un bénéfice. L'incompatibilité dont il s'agit n'aurait pas sa raison d'être relativement à des Sociétés de bienfaisance ou d'agrément.

L'article 5 est identique aux trois dernières phrases de l'article 53 de l'ancienne loi.

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Art. 6. Eu ce qui concerne la durée des fonctions du Tribunal fédéral, la première question qui se pose est celle de savoir si l'on veut conserver le système du renouvellement intégral, ou bien introduire celui du renouvellement partiel.

Le Conseil fédéral propose de fixer a six ans la durée dus fonctions des membres du Tribunal fédéral et de leurs suppléants, et de les faire renouveler en deux séries, l'une de cinq membres et trois suppléants, l'autre de quatre membres et trois suppléants.

En ce qui concerne d'abord la durée de six ans proposée à 1* place de celle de trois ans prescrite par la Constitution de 1848, il a paru au Conseil fédéral qu'elle se justifie pour un corps judiciaire où une certaine fixité est indispensable. Les Etats-Unis ont adopté pour leur magistrature judiciaire fédérale le principe île l'inamovibilité. Ce principe, consacré également dans la législation de plusieurs grands pays de l'Europe, ne se concilierait que difficilement avec nos moeurs et nos institutions politiques; mais le Conseil fédéral estime qu'entre une nomination à vie et une nomination pour trois ans il y a un moyen terme it choisir. Eu assignant aux fonctions d'un juge fédéral une durée double du mandat (l'un membre du Conseil national ou fédéral, et en introduisant lo système du renouvellement par moitié, on donne au Tribunal la stabilité et l'esprit de suite indispensables à un grand corps judiciaire et, on laisse en même temps à chaque législature do 1' As semblée fédérale la faculté de concourir à la composition du Tribunal fédéral.

Si ce système est admis, l'Assemblée fédérale procédera, après l'entrée en vigueur de la nouvelle organisation judiciaire, à une première nomination intégrale des neuf juges et, des six suppléants, parmi lesquels les deux séries devront être déterminées par un tirage au sort; la première série ne sera nommée, tout à fait exceptionnellement, que pour trois ans.

Le Conseil fédéral attache une sérieuse importance à ce que les nominations au Tribunal fédéral ne coïncident pas avec les élections politiques. La Constitution de 1874 laisse à cet égard an législateur une entière latitude, et le projet en profite en ce sens que la première nomination du Tribunal fédéral aurait lieu dès que la loi entrera en vigueur. Si cette loi est adoptée par l'Assemblée fédérale en juin ou
juillet 1874, elle pourra devenir définitive par l'expiration du délai de referendum ou par le referendum lui-même avant la fin de la môme année, et le nouveau Tribunal pourrait être nommé en décembre prochain. Les élections se suivraient alors de trois en trois ans sans coïncider ni avec le renou-

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Tellement intégral du Conseil national, ni aveu celai du Conseil fédéral.

L'art. 7 maintient le système suivi jusqu'à présent pour la nomination du Président du Tribunal fédéral. L'Assemblée fédérale ne consentirait probablement pas volontiers à se démettre du droit de le nommer, mais en laissant d'un autre côté au Tribunal fédéral le soin de désigner lui-même son Vice-Président, elle assurerait à ce corps la faculté d'exercer une influence légitime et justifiée sur l'élection à la présidence et s'épargnerait l'opération ennuyeuse de longues votations, qui pour cette élection nécessiteraient souvent de nombreux tours de scrutin. L'Assemblée fédérale pourrait considerala nomination du Vice-Président comme une sorte de présentation pour la place de Président, sans toutefois être tenue de s'y conformer. Quant à la prolongation de la durée des fonctions du Président et du Vice-Président à trois ans, elle semble Justine« à nos yeux par le fait de la prolongation générale de la durée des fonctions des juges.

Art. 8 et 9. Le principe que le Tribunal fédéral nomme luimême le personnel de sa Chancellerie est inscrit à l'art. 109 de la nouvelle Constitution, de même que nous le trouvons déjà dans celle de 1848. La nomination de deux greffiers, l'un de la Suisse allemande, l'autre de la Suisse romande, paraît être nécessaire au Conseil fédéral pour que les actes émanés du Tribunal puissent recevoir dans chaque cas particulier leur rédaction originale et authentique dans la langue môme des parties. Quant à l'augmentation du personnel de la Chancellerie, elle ne se produira que peu à peu.

Comme il est probable que le besoin ne s'en fera pas sentir dès l'abord, u convient de laisser au Tribunal lui-même le soin de prendre les mesures qui lui paraîtront dictées par les circonstances, sous la réserve toutefois que l'Assemblée fédérale fixera annuellement au budget les crédits nécessaires.

L'art. 10 fixé comme quorum pour toutes les principales Opérations du Tribunal le nombre de sept juges ; il a paru, en outre, au Conseil fédéral qu'il est nécessaire de statuer expressément que les juges doivent être en nombre impair. L'expérience du Tribunal fédéral actuel a montré que, quand huit juges siègent, il peut arriver qu'un jugement ne soit rendu que par quatre voix contre quatre, la voix prépondérante du Président
décidant la majorité.

Un pareil jugement, surtout lorsqu'il résulte d'une délibération publique, n'a pas pour lui le prestige d'une majorité réelle et numérique. Le projet a pour but de faire de cette Majorité numérique la condition nécessaire de toute décision et de toute nomination aTribunal fédéral.

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Art. 11. Le Conseil fédéral propose de donner au Tribunal fédéral un siège fixe et de statuer que les juges doivent y avoir leur domicile. L'état de choses actuel est. incompatible avec les nouvelles attributions que la Constitution donne au Tribunal. Ce corps devra siéger très fréquemment en matière civile et de droit public; il ne tardera pas à avoir des archives et un matériel considérable.

Pour que l'étude des pièces, qui, dans un système de procédure en très-grande partie écrite, aura une importance capitale, puisse se faire avec le soin et la régularité indispensables, il faut nécessairement que le Tribunal ait un siège tixe, et que les juges aient leur domicile à ce siège. Les rapports du Tribunal et de son greffe avec; le public et les parties l'exigent également.

Dans le sein de la Commission législative que le Conseil fédéral a chargée de discuter le projet, une minorité a proposé de ne donner qu'au greffe du Tribunal fédéral un siège fixe, mais de statuer que le Tribunal se réunira alternativement et par session dans la Suisse allemande et dans la Suisse française, les juges étant d'ailleurs libres de garder le domicile qu'ils avaient au moment de. leur élection. Le Conseil fédéral reconnaît que cette combinaison lève la difficulté assez grande de déterminer un siège fixe, ce qui ne se, fera pas sans susciter des compétitions et des rivalités. Mais il n'en persiste pas moins à croire qu'un siège fixe est nécessaire dans l'intérêt même de la justice et d'une prompte expédition des affaires.

Cet intérêt demande que les juges vivent près les uns des autres, qu'ils aient constamment à leur disposition les documents et les matériaux qui leur sont nécessaires et que ne pourront leur offrir que des archives, une bibliothèque et un greffe complètement organisés. La circulation des pièces et des dossiers parmi des juges répandus sur toute la surface du pays entraînerait, môme avec- les moyens actuels, des difficultés et des retards considérables.

Si le Conseil fédéral se prononce pour que le Tribunal fédéral et les juges aient un seul et même domicile, il estime d'autre part que ce domicile ne doit pas être la ville fédérale. La décentralisation est de l'essence môme d'un Etat fédératif, et la concentration des divers pouvoirs ne s'y justifie que, si elle est commandée par un besoin réel. Or
si la réunion au même siège du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif est une nécessité, il n'en est pas de même du pouvoir judiciaire. Il peut y avoir, au contraire, do sérieux avantages, au point de vue de l'indépendance, à ce que le Tribunal fédéral siège en dehors du courant qui se concentre nécessairement autour des pouvoirs politiques et à ce qu'il ait sa sphère particulière et tout, à fait indépendante.

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Le Conseil fédéral n'entrera pas dans d'ultérieurs développements .sur ce point spécial; il s'abstiendra aussi de faire, à l'occasion de la loi .sur l'organisation judiciaire, une proposition relative à la ville où siégera le tir!tir Tribunal fédéral. Il pense crue cette désignation devra faire l'objet d'un arrêté spécial, comine cela a eu lieu en 1848 pour la ville de Berne. Il proposera, s'il y a lieu, cet arrêté quand l'Assemblée fédérale aura tranché en principe la question d'un siège fixé et séparé. Mais Je Conseil fédéral ne peut .se dispenser de rappeler ici que toutes les parties de la Confédération ont le droit de demander leur part des avantages matériels qu'offrent, les institutions politiques de la, Suisse, que, sous ce rapport, la justice distributive est de rigueur, et qu'elle est commandée par les égards que l'on se doit entre Confédérés.

Le Conseil fédéral doit expliquer encore que s'il ne, fait pas actuellement de proposition concernant, le traitement des juges et les greffiers et l'indemnité des suppléants, c'est parce que cette question lui parait être en corrélation directe avec celle du domicile obligatoire.

Une fois que celle-ci sera résolue, le Conseil fédéral présentera un projet d'arrêté fédéral; c'est du n ste par voie d'arrêté que l'Assemblée fédérale a procédé pour la fixation du traitement des Conseillers fédéraux et du Chancelier de la Confédération.

Art. 12. Nous croyons devoir rappeler ici la disposition de l'art. 108 de la Constitution, en vertu de laquelle les membres du Tribunal ne peuvent revêtir aucun antre emploi soit au service de la Confédération, soit dans un Canton, ni suivre il autre carrière ou exercer de profession. Cette disposition nous paraît devoir être complétée par l'obligation pour les juges fédéraux, comme pour les membres du Conseil fédéral, d'élire domicile au siège do leur fonctions.

C'est à l'arrêté spécial concernant le traitement, des juges qu'appartiendra le soin de leur rendre possible ce changement de domicile et en général de leur permettre l'acceptation de, leurs fonctions.

Cette analogie avec la position des membres du Conseil federili nous a semblé exiger encore l'application aux juges fédéraux des articles 1 il 6 de la toi fédérale du 23 décembre 1851 (Rec off. I I I .

33), car eux aussi doivent, être autant (aie possible
soustraits ii l'action des lois et, des autorités d'un domicile qu'ils n'ont pus choisi, mais qui leur est, imposé par la, loi fédérale ; ils doivent garder leur domicile politique et, civil dans leur Canton d'origine.

Ait. 13. Les vacances judiciaires existent déjà dans lu plupart des Cantons, soit en vertu de la loi, soit en vertu de la coutume.

On peut d'autant mieux en accorder au Tribunal fédéral que pendant les premières années il ne sera pas surchargé d'occupations.

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Afin de sauvegarder cependant le principe de la permanence du Tribunal, qui ne sera plus comme précédemment une autorité dispersée sur tout le territoire de la Confédération, nous avons tixé un maximum de durée pour ces vuances,, et nous avons obligé le Président ou le Vice-Président du Tribunal à rester au siège même decelui-ci. Cette- dernière prescription a été inscrite dans la loi en vue de la réception des actes adressés au Tribunal et des dispositions présidentielles à prendre.

Les articles 14 et 15 sont presque identiques aux articles 56, 57 et 58 de la loi de 1849. On a seulement rédigé d'une manière plus générale le § 1er de l'article 14, et l'on y a fait rentrer comme motif de récusation absolue les cas prévus au § 1er de l'ancien article 57. Ce changement s'explique de lui-même.

Le § 3 de l'article 14 a été en outre quelque peu modifié ; il a paru convenable au Conseil fédéral que celui qui a agi extrajudiciairement comme mandataire d'une partie soit aussi empêché de juger dans cette môme cause.

D'un autre côté, l'expression de « procéder » comme mandataire devrait aussi s'entendre du mandat d'ester en justice.

Au § 4 les expressions : « dans les causes de son Canton d'origine », ont été remplacées par une rédaction un peu plus précise, parce qu'à l'avenir les cas se présenteront souvent où, en vertu de l'article 113 de la Constitution fédérale, des recours seront introduits contro des décisions d'autorités judiciaires ou autres du Canton d'origine, sans que celui-ci ait rien à y gagner ni rien à y perdre, et vis-à-vis desquelles le juge fédéral, soustrait aux sphères officielles cantonales, sera tout à t'ait impartial.

La seule différence de quelque importance entre l'article 15 et les anciens articles 57 et 58 est qu'il est dit à la fin : « dans les cas contestés » au lieu de « dans les deux cas ».

Nous estimons en effet qu'il n'y a pas lieu à prendre d'autre décision lorsque les deux parties et le juge lui-même sont d'accord pour la récusation.

L'article 16 correspond à l'article 63 du la loi actuelle, avec cette seule différence que la nomination de suppléants extraordinaires dans les cas où le quorum ne peut être atteint avec les suppléants ordinaires, est soustraite à l'Assemblée fédérale. Dans l'intérêt de l'administration d e l a justice, i l importe q u e l e Tribunal réunion de l'Assemblée. Le principe du tirage au sort de suppléants extraordinaires parmi les présidents des tribunaux supérieurs des

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Cantons ne peut offrir d'ailleurs aucun inconvénient pour les cas rares où l'on devra y recourir.

L'article 17 est analogue à l'article 54 actuel, avec cette seule différence que l'assermentation du Procureur général a toujours lieu devant le Conseil fédéral, ce qui avec les moyens actuels de transport est plus facile à exécuter aujourd'hui qu'en 1849. Comme en matière de justice pénale fédérale il s'agit presque toujours de procès politiques, le Procureur général devra d'ailleurs ordinairement se rendre à Berne pour prendre ses instructions.

Les articles 18, 19 et 20 sont extraits des articles 64 à 72 de la loi du 5 janvier 1849.

L'article 21 correspond à l'article 73 actuel et l'article 22 aux articles 78 et 79 actuels. On a supprimé l'antique disposition qui statuait qu'un fonctionnaire judiciaire fédéral devait avertir de sou entrée eu fonctions le Gouvernement du Canton où il était appelé à procéder.

L'article 23 est identique à l'article 85 actuel.

II. Administration de la justice civile.

L'article 25 reproduit l'article 110 de la Constitution fédérale avec les adjonctions suivantes : a. Au chiffre 2 nous avons dû fixer un minimum de valeur pour la compétence du Tribvinal fédéral. D'après la loi de 1849 ce minimum était de fr. 3000 anciens, soit fr. 4500 nouvelle monnaie.

Il nous a semblé qu'avec un tribunal permanent on pouvait diminuer ce minimum jusqu'à fr. 3000 nouvelle monnaie, d'autant plus que le Tribunal fédéral est le seul for pour la Confédération, lorsque celle-ci paraît au procès comme défenderesse.

b. Comme le faisait déjà remarquer l'art. 47, § 1, lettre c, do la loi sur l'organisation judiciaire de 1849, nous avons aussi, dans le projet, placé dans la compétence du Tribunal fédéral, en faisant abstraction do la valeur, tous les cas dans lesquels des demandeurs étrangers ont une réclamation à soutenir contre la Confédération.

c. Au § 4, un minimum do valeur a aussi dû être fixé, parce que l'art. 110 de la Constitution le prescrit. Nous trouvons déjà cette disposition à l'art. 61 de la Constitution du Canton de Schaffhouse qui s'en réfère, concernant la valeur, au § 4 de l'art. 47 de la loi actuelle. Nous avons cru devoir maintenir ici un minimum de vale.nr de fr. 3000, parce qu'il est aussi prescrit dans le cas

du forum prorogatum dont il est question à l'art. 27. Puisque nous avons un Tribunal fédéral permanent, nous ne devons pus craindre d'étendre ses compétences, et pour ce qui concerne l'augmentation des frais qui en résultera pour les plaideurs, si tant est qu'il y on ait réellement une avec les moyens de transport dont ou dispose do nos jours, elle ne peut entrer en ligne de compte, lorsqu'on la compare aux garanties que leur offre l'impartialité plus grande du Tribunal fédéral.

L'art. 25 correspond au commencement de l'art. 114 de la (''institution fédérale. Nous sommes d'ailleurs partis du point de vue que, pour plus de facilité, il convenait de grouper ensemble les compétences de droit civil qui ont été attribuées au Tribunal fédéral par l'art. 106 de la Constitution de 1848. Les expropriations et les divorces, qui jusqu'à présent ont surtout occupé le Tribunal fédéral et qui à l'avenir lui fourniront encore beaucoup do causes, ue sont naturellement pas encore mentionnés dans la loi de 1849. Eu outre, nous avons réuni dans un môme article du projet toutes les compétences nombreuses que la loi de 1872 sur les chemins do ter attribue au Tribunal fédéral et que l'on ne peut grouper qu'après de longues recherches. Pour que l'énumérAtion soit complète, nous avons eu outre cru devoir y mentionner la loi projetée sur les hypothèques et la liquidation forcée des chemins de fer.

L'art. 26 est de lit plus haute importance. L'unification du droit civil opérée, quoique seulement d'une manière partielle, par l'art. 64 de la Constitution fédérale, no peut avoir une signification reelle que si l'on prend des mesures en vue d'une jurisprudence uniforme des tribunaux dans l'application des lois civiles fédérales qui devront être promulguées. Oe but ne peut être atteint qu'en assurant par la loi un droit de recours au Tribunal fédéral contre les jugements des tribunaux cantonaux. Tandis que, dans le cours des délibérations sur la révision de la Constitution , on a été- généraled'accord sur ce point, des divergences notables d'opinion se sent au contraire manifestées sur la question de savoir si ce droit de recours revêtirait la forme de l'appel ou de la cassation. En 1872, le Conseil national avait déjà posé en principe que le Tribunal fédéral ne devait fonctionner que comme Cour de cassation dans les e
ntestations de droit civil auxquelles les nouvelles lois civiles tVderales seraient applicables.

Le Conseil des Etats, an contraire, n'adhéra pas à la décision du Conseil national , divergence qui fit naître l'article 114 de la Constitution fédérale, lequel laisse la question intacte.

999 II s'agit d'examiner en premier lieu si cette question fondamentale doit déjà être résolue maintenant, avant que les lois prévues par l'article 64 soient promulguées et lorsqu'elles se feront attendre probablement encore plusieurs années. Nous estimons que la loi sur l'organisation du Tribunal fédéral fournit la meilleure occasion pour choisir entre les deux systèmes, et nous allons môme jusqu'à dire qu'il pourrait y avoir des inconvénients à renvoyer la solution de la question à plus tard, parce que les' projets de loi sur le transport et sur les accidents survenus pendant la construction ou l'exploitation des chemins de fer et ayant entraîné la mort ou des lésions graves, seront très-prochainement présentés à votre haute autorité, et qu'il importe de prendre dès maintenant des mesures pour en assurer l'application uniforme par les tribunaux cantonaux.

Il -y aurait certainement de nombreux avantages à ouvrir un droit illimité de recours au Tribunal fédéral, de manière à ce qu'il pût être exercé contre tons les jugements de tribunaux cantonaux, qu'il s'agisse d'ailleurs de questions de fait ou de droit. Le droit et le fait sont deux éléments qui sont souvent liés de la manière la plus intime, en sorte qu'une autorité judiciaire supérieure ne peut, dans certains cas, rendre un jugement parfaitement équitable que si elle est libre de prononcer sur tous les éléments qui doivent entrer en ligne de compte. Quels que soient cependant les avantages du système de l'appel, il serait difficile de l'appliquer au Tribunal fédéral sans se heurter contre des obstacles presque insurmontables, vu les différences extraordinaires qui existent entre nos lois de procédure cantonales. Si la Constitution fédérale nous laissait la faculté de promulguer une loi de procédure civile, il eût été facile et peut-être même bon d'introduire le système de l'appel. Mais comme il n'en est pas ainsi et que pour tout ce qui concerne le jugement du fait on serait obligé de s'en tenir, pour la seconde instance, aux mêmes lois de procédure cantonales qui ont servi de règle pour la conduite du procès en première instance, il ne saurait, dans tous les cas, pas être question d'une jurisprudence uniforme au sens propre de ce mot. D'ailleurs, les dossiers qui seraient transmis par les tribunaux cantonali? au Tribunal fédéral ne fourniraient
pas toujours à celui-ci un arsenal de prouvée suffisantes pour qu'il puisse prononcer en connaissance de cause
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1000 D'un autre côté, nous ne pensons pas qu'il faille restreindre encore davantage sa compétence en cette matiòre. Ainsi nous ne voudrions pas obliger le Tribunal fédéral à renvoyer à un autre tribunal de première instance un jugement qui aurait été reconnu fautif, comme cela est le cas par exemple en France. La rédaction générale de l'article 27 du projet prouve suffisamment que nous avons voulu donner au Tribunal fédéral le droit de rectifier luimême les jugements qu'il aura cm devoir casser.

Une seconde question très-importante est celle de savoir si l'on pourra recourir au Tribunal fédéral contre le jugement d'un tribunal do première instance ou seulement contre celui d'un tribunal cantonal de l'instance la plus élevée. Si l'on choisit le second système on crée de fait pour la, plupart des Gantons une troisième instance.

D'un autre côté, le premier porte décidément une atteinte trop grave à l'organisation judiciaire des Cantons, auxquels l'article 64 garantit expressément l'administration de la justice. Il est vrai que les compétences du Tribunal fédéral sont réservées, mais on ne pourrait guère interpréter cette réserve de manière à substituer en réalité celui-ci aux tribunaux cantonaux supérieurs. D'ailleurs les Cantons pourront eux-mêmes écarter l'inconvénient des trois instances, en statuant que certaines contestations ne pourront parcourir régulièrement qu'une seule instance, comme cela est le cas par exemple ïi Zurich pour les contestations commerciales.

Enfin, quant à la valeur que doit avoir l'objet principal d'un procès pour que celui-ci puisse être porté devant le Tribunal fédéra!, il faut considérer d'abord que si l'on fixe le minimum trop haut il n'y aura qu'un petit nombre de recours et que par conséquent un« jurisprudence uniforme dans l'application dus lois civiles fédérales ne pourra pas s'établir d'une manière générale ou tout au moins ne se répandra que très-lentement.

En second lieu, il ne faut pas perdre de vue que le minimum ne peut pas être fixé trop bus, soit à cause des frais considérables qu'entraîné la procédure devant le Tribunal fédéral, soit à cause du trop grand nombre d'affaires dont notre autorité judiciaire suprême serait surchargée au bout de peu d'années. Nous croyons avoir tenu compte de ces divers points de vue en fixant à 3000 fr.

le minimum de la
valeur que devra avoir l'objet litigieux, pour que le procès puisse utre porté devant le Tribunal fédéral. C'est le même chift're que celui prescrit par les articles 24 et 27 pour des cas où le Tribunal fédéral prononce en première et dernière instance.

La première phrase de l'art. 27 correspond à l'article 111 de la Constitution fédérale, tandis que la seconde est la reproduction

1001 du § 7 de l'article 47 de la loi de 1849 avec un changement de rédaction qui a pour but de donner plus de clarté à cette disposition. Pour ça qui concerne la valeur de l'objet litigieux nous renvoyons à ce qui a déjà été dit.

HL Administration de la justice pénale.

L'article 28 n'est que la répétition pure et simple de l'article 112 de la Constitution fédérale avec l'indication des article 73--77 du code pénal fédéral du 4 février 1853 qui s'y rapportent.

L'article 29 correspond aux articles 8 et 9 de la loi actuelle.

Cependant nous avons pensé qu'au lieu de conserver le renouvellement partial de la Chambre d'accusation, il était plus pratique d'ordonner un renouvellement intégral annuel des trois chambres, sans cependant supprimer le principe de la rééligibilité.

Les articles 30 et 31 contiennent des dispositions semblables aux articles 10, 19, 20 et 21 de la loi de 1849.

L'article 32 est la consécration de la pratique usitée depuis 1857 et fondée sur l'arrêté fédéral du 23 septembre 1856, qui laissa vacante la place de procureur général de la Confédération à la suite de la démission du titulaire. De cette manière, le Conseil fédéral acquit la faculté de désigner pour chaque cas particulier la personne qui lui paraissait la mieux qualifiée pour remplir lesdites fonctions. Ce mode de procéder nous semble devoir être conservé, vu le petit nombre de cas où le Tribunal fédéral aura à s'occuper d'affaires pénales.

L'article 12 de la loi de 1849 statue qu'annuellement le Tribunal fédéral désigne cinq chambres criminelles distinctes, dont ordinairement aucune ne fonctionnait. Ce singulier mécanisme s'explique par la circonstance qu'en 1848 le législateur voulut tenir compte non seulement de la diversité des langues, mais encore de l'augmentation des frais résultant des distances. Co dernier motif n'existe plus, puisque tous les juges résideront au même endroit ; quant au premier, il en a été tenu compte par la prescription que les trois langues nationales doivent être représentées dans la Chambre criminelle. On peut donc très-bien réduire les cinq chambres à une.

Avec ce système, il sera d'autant plus facile de faire abstraction des membres de la Chambre criminelle pour la composition non seulement de la Chambre d'accusation, mais encore de la cour de cassation, qui constitue à l'égard de la Chambre criminelle une instance supérieure.

1002 On ne peut pas statuer que le premier élu de la Chambre criminelle en sera le Président, parce que les membres de ce corps devront alterner entre eux suivant la langue du lieu où s'ouvriront les débats. C'est dans ce but que nous proposons que, dans chaque cas particulier, le Tribunal fédéral nomme le Président de la Chambre criminelle parmi les juges qui la composent.

Le § 2 de l'art. 33 correspond au § 3 de l'article 15 de la loi actuelle.

De même, les articles 34 et 35 correspondent aux articles 22, 23, 24 et 28 actuels. Cependant nous avons incorporé dans le cinquième arrondissement d'assises non seulement Misox et Calanca, mais encore toutes les communes du Canton des Grisons où prédomine la langue italienne, c'est-à-dire les vallées de Bregaglia et Poschiavo. Si un jury criminel de quelque importance devait jamais fonctionner dans le Canton du Tessin, les citoyens grisons parlant l'italien seraient les seuls éléments impartiaux dont on pourrait le composer.

Les articles 36 et 37 du projet sont conformes aux articles 25 et 26 actuels, de même que l'article 38 reproduit les dispositions des articles 27, 29 et 31 de la loi de 1849. Les seuls changements introduits sont les suivants: l'expression vague de « autorités cantonales » a été remplacée par celle plus précise de « Gouvernements cantonaux»; puis il a été statué qu'à l'avenir le Tribunal fédéral, devenue une autorité permanente, et non plus le Conseil fédéral, serait dépositaire des listes de jurés ; en troisième lieu, la fin de l'article 31 a été supprimée comme inutile.

L'article 39 est la reproductiou de l'article 30 de la loi actuelle modifié par la loi subséquente du 16 juillet 1862, (Kec. off. VII.

295).

L'article 40 est le correspondant des art. 33 et 34 de la loi de 1849. A l'avenir, il ne sera plus nécessaire d'avoir recours à l'intervention des autorités cantonales pour le tirage au sort de la liste spéciale des jurés. C'est la Chambre criminelle, dont les memT bres seront ordinairement réunis, qui sera chargée de ce soin. Pour ce qui concerne le Ministère public fédéral, dont il est question dans cet article et les suivants, le projet abandonne le système d'organisation établi par les articles 43 et 46 de la loi de 1849, et cela pour les motifs exposés plus haut à l'occasion de l'article 32 projeté.

Les articles 41 à 45 reproduisent les articles 35 à 40 actuels, et les articles 46-48 du projet les articles 82 à 84 de la loi.

1003 L'art. 49 fixe les compétences de la Cour de cassation, telles qu'elles sont déterminées par la loi sur la procédure pénale fédérale et par celle sur la poursuite des contraventions aux lois fiscales de la Confédération. Quant à son organisation, le projet maintient celle de la loi de 1848 (art. 13), qui statue que la Cour est composée du Président et de quatre membres du Tribunal fédéral. Il eût peut-être été plus conforme à l'économie du projet de réduire le nombre des membres de la Cour de cassation à trois, y compris le Président, comme pour les autres sections du Tribunal, mais l'importance des questions qu'elle aura à trancher peut être dans certains cas si grande que cette réduction nous a paru ne pas pouvoir se justifier. Il est vrai que, de ces cinq juges, trois seulement ne feront partie ni de la Chambre d'accusation, ni de la Chambre criminelle ; mais d'un autre côté il importe de ne pas -perdre de vue : 1° que, pour ce qui concerne les recours en cassation contre des jugements pour contraventions aux lois fiscales fédérales, les cinq membres seront entièrement impartiaux ; 2° que, lorsqu'il s'agit de recours contre des arrêts ou des jugements des deux autres sections, les membres de la Cour de cassation qui auront déjà fonctionné dans ces causes devront se récuser en vertu de l'article 29 et être remplacés par des suppléants, lesquels devront être choisis, non plus comme auparavant parmi les membres, mais bien parmi les suppléants du Tribunal fédéral. Quant au nombre des suppléants, nous l'avons réduit de cinq à trois, afin de les répartir également entre les trois sections. Il va sans dire que si, parmi les huit juges et suppléants de la Cour de cassation, il ne s'en trouvait pas cinq aptes à fonctionner, il faudrait prendre les suppléants extraordinaires parmi les six autres membres et suppléants du Tribunal avant de recourir au mode de procéder de l'article 16.

IV. Des contestations de droit public.

L'article 50 est l'exécution de l'article 113, § 1, de la Constitution fédérale. En réalité, il ne se présentera que des conflits entre le Conseil fédéral et des Gouvernements cantonaux et des contestations concernant la compétence même du Tribunal fédéral. Nous supposons qu'on sera généralement d'accord pour admettre que ces dernières questions, qui jusqu'à présent se sont présentées assez fréquemment, devront à l'avenir être tranchées par le Tribunal fédéral et non plus par l'Assemblée fédérale. Cependant le projet admet une exception pour le cas où il y aura contestation sur la question de savoir si un recours est de la compétence du Conseil

1004 fédéral ou du Tribunal. Ce cas, qui se présentera peut-être asscE fréquemment dans l'application de l'article 52, rentre, en vertu du § 13 de l'article 85 de la Constitution, dans les attributions de l'Assemblée fédérale.

L'article 51 a voulu spécifier certains cas compris dans le § 2 de l'article 113 de la Constitution. Cette énumératiou n'est d'ailleurs pas limitative, comme l'atteste1 d'une manière suffisante le mot « spécialement ». Les contestations relatives aux frontières, considérées jusqu'à présent comme étant de droit public, ont par conséquent été placées dans la compétence de l'Assemblée fédérale, mais aujourd'hui le texte du § 2 ne laisse pas de cloute sur la question de savoir si elles rentrent dans la compétence du Tribunal fédéral. Les contestations entre deux Gouvernements portant sur l'interprétation d'un traité intercantonal (au nombre desquels sont compris les concordats) sont également de droit public, par opposition au cas où des particuliers recourent contre la violation d'un concordat par une autorité cantonale.

Les conflits de compétence entre deux autorités de Cantons ditì'érents, que les Gouvernements prennent, en mains, sont aussi de droit public.

Article 52. Une matière qu'il a paru au Conseil fédéral utile de mettre expressément dans la compétence du Tribunal fédéral, ce sont les extraditions, qui soulèvent à la fois des questions d'interprétation de traités et de lois pénales et des questions de fait parfois fort difficiles. Il y aura
L'article 53 est une paraphrase du contenu du § 3 de l'article 113 de la Constitution fédérale. Le texte de l'article 5 de la Constitution et la pratique suivie jusqu'à ce jour ne permettent pas de révoquer en doute que dans les « droits constitutionnels Je citoyen » on doit comprendre non seulement les droits qui leur sont garantis par la Constitution fédérale, mais encore ceux que leur garantissent les Constitutions cantonales.

Un pourrait plutôt se demander si l'on peut y comprendre aussi les droits garantis par les lois promulguées en exécution de la Constitution. Nous pensons que cette question doit otre résolue affirmativement en
raison des cas nombreux où la Constitution nouvelle s'en réfère à la législation. L'article 66, par exemple, contient une garantie contre la privation non justifiée des droits politiques, mais il renvoie les dispositions ultérieures à une loi d'exécution. Il va sans dire que si, par exemple, un citoyen était privé de ses

h/05 droits politiques dans un Canton, contrairement aux dispositions do cette loi, un droit de recours aux autorités fédérales doit lui Otre ouvert. Dans tous les cas, on devrait admettre le recours au Conseil fédéral, qui, en vertu du § 2 de l'article 102 de la Constitution, est tenu de veiller à la stricte observation des lois fédérales. [1 nous semble cependant que la distinction des compétences du Conseil fédéral et du Tribunal fédéral doit être établie par matures et ne doit pas dépendre de la circonstance fortuite qu'un article de la Constitution contient lui-même une disposition précise ou bien s'en réfère à la législation.

Il va sans dire que les citoyens on corporations suisses pourront seuls recourir à l'autorité foderalo pour violation des droits constitutionnels, tandis que les étrangers doivent avoir le droit de réclamer contre la violation de traités internationaux. C'est pour marquer cette différence que nous avons conservé le mot de «particuliers » à la lettre b de l'article 52, par opposition à lu lettre a.

Il ne peut naturellement être question ici que de recours contro des décisions des autorités cantonales.

L'article 53, du projet contient une innovation assez importante : c'est la fixation d'un délai pour l'introduction des recours.

Jusqu'à présent ce délai n'existait pas, si bien que l'on a vu des recours être présentés des années après que la décision incriminée avait été prise. Cette particularité de notre jurisprudence fédérale est justement une de celles qui ont contribué lo plus ii créer en matière de recours cette anarchie dont on s'est plaint si souvent.

Jusqu'ici, par un sentiment de respect pour les droits constitutionnels des citoyens, qui sont placés sous la protection immédiate de la Confédération, on ue pouvait se résoudre à limiter eu quoi (que ce soit le droit de recours, mais depuis une vingtaine d'années on a dû se. convaincre que certains plaideurs trouvaient moyeu de faire abus de cette faculté et que par conséquent on avait le droit et le devoir de les soumettre à certaines conditions.

La deuxième partie de. l'article 53 contient des dispositions pour l'exécution de la réserve faite à l'article 113 de la Constitution fédérale concernant la distinction à établir entre, les contestations administratives qui, d'après le § 2 de l'article 102, rentrent
dans la compétence du Conseil fédéral, et les questions de droit public dont connaît le Tribunal fédéral. On aurait pu laisser à âne loi spéciale le soin d'établir cette distinction, qui est colle qui présente le plus de difficultés dans notre nouvelle organisation judiciaire, mais il unis a semblé que le présent projet eût été incomplet s'il n'avait pas réglé sous tous les rapports les attributions

Iuù6 du Tribunal fédéral telles qu'elles sont déterminées par la nouvelle Constitution.

Nous n'avions que deux moyens à notre disposition pour établir cette distinction. Le premier consiste à énumérer tous les recours de la compétence du Tribunal fédéral, dans ce sens qu'alors tous les autres auraient été placés dans les attributions du Conseil fédéral et de l'Assemblée fédérale comme seconde instance. L'autre moyen consisterait à poser comme règle la juridiction du Tribunal fédéral et à énumérer comme des exceptions les cas qui, vu leur nature de contestation administrative, seraient de la compétence du Conseil fédéral. Nous avons choisi ce second moyen parce que les deux modes de procéder ont déjà été discutés par le Conseil national dans sa séance du 5 février 1872, dans laquelle l'article 113 fut voté et que la proposition qui réunit la majorité des voix fut interprétée de la manière qui a servi de base aux dispositions du projet (voir protocole imprimé, page 479 et suivantes).

11 s'agit donc de spécialiser dans le projet les attributions du Conseil fédéral en matière de recours, en sorte que tous les recours pour violation de droits constitutionnels, de traités internationaux et de concordats qui n'y seront pas mentionnés feront partie de la juridiction du Tribunal fédéral. Pour faire cette énumération, le projet admet en principe que le Conseil fédéral doit connaître de tous les cas d'une nature essentiellement politique ou administrative et qu'il faut laisser au Tribunal fédéral toutes tes contestations où le droit public, le droit privé et le droit pénal sont en jeu, et dont la solution dépend de considérations d'une nature juridique.

Si nous parcourons successivement les divers articles de la Constitution qui peuvent donner lieu à des recours de citoyens pour la violation de droits constitutionnels, nous trouvons en premier lieu le § 3 de l'art. 18. Si un Canton réclamait le paiement d'effets militaires, chaque soldat aurait le droit de recourir à l'autorité fédérale contre cette réclamation, mais il va de soi qu'un recours de ce genre n'a aucun caractère juridique. Un recours analogue serait celui d'un citoyen dont on aurait exigé le paiement d'une contribution d'écolage, contrairement au § 2 de l'article 27 de la Constitution. Le § 3 du môme article pourrait aussi fournilmatière à
recours, lorsque par exemple dans une localité catholique une école serait organisée de manière à ne pas pouvoir être fréquentée par des enfants protestants ; ici encore ce serait aux autorités administratives à intervenir. Si dans un Canton la liberté de commerce et d'industrie était entravée au delà de ce que permet - l'article 31 de la Constitution fédérale, ce fait constituerait sans

1007 doute aussi une violation d'un droit constitutionnel. Des questions de cette nature présentant aussi un caractère administratif, plutôt que juridique, on ne pourrait guère les placer dans la compétence du Tribunal fédéral. On peut ranger dans la môme catégorie les recours de particuliers contre la perception de droits de consommation contraires à l'article 52 de la Constitution.

Dans le domaine important du droit d'établissement, nous estimons qu'un recours contre des restrictions apportées- au droit de vote des Suisses établis (art. 43 de la Constitution) est d'une nature essentiellement politique et que l'on fait bien d'en remetrre la solution au Conseil fédéral ou, à l'Assemblée fédérale. Il en est autrement des rapports de droit privé et d'impôts des Suisses établis (art. 46). Ici le droit public touche au droit privé, en sorte que c'est au Tribunal fédéral à prononcer. Nous dirons la même chose des recours qui naîtront de l'application des lois fédérales prévues par l'article 58 de la Constitution, parce qu'il s'agit ici de réclamations d'une commune contre une autre.

Le Conseil fédéral propose de laisser au Tribunal fédéral le soin de faire respecter et d'interpréter les garanties données aux citoyens par les articles 49 et 50 de la Constitution (articles confessionnels). Il s'agit ici de droits individuels, que ceux qui se prétendent lésés pourront mieux défendre devant un corps judiciaire que devant une autorité politique. Il convient toutefois de réserver au Conseil fédéral les cas de conflit prévus au 3e alinéa de l'art. 50 lorsqu'il s'agit de contestations de droit public, puisque celles-ci touchent directement aux attributions constitutionnelles des autorités politiques et doivent pouvoir être soumises en dernier . ssort à l'Assemblée fédérale.

C'est à l'article 54 que commence l'action du Tribunal fédéral proprement dite. Les questions de savoir si un mariage doit être considéré comme légitime, si une femme a acquis la nationalité do son mari, si des enfants nés avant le mariage ont été légitimés, rentrent dans la compétence des autorités judiciaires, mais en outre les questions de savoir si un mariage doit être autorisé ou non, si le fiancé peut être tenu de payer certaines contributions ou non, sont aussi plutôt de nature à être connues d'une auto rite judiciaire que d'une
autorité politique.

Nous remettons également au Tribunal fédéral la protection de la liberté de la presse et du droit de réunion (articles 55 et 56 de la Constitution), parce que des questions de droit passablement difficiles peuvent surgir, surtout dans le premier de ces domaines, et que les droits individuels ne peuvent pas toujours Otre complètement protégés par les autorités politiques.

1008 Les articles 58 à 62 et l'article 65, auquel on peut joindre la § 1er de l'article 44, sont d'une nature purement juridique et doivent par conséquent être placés sous la sauvegarde du Tribunal fédéral.

Nous dirons la même chose de la loi d'extradition basée sur l'article 67, parce que nous rentrons ici dans le domaine du droit et de la procédure pénales.

Si nous passons de la Constitution aux lois fédérales dont l'application par les Cantons peut donner lieu à des recours, nous pensons qu'on sera généralement d'accord pour laisser au Conseil fédéral la haute surveillance sur l'exécution des lois de police.

Cependant il importe aussi de mentionner expressément les contestations administratives provenant des lois fédérales, et cela parce la première partie de l'article 52 du projet part de l'idée que le droit de recours au Tribunal fédéral peut être fondé aussi bien sur la violation des lois d'exécutiou de la Constitution que, sur la violation de la Constitution elle-même.

Quant aux recours qui ont pour objet les droits garantis aux citoyens par les Constitutions cantonales, nous pensons qu'un thèse générale ils doivent être placés dans la compétence du Tribunal fédéral. Nous n'en exceptons que ceux qui ont trait à des élections ou votations cantonales, parce qu'ils ont un caractère éminemment politique et que nos idées suisses ne s'accommoderaient pas trèsfacilement de la pensée que la nomination d'un Gouvernement ou un plébiscite cantonal peuvent ótre cassés pour vice de forme par un tribunal. Si nous examinons la série des recours qui depuis 1848 ont été portés devant les autorités fédérales pour violation do dispositions de Constitutions cantonales, nous verrons qu'ils ont surtout trait aux matières suivantes : Durée des fonctions dos autorités, compétences des autorités législatives, séparation des pouvoirs, affaires communales et des corporations. Or, la grande majorité de ces recours soulevaient bien plutôt des questions juridiques que des questions politiques ; en général, il s'agissait de droits privés qui, directement ou indirectement, se trouvaient en conflit avec le pouvoir de l'Etat. Le Tribunal fédéral sera d'autant mieux placé pour prononcer équitablement dans des cas de ce genre, que l'on pourra moins supposer que pour des motifs politiques il consentirait à passer outre sui-
des violations expresses de la Constitution.

Nous arrivons maintenant aux concordats, et nous faisons remarquer dès l'abord que le nombre de ceux qui sont encore eu vigueur entre les Cantons ira en diminuant à la suite de la mise on oeuvre de la noiivelle Constitution. Pour autant que l'on peut accorder à des particuliers un droit de recours contre des infractions aux · concordats, il nous semble qu'il ne peut surtout s'agir

1009 ici que de questions de droit privé, comme cela est par exemple le cas pour les deux concordats concernant le droit de concours dans les faillites. L'expérience a prouvé que l'interprétation et l'application des concordats soulèvent souvent des difficultés juridiques majeures, en sorte qu'en thèse générale il paraît préférable d'en remettre la solution au Tribunal fédéral. Si l'on songeait à faire une exception pour les concordats qui tont trait au libre exercice des professions libérales, il importerait de ne pas perdre de vue qu'un médecin, par exemple, qui aurait à se plaindre de ce qu'on ne lui permet pas de pratiquer dans un Canton, n'aurait qu'à baser sa réclamation sur l'article 5 des dispositions transitoires de la Constitution et pourrait ainsi faire absolument abstraction du concordat. Aussi n'avons-nous pas jugé nécessaire de donner au Conseil fédéral une compétence en ces matières.

Une question d'une grande importance est celle de savoir dans quels cas on soumettra au Tribunal fédéral des recours portant suides violations de traités internationaux. Comme il s'agira souvent ici de provenir ou d'aplanir des difficultés avec l'étranger, et que par conséquent il faudra faire entrer en ligne de compte des considérations politiques, il nous a paru prudent de tracer ici à la compétence du Tribunal fédéral des limites plus restreintes que dans le domaine des questions intercantonales.

L'article 54 n'est qu'un complément nécessaire des articles précédents;" il applique aux articles 50, 51 et 52 la disposition finale de l'article 113 de la Constitution fédérale.

A l'article 55, nous avons cru devoir prescrire quelques règles générales concernant la procédure à suivre par le Tribunal fédéral en matière de contestations de droit public, et cela dans l'idée qu'il fallait laisser à la pratique le soin d'en fixer les détails. Nous avons seulement voulu indiquer qu'il ne pouvait pas être question de suivre ici exactement la même procédure que celle qui est prescrite pour les contestations de droit privé , ft qu'en thèse générale le Tribunal devait statuer sur des mémoires écrits et sans comparution des parties, comme cela a été fait jusqu'ici par le Conseil fédéral. Il en résultera pour les parties une grande économie de frais, ce qui est un point qui ne doit pas être perdu de vue ici, où il
ne peut s'agir de la fixation d'un minimum de valeur de l'objet litigieux, en sorte que souvent l'on aura à prononcer sur des contestations d'une importance matérielle minime. Ce ne sera que lorsque les parties le demanderont, ce qui ne se présentera naturellement que dans des cas exceptionnellement graves, que le Tribunal fédéral pourra, d'après le projet, ordonner des débats oraux, et cela pour autant que des motifs suffisants existeront pour le faire, par

1010 exemple si le cas est très-compliqué, ou s'il s'agit de questions entièrement nouvelles.

Les délibérations et les votations du Tribunal fédéral devront être publiques aussi dans les questions de droit public, comme cela est le cas dans la procédure ordinaire d'après l'article 79 de la procédure civile fédérale.

L'article 66 pose en* première ligne le principe que, dans-la règle, aucun émolument ne pourra être réclamé pour des jugements de contestations de droit public, et qu'en outre des dommages et intérêts ne pourront être accordés aux parties. Jusqu'à présent, comme on sait, la procédure en matière de recours portés devant le Conseil fédéral ou l'Assemblée fédérale a été gratuite.

On pourrait prétendre que devant ces autorités non judiciaires, il n'aurait guère pu en être autrement, mais que maintenant qu'il s'agit d'une procédure judiciaire il n'existe pas de motifs suffisants pour traiter les cas dont il est question ici sur un autre pied que toutes les autres contestations de droit civil ou pénal, et cela d'autant moins que la nouvelle organisation du Tribunal fédéral grève le budget de la Confédération de dépenses considérables.

Nous croyons cependant que le second alinéa de l'article 56 répond suffisamment à ces objections. 11 va de soi que lorsqu'un recours aura été reconnu fondé, le Tribunal ne pourra réclamer des frais de justice, car il ne serait pas équitable de les imposer à la partie adverse, parce que ce n'est pas elle qui a fourni l'occasion d'une procédure judiciaire, mais bien l'autorité cantonale qui, par sa décision, a violé une disposition constitutionelle. Quant aux nombreux recours qui devront être écartés comme non fondés pour incompétence, ou pour défaut de preuves matérielles, le juge devra examiner si le recourant a agi de bonne foi, soit qu'il n'existât pas de dispositions légales applicables à son cas, soit que celles sur lesquelles il croyait pouvoir appuyer sou recours fussent peu claires, soit enfin que la jurisprudence ne fût pas suffisamment établie.

S'il en est ainsi, il ne serait pas équitable de condamner la partie à payer des frais de justice. Il en est autrement des cas où le Tribunal reconnaîtrait dans la cause de la contestation, ou dans la manière dont le procès a été instruit, l'intention d'une des parties de traîner le procès en longueur ou un
esprit de chicane.

Le 2e alinéa de l'article 56 assure au juge la faculté de réclamer dans ces cas des émoluments ou de condamner le recourant à des dommages-intérêts.

ion Le droit que l'article 57 attribue au Président d'ordonner les mesures nécessaires pour le maintien de l'état d« fait ne demande pas d'ultérieure justification, surtout pour les cas de vacances. Il est bien entendu que le même droit appartient au Vice-Président, lorsqu'il fonctionne à la place du Président.

En terminant ici les observations dont nous avons cru devoir accompagner le projet de loi que nous soumettons à vos délibérations, nous avons l'honneur de vous présenter, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 23 mai 1874.

Au nom du Conseil fédéral suisse, Le Président de la Confédération: SCHENK.

Le Chancelier de la Confédération: SOHIBSS.

1012

Projet.

Loi fédérale sur

l'organisation judiciaire fédérale.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE de la CONFÉDÉRATION SUISSE, en exécution des articles 106 à 114 de la Constitution fédérale du et en modification de la loi fédérale du 5 juin 1849 sur la matière ; vu le message du Conseil fédéral du 23 mai 1874, arrête:

I. Dispositions générales.

er

Art. 1 . Le Tribunal fédéral se compose de neuf membres et de six suppléants.

Art. 2. Les membres et les suppléants du Tribunal fédéral sont nommés par l'Assemblée fédérale, qui aura égard à ce que les trois langues nationales y soient représentées (art. 107 de la Constitution fédérale).

Art. 3. Peut être nommé au Tribunal fédéral tout citoyen suisse éligible au Conseil national.

Les membres de l'Assemblée fédérale et du Conseil fédéral et les fonctionnaires nommés par ces autorités ne peuvent en même temps faire partie du Tribunal fédéral (art. 108 de la Constitution fédérale).

1013 Art. 4. Leti membres du Tribunal fédéral ne peuvent, pendant la durée de leurs fonctions, revôtir aucun autre emploi, soit au service de la Confédération, soit dans un Canton, ni suivre d'antre carrière ou exercer de profession (art. 108 de la Constitution fédérale).

Ils ne peuvent non plus remplir les fonctions de directeur ou de membre du conseil d'administration d'une société qui a pour but un bénéfice.

Art. 5. Les pareuts ou alliés en ligne ascendante ou descendante à l'infini, ou en ligne collatérale jusqu'au degré de cousin germain inclusivement, ainsi que les maris de soeurs ne peuvent être ensemble membres ou suppléants du Tribunal fédéral.

Deux personnes qui se trouvent dans Tun des rapports de parenté prévus dans le présent article ne peuvent non plus fonctionner ensemble près le Tribunal fédéral ou l'une de ses sections, soit comme juge, soit comme greffier, soit comme juge d'instruction ou comme officier du ministère public.

Le fonctionnaire judiciaire qui, en contractant mariage, entre dans un degré de parenté prohibé avec un autre fonctionnaire judiciaire, se démet, par ce fait, de ses fontions.

Art. 6. La durée dès fonctions des membres et des suppléants du Tribunal fédéral est fixée à six ans.

Ils sortent de charge par séries, de trois ans en trois ans.

La première nomination aura lieu immédiatement après l'entrée en vigueur de la présente loi.

La première série de cinq membres et de trois suppléants sera désignée par le sort immédiatement après la première nomination et sortira de charge trois ans après cette nomination.

Les membres qui font vacance dans ,,l'intervalle des six ans sont remplacés à la première session de l'Assemblée fédérale pour le reste de la durée de leurs fonctions.

Art. 7. Le Président du Tribunal fédéral est nommé par l'Assemblée fédérale, pour trois ans, parmi les membres du corps.

Le Tribunal fédéral nomme lui-mome sou Vice-Président, au btrutin secret, et pour la môme durée.

Lorsque le Président et le Vice-Président sont empee-hés de siéger, ils sont remplacés par le membre du Tribunal fédéral premier élu.

Art. 8. Le Tribunal fédéral nomme deux greffiers, 4e la Suisse allemande et l'autre de la Suisse romande.

dont l'un

1014 Ces nominations se font au scrutin secret, pour la durée de six ans, de manière à ce qu'à chaque renouvellement d'une série du Tribunal corresponde la nomination d'un greffier.

Les greffiers tiennent le protocole du Tribunal fédéral et de ses sections. Le Tribunal fédéral désigne d'ailleurs à chacun des greffiers ses attributions. Lorsqu'un greffier est empoché de fonctionner, le Président lui désigne un remplaçant.

Art. 9. Dans les limites du crédit qui lui est assigné pour cela, le Tribunal fédéral nomme le personnel de chancellerie dont il a besoin et les huissiers nécessaires pour son service.

Art. 10. Pour procéder à uno élection, ainsi que pour rendre tout autre arrêt ou décision dans la compétence du Tribunal fédéral, Za présence de sept membres est nécessaire et suffisante.

Pour rendre un jugement, le nombre des membres qui prennent part à la délibération et à la votation doit être impair.

En cas d'égalité de voix, le Président décide.

Art. 11. Le siège du Tribunal fédéral, de ses sections (la Chambre criminelle exceptée) et de sa chancellerie sera désigné par un arrêté fédéral spécial.

Ce siège ne peut pas être le même que celui des autorités politiques de la Confédération.

La ville qui aura été désignée pour le siège du Tribunal fournira gratuitement, disposera d'une manière convenable et entretiendra les locaux nécessaires pour les audiences du Tribunal fédéral et de ses sections, pour sa chancellerie et pour ses archives.

Les dispositions qui auront été prises dans ce but seront soumises à l'approbation dn Conseil fédéral.

Art. 12. Les membres du Tribunal fédéral et le greffier sont tenus de demeurer au siège du Tribunal.

Les dispositions de la loi fédérale du 23 décembre 1852 sur les garanties politiques et de police (art. 1 et 6), concernant les rapports personnels des membres du Conseil fédéral et du chancelier , sont applicables aux membres du Tribunal fédéral et aux greffiers.

Art. 13. Pour autant que les affaires le permettent, le Tribunal fédéral peut une ou deux fois par an ordonner des vacances, pendant lesquelles tous ses membres, sauf le Président ou le Vice" Président, pourront quitter le siège du Tribunal. La durée de ces vacances ne pourra cependant dépasser huit semaines par année.

En outre, et lorsqu'il existe des motifs suffisants, le Tribunal fédéral peut accorder un congé à l'un de ses membres ou aux gref-

1015 fiers. Dans ce cas, le membre du Tribunal auquel un congé aura été accordé sera remplacé par un suppléant.

Art. 14. Il est interdit à un membre ou suppléant du Tribunal fédéral de fonctionner comme juge: 1° dans toute cause flù lui-même, sa femme, sa fiancée, ses parents ou alliés en ligne directe à l'infini et en ligne collatérale jusqu'au degré de cousin germain inclusivement, ou 1« mari de la soeur de sa femme, a un intérêt direct i.u indirect ; 2° dans la cause d'une personne dont il est le tuteur ou curateur ; 3° dans les affaires où il a déjà procédé, soit dans une autre section du Tribunal fédéral, soit comme juge d'instruction, soit comme officier du ministère public, soit comme arbitre ou mandataire ; 4° dans les causes d'une personne morale à laquelle il appartient, ainsi que dans celles où son Canton d'origine apparaît comme partie au procès; 5e dans un procès où il a figuré comme témoin, expert ou conseil, ou si, en qualité de membre d'une autorité, il a donné mandat pour ester en justice.

Si un juge ou suppléant du Tribunal fédéral se trouve dans l'un des cas prévus par le présent article, il doit en avertir en temps utile le Président du Tribunal fédéral ou de la section compétente.

Art. 15. Tout juge ou suppléant du Tribunal fédéral peut être récusé par les parties, sans toutefois être exclu d'une manière absolue des fonctions de juge, ou peut demander lui-même sa récusation : 1° s'il se trouve avec l'une des parties dans un rapport qui donne naissance à une inimitié ou à une dépendance particulière ; 2U s'il a exprimé, pendant le cours du procès, son opinion sur le cas soumis au Tribunal.

Les demandes en récusation, qu'elles soient présentées par un juge ou par les parties, doivent être remises en temps utile au Président ou au Vice-Président du Tribunal fédéral. Si la demande émane d'une des parties, le Président la communique au membre que cela concerne, ainsi qu'à la partie adverse, en les invitant à y répondre. Dans les cas contestés, le Tribunal prononce sur la demande en récusation ou, s'il n'est pas réuni, le Président.

Feuille fédérale suisse. Année XX VI. Vol. I.

(Ì9

1016 Art. 16. Le Tribunal fédéral ne peut ótre récusé en corps.

Si, dans uu cas spécial, le nombre des membres et des suppléauts dont la récusation est proposée est tel qu'aucune opération valide ae puisse avoir lieu, le Président du Tribunal fédéral tirera au sort, parmi les Présidents des Tribunaux suprêmes des Cantons, le numbre nécessaire de suppléants extraordinaires pour prononcer sur la demande en récusation et môme, le cas échéant, sur l'affaire au fond.

Art. 17. Avant d'entrer en fonctions, les fonctionnaires judiciaires fédéraux prêtent le serment presmit par la loi du 15 novembre 1848.

Le Tribunal fédéral est assermenté par l'Assemblée fédérale ; les membres et les suppléants qui ne sont pas présents à cette solennité prêtent serment k là première audience à laquelle ils :isHÎsteut.

Les greffiers et leur substitut, les juges d'instruction et leurs greffiers sont assermentés par le Président du Tribunal fedenti ou par l'un des membres commis par lui- à cet effet. Les officiers du ministère public fédéral prêtent serment entre les mains du Conseil fédéral.

Il est chaque fois dressé procès-verbal de l'assermeutation.

Art. 18. Les Présidents du Tribunal .fédéral et de ses diverses sections reçoivent les pièces adressées à ces autorités et tiennent un protocole de leur entrée et des dispositions prises par eux.

Art. 19. Le Président organise les audiences du Tribunal suivant que les affaires l'exigent et prend dans ce but les mesures nécessaires. Il dirige les débats et veille au maintien de la tranquillité et de l'ordre. Il peut faire sortir de la salle des séances et, au besoin, faire détenir pendant 24 heures au plus les personnes qui résistent à ses ordres.

Art. 20. Le Président surveille dans l'accomplissement de leur devoir les juges d'instruction dans les procès civils, les greffiers et les employés inférieurs.

Art. 21. Chaque année le Tribunal fédéral adresse à l'Assemblée fédérale un rapport circonstancié sur toutes les branches de l'atlministratioii de la justice fédérale.

Art. 22. Les autorités et les fonctionnaires établis pour l'administration de la justice fédérale accomplissent tous les actes de leur compétence dans toute l'étendue de la Confédération, sans avoir besoin du consentement préalable des autorités du Canton où ils procèdent.

1017

Les autorités cantonales doivent, chacune dans leur ressort, faire droit aux réquisitions que les fonctionnaires judiciaires fédéraux leur adressent dans l'intérêt de l'administration de la justice.

Art. 23. Le Conseil fédéral fait les avances nécessaires à la caisse du Tribunal. La chancellerie du Tribunal tient un compte exact des recettes et clés dépenses.

II. Administration de la justice civile.

Art. 24. Le Tribunal fédéral connaît des différends de droit civil : 1° ontre la Confédération et un ou plusieurs Cantons ; 2° entre des corporations ou des particuliers comme demandeurs et la Confédération commu défenderesse, pour autant que le litige atteint une valeur en capital de 8000 francs au moins, ou que les demandeurs sont étrangers à la Suisse; 3° entre Cantons; 4° entre. des Cantons d'une part et des corporations ou des particuliers d'autre part, quand le litige atteint une valeur en capital de 3000 francs au moins, et que l'une des parties le requiert.

Il connaît de plus dos différends concernant le heimatlilosdt, d'après la loi du 3 décembre 1850, ainsi que des contestations qui surgissent entre communes de différents Cantons, touchant le droit de cité (art. 110 de la Constitution fédérale).

Art. 25. Le Tribunal fédéral connaît en outre de toutes les causes que la législation fédérale place dans la compétence du Tribunal fédéral par des lois spéciales (art. 114 de la Constitution fédérale).

Le Tribunal fédéral connaît notamment, en vertu des lois fédérales existantes : a. des contestations en matière iï expropriations pour la construction des chemins de fer ou d'autres travaux d'utilité publique, auxquels l'Assemblée fédérale déclare que la loi fédérale du 1er mai 1850 est applicable, et d'après les dispositions de cette loi. ainsi que de celle du 18 juillet 1857; b. des divorces de mariages mixtes, en application de la loi fédérale du 3 février 1862;

1018 e. de toutes les contestations de droit privé entre la Confédération et une Compagnie de chemins de fer, ou exécution de l'article 39 de -la loi fédérale du 23 décembre 1872 sur les chemins de fer, et spécialement des actions en dommages et intérêts prévues aux articles 14, 19, 24 et 33 de ladite loi; d. des actions en dommages et intérêts des administrations de chemins de fer contre des particuliers, dans les cas prévus à l'art. 15, alinéa 2, de ladite loi ; e. des actions en dommages et intérots des administrations de chemins de fer entre elles, dans les cas prévus à l'art. 30, alinéa 3, de ladite loi ; /. de toutes les contestations qui surgissent à l'occasion de la liquidation forcée de Compagnies de chemins de fer, en exécution de la loi fédérale du 1874 sur la matière.

Art. 26. Dans les causes où il s'agira de l'appliration des lois fédérales qui seront promulguées en vertu de l'art. 64 de la Constitution fédérale ou de l'art. 38 de la loi sur les chemins de fer, et lorsque l'objet du litige sera d'une valeur en capital de 3000 francs au moins, chaque partie a le droit de recourir au Tribunal fédéral pour obtenir la réforme du jugement au fond rendu par la dernière instance judiciaire cantonale.

La partie recourante devra taire usage de ce moyen de droit, dans le délai péremptoire de quinze jours à compter dès celui où le jugement incriminé aura été prononcé ; le procès devra être introduit pendant ce délai au moyen d'une pièce écrite, adressée au Président du Tribunal fédéral.

Dans ces cas, le Tribunal fédéral devra baser son jugement sur l'état des faits tel qu'il aura été établi par les tribunaux cantonaux.

Art. 27. Le Tribunal fédéral est tenu de juger, outre les causes prévues aux articles 24 à 26 : 1° celles que la Constitution ou la législation d'un Canton placent d'avance dans la compétence du Tribunal fédéral. De pareilles dispositions ne sont valables que moyennant la ratification de l'Assemblée fédérale ; 2° celles qui sont portées devant lui par convention des parties et dont l'objet atteint une valeur en capital de 3000 francs au moins (art. 111 de la Constitution fédérale).

1019

III. Administration de la justice pénale.

Art. 28. Le Tribunal assisté du Jury, lequel statue sur les faits, connaît en matière pénale: 1° des cas de haute trahison envers la Confédération, de révolte ou de violence contre les autorités fédérales; 2* des crimes et des délits contre le droit des gens; 3° des crimes et des délits politiques qui sont la cause ou la suite de troubles par lesquels une intervention fédérale armée est occasionnée ; 4° des faits relevés k la charge de fonctionnaires nommés par une autorité fédérale, quand cette autorité en saisit le Tribunal fédéral (art. 112 de la Constitution fédérale).

Les autres dispositions concernant la compétence des assises fédérales sont renfermées aux articles 73 à 77 du Code pénal fédéral du 4 février 1853.

Art. 29. Pour l'administration de la justice pénale, le Tribunal fédéral se divise : en Chambre d'accusation, en Chambre criminelle et en Tribunal de cassation.

Ces trois Chambres sont nommées au commencement de chaque année pour la durée d'un an.

Aucun juge ne peut connaître de la même affaire dans plus d'une section du Tribunal fédéral.

Art. 30. La Chambre d'accusation se compose de trois membres et d'un nombre égal de suppléants qui sont appelés à siéger en cas d'empêchement des premiers.

Le membre premier élu est Président.

Art. 31. La Chambre d'accusation a sous sa direction et sa surveillance deux juges d'instruction, que le Tribunal fédéral nomme pour six ans.

Ils désignent eux-mêmes leurs greffiers, sous réserve de la ratification de ces nominations par le Président de la Chambre d'accusation.

Lorsque le Tribunal fédéral n'est pas réuni, le Président de ce corps peut nommer et appeler des juges d'instruction extraordinaires.

Art. 32. Le Conseil fédéral nomme dans chaque cas spécial le Procureur général de la Confédération.

1020 Art. 33.- La Chambre criminelle, qui prend part à toutes les sessions des assises fédérales, se compose de trois membres et de trois suppléants pour les cas d'empêchement.

Les trois langues nationales doivent être représentées au sein de ce corps. Le Président de la Chambre criminelle est nommé par le Tribunal fédéral pour chaque session.

Lorsqu'un membre ou un suppléant de la Chambre criminelle est empêché par des circonstances imprévues d'assister à une session des assises, le Président de celles-ci peut nommer et appeler, pour le remplacer, un suppléant extraordinaire, qu'il choisit parmi les membres d'une autorité judiciaire cantonale.

Art, 34. Les assises fédérales se composent de la Chambre criminelle et de douze jurés, élus dans les Cantons par le peuple et tirés au sort dans la liste de l'arrondissement.

Art. 35. Le territoire de la Confédération est divisé en cinq arrondissements d'assises.

Le premier comprend les Cantons Je Genève, de Vaud, de Fribourg (à l'exception des communes ou prédomine la langue allemande) , de Neuchâtel et les communes des Cantons de Berne et du Valais où la langue française est prédominante.

Le second comprend les Cantons île Berne (à l'exception des localités comprises dans le premier arrondissement), de Soleure, de Bâle, de Lucerne, ainsi que les communes des Cantons de Fribourg et du Valais où l'on parle allemand.

Lis troisième comprend les Cantons d'Argovie, de Zurich, du Schaff ho use, de Thurgovie, de Zoug, de Schwyz et d'Unterwalden.

Le quatrième comprend les Cantons de Glaris, d'Uri, d'Appenzell, de Saint-Gall et des Grisons (à l'exception des communes où la langue italienne prédomine), Le cinquième comprend le Canton du Tessin et les communes italiennes du Canton des Grisons.

Seront nommés et portés sur la liste de l'arrondissement dans les quatre premiers arrondissements un juré sur 1000 habitants, et, dans le cinquième arrondissement, un juré sur 500 habitants.

Art. 36. Peut être nommé juré tout Suisse ayant le droit de voter d'après l'art. 74 de la Constitution fédérale.

Sont toutefois exceptés: 1° les membres des autorités judiciaires cantonales supérieures, - tous les présidents de tribunaux, juges d'instructioa et officiers du ministère public, ainsi que tous les fonctionnaires

1021 fédéraux et cantonaux de l'ordre administratif, non compris les employés communaux; 2° les ecclésiastiques ; 3° les employés dans les maisons d'arrêt et de détention; 4° les employés de police.

Art. 37. Tout citoyen appelé aux fonctions de juré est tenu d'accepter.

Sont exceptés: 1° tous ceux qui ont atteint l'âge de 60 ans révolus; 2° ceux dont le nom a été porté sur la dernière liste des jurés ; 3° ceux qui sont empêchés de remplir les fonctions de juré pour canse de maladie ou d'infirmité.

Art. 38. Les questions relatives à l'éligibilité aux fonctions de juré et à l'obligation de les accepter sont du ressort des G-ouvernements cantonaux.

Ils transmettent les listes de jurés des Cantons au Tribunal fédéral, qui en forme les listes (art. 35) d'arrondissement et les publie.

Les noms des jurés qui, pour une cause quelconque, ont perdu cette qualité, on qui sont décédés, sont transmis par le Gouvernement 0 cantonil an Tribunal fédéral pour qu'ils soient rayés de la liste.

Art. 39. Les listes de jurés sont renouvelées tous les six ans.

Le Conseil fédéral pourvoit à ce que les nouvelles listes soient formées en temps utile.

Art. 40. Avant l'ouverture de chaque session des assises, la Chambre criminelle fait déposer, en séance publique, dans une urne, les noms des jurés de l'arrondissement dans lequel les débats devront avoir lieu ; elle en t'ait ensuite tirer au sort cinquante-quatre noms, qui sont lus ut enregistrés.

Des copies de la liste spéciale ainsi formée sont immédiatement communiquées au Procureur général désigné par le Conseil fédéral, ainsi qn'à l'accusé ou à son défenseur.

\ Art. 4l. Chaque fois qu'une affaire est renvoyée aux assises, le Procureur général de la Confédération et l'accusé peuvent récuser chacun vingt jurés.

Si, dans la inorne affaire, il y a plusieurs accusés, ils peuvent exercer conjointement leurs récusations, ou faire usage de leur droit séparément. Dans l'un et l'autre cas, ils ne peuvent, pris ensemble, dépasser le nombre de récusations accordé k un accusé seul.

1022 Si les accusés ne se concertent pas pour exercer conjointement leurs récusations, le sort décide entre eux dans quel ordre chacun exerce ses récusations. Les jurés qui, de cette manière, sont récusés par l'un dea accusés, le sont alors pour tous les autres accusés, jusqu'à ce que le nombre des récusations accordées soit épuisé.

Art. 42. Les récusations sont annoncées, verbalement ou par écrit; au Président de la Chambre criminelle, dans les quatorze jours dès la réception de la copie mentionnée à l'art. 40.

Celui qui ne fait pas usage de son droit dans le délai prescrit est censé y avoir renoncé.

Art. 43. , Lorsque quarante jurés ont été récusés, les quatorze restants sont convoqués aux assises.

Si le nombre des récusations ne s'élève pas à quarante. la Chambre criminelle désigne par le sort, parmi les jurés non récusés, les quatorze qui devront être appelés aux assises.

Dans les deux cas, le sort désigne pareillement les deux jurés qui, parmi les quatorze, doivent ótre adjoints au jury pour fonctionner en qualité de suppléants.

Art. 44. Toutefois, lorsque dans une^session des assises il y a un grand nombre d'accusés à juger, ou pour tout autre motif grave, le Président de la Chambre criminelle peut appeler les cinquante-quatre jurés portés sur la liste spéciale et ne faire procéder aux récusations qu'à l'ouverture des débats.

Art. 45. L'invitation de se rendre aux assises est adressée aux jurés au moins six jours avant l'ouverture de la session.

Art. 46. Pour chaque session des assises fédérales, le Gouvernement cantonal du lieu où elles sont appelées à siéger met à leur disposition un local convenable.

Les frais causés par ces arrangements sont supportés par la caisse dn Tribunal. Les loyers ne sont cependant pas portés en compte.

Art. 47. Les gardes, les escortes et sur réquisition du Président des assises par les autorités cantonales du lieu de Les frais en sont supportés par la caisse

les geôliers sont fournis, ou du juge d'instruction, la poursuite de l'affaire.

du Tribunal.

Art. 48. Les personnes mises en état d'arrestation sont écrouées dans les prisons cantonales. Leur entretien est bonifié par la caisse du Tribunal d'après les tarifs du Canton.

1^28 En ce qui touche la surveillance et le traitement des détenus, le geôlier se conforme aux ordres du juge d'instruction fédéral ou, le cas échéant, du Président des assises.

Art. 49. La Cour de cassation connaît soit des ' recours en cassation, des demandes de révision et de réhabilitation dans les causes criminelles (articles 135--168, 175--182 du Code de procédure pénale fédérale), soit des recours contre des jugements de tribunaux cantonaux qui portent sur des transgressions des lois fiscales fédérales (art. 18 de la loi fédérale du 30 juin 1849).

Le Tribunal de cassation se compose du Président du Tribunal fédéral, qui en est d'office le Président, de quatre juges et de trois suppléants.

Pour rendre des arrêts valables, la Cour de cassation doit toujours être au complet, c'est-à-dire composée de cinq juges. Cas échéant, elle pourra être complétée au moyen des autres juges et suppléants ayant le droit de voter d'après l'art. 29 , et si leur nombre ne suffit pas il sera procédé conformément à l'art. 16.

IT. Des contestations de droit publie.

Art. 50. Le Tribunal fédéral connaît des conflits de compétence entre les autorités fédérales d'une part et les autorités cantonales d'autre part.

Lorsqu'une partie prétend qu'une contestation dont le Tribunal fédéral a été nanti est du ressort exclusif de l'autorité cantonale, ou doit être jugée par une autorité étrangère ou un tribunal arbitral, le Tribunal fédéral statue lui-même sur sa compétence.

L'Assemblée fédérale connaît des contestations entre le Conseil fédéral et le Tribunal fédéral, sur la question de savoir si un ça» t-st du ressort de l'une ou de l'autre de ces autorités (art. 85, § 13, et art. 113, § 1, de la Constitution fédérale).

Art. 51. Le Tribunal fédéral connaît en outre des différends entre Cantons, lorsque ces différends sont du domaine du droit public.

Sont compris spécialement dans cette catégorie : les rectifications de frontières intercantonales, les questions d'application de traités intercantonaux et les questions de compétence entre les autorités de Cantons différents, lorsque dans ces divers cas c'est un

1024 Gouvernement cantonal lui-moine qui nantit le Tribunal fédéral île l'affaire.

Art. 52. Le Tribunal fédéral statue sur les demandes d'extradition basées sur des traités internationaux, sans préjudice des mesures préliminaires qui rentrent dans la compétence du Conseil fédéral.

Art. 53. Le Tribunal fédéral connaît enfin des recours : a. de citoyens suisses et de corporations concernant la violation des droits qui leur sont garantis soit par la Constitution, soit par la législation fédérales, soit par la Constitution de leur Canton; b. de particuliers concernant la violation de conventions ou de concordats intercantonaux, ainsi que de traités avec l'étranger ; à condition que dans l'un et l'autre cas ces recours soient dirigés contre des décisions d'autorités cantonales et qu'ils aient été déposés dans les soixante jours dès que ces décisions ont été communiquées aux intéressés.

Les Omflits et les réclamations qui portent sur les articles ciaprès de la Constitution fédérale font exception aux dispositions qui précèdent, et, à teneur de l'art. 113, 5e alinéa, de cette Constitution, ils seront soumis au Conseil fédéral, soit à l'Assemblée fédérale (art. 85, chiffre 12, do la Constitution) : 1° AH. 27, §§ 2 et 3, concernant l'instruction publique dans les Canto as ; 2° Art. 31, concernant la liberté du commerce et de l'industrie ; 3° Articles 31 et 32, concernant les droits de consommation encore reconnus et les droits d'entrée sur les vins et autres boissons spiritueuses ; 4° Art. 43, concernant les droits des Suisses établis ; 5° Art. 50, 3e alinéa, lorsqu'il s'agit de contestations de droit public pi-Qvenant de la création ou de la scission de communautés religieuses ; 6° Art. 53, concernant l'état civil et !e droit de disposer des lieux de sépulture, dans la' mesure où la loi déférera au Conseil fédéral la compétence sur ces matières.

Le Conseil fédéral et l'Assemblée fédérale sont également compétents en ce qui concerne : 7° les réclamations concernant l'application des lois fédérales prévues aux articles 24, 25, 33, 34, 39, 40 et 69 de la Constitution ;

1026 8° les réclamations contre la validité d'électious et de vutations cantonales ; 9° les réclamations concernant les clauses des traités avec l'étranger relatives au commerce et aux péages, aux droits de patente, au droit d'établissement, à la libération du service militaire et au droit d'aubaine et de traite foraine.

Art. 54. Le Tribunal fédéral appliquera dans tous les cas mentionnés aux articles 50, 51, 52 et 53 les lois votées par l'Assemblée fédérale et les arrêtés de cette Assemblée qui ont une portée générale. Il se conformera également aux traités que l'Assemblée fédérale aura ratifiés (art. 113 de la Constitution fédérale).

Art. 55. Le Tribunal fédéral ne prononce dans la règle suides contestations de droit public qu'à la suite d'une procédure écrite.

Les recours sont transmis pour rapport à la partie adverse ou, à MOI) défaut, à l'autorité contre laquelle ils sont dirigés. Une fois la réponse reçue, le juge d'instruction peut, s'il le juge convenable, prescrire une réplique et une duplique. Il ordonne en même temps la production des moyens de preuve nécessaires.

Exceptionnellement, sur la demande des parties, et lorsqu'il existe des motifs particuliers pour le faire, le Tribunal fédéral peut ordonner des délais oraux.

Les délibérations et les votations sont publiques.

Art. 56. Dans les procès qui portent sur des contestations de droit public, il ne peut, dans la règle, ni être demandé d'émoluments, ni être alloué d'indemnités aux parties.

Cependant le Tribunal peut faire dos exceptions dans les cas où elles seraient justifiées par l'origine ou la cause de la contestation, ou par la manière dont le procès a été instruit par les parties.

. Art. 57. Le Président du Tribunal peut, sur la demande d'une partie, ordonner les mesures nécessaii-es pour lu maintien de l'état de fait.

Ces mesures doivent être ratifiées par le Tribunal dans sa première audience.

1026

# S T #

Message du

Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale de loi concernant les questions de droit chent au transport et à l'expédition des au moyen des chemins de fer et des prises de transport concédées par la (bateaux à vapeur).

sur un projet qui se rattamarchandises autres entreConfédération

(Du 26 mai 1874.)

Monsieur le Président et Messieurs, La loi fédérale concernant l'établissement et l'exploitation des chemins de fer sur le territoire de la Confédération suisse statue (art. 38): « La législation fédérale prescrira les dispositions nécessaires « touchant : « 1° les questions de droit se rapportant au transport et à « l'expédition par voie ferrée et par d'autres établissements de « transport concédés par la Confédération ou exploités par elle-même c (bateaux à vapeur, postes, etc.) ; « 2° les actions civiles en dommages-intérêts qui peuvent être « intentées aux administrations de chemins de fer ensuite d'accidents « survenus pendant la construction ou dans l'exploitation et ayant « entraîné la mort ou des lésions graves. »

Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali

Message du Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale concernant la loi sur l'organisation judiciaire fédérale. (Du 23 mai 1874.)

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1874

Année Anno Band

1

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25

Cahier Numero Geschäftsnummer

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Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

13.06.1874

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989-1026

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