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Feuille Fédérale

Berne, le 25 novembre 1974

126e année

Volume II

N°47 Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 68 francs par an: 38 francs pour six mois: étranger: 82 francs par an, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement.

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant de nouvelles dispositions sur le référendum en matière de traités internationaux (Du 23 octobre 1974) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre, avec le présent message, un projet de nouvelles dispositions sur le référendum en matière de traités internationaux (art. 89, 3e et 4e al., cst.).

1 Aperçu liminaire Le .12 mars 1970, les Chambres fédérales ont adopté deux motions identiques, l'une de M. Hummler, conseiller national, l'autre de M. Luder, député au Conseil des Etats. Ces motions invitent le Conseil fédéral à présenter un rapport et des propositions concernant une revision de l'article 89, 4e alinéa, de la constitution, le but étant de permettre au peuple et aux cantons «d'exercer l'influence qui convient sur des décisions importantes en matière de politique extérieure, lorsque celles-ci ont des effets sur le droit national».

Nous vous adressons aujourd'hui un message qui donne suite à ces motions. II contient tout d'abord un bref exposé concernant l'histoire, la genèse et l'interprétation de la disposition de l'article 89, 4e alinéa, de la constitution relative au référendum en matière de traités internationaux, ainsi que les mesures prises en vue de sa revision. Nous indiquons ensuite les motifs qui plaident pour pu contre le développement du référendum dans ce domaine et nous commentons et motivons pour finir nos propres propositions.

Le présent message constitue également le rapport à présenter au sujet de l'initiative populaire appelée «initiative contre la limitation des droits populaires en matière de traités internationaux», déposée en mars 1973 par l'Action nationale. Nous en proposons le rejet.

1974 -- 626 Feuille fédérale. 126" année. Vol. II.

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2 Réglementation actuelle du référendum en matière de traités internationaux 2l Genèse Déjà, dans les premiers temps de l'histoire constitutionnelle de la Confédération, il est arrivé que le peuple ait participé à la conclusion de traités internationaux1). Dans les cantons d'Uri, Schwyz, Unterwald-le-Haut et le Bas, Glaris, Zoug, Appenzell Rhodes-Intérieures et Appenzell Rhodes-Extérieures, les traités et les alliances, les déclarations de guerre et la conclusion de la paix devaient être approuvés par le peuple réuni en Landsgemeinde. Dans les Grisons et en Valais, il fallait, pour la conclusion d'un traité, la majorité des cercles (ou des dizains) et des communes. Au XVe et au XVIe siècles, le gouvernement avait coutume de s'assurer l'assentiment du peuple avant d'entrer en guerre, de conclure la paix ou quelque traité. Avant de prendre une décision définitive, les gouvernements des villes de Berne, Genève, Lucerne et Zurich soumettaient volontairement aux bourgeois ou aux sujets les questions de grande portée en politique extérieure. Ces consultations populaires librement décidées prirent cependant fin aux XVIIe et XVIIIe siècles. Le référendum en matière de traités internationaux retrouva sa place dans le droit cantonal à l'époque de la «Régénération», lorsque le canton de Saint-Gall instaura un droit de veto tant pour les lois que pour les traités. A la fin du XIXe siècle, près de la moitié des cantons connaissaient le référendum obligatoire ou facultatif, soit pour tous les genres de traités, soit pour certaines catégories2). - Les choses ont peu changé, puisque, aujourd'hui encore, dans neuf cantons, les traités internationaux et les concordats - ou seulement ceux d'entre eux qui ont un caractère normatif-sont soumis au référendum obligatoire, tandis que dans trois autres cantons, ils sont soumis au référendum facultatif3'.

La constitution fédérale de 1848 ne prévoyait pas le référendum en matière de traités internationaux. Il semble que seul le canton d'Appenzell RhodesExtérieures ait proposé le référendum obligatoire pour les alliances et traités avec l'étranger, ainsi que pour les déclarations de guerre et la conclusion de la paix4*. En revanche, lors des délibérations de 1871 et 1872 relatives à la revision 1

> Cf. G. Fermaud, Le référendum sur les traités internationaux en Suisse (thèse Montpellier 1932), p. 15 à 49; E. Georg, Le Contrôle du peuple sur la politique extérieure (thèse Genève 1916), p. 13 à 157; L. S. von Tscharner, Volk und Regierung beim Abschluss von Staatsverträgen und sonstigen Fragen äusserer Politik in der alten Eidgenossenschaft, Berne 1914.

2 > Georg, op. cit., p. 259 à 269.

3 > ZH art. 30,2" al., eh. l ; BE art. 26, eh. 4; LU art. 39,1er al. ; SZ art. 31,1er al. ; NW art 53, 1er al., eh. l, art. 60, 2e al.; GL art. 44, eh: 7; SO art. 17, I er al., eh. 1 ; AR art. 42, eh. 3; GR art. 2, 2= al-, eh. 2; AG art. 33, let. e; TG art. 4, I er al., let. a; VS art. 30, eh. 2.

4 > D. Schefold, Volkssouveränität und repräsentative Demokratie in der schweizerischen Regeneration 1830-1848 (thèse Bàie 1966), p. 312.

1135 totale de la constitution fédérale, plusieurs membres du Conseil national et du Conseil des Etats proposèrent l'introduction du référendum et même de l'initiative pour les traités5'. Parmi eux, von Segesser proposa de soumettre tous les traités au référendum tandis que Brunner recommandait d'instituer le référendum obligatoire pour les traités de caractère normatif. Anderwert opinait pour l'instauration d'une possibilité de veto pour les traités entraînant une dépense d'un million de francs. Buezberger proposait même l'institution de l'initiative pour les traités, les déclarations de guerre et la conclusion de la paix.

Les principaux adversaires de ces propositions furent Alfred Escher, FeerHerzog et le Conseiller fédéral Welti. Ils craignaient que la capacité de la Suisse de conclure des traités n'en fût compromise et que le référendum «ne plaçât notre pays dans une position non seulement critique, mais même franchement ridicule». Le Conseil national refusa par 67 voix contre 31 l'institution du référendum dans le cas des traités internationaux. Au Conseil des Etats, Weber proposa d'instituer le référendum pour les traités modifiant des lois, tandis que de Planta recommandait de l'instaurer pour ceux qui modifient le droit constitutionnel. Ces deux propositions furent rejetées de justesse. Le projet de constitution fédérale de 1871/72 ne prévoyait ainsi ni le référendum ni l'initiative en matière de traités internationaux.

Après le rejet du projet constitutionnel de 1872, il ne fut plus question, lors des délibérations de 1873/74 sur la revision de la constitution, d'instaurer le référendum pour les traités. La constitution de 1874 ne le prévoyait pas non plus. La pratique et la doctrine s'accordaient à reconnaître qu'il ne pouvait pas être demandé.

En 1897, une motion Fonjallaz-Decurtins, déposée au Conseil national demanda au Conseil fédéral de présenter à l'Assemblée fédérale des propositions en vue de soumettre les accords commerciaux au référendum facultatif. Le Conseil fédéral se prononça contre cette motion, que le Conseil national rejeta à une très forte majorité6). Douze ans plus tard, la convention du Gothard, passée en 1909 avec l'Allemagne et l'Italie, suscita une discussion passionnée sur la question de savoir s'il serait désirable d'instaurer le référendum pour les traités7). Par
la loi sur le rachat de 1898, la Suisse avait décidé de nationaliser les principaux chemins de fer privés. Or l'Allemagne et l'Italie avaient participé au financement de la construction de la ligne du Gothard. Aux termes de la convention de 1909, les deux Etats renonçaient à réclamer le remboursement de leurs subventions. En contre-partie, la Suisse leur accordait la clause de la nation la plus favorisée sur le réseau ferroviaire de la Confédération, garantissant en particulier que la ligne du Gothard ne serait pas traitée moins 5

> Procès-verbal des délibérations du Conseil national 1871-1872, p. 463 à 468; FF 1914 III 452 à 460; H. Gut, Das fakultative Referendum in Staatsvertragsmaterien (thèse Zurich 1940), p. 4 à 19.

« FF 1914 III 460 et 461 ; von Salis, Droit fédéral suisse, vol. 2, n» 415.

') RO 29 (1913) p. 315; cf. Gut, op. cit., p. 22 à 40.

1136 favorablement que n'importe quelle autre ligne alpestre conduisant du nord au sud. La convention du Gothard n'était pas dénonçable et ses adversaires la tenaient pour une grave atteinte à la liberté économique et à la souveraineté du pays. Cent quarante mille citoyens adressèrent à l'Assemblée fédérale une pétition dans laquelle ils lui demandaient de rejeter la convention. Les deux chambres l'approuvèrent néanmoins en 1913, le Conseil national par 108 voix contre 77, le Conseil des Etats par 33 voix contre 9.

.Directement inspiré par l'opposition largement répandue qu'avait suscitée la convention, un comité d'action romand lança une initiative populaire visant à l'institution du référendum facultatif pour les traités internationaux conclus pour une durée indéterminée ou pour plus de quinze ans. Dans un premier rapport de 1914, le Conseil fédéral proposa à l'Assemblée fédérale de rejeter l'initiative8). Dans un second rapport, de 19199), il revint toutefois sur cette proposition. Il estimait que la logique de la démocratie directe faisait tenir pour souhaitable l'institution du référendum dans le cas de traités internationaux. Il présenta cependant un contreprojet aux termes duquel l'Assemblée fédérale, en temps de guerre ou de menace de guerre, pourrait déclarer urgente la décision concernant l'approbation d'un traité et la soustraire ainsi à la votation populaire. Le Conseil national comme le Conseil des Etats se rallièrent toutefois au texte de l'initiative10). L'Assemblée fédérale recommanda ainsi au peuple d'accepter le nouvel article 89, 4e alinéa, de la constitution. La disposition fut acceptée en 1921 par 398 500 voix contre 160 000 et par 20 cantons contre 2.

22 Interprétation L'article 89, 4e alinéa, de la constitution soumet au référendum facultatif tous «les traités internationaux conclus pour une durée indéterminée ou pour plus de quinze ans» («Staatsverträge mit dem Auslande, welche unbefristet oder für eine Dauer von mehr als 15 Jahren abgeschlossen sind», «I trattati internazionali conchiusi per una durata indeterminata o per più di 15 anni»).

Ainsi, seule la durée détermine si un traité est soumis au référendum ou ne l'est pas. Peu importe qu'on ait affaire ou non à un traité contenant des règles de droit, à l'adhésion à une organisation internationale, à un accord commercial
ou à un arrangement administratif. Le fait qu'il s'agit de conclure un nouveau traité, de compléter ou de modifier un traité en vigueur ne joue également aucun rôle1".

8

> FF 1914 III 451 à 475.

: 9> FF 1919 II 208 à 218; cf. Burckhardt, Le droit fédéral suisse, vol. 2,.n° 576.

i») Bui. sten. CN 1920 346; CE 1920 378 à 392.

"> F. Fleiner/Z. Giacometti, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, Zurich 1949, p. 822; Gut, op. cit., p. 68 à 78; Ch. Rousseau dans la Revue générale de droit international public, vol. 64 (1960), p. 630 à 634.

1137 La teneur de l'article 89, 4e alinéa, pouvait laisser un doute sur le point de savoir si les traités qui peuvent être dénoncés avant l'expiration du délai de quinze ans doivent être soumis au référendum. Or, la genèse de cette disposition, la pratique suivie par les autorités fédérales et la doctrine unanime montrent clairement qu'un traité dénonçable avant l'écoulement des quinze ans n'est pas soumis au référendum12'. Le but de cette disposition était, et est encore, d'empêcher la Suisse de s'engager durablement-comme elle l'avait fait dans la convention du Gothard - sans que le peuple ait la possibilité de se prononcer à ce sujet.

Lorsqu'un traité est conclu pour une durée indéterminée ou pour plus de quinze ans, ni le Conseil fédéral ni l'Assemblée fédérale ne peuvent, suivant l'opinion dominante, déclarer qu'il y a urgence et soustraire ainsi le traité au référendum13'.

La pratique et la doctrine n'étaient pas entièrement d'accord sur la question suivante: faut-il ou non soumettre au référendum les traités qui, même s'ils deviennent caducs du fait de leur exécution ou peuvent être dénoncés, donnent naissance à des droits et obligations d'une durée indéterminée14' ? Il était généralement reconnu que les traités portant sur des cessions de territoires, des rectifications de frontières ou des rapports de voisinage doivent être soumis au référendum. Malgré la possibilité de se retirer en tout temps de l'organisation que constitue la Cour internationale de justice, l'adhésion au statut de cette cour a été soumise au référendum parce que les arrêts de la cour peuvent avoir pour la

12) FF 1919 n 213 et 214; Burckhardt, Bundesrecht, vol. 2, nu 576 V; Bui. sten. CN1960 160 à 171 ; CE 1920 390,1960 51 et 52; Thèses du Département politique fédéral du 19 mai 1949 concernant la soumission des traités internationaux au référendum facultatif, Annuaire suisse de droit international, vol. 16 (1959), p. 220 et 221, vol. 19 (1962), p. 176, vol. 20 (1963), p. 67 et 68 ; Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération, fascicule 28 (1958), n° 17; J.-F. Aubert, Traité de droit constitutionnel suisse, vol. 2, Neuchâtel 1967, p. 426; W. Burckhardt, Kommentar der Bundesverfassung, 3e éd., Berne 1931, p. 713 ; Fleiner/Giacometti, op.

cit., p. 822 et 823; P. Guggenheim, Traité de droit international public, vol. 1, 2e éd., Genève 1968, p. 146 et 147 ; Gut, op. cit., p. 70 à 72; H. Huber, Plebiszitäre Demokratie und Staatsverträge (Zum schweizerischen Staatsvertragsreferendum, dans: Festgabe Fraenkel, Berlin 1963, p. 376 et 377; K. Reichlin, Assoziation und Organisation der Rechtssetzung in der direkten Demokratie, Zentralblatt für Staats-und Gemeindeverwaltung, vol. 63 (1962), p. 389 à 392; L. Wildhaber, Vorschläge zur Verfassungsrevision betreffend den Abschluss internationaler Verträge, Revue suisse de jurisprudence, vol. 65 (1969), p. 120.

13 ' Aubert, op. cit., p. 426; Burckhardt, Kommentar, p. 713; FleinerJGlacomeîtl, op. cit., p, 823 ; Gut, op. cit., p. 68. Autre opinion : M. Battelli, Les institutions de démocratie directe en droit suisse et comparé moderne, Paris 1932, p. 52.

14 > Annuaire suisse de droit international, vol. 6 (1949), p. 122 et 123; vol. 7 (1950), p. 210 et 211, vol. 19 (1962), p. 176; L. Wildhaber, Treaty-Making Power and Constitution, Baie-Stuttgart 1971, p. 98.

1138 Suisse des effets d'une durée supérieure à quinze ans. En revanche, les traités bilatéraux d'arbitrage et de conciliation ne lui ont pas été soumis16>.

Lors de l'adhésion de la Suisse à l'Association européenne de libre-échange, l'Assemblée fédérale s'est demandée si elle pouvait soumettre d'elle-même des traités internationaux au référendum ou si la disposition de l'article 89, 4e alinéa, de la constitution était imperative. L'accord instituant l'AELE, était-il constaté, est dénonçable et n'est donc pas soumis au référendum. Au Conseil national, l'Alliance des indépendants, elle surtout, soutint que l'Assemblée fédérale devait en tout temps pouvoir interpréter l'article 89, 4e alinéa, dans un sens large en soumettant au référendum facultatif des traités d'une très grande importance politique. Le peuple étant souverain, il était en tout cas conforme à l'esprit de la constitution de prendre son avis. La majorité du Conseil national, le Conseil des Etats et le Conseil fédéral s'opposèrent à cette manière de voir, estimant que le peuple n'est souverain que dans les limites de la constitution.

Celle-ci n'oblige les autorités fédérales à soumettre au référendum que les traités conclus pour une longue durée. Ces autorités doivent donc tenir compte de la disposition de l'article 89, 4e alinéa16'. L'Assemblée fédérale décida par conséquent de ne pas soumettre au référendum l'accord instituant l'AELE.

Le principe qui vient d'être énoncé est cependant affaibli par le fait que la doctrine et la pratique - allant au-delà de la lettre de l'article 89, 4e alinéa admettent dans deux cas la nécessité d'un référendum, même obligatoire, créé par l'adoption d'un additif constitutionnel qui devrait être accepté par la majorité du peuple et des cantons, à savoir: - pour les traités qui ont des répercussions considérables sur la structure intérieure de la Suisse (p. ex. en cas d'adhésion pleine et entière aux Communautés européennes), - pour les traités qui entraînent un changement fondamental dans la politique étrangère de la Suisse (p. ex. en cas d'adhésion à l'ONU17>).

15)

RO1948 1033 ; cf. D, Schindler sen., Les traités de conciliation et d'arbitrage conclus par la Suisse, Revue de droit international et de législation comparée, vol, 6 (1925), p. 872 à 875; message du 23 novembre 1965 concernant l'approbation des traités de conciliation, de règlement judiciaire et d'arbitrage conclus par la Suisse avec le Cameroun, Costa Rica, la Côte d'Ivoire, la Grande-Bretagne, Israël, le Libéria, Madagascar et le Niger (FF 1965 III151).

«> Bui. sten. CN 1960 96 et 97,116 et 117,125,133,142,144,160,163,165 à 171 ; Bui.

sten. CE 1960 51 et 52; FF 1960 I 907 et 908. Même opinion: Giacometti, Über die rechtliche Zulässigkeit von Volksabstimmungen in nicht-referendumspflichtigen Materien, Revue suisse de jurisprudence, vol. 52 (1956), p. 306, 307, 308; Aubert, op.

cit., p. e417, 444; W. Burckhardt, Kommentar der schweizerischen Bundesverfassung, 3 édition, Berne 1931, p. 712. Dans un arrêt qui n'a malheureusement pas été publié, le Tribunal fédéral a exprimé le même avis en ce qui concerne le référendum bernois de 1966 sur les taxes des trams et déclaré que la compétence ne faisait pas que conférer des droits à une autorité, mais lui imposait aussi 0des obligations dont elle ne pouvait se décharger sur d'autres personnes, Bundn 120 du 27 mai 1969, p. 37.

' «> Cf. Wildhaber. op. cit., (Remarque 14), p. 99, 382 à 384, 394 et 395.

1139 L'approbation des accords conclus le 22 juillet 1972 entre la Suisse et les Communautés européennes a donné enfin l'occasion d'appliquer des considérations outrepassant la théorie soutenue et la pratique suivie jusqu'ici. Le message du 16 août 1972 relatif à ces accords (FF 1972 II 645 s., notamment 724 à 728) expose que, dénonçables avant l'écoulement de quinze ans, les accords ne sont pas soumis au référendum facultatif conformément à l'article 89, 4e alinéa. Comme ils n'ont en outre pas de répercussions sur notre ordre constitutionnel, c'est-à-dire sur la structure intérieure du pays, et ne modifient pas fondamentalement la politique extérieure de la Suisse, il n'y a, était-il dit, aucun motif de les soumettre au référendum obligatoire. Si, néanmoins, il a été décidé de les soumettre à l'approbation du peuple et des cantons, ce n'est pas pour obéir aux dispositions sur le référendum en matière de traités internationaux, mais en raison du fait qu'il s'agit d'une législation au niveau constitutionnel au sens de l'article 121 de la constitution. Ce ne sont d'ailleurs pas des motifs juridiques, ce sont exclusivement des motifs de fond et des raisons politiques qui ont conduit à la solution adoptée. Les accords sont destinés à régler de façon durable les rapports entre la Suisse et les Communautés européennes et constituent de la sorte le noyau de l'ensemble de nos multiples relations avec ces communautés. Ils créent pour notre économie une situation nouvelle. Leur contenu est dès lors d'une telle importance et préoccupe si fortement une partie de l'opinion publique que renoncer à emprunter cette voie - à vrai dire inusitée serait en contradiction par trop flagrante avec l'usage qui veut que, dans d'autres domaines, le souverain participe à la formation du droit interne suisse..

Il ne s'agit nullement, souligne expressément notre message, de créer, en sus du référendum facultatif pour les traités internationaux de longue durée ou non dénonçables et du référendum obligatoire en cas d'atteintes à la structure de l'Etat ou de modification de sa politique extérieure, un nouveau type de "référendum qui introduirait un élément plébiscitaire dans notre régime .des attributions et que l'Assemblée fédérale pourrait prescrire sans toutefois y être obligée, chaque fois que des motifs politiques quelconques
sembleraient justifier une telle procédure.

23 Expériences Le nombre des traités soumis au référendum facultatif prévu par l'article 89, 4e alinéa, n'a pas été très élevé. Les calculs montrent que la proportion est inférieure à 5 pour cent18'. Deux fois seulement le référendum a été demandé: en 1923, le peuple a rejeté à une forte majorité l'accord avec la France sur les zones franches; en 1958, il a accepté l'accord italo-suisse réglant l'utilisation de la force hydraulique du Spöl. Dans le premier cas, des considérations étrangères à l'objet de l'accord (occupation de la Ruhr) ont joué un rôle; dans le second, les adversaires de l'accord n'avaient pas discerné qu'en cas de rejet leurs objectifs ne seraient atteints que dans une plus faible mesure que sous le régime de l'accord.

«) Id., p. 99.

1.140

II y a eu deux cas de référendum obligatoire. En 1920, à une époque où, il est vrai, le référendum facultatif en matière de traités internationaux n'existait pas encore, la question de l'adhésion de la Suisse à la Société des Nations a été l'objet d'un référendum obligatoire. Par son adhésion, la Suisse s'engageait à participer, le cas échéant, à des sanctions économiques. Le Conseil fédéral et l'Assemblée fédérale considéraient cette obligation comme une dérogation si importante à la politique traditionnelle de neutralité qu'ils tenaient une votation populaire pour indispensable. En 1920, le peuple et les cantons acceptèrent l'adhésion par 417 000 voix contre 324 000 et par 11 cantons et demi contre 10 et demi. Pour les raisons déjà indiquées, les deux accrods entre la Suisse et les Communautés européennes du 22 juillet 1972 ont été soumis au référendum obligatoire. Le 3 décembre 1972, le peuple a accepté les accords par 1 345 057 voix contre 509 350; le vote de tous les cantons fut positif.

Certains tiennent aujourd'hui pour peu satisfaisant, encore qu'il ait le grand avantage de la clarté, le critère de la durée que fixe l'article 89, 4e alinéa, pour déterminer si un traité doit ou non être soumis au référendum facultatif. Ce critère ne permet pas, en effet, de tenir compte de la portée politique, juridique ou économique d'un traité. Des accords de peu d'importance, ayant par exemple trait à une rectification de frontière, sont soumis au référendum, tandis que d'autres, d'une portée beaucoup plus grande, tels que l'accord instituant l'AELE, ne sont soumis ni au référendum facultatif ni au référendum obligatoire. Il serait toutefois inexact de dire que tous les traités importants sont soustraits au référendum. Comme nous l'avons exposé, l'adhésion de la Suisse à l'Organisation des Nations Unies ou aux Communautés européennes exigerait le référendum obligatoire. Il est cependant certain que la réglementation actuelle soulève de véritables problèmes. D'une part, il est peu satisfaisant que la soumission de traités au référendum obligatoire ne soit pas prévue dans la constitution elle-même. D'autre part, l'article 89, 4e alinéa, tel qu'il est actuellement rédigé, ne permet pas de soumettre au référendum tous les traités vraiment fondamentaux. Sous le régime actuel, certains traités soumis au
référendum sont donc importants, tandis que d'autres ne le sont pas du tout.

La réglementation actuelle souffre donc de certaines insuffisances. Il est dès lors compréhensible que, ces derniers temps, ceux qui demandent qu'elle soit modifiée sont en nombre de plus en plus grand. Nous examinerons dans le chapitre suivant les propositions de modification qui ont été faites jusqu'ici.

3 Propositions de modification de l'article $9, 4e alinéa, de la constitution 31 Le postulat Jaeckle Le 21 mars 1960, lors du débat relatif à l'approbation de la convention instituant l'AELE, le conseiller national Jaeckle a déposé un postulat invitant le Conseil fédéral à soumettre aux conseils législatifs un projet de révision de

114.1 l'article 89, 4e alinéa, de la constitution. Il proposait que les traités «d'une grande importance économique» soient soumis au référendum facultatif. Le Conseil national accepta le postulat le 7 mars 1962. A cette occasion, le chef du Département politique déclara, au nom du Conseil fédéral, qu'il n'était pas satisfaisant que les traités soient soumis au référendum selon le seul critère de leur durée. Il ajouta cependant qu'il ne serait guère préférable de substituer au critère de la durée, celui de la forme, de la désignation ou du caractère multilatéral des traités. Il est donc extrêmement difficile, disait-il, de trouver un meilleur critère sans porter atteinte à la capacité de la Suisse de conclure des traités et à son crédit en politique étrangère 19>, 32 La proposition du Redressement national Dans un mémoire rédigé par Kurt Reichlin et Rudolf Rohr, le Redressement national a commenté une proposition qu'avait élaborée en 1964 une commission d'étude instituée par cette organisation20). La commission partait de la considération que les traités internationaux, en particulier ceux de caractère normatif, devenaient toujours plus nombreux et plus importants et que le principe de la démocratie directe exigeait qu'à l'instar des sources du droit interne, ils soient soumis au référendum et, partant, à l'action directe du peuple.

La commission proposait par conséquent d'abroger l'article 89, 4e alinéa, et de le remplacer par une disposition ayant la teneur suivante: Les traités internationaux qui ne sont pas compatibles avec la constitution doivent être soumis à l'adoption ou au rejet du peuple et des cantons. Si la dérogation est d'importance minime, le traité international ne doit être soumis à l'adoption ou au rejet du peuple et des cantons que lorsque la demande en est faite par 30 000 citoyens actifs ou par huit cantons.

Les traités internationaux qui ont trait à des objets de la législation doivent être soumis à l'adoption ou au rejet du peuple lorsque la demande en est faite par 30 000 citoyens actifs ou par huit cantons. Sont exceptés les traités pour lesquels une loi fédérale ou un arrêté fédéral de portée générale prévoit une dérogation.

L'article 89Ws est applicable aux traités internationaux.

33 L'avis de spécialistes du droit public suisse Le professeur Dietrich Schindler a approuvé -la proposition de la commission d'étude du Redressement national, mais avec une réserve prudente21>.

Partant de la réglementation peu satisfaisante de l'article 89, 4e alinéa, il voyait dans ce projet une invitation bienvenue à revoir tout le problème de façon approfondie. Selon le professeur Schindler, il convient de mettre- en balance, d'une part, les difficultés que pourrait susciter le développement du référendum "> Bui. sten. CN 1962 54 à 56, 1965 578.

20 > K. ReichlînIR, Rohr, Notwendiger Ausbau des Staatsvertragsreferendums, Zurich 1965.

> Ausbau des Staatsvertragsreferendums, NZZ n° 3260 du 7 août 1965.

21

1142 en matière de traités internationaux sur le plan de la politique étrangère et, d'autre part, le malaise que pourrait provoquer, sur le plan de la politique intérieure, l'absence de référendum.

D'un autre avis, le professeur Hans Huber a vivement critiqué les propositions de la commission d'étude, estimant que développer le référendum équivaudrait à appliquer la démocratie à un objet inadéquat. Les traités internationaux, expose-t-il, tirent leur origine de négociations bilatérales ou multilatérales. Soumettre ultérieurement le résultat de ces négociations, c'est-àdire les traités élaborés, à un débat sur le seul plan national, serait faire passer la Suisse pour un partenaire auquel on ne peut se fier. Il y a, sur le plan du droit international, un grand besoin d'étendre le réseau des traités. Il importe donc de ne pas rendre plus difficile leurs conclusions, mais, au contraire, de la faciliter.

Le professeur Huber s'oppose par conséquent au développement du référendum dans le domaine qui nous occupe 22>.

Le professeur Max Imboden a critiqué la proposition de développer le référendum pour les traités internationaux en considérant surtout qu'il s'agissait d'un cas douteux de création d'un droit constitutionnel sur un point particulier. La réalisation de la proposition susciterait, selon lui, des tensions et des inégalités. Seul un nouvel examen des principes fondamentaux pourrait rendre à la constitution l'équilibre intérieur qui lui manque. Le professeur Imboden était ainsi d'avis que la revision de l'article 89, 4e alinéa, n'était pas urgente. Il envisageait néanmoins la possibilité de soumettre au référendum facultatif toutes les catégories de traités (même ceux de durée limitée) contenant des règles de droit, là où une loi fédérale ne prévoit pas une dérogation 23>.

Le professeur Luzius Wildhaber, lui aussi, se montre réservé à l'égard d'une extension du référendum 24>. Tout en reconnaissant que le souci fondé de rendre notre politique extérieure plus démocratique mérite la sympathie, il se demande si la voie proposée conduirait au résultat désiré. Dans le processus de l'édification du droit, la fonction première du référendum est «d'être, pour des groupements d'intérêts, l'instrument propre à amener les autorités à tenir compte de leurs voeux et d'être un moyen ingénieux d'aboutir à un
consensus ou à un compromis entre les groupements ayant des intérêts divergents». Droit créé pour le peuple, le référendum ne devrait cependant pas devenir un droit à l'usage des associations. Le professeur Wildhaber propose d'instituer le référendum obligatoire pour l'adhésion à des organisations au service de la sécurité collective ou à des 22

> Umbruch und Ausdehnung des Staatsvertragsreferendums? NZZ n° 3328 du 13 août 1965 et n° 3338 du 14 août 1965; cf. aussi l'article cité sous remarque 12.

> Die Ausweitung des Staatsvertragsreferendums und die Bundesverfassung, NZZ n° 3910 du 22 septembre 1965.

2 "> Vorschläge zur Verfassungsrevision betreffend den Abschluss internationaler Verträge, Revue suisse de jurisprudence, vol. 65er (1969), p. 120 et 121 ; Ausweitung des Staatsvertragsreferendums? NZZ n" 99 du 1 mars 1970; Treaty-Making Power and Constitution, p. 100 à 106; Neuordnung des Staatsvertragsreferendums, Basler Juristische Mitteilungen 1971, fascicule 4, p. 155 à 172.

23

1143

organisations supranationales. Il recommande en outre d'attribuer à l'Assemblée fédérale la compétence de soumettre au référendum facultatif les traités qui ont une grande portée.

34 Les avis recueillis par le groupe de travail pour la préparation d'une revision totale de la constitution fédérale À la an des années soixante, les partis suisses, les cantons et les universités, ainsi que les associations et organisations intéressées, ont exprimé au groupe de travail présidé par l'ancien conseiller fédéral Wahlen leur avis concernant la revision totale de la constitution et fait part, en particulier, de leurs propositions visant la modification de l'article 89, 4e alinéa.

Analyser tous les avis communiqués au groupe de travail irait trop loin. On peut dire grosso modo qu'il s'en dégage deux tendances principales. Pour certains, il s'agirait d'introduire dans la constitution une disposition disant expressément que la décision d'adhérer à une organisation de sécurité collective ou à une organisation supranationale doit être soumise au référendum, obligatoire ou facultatif. D'autres voudraient que toute cession de droits de souveraineté fût soumise au référendum. Les tenants de cette opinion demandent que les traités internationaux soient mis sur le même pied que les sources du droit interne (constitution, loi, ordonnance). Il s'ensuivrait que les traités qui modifient la constitution devraient être soumis au référendum obligatoire, que ceux qui modifient une loi le soient au référendum facultatif, tandis que ceux qui sont au niveau de l'ordonnance y échapperaient.

En septembre 1973, le groupe de travail publia son rapport final. Au chapitre 14 («Relations avec les Etats étrangers et les organisations internationales; l'intégration»). Sous chiure IX, il s'exprime sur les problèmes que soulève l'institution du référendum en matière de traités internationaux 25>. Il le fait en connaissance de la revision en cours et de l'initiative populaire de l'Action nationale.

Le groupe de travail recommande de supprimer le référendum facultatif pour les traités d'une durée supérieure à quinze ans. Il reconnaît que le constituant peut choisir principalement entre trois possibilités: - exclusion de tout référendum facultatif - abstraction faite des décisions particulièrement importantes pour la politique extérieure,
lesquelles sont soumises au référendum obligatoire; - choix d'un critère concret, considéré comme moyen relativement approprié pour déterminer s'il s'agit d'un traité «de grande importance»; a6

> Rapport final du groupe de travail pour la préparation d'une revision totale de la constitution fédérale, VI, 1973, Office central fédéral des imprimés et du matériel, 3003 Berne, p. 719 à 725.

1144 - compétence donnée à l'Assemblée fédérale de décider quels traités elle veut soumettre au référendum facultatif en raison de leur grande importance.

Aucune de ces trois solutions n'a pu satisfaire" pleinement le groupe de travail. Et c'est pourquoi aucune d'elles ne rencontra l'approbation de tous ses membres. Après avoir examiné et pesé les solutions possibles et leurs variantes, le groupe de travail s'est borné à conclure que le référendum obligatoire se justifie pour une adhésion à l'ONU et à la CEE et que, dans les autres domaines de la politique étrangère, il importe de ne reconnaître qu'avec réserve des droits au peuple.

35 Les motions Hummler et Luder Dans deux motions identiques du 12 juin 1969, M. Hummler, conseiller national, et M. Luder, député au Conseil des Etats, ont invité le Conseil fédéral à présenter à l'Assemblée fédérale un rapport et des propositions concernant une revision de l'article $9, 4e alinéa, de la constitution, le but étant de «permettre au peuple et aux cantons d'exercer l'influence qui convient sur des décisions importantes en matière de politique extérieure lorsque celles-ci ont des effets sur le droit national». Les deux motions ont été adoptées le 12 mars 1970.

Dans sa réponse, le chef du Département politique a souligné que le Conseil fédéral se rendait compte qu'il serait difficile de trouver une solution appropriée, équilibrée à tous égards. Il reconnut que les critères appliqués pour résoudre la question du référendum facultatif n'étaient pas satisfaisants.

36 La motion Breitenmoser Par une motion du 8 juin 1970, le conseiller national Breitenmoser a demandé de procéder à une consultation populaire portant sur les diverses possibilités d'une adhésion de la Suisse aux Communautés européennes ainsi que sur la décision de rester délibérément à l'écart. La motion suggérait de demander éventuellement en même temps l'avis du peuple au sujet de l'adhésion aux Nations Unies. Nous avons proposé au Conseil national de rejeter la motion, déclarant que notre droit public ne permettait pas de demander au peuple de se prononcer à titre purement consultatif. Ni le Conseil fédéral ni l'Assemblée fédérale, exposions-nous, ne peuvent se décharger de la sorte sur le peuple de leurs responsabilités concernant la conduite de la politique et la gestion des affaires de
l'Etat. Etant donné que, suivant le résultat de négociations en cours ou la situation politique de l'heure, l'objet de la consultation pourrait varier sur des points essentiels, on n'aurait aucune certitude quant à l'issue de la votation définitive. Une telle consultation entraverait en outre gravement la liberté de mouvement de la délégation suisse aux négociations avec les Communautés européennes. Le Conseil national s'est rallié à ces considérations et, à la fin de septembre 1970, a rejeté la motion Breitenmoser à une forte majorité.

1145 37 L'initiative Aider Le 25 septembre 1972, le conseiller national Aider a déposé l'initiative ciaprès : L'article 89 de la constitution fédérale doit avoir la teneur suivante: 1. Les lois fédérales 2. Les lois fédérales 3. Les arrêtés concernant les traités internationaux conclus pour une durée indéterminée ou contraires à des dispositions de la constitution fédérale sont soumis à l'adoption ou au rejet du peuple.

4. Les arrêtés fédéraux concernant d'autres traités sont soumis à l'adoption ou au rejet du peuple s'ils sont contraires à des lois fédérales ou à des arrêtés fédéraux de portée générale et si la demande en est faite par 30 000 citoyens actifs ou par huit cantons.

Il y a lieu de noter que les 3e et 4e alinéas du texte de l'initiative ne prévoient que la consultation du peuple.

38 Le postulat Leu Le 6 décembre 1972, M, Leu, député au Conseil des Etats, a déposé le postulat suivant: Pour des raisons de politique générale et sans y être tenus par la constitution, les conseils législatifs ont décidé, après des délibérations approfondies, de soumettre au vote du peuple et des cantons l'accord de libre-échange conclu avec la CEE.

Il conviendrait d'examiner s'il n'y aurait pas lieu d'insérer dans la constitution une disposition qui permettrait plus tard de soumettre au référendum ou au vote du peuple et des cantons une affaire particulièrement importante dans des cas où la constitution ne prévoit pas de votation populaire. Cette disposition devrait donner aux conseils législatifs le pouvoir de soumettre de leur propre chef, par une décision prise à la majorité qualifiée, un arrêté important au référendum facultatif ou, directement, au vote du peuple.

Le Conseil fédéral est invité à étudier les avantages et les désavantages d'une telle disposition constitutionnelle et à faire rapport à ce sujet.

Le Conseil des Etats a accepté ce postulat le 12 mars 1973.

39 L'initiative de l'Action nationale contre la pénétration étrangère Déjà à la fin du mois de mars 1971, l'assemblée des délégués de l'Action nationale contre la pénétration étrangère annonçait qu'elle allait lancer une initiative visant à introduire un référendum facultatif s'appliquant à tous les traités sans exception, et même avec effet rétroactif. Cette initiative a abouti. Sur les 59 457 signatures à l'appui de la demande déposée le 20 mars (cf. FF 7975 I 1028), 58 502 ont été reconnues valables. L'initiative a la teneur suivante:

1146 La constitution fédérale du 29 mai 1874 est complétée comme il suit: I

Art. 89, 3' al.

Les traités internationaux conclus pour une durée déterminée ou indéterminée sont également soumis à l'acceptation ou au rejet par le peuple lorsque la demande en est faite par 30 000 citoyens actifs ou par huit cantons.

Art. 89, 4e al.

Abrogé II e

L'article 89, 3 alinéa, entre en vigueur aussitôt après son acceptation par le peuple et les cantons et l'adoption de l'arrêté de validation par l'Assemblée fédérale.

Le délai référendaire commence à courir au même moment pour les traités internationaux en vigueur qui ont été conclus pour une durée déterminée.

Le comité d'initiative renonce à la clause de retrait.

Le texte déterminant est le texte allemand.

4 Motifs pour ou contre un développement du référendum en matière de traités internationaux Pour pouvoir apprécier les diverses propositions tendant à revoir l'article 89, 4e alinéa, il est nécessaire tout d'abord de bien considérer les avantages et les inconvénients que présente en cette matière le référendum dans le droit public suisse26). C'est ce que nous allons faire dans le chapitre suivant.

41 Motifs en faveur d'un développement du référendum Les partisans d'un développement du référendum en matière de traités internationaux estiment que, dans une démocratie semi-directe, la relation entre la procédure à suivre pour la législation purement interne et l'oeuvre d'harmonisation et de création du droit par la voie de conventions internationales n'est plus équilibrée et doit être revue. Ces conventions deviennent de plus en plus nombreuses et importantes. Les questions de portée générale, qui étaient réglées autrefois par le droit national autonome, sont et seront de plus en plus l'objet d'accords bilatéraux ou multilatéraux. Le réseau toujours plus serré des 26

> Voir surtout à ce sujet les auteurs cités sous rem. 20 à 24 et les messages du Conseil fédéral cités sous rem. 8 et 9.

1147 relations internationales et l'interdépendance croissante des Etats exigent des accords dans des matières toujours plus nombreuses. Surtout dans le cadre du Conseil de l'Europe et des Communautés européennes, on discerne une forte tendance à l'harmonisation et au rapprochement des législations nationales dans divers domaines du droit. En outre, plusieurs organisations internationales, en particulier les Nations Unies et leurs institutions spécialisées, l'OCDE et l'AELE ainsi que, ici encore, le Conseil de l'Europe et les Communautés européennes, prennent des décisions et adoptent des résolutions concernant l'exécution et la concrétisation de leur statut organique, et ces décisions engendrent parfois également des règles de droit. Ainsi, de nombreux traités internationaux contiennent des dispositions qui sont importantes pour le citoyen et lui sont, le cas échéant, directement applicables.

La procédure interne d'élaboration des traités internationaux se distingue principalement sur deux points de la procédure législative interne. Ces deux points sont la procédure préliminaire et la soumission au référendum. Conformément aux directives que nous avons arrêtées en 1970 au sujet de la procédure préliminaire en matière de législation, des procédures de consultation doivent aussi être organisées pour les traités internationaux présentant une grande importance politique. Cependant, il n'est peut-être pas possible d'attacher à l'avis des cantons, partis, associations et autres groupements intéressés le même poids que dans la procédure d'élaboration du droit interne. Lorsqu'il s'agit de.

traités bilatéraux, les propositions de modification présentées dans la procédure de consultation doivent rencontrer l'approbation non seulement des autorités fédérales, mais aussi du partenaire étranger. Dans le cas des traités multilatéraux et avant tout pour ceux qui sont quasi universels, il est de toute façon très difficile de tenir compte des désirs des divers groupes nationaux intéressés.

Pour ce qui est du référendum, l'article 89, 4e alinéa, tel qu'il est actuellement rédigé, ne permet pas d'y soumettre tous les traités ayant un caractère normatif. Ainsi que nous l'avons relevé, la durée du traité est, en l'occurrence, seule déterminante, alors que toutes les lois qui contiennent des règles de droit sont
soumises au référendum facultatif. Il y a là, assurément, une certaine contradiction. Sous le régime actuel, il peut arriver qu'un traité contenant des règles de droit, et non soumis au référendum, modifie des dispositions législatives qui y avaient été soumises. Il serait dès lors conforme à la logique de notre démocratie semi-directe de développer l'institution du référendum facultatif de façon que les traités contenant des règles de droit lui soient soumis tout comme les lois.

Cette idée est étroitement liée à une autre. Les partisans d'une extension du référendum en matière de traités internationaux pensent que la politique étrangère deviendrait ainsi plus démocratique. Il s'agirait pour eux d'intéresser le peuple suisse aux relations internationales et aux problèmes de politique étrangère en faisant davantage appel à ses décisions. Cette extension dépend en définitive, estiment-ils, du jugement qu'on porte sur le peuple. Penser que si le

1148 peuple est capable de prendre des décisions importantes en politique intérieure, il n'en va pas de même en politique étrangère, c'est ne pas reconnaître les fondements mêmes de notre Etat, Comme l'a exprimé l'un des motionnaires, ce serait une manière de s'agripper avec résignation à la bouée de sauvetage que constitue l'idée d'une démocratie faite pour l'élite 27>. Si, au contraire, le peuple était appelé à prendre des décisions en matière de politique étrangère, on pourrait attendre de lui qu'il se montre digne de cette responsabilité. Un pouvoir de décision dans lés affaires étrangères accroîtrait le besoin d'information. Cela conduirait à étendre et à améliorer l'information sur les engagements internationaux de la Suisse et à faire cesser un certain manque d'intérêt et le scepticisme que les Suisses manifestent parfois à l'endroit des problèmes internationaux. Ce serait la seule façon d'éviter que le sentiment de n'avoir aucune action sur la politique étrangère ne crée un certain malaise dans le peuple. Ce n'est que si le référendum était développé qu'on aurait l'assurance que peuple et autorités pourront se mettre régulièrement d'accord sur la politique à suivre envers l'étranger.

42 Motifs s'opposant à un développement du référendum Les adversaires d'un développement du référendum craignent surtout que la liberté de mouvement de la Suisse en politique étrangère ou, comme on l'appelle souvent, son «aptitude à contracter» ne soit mise en péril. Ils émettent diverses considérations pour expliquer cette crainte; les arguments invoqués, notamment par le professeur Hans Huber, peuvent être résumés comme il suit : Un traité, bilatéral ou multilatéral, s'élabore dans des conditions qui ne sont pas du tout les mêmes que pour des textes de droit interne 2S). Lors de l'élaboration des lois, seules des considérations de politique intérieure sont généralement déterminantes. Les cantons, les partis, les associations, les groupements d'intérêts, les experts, les responsables des moyens de communication de masse, l'administration, le gouvernement et les membres du parlement peuvent exposer leur manière de voir au cours d'une procédure équilibrée. Si un projet échoue, on peut en présenter un autre et, si une loi ne donne pas satisfaction, on peut l'abroger ou la modifier. Mais croire que les traités
peuvent s'élaborer comme les lois, c'est ignorer la nature des choses, c'est faire preuve d'un égocentrisme malsain, d'un étroit esprit de clocher (eine nationale Introvertiertheit). Les traités sont le fruit d'âpres négociations. Ils doivent concilier des intérêts opposés et dégager les intérêts communs. Pour qu'un traité voie le jour, il faut que chaque partie en approuve le projet. Et si les parties ne peuvent s'entendre sur tel ou tel projet, l'espoir d'un compromis ultérieur est souvent définitivement éteint.

27) Propos tenus par le conseiller aux Etats Luder à la réunion de la Société suisse pour la politique étrangère consacrée au référendum en matière de traités internationaux, à Fribourg, le 19 février 1971.

28) Voir les publications du professeur Huber citées sous remarques 12 et 22.

1149 II en va notamment ainsi des importants traités multilatéraux qui codifient le droit international général ou le développent, ou qui créent des organisations internationales. La mise sur pied de ces accords qui contiennent des normes uniformes, applicables dans tous les Etats, répond à un urgent besoin. Elle prend beaucoup de temps et exige de grands efforts. Souvent plus de cent Etats sont parties à ces accords. Si la Suisse, à la suite d'un vote populaire négatif, devait rejeter un traité élaboré à grand-peine, il est tout à fait inconcevable que des négociations puissent être engagées pour obtenir qu'il soit tenu compte de ses voeux particuliers. Le seul résultat serait que notre pays resterait à l'écart, avec tous les inconvénients d'une telle situation.

Il existe entre les traités internationaux et le droit national une différence fondamentale. Alors que, pour ce dernier, l'Etat est seul législateur et dispose d'une large liberté, d'action, les traités sont le fruit de la collaboration de plusieurs Etats. Le droit international se situe donc sur un autre plan. Il s'ensuit que sa création diffère de celle du droit interne.

L'information du peuple dans le cas des votations portant sur des traités internationaux pose aussi un problème. On ne saurait attendre du Conseil fédéral qu'il expose toutes ses arrière-pensées, la tactique dont il a usé dans les négociations, ses instructions à la délégation et les attitudes prises par les autres parties. Il affaiblirait ainsi la position de la Suisse dans de futures négociations, fournirait des arguments à l'opposition intérieure et ferait tenir la Suisse pour un partenaire qui peut réserver des surprises ou même peu digne de confiance. Mais si le Conseil fédéral ne peut donner toutes les informations, il doit nécessairement faire appel à la confiance des citoyens. Chaque campagne référendaire relative à un traité international revêt ainsi un certain caractère de plébiscite. Le référendum risque dans ces conditions de dégénérer en une manifestation de confiance ou de défiance à l'égard du Conseil fédéral et de l'Assemblée fédérale ou du partenaire étranger. Tel n'est toutefois pas le sens et le but du référendum. Une discussion publique objective et menée en connaissance de cause doit permettre à la votation d'apaiser les esprits, de rapprocher
peuple et autorités, de les «intégrer».

Au reste, il importerait, d'une façon toute générale, de garder la mesure dans la compagne précédant la votations. Une politique étrangère démocratique commande de discuter publiquement les traités conclus par la Suisse, mais il ne faudrait pas que le renom international de la Confédération pâtisse du fait que des traités conclus avec un même pays auraient été rejetés les uns après les autres en votation populaire, que des campagnes de presse haineuses seraient déclenchées contre des partenaires étrangers ou que le peuple refuserait l'adhésion à des organisations quasi universelles, telles que les Nations Unies ou à des traités généralement reconnus, comme la Convention européenne des droits de l'homme. De surcroît, le crédit et l'impartialité de la politique de neutralité pourraient être mis en question si une votation portant sur un traité prenait le caractère d'une manifestation de sympathie ou d'hostilité systématique à Penule fédérale, 126° année. Vol. IL

80

1150 l'égard de certaines puissances étrangères. Enfin, nos partenaires pourraient être tentés d'intervenir directement ou indirectement dans la campagne précédant la votation pour faire passer le traité qu'ils désirent obtenir. Il est hors de doute que la Suisse repousserait de telles immixtions, mais elle y serait néanmoins exposée.

Pour tous ces motifs, des conseillers fédéraux et des hauts fonctionnaires ont exprimé plusieurs fois la crainte qu'un référendum élargi ne gêne la Suisse dans ses relations internationales. A cela s'ajoute que la procédure du référendum retarderait de plusieurs mois l'entrée en vigueur d'un traité. Or un tel retard ne serait pas toujours supportable, en particulier pour les accords commerciaux et financiers.

A l'argument qui consiste à dire que l'extension du référendum en matière de traités internationaux répondrait à la logique de notre démocratie, les adversaires rétorquent qu'en politique aucun principe ne doit être appliqué jusque dans ses dernières conséquences. Tout principe peut être poussé à l'absurde et se détruire lui-même. Les constitutions qui ont donné le plus largement satisfaction reposent sur quelques principes qui s'étayent et se limitent réciproquement. Aussi, de nombreuses initiatives visant à l'extension des droits populaires ont-elles été rejetées par le peuple. Tel fut le cas de celles qui concernaient l'élection du Conseil fédéral par le peuple, le référendum financier et l'initiative législative. Tant qu'il est possible d'opposer des raisons sérieuses à une extension excessive du référendum en matière de traités internationaux, on ne saurait, pour satisfaire la seule logique de la démocratie, compromettre le crédit et l'aptitude de la Suisse à contracter.

A l'argument suivant lequel il s'agit en définitive de savoir si l'on veut faire confiance au peuple, on objecte que c'est là une fausse manière de voir les choses. Dans la réalité de la vie constitutionnelle d'aujourd'hui, à l'échelon fédéral, le référendum n'est pas seulement une institution qui donne au peuple la possibilité d'accepter ou de rejeter le droit élaboré par les autorités. Ses effets sur la procédure préliminaire et sur l'élaboration des lois sont presque plus importants. Considéré sous cet angle, il est à la fois un instrument permettant aux groupements d'intérêts d'obtenir
des autorités ce qu'ils en attendent et un instrument pour la formation d'un consensus et d'un compromis entre les groupes dont les buts divergent. En devenant un instrument extrêmement efficace des associations pour leur politique 29), ce droit du peuple est devenu un droit des associations 30>. Cela a eu pour effet que la Suisse, de démocratie

TM H, Huber, Staat und Verbände, Tubingùe 1958, p. 25.

> L. Wildhaber, Neuordnung des Staatsvertragsreferendums, Basler Juristische Mitteilungen 1971, fascicule 4, p. 161.

30

1151 fondée sur l'idée de votation, est devenue une démocratie à base de négociation31'.

Enfin il peut arriver, l'expérience nous l'apprend, que, lors d'un référendum relatif à un traité international, des considérations sans rapport avec son objet, telles qu'une xénophobie générale où l'hostilité envers un Etat, exercent leurs effets dans une mesure particulière.

Il faut aussi tenir compte de la participation toujours plus faible aux votations. Une petite majorité - qui serait en réalité une minorité - suffirait pour rejeter un traité, ce qui aurait pour conséquence d'amener l'étranger à se demander si notre pays est réellement apte à conclure des traités.

En rendant plus difficile la conclusion de traités, le référendum contrecarre les efforts qui tendent à animer la politique extérieure. A une époque d'interdépendance universelle et de développement accéléré de tous les rapports, cette entrave paraît contraire au bon sens.

43 Motifs de rejeter l'initiative de l'Action nationale Pour les raisons générales énoncées sous chiffre 42, l'acceptation de l'article constitutionnel proposé par l'initiative de l'Action nationale porterait une atteinte excessive à la conduite de notre politique étrangère et nuirait forcément au crédit de la Suisse à l'étranger. Suivant la manière dont le texte de l'initiative serait interprété, il pourrait se produire de graves violations du droit international, comme nous l'expliquerons ci-après.

L'initiative de l'Action nationale veut étendre le référendum à tous les traités. Elle ne prend pas du tout en considération la question de savoir s'il s'agit de l'adhésion à une organisation internationale importante ou d'un accord tout à fait secondaire assurant l'exécution d'une convention. II n'est pas question de savoir si un traité est urgent et important, s'il exerce des effets sur la législation interne, s'il est de longue durée. Or ce référendum étendu à tous les traités porterait gravement atteinte à la capacité d'agir en politique étrangère et au crédit international de la Suisse. Qui plus est, il dépasserait son but, et largement. La Suisse conclut chaque année quelque 70 à 80 traités, dont un grand nombre sont de simples accords d'exécution, situés au même plan que les ordonnances. Une douzaine au plus - et même moins la plupart du temps présentent un intérêt politique suffisant pour que la campagne à entreprendre avant la votation se justifie.

31

> L. Neidhart, Plebiszit und pluralitäre Demokratie, Berne 1970, en particulier p. 287 à 319. Cf. également K, Eichenberger, Die oberste Gewalt im Bunde (thèse Berne 1949); du même auteur, Rechtssetzungsverfahren und Rechtssetzungsformen in der Schweiz, Revue de droit suisse, vol. 73 (1954 H), p. la à 118a; M. Flückiger, Die Anhörung der Kantone und der Verbände im Gesetzgebungsverfahren (thèse Berne 1968); B, A, Jenny, Interessenpolitik und Demokratie In der Schweiz, dargestellt am . Beispiel der Emser Vorlage (thèse Bàie 1966); G. Kocher, Verbandseinfluss auf die Gesetzgebung (thèse Berne 1967).

1152

. .

·

La disposition transitoire dont l'initiative est assortie prescrit qu'aussitôt après l'acceptation du nouvel article constitutionnel par le peuple et les cantons, le délai référendaire commencera à courir pour tous les traités avec l'étranger actuellement en vigueur, limités dans le temps et par conséquent non soumis au référendum en matière de traités internationaux.

Le texte de l'initiative ne dit pas ce qui arriverait dans le cas où il y aurait référendum et où le traité serait rejeté dans la votation. Deux conséquences peuvent être envisagées: ou bien l'issue négative du référendum amène la Suisse à mettre fin au traité de façon immédiate, unilatéralement et contrairement à ce qui a été convenu. Ou bien le Conseil fédéral est contraint, en dérogation à la règle suivant laquelle il décide lui-même de la dénonciation des traités 33>, de dénoncer le traité pour la plus prochaine date possible. Etant donné que, comme l'a reconnu le Tribunal fédéral dans sa jurisprudence la plus récente,33) le droit national doit être interprété d'une manière conforme au droit international, la première conséquence envisagée doit être écartée. Seule la seconde est acceptable.

Mais cette seconde conséquence suscite également des craintes sérieuses. Il n'est pas possible de mener en Suisse des campagnes référendaires relatives à des traités déjà en vigueur sans avoir aucun égard pour les autres parties à ces traités. Prendre quelques traités parmi les nombreux qui nous lient envers tel ou tel Etat et y mettre fin par la voie du référendum qui nous est proposée est chose impossible. Celui qui prétend désigner tel ou tel traité pour qu'il y soit mis fin met en danger tout l'édifice des relations contractuelles ou autres avec le pays concerné et compromet en même temps le bon renom de la Suisse.

Mais la première conséquence doit aussi être examinée. Le rejet d'un traité dans la votation populaire signifierait qu'il y est mis fin immédiatement et unilatéralement, sans observation du délai de dénonciation. Cette annulation d'un traité dénonçable, mais surtout d'un traité indénonçable, sans l'assentiment de l'autre partie constituerait au plus haut degré une violation du principe «pacta sunt servanda». Elle serait un acte que le droit international ne saurait reconnaître et qui entraînerait la responsabilité internationale
de la Suisse.

Notre rapport sur l'initiative dite de Rheinau ainsi qu'une partie de la doctrine admettent qu'il n'y a pas de limites matérielles, même du fait du droit international, à une revision constitutionnelle, de sorte que le contenu d'aucune initiative ne peut être déclaré contraire à la constitution 34>. L'argument 32

> Cf. L. Wildhaber; Treaty-Making Power and Constitution, 1971, p. 249, ainsi que les citations mentionnées.

33) ATF 94 I p. 678 et 679.

84 > FF 1954 I 714 à 726; J.-F. Aubert: Traité de droit constitutionnel suisse, vol. 1 (1967), p. 130 à 139; W. Burckhardt; Kommentar BV (3e édit. 1931), p. 815. En revanche K. Spüler; Die Schranken der politischen Rechte nach der Verfassung der Sthwckeiischeu Eidgenossenschaft (thèse Zurich 1962), p. 302 et 303, considère 1'ensenible du droit international comme une limite matérielle à la revision de la constitution.

1153

déterminant réside dans le fait que le principe suivant lequel le droit international prime le droit national n'a pas été reconnu jusqu'ici comme une règle de droit ayant force obligatoire. On reconnaît, au contraire, qu'il peut y avoir un droit national en contradiction avec le droit international et que, dans ce cas, chaque Etat est, il est vrai, tenu de mettre ordre à la situation et de verser, éventuellement, des dommages-intérêts à la partie lésée.

Mais une initiative dont l'acceptation entraînerait la rupture unilatérale de n'importe quel traité liant la Suisse violerait manifestement le droit international. Or, la petite Suisse a le plus grand intérêt à ce que le droit international soit respecté et que soit respectée également une morale internationale. Il serait extrêment regrettable qu'elle prenne librement place parmi les Etats qui violent le droit. Il importe de rejeter l'initiative de l'Action nationale pour que cela ne se produise pas.

5 Propositions du Conseil fédéral pour une nouvelle rédaction de l'article 89, 4e alinéa, de la constitution Le chef du Département politique fédéral a institué une petite commission d'experts pour éclaircir les questions que soulèvent les motions Hummler et Luder. Elle est composée de MM.

-

Hans Huber, professeur, à Mûri/Berne, Eduard Zellweger, ancien député au Conseil des Etats, à Zurich, Jean-François Aubert, professeur, conseiller national, à Corcelles/NE, Luzius Wildhaber, professeur, à Bolligen, Paul Zweifel, sous-directeur à la Division de la justice du Département fédéral de justice et police, - Rudolf L. Bindschedler, ambassadeur, jurisconsulte du Département politique fédéral (président).

La commission a examiné les divers aspects du problème et les solutions concevables. Nous nous appuyons en grande partie sur ses conclusions.

Nous présenterons et motiverons nos propositions en gardant constamment à l'esprit les propositions de revision susmentionnées et les raisons qui plaident pour ou contre l'extension du référendum en matière de traités internationaux.

1154 51 Appréciation générale Jl nous semble que la discussion qui s'est déroulée jusqu'ici au sujet de la réforme du référendum en matière de traités internationaux a suscité plusieurs idées intéressantes et qu'on peut constater une remarquable concordance des opinions. Chacun paraît admettre qu'il est légitime que le peuple soit non seulement informé des décisions importantes concernant la politique extérieure mais puisse aussi les influencer. Selon une opinion largement répandue, notamment dans la doctrine, il importe cependant que le développement du référendum ne restreigne pas à l'excès notre liberté de mouvement en politique étrangère et ne compromette pas la crédibilité et le sérieux de notre action sur le plan international. L'idéal de notre démocratie ne réside pas dans son développement désordonné, ni dans la création du plus grand nombre possible d'institutions de la démocratie directe. Il faut, semble-t-il, s'efforcer plutôt de concentrer le droit de participation du peuple sur l'essentiel, en écartant tout ce qui n'est pas important. L'un des deux motionnaires parle de «mesure et d'équilibre, d'aménagement approprié des institutions, de mode de réaliser de façon optimale la démocratie comme forme d'organisation de l'Etat et comme forme de vie, mais en observant le principe de l'Etat de droit»35'.

La doctrine suisse attribue différentes fonctions aux droits populaires30', Elle y voit des éléments de liaison, de légitimation et d'intégration dans la structure de l'Etat. En exerçant ses droits, le peuple participe au processus de formation de la volonté nationale. Des secteurs de l'activité de l'Etat sont ainsi soumis à la discussion publique et le peuple a voix au chapitre. Les votations renseignent également sur l'état de l'opinion publique dans telle ou telle question. L'approbation que donne le peuple à la proposition des autorités confère aux règles de droit un caractère obligatoire et leur donne un fondement démocratique. On attend aussi des droits populaires qu'ils tiennent en éveil l'intérêt du citoyen pour la chose publique, qu'ils encouragent le peuple et les autorités à agir de concert, qu'ils atténuent les tensions et empêchent les heurts.

Ils sont, qui plus est, un instrument de contrôle et de limitation du pouvoir. Ils permettent de contrôler politiquement comment celui-ci
est exercé par les autorités. Ce contrôle peut être direct lorsque, dans une votation référendaire, le peuple oppose son veto aux propositions des autorités ou que, dans une votation 361

Propos tenus par le conseiller national Hummler à la journée de la Société suisse pour la politique consacrée au référendum en matière de traités internationaux, le 19 février 1971 à Fribourg.

36 > Se sont notamment exprimés à ce sujet: H.-P. Casser. Die Volksrechte in der Zürcher Verfassung (thèse Zurich 1966), p. 128 à 182; H. Huber, Das Gesetzesreferendum, Recht und Staat, cahier 383 (1969); M. Imboden, Die Volksbefragung in der Schweiz, dans : Festgabe Fraenkel, Berlin 1963, p. 385 à 409 ; du même auteur, Helvetisches Malaise, Zürich 1964, p. 17 à 24; H. Nef, Erneuerung des Finanzreferendums dans: Gedenkschrift für Max Imboden, Bàie 1972, p. 255 s; Neidhart, op. cit.; W. Schaumann, Staatsführung und Gesetzgebung in der Demokratie, dans: Gedenkschrift für Max Imboden, Bàie 1972, p. 313 s.

1155 sur une initiative, il approuve celle-ci. Il peut aussi être indirect. Tel est le cas lorsque la crainte d'un référendum exerce dans la procédure préliminaire son effet sur le contenu des dispositions à mettre sur pied. Comme nous l'avons relevé, plusieurs études publiées récemment discernent dans ces effets indirects et préventifs la fonction principale du référendum moderne37'.

Ainsi, le référendum en matière de traités internationaux contribuerait, lui · aussi, à former et à sonder l'opinion, à exercer sa fonction d'instrument de légitimation, de contrôle et de limitation du pouvoir. Et il influencerait de façon indirecte le contenu du droit. La plupart de ces fonctions paraissent certainement désirables. N'oublions cependant pas que, même appliqué aux traités internationaux, le référendum, comme tout autre droit populaire, est uniquement un instrument de politique intérieure. Aussi désirables que soient certaines de ses conséquences en politique intérieure, aussi indésirable serait-il que les avantages d'ordre interne ne puissent être acquis qu'au prix d'une perte de la liberté de mouvement et d>ction dans les relations extérieures et qu'au détriment de la confiance. Non seulement le Conseil fédéral et l'Assemblée fédérale mais aussi tout citoyen conscient de sa responsabilité doivent faire ici l'effort nécessaire pour trouver la juste mesure.

Nous fondant sur les considérations qui précèdent, nous aboutissons aux conclusions suivantes : L'article 89, 4e alinéa, doit effectivement être revisé. Le critère de la durée appliqué aux fins de déterminer si des traités doivent être soumis au référendum ne permet pas de concentrer la participation du peuple sur les décisions les plus importantes. Ce critère doit donc être remplacé par un autre, plus approprié.

Il convient de rejeter résolument les propositions visant à soumettre tous les traités au référendum facultatif, car une initiative du genre de celle de l'Action nationale ne tient aucun compte, ainsi que nous l'avons démontré sous chiffre 43, des liens étroits qui existent entre la Suisse et le monde. C'est surtout dans le cas des traités multilatéraux que les conséquences seraient graves. De nombreux Etats participant aux négociations, la Suisse aurait de la peine à faire admettre son point de vue s'il était certain qu'à la différence
des autres Etats parties aux traités, notre pays ne serait pas en mesure de les ratifier en temps utile. Nous devrions alors nous contenter d'y adhérer ultérieurement de telle sorte que, le cas échéant, nos intérêts ne pourraient pas être suffisament pris en considération. Comme l'expérience le prouve, il n'est ordinairement plus guère possible de faire admettre des modifications en cas d'adhésion tardive. Ainsi, notre faculté de prendre part à des négociations et de conclure des traités multilatéraux dans des conditions favorables serait mise en cause. De même, il nous serait encore plus difficile qu'actuellement de prendre part à des campagnes internationales dans le domaine du développement (aide financière, accords sur les matières premières), qui doivent souvent être entreprises dans de brefs délais.

S7

> Cf. citations sous remarques 29 à 31.

1156

52 Referendum facultatif et référendum obligatoire en matière de traités internationaux A la lumière des explications qui précèdent, on doit se demander s'il convient d'instituer le référendum facultatif ou ,1e référendum obligatoire pour les traités internationaux ou combiner les deux. Dans les réponses au questionnaire de la commission de travail présidée par l'ancien conseiller fédéral Wahlen, on rencontre les trois variantes. Nous pensons qu'il faudrait prévoir à la fois le référendum obligatoire et le référendum facultatif. Il nous semble que le référendum obligatoire est à sa place lorsqu'il s'agit de décisions de politique étrangère ayant la plus grande portée et le plus grand poids. Le peuple devrait en tout cas pouvoir se prononcer lorsque la Suisse se proposerait d'adhérer à des organisations de sécurité collective du genre des Nations Unies ou à des organisations supranationales telles que les Communautés européennes. Les autorités, les partis, les groupements d'intérêts et le public savent d'emblée, lorsque le référendum est obligatoire, que le peuple aura à se prononcer et qu'il doit être informé en conséquence. Le référendum obligatoire devrait cependant rester limité aux cas les plus importants.

Il convient de prévoir en outre le référendum facultatif pour certains traités. Comme le critère de la durée que prévoit l'article 89, 4e alinéa, pour établir si un traité doit lui être soumis ou non ne donne pas satisfaction, - ainsi que nous l'avons dit -, il importe d'en trouver un autre. Partant des considérations développées pour le rejet de la motion Breitenmoser, nous écartons toute forme de votation populaire qui n'aurait qu'un caractère consultatif.

Nous fondant sur les explications qui précèdent, nous commentons ci-après notre proposition. Il y a lieu de préciser d'emblée qu'elle concerne les traités qui doivent être approuvés par l'Assemblée fédérale en vertu de l'article 85, chiffre 5, de la constitution. De même, les dispositions en vigueur en matière de référendum, dont on demande aujourd'hui la revision (art. 89,. ch. 4, est.), ne concernent que ces traités.

53 Référendum obligatoire en matière de traités internationaux Nous vous proposons d'instaurer, en matière de traités internationaux, un référendum obligatoire sous la forme d'une disposition rédigée comme il suit: L'adhésion à des organisations de sécurité collective ou à des organisations supranationales doit être soumise à l'acceptation ou au rejet du peuple et des cantons.

1157 Avec cette formule, l'adhésion aux Nations Unies, même sous réserve de la neutralité, et l'adhésion pleine et entière aux Communautés européennes devraient ètte soumises au référendum obligatoire, mais il n'en irait pas ainsi de l'adhésion à des organisations telles que l'Organisation internationale du travail, le Conseil de l'Europe, l'AELE, le GATT ou l'OCDE.

Les organisations de sécurité collective au sens de notre proposition sont de caractère universel ou, le cas échéant, régional et ont pour attribution de prendre des mesures collectives contre tout Etat qui rompt ou menace la paix.

Les organisations supranationales, au sens où nous l'entendons, sont celles - dont les organes sont composés de personnes indépendantes, qui ne sont pas liées par des instructions de leur Etat d'origine; - dont les organes exercent leurs attributions en prenant des décisions à la majorité et non suivant la règle de l'unanimité ; - dont les décisions entrent directement en vigueur et sont directement obligatoires pour tous les particuliers; - dont les attributions matérielles sont relativement étendues38*.

Les organisations qui répondent à cette définition sont la Communauté économique européenne, la Communauté européenne de l'énergie atomique, ainsi que la Communauté européenne de défense, proposée au début des années cinquante mais qui n'a pas vu le jour. La notion de supranationalité est toutefois contestée et ne saurait être définie à coup sûr une fois pour toutes. De nombreuses organisations traditionnelles ne présentent qu'un ou deux des caractères énoncés ci-dessus. Le trait spécifique de la supranationalité est que toutes conditions requises sont remplies. On pourrait se demander s'il ne serait pas préférable de définir les éléments essentiels de la supranationalité, par exemple en rédigeant de la manière suivante la nouvelle disposition : L'adhésion à des organisations internationales de sécurité collective ou à des organisations pourvues d'organes indépendants qui peuvent prendre des décisions à la majorité des voix, dont le champ d'activité est étendu et qui ont le pouvoir de prendre des décisions directement obligatoires pour les particuliers est soumise à l'acceptation ou au rejet du peuple et des cantons.

Nous estimons toutefois qu'une telle formule serait trop compliquée, trop nuancée.

3

*> Cf. pour la doctrine suisse R. L. Bindschedler, Rechtsfragen der europaischen Einigung, Bile 1954, p. 75 à 78; P. Guggenheim, Organisations économiques supranationales, indépendance et neutralité de la Suisse, Revue de droit suisse, vol.

87 (1963 II), p. 221 à .143, en particulier p. 233 à 240; D. Schindler jirn., Supranationale Organisationen und Schweizerische Bundesverfassung, Revue suisse de jurisprudence, vol. 57 (1961) p. 197 à 204; L. Wildhaber, op. cit. (Rem. 14), p. 384 à 398.

1158 Nous avons des craintes semblables à l'égard des propositions visant par exemple à soumettre au référendum obligatoire les «limitations de la souveraineté» ou la «cession de droits de souveraineté». La notion de souveraineté exige une définition, car on peut l'entendre au sens juridique (immédiateté du droit international) ou au sens politique. Tout traité, même le plus insignifiant, porte atteinte en définitive à la liberté d'action de l'Etat et restreint les droits de souveraineté dans la mesure où il comporte un engagement juridique et où les parties ne peuvent y mettre fin unilatéralement ou que dans certaines conditions.

Ainsi que la Cour permanente de justice internationale l'a exposé dans l'affaire de Wimbledon, la conclusion d'un traité international est précisément un attribut de la souveraineté de l'Etat et, partant, l'exercice d'un droit de souveraineté39*. Nous ne pensons donc pas que le critère de la souveraineté puisse faire la lumière à cet égard.

La notion de «droit de souveraineté» est également peu claire. Il serait plus exact de parler, en l'occurrence d'un «transfert de compétence». Chaque organisation internationale reçoit cependant certaines attributions des Etats qui en font partie. Au reste, les restrictions apportées à la compétence de l'Etat ne doivent pas nécessairement coïncider avec les attributions conférées à une organisation internationale. Le critère du transfert ou de la cession de droits de souveraineté n'est donc pas utilisable.

De sérieuses objections peuvent en outre être soulevées contre la proposition de soumettre à l'adoption ou au rejet du peuple et des cantons tous les traités «qui modifient la constitution». Il est tout d'abord difficile de déterminer dans chaque cas quels sont ces traités. Le critère choisi ne crée aucune clarté car il implique aussi bien l'interprétation de la constitution que celle du traité. A l'exception de certaines dispositions qui s'appliquent aux relations extérieures, la constitution règle surtout les conditions à l'intérieur du pays ; c'est pourquoi il est particulièrement difficile de déterminer si un traité est compatible ou non avec.la constitution. Avec le critère précité, la sécurité du droit ne serait pas assurée. C'est en dernier ressort à l'Assemblée fédérale qu'il incomberait de déterminer si un traité dépasse
les limites fixées par la constitution. En effet, selon notre droit public, ce sont les conseils législatifs qui ont le dernier mot à dire.

Le critère de la modification de la constitution n'est pas non plus de nature à permettre de distinguer des autres les traités ayant une grande importance politique. En effet, la portée d'un traité ne correspond pas toujours à une éventuelle divergence par rapport à la constitution. C'est ainsi que les traités sur la reconnaissance et l'exécution de jugements civils, qui, en dérogation de l'article 59 de la constitution, prévoient des fors particuliers pour des faits spéciaux, seraient par exemple soumis au référendum; ce serait aussi le cas des réglementations bilatérales concernant l'obligation de servir des doubles-nationaux, qui sont en contradiction avec l'obligation générale de servir imposée W CPJI, Série A, n» l (1923), p. 25.

1159 aux citoyens suisses. L'accord de libre échange avec les Communautés européennes ou une adhésion de notre pays à l'Organisation des Nations Unies, avec une réserve relative à la neutralité, ne seraient en revanche pas soumis au référendum. Lors de la conclusion d'importants traités qui modifient la constitution, par exemple la Convention européenne des droits de l'homme avant l'institution du suffrage féminin, la modification de notre constitution continuera d'avoir le pas sur la ratification du traité. Indépendamment du cas de la Convention des droits de l'homme, qui n'est plus actuel depuis l'institution du suffrage féminin en Suisse, la possibilité d'atteintes portées à la constitution par des traités internationaux est fort improbable. Comme on le sait généralement, la tendance internationale va dans le sens d'un renforcement ou d'un élargissement des droits fondamentaux garantis par les constitutions nationales ou même de la reconnaissance de nouveaux droits individuels.

Lors de la procédure préliminaire, on a cité les catégories suivantes de traités auxquels on prête - à tort il est vrai - le caractère de dispositions modifiant la constitution : les traités concernant l'indemnisation, qui n'assurent pas une pleine indemnisation aux Suisses dépossédés à l'étranger, ne modifient pas la constitution puisque la garantie de la propriété que donne la constitution fédérale ne peut assurer une protection contre les expropriations à l'étranger. De même, la constitution n'est en mesure de garantir la liberté du commerce et de l'industrie que dans les limites de notre économie intérieure. A l'instar des mesures autonomes de politique économique extérieure, les traités internationaux de caractère économique sont compris dans le champ de la réserve instituée par l'article 28 de la constitution en ce qui concerne la liberté du commerce et de l'industrie. Finalement, des traités touchant des matières que les cantons sont compétents pour réglementer dans le cadre du droit national, ne dérogent pas à l'ordre constitutionnel. Selon la pratique constante et la doctrine dominante, la Confédération peut, en vertu de l'article 8 de la constitution, régler dans un traité n'importe quelle matière, sans égard au fait que celle-ci relève de la compétence fédérale ou de celle des cantons40'.

Comme traité entraînant
une orientation fondamentalement nouvelle de notre politique étrangère, on peut concevoir tout au plus celui qui aurait pour objet l'adhésion à une alliance impliquant la renonciation à la neutralité. Mais un tel cas paraît, lui aussi, improbable. Pour des raisons de politique étrangère, il serait certainement indésirable de mentionner expressément de telles possibilités dans la constitution; cela pourrait éveiller l'impression que nous avons l'intention d'envisager un tel changement d'orientation dans un proche avenir.

De façon tout à fait générale, il n'est du reste ni désirable ni même possible de régler dans la constitution tout cas futur, même le plus invraisemblable.

4°) Cf. L, Wildhaber, op. cit., (Rem. 14) p. 310 à 321, et la bibliographie citée. Cf. aussi le message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale du 19 mars 1973 à l'appui d'un projet de loi sur la coopération au développement et l'aide humanitaire internationales (FF 1973 I 863).

1160 Nous vous recommandons par conséquent de vous rallier à notre proposition en prévoyant le référendum obligatoire dans les cas d'adhésion à des organisations de sécurité collective ou à des organisations supranationales. Il est indiqué de soumettre les traités d'une telle importance à la procédure instituée pour les textes constitutionnels.

Cette manière de faire répond à la conception actuelle. La nouvelle disposition sur le référendum obligatoire ne serait, à vrai dire, pas nécessaire, mais elle contribuera à clarifier la situation et à tranquilliser les esprits.

On doit enfin se demander s'il ne conviendrait pas, pour faciliter la formation de la volonté en politique étrangère, de renoncer, pour le référendum obligatoire, au vote des cantons et de se borner au vote du peuple aux urnes. Dans cet ordre d'idées, mais sur un autre plan, il y a lieu de rappeler qu'on a envisagé de renoncer à exiger la majorité des cantons dans le cas de l'initiative législative. En faveur de l'idée d'un vote du peuple seulement, on pourrait avancer des arguments tirés aussi bien du droit international que du droit interne. L'un de ces arguments résiderait dans la façon différente dont se créent les deux droits. De même qu'il y a une logique de la démocratie dans la législation interne, il y a une logique des relations internationales qui exige une autre forme de création du droit. Du point de vue du droit international, l'Etat fédéral apparaît comme un tout. Sous l'angle de la politique intérieure, l'exigence de la majorité des cantons et le fait que les voix des grands et des petits cantons pèsent les unes autant que les autres peuvent paraître injustifiés, puisque des majorités de quelques voix dans de petits cantons peuvent prévaloir sur les majorités de milliers de voix dans les grands.

Rappelons-nous que l'adhésion à la Société des Nations avait été votée à la faible majorité de la voix d'un seul canton. Les considérations qui, en l'occurrence, plaident contre l'instauration d'un référendum ne faisant appel qu'au peuple nous paraissent cependant avoir tant de poids que nous ne croyons pas devoir envisager pareille solution. Ce serait une façon d'introduire dans notre droit constitutionnel, déjà compliqué, un nouveau type de votation. Au demeurant, la question de la nécessité de la majorité des voix des
cantons et du poids à attacher au vote des différents cantons est une des questions fondamentales qui se posent au sujet de la structure de notre Etat. Il ne conviendrait donc guère de s'attaquer à cette question en liaison avec celle du référendum en matière de traités internationaux. Si on voulait le faire, la revision totale de la constitution devrait en fournir l'occasion.

.

54 Référendum facultatif en matière de traités internationaux II s'agit de savoir si l'on veut instaurer le référendum obligatoire pour certains traités internationaux et maintenir le référendum facultatif prévu à l'article 89, 4e alinéa, pour les traités de longue durée qui ne peuvent pas être dénoncés ou s'il faut modifier ce critère. Le but de la revision devrait être ici,

1161 comme pour le référendum obligatoire, de soumettre au référendum les traités politiquement importants. Convenons qu'il est extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, de trouver un critère en tous points satisfaisant. Toutes les définitions matérielles proposées jusqu'ici sont incomplètes. Elles n'embrassent que certaines catégories de traités importants. Des formules juridiques générales et abstraites ne permettent guère d'exprimer une appréciation politique.

Dans la discussion qui s'est déroulée jusqu'à présent, notamment dans les avis donnés en réponse au questionnaire du groupe de travail présidé par l'ancien conseiller fédéral Wahlen, ainsi qu'à notre consultation, ce sont en particulier les critères de délimitation suivants qui ont été proposés : -

forme de traité, désignation du traité, caractère multilatéral du traité, traités modifiant le territoire, traités politiques, traités entraînant des dépenses considérables, traités modifiant les lois fédérales ou y dérogeant, traités concernant des objets de la législation, traités portant atteinte à la compétence législative des cantons, traités modifiant la compétence interne de l'Etat, traités portant sur des droits fondamentaux, traités modifiant l'ordre des valeurs dans l'Etat, traités comportant un nouvel engagement, traités modifiant l'interprétation de la neutralité.

Il serait peu satisfaisant de tirer un seul critère de cette liste pour le substituer au critère de la durée prévu à l'article 89,4e alinéa. Chacun de ces différents critères ne s'appliquerait, évidemment, qu'à une partie des traités présentant un intérêt politique. Le critère de la modification de la législation fédérale, en particulier, ne pourrait satisfaire. Une grande partie de ces traités ne rencontrent aucune opposition et n'ont pas une importance politique considérable (ainsi les traités sur l'unification du droit de change ou sur la procédure de délivrance des brevets). D'autres traités, ayant une portée politique, échapperaient à ce critère (par exemple la convention de Stockholm instituant l'AELE et le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires). Il en va de même de la formule proposée par le Redressement national, suivant laquelle les traités qui se rapportent à un objet de la législation seraient soumis au référendum.

Mais cette formule pourrait aussi être interprétée de façon extensive, toute matière pouvant être objet de la législation. Tous les traités seraient ainsi soumis au référendum. D'autres critères, tels que traités entraînant des dépenses

1162 considérables, traités politiques, modification de l'ordre des valeurs dans l'Etat, ne sont pas clairs et n'offriraient pas de base sûre. La forme et la désignation d'un traité n'ont aucune signification juridique ou politique. Il serait tout aussi peu satisfaisant d'avoir une longue énumération de critères. Les motifs qui s'opposent au développement du référendum en matière de traités, dont il a été question au début de cet exposé, sont d'un trop grand poids pour qu'une telle liste soit acceptable sous l'angle de la politique extérieure.

Les traités qui dérogent à la constitution ou qui - selon une variante plus restrictive - portent atteinte aux droits constitutionnels des citoyens pourraient être soumis au référendum facultatif, au lieu du référendum obligatoire. Le professeur Aubert a défendu cette idée devant la commission d'experts. On peut lui opposer les mêmes objections générales que dans le cas du référendum obligatoire. Nous renvoyons à ce qui a été exposé à ce sujet.

Vu l'impossibilité de trouver un critère satisfaisant, nous pensons que lameilleure solution consiste à laisser à l'Assemblée fédérale la compétence de décider.

On doit aussi se demander s'il convient de maintenir, pour la soumission d'un traité au référendum facultatif, le critère de la durée, étant entendu toutefois qu'on pourrait remplacer la limite actuelle de quinze ans par une formule plus souple telle que «les traités d'une durée indéterminée et non dénonçables». Divers arguments plaident contre l'adoption d'une telle solution : Premièrement, il serait paradoxal de maintenir, sous une forme nouvelle, une règle actuellement tenue pour peu satisfaisante. Deuxièmement, il convient de rappeler qu'il y a des traités de durée indéterminée dont l'importance est minime. Troisièmement, cette manière de faire compliquerait la solution relativement simple que nous proposons plus loin dans le présent message. Une disposition allant dans ce sens serait en outre inutile car il serait toujours loisible à l'Assemblée fédérale de considérer comme de grande portée et de soumettre à ce titre au référendum facultatif des traités conclus pour une durée indéterminée et non dénonçables. Enfin, l'adoption d'un critère supplémentaire, celui de la durée, déboucherait sur la création de trois sortes de référendum: un obligatoire,
un facultatif, et, si l'on peut dire, un obligatoirement facultatif.

Mais l'idée de maintenir le critère de la durée peut se défendre du fait que les engagements internationaux durables et non dénonçables ont une importance particulière, indépendamment de leur contenu. Pour pouvoir se libérer de tels engagements, un Etat doit être en mesure de se prévaloir des motifs extraordinaires de dénonciation offerts par le droit international (dénonciation pour cause d'inexécution par l'autre partie, «clausula rébus sic stantibus»). Cela sera rarement le cas et constituera toujours une mesure lourde de conséquences. De nombreux traités de ce genre règlent des questions de frontière ou déterminent la frontière nationale. Or le territoire constitue un des éléments les plus importants de l'Etat. La notion de la frontière est profondément enracinée dans les sentiments populaires. Les modifications de la frontière touchent aussi bien la Con-

1163 fédération que les cantons concernés. Suivant l'opinion dominante, la «clausula rébus sic stantibus» ne peut pas être invoquée pour les traités qui déterminent la frontière (cf. art. 62, 2e al., let. a, de la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969). Par souci de précision, nous signalerons que les traités de codification élaborés sous les auspices des Nations-Unies constituent une nouvelle catégorie de traités de durée indéterminée et non dénonçables, mais ce sont des traités dont le contenu est d'importance diverse et qui règlent surtout les rapports entre Etats. Pour ces raisons, nous désirons conserver le critère de la durée exprimé par les deux termes «indéterminée» et «non dénonçables». Seuls les deux critères impliquent un engagement durable. Il en va autrement des traités de durée indéterminée qui peuvent être dénoncés à court terme et des traités non dénonçables conclus pour une courte durée. On compliquerait les choses en parlant des traités qui, conclus pour une très longue durée ou sans limite de durée, ne peuvent être dénoncés qu'à long terme. L'Assemblée fédérale devrait alors prendre une décision dans chaque cas.

Nous fondant sur les considérations qui précèdent, nous vous proposons la formule suivante: Le 2e alinéa est aussi applicable aux traités internationaux d'une durée indéterminée et non dénonçables ou qui sont soumis à l'adoption ou au rejet du peuple par une décision prise à la majorité de tous les membres de chacun des deux conseils.

(Selon le 2° alinéa de l'article 89 de la constitution, les lois fédérales et les arrêtés fédéraux de portée générale doivent être soumis à l'adoption ou au rejet du peuple lorsque la demande en est faite par 30 000 citoyens actifs ou par huit cantons).

Cette formule permettrait aux conseils d'apprécier soigneusement, dans chaque cas, la portée d'un traité, de soumettre au référendum facultatif les traités vraiment importants, tout en veillant, par une pratique prudente et réservée, à ne pas mettre trop en danger le crédit et la liberté de mouvement de la Confédération en politique étrangère, surtout lorsqu'il y a urgence et que la situation est très grave. Notre proposition n'est pas une innovation révolutionnaire. Neuf cantons connaissent depuis longtemps un référendum obligatoire dit extraordinaire, c'est-à-dire
la votation populaire ordonnée par le parlement dans un cas particulier4«. Aux Etats-Unis d'Amérique, le droit constitutionnel de quinze Etats fédérés connaît d'ailleurs cette possibilité42'.

On pourrait objecter que, par nature, le référendum représente une manifestation de méfiance à l'égard du Conseil fédéral et de l'Assemblée fédérale et qu'il ne peut par conséquent appartenir à celle-ci d'ordonner la soumission au *« Cst.

ZH 30, 2« al., ch. 3; est. LU 39,2= al.; est. UR48, 3<> al.; eest. SZ 32; est. SO 17, 1erer al., ch. 4; est. SH 42, l"" al., ch. 4, et 2« al.; est. GR 2, 2 al., ch. 7; est. AG 25, 1 al., let. e; est TG 4, 1er al., let. c.

4a > W. Haller, Die Beanspruchung des amerikanischen Stimmbürgers, ErlenbachZurich/Stuttgart 1970, p. 21.

1164 référendum. Mais comme nous l'avons exposé plus haut, nous ne croyons pas que le référendum ne joue que ce rôle négatif. La crainte qui a été exprimée se dissipe d'elle-même si on le considère comme un instrument destiné à amener le peuple et les autorités à agir de concert.

Le point faible de notre proposition pourrait résider dans le fait qu'on ne peut guère prédire si un certain traité sera soumis au référendum par l'Assemblée fédérale. Il est également possible que, pour bien des traités, des groupements d'intérêts et des milieux chaque fois différents exigent la clause de référendum et exercent ainsi une pression sur les chambres. Cela ne faciliterait certainement pas aux autorités fédérales responsables la conduite d'une politique extérieure à longue vue, dynamique, conséquente et générale. Mais nous comptons que les conseils législatifs sauront user de leur compétence avec le sentiment de leur responsabilité.

Etant donné l'importance de la décision par laquelle l'Assemblée fédérale soumettrait un traité au référendum facultatif et de la réserve qui s'impose à cet égard, il se justifie d'exiger une majorité qualifiée. Nous vous proposons de prévoir que cette décision sera prise à la majorité de tous les membres de chacun des deux conseils, afin d'assurer une pratique uniforme et d'éviter toute décision arbitraire. Nous suivons ici la règle de l'ancien article 89, 3e alinéa, qui figure à l'article 89bls, 1er alinéa, pour les arrêtés fédéraux mis en vigueur d'urgence. Nous insistons sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une application par analogie, puisque dans un cas, une décision prise à la majorité qualifiée peut soustraire un arrêté fédéral urgent au référendum pour la durée d'une année au plus et que, dans l'autre, une telle décision peut soumettre un traité au référendum.

55 Autorisation de conclure définitivement des traités Conformément à une pratique datant de plusieurs décennies, le Conseil fédéral a la compétence de conclure lui-même les traités de certaines catégories43). La revision de l'article 89 de la constitution n'affectera pas cette compétence, car l'article revisé ne s'appliquera qu'aux arrêtés par lesquels l'Assemblée fédérale approuve un traité.

Dans une série d'arrêtés fédéraux, le Conseil fédéral a été expressément autorisé à conclure des traités et à les mettre en vigueur sans les soumettre à 43

> C. Piccard. Der Abscbluss internationaler Verträge durch den schweizerischen Bundesrat (thèse Zurich 1938); B. Trinkler, Der Abschluss von Staatsverträgen in der Schweiz (thèse Berne 1954); M. Böhringer, Ausführung und Vollzug von Staatsverträgen durch bundesrätliche Verordnungen (thèse Berne 1971); Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération, fascicule 25 (1955), n°s 18, 19, p. 48 à 52; fascicule 30 (1961), n° 13, p. 34 à 39.

1165

l'approbation de l'Assemblée fédérale44'. Ces autorisations se sont révélées utiles lorsqu'il s'agissait, dans un certain domaine, de conclure une série de traités d'un contenu pareil, qui n'étaient guère contestés sur le plan interne; en pareil cas, la procédure d'approbation aurait obligé inutilement les organes compétents à s'occuper d'affaires de routine. Des autorisations sont d'autre part absolument nécessaires lorsque le Conseil fédéral doit prendre et exécuter immédiatement des engagements. Les gouvernements étrangers sont régulièrement en mesure de le faire et par conséquent ne sont souvent pas disposés à accepter des retards dus aux règles de procédure en vigueur dans l'Etat avec lequel ils traitent. Dans le domaine économique, tout particulièrement, il peut en outre se produire des cas (p.ex. crise des approvisionnements) dans lesquels il est indispensable que les gouvernements agissent immédiatement et où des retards auraient de graves désavantages. Pour que la revision envisagée pour l'article 89, 3e alinéa, de la constitution n'accroisse pas l'incertitude concernant la durée et le résultat de la procédure d'approbation, il importe que la Suisse dispose, face à l'étranger, d'une liberté de mouvement süffisante. Et cela n'est possible que si les arrêtés donnant les pouvoirs nécessaires restent en vigueur et si les conseils législatifs continuent à accorder au Conseil fédéral, pour de justes motifs, l'autorisation de conclure définitivement des traités ou au moins de les mettre en vigueur provisoirement jusqu'à l'approbation parlementaire. Il n'y a rien à objecter à pareille manière de faire. Le législateur peut autoriser l'exécutif à édicter des règles de droit dans un domaine déterminé.

L'organe compétent pour approuver les traités peut tout aussi bien, pour certaines catégories de traités, exercer sa compétence sous la forme d'une autorisation contenue dans un arrêté soumis au référendum facultatif.

56 Le Tribunal fédéral doit-il faire office de tribunal constitutionnel?

Les auteurs de quelques mémoires adressés au groupe de travail présidé par l'ancien conseiller fédéral Wahlen ont proposé que le Tribunal fédéral, agissant comme tribunal constitutionnel, soit chargé de donner un avis de droit lorsqu'il s'agit de savoir si un traité doit ou non, en vertu d'une disposition
constitutionnelle, être soumis au référendum. Une telle tâche nous paraît dépasser ce qu'on peut demander à un tribunal constitutionnel, car ces avis de droit soulèvent régulièrement des questions extrêment délicates et éminemment politiques. Charger le Tribunal fédéral de donner son avis sur une question dont 44

> Pour ces dernières années, voir en particulier: AF du 20 décembre 1962 concernant la conclusion d'accords de coopération technique et scientifique avec les pays en voie de développement, RO 1963 367; AF du 27 septembre 1963 concernant la conclusion de traités relatifs à la protection et à l'encouragement des investissements de capitaux, RO 1964 73; AF du 17 mars 1966 concernant la conclusion d'accords relatifs à des consolidations de dettes, RO 1966 919; AF du 28 juin 1972 sur les mesures économiques extérieures, RO 1972 2474.

Feuille fédérale, 126= année. Vol. H.

SI

1166

le caractère politique est prédominant et dont l'aspect juridique n'est que secondaire, serait lui imposer d'une manière inadmissible et au mépris du principe de la séparation des pouvoirs, une responsabilité que le Conseil fédéral et l'Assemblée fédérale doivent assumer eux-mêmes. Des études de droit comparé portant sur les jugements et les avis de droit des tribunaux constitutionnels relatifs à la constitutionnalité de traités, aux Etats-Unis d'Amérique, en Allemagne fédérale, en France et au Japon, confirment fort nettement le bien-fondé ces considérations. Les jugements du tribunal constitutionnel allemand concernant la constitutionnalité de la Communauté européenne de défense, l'accord sur la Sarre et le «Grundvertrag» avec la République démocratique allemande, de même que le jugement de la Cour suprême du Japon sur la question du caractère licite du stationnement de troupes américaines à Sunakawa montrent de façon particulièrement claire qu'il y a lieu de craindre que les tribunaux ne soient amenés indirectement à se mêler de différends de politique intérieure et ne cherchent ainsi à réduire d'eux-mêmes le champ de leur compétence. De plus, des recherches très poussées révèlent que la consultation des tribunaux constitutionnels ne devrait être prévue que si elle répond à une véritable nécessité et qu'après un examen attentif de toutes les autres possibilités45'.

Comme le projet de revision actuel ne mentionne plus le critère de la «grande portée» qui figurait dans l'avant-projet rédigé pour la procédure de consultation, la question de la juridiction constitutionnelle ne se pose plus à propos des traités internationaux. Une notion à soumettre à l'appréciation du juge a ainsi disparu. Pour les raisons susmentionnées, il ne saurait être question de confier au Tribunal fédéral le soin de rendre des jugements strictement politiques. Nous rejetons donc fermement l'idée de le charger d'une pareille tâche.

6 Résultat des consultations Le 21 mai 1973, le Département politique fédéral a soumis pour avis à 55 autorités et organisations un avant-projet d'arrêté fédéral modifiant l'article 89, 4e alinéa, de la constitution. Etaient invités à donner leur avis les gouvernements cantonaux, les partis politiques représentés au sein de l'Assemblée fédérale, onze organisations économiques ou syndicales,
quatre associations féminines et cinq associations s'occupant de problèmes de droit et de politique extérieure. Le département a reçu 54 réponses (l'Action nationale n'a pas répondu); 53 ont pu être utilisées (la Société suisse des juristes s'est bornée à répondre que, surchargée de travail, elle devait renoncer à émettre un avis).

L'avant-projet était rédigé comme il suit: 46

) Cf. L. Wildhaber, op. cit. (Remarque 14) p. 349 à 374; le même auteur: Advisorv Opinions - Rechtsgutachten höchster Gerichte (thèse Bàie 1962).

1167 s L'adhésion à des organisations de sécurité collective ou à des organisations supranationales doit être soumises à l'acceptation ou au rejet du peuple et des cantons.

4 Les traités internationaux de grande portée peuvent être soumis à l'adoption ou au rejet du peuple par une décision prise à la majorité de tous les membres de chacun des deux conseils. Si l'Assemblée fédérale prend une telle décision, la votation a lieu lorsque la demande en'est faite par 30 000 citoyens ou par huit cantons.

61 Considérations générales Après avoir examiné avec soin les différentes réponses qui nous sont parvenues, nous nous sommes demandé quelles propositions pourraient être retenues. La commission d'experts, elle aussi, s'est occupée des résultats de la procédure de consultation. Nous insistons sur ce point parce que, comme on le verra plus tard, nous sommes arrivés à la conclusion que nous devons, d'une façon générale, faire nôtres les propositions de cette commission et du Département politique.

Toutes les autorités et organisations qui ont exprimé leur avis reconnaissent sans exception que le critère de la durée du traité prévu à l'article 89,4e alinéa.de la constitution doit être remplacé par un autre plus approprié. Elles s'accordent à saluer les efforts entrepris pour donner à cette disposition constitutionnelle un contenu plus satisfaisant, comme le demandent les motions Hummler et Luder.

Presque tous les rapports reconnaissent expressément ou tacitement qu'il serait judicieux et désirable d'ajouter deux nouveaux alinéas à l'article 89, à la place de l'actuel 4e alinéa, et d'instaurer dans la constitution tant un référendum obligatoire qu'un référendum facultatif. Seul le parti démocrate-chrétien a présenté un contre-projet prévoyant uniquement le référendum obligatoire.

Cette approbation de principe donnée au projet de revision signifie que, les autorités et organisations consultées - à l'exception de deux - ont également approuvé l'idée de ne pas donner un contenu plus large aux nouvelles dispositions constitutionnelles. Le gouvernement du canton de Baie-Campagne et le parti socialiste ont cependant exprimé l'avis que la revision devrait porter également sur la délimitation de la compétence entre la Confédération et les cantons, sur les droits de participation du parlement et sur les conséquences que le référendum a quant à la situation de la Suisse sur le plan international. .

Lors des travaux préparatoires concernant les nouvelles dispositions sur le référendum en matière de traités internationaux, on avait intentionnellement renoncé à étendre la revision à ces divers points, car elle aurait ainsi outrepassé les limites du mandat donné par les motions Hummler et Luder. A cela s'ajoute que les travaux poursuivis en vue d'une revision totale de la constitution feront toute la place qui convient à ces questions. Aussi ne voulons-nous pas anticiper sur ces importants travaux.

1168 Les auteurs de six réponses soulèvent la question d'une augmentation du nombre de signatures à exiger pour l'aboutissement du référendum, augmentation qui, à leur avis, s'impose notamment par suite de l'institution du suffrage féminin. Quatre d'entre eux proposent de saisir l'occasion qu'offre la revision des dispositions sur le référendum en matière de traités internationaux pour augmenter le nombre de signatures à exiger (nombre qu'ils indiquent ou qu'ils n'indiquent pas). Les deux autres estiment que la revision proposée aujourd'hui devrait être différée jusqu'à ce qu'une décision ait été prise au sujet du nombre des signatures.

Nous ne pensons pas qu'il convienne de retarder la revision. La mise sur pied de nouvelles dispositions sur le référendum en matière d; traités internationaux, qui, de l'avis général, devraient pouvoir entrer en vigueur le plus tôt possible, ne doit pas être retardée en raison de la question purement formelle du nombre des signatures. C'est pour cette raison que la question a été intentionnellement laissée de côté en l'occurrence.

62 Questions particulières 621 Avis relatifs au projet de 3e alinéa de l'article 89 (référendum obligatoire)

Plus de trente réponses approuvent sans réserve le projet du Département politique.

Six font des réserves. Sans présenter des propositions, les auteurs de quelques mémoires (les gouvernements des cantons de Zurich et Soleure et le parti socialiste) expriment la crainte que les deux appellations données dans cet alinéa à des organisations ne soient pas tout à fait claires ou n'aient qu'une valeur passagère, qu'il s'agisse donc de termes dont l'interprétation n'est pas encore suffisamment assurée. D'autres opinants (en particulier l'Association suisse de politique étrangère et la Société suisse de droit international proposent concrètement de remplacer le terme «organisations de sécurité collective» par celui d'« organisations internationales dont le but principal est d'assurer la paix» ou d'«organisations pour le maintien de la paix et de la sécurité collective».

A elle seule l'adhésion à des organisations internationales pour le maintien de la paix ou à des organisations définies d'une manière analogue ne suffirait pas pour justifier le référendum obligatoire. De même, les mots « assurer la paix» ne.

mettent pas nettement en évidence l'énoncé du problème car la sécurité collective est, avec la neutralité, l'élément essentiel en l'occurrence. En cas d'adhésion de la Suisse aux Nations-Unies, le problème serait posé par la Charte de cette organisation. Il faudrait en tenir compte bien que la sécurité collective

;

1169

n'ait jamais été réalisée jusqu'ici, en tout cas pas dans le domaine militaire, et qu'on ne doive pas non plus s'attendre, pour l'avenir, au recours à des mesures militaires. En cas d'adhésion, on ne devrait se fonder que sur les termes de la Charte des Nations-Unies et non, par exemple, sur une pratique différente suivie par ses organes politiques. Nous vous proposons donc de maintenir tel quel dans le 3e alinéa le terme d'« organisations de sécurité collective».

Pour ce qui concerne les «organisations supranationales», nous renvoyons au chiffre 53 du présent message. Nous y reconnaissons qu'il s'agit là d'une notion nouvelle, qu'il n'est peut-être pas possible de définir sûrement une fois pour toutes. C'est pourquoi nous y énumérons, comme dans l'exposé des motifs rédigé en vue des consultations, quatre exigences auxquelles une organisation doit satisfaire, cumulativement, pour être supranationale au sens de notre projet. On disposerait ainsi, pour l'interprétation, de moyens auxiliaires adéquats; c'est pourquoi il convient de reprendre tel quel dans la constitution le terme précité.

Quatorze opinants présentent des contre-propositions pour cet alinéa. Neuf d'entre eux reprennent textuellement ou à peu près les termes de l'avant-projet, se bornant à faire quelques propositions pour le compléter ou en élargir la portée. Les cinq autres soumettent un contre-projet destiné à remplacer entièrement le 3e alinéa.

Aucun de ces contre-projets ne propose des critères inédits. Onze opinants recommandent de soumettre au référendum obligatoire les traités qui modifient la constitution, qui la complètent, qui lui sont contraires, qui divergent d'elle sur certains points, qui affectent la structure federative de l'Etat ou sont de nature à infirmer des principes fondamentaux de la constitution. Quatre opinants proposent de soumettre au référendum obligatoire la cession de droits de souveraineté et quatre autres les atteintes portées aux libertés. Si plusieurs contre-projets assortissent l'avant-projet d'un ou de plusieurs des critères précités, d'autres se bornent à indiquer deux ou plusieurs critères d'appréciation. Un mémoire propose un texte mentionnant les traités conclus pour une durée indéterminée et ceux qui dérogent à la constitution. Nous avons déjà exposé dans le présent message ce que nous pensons
des critères indiqués dans les contre-projets. Les raisons qui réclament le rejet des autres critères sont exposées sous chiffre 53, auquel nous renvoyons.

622 Avis relatifs au projet de 4e alinéa de l'article 89 (référendum facultatif) Onze mémoires approuvent le projet sans réserve. Huit expriment des réserves; trois d'entre eux signalent les difficultés qu'il pourrait y avoir à.définir le terme «d'une grande portée». Les gouvernements des cantons de Berne et d'Unterwald-le-Bas se demandent à ce propos si le Tribunal fédéral ne devrait pas déterminer d'emblée ce qu'il faut entendre par «de grande portée» ou s'il ne

1170

devrait pas y avoir la possibilité de soumettre la décision de l'Assemblée fédérale au Tribunal fédéral. Deux opinants approuvent l'alinéa mais présentent également une proposition. Un avis suggère que la décision à prendre au sujet du référendum ne soit adoptée qu'à la majorité simple dans les deux conseils. Le gouvernement du canton de Baie-Ville fait observer qu'une disposition exigeant la majorité qualifiée peut avoir un effet restrictif et même prohibitif, mais que cela paraît favoriser fortement la formation d'une pratique conséquente. La Société de l'Etat fondé sur le droit craint que le projet ne trace pas des limites assez précises pour l'exercice du référendum et risque, le cas échéant, de ne pas assurer une protection suffisante contre les entraves à l'action des autorités dans le domaine de la politique étrangère.

Plus de trente rapports contiennent des contre-propositions relatives à cet alinéa. Plus de la moitié d'entre elles recommandent la soumission obligatoire au référendum facultatif, c'est-à-dire le remplacement du mot «peuvent» par «doivent». La proposition de confier à l'Assemblée fédérale la compétence de décider si un traité doit être soumis au référendum, que contient l'avant-projet, est rejetée de manière assez nette. Dès qu'un traité remplit certaines conditions - ne fût-ce que celle de la grande portée - le référendum, souligne-t-on, doit pouvoir être demandé.

Parmi les rapports qui approuvent l'idée d'attribuer à l'Assemblée fédérale la compétence de décider si un traité doit ou non être soumis au référendum, il en çst qui présentent toute une série de suggestions quant à la majorité qualifiée; une fonction différente est réservée à la majorité des membres des conseils ou un poids différent y est attaché selon ces suggestions. Alors que quelques opinants recommandent la majorité simple, un autre voudrait que la majorité des deux tiers des membres de chaque conseil soit nécessaire pour soumettre les traités d'une grande portée au référendum. L'auteur d'un des mémoires propose à la fois la majorité simple et la majorité qualifiée, en ce sens que la majorité qualifiée permettrait de décider que le traité sera soumis au référendum obligatoire et que la majorité simple suffirait pour décider qu'il sera soumis au référendum facultatif.

Deux autres propositions ont encore
été présentées. L'une demande que la décision de ne pas soumettre un traité au référendum soit prise à la majorité simple, tandis que l'autre vise à obtenir qu'un traité lui soit soumis s'il n'a pas été approuvé par l'un des conseils à la majorité qualifiée des membres présents.

Dans cette question également, nous nous en tenons à la solution de l'avantprojet, qui prévoit une majorité qualifiée pour décider que le traité est soumis au référendum. Cette décision est si importante qu'on ne saurait permettre qu'elle soit prise à la majorité simple des membres présents ou même sans que le quorum soit atteint. D'autre part, nous ne voudrions pas rendre cette décision trop difficile en exigeant une majorité plus forte que la majorité qualifiée.

Un petit nombre de rapports signalent qu'il serait désirable, voire indispensable, de prescrire au 4e alinéa un ou plusieurs critères concrets, mais n'en proposent aucun. Près de la moitié des contre-propositions demandent cepen-

1171 dant que le référendum facultatif soit institué pour les traités de caractère normatif, ceux qui concernent des objets réglés par la législation ou des traités, ceux qui modifient ou remplacent des lois ou des arrêtés fédéraux de portée générale, ceux qui sont contraires à la législation, ceux qui, comme les lois, ont force obligatoire sur les particuliers ainsi que les traités modifiant des principes fondamentaux de la législation de la Confédération et des cantons.

Quelques réponses indiquent, en sus ou au lieu de la solution proposée par J'avant-projet, d'autres critères formulés d'une manière plus ou moins précise, devant remplacer la notion de «grande portée». Il s'agirait, par exemple, des traités qui affectent des droits individuels, de l'adhésion à des organisations internationales autres que celles qui sont visées au 3e alinéa, de la distinction nette à faire entre les traités conclus pour plus de quinze ans qui contiennent ou ne contiennent pas de clause de dénonciation ou, encore, des traités qui portent atteinte à la compétence législative des cantons ou aux droits constitutionnels des citoyens.

Sous chiffre 54 du présent message, nous avons indiqué en détail, à l'aide d'une liste de critères proposée précédemment, pour quelles raisons il ne serait pas satisfaisant de remplacer le critère de la durée par l'un ou l'autre de ces critères. Les solutions proposées dans certains contre-projets pour remplacer le critère de la « grande portée» n'apportent aucun élément vraiment nouveau dans la discussion. Nous renvoyons aux considérations émises sous chiffre 54, qui traitent ce point et expliquent pourquoi nous maintenons, après la consultation, notre proposition de laisser l'Assemblée fédérale décider librement.

Même si nous n'avons pas pu envisager sérieusement l'adoption de l'un ou de l'autre des critères proposés, nous avons dû, au vu des avis exprimés lors de la consultation, nous demander s'il ne faudrait pas envisager de renoncer aux termes «grande portée». Nous en sommes arrivés à conclure dans ce sens pour deux raisons : tout d'abord il nous paraissait douteux sinon impossible que la définition de cette notion dans chaque cas puisse aboutir à une pratique raisonnable; ensuite, le critère conduit à un malentendu qu'on peut le mieux dissiper en supprimant cette notion. Les
auteurs d'un certain nombre de réponses se sont demandés si l'adoption du critère «grande portée» n'exigerait pas qu'on procède à deux votations dans les conseils, la première sur la grande portée, la seconde sur la soumission au référendum. Il faut, cela va sans dire, répondre négativement à cette question. Après que les conseils ont soumis un traité à un examen approfondi, embrassant tous les aspects, une seule décision doit suffire à déterminer s'il faut ou non soumettre le traité au référendum facultatif.

Reconnaissant qu'il serait difficile de trouver un critère satisfaisant, les auteurs d'autres réponses proposent, s'il était impossible d'y arriver, de déclarer que l'Assemblée fédérale est habilitée à approuver définitivement les traités ou que les traités non visés au 3e alinéa soient tous soumis au référendum facultatif après leur approbation par l'Assemblée fédérale. Certains ont aussi proposé de désigner expressément dans la constitution les traités pour lesquels il ne peut pas y avoir de référendum, tous les autres y étant automatiquement soumis.

1172 Ces propositions offrent un certain intérêt théorique mais ne sont politiquement pas réalisables. Si l'Assemblée fédérale était habilitée à approuver définitivement les traités, le Conseil fédéral aurait les coudées plus franches en matière de politique étrangère, mais on ne saurait concevoir politiquement cette suppression complète du droit des citoyens de participer aux décisions. En revanche, nous rejetons vigoureusement l'idée de soumettre au référendum facultatif tous - ou presque tous - les traités. Le Conseil fédéral verrait sa liberté d'action diminuée dans une mesure inadmissible sur le plan des relations extérieures.

L'examen des avis reçus nous a en outre incités à renoncer à l'emploi des mots «mit dem Ausland» dans le texte allemend. En élaborant l'avant-projet on s'était encore inspiré partiellement de la teneur de l'article 89, 4e alinéa, et l'on avait repris simplement ces trois mots en les associant au terme actuellement courant de «völkerrechtliche Verträge». Cette association a été critiquée avec raison, il y a là un pléonasme à éviter. Le terme de «völkerrechtliche Verträge» est suffisamment précis. Un traité de ce genre peut être conclu avec tout sujet du droit international public, c'est-à-dire tant avec des Etats qu'avec des organisations internationales. Biffer les mots «mit dem Ausland» rend le texte plus clair et plus concis. Cependant, comme nous l'avons dit, ce problème ne se posait pas dans le texte français.

Comme nous l'avons signalé, les auteurs de trois réponses proposent d'examiner s'il ne conviendrait pas d'attribuer certaines tâches au Tribunal fédéral dans le cas du référendum en matière de traités. Le premier se demande si le Tribunal fédéral ne pourrait pas déterminer d'emblée si un traité est de «grande portée». Le second recommande de prévoir que la décision de l'Assemblée fédérale touchant la «grande portée» peut être déférée au Tribunal fédéral. Le troisième voudrait que le Tribunal fédéral tranchât lui-même la question de savoir si un traité déroge à la constitution.

Sous chiffre 56, nous nous sommes prononcés sur le problème d'un Tribunal fédéral appelé à fonctionner comme juridiction constitutionnelle et à donner des avis de droit. Les trois réponses susmentionnées ne faisant apparaître aucun aspect nouveau dans cette question, nous n'avons rien
à ajouter aux explications données sous ce chiffre et aux conclusions négatives qui y sont tirées.

63 Deuxième procédure de consultation Le 28 janvier 1974, le Conseil fédéral autorisa le Département politique à engager une deuxième procédure de consultation au sujet du référendum en matière de traités internationaux. Les associations économiques les plus importantes, le Redressement national et deux sociétés s'intéressant aux problèmes de politique étrangère y participèrent. Les associations consultées appartenaient à la catégorie des organisations qui, lors de la première procédure de consultation, marquèrent le plus d'opposition à l'avant-projet du département.

1173 Les dispositions constitutionnelles suivantes étaient soumises à leur appréciation: L'adhésion à des organisations de sécurité collective ou à des organisations supranationales doit être soumise à l'acceptation ou au rejet du peuple et des cantons.

Les traités internationaux peuvent être soumis à l'adoption ou au rejet du peuple par une décision prise à la majorité de tous les membres de chacun des deux conseils. Si l'Assemblée fédérale prend une telle décision, la votation a lieu lorsque la demande en est faite par 30000 citoyens actifs ou par huit cantons.

Les associations consultées se sont prononcées avec beaucoup de retenue; certaines d'entre elles ont même maintenu fermement l'avis exprimé lors de la première consultation. La critique majeure consistait à dire que la participation du peuple (et des cantons) n'était pas suffisamment assurée dans le domaine des traités internationaux. Une fois de plus, on exprimait le désir de voir le référendum obligatoire étendu aux traités qui dérogent à la constitution ou qui limitent des libertés constitutionnelles ou des droits constitutionnels. Nous vous avons déjà exposé en détail dans les chapitres précédents pourquoi nous ne pouvons nous rallier à de pareilles propositions. Nous nous bornerons à rappeler ici l'essentiel de ces considérations.

Une raison importante réside dans la nature de notre constitution, qui contient une série de dispositions appartenant formellement au droit constitutionnel mais rentrant matériellement dans le domaine de la législation. Ce fait, qu'il faut attribuer pour une large part à l'initiative constitutionnelle, aurait pour conséquence qu'on devrait soumettre des traités de portée secondaire à la procédure compliquée et longue du référendum obligatoire, avec votation du peuple et des cantons. En outre, la propension serait grande, en pareil cas, de restreindre, par le biais d'initiatives constitutionnelles, la liberté d'action du Conseil fédéral et du parlement dans le domaine de la politique étrangère.

Les termes de «droits constitutionnels» et de «limitation des droits constitutionnels» sont particulièrement vagues lorsqu'il s'agit de traités internationaux; des difficultés d'interprétation seraient donc inévitables. Il y a lieu de considérer en particulier que de nombreuses dispositions constitutionnelles sont
en première ligne destinées à régler des rapports juridiques dans le pays même et n'empêchent pas qu'un régime différent dans les rapports entre la Suisse et l'étranger soit instauré par un traité international. Nous tenons à relever que la constitution a un champ d'application limité pour l'essentiel au territoire national. N'oublions pas non plus que, lorsqu'un traité international modifie effectivement la constitution ou l'une des conditions essentielles sur laquelle celle-ci repose, on procède dans chaque cas à la révision de la constitution. Cela étant indiscutable et allant de soi, il serait superflu d'insérer une mention expresse dans la constitution.

Enfin, notre attitude à l'égard du référendum obligatoire doit être appréciée en liaison avec la nouvelle disposition sur le référendum facultatif et non pour elle-même. Cette disposition donne au parlement la compétence de soumettre à

1174

ce référendum les traités en question. C'est là, par rapport au droit en vigueur, un grand pas franchi dans le sens d'une démocratisation de la politique extérieure.

En ce qui concerne le référendum facultatif, les associations ont critiqué en premier lieu le fait que le projet ne prévoit aucun traité qui y serait soumis de plein droit, c'est-à-dire sans décision du parlement. Comme elles avaient fait lors de la première consultation,-elles demandent en particulier l'application de ce régime aux traités qui modifient des lois. Les auteurs de ces critiques craignent avant tout que le parlement n'arrive pas à instaurer une pratique uniforme, ce qui serait la source d'une grande insécurité juridique.

Après la seconde procédure de consultation, la commission d'experts nommée par le Département politique a également examiné de manière approfondie le problème du référendum facultatif. Elle est alors arrivée à la conclusion qu'il convenait de maintenir le texte primitif, cela pour les motifs que nous avons déjà exposés dans le présent message (cf. ch. 53 et 54). Nous nous bornons à souligner encore que, selon notre profonde conviction, le nouvel article constitutionnel ne devra en aucune manière déboucher sur une nouvelle répartition de la compétence dans le domaine de la politique étrangère. Il ne doit ni enlever des prérogatives au parlement, ni porter atteinte à l'activité gouvernementale. Il ne doit pas non plus avoir pour effet de créer une confusion sur le plan des responsabilités. Nous estimons que ce but ne sera pas atteint si l'on institue le référendum facultatif pour tous les traités qui doivent être soumis à l'approbation de l'Assemblée fédérale. En Poccurence, il faudrait de nouveau prévoir des exceptions, autrement dit établir des critères permettant de déterminer les traités qui ne doivent pas être soumis au référendum. Si les auteurs des réponses s'accordaient sur ce point, ils n'ont pas été en mesure de proposer des solutions concrètes.

Dans ces conditions, nous pensons que la meilleure solution consiste, aujourd'hui encore, à laisser à l'Assemblée fédérale la compétence de décider.

Nous sommes convaincus qu'elle saura s'acquitter de cette tâche en y apportant tout le soin nécessaire et en assumant pleinement sa responsabilité.

La commission d'experts était cependant disposée à
accepter, sur un point, un autre texte que celui du projet primitif. Ce point concerne les traites d'une durée indéterminée et non dénonçables. Dans ce cas, mais dans ce cas seulement, l'obligation de soumettre le traité au référendum facultatif peut, à son avis, se justifier. Comme cela ressort du chiffre 54, notre proposition tient compte de l'avis exprimé par les experts.

7 Classement de motions et postulats Nous vous proposons de classer les interventions suivantes : 1962 P 8013 Référendum en matière de traités internationaux (N 7 mars 1962, Jaeckle).

1175 1970 M 10314 Référendum en matière de traités internationaux (N 20 mars 1970, Hummler; E 12 mars 1970).

1970 M 10315 Référendum en matière de traités internationaux (E 12 mars 1970, Luder; N 20 mars 1970).

8 Proposition Nous fondant sur les considérations qui précèdent, nous vous proposons d'adopter notre projet et de le soumettre au vote du peuple et des cantons en recommandant de rejeter l'initiative populaire et d'accepter le contre-projet de l'Assemblée fédérale.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

Berne, le 23 octobre 1974 Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération,

22246

Le chancelier de la Confédération, Huber

1176

(Projet)

Arrêté fédéral instituant de nouvelles dispositions sur le référendum en matière de traités internationaux

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'initiative populaire contre la limitation du droit de vote lors de la conclusion de traités avec l'étranger, présentée le 20 mars 19731'; · vu le message du Conseil fédéral du 23 octobre 19742>, arrête: Article premier 1

L'initiative populaire du 20 mars 1973 contre la limitation du droit de vote lors de la conclusion de traités avec l'étranger est soumise au vote du peuple et des cantons.

2 Elle est formulée en ces termes : La constitution fédérale du 29 mai 1874 est complétée comme il suit: I

Art. 89, 3e al.

3

Les traités internationaux conclus pour une durée déterminée ou indéterminée sont également soumis à l'acceptation ou au rejet par le peuple lorsque la demande en est faite par 30 000 citoyens actifs ou par huit cantons, Art. 89, 4e al.

Abrogé D FF 1973 I 1030 a > FF 1974 II 1133

1177 II

L'article 89, 3e alinéa, entre en vigueur aussitôt après son acceptation par le peuple et les cantons et l'adoption de l'arrêté de validation par l'Assemblée fédérale.

Le délai référendaire commence à courir au même moment pour les traités internationaux en vigueur qui ont été conclus pour une durée déterminée.

Art. 2

.

1

Le contre-projet de l'Assemblée fédérale est soumis en même temps au vote du peuple et des cantons, 2

II est rédigé en ces termes : Les 3e et 4e alinéas de l'article 89 de la constitution sont remplacés par les dispositions suivantes: 3 Le 2e alinéa est aussi applicable aux traités internationaux d'une durée indéterminée et non dénonçables ou qui sont soumis à l'adoption ou au rejet du peuple par une décision prise à la majorité de tous les membres de chacun des deux conseils.

4

L'adhésion à des organisations de sécurité collective bu à des organisations supranationales doit être soumise à l'acceptation ou au rejet du peuple et des cantons,

Art. 3 L'Assemblée fédérale recommande au peuple et aux cantons de rejeter l'initiative populaire et d'accepter son contre-projet.

22246

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant de nouvelles dispositions sur le référendum en matière de traités internationaux (Du 23 octobre 1974)

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25.11.1974

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