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ET RECUEIL DES LOIS SUISSES 68e année.

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Berne, le 6 décembre 1916. Volume IV.

Message du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant un projet de loi fédérale sur les conséquences de droit public de la saisie infructueuse et de la faillite.

(Du 1er décembre 1916.)

Monsieur le président et messieurs, En date du 9 avril 1915, le Conseil national a pris en considération une motion de M. le Dr Affolter et cosignataires, du 4 avril 1914, ainsi conçue : « Le Conseil fédéral est invité à présenter un rapport sur les questions suivantes : 1° N'y a-t-il pas lieu d'édicter des prescriptions légales, en exécution de l'article 26 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, aux fins d'empêcher que l'a saisie infructueuse et la faillite entraînent des conséquences de droit public ?

2° N'y a-t-il pas lieu de reviser l'article 149, 5e alinéa, de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, aux fins de soumettre aussi à la prescription pour le débiteur la créance fondée sur un acte de défaut de biens ? -- de compléter ou de reviser d'autres dispositions de cette loi ? » Fouille fédérale suisse. 68me année. Vol. IV.

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Nous avons l'honneur de vous présenter ci-après notre rapport sur la première partie de la motion, soit sur la question de la réglementation fédérale dès conséquences de droit public de la saisie infructueuse et de la faillite.

L Déjà en 1873, lors des délibérations sur la révision de la constitution fédérale, MM. Pictet et Klein formulèrent en séance du Conseil national deux propositions dirigées contre la privation des droits politiques pour cause de simple faillite dans laquelle le débiteur ne se serait rendu coupable d'aucun 'acte punissable. Ils demandèrent l'adoption d'une proposition suivant laquelle un citoyen suisse ne pouvait être déclaré déchu de ses droits politiques que par un jugement pénal ou en cas de maladie mentale. Le Conseil national adopta avec quelques modifications la proposition de M. Pictet. Mais au cours de la discussion des divergences entre les deux conseils, la disposition en question fut abandonnée et remplacée par l'article 66 actuel de la constitution fédérale, lequel a la teneur suivante : « La législation fédérale fixe les limites dans lesquelles un citoyen suisse peut être privé de ses droits politiques. » En date du 2 octobre 1874, le Conseil fédéral soumit à l'Assemblée fédérale un projet de loi fédérale sur le droit de vote des citoyens suisses (Feuille féd. 1874, III, 34), projet qui devait être adopté en exécution de la disposition constitutionnelle susénoncée. L'article 4 du projet de loi avait la teneur que voici : « Un citoyen ne peut être exclu du droit de vote que dans les cas suivants : ' 1. par sentence du juge en matière pénale; 2. s'il est sous tutelle pour une autre cause que celle de minorité. » La faillite et la saisie infructueuse comme telles ne devaient donc pas entraîner la privation du droit de vote (v. l'exposé des motifs dans le message du Conseil fédéral du 2 octobre 1874; Feuille féd. 1874, III, 44 à 47).

L'Assemblée fédérale modifia le projet de loi en prévoyant l'exclusion du droit de vote également « pour cause de faillite non justifiée, et cela pendant cinq ans au plus.

Dans chaque cas, le juge décide si la faillite est justifiée et fixe la durée de l'exclusion » (art. 5, ch. 3, du texte adopté par l'Assemblée fédérale le 24 décembre 1874; Feuille féd. 1875, I, 2). Mais ce projet fut rejeté en yotation populaire dm

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23 mai 1875 par 207.263 voix contre 202.583 (Feuille féd. 1875,

m, 3i2).

En date du 25 octobre 1876, le Conseil fédéral soumit à l'Assemblée fédérale un nouveau projet de loi fédérale sur les droits politiques des Suisses établis et en séjour et la perte des droits politiques des citoyens suisses (Feuille féd.

1876, IV, 75). Ce projet élaboré, comme celui qui l'avait précédé, par M. le conseiller national Dr Dubs, stipulait dans son article 13 ,que l'exclusion d'un citoyen suisse du droit de vote politique pourrait avoir lieu.

« 1. par sentence du juge en matière criminelle ou correctionnelle; 3. pour cause de faillite, dans les cas qui ne rentrent pas sous le chiffre 1, au plus jusqu'à cinq ans. Ce terme doit être abrégé en cas de culpabilité moins grande et, s'il n'existe pas de culpabilité, aucune exclusion n'est prononcée. » Le message exposait que deux opinions diamétralement opposées l'une à l'autre s'étaient mainifestées lors du referendum. « Comment concilier ces deux opinions contraires pour éviter un nouveau rejet de la loi ? Notre projet propose une transaction. En cas de faillite simple, l'exclusion du droit de vote a lieu, dans la règle, jusqu'à cinq ans; en cas de culpabilité moins grande, ce terme doit être abrégé, et, s'il n'existe pas de culpabilité, aucune exclusion ne doit être prononcée. Le projet ne dit pas quelle sera l'autorité compétente pour cela et laisse ce soin à la législation cantonale. » « Nous ne nous cachons pas qu'on objectera peut-être que ces dispositions ne sont ni rationnelles ni humaines; toutefois, comme la législation cantonale est libre de donner plus d'extension au droit de vote aussi sous ce rapport, ces dispositions n'entravent pas là liberté des cantons et ne constituent pas un obstacle au progrès » (Feuille féd. 1876, IV, 81).

Mais le texte adopté par l'Assemblée fédérale en datç, du 28 mars 1877 (Feuille féd. 1877, II, 835) énonçait dans son article 12, sous chiffre 3, qu'un citoyen suisse pouvait être privé de ses droits politiques « pour cause de faillite, pendant 5 ans au plus et par jugement de l'autorité compétente.

En cas de faute particulièrement grave de la part du failli, ce terme peut être porté jusqu'à 10 ans; lorsqu'il n'y a pas eu faute de la part du failli, celui-ci ne peut pas être privé de ses droits politiques. »

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Cette loi subit le même sort que la première; elle fût rejetée en votation populaire du 21 octobre 1877 par 218,230 voix contre 131.557 (Feuille féd. 1877, IV, 669).

En 1880/81, le Conseil fédéral fut saisi de quelques pétitions, émanant notamment de faillis, tendantes à ce qu'il lui plût proposer à l'Assemblée fédérale l'adoption de dispositions portant que la faillite n'entraîne pas la suspension dans l'exercice des droits politiques et que cette suspension ne peut intervenir qu'en vertu d'un jugement. Puis vint la motion Burckhardt et consorts. Le Conseil national adopta dans sa séance du 24 janvier 1882 cette motion invitant le Conseil fédéral à élaborer un nouveau projet de loi concernant les droits politiques des Suisses établis ou en séjour et la perte des droits politiques des citoyens suisses.

Le Conseil fédéral donna suite à cette invitation en présentant le 2 juin 1882 un nouveau projet de loi fédérale sur les droits politiques des citoyens suisses (Feuille féd. 1882, III, 1). L'article 15 de ce troisième projet stipulait que l'exclusion d'un citoyen suisse de l'exercice de ses droits politiques pourrait avoir lieu par sentence judiciaire, ensuite d'une condamnation en matière criminelle ou correctionnelle.

La faillite comme telle ne constituait pas un motif d'exclusion. Nous extrayons du message du Conseil fédéral ce qui suit : « Le projet de 1877 faisait de larges sacrifices à l'opinion qui veut écarter du scrutin plusieurs catégories d'individus, telles, que les faillis et les assistés. On espérait par ces concessions désarmer les résistances sous lesquelles le projet de 1875 avait succombé. H n'en fut rien. Comme nous l'avons déjà dit, le nombre des adversaires de la loi ne fit que grandir. C'était justice. Une loi dont le message explicatif devait dire lui-même que telles de ses dispositions n'étaient « ni rationnelles ni humaines », une loi dont tout le bien qu'on pouvait dire était qu'elle n'entraverait pas le progrès, parce qu'en définitive les cantons conservaient la faeulté de ne pas appliquer les restrictions qu'elle permettait d'apporter au suffrage populaire, une telle loi ne pouvait qu'être suspecte à tous. Il faut rompre avec cet opportunisme qui sacrifie à l'espoir douteux d'un succès les vrais principes de la démocratie. Cinq années bientôt se sont écoulées depuis le temps où l'Assemblée fédérale décidait que le failli pourrait être privé de ses droits politiques. La pénible crise que nous avons subie dès lors et dont nous

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sôïtoBS à peine a détruit en cette matière bien dés préjugés; le jugement des masses, plus sévère peut-être qu'autrefois sur .

les grands désastres financiers, est par contre plus clément pour les petites infortunes. Il va sans dire que la faillite peut être l'occasion de crimes ou de délits. Elle peut être, frauduleuse. Elle peut prendre le caractère d'une banqueroute. Dans, ce cas, le juge applique la peine prévue contre le délit, et la privation des droits politiques peut être prononcée aussi, comme la conséquence ou l'accessoire de la peine. Ce cas rentre dans celui que prévoit notre projet, lorsqu'il dit que l'exclusion des droits politiques peut, être prononcée par le juge ensuite d'une condamnation criminelle ou correctionnelle. Ici, nous parlons de la faillite simple, d.u cas où il n'y a ni fraude, ni biens cachés, ni écriture altérée, ni aucun des cas prévus par la loi pénale. L'individu ne peut plus payer ses dettes; des pertes qu'il a subies, peut-être des dépenses inconsidérées, l'imprévoyance, l'indolence l'ont conduit à ce résultat. Faut-il pour cela le priver de sa qualité de citoyen ? Telle est la question, posée dans toute sa netteté. Nous n'hésitons pas à la résoudre négativement. » Ce troisième projet figura pendant un certain nombre d'années à l'ordre du jour de l'Assemblée fédérale, mais il ne fut jamais, mis en discussion. En dates des 22 mars et 6 juin 1893, les deux sections décidèrent de rayer cet objet de leur ordre du jour.

Les conseils législatifs partirent du point de vue que la question de la privation des droits politiques pour cause de faillite et de saisie infructueuse devait être résolue par une loi à édicter en exécution de l'article 66 de la constitution o fédérale. Le législateur fédéral préféra donc ne pas régler la question1 lors des délibérations relatives à la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite. Le message du Conseil fédéral concernant la L P s'exprime (Feuille féd.

1886, II, 74) en ces termes : « En ce qui concerne les conséquences de la saisie et de la déclaration de faillite du débiteur au point de vue des droits civiques, nous pensons que ce n'est pas dans la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite qu'on doit placer les prescriptions relatives à ce domaine, mais bien dans celle qui réglera, d'après une vue d'ensemble, les conditions de la jouissance et de la perte des droits politiques ».

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C'est ainsi que fut adopté l'article 26 de la loi fédérale sur la poursuite, lequel est ainsi conçu : « Sous réserve des dispositions des lois fédérales sur les droits politiques des citoyens (art. 66 de la constitution fédérale), il appartient aux cantons de déterminer les conséquences de droit public attachées à la saisie infructueuse et à la faillite.

« Toutefois la réhabilitation doit être prononcée si la faillite est révoquée ou si tous les créanciers perdants ont été payés ou consentent à la réhabilitation. » IILa situation actuelle est celle-ci : La législation fédérale prévoit certaines conséquences de droit public de la faillite et de la saisie infructueuse. Ainsi, l'article 18 de la loi fédérale du 12 avril 1907 sur l'organisation militaire dispose que les officiers en faillite ou contre lesquels existe un acte de défaut de biens sont exclus du service personnel. Si la cause de l'exclusion disparaît, l'autorité .qui a procédé à la nomination de l'officier statue sur la réintégration. Les sous-officiers en faillite ou contre lesquels existe un acte de défaut de biens sont exclus du · service personnel aussi longtemps que subsiste le motif de cette exclusion. En outre, un arrêté du Conseil fédéral du 2 juin 1894 (Ree. off., XIV, 216) stipule que les fonctionnaires et employés de l'administration fédérale tombés en faillite ou contre lesquels un acte de défaut de biens ä été rendu ensuite d'une poursuite pour dettes par voie de saisie sont considérés comme nommés à titre provisoire dès la date »de publication de la faillite ou dès le jour où l'acte de défaut de biens a été dressé. Mais dans le cas de l'acte de défaut de biens, le Conseil fédéral peut statuer autrement, en tenalnt compte des circonstances. Il se réserve d'ailleurs une décision ultérieure dans tous les cas.

Quant au reste, les conséquences de droit public de la faillite et de la poursuite- infructueuse sont réglées par la ~ : Mslation cantonale. Les cantons ont très diversement fait usag'i: de la faculté qui leur est octroyée par l'article 26 L P.

La plupart ont prévu une privation de droits politiques.

Cette privation consiste essentiellement dans l'exclusiou du dr it de vote et de l'éligibilité. Mais des conséquences accès1.1 nres sont prévues en assez grand nombre : incapacité

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de remplir certaines fonctions publiques ou d'exercer des professions patentées (avocats, notaires, géomètres), exclusion de la bourse, impossibilité d'obtenir une patente d'auberge ou un permis de chasse, puis des conséquences en matière de procédure (telles que l'obligation de fournir des sûretés pour les frais et la limitation de la capacité de témoigner ou de prêter serment). Certains cantons règlent et considèrent ces conséquences comme constituant des effets secondaires de la suspension du droit de citoyen actif, tandis que d'autres entendent les régler en voyant en elles la résultante directe de la faillite et de la saisie infructueuse. Le code civil suisse lui-même prévoit une conséquence secondaire de la suspension dans son article 384, alinéa 2, suivant lequel « ne peuvent être tuteurs celui qui est privé de ses droits civiques ». Enfin, il convient d'observer que dans la plupart des cantons la suspension ou même la seule insolvabilité font l'objet d'une publication dans la Feuille officielle ou ailleurs, ce qui constitue, aux ternies de la jurisprudence du Tribunal fédéral, une partie spéciale des conséquences de droit public.

La récapitulation ci-après comprend uniquement les dispositions qui se rapportent à ' l'exclusion du droit de participer aux votations et élections, pour cause de faillite ou de saisie infructueuse*).

*) .Zurich: Staatsverfassung, Art. 18, Ziffer 3 (revidiert am 2. April 1.911);. Ausführungsgesetz zum BG über Sch. und K., vom 27. Mai 1913, § 17 ; Verordnung betreffend Einstellung von Konkurs!ten im Aktivbürgerrecht, vom 27. Mai 1913. -- Berne : Gesetz über die öffentlichrechtlichen Folgen des Konkurses und der fruchtlosen Pfändung, vom 1. Mai 1898 ; Verordnung betreffend die öffentlichrechtlichen Folgen des Konkurses und der fruchtlosen Pfändung, vom 3. November 1914. -- Lucerne : Gesetz betreffend Anwendung des BG über Sch. und K, vom 30. November 1915. -- Uri: Kantonsverfassung, Art. 23 und 24 (revidiert am 3.Mai 1891); Einführungsgesetz zum BG über Sch. und K., vom 3 Mai 1891, Art. 99/100. -- Schwyz : Einführungsgesetz zum BG über Sch. und K.; vom 31. Mai 1912, Art. 85 bis S4. -- Unterwald-le-Haut : Kantonsverfassung vom 27. April 1902, Art. 21; Vollziehungsverordnung zum BG über Sch. und K., vom 23. April 1891, Art. 83 ; Landsgemeindebeschluss betreffend
teilweise abänderung des Strafrechtes, vom 26. April 1908. -- Unterwald-le-Bas : Einführungsverordnung zum BG über Sch. und K., vom 19. April 1913, § 55 ff. -- Glaris: Kantonsverfassung vom 21. Mài 1877, Art. 23; Einführungfgesetz zum BG über Sch. und K., vom 6. Mai 1906, §§56 ff.; Regierungsratsbeschluss betreffend die Ehrenfolgen während der Dauer der Kriegswirren, vom 22. Oktober 1914. -- Zoug : Verfassung vom 31. Januar 1894, Ari. 27 ; Einführungsgesetz zum BG über Sch. und K., vom 5. Oktober 1891, §§ 70 ff.; Gesetz betreffend das Verfahren bei .Wahlen und Abstimmungen, vom 17. April 1902, § 2. -- Fribourg : Constitution can-

314 1. En ce .qui concerne l'exclusion du droit de voter et d'élire, il y a' lieu de distinguer dans lés législations cantonales trois systèmes différents : a. La faillite et la saisie infructueuse n'entraînent pas la privation des droits politiques. Pareille privation ne peut intervenir qu'aux termes d'un jugement pénal, lorsqu'il existe un acte punissable. Ce système est en vigueur dans tonale du 7 mai 1857, art. 26 ; loi concernant l'exécution de la loi fédérale sur la poursuite, etc. du 11 mai 1891, art. 48 à 52. -- Soleure : Gesetz betreffend die öffentlichrechtlichen Polgen der fruchtlosen Pfändung und des Konkurses, vom 20. August 1893 ; Regierungsratsbeschluss vom 2. Oktober 1914 betreffend Nichteinstellung des Schuldners im Aktivbürgerrecht bei den durch die derzeitige wirtschaftliche Lage verursachten Auspfändungen und Konkursen. -- Bâle- Ville : Gesetz betreffend Aufhebung der öffentlichrechtlichen Ehrenfolgen von Konkurs und Auspfändung, vom 10. Juni 1915. -- Bâle-Campagne: Einführungsgesetz zum BS über Sch. und K., vom 81. August 1891, §§ 35 -- 37, 40-41 ; Einführungsgesetz zum ZGB, vom 30. Mai 1911, §§26-27.-- Schaffhouse : Kantonsyerfassung, Art. 5 (revidiert am 22. August 1892) ; Strafgesetznovelle vom 9. November 1891, §§ 288--288d; Wahlgesetz vom 15. März 1904, Art 8.

Appenzell-Rh. Ext. : Einführungsgesetz zum SchKG, vom 27. April 1913, Art. 34-40; Strafgesetz vom 28. April 1878, Art. 121--US. -- Appenzell-Rh. Int. : Kantonsverfassung vom 24. November 1872, Art. 16 ; Strafgesetz vom 30. April 1899, Art. 132, 136--139. -- St-Gall : Gesetz betreffend die Einführung des BG über Sch. und K., vom 22. September 1911, Art. 45 ff.; Regierungsratsbeschlüsse vom 25. November 1912 und 24. April 1914; Kreisschreiben des Regierungsrates betreffend die Bestrafung der fruchlos betriebenen Schuldner und der Falliten, vom 25. September 1914. -- Grisons : Gesetz betreffend die öffentlichrechtlichen Folgen des Konkurses und der fruchtlosen Pfändung, vom 1. Januar 1895 ; Verordnung betreffend die öffentlichrechtlichen Folgen etc., vom 30. September 1914 (nebst Kreisschreiben des Kleinen Rates vom 9. Oktober 1914 und 27. Juli 1915. -- Argovie : Staatsverfassung vom 23. April 1885, Art. 13; Gesetz betreffend die Folgen des Konkurses und der fruchtlosen Pfändung, vom 28. Mai 1894; Verordnung betreffend
die öffentlichrechtlichen Folgen etc. während der Zeit der Kriegswirren, vom 21. Dezember 1914. -- Thurgovie: Einführungsgesetz zum BG über Sch. und K., vom 3. Mai 1891, §§ 81--89. -- Tessin : Costituzione Cantonale del 23 giugno 1830, art. 18 ; Legge di revisione della Legge Cantonale d'attuazione ecc.

in tema di Esecuzione e Fallimento, del 8 marzo 1911 (art. 38--43) ; Legge sull' esercizio dei diritti politici, del 15 luglio 1880, art. 4. -- Vaud : Constitution cantonale du 1er mars 1885, art. 24 ; loi concernant la mise en vigueur de la loi fédérale sur la poursuite, etc., du 16 mai 1891, art. 38.-- Valais : Loi du 23 mai 1908 sur les élections et votations, art. 5. litt, a ; arrêté du Conseil d'Etat relatif aux conséquences de droit public attachées aux actes de défaut de biens délivrés durant l'état de guerre, du 9 octobre 1914. -- Neuchâtel : Constitution cantonale, art. 33 (révisée le 22 janvier 1882) ; loi pour l'exécution de la loi fédérale sur la poursuite, etc., du 22 mars 1910," art.-28 a 32; loi sur les élections"et votations, du 22 novembre 1894, art. 4. -- Genève: Constitution cantonale du 24 mai 1847, art. 24; loi d'application de la loi fédérale sur la poursuite etc., du 16 mars 1912, art. 24 à 31.

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lès cantons de Genève, Neuchâtel, Schaffhoüse, Baie-Ville et Appéuzell-Rhodes-Extérieures, Zurich, \raud et Glaris né font tout au moins intervenir des conséquences de droit public en cas de saisie infructueuse (contrairement à ce qui en est dans la faillite) que s'il y a acte punissable.

Les dispositions de deux cantons méritent de rétenir plus spécialement l'attention : C'est seulement le 10 juin 1915, par l'adoption d'une loi concernant la suppression des conséquences de droit public de la faillite et de la saisie, que le canton de Baie-Ville s'est rallié au système susindiqué. Le § 1er, alinéa 1er, stipule que sous réserve de dispositions spéciales en décidant autrement, la saisie infructueuse et la faillite comme telles n'entraînent aucune privation des droits politiques.

Dans le cantons d'Appenzell-Eh. Ext., l'office des faillites est tenu de faire parvenir à l'autorité chargée ' de l'enquête, dans chaque cas de faillite et après clôture de la liquidation, un rapport sur le résultat de cette liquidation, énonçant ses observations sur les causes supposées de l'insolvabilité. A teneur du § 124 du code pénal, la banqueroute simple est ellemême punissable, soit aussi le cas dans lequel le caractère de fraude ou de légèreté fait défaut. La peine applicable dans le cas de banqueroute simple est l'emprisonnement jusqu'à deux semaines, avec ou sans l'amende jusqu'à 40 francs et accompagné de la privation de l'éligibilité. L'interdiction de fréquenter les auberges peut être également prononcée contre le débiteur. Lorsque celui-ci n'a pas commis de faute ou que certaines questions de famille constituent des circonstances atténuantes, il peut n'être condamné qu'à la privation de l'éligibilité ou même ne se voir appliquer aucune peine.

Celui contre qui a fait l'objet d'une saisie infructueuse est puni comme le failli.

b. La privation des droits politiques peut également intervenir lorsqu'il n'y a en l'espèce aucun acte punissable. Mais l'autorité compétente doit examiner préalablement le cas et suivre une procédure spéciale. Elle a d'ailleurs la faculté de renoncer, pour des motifs déterminés, à l'application de la peine. La question de la faute est examinée avant l'intervention des conséquences de droit public. Ce système est appliqué dans les cantons de Schwyz, Tessin, Fribourg, Unterwald-le-Haut et lé-Bas, St-Gall, Thurgovie, Appenzell-Rh.-Int, et, pour l'a faillite seule, dans le canton de Vaud. En ce qui

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concerne la procédure, la définition de la faute et la réglementation du fardeau de la preuve, les législations cantonales · accusent des divergences sensibles.

Dans le canton de Schwyz, l'introduction de cette procédure est subordonnée à une proposition du créancier. Si celui-ci ne formule pas de proposition, les conséquences de droit public n'interviennent pas (sauf dans les cas comprenant un acte punissable). C'est dans le délai de quarante jours dès la délivrance de l'acte de défaut de biens que le créancier est admis à présenter au président du tribunal de district la requête tendante à ce que le débiteur soit privé de ses droits politiques. Le débiteur peut dès lors déposer une réponse en indiquant les preuves à sa décharge, après quoi le créancier et le débiteur sont autorisés à formuler une réplique et une duplique. Le tribunal de district statue sans débat oral et sur la base du dossier; la décision motivée est susceptible d'être déférée au tribunal cantonal par le procureur général ou par les parties. La privation des droits politiques n'intervient pas dans les cas où la faillite ou la saisie infructueuse ne sont pas le résultat d'une faute de celui qui en fait l'objet. Les frais du tribunal sont payés par la caisse de district. Si sa requête est écartée, le créancier peut se voir condamner à rembourser ces frais. En cas d'admission de la requête du créancier, le débiteur est lui-même astreint au remboursement des frais; la réhabilitation n'a lieu qu'après ce remboursement.

A Fribourg, le préposé défère le débiteur au tribunal correctionnel, dans les trois mois dès la date de l'acte de défaut de biens ou la clôture de la faillite, « s'il lui paraît non excusable » ou si un créancier perdant le requiert. Le juge, en déclarant le débiteur « non excusable », constate son insolvabilité et le condamne, indépendamment des autres peines qu'il peut avoir encourues, à la privation des droits politiques aussi longtemps qu'il n'a pas satisfait les créanciers perdants. Les frais de l'action intentée à un débiteur reconnu excusable sont mis à la charge de l'Etat.

Le débiteur est déclaré non excusable si le tribunal le reconnaît coupable d'un des crimes ou délits en matière de poursuite pour dettes ou de -faillite ou « si la dette constatée par l'acte de défaut de biens est la conséquence d'une
faute grave, spécialement si elle a pour cause une condamnation pénale, la restitution d'argent reçu dans l'exercice d'une fonction ou emploi public, d'une tutelle ou curatelle. »

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Quant au canton de Vaud, le président du tribunal constate, en prononçant la clôture de la faillite, « si le failli a justifié des pertes qujil a fait essuyer à ses créanciers par des pertes accidentelles qu'il aurait lui-même éprouvées ».

Si le président admet la négative, il prononce la privation des droits politiques. Il y a recours ail tribunal cantonal.

Les conséquences de droit public sont réglées d'une façon analogue au T essin. Après^ avoir entendu le débiteur et l'administration de la faillite, le préteur constate dans son prononcé de clôture « se le perdite subite dai creditori appaiono o meno giustificate da altre sofferte dal fallito senza sua colpa ». En cas de saisie infructueuse, le préposé adresse d'office un rapport au préteur qui examine, comme dans la faillite, l'excusabilité et prononce le cas écbéant la privation des droits politiques. Le prononcé du préteur peut être déféré à l'autorité cantonale de surveillance.

Dans les cantons d'Unterwald-le-Haut et lé-Bas, St-Gall, Thurgovie et Appenzell-Ebodes Intérieures, l'office des poursuites et faillites est également tenu de soumettre d'office chaque.cas de faillite ou de saisie infructueuse à l'autorité compétente pour statuer sur les conséquences de droit public; il adresse simultanément un rapport à ladite autorité.

Celle-ci fournit. dans Ja règle au débiteur l'occasion de répondre; elle procède d'office aux recherches utiles. Suivant les dispositions d'Unterwald-le-Haut, le préposé aux poursuites et faillites fait rapport au tribunal de police, dès que les causes de l'insolvabilité sont constatées. La privation des droits politiques n'intervient pas dans le cas où le débiteur est reconnu n'avoir évidemment commis aucune faute (in jenen Fällen, auf welche sie wegen offenbaren Nichtverschuldens als nicht anwendbar erklärt wird). Unterwald-leBas n'admet le renvoi au tribunal cantonal qu'après la liquidation ou la délivrance de l'acte définitif de défaut de biens; la privation des droits politiques n'est pas prononcée lorsque la faute du débiteur ne présente pas un caractère de gravité ou qu'elle est inexistante (in Fällen in welchen sie wegen offenbaren Nichtverschuldens oder geringen Selbstverschuldens als nicht anwendbar erklärt wird). A St-Gall, le préposé porte toute poursuite infructueuse à la connaissance du conseil
municipal. Celui-ci applique la suspension des droits politiques, pour autant que la preuve de l'absence d'une faute n'est pas faite. En cas de faillite, l'office adresse a« tribunal un rapport sur les caitses, le cours et le résultat

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de la faillite, ainsi que sur la faute éventuelle dti failli.

Le tribunal punit le failli fautif de là privation des droits politiques. En Thurgovie, l'office des 'poursuites et des faillites transmet au tribunal de district un rapport sur les eainses de l'insolvabilité, sur l'importance de la perte subie par les créanciers, puis sur le degré de la faute, le genre de vie et la réputation du débiteur. Les créanciers .et le débiteur ont un délai de dix jours p"bur prendre connaissance du rapport et peuvent demander au président du tribunal, en faisant l'avance des frais, que de nouvelles recherches soient faites, en la procédure d'instruction, pour fixer plus exactement l'état des faits. Le tribunal décide librement, sur la base du dossier, de l'intervention et de la durée de la privation. Celle-ci doit être prononcée lorsque le débiteur a causé par sa propre faute l'aggravation de sa situation financière. Le débiteur et les créanciers lésés ont le droit de recourir à la cour suprême du canton, moyennant qu'ils garantissent les frais de cette procédure. Dans le canton d'Appenzell-Rhodes Intérieures, tout failli hors d'état de démontrer que la faillite a été prononcée sans sa faute est puni de la privation des droits politiques. L'office communique tous les cas de poursuite infructueuse au tribunal de district qui prononce la privation requise par un créancier lésé, pour autant que le débiteur ne prononce pas l'absence d'une faute de sa part.

c. La privation des droits .politiques intervient immédiatement avec l'ouverture de la faillite ou la délivrance d'un acte définitif de défaut de biens ou avec la publication. Ce système de la suspension automatique dans l'exercice des droits politiques est en vigueur dans les cantons de Glaris (pour la faillite seule), Zoug, Baie-Campagne, Soleure, Argovie, Berne, Grisons, Uri, Valais et, Lucerne.

Dans le canton de Berne, la publication et avec elle les conséquences de droit public interviennent, en matière de saisie infructueuse, trois mois après que l'acte de défaut de biens a été établi. Le débiteur est rendu attentif à ce délai de trois mois et aux conséquences de son expiration. Dans les Grisons, la publication a lieu six semaines après l'exécution de la saisie. D'après la législation de Baie-Campagne, la publication et l'intervention définitive de la
suspension peuvent se produire au plus tôt trente jours après l'établissement .de l'acte de défaut ou la clôture de la faillite. La publication est ajournée dans les cas où le débiteur a pré-

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sente entre temps une requête tendante à ce que les conséquences de droit public fussent supprimées ou abrégées en ce qui le concerne.

Tous les cantons rentrant dans ce groupe, hormis Lucerne, stipulent la possibilité d'obtenir la suppression des conséquences de droit public dans les cas où il n'existe pas de faute du débiteur. Baie-Campagne exige à cet égard la preuve que le débiteur n'a pas été uniquement par sa propre faute l'objet de la déclaration de faillite ou de la saisie infructueuse; les conséquences de droit public peuvent alors être supprimées ou restreintes quant à leur durée. Berne et Grisons disposent que la privation des droits politiques devra être levée si le débiteur fournit la preuve que son insolvabilité ne lui est pas imputable. De même, Argovie demande au débiteur de prouver qu'aucune faute ne peut être mise à sa charge en ce qui concerne la faillite ou la saisie infructueuse. Soleure autorise la réhabilitation de personnes qui ont fait, sans leur faute, l'objet de la saisie infructueuse ou de la faillite. Glaris exige du failli la preuve que son insolvabilité résulte de faits dont il n'est pas responsable. Le Valais admet la réhabilitation lorsque l'insolvabilité résulte d'une force majeure ou qu'elle est due à l'existence de dettes d'une succession. Uri autorise la suppression immédiate des conséquences de droit public dans les cas où l'insolvabilité découle directement d'une suite d'infortunes non imputables au débiteur; les conséquences peuvent être supprimées après une durée de six ans pour les débiteurs qui sont tombés en faillite par malchance, sans qu'une faute directe ait été mise à leur charge ou qu'un soupçon de fraude ait pu être formulé contre eux. Dans le canton de Zoug, la privation des droits politiques intervient lors de l'ouverture de la faillite, soit avec la publication de la saisie infructueuse dans la Feuille officielle. Mais la saisie ne fait l'objet d'une publication que si un créancier perdant le requiert en faisant le dépôt de l'émolument. Si l'insolvabilité n'est en aucune façon le résultat d'une faute du débiteur ou si elle n'est que partiellement imputable à ce dernier, le tribunal peut renoncer à la privation des droits politiques ou limiter celle-ci à la durée de 1 à 10 ans.

Le débiteur doit adresser par écrit au juge sa requête tendante à ce
que les conséquences de droit public soient supprimées en raison de la prétendue non-imputabilité. Le juge apprécie librement la question de la faute. Dans la plu-

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part des cantons prédésignés, le juge doit exiger la production d'un rapport de l'office des poursuites et fournir aux créanciers l'occasion de s'exprimer au sujet de la requête; il est tenu de faire d'office les autres déinarches utiles. Les frais de la procédure sont supportés par le débiteur directement ou par l'Etat sous réserve de recours contre le débiteur; la procédure est gratuite dans les cantons d'Argovie et de Baie-Campagne. La décision de première instance peut être déférée au tribunal cantonal à teneur des dispositions de la plupart des cantons.

Il y a lieu d'observer ici .que quelques cantons ont prévu l'intervention automatique d'une privation provisoire des droits politiques. A Zurich, la déclaration de faillite fait intervenir la privation des droits politiques pour la durée des opérations de la faillite. Mais le débiteur ne peut être privé postérieurement de ses droits politiques qu'en vertu d'un jugement pénal rendu en présence d'un acte punissable. Dans les cantons du Tessin, de Thurgovie et de St-Gall, la déclaration de faillite entraîne avec elle une suspension provisoire dans l'exercice des droits politiques qui subsiste jusqu'à ce que l'autorité ait statué sur l'éventualité d'une privation définitive. En Thurgovie, de même, la saisie infructueuse provoque, dès que sa procédure est close, la suspension provisoire jusqu'à l'époque où le tribunal prend une décision sur la privation définitive des droits poli. tiques. Dans le canton de Baie-Campagne, le débiteur est suspendu provisoirement dans l'exercice de ses droits politiques pour la durée de la procédure de faillite. La privation devient définitive par sa publication après clôture decette procédure.

2. En ce qui concerne les conditions de la privation des droits politiques, il y a lieu d'attirer encore l'attention sur les dispositions que voici : A teneur de l'article 173, alinéa 2, du code civil suisse, la privation des droits politiques pour cause de saisie infructueuse ou de faillite n'est pas encourue, par suite des pertes que l'un des époux a subies du chef de l'autre.

Les conséquences de droit public ne sont pas applicables aux mineurs dans les cantons de Berne, Lucerne, Uri, Schwyz, Zoug, Soleure, Grisons et Argovie.

Glaris et le Tessin disposent que dans la faillite d'une société en nom collectif, en commandite ou en commandite

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pai- actions ou d'une société coopérative, les conséquences de droit public interviennent à l'égard des membres indéfiniment responsables. Dans le canton d'Appenzell-Rh. Ext., en cas de faillite de corporations de tout genre, les dispositions pénales sont applicables aux membres des organes d'administration et de surveillance. D'autres cantons (p. ex.

Schaffhouse) possèdent- une disposition analogue en ce qui a trait aux délits en matière de poursuite pour dettes et de faillite.

Berne, Soleure, Baie-Campagne, Grisons et St-Gall stipulent que les conséquences de droit public ne peuvent intervenir qu'une seule fois pour la même créance, Les cantons des Grisons et de Baie-Campagne disposent en outre que pendant la durée d'une privation des droits politiques le débiteur ne pourra pas faire l'objet d'une nouvelle suspension dans l'exercice de ces droits.

St-Gall prescrit dans l'article 63, alinéa 3, de sa loi d'introduction du 22 septembre 1911 ce qui suit : « Lorsqu'une nouvelle condamnation a lieu pendant la durée d'une privation des droits politiques prononcée pour cause de poursuite infructueuse, la suspension dans l'exercice de ces droits est prolongée de six à douze mois; toutefois, la durée totale de la privation non interrompue ne peut pas excéder quatre ans. » Si un nouveau jugement rendu avant l'expiration de la privation devait avoir pour effet de prolonger celle-ci au delà de la durée maximum de quatre ans, le débiteur ne peut être condamné à nouveau ni faire l'objet d'une nouvelle publication. La poursuite infructueuse intervenant après l'expiration des quatre ans de privation peut en revanche être suivie d'une nouvelle condamnation à la suspension dans l'exercice des droits politiques (arrêté du Conseil d'Etat du 25 novembre 1912).

3. La durée de la privation des droits politiques est très diversement réglée. .\ Cette durée est illimitée dans les cantons de Fribourg et du Valais. A Zoug, la privation peut être limitée à une période d'un à dix ans ou même abandonnée complètement dans les cas où l'insolvabilité ne résulte pas d'une faute du débiteur ou n'est que partiellement imputable, à ce dernier.

Uri prévoit la réintégration dans l'exercice des droits politiques, après six ans, des débiteurs tombés en faillite par suite d'infortunes, sans qu'ils fussent directement fautifs et

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qu'il y eût à leur égard un soupçon de fraude..Dans le canton de Scnwyz, le tribunal a la faculté de prononcer, sur la proposition du tribunal de district, la réhabilitation après cinq ans de privation. Unterwaîd-le-Haut permet de limiter la durée de la privation des droits politiques dans les cas où la faute est de moindre importance. Au surplus, une décision de la landsgemeinde en date du 26 avril 1908 autorise la réhabilitation après dix ans.

D'autres cantons prévoient la privation temporaire des droits politiques et en fixent exactement la durée dans le texte de la loi : Lucerne 10 ans, Glaris (pour les faillis) 10 ans, Grisons 6, Baie-Campagne 5 et Soleure 4 ans, Berne 6 ans (dans la faillite) et 3 ans (dans la saisie infructueuse), Argovie 6 ans (dans la faillite) et 2 ans (dans la saisie infructueuse). A Zurich, la suspension du failli dans l'exercice de ses droits politiques ne s'étend qu'à la durée des opérations de la faillite.

Dans les cantons où une autorité applique les conséquences de droit public après examen du cas, c'est presque toujours à la même autorité qu'il. appartient de déterminer la durée de la privation, en tenant compte du degré de la faute. Les cantons ci-après indiqués fixent un maximum et partiellement un minimum de durée de la peine : Unterwaldle-Bas (1 à 10 ans), Vaud (jusqu'à 10 ans), Tessin (dans la faillite 2 à 5, dans la saisie infructueuse 1 à 3 ans), St-Gall (1 à 3 ans), Appenzell-Rhodes Intérieures (dans la faillite I à 3 ans et dans la saisie infructueuse 1 à 2 ans). En Thurgovie, le tribunal statue librement sur la durée.

Si une privation des droits politiques est prononcée par jugement pénal, dans les cantons de Berne et de Soleure, pour un délit en matière de poursuite pour dettes ou de faillite, la durée de la peine sera augmentée respectivement des six ou trois ou des quatre années prévues par la loi.

Suivant, la législation bernoise, la durée de la privation des droits politiques est abrégée d'un tiers pour chaque tiers de la dette totale que le débiteur prouve avoir payé. Glaris et le Tessin admettent une réhabilitation dès la moitié de la durée de privation, moyennant que le failli n'ait donné lieu à aucune plainte dès le prononcé et que la moitié des créanciers de la faillite, représentant simultanément la moitié des créances, consentent à la réhabilitation. A Lucerne, la réintégration dans l'exercice des droits politiques a lieu

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après cinq ans de privation, si le débiteur prouve avoir éteint la moitié de chaque créance perdante; lorsqu'il y a plusieurs actes de défaut de biens, le délai court à partir du dernier de ces actes. Dans le canton de St-Gall, la réhabilitation peut également intervenir lorsque la continuation de la privation des droits politiques constitue en l'espèce une mesure' extraordinairement rigoureuse et que, · par ' sa bonne con-' duite et ses efforts à satisfaire les créanciers, le débiteur se montre digne de posséder à nouveau l'exercice de sei droite.

Enfin, il convient de rappeler qu'à teneur de l'article 26, alinéa 2, de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, la réhabilitation doit toujours être prononcée si la faillite est révoquée ou si tous les créanciers perdants ont été payés ou consentent à la réhabilitation.

4. Les cantons sont libres de reconnaître ou d'ignorer les conséquences de droit public prononcées dans un autre canton. De même, il leur est loisible de tenir compte ou non d'une poursuite infructueuse ou d'une faillite qui auraient eu lieu dans un autre canton. Mais si les cantons, faisant usage de cette faculté, entendent traiter comme tels sur leur territoire ceux qui ont été ailleurs l'objet d'une déclaration de faillite ou d'une saisie infructueuse, ils doivent soumettra sous tous rapports ces débiteurs à leur législation en la matière (arr. T. F. 27, I, 7 et suiv.).

Une réglementation par la loi ne se trouve qu'à BaieVille où la faillite et la saisie infructueuse comme telles n'entraînent pas la privation des droits politiques. « Cette disposition s'applique aussi, sur le territoire de Baie-Ville, à ceux dont l'exercice des droits politiques a été suspendu ailleurs pour cause de saisie infructueuse ou de faillite (art.

l«r, al. 2, de la loi du 10 juin 1915).

A teneur des renseignements fournis par les directions cantonales de la justice sur la question de savoir ce qui en est, dans la pratique, des conséquences de droit public pour les débiteurs qui ont été dans un autre canton l'objet d'une déclaration de faillite ou d'une saisie infructueuse, la plupart des autorités cantonales n'ont en cette matière aucune jurisprudence constante et générale et ne consacrent pas la moindre attention à la question. Dans certains cantons, celui qui vient de se fixer dans une commune n'est inscrit au registre civique que si la jouissance du droit de · Feuille fédérale suisse. 68°"> année. Vol. IV

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vote est-constatée par un certificat de, bonnes moeurs ou par une attestation de l'autorité du précédent domicile ou du lieu d'origine; L'autorité communale reconnaît ici et là le droit de vote au nouvel arrivé, pour autant qu'elle n'est pas informée par hasard d'une privation des droits politiques* Si le nouvel arrivé est .reconnu comme étant suspendu dans l'exercice de ces droits, il est traité de la même façon que ceux qui ont été ,dans le canton l'objet d'une déclaration de faillite ou d'une saisie infructueuse. Quelques cantons ne tiennent aucun compte de la privation intervenue ailleurs ou ne prennent celle-ci en considération que si elle résulte d'un jugement.

5. En ce qui concerne la période de la guerre actuelle, le Conseil fédéral a adopté dans son ordonnance du 28 septembre 1914 complétant et modifiant, pour la durée de la guerre, la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, un article 24 conçu en ces termes :. « Les gouvernements cantonaux sont autorisés à déterminer par voie d'ordonnance les conséquences de droit public attachées à la saisie infructueuse et à la faillite. Us portent à la connais^, sance du Conseil fédéral les dispositions édictées en vertu de cette autorisation. » Ont fait usage de cette autorisation les cantons suivants : Grisons, Soleure, Valais, Glaris, Zurich, Berne et Argovie. Ces cantons prévoyaient, dans leur législation ordinaire, l'intervention automatique des conséquences de droit public.

Dans les cantons de Glaris, des Grisons et de Soleure, seul le débiteur que les événements de guerre mettent hors d'état de désintéresser ses créanciers peut adresser au tribunal de la faillite une requête tendante à ce que les conséquences de droit public ne lui soient pas appliquées. La requête est admise si le débiteur rend vraisemblable que les événements de guerre l'ont empêché d'exécuter ses obligations. L'office des poursuites et des faillites fait parvenir au débiteur un avis écrit attirant son attention sur ces dispositions et il lui impartit un délai de dix jours pour déposer sa requête. La privation des droits politiques ne déploie ses effets qu'à partir de l'expiration de ce délai ou, si une requête dans le sens susindiqué a été déposée, qu'après le rejet éventuel de cette requête. La procédure est gratuite dans les Grisons. A Zurich, de même, le débiteur peut présenter une requête tendante à la non-application des consé-

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quences de droit public, si la faillite résulté exclusivement ou essentiellement de la situation économique créée par les événements de guerre.

Berne disposé que la privation des droits politiques n'a pas lieu pour les personnes déclarées en faillite ou ayant fait l'objet d'un acte de défaut de biens postérieurement au 30 septembre 1914; la publication de la saisie infructueuse tombe également. Exception est cependant faite du débiteur « qui se déclare insolvable par fraude ou dont l'insolvabilité vient d'une faute grave de sa part ». Ces faits et leurs conséquences juridiques sont déterminés par le président de tribunal, à la demande de l'office des poursuites ou d'un créancier perdant. Argovie a également aboli l'intervention automatique des conséquences de droit public, mais le canton accorde au créancier perdant le droit de produire devant le juge la preuve que le débiteur est indigne du bénéfice.de la non-intervention. Cette preuve consiste à démontrer que la déconfiture ne découle pas du malaise général créé ..par la guerre, .mais qu'elle résulte exclusivement ou essentiellement de la manière d'agir du débiteur (fainéantise, opérations déraisonnables, etc.). Ce recours doit être déposé dans les dix jours dès l'ouverture de la faillite ou la délivrance de l'acte de défaut de biens; la procédure en est gratuite.

En date du 9 octobre 1914, le Conseil d'Etat du canton du Valais a pris un arrêté portant que l'état de guerre actuel doit être considéré comme un cas de force majeure au sens de l'article 5 de la loi sur les élections. Par conséquent, l'insolvabilité constatée par des actes de défaut de biens publiés après le 1er octobre 1914 n'entraîne durant l'état de guerre ni la perte des droits politiques ni la radiation dans le registre électoral.

Les autres cantons n'ont pas cru devoir faire usage de l'autorisation d'atténuer les conséquences, de droit public.

A St-Gall, où les tribunaux et les conseils municipaux statuent sur la suspension définitive dans l'exercice des droits politiques, le Conseil d'Etat a adopté le 25 septembre 1914 le texte d'une circulaire invitant ces autorités « à user d'égards et d'indulgence. » G. Baie-Ville a récemment procédé à une revision des dispositions en vigueur et adopté la loi déjà citée du 10 jiiin 1915 qui supprime la privation pour cause de faillite et de saisie infructueuse.

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Le canton de Lucerne a également revisé en 1915 sa loi d'introduction concernant la poursuite pour dettesi et la faillite. La nouvelle loi portant la date du 30. novembre 1915 est entré« en vigueur le 1er mai 1916. Elle atténue le caractère rigoureux de sa devancière, en ce sens que la privation du droit de vote et de l'éligibilité est non plus permanente, mais limitée à une durée de dix ans. En outre, le paiement de la moitié de chaque créance demeurée en souffrance permet de réintégrer après cinq ans le débiteur dans ses droits politiques.

A St-Gall, le Grand Conseil est saisi d'une motion tendante à atténuer les conséquences pénales de la saisie infructueuse et de la faillite.

Dans sa dernière session de l'année 1915, le Grand Conseil du canton des Grisons a décidé à l'unanimité de prendre eu considération une motion tendante à un adoucissement des dispositions de la loi sur les conséquences de droit public. Le gouvernement cantonal a soumis au Grand Conseil, par message du 22 avril 1916, un projet de loi élaboré dans le sens de la motion.

Le Grand Conseil du canton de Berne a écarté un pos: tulat Brustiein et consorts, du 17 septembre 1912, demandant la revision de la loi sur les conséquences civiques dans le sens d'une atténuation de ses rigueurs (Bulletin du Grand Conseil du canton de Berne, 1912, p. 426, 436 et s.). Mais une revision de la loi cantonale n'en a pas moins été prévue aux fins de permettre que la preuve de l'insolvabilité non imputable au débiteur soit faite non plus après la publication, mais avant cette dernière..

7. 11 y a lieu d'observer maintenant la réglementation prévue dans les avant-projets de code pénal suisse en ce qui concerne la privation des droits politiques comme peine accessoire.

L'avant-projet d'avril 1908 disposait dans son article 40 ce qui suit : « 1. Celui qui est privé de ses droits civiques ne peut prendre part à une votation ou élection publique et n'est pas éligible. Il ne peut être fonctionnaire, ni tuteur, ni servir dans l'armée.

« 2. Tout condamné à la réclusion sera privé de ses droits civiques pour deux ans au moins et dix ans au plus. ,

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« Le condamné à l'emprisonnement sera privé de ses droits civiques pour deux ans au moins et dix au plus.

« L e condamné à l'emprisonnement sera privé de ses droits civiques pour un an au moins et cinq ans au plus, si le délit dénote chez son auteur des instincts vils.

« Tout délinquant d'habitude interné sera privé de ses droits civiques pour dix ans.

« 3. La durée de la peine ou mesure de sûreté subie par le condamné n'entrera pas en ligne de compte. » L'avant-projet de 1908 ne renfermait aucune disposition spéciale sur la privation des droits politiques dans les délits en matière de poursuite pour dettes et de faillite; les dispositions générales de l'article 40 paraissaient suffisantes.

Mais les projets de code pénal ne touchent que la privation comme peine accessoire. Ils laissent intactes les dispositions cantonales sur la privation ensuite de faillite ou de saisie infructueuse (cfr. Zürcher, Exposé des motifs, p. 90 et suiv.

du texte français, ainsi que le procès-verbal de la deuxième commission d'experts, vol. 1er, p. 302 et suiv.).

L'avant-projet d'août 1915 contient un article 52 ainsi conçu : « 1. Tout condamné à la réclusion sera privé des droits civiques pour une durée de deux à dix ans.

« Le condamné à l'emprisonnement pourra être privé des droits civiques pour une durée d'un à cinq ans, si le délit dénote chez son auteur la bassesse du caractère.

« Tout délinquant d'habitude renvoyé dans une maison d'internement sera privé des droits civiques pour dix ans.

« 2. Celui qui est privé des droits civiques ne peut prendre part aux votations ou élections publiques et n'est pas éligible. Il ne peut être fonctionnaire, membre d'une autorité, tuteur, ni témoin instrumentaire.

« Celui qui a été condamné à la privation des droits civiques ne peut plus servir dans l'armée *).

« 3. La privation des droits civiques sortira ses effets à partir du jour où le jugement qui la prononce est passé en force. Sa durée ne sera comptée qu'à partir du jour de la libération définitive. » *) La commission, d'experts eu code pénal a finalement biffé cet alinéa. Elle étaitd'avis, en cette occurrence, que le législateur irait trop loin en voulant exclure de la réintégration dans l'armée ceux qui ont été réhabilités civilement (v. le procès-verbal de la commission d'experts du 19 octobre 1915 et le volume 1" de ce procès-verbal, page 440).

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Enfin,, l'article-152 de l'avant-projet de 1915, relatif à la privation des droits politiques en cas de délit dans la faillite et là poursuite pour dettes, s'exprime en ces termes : '' · « La privation des droits civiques pourra toujours être prononcée en cas de condamnation pour un des délits prévus aux articles 144, 145, 146, 148, 149, 150 et 151. » Ces articles 144 et suivants concernent les délits . que voici : banqueroute frauduleuse, fraudes dans la poursuite par voie de saisie, banqueroute simple et déconfiture, avantages accordés à certains créanciers, achat de voix, détournement d'objets mis sous main de justice, obtention frauduleuse d'un concordat. L'article 152 se rapporte donc à tous les délits en matière de poursuite pour dettes et de faillite, hormis la violation de l'obligation de tenir une comptabilité (art. 147); La prescription stipulant que la privation des droits politiques pourra toujours être prononcée en cas de condamnation pour un des délits ci-dessus mentionnés constitue une exception au principe de l'article 52, suivant lequel la peine accessoire de la privation ne doit être appliquée que si le délinquant est condamné à la réclusion ou si le délit dénote chez son auteur la bassesse du caractère.

III.

Parmi les diverses conséquences de droit public de la faillite et de la saisie infructueuse, plusieurs rentrent excluvement dans le domaine cantonal (incapacité de revêtir des fonctions publiques, exclusion de la bourse et des professions patentées, situation spéciale en matière de procédure). Ces conséquences accessoires ne sont donc pas susceptibles d'une réglementation par-la Confédération. Le législateur fédéral ne peut envisager que l'exclusion du droit de prendre part aux votations et aux élections.

La question de la privation du droit de participer aux 'cotations et élections, pour cause de saisie infructueuse ou de faillite est en rapport avec la genèse entière du droit qui régit les dettes. Dans presque tous les Etats dont les origines remontent à un passé éloigné, il.y eut une première phase du droit pendant laquelle la poursuite des créances fut surtout dirigée contre la personne même du débiteur.

C'est ainsi qu'au début de l'ancienne Rome le débiteur encourait la mort et la perte de la liberté (droit de mort accordé

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au créancier, esclavage pour dettes) s'il ne s'acquittait pas et que dans l'ancien droit germanique ce même débiteur était traité comme un malfaiteur. Nous rencontrons aussi dans nos législations suisses, jusque bien avant dans le lfte siècle, des mesures contre la personne du débiteur (contrainte par corps, proscription et bannissement, exclusion de l'armée, exposition au pilori, obligation humiliante de porter un chapeau vert). Mais il convient de constater aussi qu'avec le développement des transactions l'exécution forcée des engagements modifia son cours et commença à se diriger plutôt contre les biens du débiteur. Les moyens coercitifs contre la personne furent de plus en plus abandonnés et l'on se pé/nétra insensiblement du principe que ce sont non la personne du débiteur, mais ses biens seuls qui doivent garantir le créancier. Ainsi, en 1850, les faillis suisses furent déclarés aptes à porter les armes et plus tard les articles 59 et 45 :de la constitution fédérale de 1874 vinrent abolir la contrainte par corps et le renvoi des faillis.

Mais le fait que la constitution fédérale a supprimé la prison pour dettes et protège le libre établissement du débiteur, insolvable paraît être en contradiction avec la. faculté presque illimitée laissée aux cantons de priver de leurs droits politiques les débiteurs insolvables et les faillis. Il n'est pas possible, dans ce domaine, de s'arrêter à mi-chemin sans se perdre dans des contradictions et sans créer des injustices. Le Conseil fédéral a dit avec raison dans son message de 1874 : « Notre république reconnaît comme principes et bases de son existence l'obligation du service militaire pour tous et le droit de voter. L'un et l'autre sont en intime connexion; celui qui dans les affaires du pays peut émettre sa voix doit, en cas de besoin, payer aussi de sa personne, mais d'un autre côté, celui qui doit donner son sang à son pays, .si celui-ci le réclame, ne doit pas être privé de sa voix dans la commune. Si donc on impose à une partie des citoyens l'obligation de servir tout en les privant du droit de vote, on brise le lien naturel qui existe entre le droit et le devoir; on ravale au rôle de mercenaire celui qui a été dépouillé du droit de voter et l'on détruit par là l'égalité de droits dans le peuple et dans l'armée. L'ancien système était conséquent
en ce qu'il déclarait le failli déchu civilement et militairement; mais le nouveau système tombe dans une contradiction qui doit être levée et ne peut l'être d'une manière équitable qu'en plaçant à côté du devoir un droit corre-

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latif. » On se met en · opposition avec les notions élémentaires de justice en répartissant de façon inégale les droits et les obligations, en ne plaçant pas en regard de l'obligation un droit correspondant. Lier la privation des droits politiques au fait d'être dépossédé ne répond pas .à l'équité par cet autre fait qu'actuellement une grande faillite occasionne l'insolvabilité de beaucoup et menace une foule de gens dans leur existence, de sorte qu'un même malheur peut atteindre des personnes que chacun juge parfaitement honorables. Il est dans l'intérêt de nos institutions elles-mêmes6) de faire disparaître l'injustice que comporte notre organisation actuelle des conséquences de droit public, attendu que le caractère juste des institutions publiques constitue la base la plus solide de l'Etat démocratique.

Le pays ,qui a proclamé l'égalité de tous les Suisses devant la loi et supprimé toute influence de patrimoine à l'égard des droits politiques se mettrait en contradiction avec ces principes s'il revenait à un système suranné de cens et créait des citoyens de deuxième classe en se fondant sur des considérations de pécule **). La suppression du droit de vote n'est pas conciliable avec le principe « que l'importance de la fortune ne doit exercer aucune influence sur la capacité civique, que les droits politiques sont reconnus aux plus pauvres et aux plus riches, que seul est un misérable celui qui se trouve déchu de ses droits à cause de ses mauvaises actions. Et ce principe qui empêche légitimement la prédominance de toute aristocratie financière contribue in·finiment plus à élever le sentiment de l'honneur dans le peuple, à faciliter la réhabilitation de celui qui est tombé momentanément, et même à rendre possible la liquidation .de dettes antérieures que l'abaissement artificiel de celui qui est tombé dans le malheur***). » Ce n'est pas l'intérêt public qui parle d'une façon décisive, aujourd'hui, dans les conséquences de droit public.

*) Voir aussi le message du 2 juin 1882 qui dit entre autres: « U n s'il a commencé par fermer la bouche a des classes entières de citoyens > **) Voir, la proposition do gouvernement de Baie-Ville concernant la suppression de la privation des droits politiques en cas de faillite et de »âme infructueuse, du 10 octobre 1912, pages 12--13.

***) Voir message du Conseil fédéral du 20 octobre 1874, page 14.

,331 L'Etat met au service d'intérêts particuliers des moyens de contrainte disproportionnés du droit public, dans l'unique but d'exercer une pression pour l'exécution d'obligations privées. La preuve en est que Je créancier a toute liberté de recourir à ces moyens de contrainte ou de ne pas les utiliser: le créancier déclare-t-il consentir à la réhabilitation, les conséquences de droit public ne sont alors plus en question, quelle que soit la faute du débiteur. « Les dispositions concernant les droits politiques sont mises au service non d'organes officiels, mais bien d'intérêts privés; c'est là que réside là plus grande et la plus impardonnable faiblesse de l'institution (proposition du gouvernement de Baie-Ville, p. 13). » La privation des droits politiques représente une peine (voir Zeitschrift f. Schweiz. Recht, 1883, p. 588 et suiv.). Dans plusieurs législations cantonales, elle est du reste appelée une peine et elle se trouve réglée comme telle dans le code pénal ou dans les dispositions pénales de l'acte d'introduction relatif à la loi sur la poursuite pour dettes. Nous renvoyons à ce sujet aux lois cantonales suivantes : AppenzellRh. Int., code pénal du 30 avril 1899, art. 132 (« sera puni de la perte »); Fribourg, loi d'introduction du 11 mai 1891, art.

49 et 50 (« Le juge condamne le débiteur, indépendamment des autres peines qu'il peut avoir encourues, à la privation des droits politiques. »); St-Gall, loi d'introduction du 22 septembre 1911, art. 45 et suiv. (« sera puni de la perte des droits politiques »); en outre, Schwyz, loi d'introduction du 31 mai 1912, §§ 85 et suiv.; Unterwald.-le-Haut, règlement d'exécution pour la loi fédérale, du 23 avril 1891, art. 83 et Unterwald-le-Bas, règlement d'exécution du 19 avril 1913, § 55, dans lequel la privation des droits est réglée au chapitre « Dispositions pénales » de l'acte d'introduction. Dans les matériaux ayant servi à l'élaboration de la loi fédérale sur la poursuite, la privation des droits politiques est aussi désignée par « conséquences de nature pénale » (Feuille féd.

1886, III, p. 147, 207, 663) ou par « conséquences plus on moins rigoureuses » (Feuille féd. 1886, II, p. 74), en allemand « Strafähnliche Folgen ».

Mais en tant que peine, la privation des droits politiques suppose l'existence d'une faute. S'il n'existe pas de
faute, la peine est absolument imméritée. En cas de faute, .la question de savoir si la privation des droits politiques est une peine indiquée dépend du caractère et de la signification qui sont attribués à cette mesure.

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Si, du reste, on; ne prétend pas considérer comme une peine la privation des droits politiques pour insolvabilité, il faut cependant l'en visager comme un moyen coercitif dirigé contre la personne du débiteur de façon analogue à ce qui en était de la contrainte par corps. Dans l'un comme dans l'autre cas, cette privation paraît incompatible avec le principe qui veut ne faire valoir des droits privés que sur les biens du débiteur. Une contrainte à l'égard des droits politiques n'est pas admissible à notre point de vue.

Laj réglementation actuelle de la privation des droits politiques entraîne d,es inégalités frappantes. Pour l'étranger, la perte de la capacité civique n'a pas d'importance; il ne perd rien. Le citoyen suisse, au contraire, subit un empiétement grave sur ses droits personnels lorsqu'il est privé de l'exercice de ses droits politiques. En outre, le débiteur qui réussit à conclure un concordat n'éprouve pas de conséquences de droit public, même si l'insolvabilité lui est imputable. Il faut ajouter que la variété des formes de la vie économique a créé de nouvelles inégalités. Les sociétés anonymes et les sociétés coopératives constituent de puissantes entreprises et jouissent souvent d'un crédit bien plus considérable que les simples particuliers. Mais si elles sont déclarées en faillite, les administrateurs sont d'ores et déjà garantis contre la privation des droits politiques, parce qu'ils ont agi pour la société et non pour eux-mêmes.

Un argument à l'appui de la privation des droits politiques consiste à affirmer que quiconque n'a pas d'ordre dans ses propres affaires ne saurait avoir quelque chose à dire dans les affaires publiques. Or il y a de nombreuses faillites et saisies infructueuses qui ne pourraient nullement être attribuées à un manque d'ordre du débiteur; dans beaucoup de cas, l'insolvabilité résulte de tout autres motifs qui ne justifient aucun grief.

D'autres partisans de la privation des droits politiques allèguent que son maintien est dans l'intérêt du petit qui a besoin de crédit, parce que le modeste artisan obtiendrait plus facilement ce crédit si les dispositions de la loi sont rigoureuses. Mais nous doutons que la privation des droits politiques ait pour effet d'élargir le crédit du débiteur. Il convient de se demander, au surplus, s'il y a utilité pour le 'petit à obtenir un crédit fondé sur les conséquences de droit public de la faillite et de la saisie infructueuse. Personne,

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semble-t-il, lie doit jouir d'un crédit dépassant ses moyens; il ne faut demander que ce qui se justifie eu égard à sa force économique. Enfin, le danger de perdre ses droits politiques inciterait, dit-on, le débiteur à faire honneur à ses obligations. Il peut arriver que la peur de la .privation fasse faire des efforts extraordinaires au débiteur; mais dans la règle il n'en est rien. En tout cas, on n'a pas vu jusqu'ici que les débiteurs des cantons ne possédant pas la suspension dans l'exercice des droits politiques pour ceux qui ont fait l'objet de la saisie infructueuse 'ou de Ma faillite soient plus négligents dans l'accomplissement de leurs obligations que les débiteurs des autres cantons. En conséquence, nous ne pouvons pas davantage considérer cette objection comme déterminante.

Au contraire, un devoir d'humanité consiste à soutenir le failli ou celui qui a donné lieu à une saisie infructueuse, s'il cherche à sortir de sa situation difficile. Le créancier a également tout intérêt à ce que le débiteur se relève et prenne de nouvelles forces. C'est pécher contre le devoir et agir à l'encontre de l'intérêt que de priver le débiteur de ses droits politiques pendant des années ou pour toujours. Gar ce sont précisément ces conséquences de droit public qui, dans bien des cas, empêchent le débiteur de se relever.

Enfin, il convient de se placer au point de vue de l'unité du droit. Les effets de la saisie infructueuse et de la faillite, en matière de droits politiques, ne doivent plus diverger selon les cantons. Le bariolage que constitue même dans les affaires fédérales la réglementation de la privation pour cause d'insolvabilité n'a plus sa raison d'être. En présence de la facilité du passage d'un canton dans un autre et de la faculté de se soustraire ainsi, le cas échéant, à la privation des droits politiques, il est absolument nécessaire de régler uniformément cette matière. Nous estimons donc qu'il y a urgence à modifier et à adoucir par une loi fédérale la situation actuelle.

IV.

Les essais d'édicter une loi d'exécution pour l'article 66 de la constitution fédérale et de régler en même temps la question de la privation des droits politiques pour cause dé faillite ou de saisie infructueuse ayant échoué jusqu'ici,

384

cette question doit être.traitée à part et faire l'objet d'une loi spéciale. En présence des articles 66 et 64 de la constitution fédérale, il n'y a pas de doute que la Confédération ne Boit compétente pour régler la matière.

En ce qui concerne le principe qu'il faut mettre à la base du nouveau régime, deux possibilités se présentent. Le droit fédéral peut poser le principe d'accord, avec les droits cantonaux du groupe a (voir ci-haut sous II, 1), que la faillite et la saisie infructueuse comme telles n'entraînent pas la privation des droits politiques. Ceci conduirait à une réglementation logique comportant un droit unique pour ,tout le pays. L'autre voie consiste pour le droit fédéral à se rallier aux droits cantonaux du groupe b (voir ci-dessus sous II, 1) et à autoriser cette privation pour certains cas d'insolvabilité fautive dans lesquels il n'existe pas d'acte punissable. Cette dernière solution serait un moyen terme qui permettrait au droit fédéral de décider jusqu'où les cantons peuvent aller dans les cas extrêmes. La législation cantonale resterait intacte dans ces limites. Par contre, les dispositions cantonales dépassant ces bornés se trouveraient abrogées. Il conviendrait de prescrire que la privation des droits politiques ne se fera pas automatiquement et qu'elle n'atteindra l'insolvable ou le failli qui ont occasionné leur insolvabilité par leur faute qu'après examen préalable de chaque cas spécial et constatation de la faute par une autorité judiciaire. La présomption de la faute ne serait pas admise et certaines garanties relatives à la procédure pourraient être créées. En outre, la durée de la privation des droits politiques serait fixée par la loi fédérale qui établirait une limite maximum. Il y aurait lieu de définir aussi les conditions dans lesquelles le débiteur insolvable pourrait être de nouveau privé de ses droits en cas de nouvelle saisie infructueuse.

Nous nous sommes ralliés à la première des deux solutions, suivant laquelle le débiteur ayant fait l'objet d'une saisie infructueuse ou d'une déclaration de faillite ne peut être privé de ses droits politiques qu'en présence d'un acte punissable.

Ce sont surtout des considérations de principe qui militent en faveur de ce système et contre la privation des droits dans les cas où l'insolvabilité comporte une faute, mais non ,un acte punissable. En admettant la privation des droits

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dans les cas où l'insolvabilité est imputable au débiteur, mais ne résulte pas d'un acte punissable, on renonce à réaliser l'unité du droit dans ce domaine et l'on doit se contenter d'établir certaines limites dans lesquelles les droits cantonaux divergeront, comme auparavant, sensiblement les; uns des autres. Il convient de considérer, au surplus, qu'une disposition en vertu de laquelle l'insolvabilité fautive, même ne comportant pas un acte punissable, peut être frappée de la privation des droits politiques, constitue une atteinte aux principes du droit pénal. La législation pénale moderne part du point de vue qu'une privation des droits politiques ne peut être prononcée que si l'acte punissable dénote une mentalité vile. Si, d'ailleurs, tous les délits n'entraînent pas forcément la privation des droits politiques (pas même le vol, l'usure), il est d'autant moins justifié de priver de ses droits un débiteur insolvable qui ne s'est rendu coupable d'aucun acte punissable*). En demandant qu'il y ait expiation dans les cas graves, le peuple vise précisément les actes punissables. Cette opinion populaire appelle une protection suffisante par la législation pénale, soit la répression des délits et matière de poursuite pour dettes et de faillite. La peine peut être aussi appliquée là où il s'agit d'engagements irréfléchis, attendu que la banqueroute simple et le fait de contracter des dettes à la légère sont punissables d'après des lois pénales en vigueur**). Mais si l'existence d'un acte punissable n'est pas prouvée, la privation des droits politiques n'a pas à intervenir. Cette peine ne saurait devenir une mesure applicable dans les cas simplement suspects, soit dans ceux où la preuve ne peut pas être faite. Le gouvernement de Baie-Ville déclare certainement avec justesse, dans sa proposition maintes fois citée, ne pouvoir se dé*) L'avant-projet de code pénal suisse, du mois d'août 1915, prévoit en ce qui concerne les délits relatifs à la poursuite et a la faillite, une dérogation au principe général de l'article 52, en ce sens qu'il ne fait pas dépendre la possibilité de la privation des droits politique», en cas d'emprisonnement, d'une « bassesse de caractère > (voir l'art. 152 A.P. 1915).

**) Les avant-projets du code pénal prévoient également une peina pour les cas de banqueroute simple et de
déconfiture; c'est ainsi que l'article 146, alinéa 1er, de l'avant-projet de 1915 stipule : « Le débiteur qui. par une légèreté coupable, par des dépenses exagérées, par des spéculations hasardées ou par une grave négligence dans l'exercice de sa profession, aura causé sa propre insolvabilité ou aura aggravé sa situation alors qu'il se savait insolvable, sera, s'il a été déclaré en faillite ou si un acte de défaut de biens a été dressé contre lui, puni de l'emprisonnement ou de l'amende. »

säe fendre de l'idée qu'à causé précisément de la réglementation actuelle des conséquences^ de droit public l'enquête pénaleest par trop rare.

Ce sont non seulement des scrupules de principe, mais des considérations de pratique qui font obstacle à la distinction entre l'insolvabilité non punissable qui ne résulte pas d'une faute et celle ,qui est imputable au débiteur. Le message du Conseil fédéral du 2 octobre 1874 expliquait : « D'ordinaire on n'arrivera par là à aucun résultat. Le juge en est réduit à des considérations morales sans aucune base pour son appréciation, parce qu'il ne peut jamais pénétrer dans l'intérieur d'un ménage, connaître les motifs de telle ou telle mesure fatale et les circonstances de famille qui peuvent avoir entraîné telle ou telle dépense. Ce n'est pas au juge d'ici-bas que cette mission peut appartenir, et il y a quelque chose de pénible à voir dépendre d'appréciations plus ou moins arbitraires la question de l'existence politique d'un citoyen. Le juge doit réprimer la faute commise devant la loi, mais non la faute morale. » Le gouvernement de BaieVille a mis en évidence, dans le passage ci-après reproduit de sa proposition, les difficultés que comporte dans la pratique la distinction en cause : « En ce ,qui concerne la faillite, il est encore possible de mettre en pratique dans une certaine mesure notre principe suivant lequel la privation des droits politiques doit intervenir lorsque l'autorité est en état de prouver qu'une faute du débiteur a été la cause de la débâcle. L'administration de la faillite acquiert au cours de ses longues opéra-, tions une connaissance approfondie de la situation financière et de la manière d'agir du débiteur et elle voit ainsi ce qui a déterminé l'insolvabilité. Il est dès lors permis d'imposer à l'office des faillites le fardeau de la preuve quant à la faute. Mais tels ne sont point les cas de saisie. Ceux-ci sont rarement clairs. C'est presque toujours le hasard qui décide de la privation des droits politiques. Le contact avec le débiteur et l'examen de sa situation ne concernant que des points isolés, le jugement fondé sur cette base est forcément imparfait. Nos relations sont devenues si vastes que des données sûres sur le cas ne sauraient être obtenues .qu'au prix de recherches disproportionnées au but à atteindre. Cet état de
choses aboutit au fait que dans notre réglementation- ceux qui ont fait l'objet d'une saisie infructueuse s'en tirent dans la plupart des cas à meilleur compte que les faillis, parc&

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qu'il est plus .difficile de juger ce qui en est des premiers..

Et il peut arriver inversement qu'une circonstance secondaire, peut-être insuffisamment éclaircie, notée au cours d'une enquête rapide, soit susceptible de provoquer ensuite de là saisie infructueuse une privation des droits politiques qui ne serait pas intervenue à l'égard d'un failli, dans les mêmes circonstances. Dans les cas de saisie infructueuse, les rusés et les négligents ont plus de chances de s'en sortir que les inexpérimentés et les consciencieux. Qu'est-ce que les autorités apprennent de ceux qui ont fait l'objet d'une saisie infructueuse î II est fort peu recommandable ds se fonder sur la nature de la créance, sur les indications d'un créancier peut-être épris de vengeance ou encore sur des racontars.

La tentative d'obtenir des indications du débiteur lui-même n'aboutit guère à un résultat satisfaisant vis-à-vis de ceux qui sont assez habiles pour faire ajouter foi à certaines de leurs paroles et pour dissimuler des choses. importantes ou qui se moquent de l'assignation de l'office des poursuites.

Seuls arrivent jusque devant le tribunal ceux dont la suspension est demandée, attendu qu'à l'égard des autres on ne fera guère usage de la possibilité de les citer et de les entendre d'office. Et peut-être le désavantage sera-t-il le plus souvent pour celui qui aura donné suite à la citation et fait preuve, à l'audience, d'une franchise ou d'une inhabileté propres à attirer l'attention sur des torts éventuellement plus apparents que réels. Les débiteurs cités sont plus mal partagés que ceux qui ne le sont point, étant donné qu'en présence de l'ordre du jour forcément surchargé d'une seule audience par trimestre, celle-ci prend une allure peu appropriée à un interrogatoire suffisant et que le débiteur est informé seulement dans cette audience de griefs auxquels il doit répondre séance tenante, sans préparation. Le prononcé n'en est pas moins définitif. Une telle procédure n'offre pas à celui qui a fait l'objet de la saisie infructueuse toutes les garanties désirables de justice. Les autorités elles-mêmes ont l'impression que la prescription qui les oblige à individualiser se heurte à l'impossibilité de sa mise en pratique. » -- II est intéressant de constater à cet égard que la majorité de la commission du Grand Conseil de
Baie-Ville (cfr. son rapport du 5 juin 1914), quoiqu'elle considérât en principe comme justifiée la privation des droits politiques pour cause d'insolvabilité imputable au débiteur, contrairement à l'avis du gouvernement

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et de la minorité, ne s'en décida pas moins à proposer la suppression des conséquences de droit public, parce qu'il demeure impossible de constater d'une façon sûre quelles circonstances ont amené la saisie infructueuse et la faillite, une connaissance approfondie du débiteur étant indispensable pour prouver l'existence" de la faute. Mais si l'office des poursuites veut formuler dans tous les cas -- dit le rapport de majorité -- des propositions au plus près de sa conscience, il se voit obligé de procéder à de longues recherches; un examen circonstancié de chaque cas exige un travail absolur ment hors de proportion avec les indications rares et de valeur douteuse auxquelles il doit aboutir.

La plupart des législations cantonales ne se sont pas encore ralliées au principe suivant lequel la privation des droits politiques du débiteur insolvable ne saurait intervenir qu'en présence d'un acte punissable. Il faut dès lors admettre que des milieux étendus de la population suisse n'accueilleront qu'avec crainte l'atténuation considérable que nous proposons d'apporter aux conséquences de droit public.

De même, maints préjugés menacent de faire obstacle à la réforme. Mais les circonstances actuelles montrent avec toute la clarté voulue que la réglementation de la matière est beaucoup trop rigoureuse dans quelques cantons. Les difficultés du temps présent ont fait naître à cet égard une forte tendance à la modération. La preuve en est dans le mouvement révisionniste qui s'est produit (cfr. H, 5 et 6, ci-dessus).

Ce sont donc des raisons de caractère décisif qui engagent à n'admettre la privation du droit de prendre part aux votations et élections que dans les cas où il y a un délit spécial en matière de poursuite pour dettes ou de faillite et à exclure cette privation non seulement dans l'insolvabilité non imputable au débiteur, mais aussi lorsque la saisie infructueuse et la faillite résultent d'une faute du débiteur non punissable en elle-même.

V.

En somme, le projet de loi ci-annexé se fonde exclusivement sur l'article 66 de la constitution fédérale. Cette disposition permet au législateur fédéral de déterminer les motifs pour lesquels un citoyen suisse d'ailleurs capable de

339

voter peut être privé de ses droits politiques (cfr. Burckhardt, Kommentar zur Bundesverfassung, 2e édition, p. 624).

Elle autorise la Confédération à décider si et dans quelle mesure la saisie infructueuse et la faillite excluent le citoyen suisse du droit de voter en matière fédérale, cantonale et communale.

Mais la compétence pour édicter la loi fédérale projetée peut être tirée, intégralement ou en partie, d'autres dispositions de la constitution fédérale. D'abord, l'article 64 énonce que la Confédération est compétente pour légiférer sur la poursuite pour dettes et la faillite et, par suite, pour régler la question de savoir quelles conséquences de droit public sont attachées à la saisie infructueuse et à la faillite.

En outre, les prescriptions contenues dans notre projet peuvent se fonder, pour autant qu'elles se rapportent à des élections et votations fédérales, sur la disposition de l'article 74, alinéa 2, de la constitution fédérale qui réserve au législateur fédéral la faculté de régler d'une manière uniforme l'exercice du droit de vote dans ce domaine.

En ce qui concerne les détails du projet qui vous est soumis, nous observons encore ce qui suit : Ad art. 1er. Dans son alinéa 1er, cet article énonce le principe que la saisie infructueuse et la faillite comme telles n'entraînent pas la privation du droit de participer aux votations et élections. La loi ne dispose pas expressément, parce que cela va de soi, qu'il s'agit ici non seulement du droit de vote en matière fédérale, mais aussi des élections et votations cantonales et communales.

Sont incompatibles avec le principe susiudiqué les prescriptions de la législation actuelle suivant lesquelles la privation des droits politiques pour cause de saisie infructueuse ou de faillite intervient soit automatiquement dans tous les cas, soit sur prononcé d'une autorité en cas de faute du débiteur. La privation provisoire (p. ex. pendant la liquidation de la faillite) paraît également inadmissible, erparce qu'elle porte atteinte au principe énoncé dans l'alinéa 1 . La suspension dans l'exercice des droits doit intervenir seulement lorsqu'un jugement pénal a constaté l'existence d'un acte punissable. Si une privation provisoire avait lieu plus tôt, elle comporterait une présomption de faute non vérifiée et une punition fondée sur cette seule
présomption.

L'alinéa 2 de cet article fait une réserve en faveur du droit pénal. S'il existe un délit en matière de poursuite pour Feuille fédérale suisse. 68me année. Vol. IV.

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dettes oü de faillite ou un autre cas punissable en correlation -avec la -saisie infructueuse, la privation peut être prononcée par Jugement pénal, moyennant que le droit pénal prévoie cette privation comme peine pour l'acte punissable "en question. En pareil cas, le débiteur est privé de ses droits politiques non en raison de la saisie infructueuse ou Se la faillite comme telles, mais à -cause de l'acte punissable.

Quelques cantons chargent le jugé pénal d'examiner si l'insolvabilité èst( due à une faute du débiteur et de décider de là privation cfr. II, i b, ci-dessus). Dans ces cantons, toute privation est donc fondée sur un jugement pénal; la simple insolvabilité imputable -au débiteur -est érigée en acte punissable. Il paraît dès loro nécessaire d'édicter une disposition -suivant laquelle le débiteur -insolvable n'est pas puniss able de là privation des droits politiques pour le seul motif qu'il a fait l'objet d'une faillite ou d'une saisie infructueuse.

Le droit pénal pourra, comme auparavant, prévoir la peine de la privation pouf la banqueroute frauduleuse, les dettes Contractées à la légère det les autres délits en matière de poursuite pour dettes et e faillite. Mais cette peine ne sera plus applicable pour la seule raison que la preuve de l'absence d'une faute n'est pas faite ou qu'une faute est mise à chargé pour la cessation de la solvabilité. Le deuxième alinéa de l'article 1er -énonce clairement que « le débiteur ne peut -toutefois être puni, en raison de la saisie infructueuse ora de là -faillite comme telles, de la privation du droit de participer aux votations et élections », contrairement à ce qui en est du cas dans lequel il existe un délit spécial en.

matière de poursuite pour dettes ou de faillite.

Ad art. 2. Cette disposition correspond à l'article 26 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite. Cependant, lès deux articles ne sont pas absolument concor- dants.

La « réserve des dispositions des lois fédérales sur les droits politiques des citoyens (art. 66 de la constitution fédérale) », contenue dans l'article 26 de là loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, paraît trop étroite, attendu que non seulement les dispositions fédérales découlant de l'article 66 C.F., mais aussi d'autres prescriptions (p. ex.

l'art. 18 de la loi sur l'Organisation militaire, ainsi que les dispositions se fondant le cas échéant sur l'art. 64bis C.F.)

entrent en ligne de Compte. Nous avons remplacé cette ré-

341

serve par les mots « sous réserve de l'article 1er et dans la mesure où d'autres prescriptions de la législation fédérale ne s'y opposent pas ».

Sous réserve de la législation fédérale, les cantons ont la faculté d'attacher à la saisie infructueuse et à la faillite certaines conséquences accessoires de droit public, comme c'est le cas maintenant dans les cantons de Genève et de Baie-Ville. Ainsi, les cantons peuvent maintenir à l'égard des insolvables leurs dispositions concernant l'incapacité de remplir des fonctions publiques, l'exclusion des professions patentées et de la bourse, l'interdiction de tenir une auberge, la privation du droit de chasser, la situation spéciale dans le procès civil, etc. De même, ils restent comme auparavant compétents pour régler la publication des noms de faillis et autres insolvables.

Ad art. 3. Cet article fixe d'abord la date de l'entrée en vigueur de la loi.

Puis il prévoit l'abrogation des dispositions contraires de- la Confédération et des cantons.

Le projet de loi empiète fort peu sur le droit fédéral actuellement en vigueur. L'article 2 du projet remplace l'article 26 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite. En outre, l'article 2 de la loi fédérale du 19 juillet 1872 sur les élections et votations fédérales, par exemple, est touché en ce sens que la législation du canton n'enr trera désormais en ligne de compte que dans la mesure où elle ne sera pas contraire aux dispositions de la loi dont le projet vous est soumis.

En revanche, le projet empiète considérablement sur le droit cantonal. La compaaraison des dispositions projetées avec notre exposé de la situation actuelle indique clairement la mesure de cet empiétement.

Ad art. i. Il va sans dire qu'à l'époque de son entrée en vigueur, la loi fédérale aura pour effet de révoquer la privation des droits politiques dans tous les cas où elle aura été prononcée en vertu de dispositions cantonales en contradiction avec la nouvelle législation.

Nous vous proposons donc d'adopter le projet ci-annexé d'une loi fédérale sur les conséquences de droit public de la saisie 'infructueuse et de la faillite.

Berne, le 1er décembre 1916.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, DECOPPET.

Le chancelier de la Confédération, SCHATZMANN.

342

(Projet.)

Loi fédérale sur

les conséquences de droit public de la saisie infructueuse et de la faillite.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

CONFÉDÉRATION SUISSE, . Se fondant sur les articles 66, 64 et 74, alinéa 2, de la constitution fédérale; Vu le message du Conseil fédéral du 1er décembre 1916, décrète : Article premier. La saisie infructueuse et la faillite comme telles n'entraînent pas la privation du droit de participer aux votations et élections.

Demeurent réservées les dispositions, de la législation pénale des cantons prévoyant la privation du droit de participer aux votatio.ns et élections comme peine applicable dans les délits en matière de poursuite pour dettes et de faillite. Le débiteur ne peut toutefois être puni, en raison de la saisie infructueuse ou de la faillite comme telles, de la privation du droit de participer aux votations et élections.

Art. 2. Les cantons ont la faculté d'attacher des conséquences de droit public à la saisie infructueuse et à. la faillite, telles que l'incapacité de remplir des fonctions publiques, d'exercer une profession patentée, etc., sous réserve de l'article 1er et dans la mesure où d'autres prescriptions de la législation fédérale ne s'y opposent pas.

343

Ces conséquences de droit public doivent cependant être supprimées dès .que la faillite est révoquée ou que tous les créanciers perdants ont été payés ou consentent à la réhabilitation.

Art. 3. La présente loi entrera en vigueur le -- 19--. A cette même date, toutes les dispositions contraires de la Confédération et des cantons cesseront de déployer leurs effets; l'article 26 de la loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite sera en particulier abroga Art. 4. Sera révoquée lors de l'entrée en vigueur de la présente loi toute privation du droit dé participer aux votations et élections qui se trouvera en désaccord avec les dispositions qui précèdent.

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant un projet de loi fédérale sur les conséquences de droit public de la saisie infructueuse et de la faillite. (Du 1er décembre 1916.)

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