09.430 Initiative parlementaire Octroi à la victime de droits importants en matière d'information Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 7 novembre 2013

Madame la présidente, Mesdames, Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet de modification du code pénal, du droit pénal des mineurs, du code de procédure pénale et de la procédure pénale militaire, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet d'acte ci-joint.

7 novembre 2013

Au nom de la commission: Le président, Yves Nidegger

2013-2894

863

Condensé L'initiative tend à modifier la législation pour permettre aux victimes d'infractions d'être informées des décisions essentielles relatives à l'exécution des sanctions prononcées contre l'auteur de l'infraction (congés, semi-détention, libération, etc.).

Les commissions des affaires juridiques ont accueilli favorablement cette initiative; elles considèrent que le besoin de légiférer est réel. La commission du Conseil national propose de modifier le code pénal, le droit pénal des mineurs et le code de procédure pénale en y introduisant une réglementation simple et équilibrée permettant aux victimes qui le souhaitent de recevoir toutes les informations qui présentent un intérêt pour elles. Les proches de la victime et les tiers, dans la mesure où ceuxci ont un intérêt digne de protection, auront aussi un droit à l'information.

Le projet comble également une lacune de la procédure pénale militaire en reprenant le droit à l'information existant au cours d'une procédure pénale ordinaire (art. 214, al. 4, CPP).

864

Rapport 1

Genèse du projet

L'initiative parlementaire 09.430, intitulée «Loi sur l'aide aux victimes. Octroi à la victime de droits importants en matière d'information» a été déposée le 30 avril 2009 par la conseillère nationale Susanne Leutenegger Oberholzer, avec la teneur suivante: «La loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions sera complétée de manière à ce que la victime se voie non seulement accorder des droits dans la procédure pénale mais qu'elle soit aussi informée par les autorités au sujet de l'exécution de la peine par l'auteur de l'infraction et de décisions essentielles concernant la détention de ce dernier. Le chap. 6 de la loi, , applicable aux victimes, sera complété de manière appropriée.» La pratique a montré que la protection des victimes doit continuer après la fin de la procédure pénale. Les victimes éprouvent en effet le besoin légitime d'être informées des décisions essentielles relatives à l'exécution des sanctions prononcées contre l'auteur de l'infraction (congés, semi-détention, libération, etc.). La menace qui plane sur la victime perdure dans beaucoup de cas au cours de l'exécution de la sanction. La composante psychologique est aussi importante: les victimes qui ont subi des violences doivent être informées du moment où elles risquent, le cas échéant, de se retrouver nez à nez avec l'auteur de l'infraction.

Le 9 octobre 2009, la Commission des affaires juridiques du Conseil national a décidé de donner suite à cette initiative par 20 voix contre 1 avec 3 abstentions. Le 22 novembre 2010, son homologue du Conseil des Etats a donné son accord à l'élaboration d'un projet. Le 31 août 2012, la Commission des affaires juridiques du Conseil national a adopté sans opposition mais avec deux abstentions un avantprojet qu'elle a mis en consultation du 3 octobre 2012 au 15 janvier 2013. A ses séances des 5 septembre et 7 novembre 2013, elle a pris connaissance des résultats de la procédure de consultation et adopté, également sans opposition mais avec deux abstentions, le projet qu'elle soumet à son conseil.

La commission a été secondée dans ses travaux par le Département fédéral de justice et police (art. 112, al. 1, LParl).

2

Droit actuel

Le code de procédure pénale (CPP)1, en vigueur depuis le 1er janvier 2011, contient des dispositions sur le droit à l'information de la victime au cours de la procédure pénale. Aux termes de l'art. 214, al. 4, «à moins qu'elle ne s'y soit expressément opposée, la victime est informée de la mise en détention provisoire ou en détention pour des motifs de sûreté du prévenu, de sa libération de cette mesure de contrainte ou de son évasion. L'autorité peut renoncer à informer la victime de la libération du prévenu si cette information devait exposer celui-ci à un danger sérieux».

Le législateur part de l'idée que la victime nourrit un réel intérêt pour les décisions concernant la détention du prévenu lorsque la procédure pénale vient d'être engagée.

1

RS 312.0

865

Le fait est que, à ce moment-là, l'infraction peut encore être relativement récente. En outre, la victime peut faire des déclarations accablantes pour le prévenu et se trouve confrontée à celui-ci durant la procédure, ce qui constitue un risque de conflit supplémentaire. C'est pourquoi la loi prévoit une information d'office, à laquelle on ne renonce que si la victime s'y est expressément opposée ou s'il cela présente un danger sérieux pour le prévenu.

L'intitiative parlementaire demande que la victime soit aussi informée au stade de l'exécution de la sanction. Les intérêts en présence sont cependant quelque peu différents une fois la procédure pénale close, parce que la victime et l'auteur de l'infraction ne sont plus obligés de se rencontrer. C'est la raison pour laquelle le projet est quelque peu différent de la réglementation contenue dans le Code de procédure pénale.

3

Grandes lignes du projet

3.1

Réglementation proposée dans l'avant-projet

La règlementation proposée prend place dans la partie générale du code pénal (CP)2, qui comprend déjà, au titre 4 (art. 74 ss), des dispositions relatives à l'exécution des peines. Le code de procédure pénale et la loi sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI)3 ne peuvent que difficilement accueillir les nouvelles règles: le premier, parce qu'il ne trouve pas application une fois la procédure de jugement terminée; la seconde, parce qu'elle ne contient plus de règles relevant du droit pénal depuis l'adoption du code de procédure pénale ­ son chap. 6, mentionné dans le texte de l'initiative, a été abrogé.

La réglementation proposée dans l'avant-projet reposait sur les principes suivants: ­

Elle s'applique aux victimes au sens de l'art. 1, al. 1, LAVI, à savoir les personnes qui ont subi, du fait d'une infraction, une atteinte directe à leur intégrité physique, psychique ou sexuelle. Les proches au sens de l'art. 1, al. 2, LAVI n'ont un droit d'information propre que si la victime est décédée à la suite de l'infraction.

­

Les décisions relatives à l'exécution de la sanction prononcée contre l'auteur de l'infraction ne sont portées à la connaissance de la victime que si celle-ci le demande expressément par écrit. La demande ne doit être faite qu'une seule fois et ne doit pas constituer une démarche compliquée. L'exigence permet cependant d'éviter d'informer des victimes qui n'y ont pas intérêt ou qui souhaitent «tourner la page». Elle permet aussi de tenir compte du fait que la situation n'est plus tout à fait la même que pendant la procédure pénale (cf. ci-dessus sous point 2, ad art. 214, al. 4, CPP).

­

La victime reçoit une information sur toutes les décisions qui présentent un intérêt pour elle (début de l'exécution, interruption, allégement, fin, y compris libération conditionnelle et réintégration; établissement d'exécution; forme particulière de l'exécution; fuite et arrestation).

2 3

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RS 311.0 RS 312.5

­

L'autorité entend le condamné avant de prendre une décision sur la demande de la victime. Elle peut exceptionnellement refuser l'information si le condamné a un intérêt justifié et prépondérant au maintien du secret ­ formulation différente de celle de l'art. 214, al. 4, CPP, pour tenir compte du fait que la situation n'est plus tout à fait la même que pendant la procédure pénale (cf. ci-dessus sous point 2).

­

L'autorité doit informer la victime de ses droits. Elle doit également la rendre attentive au caractère confidentiel des informations communiquées.

­

L'avant-projet comble une lacune de la procédure pénale militaire du 23 mars 1979 (PPM)4, en reprenant la règle de l'art. 214, al. 4, CPP (droit de la victime à être informée pendant la procédure pénale).

La réglementation proposée est le résultat d'une pesée minutieuse des intérêts en présence: il s'agit de mettre en place une procédure simple et efficace permettant de donner à la victime, si elle le souhaite, toute l'information dont elle a besoin, sans perdre de vue les intérêts du condamné.

3.2

Résultats de la procédure de consultation

Des résultats de la procédure de consultation5, à laquelle ont notamment répondu tous les cantons et les grands partis nationaux6, la commission retient les principaux éléments suivants:

4 5

6

­

L'avant-projet est approuvé par une grande majorité des consultés, soit sans réserves, soit moyennant quelques corrections. Seule une minorité des consultés rejette l'avant-projet ou le critique fortement.

­

Seule une minorité des consultés critique le choix de placer la règlementation dans le code pénal.

­

Plusieurs remarques concernent le cercles des ayants droit ­ à restreindre ou, au contraire, à étendre ­, le contenu du droit ­ informations concernées et possibilité d'être informé de décisions antérieures au dépôt de la demande ­ et les motifs de refus d'informer.

­

Les règles de procédure font l'objet de plusieurs critiques, allant dans le sens d'une simplification (autorité chargée d'informer les ayants droit, recherche des coordonnées des ayants droit, moment de l'information, procédure contradictoire).

­

La lacune comblée dans la procédure pénale militaire est acueillie favorablement.

RS 322.1 Sur mandat de la Commission des affaires juridiques du Conseil national, l'Office fédéral de la justice a établi en avril 2013 un rapport de synthèse des résultats de la procédure de consultation.

Il y a eu 54 réponses. Huit organismes consultés ont expressément renoncé à prendre position. Quatre organisations ont envoyé spontanément un avis.

867

3.3

Modification apportées à l'avant-projet

A la suite de la consultation, la commission a apporté plusieurs modifications à l'avant-projet: ­

Cercle des ayants droit. Aux victimes au sens de l'art. 1, al. 1, LAVI, s'ajoutent les proches de la victime au sens de l'art. 1, al. 2, LAVI ­ qui ont désormais un droit d'information propre et plus seulement subsidiaire «si la victime est décédée du fait de l'infraction» ­ et les tiers, dans la mesure où ceux-ci ont un intérêt digne de protection ­ p.ex. un témoin de l'infraction.

­

Information des ayants droit. Dans un souci de simplification, c'est la police ou le ministère public qui informe la victime de ses droits, lors de sa première audition, et plus l'autorité d'exécution, ultérieurement. La règle est logiquement placée dans le code de procédure pénale.

­

Information rétroactive. L'expression «à l'avance» a été biffée à l'art. 92a, al. 1, let. a P-CP. Il est donc possible d'obtenir a posteriori des informations sur des événements passés, comme une libération. Une disposition transitoire a par ailleurs été ajoutée, qui étend la portée du droit à l'information de l'art. 92a P-CP aux peines et mesures dont l'exécution est en cours.

­

Motifs de refus de l'information. La règle est désormais celle de l'art. 214, al. 4, CPP, plus restrictive: l'information est refusée non plus «si le condamné a un intérêt justifié et prépondérant au maintien du secret» mais seulement «si l'information devait exposer le condamné à un danger sérieux».

4

Commentaire article par article

4.1

Code pénal

Art. 92a

Droit à l'information

Al. 1 Le droit à l'information désigne le droit des personnes visées à l'art. 92a P-CP à être informées des décisions et faits concernant l'exécution d'une peine ou d'une mesure par une personne condamnée. Ce droit est accordé sur demande par l'autorité d'exécution compétente, pour autant que l'information n'expose pas le condamné à un danger sérieux. Il faut distinguer de ce droit le devoir des autorités d'informer les victimes de son existence (voir art. 305 P-CPP). Pour désigner ce devoir, on utilisera les termes «devoir de renseigner» plutôt que «devoir d'information» ou «droit à l'information».

Il faut également préciser les termes utilisés pour désigner le cercle des personnes visées à l'art. 92a, al. 1, 1re phrase, P-CP. Dans la mesure où les personnes mentionnées dans cette disposition peuvent demander à être informées, elles sont désignées «personnes habilitées à déposer une demande». Dans la mesure où leur demande est admise, elles sont désignées ci-après par «personnes ayant droit à l'information» (ou «ayants droit à l'information»).

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Pour qu'une personne lésée7 puisse invoquer le droit à être informé, il ne suffira pas que ses droits aient été touchés directement par une infraction. Cette restriction s'impose pour les raisons suivantes: les données sur les personnes contenues dans les décisions d'exécution sont des données sensibles8. Il existe un conflit entre leur traitement, dont fait partie leur transmission par les autorités à la victime9, et le droit fondamental du condamné à l'autodétermination en matière d'information (art. 13, al. 2, Cst.). Ce dernier implique que les autorités ne sont par principe pas autorisées à remettre à des tiers des données se rapportant à la personne du condamné, concernant p. ex. l'annonce de sa libération conditionnelle prochaine. Communiquer ces données revient à violer ce droit à l'autodétermination en matière d'information.

Toute atteinte à un droit fondamental, notamment quand celui-ci vise à protéger une liberté, n'est admissible que si elle remplit les conditions fixées à l'art. 36 Cst.

Lorsqu'une telle atteinte concerne des données sensibles, comme c'est le cas ici, il faut qu'un intérêt particulier justifie le traitement des données et qu'on examine avec soin notamment si le principe de proportionnalité est respecté (acceptabilité)10. Ces conditions imposent de restreindre le plus possible le cercle des personnes pouvant être informées.

Au vu de ces principes, le droit de demander à être informé doit premièrement être octroyé aux victimes d'infractions. Par victime au sens de l'art. 1, al. 1, LAVI, on entend toute personne ayant subi, du fait d'une infraction, une atteinte directe à son intégrité physique, psychique ou sexuelle11. L'art. 116 CPP utilise la même définition de la victime, mais vise uniquement les victimes qui participent à une procédure pénale en tant que lésés et qui, par rapport à ces derniers, bénéficient de par leur qualité de victimes de droits particuliers (voir p. ex. art. 117 CPP)12. Pour cette raison, le projet ne renvoie pas à l'art. 1, al. 3, LAVI.

Le projet renvoie à la notion de victime au sens de la LAVI parce que le droit à l'information ne concerne pas la procédure pénale, mais la procédure d'exécution.

L'exercice de ce droit présuppose donc une condamnation du prévenu, raison pour laquelle le projet renvoie seulement aux al. 1 et 2 de l'art. 1 LAVI, à l'instar de l'art. 116 CPP. Les infractions avec de possibles victimes au sens de la LAVI figu7 8

9 10

11

12

Cf. art. 115, al. 1, CPP.

Art. 3, let. c, ch. 4, de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD, RS 235.1). Cf. Urs Belser, Datenschutzgesetz, Maurer-Lambrou, Vogt (édit.), 2e édition 2008, art. 3, note marg. 18: «Unter den Begriff administrative und strafrechtliche Verfolgungen und Sanktionen fallen auch Daten betreffend den Strafvollzug» [la notion de poursuites ou sanctions pénales et administratives couvre également les données concernant l'exécution des peines]; concernant l'application restreinte de la loi sur la protection des données aux autorités cantonales, voir le ch. 6.3 ci-dessous.

Cf. art. 3, let. f, LPD.

Rainer J. Schweizer, Die schweizerische Bundesverfassung, B. Ehrenzeller, P. Mastronardi, R.J. Schweizer, K.A. Vallender (édit.), 2e édition 2008, art. 13, note marg. 41 suiv.

Concernant le fait que les exigences relatives à la preuve d'une infraction conférant la qualité de victime varient selon la forme d'aide demandée: résumé de la jurisprudence dans l'arrêt tu Tribunal fédéral 1C_348/2012 du 8 mai 2013, consid. 2.4.

Pour qu'une victime présumée puisse exercer ses droits dans la procédure pénale, il suffit qu'une infraction conférant la qualité de victime entre sérieusement en ligne de compte.

Ce n'est pas la gravité de l'infraction qui est déterminante, mais ses conséquences pour la victime. Selon le contexte, des infractions mineures, telles que les voies de fait (art. 126 CP) ou le harcèlement sexuel (art. 198 CP) peuvent conférer le statut de victime (Zehntner, OHG-Kommentar, art. 1, note marg. 6 et Recommandations de la Conférence suisse des offices de liaison de la loi fédérale du 21 janvier 2010 sur l'aide aux victimes d'infractions [CSOL-LAVI], ch. 2.6, commentaire).

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rent pour l'essentiel dans le CP. En font partie diverses infractions contre la vie et l'intégrité corporelle13, contre la liberté14 et contre l'intégrité sexuelle15. On en retrouve certaines dans le code pénal militaire du 13 juin 1927 (CPM)16, p. ex. à l'art. 154 (viol) ou à l'art. 121 (lésions corporelles graves). La personne astreinte au service militaire qui commet une telle infraction pendant son service sera condamnée en vertu du CPM. Etant donné que le CPM renvoie au CP en ce qui concerne l'exécution des peines privatives de liberté et des mesures (art. 34b, al. 1, et 47, al. 2, CPM), le droit de la victime à être informée s'appliquera également aux personnes condamnées en vertu du CPM. On trouve également dans le droit pénal accessoire des infractions pouvant fonder le statut de victime17. En raison du renvoi de l'art. 333, al. 1, CP, l'art. 92a P-CP s'applique également dans le domaine du droit pénal accessoire: cette disposition prévoit que les dispositions générales du CP (relatives p. ex. aux peines privatives de liberté et aux mesures entraînant une privation de liberté; cf. art. 74 ss) s'appliquent aux actes punissables en vertu d'autres lois fédérales, sauf si celles-ci contiennent leurs propres dispositions en la matière18.

Le droit à demander des informations est aussi octroyé aux proches de la victime au sens de l'art. 1, al. 2, LAVI. Cette notion inclut notamment le conjoint de la victime, ses enfants et ses parents, ou d'autres proches unis à elle par des liens analogues, comme le concubin. Les proches ont aussi un intérêt à être informés de l'exécution d'une peine ou d'une mesure par la personne condamnée. Ils sont indirectement touchés par l'infraction, en particulier lorsque la victime est décédée du fait de l'infraction ou si elle leur fait part de l'acte.

Enfin, des tiers peuvent être touchés par une infraction. Ils doivent avoir un intérêt digne de protection pour être habilités à déposer une demande d'informations. Cet intérêt digne de protection doit avoir une intensité comparable à l'intérêt des proches. On peut par exemple imaginer qu'un prévenu soit jugé pour des actes similaires commis sur différentes victimes, mais que sa culpabilité ne soit pas admise dans tous les cas. Lorsqu'un acquittement entre en force, il n'y a pas d'infraction au sens du droit pénal19 et
le statut de victime au sens de l'art. 92a, al. 1, P-CP n'est pas reconnu. Les personnes ayant eu qualité de victime au sens de l'art. 116 CP pendant la procédure pénale peuvent cependant avoir un intérêt à être informées de l'exécution d'une peine ou d'une mesure par la personne condamnée. Elles sont alors traitées comme des tiers.

13 14 15 16 17 18

19

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P. ex. homicide (art. 111 CP), assassinat (art. 112 CP) et lésions corporelles (art. 122 et 123 CP).

P. ex. contrainte (art. 181 CP).

P. ex. viol (art. 190 CP) et contrainte sexuelle (art. 189 CP).

RS 321.0 C'est le cas de l'art. 128, al. 2, de la loi du 23 septembre 1953 sur la navigation maritime sous pavillon suisse, RS 747.30.

Cela ne semble pas être le cas: les lois fédérales relatives au droit pénal accessoire ne contiennent pas de dispositions réglant l'exécution des peines et des mesures privatives de liberté.

La condamnation ne joue aucun rôle pour l'aide aux victimes selon la LAVI; voir l'art. 1, al. 3, LAVI. Les autorités d'aide aux victimes ne sont pas liées par le jugement pénal dans leur appréciation. Un acquittement sur la base du principe in dubio pro reo n'exclut pas nécessairement l'octroi de prestations selon la LAVI; cf. Recommandations de la Conférence suisse des offices de liaison de la loi fédérale du 21 janvier 2010 sur l'aide aux victimes d'infractions (CSOL-LAVI), ch. 2.8.2.

De même, il peut y avoir intérêt digne de protection si l'auteur de l'infraction menace un tiers suite à ses déclarations pendant la procédure pénale. Même si cette personne ne remplit pas la définition de la victime au sens du projet, elle pourra tout de même faire valoir un intérêt digne de protection à être informée de l'exécution d'une peine ou d'une mesure par la personne condamnée, en raison de la menace pesant sur elle. A cet égard, il n'est pas nécessaire que le condamné ait été condamné pour menaces ou que l'exécution de la peine ou de la mesure fasse suite à une condamnation pour menaces.

Enfin, les tiers ayant un intérêt digne de protection peuvent être indirectement touchés par une infraction, parce que l'état de fait pénal ne protège pas des biens juridiques individuels mais des biens juridiques collectifs, comme la discrimination raciale au sens de l'art. 261bis, al. 4, in fine, CP (déni de génocide)20.

On peut imaginer d'autres exemples de circonstances justifiant l'existence d'un intérêt digne de protection pour des tiers. Il reviendra à l'autorité d'exécution compétente de décider si un tel intérêt existe ou pas.

Le droit de demander des informations appartient ainsi à toutes les victimes, proches et tiers ayant un intérêt digne de protection, qu'ils aient ou non pris part à la procédure pénale en s'étant constitué partie plaignante (cf. art. 118 CPP).

La personne désignée à l'art. 92a, al. 1, P-CP qui souhaite être informée des décisions d'exécution concernant la personne condamnée devra le demander par écrit à l'autorité d'exécution compétente. L'information sur les décisions d'exécution n'est pas donnée d'office, contrairement à ce que prévoit le CPP, p. ex. à son art. 214, al. 4 (qui dispose que la victime est informée d'office de la mise en détention provisoire du prévenu ou de sa libération de cette mesure). Cela se justifie du fait que certaines personnes habilitées à déposer une demande préfèreraient ne pas être confrontées à ces informations. Par ailleurs, des motifs d'ordre pratique imposent de renoncer à informer d'office les proches et les tiers ayant un intérêt digne de protection. L'octroi d'informations sur demande évitera aux autorités un travail inutile pour identifier les coordonnées des ayants droit. Un sondage effectué auprès des cantons appliquant un droit
à l'information similaire21 montre qu'actuellement, seul un très faible pourcentage des victimes recourt à cette possibilité. Il est donc approprié de soumettre l'octroi du droit à l'information au dépôt d'une demande22.

Si la personne ayant droit à l'information n'a pas l'exercice des droits civils, il reviendra en principe à ses représentants légaux de formuler la demande (parent ou tuteur p. ex.). Si elle est néanmoins capable de discernement, et qu'elle peut faire face aux conséquences de l'information, elle sera habilitée à présenter elle-même la demande23.

20 21 22

23

ATF 129 IV 95 On trouve des dispositions similaires dans les cantons de Berne, de Neuchâtel, du Tessin, de Zurich, de Schaffhouse et des Grisons.

Dans le canton des Grisons p. ex., seules trois personnes ont fait valoir leur droit à être informées depuis le 1er janvier 2010, date de l'entrée en vigueur de la nouvelle disposition.

Voir aussi les art. 106, al. 3, CPP, et 19, al. 2, du code civil (CC; RS 210).

871

Dans sa demande, la personne indiquera vouloir être informée des faits et des décisions se rapportant à l'exécution d'une peine ou d'une mesure, mentionnés à l'art. 92a P-CP. En revanche, elle ne pourra pas prendre position sur les faits et décisions relatifs à l'exécution des peines et mesures (voir la let. a ci-après).

La loi fédérale du 23 décembre 2011 sur la protection extraprocédurale des témoins (LTém)24 et l'ordonnance du 7 novembre 2012 sur la protection extraprocédurale des témoins (OTém)25 règlent le cas des personnes habilitées à déposer une demande qui souhaitent que leurs coordonnées soient gardées secrètes.

La demande n'est soumise à aucun délai à dater de l'entrée en force de la sanction ou de la mesure entraînant la privation de liberté. Une personne qui a besoin de temps pour se déterminer pourra communiquer sa décision à n'importe quel moment pendant que le condamné purgera sa peine ou sa mesure jusqu'à sa libération définitive.

La demande ne devra être déposée qu'une fois et ne devra pas être renouvelée périodiquement. Dès l'admission de celle-ci, les informations sur les décisions d'exécution seront communiquées d'office jusqu'à la libération définitive du condamné, sauf si l'ayant droit retire sa demande. Les informations concernant les décisions d'exécution antérieures au dépôt de la demande seront données rétroactivement.

L'autorité d'exécution compétente pour réceptionner les demandes et décider d'octroyer ou non le droit à l'information sera déterminée par le droit cantonal, en vertu de l'art. 123, al. 2, Cst., qui dispose que l'exécution des peines et des mesures en matière de droit pénal est du ressort des cantons, sauf disposition contraire de la loi. La désignation des autorités d'exécution compétentes pour informer l'ayant droit des décisions d'exécution, ainsi que la manière dont il sera informé (par oral ou par écrit) relèveront également de la compétence des cantons. Il sera donc possible de tenir compte au mieux des besoins de chaque victime26. Si nécessaire, les centres de consultation LAVI pourront assister les personnes concernées dans la recherche de l'autorité compétente et le dépôt de la demande (art. 9 et 14, al. 1, LAVI).

Le droit à l'information se limitera aux décisions d'exécution en lien avec des peines ou mesures privatives de liberté et aux
faits importants concernant l'exécution (p. ex. l'établissement d'exécution, l'évasion ou l'arrestation après une évasion). En effet, sur le plan de la systématique, les sanctions visées figurent dans la partie générale du CP, sous le titre 4 «Exécution des peines privatives de liberté et des mesures entraînant une privation de liberté» (art. 74 ss CP). Les sanctions entraînant une privation de liberté incluent d'une part les peines privatives de liberté fermes, d'autre part les mesures thérapeutiques institutionnelles et l'internement. Aucune information ne sera donnée sur l'exécution d'autres types de peines, comme la peine pécuniaire ou le travail d'intérêt général.

De nombreuses décisions sont prises pendant l'exécution d'une sanction ou d'une mesure entraînant la privation de liberté. Toutes ne présentent pas le même intérêt pour l'ayant droit à l'information. Par ailleurs, le droit de la personne condamnée à l'autodétermination en matière d'information (art. 13, al. 2, Cst.) et le principe de 24 25 26

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RS 321.2 RS 321.21 A titre d'exemple, dans le canton de Zurich, la victime peut préciser sur un formulaire la manière dont elle souhaite recevoir les informations (par oral ou par écrit). Le canton des Grisons offre aussi le choix entre ces deux moyens d'information.

proportionnalité à observer en cas d'atteinte à un droit fondamental (art. 36, al. 3, Cst.) imposent de limiter le contenu de l'information rendue accessible. On se bornera donc à communiquer à l'ayant droit les décisions d'exécution et faits importants ayant un impact sur sa sécurité (en lui permettant p. ex. de se tenir à l'écart du condamné). Il s'agit des décisions portant sur la privation de liberté (début de la sanction, réintégration dans l'exécution), de celles permettant au condamné de quitter le lieu de détention et de circuler plus ou moins librement (congé, allégement de la détention, libération27) et de celles concernant l'évasion et l'arrestation après une évasion.

Let. a L'ayant droit à l'information sera informé du début de l'exécution de la sanction entraînant une privation de liberté (peine ou mesure). Est également considéré comme tel le passage d'un régime d'exécution anticipée à un régime d'exécution définitive28. L'avis indiquera le début de l'exécution et l'établissement d'exécution.

Si l'exécution diverge d'une exécution ordinaire29, p. ex. si le condamné est placé en semi-détention (art. 77b CP), on précisera également la forme de l'exécution. Si le détenu purge une peine privative de liberté de courte durée, sous la forme d'une semi-détention p. ex., il passera ses heures de repos et de loisirs dans l'établissement d'exécution et continuera de sortir pour effectuer son travail ou sa formation30.

L'obligation d'informer s'appliquera aussi aux peines privatives de liberté de courte durée exécutées sous surveillance électronique, si cette mesure est prononcée pour toute la durée de la peine31. Cette forme d'exécution prévoit que le condamné purge sa peine privative de liberté à son domicile, qu'il ne peut quitter que pendant certaines plages de temps fixées par les autorités (pour travailler ou suivre un traitement, p. ex.). Le respect des horaires de sortie sera surveillé au moyen d'un bracelet électronique32.

La victime est les autres ayants droit à l'information devront être informés du début et de la durée de toute interruption de l'exécution33 (art. 92 CP).

Il est également prévu de les informer de tout allégement dans l'exécution34, permettant à la personne condamnée de sortir de l'établissement d'exécution, d'où le risque que l'ayant droit à l'information la croise. Par allégement, on peut entendre l'octroi d'un congé ou le passage à une exécution sous la forme de travail externe (art. 77a, 27

28 29 30 31

32 33 34

Ne devrait pas être communiquée p. ex. la décision de faire transférer le condamné d'un établissement fermé à un établissement ouvert. Cette décision ne concerne qu'un changement de niveau de sécurité. Le condamné continue de travailler dans l'établissement et d'y passer ses heures de loisirs et de repos.

Cf. art. 236 CPP.

En règle générale, le condamné en détention ordinaire travaille dans l'établissement et y passe ses heures de loisirs et de repos (art. 77 CP).

Cf. Andrea Baechtold, Strafvollzug, 2e édition 2009, pp. 127 ss.

Actuellement, seuls sept cantons pratiquent la surveillance électronique des détenus (Berne, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Tessin, Vaud, Genève et Soleure). Il est prévu d'inscrire cette forme d'exécution dans le CP et de la rendre applicable par tous les cantons. Voir l'art. 79b P-CP; message du 4 avril 2012 relatif à la modification du code pénal et du code pénal militaire (Réforme du droit des sanctions), FF 2012 4385, 4399 ss.

Cf. Baechtold, op. cit., pp. 134 ss, en particulier note marg. 70; au sujet de la surveillance électronique, voir ci-après les allégements dans l'exécution.

De telles interruptions ne sont accordées qu'à titre exceptionnel. Cf. Baechtold, op. cit., p. 93 s.

Les allégements dans l'exécution sont des adoucissements du régime de privation de liberté (art. 75a, al. 2, CP).

873

al. 1 et 2, CP). Dans ce cas, la personne condamnée passe ses heures de loisirs et de repos dans l'établissement, mais travaille à l'extérieur de celui-ci. Elle effectue seule et sans surveillance les trajets entre l'établissement et son lieu de travail. Les mesures d'allégement peuvent aller plus loin et s'étendre également au logement. Le détenu loge et travaille alors à l'extérieur de l'établissement (art. 77a, al. 3, CP), ce dont l'ayant droit sera informé35. Mentionnons encore la surveillance électronique, qui peut être ordonnée pendant toute la durée de la peine privative de liberté (dans le cas des peines de courte durée) ou vers la fin de celle-ci, peu avant une libération conditionnelle. Les mesures d'allégement mentionnées ci-dessus ne sont pas exhaustives. L'art. 387, al. 4, let. a, CP autorise le Conseil fédéral à introduire à titre d'essai d'autres formes d'exécution, et donc à prévoir d'autres formes d'allégement pouvant avoir un impact sur l'ayant droit à l'information, qui sont couvertes par l'art. 92a, al. 1, let. a proposé. Il en va de même des nouvelles formes d'exécution que les cantons peuvent introduire en vertu du droit cantonal36.

Afin de tenir compte du besoin de protection des ayants droit à l'information, les autorités d'exécution auront la possibilité de soumettre l'octroi de congés à certaines règles, comme l'interdiction de s'approcher de l'ayant droit à l'information ou de le contacter. De telles restrictions pourront également s'appliquer pendant la durée d'une libération conditionnelle (art. 87, al. 2, CP).

Enfin, il est également prévu d'informer l'ayant droit du moment de la libération conditionnelle ou définitive du détenu, ainsi que de sa réintégration dans l'exécution, en cas d'échec de sa mise à l'épreuve (art. 89, al. 1, et 95, al. 5, CP).

Si ces décisions ou faits sont antérieurs à la demande, l'information sera donnée immédiatement après son admission. Cependant, l'ayant droit à l'information n'aura pas le droit de se prononcer sur le contenu des décisions d'exécution ou l'exécution d'une peine ou d'une mesure37.

Let. b Si le détenu s'évade, la personne ayant droit à l'information en sera prévenue immédiatement. Il en ira de même si l'évadé est repris. Est également assimilable à une évasion, par exemple, le fait pour un détenu arrivé au terme de son
congé de ne pas rentrer à son lieu de détention.

Al. 2 Le projet prévoit d'associer la personne condamnée à la procédure, conformément à l'art. 29, al. 2, Cst., qui dispose que les parties ont le droit d'être entendues. Ce droit implique que la personne condamnée soit informée de la demande d'informations et qu'elle soit entendue dans le cadre de la procédure administrative38. Elle doit pouvoir se prononcer avant que l'autorité ne statue sur la transmission au demandeur d'informations la concernant. Le fait de pouvoir, sur demande, consulter son dossier, n'est pas suffisant pour satisfaire au droit d'être entendu garanti par la Constitu35 36 37

38

874

Cf. Baechtold, op. cit., p. 121 ss.

Cf. Baechtold, op. cit., p. 138 s.

Cette règle est conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral. Dans l'ATF 139 IV 121, consid. 4, pp. 123 ss, le Tribunal fédéral a jugé que la partie civile n'a pas le droit de recourir contre une décision de libération de la détention provisoire.

Certains cantons ne prévoient pas de droit à l'information pour la personne condamnée.

Cf. le par. 27 de la Straf- und Justizvollzugsgesetz du canton de Zurich (StJVG) et le par. 3a de la Justizvollzugsverordnung du canton de Schaffhouse (JVV).

tion39. Les autorités d'exécution pourront décider librement de la manière dont l'audition devra avoir lieu (par oral ou par écrit). L'audition pourra mettre au jour des craintes ou des réserves susceptibles de justifier une décision négative (cf. al. 3).

Il est également recommandé d'examiner le dossier de la procédure pénale, afin de déterminer les intérêts en présence. Celui-ci peut contenir des éléments favorables ou défavorables à la communication d'informations (menaces proférées à l'encontre du condamné ou de la personne qui fait la demande p. ex.).

Après avoir rassemblé les informations pertinentes, les autorités devront statuer sur l'admission ou le rejet de la demande d'information, en procédant à une pesée d'intérêts. Cette condition découle de l'art. 36 Cst. Si l'intérêt du condamné au maintien du secret prédomine (art. 92a, al. 3, P-CP), il y aura lieu de rejeter la demande. Les autorités devront s'assurer qu'il ne lui arrive rien lorsqu'il est en contact avec le monde extérieur, tant qu'il est sous leur garde. Elles devront aussi tenir compte de la situation concrète de la victime et des autres personnes ayant droit à l'information, sur la base des indications contenues dans la requête écrite.

Les expériences réalisées dans plusieurs cantons montrent que les personnes habilitées à demander à être informées font preuve d'une grande retenue au moment d'user de leur droit à l'information40. Il faut donc s'attendre à ce que très peu de demandes soient rejetées.

Les autorités statueront sur la recevabilité de la demande d'information au moyen d'une décision pouvant faire l'objet d'un recours; tant le condamné (en cas d'acceptation de la demande) que la personne habilitée à demander l'information (en cas de rejet) pourront faire usage des voies de droit cantonales s'ils contestent la décision.

L'autorité examinera en principe une seule fois, après réception de la demande d'information, et non avant chaque décision d'exécution, si le droit à l'information est avéré. Elle s'appuiera pour ce faire sur les éléments dont elle disposera à ce moment-là. Si la situation évolue au cours de l'exécution, il se pourra que l'autorité doive réévaluer le droit à l'information. Si la première décision a consisté en un refus, la personne habilitée à déposer une demande pourra renouveler sa demande en
présentant à l'autorité les nouveaux éléments justifiant sa démarche. A l'inverse, si les autorités acceptent d'emblée la demande d'information, il reviendra à la personne condamnée de faire valoir de nouveaux faits s'opposant à l'information de la personne habilitée à être informée. Etant donné que les autorités d'exécution ont un devoir de protection particulier à l'égard du condamné, elles devront réexaminer d'office la situation si elles ont connaissance de nouveaux faits qui pourront s'opposer à la transmission d'informations. Elles communiqueront sous la forme d'une décision le résultat de tout réexamen du droit à l'information.

Al. 3 Le droit de la victime à être informée n'est pas absolu. Il s'oppose au droit à l'autodétermination en matière d'information garanti à la personne condamnée par l'art. 13, al. 2, Cst. L'intérêt de la personne condamnée au maintien du secret peut 39

40

ATF 134 I 140, consid. 5.3, p. 148: le droit d'être entendu comprend le droit pour la personne visée de s'expliquer préalablement au sujet de la cause lorsque la décision peut porter atteinte à sa situation juridique ainsi que le droit de faire administrer les preuves présentées dans les délais et dans la forme prescrits.

Cf. note 22.

875

être prépondérant par rapport à celui de l'ayant droit à être informé (art. 36 Cst., voir aussi l'art. 9 LPD). C'est le cas lorsque la transmission d'informations pourrait faire peser un risque grave sur l'intégrité physique ou psychique du condamné, en l'exposant à la vengeance de l'ayant droit ou de ses proches. La formulation de l'art. 92a, al. 3, P-CP, qui prévoit le refus d'informer, correspond à celle de l'art. 214, al. 4, CPP. Si les conditions justifiant l'information de l'ayant droit ne sont plus réunies parce que leur communication expose la personne condamnée à un danger sérieux, l'autorité révoquera sa décision.

La formulation de l'art. 92a, al. 3, P-CP est plus étroite que dans l'avant-projet.

Celui-ci, en indiquant que la demande d'informations pouvait être rejetée «exceptionnellement», traduisait déjà la rareté des refus. Il se justifie d'utiliser les mêmes critères qu'à l'art. 214, al. 4, CPP.

Al. 4 Si l'autorité d'exécution admet la demande, elle rend l'auteur de celle-ci attentif au caractère confidentiel des informations communiquées (cf. art. 12, al. 2, let. c, LPD)41. Cela peut se faire par la signature d'une déclaration de confidentialité ou en assortissant la transmission de l'information d'une menace d'amende au sens de l'art. 292 CP (insoumission à une décision de l'autorité) en cas de violation du devoir de garder le secret. Ces mesures permettront de prévenir d'éventuels abus. Le droit à l'information ne doit pas pouvoir être détourné pour transmettre des informations sensibles à des tiers qui n'y ont pas droit.

Si la personne habilitée à demander l'information viole son obligation de garder le secret et expose ainsi le condamné à un danger sérieux, le droit à l'information peut être révoqué d'office (voir al. 3 ci-dessus). Si la violation n'expose pas le condamné à un danger sérieux, elle ne sera pas sanctionnée. Il faut en effet partir du principe que la victime et ses proches parleront ensemble des informations obtenues. Cela ne pose pas de problème, étant donné que ces personnes sont toutes habilitées à demander à être informées. Tant que ces conversations ne mettent pas le condamné sérieusement en danger, rien n'impose la révocation du droit à l'information.

S'il s'avère nécessaire d'accompagner la victime ou des proches après l'octroi d'informations concernant
l'exécution d'une peine ou d'une mesure par le condamné, les centres d'aide aux victimes fourniront l'assistance nécessaire (art. 14 LAVI).

Le secret n'est pas opposable aux conseillers d'un centre de consultation LAVI reconnu, car les informations concernant l'exécution peuvent être nécessaires pour fournir une aide utile, et le personnel des centres de consultation est soumis à un devoir strict de garder le secret (art. 11 LAVI).

4.2

Droit pénal des mineurs

Art. 1, al. 2, let. ibis Si le condamné a commis un délit avant l'âge de 18 ans (voir art. 1, al. 1, DPMin), les personnes visées à l'art. 92a, al. 1, P-CP doivent également avoir le droit de demander des informations sur les décisions importantes relatives à des sanctions 41

876

Au sujet de l'application partielle de la LPD, voir le chiffre 6.3.

privatives de liberté prévues par le droit pénal des mineurs (p. ex. privation de liberté et placement). C'est le cas ici, grâce au renvoi au CP figurant à l'art. 1, al. 2, let. ibis, DPMin.

4.3

Code de procédure pénale

Art. 305, titre, et al. 2, phrase introductive et let. d La victime au sens de l'art. 116, al. 1, CPP doit être renseignée sur ses droits en matière procédurale. Elle reçoit dès la première audition des informations concernant la procédure pénale (art. 8, al. 1, LAVI; art. 305, al. 1, CPP). L'autorité devra aussi renseigner la victime sur son droit à demander à être informée de l'exécution future d'une peine ou d'une mesure par l'accusé. Même si l'issue de la procédure est incertaine, une information objective sur les droits existants ne violera pas la présomption d'innocence42 (art. 32, al. 1, Cst.). Cela permettra d'éviter certaines difficultés liées à la recherche des coordonnées des ayants droit si le devoir de renseigner s'inscrivait plus tard dans la procédure.

Selon, l'art. 305, al. 4, CPP, les al. 1 à 3 de l'art. 305 CPP s'appliqueront par analogie aux proches de la victime. Dans la mesure où les proches contactent la police ou le ministère public, ils devront également être renseignés sur leur droit à demander des informations.

En revanche, il n'y a pas lieu d'obliger les autorités à renseigner les autres personnes habilitées à déposer une demande au sens de l'art. 92a, al. 1, P-CP (proches sans contact avec le ministère public ou la police et tiers ayant un intérêt digne de protection). En règle générale, ces personnes ne participent pas à la procédure pénale et ne sont donc pas connues des autorités de poursuite pénale. Devoir renseigner ces personnes créerait une charge importante liée à leur identification, alors qu'elles sont moins concernées par l'infraction que la victime et les proches impliqués dans la procédure pénale. Cette identification serait disproportionnée et doit dès lors être évitée.

Les dispositions relatives au devoir de renseigner la victime et les proches impliqués dans la procédure pénale s'appliquent aussi au droit pénal des mineurs, puisque l'art. 3, al. 1, de la procédure pénale des mineurs du 20 mars 2009 (PPMin)43 renvoie au CPP.

4.4

Procédure pénale militaire

Art. 56, al. 2 L'art. 56 PPM est complété d'un al. 2 qui prévoit le droit de la victime à être informée, pendant la procédure pénale militaire, des décisions de mise en détention, d'une évasion et d'une arrestation après une évasion. Le contenu actuel de l'art. 56 devient l'al. 1. La PPM présente actuellement une lacune par rapport au droit pénal ordinaire (art. 214, al. 4, CPP) dans la mesure où la victime n'est pas informée, 42 43

Voir le ch. 6.2.

RS 312.1

877

pendant la procédure, de la mise en détention provisoire ou en détention pour des motifs de sûreté, de la fin de celle-ci, ni de l'évasion de l'inculpé. Cette lacune est comblée. Le nouveau droit à l'information de la victime ancré dans la PPM a un contenu similaire à celui du CPP. La PPM utilise toutefois le terme «inculpé» au lieu de «prévenu».

Devoir de renseigner des autorités La PPM contient une disposition similaire à l'art. 305, al. 2, CPP: l'art. 84b, al. 1, PPM, qui prévoit que les autorités informent la victime de ses droits à la première occasion. Cette disposition est complétée de la même manière que l'art. 305 al. 2, CPP, selon lequel la victime doit être renseignée sur son droit de demander des informations.

5

Conséquences pour la Confédération et les cantons

5.1

Conséquences pour la Confédération

L'art. 123, al. 2, Cst. dispose que l'organisation judiciaire et l'administration de la justice ainsi que l'exécution des peines et des mesures en matière de droit pénal sont du ressort des cantons, sauf disposition contraire de la loi. Les dispositions proposées n'ont aucune conséquence pour la Confédération.

5.2

Conséquences pour les cantons

Le projet entraînera une certaine charge de travail supplémentaire pour les autorités d'exécution cantonales. L'expérience ayant toutefois montré que seules très peu de personnes font usage de leur droit à déposer une demande d'information, la commission est d'avis que ce surcroît de travail devrait pouvoir être absorbé sans personnel supplémentaire.

5.3

Relation avec le droit cantonal

L'art. 123, al. 3, Cst. dispose que la Confédération peut légiférer sur l'exécution des peines et des mesures. L'art. 92a P-CP règle de manière complète et détaillée le droit à l'information de la victime après la fin de la procédure pénale. Il définit le cercle des ayants droit à l'information, le contenu de l'information ainsi que la procédure applicable. Cette matière est donc réglée exhaustivement par le droit fédéral. Les cantons ne peuvent pas édicter de règles plus larges que la législation fédérale (p. ex. quant à l'objet de l'information ou aux personnes habilitées à demander des informations). Les nouvelles règles relatives au droit à être informé de l'exécution des peines et des mesures priment le droit cantonal qui leur est contraire (art. 49, al. 1, Cst.). Les cantons gardent une marge de manoeuvre en ce qui concerne l'application de ces règles (p. ex. la manière d'auditionner le condamné et la transmission orale ou écrite des informations si la demande est admise). Ils doivent désigner l'autorité d'exécution compétente pour statuer sur la transmission des

878

informations, et il leur revient de les transmettre une fois la demande admise. Ils doivent en outre régler la procédure de recours cantonale contre ces décisions.

6

Aspects juridiques

6.1

Constitutionnalité

Le projet se fonde sur l'art. 123, al. 1 et 3, Cst., qui octroie à la Confédération la compétence de légiférer en matière de droit pénal, de procédure pénale et d'exécution des peines et des mesures.

6.2

Compatibilité avec les obligations internationales

Le fait d'informer la victime, pendant la procédure pénale, de la possibilité de demander des informations après l'entrée en force de la condamnation du prévenu à une peine ou mesure privative de liberté, constitue une atteinte à la présomption d'innocence protégée par l'art. 6, ch. 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH)44, l'art. 14, ch. 2, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 196645 ainsi que par l'art. 32, al. 1, Cst. Le prévenu peut avoir le sentiment que les autorités ont un jugement préconçu. La présomption d'innocence n'est cependant pas violée dans la mesure où la communication relative au droit à l'information, dans le cadre du devoir général de renseigner la victime, reste objective, c'est-à-dire qu'elle réserve explicitement la condamnation du prévenu.

6.3

Protection des données

La question de l'application de la loi sur la protection des données (LPD) se pose dans le présent projet. La LPD règle le traitement de données personnelles par des personnes privées et des organes fédéraux (art. 2, al. 1, LPD). L'art. 37, al. 1, LPD prévoit que le traitement de données personnelles par des organes cantonaux en exécution du droit fédéral est régi par les dispositions des art. 1 à 11a, 16, 17, 18 à 22 et 25, al. 1 à 3, LPD, à moins qu'il ne soit soumis à des dispositions cantonales de protection des données assurant un niveau de protection adéquat.

Selon l'art. 92a P-CP, l'autorité d'exécution cantonale informe l'ayant droit des décisions et faits relatifs à l'exécution d'une peine ou d'une mesure par le condamné. La LPD s'applique au domaine de l'exécution des peines et des mesures46. Il s'agit donc d'une situation visée par l'art. 37, al. 1, LPD.

A défaut de dispositions cantonales de protection des données assurant un niveau de protection adéquat, le traitement des données personnelles est régi par les dispositions énumérées à l'art. 37, al. 1, LPD. Si des dispositions cantonales existent, elles

44 45 46

RS 0.101 RS 0.103.2 Philippe Meier, Protection des données, Berne 2012, notes marg. 386 ss.

879

prévalent sur la LPD. Le devoir d'information au sens de l'art. 92a P-CP, qui ressortit au droit fédéral, prime le droit cantonal qui lui est contraire (art. 49, al. 1, Cst.).

Comme la LPD ne s'applique pas systématiquement à la procédure prévue à l'art. 92a P-CP, le renvoi à la LPD prévu dans l'avant-projet a été biffé.

880