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XLIme année, Vol. III.

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No 37.

Samedi 31 août im

Organisation judiciaire et procédure pénale pour

l'armée fédérale.

(Loi

fédérale du 28 juin 1889.)

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE de la CONFÉDÉRATION S U I S S E , vu l'article 20 de la constitution fédérale et les articles 227 à 229 de l'organisation militaire, du 13 novembre 1874; vu le message du conseil fédéral du 10 avril 1888, décrète :

Première partie Organisation de la justice militaire.

I. De la compétence.

Article 1er. Sont soumis à la juridiction militaire de la Confédération et à sa législation pénale militaire : Feuille fédérale suisse. Année L. Vol. HT.

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1124 1° tout citoyen au service militaire fédéral ou cantonal ?

2° les instructeurs pendant la durée des cours auxquels ils sont attachés ou lorsqu'ils sont employés dans des.

établissements militaires ; 3° les fonctionnaires et- les employés de l'administration militaire de la Confédération et des cantons pour tous les délits de'nature à, compromettre la défense nationale; 4° les militaires qui, sans être au service, ont revôtu l'uniforme ; 5° les militaires dans la vie civile, pour ce qui a trait à leurs devoirs de service ; 6° les personnes employées en permanence par un militaire au service ou par un corps de troupes, tels que les dresseurs de chevaux, les domestiques d'officiers,, les brosseurs, les blanchisseurs ; 7° les personnes attachées à l'armée par une fonction spéciale de service, telle que service de poste, de chemin de fer et de télégraphe, construction de cheminsdé fer, travaux de fortification, transports et fournitures, service d'hôpital, service de cantinier, boulangerie et boucherie, administration de caserne ou demagasin, fabrique de munitions, -- pour les actes qui concernent ces services ; 8° en temps de guerre, tout individu qui suit l'armée ou qui commet un délit contre des personnes appartenant, à l'armée ou concernant des choses destinées à son usage ;.

9° les prisonniers de guerre et les internés; 10° en service actif, l'individu de condition civile qui détourne ou cherche à détourner un militaire de ses devoirs militaires essentiels ; 11° l'individu de condition civile qui se rend coupable d'espionnage ou d'embauchage.

Art. 2. Tombent également sous la juridiction militairefédérale les infractions visées par la loi pénale militaire^

1125 qui auront été commises à l'étranger par une personne rentrant dans l'une des catégories énumérées à l'article premier.

Art. 3. Les infractions pour lesquelles les personnes énumérées à l'article premier relèvent de la justice militaire sont jugées par les tribunaux militaires fédéraux, si elles ont le caractère de délits, et par les autorités compétentes ou les supérieurs militaires de la Confédération et des cantons si elles sont de simples fautes de discipline.

Art. 4. Lorsque dans un délit commun des individus qui ne rentrent pas sous l'énumération de l'article 1er sont impliqués avec des individus soumis à la juridiction militaire, ils, demeurent justiciables des tribunaux ordinaires.

Dans ce cas, le conseil fédéral peut même décider exceptionnellement que les individus soumis à la juridiction militaire seront aussi renvoyés devant ces tribunaux.

Art. 5. Lorsqu'une personne rentrant dans l'uno des catégories énumérées à l'article premier est accusée d'actes délictueux relevant, les uns, des tribunaux ordinaires les autres, des tribunaux militaires, le conseil fédéral peut la renvoyer à être jugée exclusivement par les tribunaux ordinaires.

Art. 6. Lorsqu'un individu soumis à la juridiction militaire s'est rendu coupable d'actes non prévus dans le code pénal militaire, mais punissables d'après la loi du lieu où ils ont été commis, les autorités de la justice ordinaire sont compétentes pour ouvrir l'enquête et prononcer le jugement.

S'il existe une connexité entre le délit reproché et le service militaire, la poursuite pénale n'aura lieu que moyennant l'autorisation du département militaire fédéral.

Art. 7. Une enquête ne peut être ouverte ou continuée contre un militaire par la justice pénale ordinaire, pendant la durée du service, que moyennant l'autorisation du département militaire fédéral.

1126

Si l'enquête a commencé avant l'entrée au service, et si le département militaire refuse l'autorisation de la contiuuer, elle demeure suspendue jusqu'au moment où le prévenu est licencié.

Art. 8. Les conflits de compétence entre les tribunaux ordinaires et les tribunaux militaires sont tranchés définitivement par le conseil fédéral.

II. Officiers de justice militaire.

Art. 9. Sont choisis parmi les officiers de justice militaire : 1° l'auditeur en chef et son suppléant ; 2° le président du tribunal de cassation ; 3° les grands juges ; 4° les auditeurs ; 5° les juges d'instruction ; 6° les greffiers des tribunaux militaires.

Les officiers de justice militaire peuvent aussi être nommés membres du tribunal de cassation.

En outre, un certain nombre d'officiers judiciaires non répartis demeurent à la disposition immédiate du conseil fédéral. · Art. 10. Les officiers de justice militaire doivent posséder une culture juridique et avoir servi comme officiers dans la troupe.

Le conseil fédéral nomme les officiers de justice militaire ; il fixe leur grade et détermine leurs insignes.

III. Des tribunaux militaires.

1. Tribunaux de division.

Art. 11. Il y a un tribunal pour chaque division de l'armée.

En cas de besoin, le conseil fédéral nomme des tribunaux supplémentaires. Ils doivent être constitués notam-

1127 ment pour le maintien de la juridiction militaire dans l'arrondissement d'une division qui paraît appelée à quitter son territoire .pour un temps prolongé, et pour accompagner les troupes de landwehr qui s'éloignent du territoire de leur juridiction.

Les prescriptions concernant les tribunaux de division sont applicables par analogie aux tribunaux supplémentaires.

Art. 12. Le tribunal de division se compose d'un grand juge et de six juges. Six suppléants sont désignés pour remplacer les juges en cas d'empêchement.

Un auditeur, un juge d'instruction et un greffier sont attachés au tribunal.

Le grand juge préside le tribunal. Il doit avoir au moins le grade de major.

Art. 13. Le grand juge, les juges et leurs suppléants, ainsi que le greffier, sont nommés par le conseil fédéral pour un terme de trois ans.

Trois juges et trois suppléants sont choisis parmi les officiers, trois juges et trois suppléants parmi les sousofficiers ou soldats de la division.

Les juges et les suppléants continuent à servir dans leur corps respectif.

Art. 14. Si le grand juge est empêché, l'auditeur en chef désigne son suppléant parmi les officiers de justice.

Art. 15. Les tribunaux de division jugent toutes les causes soumises à la justice militaire, à l'exception de celles qui relèvent du tribunal militaire extraordinaire ou du tribunal disciplinaire.

Art. 16. Lorsque l'accusation est dirigée contre un officier du grand état-major de l'armée, qui n'est pas justiciable du tribunal extraordinaire à teneur de l'article 22, le conseil fédéral, ou en service actif le commandant en chef, désigne le tribunal de division qui doit en être nanti.

1128

2. Tribunal militaire de cassation.

Art. 17. Le tribunal de cassation se compose d'un président avec le grade de colonel et de quatre juges. Il y a deux suppléants pour remplacer les juges en cas d'empêchement.

Si le président est empoché, il est remplacé par le juge nommé en premier lieu après lui.

L'auditeur en chef et un greffier fonctionnent auprès du tribunal de cassation.

Art. 18. Le tribunal de cassation est nommé par le conseil fédéral pour un terme de trois ans.

Les juges et leurs suppléants sont choisis parmi les officiers qui possèdent une culture juridique. Les membres du tribunal de cassation, qui ne sont pas officiers de justice, continuent à servir dans leur corps respectif.

Art. 19. Le tribunal militaire de cassation prononce sur les recours en cassation dirigés contre lea jugements des tribunaux de division.

5. Tribunal militaire extraordinaire.

Art. 20. Le tribunal militaire extraordinaire est formé de trois colonels de justice militaire et de quatre divisionnaires. Peuvent être appelés à siéger en place de ces derniers des colonels ayant commandé précédemment une division, ainsi que les chefs d'armes. Quatre suppléants revêtant le grade de colonel sont adjoints au tribunal. Sont attachés au tribunal l'auditeur en chef et un greffier.

Art. 21. Les membres du tribunal militaire extraordinaire et leurs suppléants sont nommés pour chaque cas particulier par l'assemblée fédérale, laquelle désigne en outre le président et son suppléant.

Art. 22. Sont soumis au jugement du tribunal militaire extraordinaire : le commandant en chef de l'armée,

1129 ·son chef d'état-major, les commandants de corps d'armée formés de plusieurs divisions et leurs chefs d'état-major, les colonels divisionnaires et les chefs d'armes.

Lorsque d'autres militaires sont impliqués dans l'accusation, il n'y a pas division de cause, et ils sont jugés par le même tribunal.

4. Tribunal disciplinaire.

Art. 23. Le tribunal disciplinaire est composé du chef ·du département militaire fédéral, comme président, et des quatre chefs d'armes.

Si l'un des chefs d'armes est empêché, le conseil fédéral désigne son suppléant.

Art. 24. Le tribunal disciplinaire est appelé à prononcer sur les demandes qui lui sont soumises en vertu de l'article 80 de l'organisation militaire.

IV. De l'auditeur en chef.

Art. 25. Un auditeur en chef est placé à la tête de la justice militaire, dont il dirige et surveille la marche, sous le contrôle du département militaire fédéral. Il prend les décisions qui lui sont attribuées par la présente loi.

L'auditeur en chef est le chef immédiat des auditeurs ·et des juges d'instruction.

Il a nn suppléant.

Art. 26. L'auditeur en chef et son suppléant sont nommés par le conseil fédéral pour le terme de trois ans.

Ils ont l'un et l'autre le grade de colonel.

Art. 27. L'auditeur en chef fonctionne comme accusateur public auprès du tribunal militaire extraordinaire.

Il représente la partie publique devant le tribunal militaire de cassation.

1130 Art. 28. Le suppléant de l'auditeur en chef dirige l'enquête dans les causes qui sont renvoyées devant le tribunal militaire extraordinaire.

V. Des auditeurs.

Art. 29. Un auditeur,- nommé par le conseil foderai pour le terme de trois an?, est adjoint à chaque division de l'armée.

Art. 30. L'auditeur représente la partie publique devant le tribunal de division.

L'auditeur en chef désigne, au besoin, un suppléant de l'auditeur, qu'il choisit parmi les autres auditeurs en fonctions ou parmi les officiers de justice militaire qui sont à la disposition du conseil fédéral.

VI. Des juges d'instruction.

Art. 31. Un juge d'instruction, nommé par le conseil fédéral pour le terme de trois ans, est adjoint à chaque division de l'armée.

Art. 32. Le juge d'instruction dirige l'enquête dans les causes relevant du tribunal de division auprès duquel il fonctionne.

Art. 33. L'auditeur en chef désigne, au besoin, un suppléant du juge d'instruction, qu'il choisit parmi les autres titulaires de ce poste ou parmi les officiers de justice militaire qui sont à la disposition du conseil fédéral.

VII. Des greffiers.

Art. 34. Les greffiers tiennent le protocole des enquêtes et sont les secrétaires des tribunaux auprès desquels ils fonctionnent.

Ils tiennent la comptabilité de leur tribunal, conformément à une ordonnance qui sera rendue sur cette matière par le conseil fédéral.

1131 Art. 35. Lorsqu'un greffier est empêché de remplir ses fonctions, l'auditeur en chef lui désigne un suppléant choisi parmi les autres greffiers ou parmi les officiers de justice militaire qui sont à la disposition du conseil fédéral.

VIII. De l'assistance des tribunaux entre eux.

Art. 36. Les tribunaux militaires se doivent réciproquement assistance.

Il en est de même entre les tribunaux militaires et les tribunaux de justice pénale de la Confédération et des cantons.

Art. 37. Les tribunaux militaires correspondent directement entre eux.

Cette disposition s'applique également, dans la règle, aux rapports des tribunaux militaires avec les. tribunaux ordinaires de la justice pénale.

Art. 38. Lorsque des militaires et des civils non justiciables des tribunaux militaires se trouvent impliqués dans un même délit, les tribunaux militaires et les tribunaux ordinaires se doivent réciproquement communication des actes.

Art. 39. Un tribunal ne doit recourir à l'assistance d'un autre tribunal que lorsqu'il n'est pas compétent pour exécuter l'opération requise ou lorsqu'il ne pourrait l'accomplir lui-même sans rencontrer des difficultés considérables.

Art. 40. Les conflits relatifs à l'assistance réciproque des tribunaux sont tranchés par le conseil fédéral.

Art. 41. Les 'fonctionnaires de la justice militaire ne peuvent so livrer à des opérations de leur office concernant des individus qui ne sont pas soumis à la juridiction militaire, sans l'autorisation du tribunal ordinaire compétent, à moins qu'il n'y ait urgence. Dans ce dernier cas, le tribunal ordinaire devra être avisé.

1132 De leur côté, les tribunaux de la justice ordinaire ne peuvent vaquer aux opérations de leur office concernant les individus soumis à la juridiction militaire sans l'autorisation du chef militaire, à moins qu'il n'y ait urgence. Dans ce dernier cas, le chef militaire devra être avisé.

Art. 42. Pareillement, des militaires ne peuvent se livrer à des actes de poursuite pénale contre des individus non justiciables des tribunaux militaires, sans l'autorisation, du tribunal ordinaire du ressort, à moins qu'il n'y ait urgence.

L'autorité civile sera immédiatement avisée des actes qui auront été exécutés.

La môme règle existe pour les fonctionnaires et employés civils à l'égard des militaires, et l'autorité militaire sera immédiatement informée de ce qui aura été fait.

Art. 43. Les citations adressées par un tribunal ordinaire à des militaires doivent être autorisées par le chef militaire compétent, lequel accorde à cet effet le congé nécessaire, à moins que des intérêts militaires considérables ne s'y opposent.

Si la citation n'est pas autorisée, l'autorité dont elle émane doit en être informée immédiatement.

Art. 44. L'assistance réciproque des tribunaux est gratuite. Le remboursement des frais d'expertise et d'audition des témoins est seul réservé.

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Deuxième partie.

I>e l'instruction.

Première section.

Dispositions générales.

I. Du for.

Art. 45. Le tribunal compétent pour juger un délit est celui de la division militaire dans le ressort duquel il a été commis. Est réservé l'article 11 concernant les tribunaux supplémentaires.

Si plusieurs tribunaux sont compétents, le premier tribunal qui a ouvert une enquête demeure seul saisi.

Art. 46. Si le délit a été commis à l'étranger, il sera jugé par le tribunal militaire de la division dans le ressort de laquelle le prévenu avait son domicile au moment de l'ouverture de l'enquête.

Si le provenu n'avait pas à ce moment de domicile en Suisse, il sera jugé par le tribunal militaire de son dernier domicile ; s'il n'a jamais été domicilié en Suisse, il sera jugé par le tribunal de la division dans le ressort de laquelle il aura été saisi.

Dans le cas où les dispositions qui procèdent seraient insuffisantes pour déterminer le for, le conseil fédéral désignera le tribunal militaire compétent.

Art. 47. Si le lieu où le délit a été commis est demeuré inconnu ou s'il n'est pas certain, le conseil fédéral désignera le tribunal compétent.

1134 Art. 48. Lorsqu'une division est sur pied, le tribunal qui lui est attaché juge tous les délits commis pendant la durée du service par des militaires qui lui appartiennent ou lui ont été adjoints, sans égard au. lieu où le délit a été commis.

Il en est de moine pour les individus de condition civile soumis à la juridiction militaire.

Le conseil fédéral prononce sur l'attribution de juridiction dans les cas douteux.

Art. 49. Le conseil fédéral détermine la juridiction des tribunaux supplémentaires en procédant à leur nomination.

Art. 50. Lorsqu'un individu est provenu de plusieurs délits relevant de tribunaux différents, la compétence est fixée par le délit le plus grave. S'il s'agit de délits réputés également graves, la compétence appartient au tribunal qui a le premier ouvert une enquête.

Lorsque plusieurs individus sont prévenus d'avoir commis ensemble un délit, la compétence appartient pareillement au tribunal qui s'est le premier saisi par l'ouverture d'une enquête.

Les individus impliqués dans un délit comme complices ou comme fauteurs sont jugés par le tribunal qui est compétent pour juger l'auteur principal.

Art. 51. Lorsqu'il y a conflit de juridiction entre tribunaux militaires ou lorsqu'une partie, sans contester d'une manière générale la juridiction militaire, décline celle du tribunal saisi de la cause, le conseil fédéral prononce.

Dans ce dernier cas, les exceptions doivent être présentées au grand juge pour être transmises au conseil fédéral avant la convocation du tribunal. Passé ce terme, la juridiction du tribunal saisi ne peut plus être déclinée.

1135

II. Des fonctionnaires judiciaires qui sont inhabiles à siéger ou sont récusables.

Art. 52. Ne peuvent siéger dans une cause pénale comme juges, juges d'instruction, auditeurs ou greffiers: 1. Les parents ou alliés du prévenu en ligne directe ascendante ou descendante, ou en ligne collatérale jusqu'aux cousins germains inclusivement.

2. Ceux qui ont un intérêt dans la cause.

3. Ceux qui ont été entendus dans la cause comme témoins ou comme experts.

Ceux contre lesquels il existe un de ces motifs d'exclusion doivent en aviser l'autorité compétente en temps utile.

Art. 53. L'auditeur et le prévenu ont le droit de proposer la récusation des juges, juges d'instruction et greffiers qui se trouvent dans des circonstances de nature à compromettre leur impartialité. En prenant leurs conclusions à ce sujet, ils doivent indiquer et justifier les motifs sur lesquels ils se fondent.

Art. 54. Les juges, les auditeurs, les juges d'instruction et les greffiers peuvent aussi proposer leur propre récusation pour le môme motif.

, Art. 55. L'auditeur en chef prononce sur les cas d'exclusion ou de récusation jusqu'au moment où la cause est renvoyée devant le tribunal militaire. A partir de ce moment, le tribunal prononce lui-même.

Art. 56. Une proposition fondée sur un des motifs d'exclusion est admissible en tout temps.

Celui qui veut faire valoir un motif de récusation est tenu de présenter sa demande dès qu'il apprend que la personne qu'il entend récuser a accepté de fonctionner dans la cause.

Dans l'instruction principale, les demandes de récusation doivent être présentées immédiatement après la lecture de l'acte d'accusation.

1136 Art. 57. Les prescriptions concernant les exclusions et les récusations sont applicables par analogie à l'auditeur en chef et à son suppléant.

Si l'exclusion ou la récusation est contestée, le conseil fédéral prononce.

III. Des protocoles et des actes.

Art. 58. Les procès-verbaux d'interrogatoires doivent relater aussi fidèlement que possible les questions et les réponses. Le procès-verbal est lu à celui qui a été entendu ; il est signé par lui, par le juge d'instruction et par le greffier.

Il est procédé de la même manière lorsqu'une expertise a lieu oralement.

Art. 59. Les procès-verbaux de visites des lieux, de visites domiciliaires et de séquestre relatent la marche des opérations et leurs résultats. Ils sont signés par le juge d'instruction et par le greffier, ainsi que par la partie intéressée, si elle a porté présence à l'opération.

Si l'une des personnes qui ont assisté à l'opération ne veut ou ne peut signer, il est fait mention de ce fait au protocole avec indication des motifs.

Art. 60. Les décisions prises dans le cours du procès sont portées au protocole et signées par le juge et par le greffier.

Art. 61. Les dispositions spéciales concernant la tenue du protocole pendant les débats demeurent réservées.

Art. 62. Les actes d'uno cause pénale sont réunis en dossier par le greffier ; ils sont classés et munis d'un répertoire.

Lorsque des objets ont été saisis, inventaire doit en être pris et joint au dossier.

1187 Art. 63. Lorsqu'une affaire pénale est terminée, le dossier doit en être transmis au département militaire fédéral, pour être conservé dans ses archives.

Art. 64: Les pièces (lettres, comptes, plans et autres semblables) émanant des intéressés ou de tiers, qui ont été jointes aux actes, ne doivent être restituées dans la règle que lorsque l'affaire est terminée. Il en est délivré un récépissé qui est joint au dossier.

IV. De la publicité et de la police des séances.

Art. 65. Les séances des tribunaux militaires sont publiques, sauf la délibération et le vote des juges.

Le tribunal peut ordonner le huis clos pour tout ou partie des débats, s'il envisage que l'ordre public pourrait être compromis ou si la morale l'exige. Même dans ce cas, la lecture du jugement doit avoir lieu en public.

Art. 66. Le maintien de l'ordre pendant la séance appartient au président.

Il peut expulser quiconque ne se soumet pas aux mesures prises dans ce but et môme ordonner, au besoin, une arrestation jusqu'à la fin des débats.

Le tribunal peut prononcer contre les assistants dont la conduite est inconvenante t une amende disciplinaire jusqu'à 100 francs ou un emprisonnement jusqu'à trois jours, qui est subi immédiatement, sans préjudice des poursuites pénales qui pourraient être encourues.

Art. 67. Le commandant de l'école ou le commandant des troupes, selon le cas, met à la disposition du tribunal le nombre d'hommes nécessaire pour le service de la séance, pour garder et accompagner les accusés et les témoins, et pour exécuter les diverses mesures ordonnées par le président en vue du maintien de l'ordre. S'il n'y a pas de troupe sur pied, le département militaire du canton où siège le tribunal a la même obligation.

1188 V. Du prévenu.

Art. 68. Le chef militaire du prévenu peut ordonner son arrestation provisoire, s'il se trouve dans les conditions prévues par la loi pour l'exécution de cette mesure.

Art. 69. Lorsque quelqu'un est surpris en flagrant délit ou qu'il est surpris ou poursuivi immédiatement après, lorsqu'il y a danger qu'il ne prenne la fuite ou lorsque son identité ne peut pas ótre reconnue sur-le-champ, chacun a le droit de le saisir, même sans ordonnance du juge.

Art. 70. Le prévenu contre fequel une enquête est ouverte peut être mis en prison préventive, si l'intérêt de l'enquête le nécessite. Son arrestation doit être ordonnée dans tous les cas où il est à craindre qu'il ne prenne la fuite ou lorsqu'il faut admettre qu'il entravera les opérations de l'enquête, soit en faisant disparaître ou en dénaturant les traces de l'acte délictueux, soit en se concertant avec les témoins ou avec ses complices.

L'arrestation peut être aussi ordonnée, lorsque les exigences du service paraissent la rendre nécessaire.

Art. 71. L'arrestation a lieu sur un ordre écrit du juge d'instruction, ou du grand juge si l'enquête est close.

Le mandat d'arrêt contient : 1. la désignation exacte du prévenu ; 2. l'indication de l'acte délictueux donb il est accusé.

Le mandat d'arrêt doit être communiqué au prévenu au moment où il est arrêté.

Art. 72. Lorsque le prévenu ne peut ótre atteint, le mandat d'arrêt doit être rendu public. Il contiendra dans ce cas le signalement aussi exact que possible du prévenu, ainsi que l'indication de l'autorité à laquelle celui-ci doit être livré.

Les autorités de police ont l'obligation d'aider à l'arrestation du prévenu.

1139

Art. 73. Le prévenu doit être entendu sur l'objet de la prévention, au plus tard le lendemain du jour où. il a ·été arrêté et livré soit au juge d'instruction, soit au grandjuge.

Art. 74. La détention préventive comporte seulement les restrictions à la liberté du prévenu qui sont nécessaires pour les besoins de l'enquête et pour le maintien de l'ordre dans la prison.

Art. 75. Le prévenu mis en détention préventive doit être relâché, si les motifs qui avaient nécessité cette mesure ont cessé d'exister.

Art. 76. Lorsque le prévenu est demeuré libre, les citations doivent lui être remises par écrit. S'il n'y obéit pas, le juge peut ordonner qu'il sera amçné devant lui.

Art. 77. Dans le premier interrogatoire, le juge doit chercher à se renseigner sur les circonstances personnelles du prévenu. Il doit lui fournir les moyens de se justifier et d'écarter les soupçons dirigés contre lui.

Art. 78. Sous réserve des dispositions contenues dans ce titre, aucune contrainte ne doit être exercée à l'égard du provenu. Les questions captieuses, les allégations de faits supposés et les menaces sont interdites dans l'enquête.

VI. Du séquestre et de la visite domiciliaire.

Art. 79. Les objets qui peuvent avoir de l'importance, comme moyens de preuve dans l'enquête, doivent être séquestrés et placés en lieu sûr ou conservés intacts de toute autre manière.

Jusqu'à la fin de l'enquête, le séquestre est ordonné par le juge d'instruction ; à partir de ce moment, il l'est par le grand juge.

Art. 80. Quiconque a sous sa garde un objet frappé de séquestre est tenu de le représenter et de le délivrer dès Feuille fédérale suisse. Année L. Vol. III.

77

1140 qu'il en est requis. En cas de refus, des recherches sont ordonnées pour s'emparer de l'objet.

Art. 81. Le séquestre peut aussi être ordonné sur des lettres et autres envois postaux, ainsi que sur des télégrammes, s'ils paraissent avoir de l'importance pour l'enquête.

Les objets ainsi séquestrés doivent cependant être remis aux ayants-droit aussitôt que la marche de l'enquête le permet.

Lorsque cela n'est pas possible, des copies doivent être, autant que faire se peut, remises aux intéressés.

Art. 82. Une visite domiciliaire peut avoir lieu en tout temps chez le prévenu, dans son habitation et d'autres locaux. Le prévenu peut être fouillé et les objets lui appartenant visités. Ces mesures ne seront prises que pour autant qu'elles peuvent servir à l'enquête.

Il en est de môme à l'égard des personnes contre lesquelles il existe des soupçons.

Art. 83. Des recherches ne peuvent avoir lieu chez d'autres personnes que pour arrêter le provenu, pour suivre les traces d'un acte délictueux ou pour séquestrer certains objets déterminés, et seulement lorsqu'on peut supposer que la personne, ou les traces, ou les choses recherchées, seront trouvées dans les locaux qui doivent être visités.

Art. 84. Jusqu'à la clôture de l'enquête, l'ordre de procéder à une visite domiciliaire est donné par le juge d'instruction ; à partir de ce moment, il est donné par le grand j«geAutant que possible, les visites domiciliaires doivent avoir lieu de jour.

Le détenteur des locaux ou des choses qui font l'objet d'une perquisition peut y porter présence. S'il est absent et s'il est un militaire au service, un de ses compagnons d'armes sera appelé pour le représenter ; -s'il est de condition civile, un de ses proches, un habitant de la maison ou un voisin, pourvu qu'il soit adulte, sera invité à porter présence.

1141

Lorsque la perquisition a lieu chez une personne de condition civile, un fonctionnaire de la commune devra, si possible, être présent.

Art. 85. Un inventaire exact sera dressé des objets mis en lieu sûr à la suite d'un séquestre ou d'une perquisition, et les intéressés devront en recevoir copie s'ils en font la demande.

Les objets mis en lieu sûr Seront marqués ou rendus reconnaissables de toute autre manière.

VII. Des témoins.

Art. 86. Ont le droit de se refuser à déposer comme témoins : 1. les parents et alliés du prévenu, en ligne directe, et ceux qui lui sont unis par adoption; 2. ses frères et soeurs, son épouse, sa fiancée, son beaufrère et sa belle-soeur; 3. les ministres de la religion, les médecins et les avocats, concernant les faits dont ils ont reçu la confidence en cette qualité et pour lesquels ils sont tenus au secret professionnel, à moins qu'ils n'aient été déliés de cette obligation par l'intéressé lui-même.

Seront libérées de l'obligation de déposer comme témoins les personnes qui invoquent un des motifs indiqués ci-dessus, si elles en justifient la réalité.

Les personnes ci-dessus désignées seront averties avant toute déposition qu'elles ont le droit de refuser leur témoignage. Elles pourront retirer, môme dans le cours de leur interrogatoire, la renonciation qu'elles auraient faite à ce droit.

Art. 87. Pourront aussi se refuser à déposer ceux dont la déposition tournerait a leur propre détriment, pour leur

1142 fortune ou pour leur honneur, ou qui exposeraient par leur déposition à une poursuite pénale des personnes se trouvant avec eux dans une des relations prévues à l'article 86, chiffres 1 et 2.

L'existence du motif invoqué doit être justifiée et le tribunal apprécie librement si le témoin doit être congédié.

Art. 88. Lorsqu'un militaire est appelé à déposer suides faits qu'il ne saurait divulguer sans violer ses devoirs de service, le juge doit obtenir de ses supérieurs au préalable qu'il soit délié de cette obligation.

Art. 89. Les militaires au service peuvent être cités comme témoins par écrit ou verbalement.

Les autres témoins doivent être cités par écrit. L'acte de citation les rendra attentifs aux conséquences légales de leur non-comparution. La citation est faite par la poste, par un militaire ou par l'intermédiaire de l'autorité civile.

Art. 90. Les témoins sont entendus séparément et en l'absence de ceux d'entre eux dont l'interrogatoire n'a pas encore eu lieu. Ils sont exhortés à dire la vérité et rendus attentifs aux conséquences pénales d'un faux témoignage.

Art. 91. L'interrogatoire d'un témoin doit commencer par établir les circonstances personnelles dans lesquelles il se trouve et, cas échéant, les faits qui sont de nature à renseigner sur le degré de crédibilité qu'il mérite, notamment ses relations avec le provenu ou avec la partie lésée.

Le témoin doit ensuite faire le récit de tout ce qu'il sait des choses sur lesquelles il est interrogé.

De nouvelles questions peuvent être posées, au besoin, pour élucider ou compléter la déposition, et pour que le juge puisse se rendre compte de la manière en laquelle s'est formée la conviction du témoin.

Art. 92. Un témoin qui n'obéit pas à la citation, sans excuse valable, ou qui s'éloigne sans permission, ou qui se

1143

met dans l'impossibilité de déposer, sera puni de l'amende jusqu'à 100 francs, ou, s'il ne peut payer, de la prison jusqu'à cinq jours. Les frais occasionnés par sa désobéissance seront, en outre, mis à sa charge.

Le témoin récalcitrant peut être saisi et amené devant le tribunal.

Ces mesures seront rapportées si le témoin justifie plus tard son absence.

Art. 93. Lorsqu'un témoin se refuse, sans motif légal, à faire sa déposition, ou lorsqu'il se soustrait intentionnellement à l'obligation de déposer, il peut être contraint de remplir-son devoir par un emprisonnement qui peut aller jusqu'à quatre-vingt-dix jours, lequel peut être cumulé avec une amende jusqu'à 1000 francs.

IL sera, en outre, condamné au paiement de tous les frais occasionnés par sa faute, sans préjudice de tous dommages-intérêts.

L'emprisonnement cesse aussitôt que le témoin accomplit son devoir, mais les peines pécuniaires sont maintenues en tout état de cause.

Lorsque ces mesures ont été épuisées sans succès, elles ne peuvent pas être renouvelées contre le môme témoin dans la même enquête ou dans une autre enquête ayant pour objet les mêmes faits.

Art. 94. Les témoins ont droit à être indemnisés par l'état pour leur temps perdu et leurs frais de voyage. L'ordonnance du conseil fédéral sur la comptabilité des tribunaux militaires contiendra les prescriptions nécessaires à cet égard.

VIII. Des visites et des expertises.

Art. 95. Le juge d'instruction peut, dans l'intérêt de l'enq'ùête, procéder à une visite de lieux ou d'objets se rapportant au délit. Il peut aussi consulter des experts. Le

1144 tribunal peut en faire de môme pendant l'instruction principale.

Art. 96. Le juge d'instruction ou le tribunal fixe lo nombre des experts et les choisit.

Art. 97. L'exclusion et la récusation des experts sont soumises par analogie aux règles concernant l'exclusion et la récusation des fonctionnaires judiciaires.

Un motif de récusation ne peut ótre tiré du fait qu'un expert a été entendu comme témoin.

Art. 98. La nomination d'un expert lui est communiquée par écrit, et il est rendu attentif, de la môme manière, aux prescriptions des articles 99 et 100.

L'expert est exhorté à dire la vérité.

Art. 99. Celui qui a été choisi comme expert est tenu d'accepter ces fonctions, s'il est employé d'office pour des expertises pareilles à celle qui lui est confiée, ou s'il exerce d'une manière professionnelle la science, l'art ou l'industrie dont la connaissance est réputée nécessaire pour l'expertise, ou s'il est officiellement établi ou autorisé pour l'exercice d'une do ces professions.

Art. 100. Un expert peut se refuser à fonctionner pour les mêmes motifs qui permettent à un témoin de refuser son témoignage.

Art. 101. Une absence non justifiée, un retard apporté sans motif légitime dans la présentation du rapport en temps voulu, un refus de fonctionner comme expert, sont punis de la môme manière que l'absence ou le refus d'un témoin.

Art. 102. Le juge décide si le rapport doit être oral'ou écrit, et il fixe la date à laquelle il doit être présenté.

Art. 103. S'il existe des contradictions entre plusieurs rapports d'experts, ou si le juge trouve un rapport insuffisant il peut ordonner une nouvelle expertise par les mêmes experts ou par d'autres.

1145 Art. 104. Les experts ont droit à être indemnisés par l'état pour leur temps perdu, leurs débours et leurs peines.

L'ordonnance du conseil fédéral sur la comptabilité des tribunaux militaires contiendra les prescriptions nécessaires à cet égard.

IX. Des interprètes.

Art. 105. Un interprète est appelé pour les personnes qui ne connaissent pas la langue en usage duvant le tribunal. Il en est de même pour les sourds-muets lorsqu'ils ne peuvent s'expliquer par écrit.

ij Art. 106. Les "dispositions concernant l'exclusion ou la récusation des experts sont applicables aux interprètes.

X. Des défenseurs.

Art. 107. Le prévenu a le droit de prendre pour défenseur un militaire ou une personne honorable de condition civile. Le défenseur peut communiquer librement avec lui dès la clôture de l'enquête (art. 118) et prendre connaissance des actes.

Deuxième section.

De la procédure.

I. Des mesures préliminaires.

Art. 108. Lorsqu'un délit relevant de la juridiction militaire a été commis, l'officier qui exerce le commandement en chef sur le lieu du délit ou un officier qu'il délègue prend les mesures nécessaires pour empêcher la fuite du coupable présumé, recueillir les traces du délit et conserver

1146 les moyens de preuve. Il exerce dans ce but la môme autorité que le juge d'instruction.

En même temps qu'il prend ces mesures, l'officier qui.

exerce le commandement doit aviser le supérieur militaire auquel il appartient de provoquer l'enquête.

Celui-ci peut ordonner que les preuves seront complétées préalablement par le juge d'instruction.

Art. 109. L'enquête doit être ordonnée s'il existe des motifs suffisants d'accuser un ou plusieurs individus d'avoir commis l'acte délictueux.

Lorsqu'il s'agit d'un délit qui ne peut être poursuivi que sur plainte, l'enquête ne doit commencer qu'après le dépôt de la plainte.

Art. 110. L'enquête est ordonnée : 1. en service d'instruction, par le commandant de l'école ou du cours ; 2. en service actif, par les chefs des unités de troupes (articles 27 à 36 de l'organisation militaire), soit par les chefs d'état-major (articles 51 à 69 de l'organisation militaire), et pour les corps détachés, opérant isolément, par leur chef ou leur commandant ; 3. dans les cas relevant d'un tribunal militaire extraordinaire, par le conseil fédéral ; 4. dans tous les autres cas, par le département militaire fédéral.

Art. 111. L'ordonnance de procéder à une enqufite est rendue par écrit. Elle contient un exposé sommaire des faits.

Art. 112. L'ordre est communiqué au juge d'instruction attaché au tribunal militaire compétent. Les moyens de preuve et les procès-verbaux doivent lui être transmis en même temps.

Le juge d'instruction dirige l'enquête sans aucune immixtion des chefs militaires du provenu.

1147

Art. 113. S'il existe des doutes sur la compétence du tribunal ou dans les cas prévus aux articles 8 et 51, le conseil fédéral prononce.

En attendant, le juge d'instruction prend les mesures qui lui paraissent urgentes.

II. De l'enquête.

Art. 114. L'enquête a pour but d'établir si un délit a été commis; elle ne doit pas être étendue au delà de ce qui est nécessaire pour décider si l'affaire doit suivre son cours ou si le prévenu ne doit pas être poursuivi.

Elle doit aussi recueillir les moyens de preuve qui pourraient être perdus au moment de l'ouverture des débats.

Art. 115. L'enqnête n'est pas publique. Toutefois, le prévenu peut être appelé à assister à l'audition des témoins et des experts, ainsi qu'à l'inspection, pour autant que sa présence paraît utile pour élucider les faits.

Art. 116. S'il y a lieu d'étendre une enquête à desindividus on à des faits qui n'ont pas été visés dans l'ordre du chef militaire, les actes de procédure nécessaires doivent être accomplis d'office.

Art. 117. L'enquête doit être conduite avec célérité.

Art. 118. Lorsque le jage d'instruction envisage que le but de l'enquête est atteint, il la clôture et il en avisa à la fois l'auditeur et le prévenu.

Art. 119. L'auditeur entre au service au moment où il est avisé de la clôture de l'enquête ; il y reste autant que l'instruction l'exige.

Art. 120. Dès la clôture de l'enquête, le prévenu a le droit de se pourvoir d'un défenseur. Le juge d'instrucion est tenu de l'en informer.

1148

Art. 121. L'auditeur et le prévenu peuvent, l'un et l'autre, dans un délai convenable à déterminer par le juge d'instruction, exiger un complément d'enquête.

III. Décision sur l'ouverture de l'instruction principale.

Art. 122. Lorsque l'enquête fournit des éléments suffisants pour constater l'existence d'un délit et pour être fixé sur la personne de son auteur, l'auditeur ordonne le renvoi du prévenu devant le tribunal militaire pour qu'il soit procédé aux débats et au jugement.

Lorsque l'acte punissable a seulement le caractère d'une faute de discipline, ou lorsque le résultat de l'enquête est tel, dans l'opinion de l'auditeur, qu'il n'y a pas lieu d'y donner suite, celui-ci transmet les actes à l'auditeur en chef avec ses conclusions. L'auditeur en chef retourne les actes à l'auditeur en lui communiquant sa décision pour qu'elle soit exécutée.

Lorsque l'auditeur en chef décide qu'il n'y a pas lieu de suivre à l'affaire, le conseil fédéral peut, suivant les circonstances et sur sa proposition, allouer au prévenu une indemnité équitable.

Art. 123. L'auditeur doit sana retard : 1. si le renvoi du provenu devant le tribunal de division a été décidé, rédiger par écrit l'acte d'accusation, le transmettre au grand juge avec les actes et en faire remettre un double au provenu ; 2. si le cas doit ótre traité disciplinairement, transmettre les actes au chef militaire du prévenu pour qu'il prononce la peine ; 3. si l'enquête est abandonnée, cesser toute poursuite contre le provenu, lui en donner acte par écrit, et transmettre le dossier au département militaire fédéral pour qu'il soit conservé dans les archives.

1149

Art. 124. L'acte d'accusation doit contenir : 1. la désignation exacte de l'accusé; 2. l'indication des faits qui lui sont reprochés et de leurs qualifications légales; 3. l'énumóration des moyens de preuve dont l'auditeur se propose de faire" usage dans le cours des débats ; 4. la mention des articles de loi qui doivent être appliqués ; 5. les noms des membres du tribunal de division et de leurs suppléants et, éventuellement, les demandes d'exclusion ·ou de récusation formulées par l'auditeur.

IV. Préliminaires de l'instruction principale.

Art. 125. Le grand juge entre au service à réception de l'acte d'accusation et y reste autant qu'il est nécessaire.

Art. 126. Si l'accusé n'a pas encore choisi un défenseur, le grand juge lui fixe un délai dans ce but.

Si le délai s'est écoulé sans que l'accusé ait fait son choix, ou si le défens'eur choisi par lui ne peut se rendre sur place en temps utile, le grande juge lui en désigne un.

Tout officier de la division à laquelle appartient le tribunal est tenu, s'il est juriste, d'accepter la défense sur l'ordre du grand juge.

Lorsque la défense a été constituée, le grand juge fixe à l'accusé un délai suffisant pour formuler ses demandes de récusation, s'il y a lieu, et pour indiquer les moyens de preuve dont il se propose de faire usage dans les débats.

Art. 127. Le grand juge fixe ensuite le jour et le lieu de l'instruction principale. Il convoque les juges et les suppléants, l'auditeur, l'accusé et le défenseur, les témoins et les experts.

Art. 128. Dans le cas où le tribunal ne pourrait être constitué avec les juges et suppléants disponibles, le grand juge désigne des suppléants extraordinaires.

1150

.

Art. 129. Le grand juge peut d'office citer des témoins et des experts et ordonner la production d'autres moyens de preuve, alors même que ni l'anditenr, ni l'accusò ne l'ont demandé.

Art. 130. Le grand juge peut, au contraire, refuser la citation. de témoins ou d'experts, ou l'emploi d'autres moyens de preuve, lorsqu'il estime qu'ils n'ont pas de valeur dana ·le procès.

Dans ce cas, la partie peut renouveler sa demando à l'ouverture des débats. Le tribunal prononce souverainement.

Art. 131. Lorsque la maladie ou les infirmités d'un témoin ou d'un expert font obstacle pour un temps prolongé ou incertain à sa comparution au débat principal, ou lorsqu'il existe d'autres empêchements qui ne peuvent être surmontés, le grand juge peut procéder à son audition avant les débats ou déléguer à cet effet soit un membre du tribunal, soit le juge dit domicile de la personne qui doit être entendue.

Art. 132. L'auditeur, l'accusé et le défenseur doivent être avisos de la date et de l'heure où l'audition aura lieu, à moins qn'il n'y ait péril dans le retard. Leur présence à cette audition n'est point de rigueur.

L'accusé qui se trouve en détention préventive a seulement droit de porter présence aux actes de procédure qui s'accomplissent dans le lieu où il est emprisonné.

Art. 133. Le grand juge peut procéder ou faire procéder à une visite avant le débat principal, en se conformant aux prescriptions de l'article 132.

V. De l'instruction principale.

(Débats et jugement.)

Art. 134. L'instruction principale a lieu en la présence non interrompue des personnes chargées de rendre le jugement, ainsi que de l'auditeur et du greffier.

1151 Art. 135. Une interruption des débats n'est autorisée que dans la mesure nécessaire pour le repos de ceux qui y participent.

Art. 136. Lorsque des moyens de preuve nouveaux dont le tribunal a ordonné la production dans le cours de la séance ne peuvent être obtenus sur-le-champ, ou lorsqu'une interruption prolongée des débats devient nécessaire par un autre motif, la cause est renvoyée pour être reprise ultérieurement et l'instruction principale est recommencée à nouveau.

Art. 137. Si l'accusé qui n'est pas en détention préventive, quoique dûment cité, ne se présente pas, sans excuse suffisante, sa mise en arrestation sera ordonnée et il sera amené devant le tribunal.

S'il ne peut être atteint, il sera procédé conformément à la procédure contre les absents.

Art. 138. Lorsque des témoins ou des experts ne se présentent pas à l'instruction principale sans excuse légitime, le tribunal peut ordonner qu'ils seront amenés devant lui.

S'ils ne peuvent être immédiatement atteints et si le tribunal envisage leur comparution nécessaire, les débats pourront être ajournés à leurs frais.

Au surplus, le tribunal procède en pareil cas d'après l'article 92.

Art. 139. Lorsque les débats doivent être renvoyés par le fait de l'absence non justifiée du défenseur, les frais résultant de ce renvoi sont mis à sa charge par le tribunal.

Art. 140. L'instruction principale est ouverte aussitôt qu'a été constaté la présence de tontes les personnes qui, par une disposition de la loi ou une décision du tribunal, doivent assister aux débats.

Elle peut même être ouverte auparavant, en l'absence d'un témoin ou d'un expert dont l'arrivée paraît certaine.

1152 Art. 141. Après l'appel des témoins et des experts, le grand juge invite l'accusé à décliner son nom, son âge, son état civil, sa profession, son domicile, son lieu d'origine et son rang militaire, après quoi le greffier donne lecture de l'acte d'accusation.

Art. 142. Les diverses réclamations concernant la compétence de la justice militaire ou la composition du tribunal sont ensuite liquidées, ainsi que les réquisitions tendant à compléter les moyens de preuve, les oppositions tirées de la prescription et les questions préjudicielles relatives à la possibilité ou à la convenance de passer outre aux débats.

Le tribunal peut d'office prononcer son incompétence, lorsqu'il estime que le cas ne relève pas de la justice militaire. Les compétences établies par le conseil fédéral, en vertu de l'article 8 de la présente loi, ne peuvent être contestées à nouveau ni par le tribunal, ni par les parties.

Art. 143. Le grand juge fait appeler tous les témoins, les exhorte à dire la vérité et leur interdit de s'entretenir entre eux, avant d'avoir été entendus, sur l'objet de la prévention, puis les témoins se retirent et ils restent placés sous surveillance dans le local qui leur est assigné.

Art. 144. Le grand juge demande à l'accusé s'il reconnaît les faits mis à sa charge.

S'il les reconnaît sans réserve et s'il n'existe aucun doute sur la crédibilité de son aveu, le tribunal peut, ave& l'assentiment de l'auditeur et du défenseur, renoncer à poursuivre l'administration des preuves.

Art. 145. Si, au contraire, l'administration des preuves doit être poursuivie, le grand juge soumet au tribunal les documents écrits et les autres objets se rapportant au délit; il lui fait au besoin une description des lieux et il interroge l'accusé.

Sur la demande d'un juge, de l'auditeur ou du défenseur, il lui pose de nouvelles questions pouvant servir à élucider les faits.

1168 Art. 146. Il est ensuite procédé à l'interrogatoire des témoins. Le grand juge les entend dans l'ordre fixé par lui.

Lorsqu'un témoin a été interrogé, les juges, l'auditeur, l'accusé et le défenseur ont le droit de lui faire poser de nouvelles questions pouvant servir à élucider les faits.

Les témoins dont les allégations sont contradictoires peuvent être confrontés.

Les témoins dont l'interrogatoire est terminé peuvent assister aux débats.

Art. 147. Les experts peuvent assister aux débats.

Leur audition a lieu, dans la règle, lorsque celle des témoins est terminée et de la môme manière.

Art. 148. Lorsqu'il existe des contradictions notables entre les allégués de l'accusé et ceux des témoins et experts, il peut être procédé à de nouveaux interrogatoires pour les faire disparaître ou bien il peut être donné lecture des interrogatoires contenus dans le protocole d'enquête.

Art. 149. Lorsque des interrogatoires ou des visites ont eu lieu conformément aux articles 131 et 133, il est donné lecture des procès-verbaux.

Art. 150. Lorsqu'un témoin, un expert ou un coaccusé est décédé, ou lorsque le lieu de son séjour n'a pu être découvert, ou lorsque pour toute autre cause il ne peut comparaître, il est donné lecture du procès-verbal de son précédent interrogatoire.

Art. 151. Lorsqu'un témoin ou un expert est entendu, il peut être donné lecture du procès-verbal de sa précédente audition pour venir en aide à sa mémoire, mettre en lumière des contradictions ou les faire disparaître.

Art. 152. Il peut être pareillement donné lecture des déclarations faites par l'accusé dans l'enquête pour établir la preuve d'un aveu ou pour mettre en lumière ses assertions contradictoires pendant les débats.

1154 Art. 153. Il est donné lecture des documents faisant preuve littérale. 11 en est de même des procès-verbaux de visites de lieux et d'objets.

Art. 154. Le tribunal peut d'office ou sur la demande de l'une des parties prononcer l'interruption ou l'ajournement des débats pour réunir de nouveaux moyens de preuve.

Ces mesures peuvent aussi être demandées par l'auditeur dans le but de compléter l'acte d'accusation ou d'en dresser un nouveau. Si le tribunal admet cette réquisition, l'instruction recommence à partir de la remise du nouvel acte d'accusation, et aucune des déclarations de l'accusé (ou de son défenseur), ni aucun de ses actes accomplis précédemment, depuis la remise du premier acte d'accusation, ne peuvent être invoqués contre lui.

Art. 155. Lorsque l'administration des preuves est terminée, la parole est donnée à l'auditeur, puis au défenseur, pour discuter la question de culpabilité et l'application de la peine. Chacun d'eux a droit à un second tour de parole.

Le grand juge demande ensuite à l'accusé s'il a lui-même quelque chose à ajouter pour sa défense.

Art. 156. Lorsque l'accusé ne connaît pas la langue employée dans les débats, il doit lui être donné connaissance par un interprète tout au moins des conclusions de l'auditeur et de celles du défenseur.

Art. 157. L'instruction principale se termine par le jugement, qui doit prononcer la libération ou la condamnation de l'accusé.

Art. 158. Le tribunal apprécie librement les preuves, d'après la conviction qu'il a puisée dans le cours des débats.

Le jugement est rendu à la majorité des voix. Il en «st de môme pour tous les jugements incidentels.

Une condamnation à mort ne peut être prononcée qu'à la majorité de six voix.

1155 Art. 159. Le jugement est rendu sur la base du fait articulé par l'accusation, tel qu'il résulte des débats.

Art. 160. Le tribunal n'est pas lié par l'appréciation juridique du fait, contenue dans l'acte d'accusation.

Toutefois, l'accusé ne peut être condamné en vertu d'autres dispositions pénales que celles visées par l'accusation, sans avoir été auparavant rendu attentif au point de vue juridique nouveau contre lequel il doit se défendre, pour que l'occasion lui soit ainsi fournie de le discuter.

Il sera procédé de la même manière lorsque des cir·constances réputées aggravantes par la loi pénale auront été invoquées pour la première fois pendant les débats.

Le tribunal doit, sur réquisition ou d'office, ajourner les débats lorsque les modifications apportées dans l'état des faits sont telles que cela paraît nécessaire pour préparer suffisamment l'accusation ou la défense.

Art. 161. Le jugement doit être rédigé par écrit. Il ·est signé par le grand juge et par le greffier. Il doit contenir : A. en cas de condamnation : 1. un résumé sommaire des circonstances du délit; 2. un exposé des motifs duquel il doit résulter clairement : a. que tels actes reconnus par le tribunal comme constants lui ont paru constituer le délit prévu par la loi ; b. que telles circonstances ont paru décisives au tribunal pour l'application de la peine; c. qu'il est fait application de tels articles de la loi.

3. le dispositif.

S. En cas de libération: 1. l'exposé des motifs, qui doit énoncer, ou bien que l'accusé n'a pu être convaincu du délit qui lui était imputé, Feuille fédérale suisse. Année L. Vol. III.

78

1156 ou bien que, pour telles raisons, les actes dont la preuve a> été établie ne sont pas envisagés comme punissables ; 2. le dispositif prononçant la libération de l'accusé et lui adjugeant, s'il y a lieu, une indemnité; 3. éventuellement, le renvoi de l'accusé devant ses chefs militaires pour être jugé disciplinairement.

Lorsque ce renvoi n'a pas lieu, l'accusé déclaré non, coupable ne peut être condamné disciplinairement pour les actes qui ont motivé sa mise en jugement.

Art. 162. Lorsque l'accusé a été libéré comme irresponsable, le jugement peut ordonner qu'il soit provisoirement retenu et renvoyé pour mesures ultérieures au canton deson domicile.

Art. 163. Les frais de l'enquête et ceux de l'instruction principale sont, dans la règle, mis à la charge du condamné. Toutefois le tribunal peut, pour des motifs particuliers, l'en décharger en tout ou eu partie. La solde des militaires qui ont fonctionné dans la cause n'est pas comprise dans les frais.

Art. 164. Le jugement est communiqué aux parties en séance publique par le grand juge, qui leur rappelle qu'elles ont le droit de se pourvoir en cassation, en leur indiquant le délai fixé par la loi.

Il est donné lecture de son texte, et le contenu essentiel des motifs est indiqué.

Art. 165. Le protocole de l'instruction principale doit en reproduire la marche et les résultats essentiels, ainsi que les conclusions prises dans le cours des débats, les décisions rendues et le texte du jugement.

Lorsqu'il importe de consigner un fait qui s'est produit dans l'instruction principale ou de rendre textuellement une déposition ou un simple allégué, le grand juge ordonna qu'une mention complète en soit faite et que lecture en soit donnée.

1157 VI. De la procédure contre les absents.

Art. 166. Lorsque l'accusé ne peut être traduit devant le tribunal de division compétent, il n'en sera pas moins jugé par ce dernier, s'il existe des preuves suffisantes contre lui. En cas contraire, la procédure doit être abandonnée.

Il n'y a pas lieu à jugement libératoire contre un absent.

Art. 167. Si le condamné absent se présente ou s'il est saisi, le jugement rendu contre lui sera mis à néant, sur sa demande, par le tribunal qui l'a prononcé, et la procédure ordinaire sera ouverte.

VII. Dispositions particulières concernant la procédure devant le tribunal militaire extraordinaire.

Art. 168. Les règles établies pour la procédure devant les tribunaux militaires sont applicables devant le tribunal militaire extraordinaire pour autant qu'il n'y est pas dérogé par des dispositions particulières de la présente loi.

Art. 169. Les personnes soumises à la juridiction du tribunal militaire extraordinaire ne peuvent être mises en arrestation que sur l'autorisation du conseil fédéral.

Le conseil fédéral "décide, après la clôture de l'enquête, si et pour quels motifs le prévenu doit être renvoyé devant le tribunal militaire extraordinaire ou si l'accusation doit être abandonnée.

Il a le droit, avant de prendre cette décision, d'exiger que les actes soient complétés.

L'enquête est conduite par le suppléant de l'auditeur en chef. Ce dernier soutient en personne l'accusation.

Lorsqu'un de ces fonctionnaires est empêché, le conseil fédéral nomme un suppléant extraordinaire.

1158

Vili. Dispositions particulières concernant le mode de procéder devant le tribunal disciplinaire.

Art. 170. Les prescriptions sur la procédure devant les tribunaux militaires sont applicables devant le tribunal disciplinaire pour autant qu'il n'y est pas dérogé par des dispositions particulières de la présente loi.

Art. 171. Dans les cas soumis au tribunal disciplinaire, il n'y a pas d'enquête préliminaire dans le sens de la présente loi. Le département militaire fédéral rassemble les preuves. Le conseil fédéral ordonne le renvoi sur la proposition du département.

Art. 172. Le tribunal disciplinaire entend l'officier contre lequel l'accusation est dirigée et complète les actes comme il le juge o, propos.

Art. 173. Le jugement du tribunal disciplinaire n'est pas motivé. S'il prononce le renvoi de l'armée, il ordonnera simultanément que l'officier renvoyé sera porté sur les rôles de la taxe militaire.

Art. 174. Les débats devant le tribunal disciplinaire ne sont pas publics.

Art. 175. Lorsqu'un colonel est mis en cause, le tribunal disciplinaire sera renforcé par quatre divisionnaires que désignera le conseil fédéral.

Art. 176. L'officier renvoyé de l'armée par le tribunal disciplinaire peut formuler une demande en revision si le fait qui a motivé son renvoi n'existe plus.

IX. Des prétentions de ia partie civile.

Art. 177. Les prétentions de droit privé résultant d'un délit prévu par la loi pénale militaire peuvent être portées devant les tribunaux militaires et jugées par eux. Toutefois

1159 il est toujours loisible au tribunal dans chaque cas particulier de refuser de se saisir.

Art. 178. Pour être admise à faire valoir ses prétentions devant un tribunal militaire, la partie civile doit les annoncer au plus tard à l'ouverture de l'instruction principale.

Les débats ont lieu immédiatement après la lecture du jugement prononçant une condamnation. Les parties obtiennent la parole pour formuler et développer leurs conclusions, puis le tribunal prononce.

Art. 179. Il n'y a pas de recours contre le jugement rendu sur les prétentions de la partie civile. Le jugement devient exécutoire aussitôt que la sentence pénale passe en force.

Art. 180. Lorsque le jugement pénal est mis à néant ensuite de revision ou de cassation, ou lorsque la procédure en contradictoire succède à la procédure contumaciale, le jugement rendu sur les prétentions de la partie civile tombe de plein droit.

S'il est procédé, dans ce cas, à une nouvelle instruction devant un tribunal de division, les prétentions de la partie civile peuvent être traitées de nouveau. Dans le cas contraire, elles ne peuvent plus être portées que devant les tribunaux civils.

Art. 181. Si le tribunal militaire refuse de se saisir, la partie lésée a le droit de porter ses prétentions devant les tribunaux civils.

Troisième section.

Des recours.

I. Du recours pendant l'enquête.

Art. 182. Il y a recours contre les actes du juge d'instruction, contre les retards qu'il apporte dans l'exercice

1160 de ses fonctions et contre les omissions qui pourraient lui être reprochées.

Ont le droit de recourir: le prévenu, l'auditeur, les témoins, les experts et tontes autres personnes qui sont atteintes par les mesures qu'il ordonne ou qui ont à se plaindre de ses retards et omissions.

Art. 183. Les recours sont adressés à l'auditeur en chef, qui prononce définitivement.

Dans les cas qui nécessitent la réunion du tribunal militaire extraordinaire, les recours sont adressés au conseil fédéral et jugés par lui.

Art. 184. Lorsque le recours est dirigé contre un acte du juge d'instruction, il doit être remis à la poste dans les trois jours à partir du moment où l'acte attaqué est parvenu à la connaissance de l'auteur du recours.

Lorsque ce dernier se trouve en état de détention, il lui suffit de remettre son recours au geôlier, celui-ci ayant le devoir de l'expédier par la poste.

Art. 185. Le recours pendant l'enquête n'a point pour effet d'arrêter l'exécution d'une mesure attaquée, ni de suspendre l'enquête.

Art. 186. Le recours qui fait l'objet des dispositions qui procèdent ne s'applique pas aux actes du grand juge ou du tribunal de jugement.

II. De la cassation.

Art. 187. Le recours en cassation est admissible seulement contre les jugements des tribunaux de division.

Art. 188. La cassation ne peut être prononcée que dans les cas suivants : 1. lorsque le jugement contient une violation de la loi;

1161 2. lorsque le tribunal n'a pas été constitué régulièrement, ou lorsqu'il n'a pas été tenu compte d'un motif d'exclusion légale ou d'une récusation bien fondée ; 3. lorsque le tribunal s'est à tort reconnu compétent pour juger la cause au fond; 4. lorsque l'instruction principale a eu lieu en l'absence d'une personne dont la. présence est ordonnée par la loi ; 5. lorsque les dispositions essentielles de la procédure ont été violées ; 6. lorsque la défense a été entravée d'une manière inadmissible sur un point décisif ; 7. lorsque le jugement n'est pas motivé.

Il ne peut cependant être recouru en cassation pour uno des raisons indiquées aux chiffres 2 à 6 que si, dans le cours des débats, la partie recourante a déjà présenté des conclusions ou signalé l'irrégularité prétendue.

Art. 189. L'auditeur et l'accusé ou son défenseur ont également le droit de recourir en cassation.

Le recours doit être annoncé, dans les vingi-quatre heures de la lecture du jugement, au greffier qui en avise le grand juge.

Le grand juge peut accorder un délai de trois jours au plus pour la rédaction définitive du recours. Il communique ensuite le recours à la partie adverse et lui fixe aussi un délai jusqu'à trois jours pour formuler ses observations. Puis il transmet immédiatement à l'auditeur en chef le recours et les actes, accompagnés de son rapport sur les faits attaqués.

Un recours en cassation déposé dans le délai légal suspend l'exécution du jugement, sous réserve toutefois de l'article 211.

Art. 190. L'auditeur en chef transmet le recours au président du tribunal de cassation, en y joignant, s'il le juge utile, ses observations et ses conclusions.

1162

Art. 191. Le président du tribunal de cassation met les actes en circulation chez les juges, il fixe le jour de la séance et pourvoit aux citations nécessaires.

Art. 192. Le tribunal de cassation ne doit connaître que des conclusions présentées, et, ai le recours est basé sur des vices de procédure, que des faits invoqués à l'appui de la cassation.

Art. 193. Pour autant que le recours est reconnu fondé, lo jugement attaqué doit être mis à néant.

Art. 194. Lorsque la cassation est motivée uniquement par une fausse application de la loi, le tribunal de cassation rend lui-même le jugement définitif.

Art. 195. Lorsque la cassation est prononcée parce que le tribunal de jugement s'est saisi à tort, le tribunal de cassation constate l'incompétence de la justice militaire.

Art. 196. Lorsque la cassation est prononcée pour un autre motif, le tribunal de cassation renvoie la cause au tribunal de division qui a rendu le premier jugement.

Il peut toutefois la renvoyer aussi à un autre tribunal de division.

Art. 197. Le jugement du tribunal do cassation est communiqué par extrait à l'auditeur en chef, à l'accusé et au grand juge.

Art. 198. Le tribunal auquel la cause est renvoyée pour nouveaux débats et nouveau jugement doit baser sa décision sur les motifs de droit qui ont déterminé la mise à néant du premier jugement.

III. Revision.

Art. 199. Le condamné ou, après son décès, ses parents et alliés en ligne ascendante ou descendante, ses frères «t soeurs et sa veuve, peuvent en tout temps demander la re-

1163 vision (réouverture) d'une procédure militaire terminée par un jugement passé eti force, eu se basant sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants pour la défense.

L'auditeur peut aussi, de son côté, sur l'invitation qu'il en aura reçue du département militaire fédéral, demander la revision, si le jugement a été obtenu par des moyens délictueux ou si un aveu est intervenu après le jugement.

L'invitation doit émaner du conseil fédéral, lorsqu'il s'agit d'un jugement prononcé par le tribunal militaire extraordinaire.

Art. 200. La demande de revision est soumise au tribunal de cassation, qui prononce, après examen, sur un rapport de l'auditeur en chef.

Art. 201. Si la demande de revision est admise, le tribunal de cassation renvoie les actes au tribunal militaire compétent, en le chargeant de procéder à une nouvelle instruction.

Le tribunal de cassation peut ordonner en môme temps que l'exécution de la peine sera provisoirement suspendue.

Art. 202. La nouvelle instruction se poursuit d'après la procédure ordinaire; toutefois, les nouveaux moyens de preuve qui sont présentés ne peuvent être écartés comme inutiles ni par le grand juge, ni par le tribunal.

Art. 203. Le précédent jugement demeure en force aussi longtemps qu'il n'a pas été totalement ou partiellement mis à néant par un nouveau jugement du tribunal saisi.

Art. 204. En cas de condamnation à mort, l'exécution de la peine est suspendue par le simple dépôt de la demande de re vision.

Est réservé l'article 211. '

1164

Quatrième section.

De l'exécution de la peiiie.

Art. 205. Un jugement militaire devient définitif lorsqu'il n'a pas été fait usage du délai fixé pour le recours en cassation ou lorsqu'un recours en cassation a été écarté.

Art. 206. Lorsque le jugement est définitif, le grand juge écrit l'ordre d'exécution au pied de l'expédition.

Art. 207. En cas de condamnation, l'expédition du jugement est transmise, par l'intermédiaire du conseil fédéral, au gouvernement du canton dans lequel le condamné a son domicile.

Art. 208. Les amendes sont recouvrées par les autorités ·cantonales et le produit en est remis à la caisse fédérale.

Si l'amende n'est pas payée, elle se transforme en un emprisonnement à raison de cinq francs par jour.

Il n'y a pas d'exécution pénale en matière d'amende ·contre les héritiers du condamné.

Art. 209. Les peines entraînant la détention sont exécutées par le canton dans lequel le condamné a son domicile. Le condamné est livré, dans ce but, à l'autorité de police supérieure de ce canton.

Art. 210. La peine de mort est exécutée sur l'ordre qui en est Adonnée par le commandant de l'unité à laquelle appartenait le condamné. Si le condamné ne faisait partie d'aucun corps de troupes suisse, le conseil fédéral charge un officier de l'exécution du jugement.

Le condamné à mort est passé par lus armes. Un détachement de soldats portant fusil est commandé à cet effet.

Un règlement du conseil fédéral édictera des dispositions ultérieures.

Art. 211. En temps de guerre le tribunal peut ordonner l'exécution immédiate du jugement, nonobstant recours en

1165 cassation, en revision ou en grâce, si, de l'avis unanime des juges, le salut de la patrie l'exige.

Art. 212. Si des frais ont été mis à la charge du condamné, le recouvrement en est opéré conformément aux règles admises pour l'exécution des jugements civils. Les frais ne sont pas transformés en emprisonnement.

Art. 213. Les frais de l'exécution de la peine sont supportés par la Confédération. Le règlement sur la comptabilité militaire contiendra les prescriptions nécessaires à cet effet.

Cinquième section.

De la grâce.

Art. 214. Le condamné à une peine de détention peut recourir en grâce auprès du conseil fédéral, en service actif auprès du commandant en chef, aussi longtemps que la peine n'a pas reçu son entière exécution.

En cas de condamnation à mort ou lorsque le jugement a été rendu par le tribunal militaire extraordinaire, le droit de grâce appartient à l'assemblée fédérale.

Art. 215. Après que la peine principale a été subie, le condamné peut demander au conseil fédéral d'être réintégré dans ses droits civils et politiques.

Art. 216. La demande en grâce ne suspend l'exécution de la peine qu'en cas de condamnation à mort.

Est réservé l'article 211.

Art. 217. Les effets civils d'une condamnation pénale, et l'obligation de payer les frais, subsistent malgré la grâce.

1166

Dispositions finales et transitoires.

Art. 218. Les enquêtes ouvertes en vertu de la juridiction militaire, qui ne sont pas encore terminées au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi, suivront leur cours eu conformité de la loi fédérale, du 27 août 1851, sur la justice pénale pour les troupes fédérales et sous la direction des autorités qui s'en trouvaient saisies. Mais en ce qui concerne la suite de la procedure (l'instruction principale et la décision qui la précède, les recours, l'exécution de la peine et l'exercice du droit de grâce), la présente loi devient applicable.

L'auditeur eu chef donnera les instructions nécessaires pour les contestations auxquelles pourrait donner lieu l'application du présent article.

Art. 219. Lors de l'entrée en vigueur de la présente loi, les autorités et fonctionnaires de la justice militaire dont la nomination appartient au conseil fédéral seront nommés pour une période dont le terme coïncidera avec celui fixé pour les autres autorités et fonctionnaires militaires de la Confédération.

Toute fonction qui devient vacante dans le courant d'une période n'est repourvue que pour le restant de celle-ci.

Art. 220. Sont abrogées par la présente loi toutes les dispositions contraires des lois, ordonnances ot règlements de la Confédération et des cantons, et notamment : 1, les articles 1er, 2, 3, 36, 37, 204 à 449 de la loi fédérale, du 27 août 1851, sur la justice pénale pour les troupes fédérales ; 2. l'arrêté fédéral, du 10 juillet 1854, concernant des articles additionnels à la loi fédérale sur la justice pénale pour les troupes fédérales.

1167 Art. 221. Le conseil fédéral est chargé, conformément aux dispositions de la loi fédérale, du 17 juin 1874, concernant la votation populaire sur les lois et arrêtés fédéraux, de publier la présente loi et de fixer l'époque où elle entrera en vigueur.

Ainsi arrêté par le conseil national, Berne, le 28 juin 1889.

Le président: H. HÄBERLIN.

Le secrétaire : EINGIER.

Ainsi arrêté par le conseil des états, Berne, le 28 juin 1889.

Le président : 0. HOPPMANN.

Le secrétaire: SCHATZMANN.

Le conseil fédéral arrête : La loi fédérale ci-dessus sera insérée dans la feuille fédérale.

Berne, le SOJaoût 1889.

Au nom du conseil fédéral suisse, Le vice-président : L. EUCHONNET.

Le chancelier de la Confédération: ElNGIEE. .

NOTE. Date de la publication : 31 août 1889.

Délai d'opposition : 29 novembre 1889.

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Organisation judiciaire et procédure pénale pour l'armée fédérale. (Loi fédérale du 28 juin 1889.)

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1889

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37

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