04.087 Message concernant la garantie de la Constitution du canton de Fribourg du 22 décembre 2004

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons un projet d'arrêté fédéral simple accordant la garantie fédérale à la Constitution du canton de Fribourg et nous vous proposons de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

22 décembre 2004

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Joseph Deiss La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2004-2127

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Condensé En vertu de l'art. 51, al. 1, de la Constitution fédérale, chaque canton doit se doter d'une constitution démocratique. Celle-ci doit avoir été acceptée par le peuple et doit pouvoir être révisée si la majorité du corps électoral le demande. Selon l'al. 2 de cet article, les constitutions cantonales doivent être garanties par la Confédération. Cette garantie est accordée si elles ne sont pas contraires au droit fédéral. Si une disposition constitutionnelle cantonale remplit ces conditions, la garantie fédérale doit lui être accordée; sinon, elle lui est refusée.

Le corps électoral du canton de Fribourg a adopté, lors de la votation populaire du 16 mai 2004, la Constitution cantonale totalement révisée qui lui était soumise. La nouvelle Constitution est, dans sa forme et dans son contenu, une charte fondamentale moderne. Sa systématique est claire et son texte adapté aux réalités économiques et sociales de notre temps. Elle se caractérise en outre par les quelques innovations matérielles suivantes, qui font que la révision totale dépasse le simple toilettage: introduction de la motion populaire, soutien de la maternité et de la politique familiale, réduction de l'effectif du Grand Conseil, création d'un organe de médiation et d'un Conseil de la magistrature, élection des juges pour une durée indéterminée et droit de veto du Grand Conseil opposable aux ordonnances gouvernementales. Enfin, la nouvelle Constitution contient un catalogue très détaillé des droits fondamentaux reconnus aux particuliers et introduit une liste relativement longue des tâches que devront remplir l'Etat et les communes.

L'examen auquel nous avons procédé a révélé que toutes les dispositions de la nouvelle Constitution remplissent les conditions requises pour l'octroi de la garantie. Nous ne considérerons, dans le présent message, que les dispositions qui ont un rapport direct avec des matières réglées par le droit fédéral.

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Message 1

Bref historique de la révision totale

Lors de la votation populaire du 13 juin 1999, le corps électoral du canton de Fribourg a accepté le principe d'une révision totale de la Constitution cantonale du 7 mai 1857 et décidé de confier les travaux de révision à une assemblée constituante.

Le 12 mars 2000, le peuple fribourgeois a procédé à l'élection des 130 membres de la Constituante. De février à décembre 2001, des commissions thématiques ont élaboré 400 thèses. Après l'adoption de l'avant-projet par le plénum, une vaste procédure de consultation a été organisée. Le 30 janvier 2004, la Constituante a accepté le projet par 97 voix contre 21 et 2 abstentions. Le texte de la nouvelle Constitution a été approuvé par le peuple fribourgeois le 16 mai 2004, par 44 863 oui contre 32 446 non.

Par lettre du 2 juin 2004, la Chancellerie d'Etat du canton de Fribourg demande la garantie fédérale.

2

Structure et contenu de la Constitution

La nouvelle Constitution est rédigée de manière structurée et dans un langage compréhensible pour les citoyens. Elle renforce la démocratie et redéfinit le fonctionnement des institutions. Comparée à la Constitution de 1857, elle représente davantage qu'un simple toilettage. Les innovations de fond les plus significatives qu'elle apporte peuvent se résumer comme suit: ­

la disposition sur les langues, adoptée en 1990, est complétée par l'encouragement du bilinguisme, par un exposé du principe de la territorialité conforme aux termes de la Constitution fédérale et par la possibilité pour une commune disposant d'une minorité linguistique autochtone importante d'avoir deux langues officielles (art. 6, al. 2 à 4);

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parmi les buts de l'Etat, elle consacre la famille en tant que communauté de base de la société et la cohésion cantonale dans le respect de la diversité culturelle (art. 3, let. c et f);

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de nouveaux droits fondamentaux sont affirmés: la liberté de s'adresser à une autorité cantonale dans la langue officielle de son choix (art. 17), la liberté de choisir une autre forme de vie en commun que le mariage et, pour les couples de même sexe, celle d'enregistrer un partenariat (art. 14, al. 1 et 2), le droit à l'information (art. 19, al. 2) et le droit, pour les auteurs d'une pétition, d'obtenir une réponse motivée de l'autorité interpellée (art. 25, 2e phrase);

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parmi les droits sociaux, la nouvelle Constitution instaure un droit à la sécurité matérielle avant et après l'accouchement pour les mères exerçant ou non une activité lucrative (art. 33);

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la composition du corps électoral est modifiée, en ce sens que les Suisses de l'étranger d'origine fribourgeoise ou qui ont été domiciliés dans le canton en font désormais partie (art. 39, al. 1, let. b); 361

­

sur le plan communal, le droit de vote et d'éligibilité est accordé aux étrangers au bénéfice d'une autorisation d'établissement et domiciliés dans le canton depuis au moins cinq ans (art. 48, al. 1, let. b, et 131, al. 1);

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la motion populaire est introduite sur le plan cantonal (art. 47);

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la famille est au centre de nombreuses tâches publiques: une politique familiale globale permettant aux parents de concilier vie professionnelle et vie familiale, le versement d'allocations familiales à chaque enfant, indépendamment du statut de salarié des parents, et l'organisation d'un accueil de la prime enfance (art. 59, al. 2, 60, al. 1 à 3);

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il est précisé que la première langue étrangère enseignée est désormais l'autre langue officielle (art. 64, al. 3);

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un régime d'assurance maternité cantonale sera mis en place et maintenu au plan cantonal pour autant qu'elle n'existe pas sur le plan fédéral (art. 33, al. 2, et 148);

­

En ce qui concerne les autorités cantonales, les innovations les plus importantes sont la réduction du nombre des députés au Grand Conseil de 130 à 110, dans un souci de rapprochement avec la moyenne des cantons suisses (art. 95, al. 1), et l'institution, en matière administrative, d'un organe de médiation indépendant (art. 119);

­

en ce qui concerne la justice, trois changements importants sont à relever: la fusion du Tribunal cantonal et du Tribunal administratif (art. 123, al. 3, et 124, al. 1), l'institution d'un Conseil de la magistrature, autorité de surveillance indépendante du pouvoir judiciaire (art. 125 à 128), et l'élection des juges pour une durée indéterminée (art. 121, al. 2);

­

l'importance de la société civile est reconnue à travers le soutien des organisations, en particulier les associations et les partis politiques (art. 137 à 139).

La nouvelle Constitution s'ouvre sur un préambule plus détaillé que l'ancienne et traduit des valeurs fondamentales. Les 153 articles qui suivent sont divisés en 11 titres qui traitent successivement des dispositions générales, des droits fondamentaux et des droits sociaux, des droits politiques, des tâches publiques, des finances, des autorités cantonales, des communes et de la structure territoriale, de la société civile, des Eglises et des communautés religieuses, de la révision de la Constitution et, enfin, des dispositions finales.

Le titre I (art. 1 à 7) définit le canton de Fribourg, traite du territoire, de la capitale et des armoiries du canton, énumère les buts (au nombre de huit) et les principes de l'Etat, traite des relations extérieures, consacre un article aux langues et mentionne les devoirs des personnes et des collectivités publiques.

Le titre II (art. 8 à 38) établit un catalogue très complet des droits fondamentaux et des droits sociaux et se termine par une disposition sur leur champ d'application et les conditions de leur restriction.

Le titre III (art. 39 à 51) réglemente les droits politiques sur les plans cantonal et communal. Sur le plan cantonal, il définit la citoyenneté active et réglemente les élections, l'initiative et le référendum populaires de même que la motion populaire.

Sur le plan communal, il définit également la citoyenneté active et régit les élections

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et les autres droits politiques. Il pose enfin les bases constitutionnelles des associations de communes.

Le titre IV (art. 52 à 80) est consacré aux tâches publiques. Il fixe d'abord les principes généraux sur la manière de les accomplir, puis précise ces différentes tâches en les rattachant aux domaines suivants: sécurité matérielle, économie, familles, jeunes, relation entre les générations, personnes vulnérables et dépendantes, formation, santé, étrangers, aide humanitaire et coopération au développement, environnement et territoire, sécurité et ordre publics, approvisionnement en eau et en énergie, transports et communications, culture, sport et loisirs.

Le titre V (art. 81 à 84) a trait au régime des finances. Il fixe les principes qui régissent le prélèvement des impôts. Il prévoit que la gestion financière doit répondre aux principes d'économie et d'équilibre budgétaire. Il garantit l'indépendance de l'organe chargé de la surveillance des finances de l'Etat et des communes.

Le titre VI (art. 85 à 128) consacre expressément, dans ses dispositions générales, le principe de la séparation des pouvoirs, arrête les règles d'éligibilité, prévoit les cas d'incompatibilités, consacre le devoir d'information des autorités, la liberté de parole et l'immunité des membres du Grand Conseil et du Conseil d'Etat, instaure les bases de la responsabilité des autorités, décrit la forme de leurs actes et réglemente la délégation de compétences. Il règle le rôle, la composition et l'élection, l'organisation et les compétences du parlement (Grand Conseil), du gouvernement (Conseil d'Etat) et des autorités judiciaires, en particulier du nouveau Conseil de la magistrature.

Le titre VII (art. 129 à 136) décrit le rôle, le statut et les tâches des communes et établit les fondements de l'organisation politique des communes. Il consacre la péréquation financière à ce niveau du fédéralisme. Il pose également des principes généraux en matière de fusion des communes et encourage la collaboration intercommunale. Il constitue enfin la base de la division territoriale du canton en districts administratifs.

Le titre VIII (art. 137 à 139) a trait à la société civile. Après avoir posé quelques principes, il traite des associations et des partis politiques.

Le titre IX (art. 140 à 143) accorde un statut de droit public
aux Eglises catholique romaine et évangélique-réformée et permet à d'autres religions d'obtenir des prérogatives de droit public ou d'être dotées d'un statut de droit public.

Le titre X (art. 144 et 145) incorpore les dispositions relatives à la révision totale et partielle de la Constitution.

Le titre XI (art. 146 à 153) contient les dispositions finales.

3

Conditions nécessaires à l'octroi de la garantie

3.1

Généralités

En vertu de l'art. 51, al. 1, de la Constitution fédérale, chaque canton doit se doter d'une constitution démocratique. Celle-ci doit avoir été acceptée par le peuple et doit pouvoir être révisée si la majorité du corps électoral le demande. Selon l'al. 2 de cet article, les constitutions cantonales doivent être garanties par la Confédération. Cette garantie est accordée si elles ne sont pas contraires au droit fédéral. Si une disposi363

tion constitutionnelle cantonale remplit ces conditions, la garantie fédérale doit lui être accordée; sinon, elle lui est refusée.

3.2

Acceptation par le peuple

La nouvelle Constitution a été soumise au vote du peuple le 16 mai 2004. La majorité du corps électoral du canton de Fribourg l'a acceptée (cf. ch. 1).

L'art. 51, al. 1, de la Constitution fédérale, qui pose l'exigence de l'acceptation de la Constitution par le peuple, est donc pleinement respecté.

3.3

Révisibilité

Les art. 144 et 145, en combinaison avec les art. 41, let. a, et 42 à 44, de la nouvelle Constitution, règlent les procédures de révision constitutionnelle. La révision totale ou partielle de la Constitution cantonale peut être demandée soit par le Grand Conseil, soit par le peuple (art. 144, al. 1, et 145, al. 1). Selon l'art. 42, al. 2, de la nouvelle Constitution, 6000 électeurs peuvent demander une révision partielle ou totale de la Constitution. La possibilité de réviser librement la Constitution cantonale au sens où l'exige l'art. 51, al. 1, de la Constitution fédérale est donc conférée aux citoyens.

3.4

Constitution démocratique

Une constitution cantonale satisfait à l'exigence du caractère démocratique dès lors qu'elle prévoit un parlement élu par le souverain et respecte le principe de la séparation des pouvoirs (FF 1997 I 221). En vertu de l'art. 39, al. 1, de la Constitution fédérale, la réglementation de l'exercice des droits politiques par le souverain relève, au niveau cantonal, de la compétence des cantons; dans l'exercice de cette compétence, ils sont toutefois tenus de respecter certaines règles matérielles fédérales en particulier le principe de l'égalité inscrit à l'art. 8 de la Constitution fédérale et celui du suffrage universel et égal (FF 2001 2359; Ulrich Häfelin/Walter Haller, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 5e éd., Zurich 2001, n° 1016). Quant au principe de la séparation des pouvoirs, les cantons disposent d'une importante marge de manoeuvre, puisque la manière dont ils le concrétisent dans leur droit constitutionnel relève de leur compétence (FF 1995 I 965).

Les art. 40, al. 1, et 95, al. 2, de la nouvelle Constitution prévoient que les membres du Grand Conseil sont élus par le peuple, à savoir par toutes les personnes titulaires des droits politiques telles qu'elles sont définies à l'art. 39, al. 1, de la nouvelle Constitution. Cette dernière disposition accorde le droit de vote en matière cantonale aux Suissesses et aux Suisses, majeurs, qui sont domiciliés dans le canton, de même qu'à ceux de l'étranger qui ont le droit de cité cantonal ou qui ont été domiciliés dans le canton. Le règlement de l'exclusion du droit de vote est renvoyé à la loi.

364

L'art. 39, al. 1, de la nouvelle Constitution correspond à la solution consacrée dans presque toutes les constitutions cantonales, laquelle est pratiquement dictée par l'art. 39, al. 3, de la Constitution fédérale, qui dispose que nul ne peut exercer ses droits politiques dans plus d'un canton.

Parmi les droits politiques que la nouvelle Constitution confère au corps électoral fribourgeois en matière cantonale, il y a lieu de mentionner, en sus du droit d'élire les membres du Grand Conseil (art. 40, al. 1, et 95, al. 2), le droit d'élire les membres du Conseil d'Etat (art. 40, al. 1, et 106, al. 2) et les représentants du canton de Fribourg au Conseil des Etats (art. 40, al. 1), le droit d'initiative constitutionnelle et législative (art. 41, let. a et b), ainsi que le droit de référendum obligatoire (art. 45) et facultatif (art. 46).

Quant à la réglementation de l'organisation des autorités du canton de Fribourg telle qu'elle ressort des art. 85 ss de la nouvelle Constitution (voir également, à ce propos, infra ch. 3.5.5), elle répond en tous points au principe de la séparation des pouvoirs, lequel y est d'ailleurs expressément rappelé (cf. art. 85).

L'art. 51, al. 1, de la Constitution fédérale, en tant qu'il exige des cantons qu'ils se dotent d'une constitution démocratique, est donc respecté.

3.5

Conformité au droit fédéral

3.5.1

Considérations générales

L'un des problèmes qui se posent lorsqu'il s'agit d'examiner la conformité au droit fédéral d'une constitution cantonale qui a subi une révision totale est que l'on doit confronter des dispositions fondamentales cantonales, en principe conçues pour durer plusieurs décennies, avec l'ensemble du droit fédéral, qui, lui, est en partie sujet à de fréquents changements. Il est possible que certaines des dispositions de la nouvelle constitution soient, d'ici quelques années déjà, rendues sans objet ou du moins voient leur portée limitée par des modifications ultérieures du droit fédéral.

Un canton ne peut réglementer un domaine dans lequel la Confédération possède une compétence exclusive. En revanche, il peut assumer des tâches qui relèvent d'une compétence fédérale concurrente, même là où elle n'est pas limitée aux principes, lorsque la Confédération n'a pas entièrement utilisé sa compétence. Les normes constitutionnelles cantonales qui concernent des domaines dans lesquels la Confédération n'a pas épuisé ses compétences et qui peuvent être interprétées conformément au droit fédéral doivent recevoir la garantie fédérale.

3.5.2

Structure du canton

La nouvelle Constitution reconnaît, comme entités territoriales du canton, les communes et les districts administratifs (art. 129 et 136, al. 1). Si elle ne délimite pas elle-même le territoire des districts administratifs et des communes, ni n'en fixe le nombre (art. 158, al. 1, 2e phrase), la nouvelle Constitution garantit expressément l'existence de l'institution communale (art. 129, al. 2, 1re phrase). Elle permet également aux associations de communes d'invoquer l'autonomie communale dans leurs domaines de compétences (art. 129, al. 2, 2e phrase), ouvrant ainsi la possibilité de créer un étage intermédiaire entre les cantons et les communes (Vincent Mar365

tenet, L'autonomie constitutionnelle des cantons, Bâle/Genève/Munich 1999, p. 269). En outre, elle permet d'imposer une fusion aux communes, lorsque les intérêts communaux, régionaux ou cantonaux l'exigent (art. 135, al. 4). L'autonomie des communes est expressément inscrite dans la Constitution (art. 129, al. 2). Elles accomplissent les tâches que la Constitution et la loi leur attribuent (art. 130, al. 1).

La Constitution cantonale institue en outre une péréquation financière destinée à atténuer les disparités entre les communes (art. 133). Elle fixe également les exigences minimales de l'organisation politique des communes (art. 131), en prévoyant notamment le respect la séparation des pouvoirs (art. 85, applicable par renvoi de l'art. 131, al. 3) et en précisant que les organes de la commune sont l'assemblée communale ou le conseil général et le conseil communal (art. 131, al. 2). Enfin, elle soumet les communes à la surveillance du Conseil d'Etat (art. 115).

Toutes ces dispositions, qui ressortissent au domaine de compétences des cantons, ne contiennent aucun élément contraire au droit fédéral matériel.

3.5.3

Droits fondamentaux

Selon la doctrine et la jurisprudence, les droits fondamentaux garantis par les cantons ont une portée autonome dans la mesure où ils accordent une protection plus étendue que le droit fédéral (Denise Buser, Kantonales Staatsrecht, Eine Einführung für Studium und Praxis, Basel/Genf/München 2004, n° 430 ss; Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. II: Les droits fondamentaux, Berne 2000, p. 40 ss; Vincent Martenet, L'autonomie constitutionnelle des cantons, Bâle/Genève/Munich 1999, p. 420 ss; ATF 121 I 267/269; 119 Ia 53/55). Cela signifie que les cantons peuvent protéger les mêmes droits que la Confédération ou aller au-delà. Mais cela signifie aussi que la garantie fédérale ne saurait être octroyée lorsque le canton accorde, expressément et de manière impérative, une protection moins étendue que la Confédération ne le fait par ses droits fondamentaux.

Sur certains points, la nouvelle Constitution fribourgeoise va au-delà du droit fédéral. Aucune de ses dispositions, en revanche, n'accorde une protection qui irait moins loin que celle du droit fédéral.

Le nouveau texte constitutionnel distingue formellement les droits fondamentaux et les droits sociaux (titre II). La plupart d'entre eux ont leur pendant dans la Constitution fédérale, dont ils s'inspirent largement et par rapport à laquelle ils ne présentent souvent que des modifications d'ordre purement rédactionnel.

Les dispositions qui suivent vont au-delà de la protection accordée par le droit fédéral, en particulier: ­

1

366

L'art. 19, al. 2, 2e phrase, reconnaît le droit de consulter les documents officiels sans avoir à invoquer un intérêt particulier, mais à la condition qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose (droit à l'information)1.

Ce droit sera également reconnu à l'avenir au niveau fédéral (voir la loi fédérale sur le principe de la transparence de l'administration, adoptée par l'Assemblée fédérale le 17 décembre 2004 mais pas encore en vigueur; FF 2004 6807).

­

L'art. 25, 2e phrase, garantit le droit, pour les auteurs d'une pétition, d'obtenir une réponse motivée de l'autorité interpellée. L'art. 33, al. 2, de la Constitution fédérale se limite en revanche à obliger les autorités à prendre connaissance des pétitions, sans toutefois les contraindre à y répondre.

On relèvera que le catalogue des droits fondamentaux et des droits sociaux contient un certain nombre de buts sociaux, qui s'adressent au législateur et supposent son intervention. Il s'agit par exemple de l'introduction d'un régime d'assurance maternité cantonale, complémentaire au congé de maternité qui vient d'être voté par le peuple suisse sur le plan fédéral (art. 33, al. 2, et 148, al. 3).

Par ailleurs, les art. 14, al. 1 et 2, et 33, al. 1, appellent une brève explication quant à leur rapport avec le droit fédéral: ­

L'art. 14, al.1, garantit, en plus du droit au mariage et à la famille, le droit à une autre forme de vie en commun. L'interdiction de faire subir une discrimination à une personne du fait de son mode de vie découle directement de l'art. 8, al. 2, de la Constitution fédérale. Or, conformément à l'art. 122, al. 1, de la Constitution fédérale, la Confédération légifère dans le domaine du droit civil; cette norme cantonale ne peut donc pas déployer d'effets sur les relations de droit civil des couples non mariés et étendre par exemple les effets du mariage à l'état de concubinage ou à des couples homosexuels. En revanche, elle pourrait avoir des effets, par exemple sur l'exercice de droits proches des droits de la personnalité (Jörg Paul Müller, in: Walter Kälin/Urs Bolz, [éd.], Manuel de droit constitutionnel bernois, Berne 1995, p. 39 s.) ou sur les impôts sur les successions (Bernhard Pulver, L'union libre, Droit actuel et réformes nécessaires, Lausanne 1999, p. 210). L'al. 2 de cette même disposition garantit la liberté, pour les couples de même sexe, d'enregistrer leur partenariat. Or, le Parlement fédéral vient d'adopter, le 18 juin 2004, la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe (LPart, FF 2004 2935). Si cette loi entre en vigueur, la disposition cantonale concernée perdra en grande partie sa pertinence.

­

L'art. 33, al. 1, analogue à l'art. 35 de la Constitution vaudoise, offre un droit à la sécurité matérielle avant et après l'accouchement pour les mères exerçant ou non une activité lucrative. Il s'agit ici de protéger la maternité en compensant par des mesures positives des différences biologiques. Dans certaines situations, cette disposition pourrait donner droit à des prestations allant au-delà de l'art. 116, al. 3, de la Constitution fédérale, en particulier en ce qui concerne la période précédant l'accouchement.

3.5.4

Tâches publiques et buts de l'Etat

Selon les art. 3 et 43 de la Constitution fédérale, les cantons exercent toutes les compétences qui ne sont pas attribuées à la Confédération. C'est pourquoi le droit fédéral n'exige pas que les législations cantonales aient une base expresse dans la constitution du canton. La plupart des cantons ont ainsi renoncé à une énumération exhaustive des tâches publiques et de leur législation correspondante dans leur constitution. La Constitution du canton de Fribourg suit quant à elle l'exemple des constitutions des cantons de Berne, d'Uri, de Soleure, de Glaris, de Vaud et des Grisons (RS 131.212, 131.214, 131.221, 131.217, 131.231 et 131.226) qui, pour des 367

raisons tenant à la clarté, à la sécurité juridique et à la répartition des tâches entre canton et communes, contiennent un catalogue détaillé des tâches que doivent remplir l'Etat et les communes. Ce catalogue de tâches publiques s'adresse en réalité au législateur, qui devra les concrétiser par des lois en respectant à cet effet les limites fixées par le droit fédéral. Il énonce tout d'abord trois principes: les principes régissant l'accomplissement des tâches, la répartition des tâches entre l'Etat et les communes et l'accomplissement des tâches par des tiers (art. 52 à 54). Il définit les principaux domaines d'intervention de l'Etat et des communes: sécurité matérielle, économie, familles, jeunes, relations entre les générations, personnes vulnérables et dépendantes, formation, santé, étrangers, aide humanitaire et coopération au développement, environnement et territoire, sécurité et ordre publics, approvisionnement en eau et énergie, transports et communications, culture, sport et loisirs (art. 55 à 80).

La solution consacrée au titre IV de la Constitution fribourgeoise n'implique aucune contradiction avec le droit fédéral, même si les dispositions de ce titre mentionnent certains domaines qui se recoupent avec les compétences de la Confédération, par exemple en matière de protection de l'environnement (art. 71). En effet, même dans les domaines où la Confédération a légiféré, les cantons conservent d'importantes tâches d'exécution et des compétences résiduelles; une liste de ces tâches peut de surcroît également se justifier dans la mesure où la Constitution remplit une fonction d'information. S'agissant des compétences cantonales, le constituant fribourgeois a choisi d'ancrer au niveau constitutionnel un certain nombre de tâches, comme la protection des familles dans leur diversité (art. 59, al. 1) ou l'encouragement de la formation des adultes (art. 66).

Enfin, la nouvelle Constitution fribourgeoise consacre également une disposition générale aux buts de l'Etat (art. 3), en y incluant des préoccupations aussi diverses que la reconnaissance et le soutien des familles en tant que communautés de base de la société (al. 1, let. c), la justice (al. 1, let. d) ou la cohésion cantonale dans le respect de la diversité culturelle (al. 1, let. f). Une telle disposition se borne en réalité à fixer
au canton des lignes directrices dans la mise en oeuvre de son action politique.

L'examen de la conformité au droit fédéral de cette disposition constitutionnelle cantonale ­ qui obéit à la même démarche que l'examen des droits fondamentaux cantonaux (cf. ch. 3.5.3) ou des tâches publiques cantonales ­ n'a, en l'occurrence, rien révélé de contraire au droit fédéral.

3.5.5

Organisation des autorités et procédure

Les règles sur la composition, les attributions et l'organisation des autorités cantonales et communales ainsi que les procédures prévues pour leur activité tiennent suffisamment compte des exigences du droit fédéral.

Les conditions d'éligibilité comme membres des autorités cantonales sont prévues dans la Constitution (art. 86 et 39, al. 1).

Le principe de la séparation des pouvoirs est expressément inscrit à l'art. 85 et il est mis en oeuvre par des règles d'incompatibilité de fonctions (art. 87) et par la répartition des compétences entre le Grand Conseil, le Conseil d'Etat et les autorités judiciaires (art. 99 ss, 110 ss et 123 ss).

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La nouvelle Constitution du canton de Fribourg réduit le nombre de députés de 130 à 110 (art. 95, al. 1). Elle charge le Conseil d'Etat d'instaurer, en matière administrative, un organe de médiation indépendant (art. 119).

Le paysage judiciaire est largement redessiné. Tout d'abord, les deux plus hautes instances judiciaires, le Tribunal cantonal et le Tribunal administratif, fusionnent (art. 123, al. 3, et 124, al. 1). Ensuite, un Conseil de la magistrature est instauré, qui exerce la surveillance sur toutes les autorités judiciaires, y compris sur le Tribunal cantonal, et qui formule un préavis à l'occasion des élections judiciaires (art. 125 à 128). Enfin, pour renforcer leur indépendance, les juges sont élus pour une durée indéterminée (art. 121, al. 2).

S'agissant de la procédure législative, les dispositions qui confèrent au Grand Conseil ­ sous réserve du référendum facultatif (art. 46) ou obligatoire (art. 45) ­ la compétence d'adopter les lois et d'approuver les traités internationaux et les concordats ne relevant pas de la compétence exclusive du Conseil d'Etat (art. 99 et 100) répondent aux exigences démocratiques fixées à l'art. 51, al. 1, 1re phrase, de la Constitution fédérale. A cet égard, on relèvera encore que la délimitation des compétences normatives entre le Grand Conseil et le Conseil d'Etat s'opère de sorte qu'il incombe au premier d'édicter «les règles de droit d'importance» (art. 93, al. 2).

S'agissant des compétences législatives déléguées, le Grand Conseil peut opposer son veto aux actes de l'autorité délégataire (art. 93, al. 3).

Les différentes règles d'organisation de la Constitution fribourgeoise sont conformes à la compétence des cantons en matière d'organisation (art. 3 et 39, al. 1, de la Constitution fédérale) et ne violent pas d'autres dispositions du droit fédéral.

3.6

Résumé

La Constitution du canton de Fribourg du 16 mai 2004 satisfait aux exigences posées à l'art. 51, al. 2, 2e phrase, de la Constitution fédérale; la garantie doit dès lors lui être accordée.

4

Constitutionnalité

En vertu des art. 51 et 172, al. 2, de la Constitution fédérale, il appartient à l'Assemblée fédérale d'accorder la garantie aux dispositions constitutionnelles cantonales.

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