14.417 Initiative parlementaire Amender le régime de financement des soins Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats du 21 mars 2016

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet de modification de la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (LAMal)1, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet d'acte ci-joint. Sehr gee

21 mars 2016

Pour la commission Le président: Konrad Graber

1

RS 832.10

2016-0946

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Condensé Le 13 juin 2008, le Parlement a adopté la loi fédérale sur le nouveau régime de financement des soins. La loi fédérale sur l'assurance-maladie (LAMal), quant à elle, règle le financement des prestations de soins de telle sorte que l'assurance obligatoire des soins (AOS) prenne en charge un certain montant en francs dépendant du besoin. Les assurés assument les coûts non couverts par les assurances sociales à hauteur de 20 % au plus de la contribution maximale fixée par le Conseil fédéral. Les cantons règlent le financement résiduel.

Le 21 mars 2014, la conseillère aux Etats Christine Egerszegi-Obrist (PLR, AG) a déposé l'initiative parlementaire «Amender le régime de financement des soins».

Dans son développement, elle constate que depuis l'entrée en vigueur, au 1 er janvier 2011, du nouveau régime de financement des soins, il est apparu que le législateur n'a pas suffisament réglé certains aspects concernés. L'auteure de l'initiative pense que le manque des spécifications quant à la compétence concernant le financement résiduel des coûts liés aux soins constitue la plus grande lacune dans le nouveau régime de financement des soins.

Dans le cadre du financement résiduel, les différentes réglementations cantonales, surtout pour les patients qui ont bénéficié de prestations extracantonales, ont entraîné des discussions sur le financement et les compétences. Il s'agit de savoir en l'occurrence quel canton est compétent, d'une part, pour fixer le montant de la contribution de la personne assurée aux coûts des soins et, d'autre part, pour le financement résiduel dans le cas d'un séjour en établissement médico-social (EMS) situé en dehors du canton de domicile de l'assuré ou de soins ambulatoires extracantonaux.

La modification de loi proposée doit donc garantir que, dans tous les cas, la compétence cantonale est clairement établie en ce qui concerne le financement résiduel des prestations de soins fournies de manière ambulatoire ou dans un EMS.

L'art. 25a, al. 5, LAMal doit donc être complété comme suit: «Le canton de domicile de la personne assurée est compétent pour fixer et verser le financement résiduel. Le séjour dans un établissement médico-social ne fonde aucune nouvelle compétence».

Cette réglementation se base sur l'art. 21, al. 1, de la loi fédérale sur les prestations
complémentaires à l'AVS et à l'AI (LPC). Les expériences faites avec cette disposition de la LPC en vigueur depuis le 1er janvier 2012 ont montré que les différends concernant la compétence se sont fortement réduits, ce qui contribue à la clarté et à la sécurité du droit. Avec cette réglementation, les cantons (ou les communes) n'ont pas d'intérêts à influer sur le changement de domicile d'une personne, car l'entrée dans un EMS ne change rien à la compétence. De plus, le canton de provenance est compétent en ce qui concerne le financement des soins, l'aide sociale et les prestations complémentaires, ce qui est cohérent avec la LPC. Il convient de mentionner que les compétences cantonales en matière de financement résiduel des prestations de soins et de financement hospitalier (canton de résidence selon l'art. 49a LAMal) ne sont plus les mêmes si l'entrée dans un EMS correspond à un changement de domicile. Si le canton de provenance prend en charge également le financement

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résiduel des prestations de soins lors d'un séjour dans un EMS extracantonal, on peut éviter que les cantons qui disposent de davantage de places en EMS que nécessaire pour leur population soient désavantagés financièrement. Une planification intercantonale des EMS est de ce fait encouragée.

La nouvelle réglementation ne s'applique pas seulement aux cas de séjour en EMS extracantonal, mais également aux soins ambulatoires dispensés dans un autre canton. Pour des séjours de courte durée (par ex., séjour chez ses propres enfants à la maison) dans d'autres cantons, lorsque des soins ambulatoires (par ex. prestations d'aide et de soins à domicile) sont pris en compte, aucun nouveau domicile n'est créé; le canton de domicile reste donc compétent pour le financement résiduel des prestations de soins.

Etant donné qu'avec la nouvelle réglementation le canton de provenance est compétent pour fixer le financement résiduel, il ne peut être exclu que les montants qu'il fixe soient différents de ceux qui sont nécessaires dans un autre canton pour couvrir les coûts résiduels. On part dès lors du principe que la personne assurée assume d'éventuels coûts résiduels pour les soins.

D'autres aspects du financement des soins ont également été évoqués dans l'initiative parlementaire et dans d'autres interventions ainsi que par les acteurs au cours des discussions. En ce moment, la commission constate toutefois un besoin d'action législative sur le plan fédéral uniquement concernant le financement résiduel.

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Rapport 1

Genèse

Le 21 mars 2014, la conseillère aux Etats Christine Egerszegi-Obrist (PLR, AG) a déposé une initiative parlementaire ayant la teneur suivante: «La loi sur le nouveau régime de financement des soins est modifiée de façon: 1. à répartir les compétences en ce qui concerne le financement résiduel des prestations de soins fournies aux patients venant d'autres cantons dans les domaines hospitalier et ambulatoire; 2. à garantir la liberté de choix entre fournisseurs de prestations reconnus; 3. à distinguer mieux et plus clairement entre frais de soins et frais d'assistance». Dans son développement, elle constate que depuis l'entrée en vigueur, au 1 er janvier 2011, du nouveau régime de financement des soins, il est apparu que le législateur n'a pas suffisamment réglé différents aspects concernés. L'auteure de l'initiative pense que la compétence concernant le financement résiduel des coûts liés aux soins lors de séjours en EMS ou pour des prestations d'aide et de soins à domicile hors canton constitue notamment la plus grande lacune. D'autres problèmes résident dans la multiplication des réglementations concernant la participation des patients aux prestations de soins ambulatoires et la distinction insuffisante entre coûts de soins et coûts d'assistance.

Le 4 juillet 2014, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats (CSSS-CE) a donné suite à l'initiative à l'unanimité. Le 15 octobre 2014, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-CN) a approuvé cette décision à l'unanimité. Le 17 novembre 2014, la CSSS-CE a demandé au Bureau du Conseil des Etats d'instaurer une sous-commission de cinq membres, ce que le bureau a approuvé le 24 novembre 2014. La sous-commission2 s'est constituée lors de la session d'hiver 2014 et a décidé de consulter d'abord les milieux intéressés. Le 16 janvier 2015, elle a entendu une délégation de la Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS), le Surveillant des prix ainsi que des représentants de Curaviva, de l'Association suisse des services d'aide et de soins à domicile (ASSASD) et de l'Association Spitex privée Suisse (ASPS). Les 17 février et 2 avril 2015, la sous-commission a discuté des aspects à régler pour le financement des soins. Se fondant sur l'art. 112,
al. 1, de la loi sur le Parlement (LParl)3, elle a fait appel aux experts de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) soutenus par ceux de l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) et de l'Office fédéral de la justice (OFJ). Le 22 mai 2015, elle a adopté l'avant-projet et le rapport explicatif à l'intention de la CSSS-CE. Le 1er septembre 2015, cette dernière a approuvé à l'unanimité l'avant-projet et le rapport explicatif. Elle a alors décidé de lancer une procédure de consultation. Le 21 mars 2016, elle a pris acte des résultats de la consultation et a approuvé le projet d'acte ainsi que le présent rapport par 10 voix contre 0 et 3 abstentions.

2 3

Egerszegi-Obrist, Bruderer Wyss, Diener Lenz, Eberle, Schwaller RS 171.10

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2

Contexte

2.1

Nouveau régime du financement des soins du 13 juin 2008

Le 13 juin 2008, le Parlement a adopté la loi fédérale sur le nouveau régime de financement des soins4. Dans la foulée, les modifications suivantes sont entrées en vigueur au 1er janvier 2011: ­

Modifications de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (LAMal)5: ­ Versement par l'assurance obligatoire des soins (AOS) d'une contribution en francs en fonction des besoins en soins (art. 25a, al. 1, LAMal); ­ Les coûts des soins qui ne sont pas pris en charge par les assurances sociales sont financés par les assurés jusqu'à concurrence d'un montant correspondant au maximum à 20 % de la contribution maximale fixée par le Conseil fédéral (art. 25a, al. 5, LAMal); ­ Les cantons règlent le financement résiduel (art. 25a, al. 5, LAMal, dernière phrase)6; ­ Dispositions transitoires: introduction du principe de la neutralité des coûts et fixation d'un délai de trois ans au maximum pour l'adaptation des tarifs par les gouvernements cantonaux aux contributions fixées par le Conseil fédéral.

­

Modifications de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (LPC)7: ­ Le séjour dans un home ne doit pas mener, en règle générale, à une dépendance à l'assistance sociale; ­ L'augmentation de la franchise sur la fortune entrant dans le calcul des prestations complémentaires.

­

Modification de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS)8: ­ introduction d'une allocation pour impotent de faible degré en faveur des rentiers vivant à domicile et présentant une impotence légère

Le Conseil fédéral a ensuite fixé les contributions aux soins (cf. également ch. 2.4.1) pour l'AOS en adaptant l'ordonnance du DFI sur les prestations dans l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie (OPAS)9 selon la prescription de l'art. 25a, al. 4, LAMal; cette modification est également entrée en vigueur le 1 er janvier 2011.

Les contributions de l'AOS liées aux prestations de soins dispensées par des fournisseurs de prestations ambulatoires (infirmières et infirmiers, organisations d'aide et 4 5 6

7 8 9

RO 2009 3517 RS 832.10 Les coûts liés aux soins sont donc assumés par l'AOS (contribution aux soins,), la personne assurée (20 % au plus de la contribution maximale fixée par le Conseil fédéral) et par le canton (financement résiduel).

RS 831.30 RS 831.10 RS 832.112.31

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de soins à domicile) ont été fixées par heure et le remboursement effectif par tranches de cinq minutes. Les contributions aux soins de l'AOS pour les prestations des établissements médico-sociaux sont fixées par jour, échelonnées selon les besoins en soins (échelonnement linéaire par périodes de 20 minutes).

2.2

Monitorage de la mise en oeuvre et dialogue avec la CDS

Depuis l'entrée en vigueur du nouveau régime de financement des soins, la CSSSCE et la CSSS-CN ont demandé à être informées régulièrement sur sa mise en oeuvre. Sur mandat des commissions, l'OFSP a réalisé, en collaboration avec la CDS, plusieurs sondages auprès des cantons et des fournisseurs de prestations. Il a synthétisé les résultats dans quatre rapports datés du 26 avril 2011, du 28 juillet 2011, du 13 août 2012 et du 3 octobre 201310. Il est alors apparu que les cantons faisaient usage de leurs larges compétences en matière de mise en oeuvre du financement des soins. En règle générale, les solutions cantonales de mise en oeuvre étaient aménagées selon les spécificités cantonales et n'étaient donc guère coordonnées au niveau intercantonal11.

Parallèllement, le Surveillant des prix a analysé les tarifs de 88 EMS dans sept cantons de Suisse alémanique et publié le 6 septembre 2011 le rapport intitulé «Probleme bei neuer Pflegefinanzierung ­ Preisüberwacher ortet dringenden Handlungsbedarf»12. Il est arrivé à la conclusion que, contrairement à l'intention du législateur, le nouveau régime de financement des soins a provoqué une hausse de la charge financière des résidents dans certains homes.

Le 18 août 2011, la CSSS-CE a décidé de s'adresser directement à la CDS, au Conseil fédéral et au Surveillant des prix. Dans son courrier du 31 août 2011, la commission demandait à la CDS, pour la question qui nous intéresse ici du financement résiduel, «d'unifier sur le fond la mise en oeuvre du nouveau régime de financement des soins, au moyen d'un concordat pour ce qui est des séjours dans un établissement médico-social (EMS) hors canton».

Dans sa réponse du 29 septembre 2011, la CDS évoquait des problèmes d'exécution.

Le canton de domicile est sans conteste compétent pour le financement résiduel.

Mais, lors d'une entrée dans un EMS extracantonal, il n'est pas toujours évident de définir le canton de domicile. Dans sa lettre, la CDS soutenait la création d'une réglementation uniforme au plan suisse. Elle considérait que «l'instrument du concordat cantonal n'est pas approprié pour cela. Les personnes concernées peuvent en effet à tout moment, concernant la question de la compétence, invoquer la législation fédérale (LAMal ou LPC) et faire valoir des droits dans le «canton de domicile» correspondant. Nous partons du principe qu'une solution uniforme au plan suisse 10 11 12

Publiés sous www.parlament.ch > Organes et députés > Commissions > Commissions législatives > Commission de la sécurité sociale et de la santé publique CSSS > Rapports.

OFSP, Rapport explicatif du 3 octobre 2013, Mise en oeuvre dans les cantons de la loi féldérale sur le nouveau régime de financement des soins du 13 juin 2008, p. 4.

Publié sous www.preisueberwacher.admin.ch > Documentation > Publications > Etudes et analyses > 2011.

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pour le financement des soins ne peut être trouvée de manière judicieuse que par un règlement de la question du lieu de domicile analogue à la LPC actuelle».

Les Chambres fédérales ont également été concernées par la mise en oeuvre du financement des soins par le biais de plusieurs interventions parlementaires. Deux postulats qui ont été adoptés durant la session de printemps 2013 par le Conseil des Etats et le Conseil national doivent être mentionnés en particulier: le postulat «Régler le financement résiduel en cas de séjour dans un home situé en dehors du canton de domicile en s'inspirant de la LPC» (12.4099) déposé par la conseillère aux Etats Pascale Bruderer Wyss (PS, AG) et le postulat «Séjour dans un home situé hors canton de domicile. Financement résiduel» (12.4051) déposé par la conseillère nationale Bea Heim (PS, SO). Ces deux postulat chargeaient le Conseil fédéral de rechercher une solution, en collaboration avec les cantons. Le Conseil fédéral a souligné que cette question avait déjà été traitée avec les cantons au sein du Dialogue Politique nationale suisse de la santé et qu'il était disposé à reprendre les discussions.

Sur la base de ces entretiens et des travaux en cours à l'époque sur le présent projet, la CDS a informé la CSSS-CE, le 12 décembre 2014, que son assemblée plénière s'était prononcée à une nette majorité pour une future réglementation des compétences analogue à celle de la LPC.

Le 21 octobre 2015, le Conseil fédéral a présenté le rapport «Compétence pour le financement résiduel dans le cadre du financement des soins»13, qu'il a élaboré en exécution des postulats 12.4099 et 12.4051 susmentionnés. Après avoir analysé différentes solutions, il est parvenu à la conclusion que la «solution LPC» garantirait plus de clarté en ce qui concerne la mise en oeuvre. Toutefois, il n'a pas présenté de projet de loi, vu que la CSSS-CE avait déjà mis en consultation un avant-projet correspondant.

2.3

Financement résiduel

2.3.1

Problèmes pour des prestations de soins extracantonales

Dans le cadre du financement résiduel, les différentes réglementations cantonales ont entraîné des discussions sur le financement et les compétences principalement pour les patients qui ont bénéficié de prestations extracantonales. Lors d'un séjour dans un EMS hors canton ou de prestations ambulatoires hors canton, la problématique réside notamment dans la question de savoir quel canton est compétent, d'une part, pour la fixation du montant de la contribution de la personne assurée aux frais de soins et, d'autre part, pour le financement résiduel.

Les résultats du sondage de l'OFSP auprès des cantons qui sont résumés dans le rapport du 13 août 2012 mentionné au ch. 2.2 se présentent de la manière suivante: 10 cantons appliquent la règle de compétence du domicile selon l'art. 13, al. 1, de la

13

www.parlement.ch > Objet 12.4099 > Rapport en réponse à l'intervention parlementaire.

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loi sur la partie générale des assurances sociales (LPGA)14 et l'art. 23, al. 1, du code civil (CC)15 où le domicile y est défini comme étant un lieu de vie durable (...). Par contre, 14 cantons appliquent la règle de compétence de la loi fédérale sur les prestations complémentaires (LPC) selon laquelle [...] le séjour dans un home, un hôpital ou tout autre établissement ne fonde aucune nouvelle compétence [...] (art. 21, al. 1, LPC).

Selon le rapport de l'OFSP du 3 octobre 2013, également mentionné au ch. 2.2, qui se base sur deux sondages, le premier auprès des cantons et le second auprès des fournisseurs de prestations, la situation concernant le financement de séjours dans un EMS extracantonal est la suivante: dans la pluspart des cantons, ce sont les limites de taxes intracantonales qui s'appliquent aux séjours en EMS hors canton (règles le plus souvent mentionnées). Dans les cantons de Glaris, Lucerne et Schaffhouse, les taxes intracantonales s'appliquent à un séjour en EMS hors canton seulement si dans le propre canton une place appropriée est proposée. Le canton de Genève ne s'est pas exprimé explicitement sur la thématique.

Seuls, les cantons des Grisons et du Tessin ont conclu une convention intercantonale pour régler la prise en charge de différences de coûts entre le canton de domicile du résident et celui où se trouve l'EMS. Dans la plupart des autres cantons (AG, AI, AR, BL, BS, FR, GL, LU, NW, OW, SG, SH, SO, SZ, TG, ZG), ce sont les patients qui assument la différence de coûts dans les EMS. Pour les cantons restants qui se sont explicitement exprimés à ce sujet, le fournisseur de prestations assume la prise en charge (BE, JU, NE, UR, VD, VS). Pour les soins ambulatoires fournis hors canton, la grande majorité des cantons assume les coûts au maximum à hauteur du financement intracantonal (AR, BE, BL, GR, JU, LU, NE, NW, OW, SZ, UR, VS).

Quant aux cantons restants, ils ne prévoient aucune prise en charge (AI, TI, VD), sauf s'il existe une convention entre les fournisseurs de prestations et la commune concernée (GL, TG, SH). Selon les résultats du sondage auprès des fournisseurs de prestations, des difficultés concernent le règlement du financement résiduel en cas de prestations ambulatoires extracantonales. Dans la première variante, l'organisation d'aide et de soins à domicile
facture le financement résiduel à l'assuré, mais n'a pas connaissance de ce qu'il advient par la suite. Dans cette situation, il existe plusieurs hypothèses: les assurés paient, il peut se passer longtemps avant que l'assuré ne soit remboursé par le canton ou la commune ou ceux-ci ne remboursent rien à la personne assurée. Dans une seconde variante, l'organisation d'aide et de soins à domicile facture le financement résiduel au canton ou à la commune de domicile, ce qui peut se traduire par des frais administratifs élevés et le refus de prise en charge.

Les fournisseurs de prestations attendent le remboursement et, lorsque cela est possible, déposent un recours contre le canton concerné ou, en raison des frais administratifs disproportionnés, renoncent au financement résiduel. Lorsque le canton ou la commune ne prennent pas en charge, totalement ou en partie, le financement résiduel, la plupart des organisations d'aide et de soins à domicile le facturent par conséquent à l'assuré.

14 15

RS 830.1 RS 210

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Selon les calculs de l'OFSP basés sur un tableau de la Statistique des institutions médico-sociales 2013 publiée par l'Office fédéral de la statistique (OFS)16, le nombre des séjours extracantonaux dans des EMS s'élevait en Suisse à 5339, soit 3,6 % du total des clients pour l'année 2013. La situation est cependant très variable suivant les cantons. Environ 1 % des personnes provenant des cantons de Vaud et de Berne reçoivent des prestations dans un EMS extracantonal alors que ce chiffre passe à 10 % pour les clients provenant de Nidwald et de Soleure et à 19 % pour ceux provenant du canton d'Appenzell Rhodes-Intérieures. Les résidents qui ont changé de canton de domicile pour celui où est situé l'établissement sont réputés comme clients intracantonaux et ne sont pas séparés statistiquement. Si la réglementation LPC devait s'appliquer à ces personnes, le financement résiduel devrait être pris en charge par l'ancien canton de domicile.

Les résultats du sondage auprès des fournisseurs de prestations au sujet du financement des soins se trouvent dans le rapport du 3 octobre 2013 de l'OFSP (cf. ch. 2.2).

Dans ce contexte, l'Association suisse des services d'aide et de soins à domicile (ASSASD) à but non lucratif estime à 2000 le nombre d'assurés ayant bénéficié de prestations ambulatoire extracantonales avec une tendance à la hausse. Selon la statistique Aide et soins à domicile de l'OFS, les organisations d'utilité publique dans ce domaine ont fourni, en 2013, des prestations de soins à environ 180 000 clients.

2.3.2

Jurisprudence

Le 18 décembre 2014, le Tribunal fédéral a rendu un arrêt important sur la question de la compétence en matière de financement résiduel (ATF 140 V 563). Il fixe dans cet arrêt que l'on n'a pas encore déterminé si la compétence quant au financement des soins non pris en charge par les assurances sociales est indépendante de la question du domicile (à l'instar du droit applicable en matière de prestations complémentaires et d'aide sociale) ou si l'entrée dans un home ou un établissement médicosocial (valant création d'un nouveau domicile) entraîne la compétence en matière de financement résiduel du canton où se situe l'établissement (consid. 5.3). Pour l'instant, le droit cantonal, respectivement communal, est en principe déterminant. La commune où se situe l'EMS concerné a établi un règlement selon lequel les patients ayant leur domicile dans un autre canton doivent remettre à cet EMS avant le début du traitement une garantie de prise en charge du financement résiduel par leur canton ou leur commune de domicile. Sinon, l'EMS peut refuser leur admission. Le contenu de ce règlement correspond à la réglementation dans le domaine des prestations complémentaires (art. 21 LPC). Elle devrait empêcher la discrimination de la commune où se situe l'établissement qui sinon devrait répondre du financement résiduel de tous les habitants qui ont transféré leur domicile sur le lieu de l'institution. Une telle condition limite cependant le libre choix du domicile et la liberté d'établissement (art. 24 de la Constitution fédérale [CC])17. Indépendamment du fait 16 17

Tableau 12-A Flux des clients entre cantons: nombre de clients selon le canton de provenance du client et le canton de l'établissement, secteur personnes âgées, 2013.

RS 101

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qu'elle soit appropriée ou pas, la réglementation «perpetuatio fori» ne peut ainsi pas être inscrite (uniquement) dans une norme cantonale ou communale. Elle nécessite l'établissement d'une disposition valable pour toute la Suisse et présuppose l'intervention du législateur fédéral. Les compétences législatives cantonales et communales s'arrêtent aux frontières du canton. Jusqu'à l'entrée en vigueur d'une réglementation de droit fédéral, la compétence en matière de financement résiduel dans les rapports intercantonaux se détermine selon le principe du domicile. La commune où l'EMS est situé est compétente en ce qui concerne le financement résiduel des coûts des soins non couverts dans la mesure où la personne a déplacé son domicile (consid. 5.4.1 et 5.4.2). Cette condition est remplie dans le cas du recours (art. 23 CC), puisque la personne désire passer ses derniers jours dans la commune où se trouve la résidence pour personnes âgées et qu'elle en a fait son lieu de vie (consid. 6.).

L'arrêt a clairement établi que le domicile de la personne assurée est déterminant dans la situation juridique actuelle pour les rapports intercantonaux et qu'ainsi le financement résiduel doit être pris en charge par le canton de domicile.

2.3.3

Solutions examinées

Le paragraphe suivant explique les solutions examinées par la commission concernant la définition des compétences liées au financement résiduel et à la fixation du montant de celui-ci pour les prestations de soins dans le cas de séjours dans un EMS extracantonal.

A. Définition des compétences: Il s'agit de fixer quel canton est compétent pour le financement résiduel de prestations de soins, c'est-à-dire lequel doit rembourser les coûts de ces prestations non assumées par l'AOS ou la personne assurée.

a) Définition des compétences dans la LAMal La définition des compétences dans la LAMal correspond en principe au domicile (art. 1 LAMal, art. 13, al. 1, LPGA, art. 23 CC). Si l'on applique cette réglementation au financement résiduel, le canton de domicile de la personne assurée est compétent. Le fait que celle-ci fonde un nouveau domicile par son entrée dans un EMS extracantonal (nouveau lieu de vie avec intention d'y rester de manière durable) jour un rôle. Selon la jurisprudence actuelle, un séjour volontaire dans un home peut être fondateur d'un domicile18.

Une telle réglementation est cohérente avec celles de la LAMal pour le financement hospitalier et la réduction de primes dans la mesure où celle-ci n'est pas octroyée par les assurances complémentaires. L'équivalence fiscale est respectée (le canton compétent est celui du domicile principal pour les impôts). En l'occurrence, il faut tenir compte du fait que la durée du séjour dans le canton où se situe l'EMS est dans bien des cas beaucoup plus courte que la durée précédente du séjour dans le canton 18

Arrêt du Tribunal fédéral du 18 décembre 2014 (ATF 140 V 563), cf. également ch. 2.3.2.

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de provenance. En d'autres termes, dans le cas d'un changement de domicile lié à l'entrée dans un home, le canton où celui-ci est situé est compétent pour le financement résiduel, même s'il a perçu bien moins longtemps que le canton de provenance des recettes fiscales de la personne assurée. L'application de la réglementation dépend donc du cas particulier selon que la personne assurée change ou non de domicile lors de son entrée dans le home. Si elle change effectivement de domicile, le canton compétent pour le financement résiduel n'est pas le même que pour les prestations complémentaires (art. 21, al. 1, LPC). Ainsi la coordination des systèmes de financement impliqués n'est pas garantie pour les bénéficiaires de prestations complémentaires.

Etant donné que le domicile de la personne assurée est central pour cette réglementation, les cantons (et les communes également) peuvent être incités à influencer le changement de domicile d'une personne. Le canton où se situe l'EMS peut être enclin à rendre difficile le changement de domicile lors de l'entrée dans un home d'une personne provenant d'un autre canton et mettre à disposition moins de places d'EMS ou juste le nombre suffisant pour ses propres besoins. Par contre, le canton de provenance pourrait avoir tendance à encourager le changement de domicile lors de l'entrée dans un EMS extracantonal. La vue d'ensemble lors de la planification et de la mise à disposition de places dans les EMS ne présente donc pas d'intérêt particulier. Afin d'éviter une charge financière supplémentaire, une offre minimale est proposée. Le canton où se situe le home a notamment intérêt à dissuader une personne ayant peu de revenus et de fortune provenant d'autres cantons à entrer dans le home car elle n'apporte guère de recettes fiscales supplémentaires. Par ailleurs, le canton en question devrait prendre en charge le financement résiduel des coûts pour les prestations de soins, du moins en cas de changement de domicile.

b) Définition des compétences dans la LPC Le séjour dans un home ne fonde aucune nouvelle compétence (art. 21, al. 1, LPC); il s'agit du même principe qu'à l'art. 5 de la loi fédérale sur la compétence en matière d'assistance de personnes dans le besoin (LAS) 19. En d'autres termes, la compétence est plus simple à déterminer car le canton compétent
est toujours celui où la personne concernée avait son domicile avant son entrée dans le home, c'est-à-dire le canton de provenance. Lorsque la personne assurée change de domicile à son entrée dans le home, cela n'a donc aucune influence sur la compétence en matière de financement résiduel. De cette manière, la situation juridique est claire, le domicile avant l'entrée dans un EMS peut en règle générale se déterminer de manière simple et rapide en droit civil. Les expériences faites dans le domaine de la LPC montrent que la mise en oeuvre fonctionne bien. Les cas où la personne entre dans un home directement depuis l'étranger constituent une exception. En effet, comme le domicile est créé directement au lieu où se situe le home ou (subsidiairement) le lieu de séjour vaut lieu de domicile (art. 24, al. 2, CC), le canton où se situe l'EMS est compétent pour les prestations complémentaires.

Cependant, si l'entrée dans un home s'accompagne d'un changement de domicile, la compétence cantonale diffère en ce qui concerne le financement résiduel pour les prestations de soins et le financement hospitalier, ainsi que la réduction de prime 19

Loi fédérale en matière d'assistance, LAS; RS 851.1

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pour les non-bénéficiaires de PC (canton de résidence selon l'art. 49a LAMal), ce qui crée une incohérence au niveau de la LAMal. Par contre, le canton de provenance est compétent en matière de financement des soins, d'aide sociale et de prestations complémentaires, ce qui est cohérent avec la LPC. Une harmonisation des systèmes de financement et des réglementations légales peut donc avoir lieu au sein du même canton.

L'équivalence fiscale n'existe pas dans les cas où, lors de l'entrée dans un home, le domicile civil change pour le canton où se situe l'établissement. Avec le canton de provenance, c'est le canton ayant pu en règle générale profiter longtemps des recettes fiscales qui prend en charge le financement résiduel des prestations de soins.

Dans cette réglementation, il ne faut pas s'attendre à ce que les cantons (ou les communes) aient une influence sur le changement de domicile d'une personne car l'entrée dans un home ne change rien à la compétence. Inversement, les cantons sont incités à avoir une vue d'ensemble pour la planification et la mise à disposition de places en EMS. La coordination des planifications des EMS dans les régions, également intercantonale, est facilitée. Les cantons qui proposent une offre de places de soins supérieure à leurs propres besoins ou des offres pour des personnes qui ne sont pas fortunées ne sont pas défavorisés car le canton de provenance assume le financement résiduel des prestations de soins. Par contre, les cantons où se trouvent les EMS pourraient être incités à attirer des résidents fortunés car dans le cas d'un changement de domicile ils profiteraient des recettes fiscales sans devoir prendre en charge les prestations de soins pour ces personnes.

En conclusion, tout porte à croire que l'approche LPC crée davantage de clarté concernant la mise en oeuvre; cependant, la même personne assurée peut faire valoir des droits aux prestations dans différents cantons selon qu'il s'agit d'un traitement stationnaire à l'hôpital ou d'un séjour en EMS. Après avoir soigneusement pesé le pour et le contre, la commission privilégie la réglementation de la compétence selon la LPC (cf. ch. 3).

B. Fixation du financement résiduel: Une fois clarifiée la problématique du canton compétent pour le financement résiduel de prestations de soins, c'est-à-dire celui qui
doit le prendre en charge, une question supplémentaire se pose: quelles règles sont applicables, celles du canton de provenance ou celles du canton où se situe l'établissement?

Si le financement selon la réglementation du canton A (canton du domicile avant l'entrée dans un home ou canton de provenance) est adoptée, il est possible que les résidents dans un même EMS situé dans le canton B doivent payer des contributions aux soins différentes malgré un besoin identique et que le financement résiduel soit différent. On ne peut exclure que les contributions fixées par le canton A s'écartent du montant qui est nécessaire dans le canton B pour couvrir les coûts résiduels des soins, ce qui peut entraîner des lacunes de couverture.

Cependant, si le financement a lieu selon la réglementation du canton B (canton où se situe l'EMS) des contributions, des taxes maximales et des financements résiduels différents peuvent s'appliquer aux assurés domiciliés dans le canton A selon que la personne se trouve dans un EMS cantonal ou extracantonal. De plus, le canton A 3790

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doit prendre en charge le financement résiduel selon une réglementation sur laquelle il n'a pas eu lui-même voix au chapitre.

La commission se prononce donc pour que le canton de provenance soit compétent pour la fixation du financement résiduel selon ses propres règles (cf. ch. 3).

2.4

Aspects du financement des soins qui ne présentent pas, pour l'instant, la nécessité de légiférer au niveau fédéral

D'autres aspects du financement des soins ont également été évoqués dans l'initiative parlementaire et dans d'autres interventions ainsi que par les acteurs au cours des discussions. Actuellement, la commission constate cependant un besoin de légiférer concernant uniquement le financement résiduel. Les aspects discutés sont exposés ci-après.

2.4.1

Contribution de l'assurance obligatoire des soins

La nécessité d'une augmentation de la contribution versée par l'AOS a été abordée par différents acteurs afin que les augmentations de coûts ne soient pas entièrement à la charge de ceux qui assument le financement résiduel (cantons/communes)20.

L'al. 1 des dispositions transitoires de la modification de la loi fédérale sur le nouveau régime de financement des soins du 13 juin 2008 prévoit que le Conseil fédéral fixe le montant des contributions aux soins par l'AOS de telle manière qu'il corresponde à l'ensemble des rémunérations pour les soins dispensés sous forme ambulatoire ou dans un établissement médico-social dans l'année précédant l'entrée en vigueur de la modification. Si cette règle ne peut pas être respectée la première année suivant l'entrée en vigueur de la modification, le Conseil fédéral procède aux adaptations nécessaires les années suivantes. Celui-ci a délégué sa compétence au Département fédéral de l'intérieur (DFI) (art. 33 de l'ordonnance sur l'assurancemaladie, OAMal)21. Le DFI a séparé les contributions en vigueur à partir du 1er janvier 2011 entre les domaines des établissements médico-sociaux, d'une part, et des soins à domicile, d'autre part. Elles sont calculées sur la base de toutes les prestations de soins fournies en Suisse selon le domaine et fixées à l'art. 7a OPAS.

Le délai transitoire pour l'introduction des montants est écoulé depuis fin 2013 (al. 2 des dispositions transitoires de la modification du 13 juin 2008) de sorte que seules les données de l'année 2014 sont parlantes pour les remboursements selon le nouveau régime de financement des soins. Dès que ces données seront disponibles, le DFI examinera la neutralité des coûts concernant les contributions aux soins qu'il adaptera si nécessaire.

20

21

La CSSS-CE a également discuté ce thème dans le cadre de l'examen préalable de l'intervention du canton de Thurgovie: Modification de l'article 25a LAMal en relation avec le financement des soins (14.317 é). Cf. à ce sujet le rapport du 27 mars 2015 de la CSSS-CE (www.parlament.ch > Recherche Curia Vista > Numéro d'objet 14.317).

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S'agissant du changement de système qui passe des tarifs aux contributions, la loi prévoit explicitement la neutralité des coûts pour l'AOS. Le législateur n'a cependant pas exclu une augmentation des contributions par le Conseil fédéral. Celui-ci et le DFI ont par conséquent une marge de manoeuvre pour d'éventuelles augmentations des contributions. De ce fait, il n'est pas nécessaire de légiférer dans ce sens.

Force est de constater que, du fait de l'évolution démographique, le besoin en soins et le nombre de cas ont tendance à augmenter. Puisque le système de contributions selon l'AOS ­ tant dans les soins à domicile dans une catégorie de soins que dans un EMS ­ prévoit un remboursement proportionnel au temps consacré aux soins et au nombre de cas (art. 7a OPAS), l'AOS supporte une augmentation du besoin en soins et des prestations de soins qui lui sont liées. Les coûts des soins à la charge de l'AOS augmentent par conséquent indépendamment du montant des contributions.

2.4.2

Instruments de l'évaluation du besoin en soins

Les EMS doivent facturer les prestations de soins selon le besoin correspondant (art. 9, al. 2, OPAS). Le Conseil fédéral a délégué au DFI la compétence de fixer les montants uniformes pour toute la Suisse. Celui-ci a fixé les montants de l'AOS pour 12 niveaux. Pour les EMS, les montants remboursés sont échelonnés selon la durée du besoin en soins divisée en minutes (art. 7a OPAS). Par ailleurs, le Conseil fédéral est chargé de régler la procédure d'évaluation des soins requis en vertu de l'art. 25a, al. 3, LAMal. Avant le nouveau régime de financement des soins déjà, et encore aujourd'hui, les instruments suivants de saisie des besoins en soins sont utilisés en Suisse: le système BESA de facturation et d'évaluation de la charge en soins des résidents en EMS (Bewohner/-innen- Einstufungs- und ­Abrechnungssystem), PLAISIR (PLAnification. Informatisée des Soins Infirmiers Requis) ainsi que RAI/RUG (Resident Assessment Instrument / Resource Utilisation Groups). Ces instruments évaluent les prestations de soins prises en charge par l'AOS (art. 7 OPAS) spécifiquement à chaque système et donc différemment. Par conséquent, une minute de besoin en soins selon BESA ne correspond pas nécessairement à une minute selon RAI/RUG. Cela implique que, le même cas peut entraîner une evaluation du besoin en soin en minutes différente et donc des remboursements différents.

Pour cette raison, le groupe de pilotage des structures tarifaires II ­ dirigé par Curaviva comprenant des représentants des assureurs, de la CDS et de l'OFSP ­ a entamé en septembre 2009 les travaux pour l'étalonnage des instruments de saisie du besoin en soins BESA et RAI/RUG qui se sont terminés par ses recommandations fin août 201122. En 2013, ce même groupe a débuté la seconde phase de ses travaux avec pour objectif d'harmoniser les trois systèmes utilisés actuellement que sont BESA, PLAISIR et RAI/RUG. La coordination des travaux dans la seconde phase a été reprise par l'OFSP. Dans le cadre d'une seconde étape, les différents systèmes auraient dû être harmonisés de telle sorte que le même besoin en soins et donc le 22

Cf. Information du groupe de pilotage national des structures tarifaires II au sujet de la conclusion de la phase 1 ­ l'étalonnage de BESA et de RAI/RUG, 31 août 2011, www.curaviva.ch/files/N1BV72N/2011_08_31-Information-du-groupe-de-pilotagenational-des-structures-tarifaires-II.pdf.

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même résultat en minutes soit évalué pour le même cas. Suite à la décision de la CDS, fin 2014, de ne pas s'associer aux éventuels projets d'harmonisation des trois systèmes d'évaluation du besoin en soins actuels et de ne pas financer de tels travaux, le groupe de pilotage a décidé, lors de sa séance du 16 mars 2015, de mettre un terme au projet et de dissoudre le groupe.

Dans la ligne de la réponse du Conseil fédéral du 13 mars 2015 à l'interpellation 14.4191, celui-ci va maintenant examiner la suite à donner à la question des systèmes d'évaluation des besoins en soins et prendre une décision.

2.4.3

Distinction entre coûts de soins et coûts d'assistance

La problématique du manque de distinction entre les coûts pour les prestations de soins et ceux pour les prestations d'assistance a également été soulevée. Il existe un risque que des coûts de soins non couverts soient répercutés sur les assurés sous «Assistance».

Les prestations de soins sont énumérées de manière exhaustive à l'art. 7, al. 2, OPAS qui a déjà le caractère d'une liste d'activités. Les EMS doivent tenir une comptabilité analytique (art. 49, al. 7 et art. 50 LAMal) en vue d'une évaluation transparente des coûts de soins. La comptabilité analytique doit comprendre en particulier les charges par nature, les centres de coûts, les unités finales d'imputation et le classement des prestations (art. 9, al. 2, de l'ordonnance sur le calcul des coûts et le classement des prestations par les hôpitaux, les maisons de naissance et les établissements médico-sociaux dans l'assurance-maladie OCP)23. La comptabilité analytique doit aussi permettre une justification appropriée des coûts des prestations.

Les coûts doivent être imputés aux prestations dans une forme adéquate (art. 9, al. 3, OCP), par ex., au moyen d'une saisie des temps de travail. Les cantons utilisent les résultats pour déterminer les coûts normalisés et fixer le financement résiduel qui peut être accepté. Actuellement, les comptabilités analytiques des EMS donnent des images différentes de sorte que la transparence des coûts nécessaire ne peut pas encore être atteinte. Il faut souligner qu'il n'est pas conforme à la loi de facturer à une personne assurée des prestations obligatoires de la LAMal sous la rubrique «Hôtellerie» ou «Assistance» ou d'introduire une nouvelle taxe afin de couvrir les coûts de soins. Les patients doivent participer à ces coûts au maximum à hauteur de la contribution selon l'art. 25a, al. 5, LAMal.

S'agissant des coûts normalisés mentionnés, force est de constater que leur fixation par les cantons revêt une très grande importance, ce qui a été signalé de diverses parts dans le cadre des auditions au sein de la sous-commission «Financement des soins». La problématique des coûts de soins non couverts peut résulter d'une fixation incorrecte des coûts normalisés. Les conditions pour la fixation de coûts normalisés appropriés doivent donc être améliorées (notamment normes uniformes pour la comptabilité analytique,
imposition d'une preuve des coûts transparente, etc.). Dans ce domaine, la commission reconnait un besoin d'action mais pas de la part du législateur fédéral mais plutôt de celle des fournisseurs de prestations et des cantons.

23

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Les prestations de soins prises en charge par la LAMal sont mentionnées de manière exhaustive au niveau de l'ordonnance. Les EMS doivent tenir une comptabilité analytique qui permet de faire une distinction entre les coûts pour les prestations LAMal et ceux qui ne sont pas pris en charge tels que les coûts d'assistance. La commission voit donc peu de besoin de réglementation. L'obligation inclut les fournisseurs de prestations et les cantons. Les cantons doivent notamment veiller à ce que les fournisseurs de prestations tiennent correctement leur comptabilité analytique. Par lettre du 23 juin 2015, l'OFSP a rappelé aux associations de fournisseurs de prestations et aux cantons que selon les exigences légales la comptabilité analytique et la saisie des prestations doivent être transparentes et les exigences de l'OCP respectées.

2.4.4

Soins aigus et de transition

L'actuelle réglementation des soins aigus et de transition est également critiquée.

Celle-ci ne s'est pas imposée et ne correspond pas aux besoins. Ainsi la définition et l'ampleur des prestations sont formulées trop ouvertement, la durée de deux semaines est estimée trop brève et les prestations d'hôtellerie doivent être financées par les personnes concernées.

Avec cette réglementation, le législateur voulait introduire un besoin en soins limité dans le temps à la suite d'un séjour hospitalier et rémunérer par conséquent les soins aigus et de transition selon la réglementation du financement hospitalier. Les prestations qui se révèlent nécessaires à la suite d'un séjour hospitalier et sont prescrites par un médecin sont rémunérées pour une durée maximale de deux semaines. Le canton de résidence de l'assuré et les assureurs prennent proportionnellement en charge les coûts des prestations des soins aigus et de transition, la part cantonale s'élevant au moins à 55 %. Les fournisseurs de prestations et les assureurs doivent convenir de forfaits pour ces prestations qui, en termes de contenu, correspondent à l'art. 7 OPAS (art. 25a, al. 2, LAMal). La réglementation légale est donc suffisamment claire. Le système a été introduit pour atténuer le passage du financement intégral à un financement par contributions et pour atténuer les effets des possibles sorties plus rapides de l'hôpital par l'introduction d'un système DRG forfaitaire. Les coûts pour l'hôtellerie et l'assistance sont ainsi financés aussi longtemps qu'un séjour hospitalier est nécessaire. Les soins aigus et de transition n'entrent en ligne de compte qu'à la suite d'un séjour hospitalier. Une modification de la durée pendant laquelle ces prestations sont rémunérées par l'AOS et le canton de résidence de l'assuré ne peut avoir lieu qu'en se fondant sur une base statistique ou médicale.

Etant donné l'orientation de l'initiative parlementaire, la commission a mis entre parenthèses les questions concernant les soins aigus et de transition. Les assureurs et les fournisseurs de prestations sont invités à convenir de forfaits pour ces soins.

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2.5

Procédure de consultation

Par lettre du 9 septembre 2015, la CSSS-CE a invité les cantons, les partis politiques et les milieux intéressés à prendre position sur son avant-projet dans le cadre d'une consultation. La documentation a été envoyée à 124 destinataires, qui pouvaient donner leur avis jusqu'au 18 décembre 2015. Au total, la commission a reçu 61 avis écrits24.

De nombreux cantons25 ainsi que la CDS se sont montrés favorables à la modification proposée, relevant toutefois qu'elle n'allait pas assez loin. Une large majorité des participants ont salué la cohérence entre la compétence prévue pour le financement résiduel et la réglementation concernant les prestations complémentaires.

Certains cantons ont expressément souhaité que le montant du financement résiduel soit défini par le canton de provenance et qu'en aucun cas les patients concernés ne doivent prendre en charge une éventuelle différence de tarif. Un grand nombre de cantons ont estimé qu'il était nécessaire de définir une disposition transitoire régissant la situation des patients qui étaient déjà soignés hors de leur canton avant l'entrée en vigueur de la modification proposée. Plusieurs cantons ont souhaité que les réglementations aillent plus loin en ce qui concerne le montant des contributions de l'AOS aux prestations de soins ou les soins aigus et de transition. Trois cantons (UR, TI, GE) ont rejeté le projet de révision.

De manière générale, les partis politiques, les associations faîtières de l'économie et les associations d'assureurs ont également approuvé la modification proposée. Certains ont toutefois craint que les coûts soient reportés sur les patients lorque les soins prodigués dans un autre canton sont plus chers que les tarifs fixés par le canton de provenance. Les représentants des patients ont émis la même réserve.

La majorité des fournisseurs de prestations ont salué la volonté d'améliorer la situation; toutefois, ils ont estimé que la réglementation proposée ne suffirait pas à résoudre les nombreux problèmes dans le financement des soins. Par exemple, ils ont cité l'échelonnement et le montant des contributions de l'AOS aux prestations de soins, la participation des patients, l'évaluation du besoin en soins ainsi que la durée et le financement des soins aigus et de transition.

Plusieurs associations de fournisseurs de prestations
ont estimé que la réglementation proposée dans le domaine des soins à domicile n'était pas réalisable, car la charge administrative dans le cas de patients issus d'autres cantons serait trop importante; partant, les organisations de soins à domicile factureraient probablement l'intégralité des coûts à leurs patients extra-cantonaux, auxquels elles laisseraient le soin de réclamer le remboursement auprès de leur canton de provenance.

24

25

Rapport sur les résultats de la consultation concernant la modification de la loi fédérale sur l'assurance-maladie. Initiative parlementaire Amender le régime de financement des soins. Office fédéral de la santé publique, mars 2016, disponible sur www.parlement.ch > Objet 14.417 > Procédure de consultation.

ZH, LU, SZ, OW, NW, GL, ZG, FR, BS, SH, AR, AI, SG, GR, AG, TG, VD, NE, JU

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3

Grandes lignes de la nouvelle réglementation

La modification de loi proposée doit permettre de déterminer clairement, dans tous les cas, quel canton est compétent en matière de financement résiduel des prestations de soins ambulatoires ou dispensées dans un EMS. L'art. 25a, al. 5, LAMal doit donc être complété avec les deux phrases suivantes: «Le canton de domicile de la personne assurée est compétent pour fixer et verser le financement résiduel. Le séjour dans un établissement médico-social ne fonde aucune nouvelle compétence».

Cette réglementation s'aligne sur l'art. 21, al. 1, LPC. Les expériences faites avec cette disposition en vigueur depuis le 1er janvier 2012 ont montré que les différends en matière de compétence ont fortement regressé, ce qui contribue à la clarté et à la sécurité du droit.

Si le canton de provenance prend en charge le financement résiduel des prestations de soins également pour un séjour en EMS extracantonal, on peut éviter que les cantons qui disposent de plus de places en EMS que nécessaire pour leur population soient défavorisés financièrement, ce qui encourage une planification intercantonale des EMS.

La nouvelle réglementation ne s'applique pas uniquement aux cas d'un séjour en EMS extracantonal mais aussi aux cas de soins ambulatoires fournis hors canton (art. 25a, al. 1, LAMal). Lors de séjours de courte durée (par ex., chez ses enfants à la maison) dans d'autres cantons, durant lesquels des soins ambulatoires sont dispensés (par ex., prestations d'aide et de soins à domicile) aucun nouveau domicile n'est créé, le canton de domicile reste donc compétent pour le financement résiduel des prestations de soins.

Etant donné que, dans la nouvelle réglementation, le canton de provenance est compétent pour la fixation du financement résiduel, on ne peut exclure que les montants qu'il a fixés s'écartent de ceux qui seraient nécessaires dans un autre canton pour couvrir les coûts résiduels des soins. Par conséquent, la personne assurée devra sans doute prendre prendre en charge les coûts restants. Si elle n'est pas en mesure de s'en acquitter, les coûts résiduels sont pris en charge par le canton de provenance.

4

Commentaire des différentes dispositions

Art. 25a, al. 5 L'art 25a, al. 5, est complété par une troisième et une quatrième phrases. La troisième phrase détermine le canton compétent pour la fixation et le paiement du financement résiduel. Il s'ensuit que le canton compétent pour le paiement du financement résiduel fixe le montant correspondant selon ses règles en respectant le cadre défini par le droit fédéral. La quatrième phrase fixe que le séjour dans un EMS ne fonde aucune nouvelle compétence, et, par conséquent, si ce séjour est extracantonal c'est le canton de provenance de la personne assurée qui est compétent en matière de financement résiduel.

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Le terme d'«établissement médico-social» utilisé dans la formulation se réfère à une notion existant dans la LAMal. Selon l'art. 39, al. 3, LAMal, il s'applique aux établissements, aux institutions et aux divisions d'établissements ou d'institutions qui prodiguent des soins, une assistance médicale et des mesures de réadaptation à des patients pour une longue durée. Les établissements médico-sociaux sont admis en fin de compte au moyen de la planification cantonale les concernant.

La quatrième phrase ne règle pas le cas d'un séjour hospitalier ­ contrairement à l'art. 21, al. 1, LPC. La prise en charge de la part cantonale en cas de traitement hospitalier est déjà réglée spécifiquement dans la LAMal puisqu'elle est attribuée au canton de résidence (art. 41, al. 1bis, et art. 49a, al. 2 et 3 LAMal), ou de domicile (ATF 131 V 59, 64). On ne peut exclure que la personne qui se trouve dans un EMS extracantonal fonde son domicile dans ce canton avant un séjour hospitalier. Cela impliquerait que, le canton dans lequel se trouve l'EMS serait tenu en tant que canton de résidence de prendre en charge la part cantonale pour le traitement hospitalier. Un tel séjour hospitalier n'influence par contre pas l'application du nouvel art. 25a, al. 5, OAMal: Le canton compétent en matière de financement résiduel ne change pas lorsqu'après un séjour hospitalier, la personne assurée retourne dans l'EMS.

5

Conséquences

5.1

Conséquences financières et sur le personnel

La réglementation proposée n'a pas de répercussions sur le personnel. Les cantons sont toujours compétents pour la réglementation du financement résiduel des prestations de soins. Des transferts financiers entre les cantons peuvent toutefois avoir lieu car, selon le projet, la fixation et le paiement du financement résiduel incombent toujours au canton de provenance en cas de séjour dans un EMS extracantonal. Etant donné les différentes réglementations cantonales actuellement appliquées, il n'est toutefois pas possible de quantifier de tels transferts.

5.2

Applicabilité

Les cantons demeurent compétents pour la réglementation du financement résiduel de prestations de soins. En principe, aucune nouvelle tâche d'application n'est créée.

Par contre, les différends juridiques dans lesquels les cantons doivent prouver ou contester un changement de domicile disparaissent.

La réglementation proposée simplifie la définition des compétences. Le canton compétent est toujours celui dans lequel la personne assurée avait son domicile avant l'entrée dans un home, donc le canton de provenance. Si la personne assurée change de domicile lors de son entrée dans le home, cela n'a aucune influence sur la compétence en matière de financement résiduel de prestations de soins. De cette manière, la situation juridique est claire; il est en règle générale simple et rapide de déterminer le domicile civil avant l'entrée dans un home.

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5.3

Autres conséquences

Aucune autre conséquence n'est attendue.

6

Relation avec le droit européen

S'agissant de la garantie de la libre circulation des personnes, le Code européen de sécurité sociale ne vise pas une harmonisation des systèmes nationaux dans ce domaine. Les Etats membres ont une très grande marge de manoeuvre pour l'aménagement de leurs systèmes de sécurité sociale dans le cadre des principes (par ex., interdiction de discrimination, prise en compte des périodes d'assurance, prestations transfrontalières, etc.) exprimés dans le Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (RS 0.831.109.268.1) et qui sont appliqués selon le règlement (CE) n° 987/2009 (RS 0.831.109.268.11). Depuis l'entrée en vigueur de l'Accord entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (RS 0.142.112.681), le 1er juin 2002, ces principes de coordination prévalent pour la Suisse également.

7

Bases légales

7.1

Constitutionnalité et légalité

La présente loi se fonde sur l'art. 117 de la Constitution fédérale qui confère à la Confédération une compétence exhaustive pour l'aménagement de l'assurancemaladie. Le principe de la prise en charge par la collectivité publique des coûts des soins non couverts est une question qui ne relève pas du droit cantonal autonome mais bien du droit fédéral (ATF 140 V 58 consid. 4.1; 140 V 563 consid. 5.4.1). Le législateur fédéral est donc compétent pour fixer une règle de conflit déterminant quelle collectivité publique est tenue de prendre en charge une prestation et selon quelles règles.

7.2

Délégation de compétences législatives

Le projet n'octroie pas au Conseil fédéral de nouvelle compétence législative.

7.3

Forme de l'acte

La présente loi revêt la forme d'une loi fédérale ordinaire conformément à l'art. 164 de la Constitution fédérale.

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