16.076 Message concernant la loi fédérale sur le traitement fiscal des sanctions financières du 16 novembre 2016

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous priant de l'adopter, le projet de loi fédérale sur le traitement fiscal des sanctions financières.

Par la même occasion, nous vous proposons de classer l'intervention parlementaire suivante: 2015

M 14.3450

Déductibilité fiscale des amendes (CE 15.09.14, Luginbühl; CN 02.03.15)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

16 novembre 2016

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Johann N. Schneider-Ammann Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2016-1882

8253

Condensé Le Conseil fédéral met en oeuvre la motion Luginbühl «Déductibilité fiscale des amendes» (14.3450) par le présent projet de loi fédérale. La motion demande que le traitement fiscal des amendes et des autres sanctions financières à caractère pénal infligées aux entreprises soit expressément prévu dans une base légale.

Contrairement aux sanctions visant à réduire le bénéfice qui n'ont pas de caractère pénal, ces charges ne doivent pas pouvoir être déduites de l'assiette de l'impôt. La motion préconise d'atteindre cet objectif en modifiant la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct (LIFD) et la loi fédérale sur harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID).

Le projet contient aussi les règles régissant la non-déductibilité des commissions occultes versées à des particuliers et de dépenses qui permettent la commission d'infractions ou qui constituent la contrepartie convenue pour la commission d'infractions.

Contexte Le traitement fiscal des amendes et des sanctions administratives de nature financière n'est expressément prévu ni dans la LIFD ni dans la LHID. Seules les amendes fiscales, qui ne peuvent pas être déduites de l'assiette de l'impôt, font l'objet d'une disposition expresse. Cette question est controversée dans la doctrine et dans la pratique. Dans son rapport du 12 septembre 2014 en réponse au postulat du 14 mars 2014 «Sanctions financières comme par exemple les amendes. Déduction fiscale autorisée» (Po. 14.3087; Leutenegger Oberholzer), le Conseil fédéral a relevé qu'il s'agit en l'occurrence d'une question d'interprétation. De l'avis du Conseil fédéral, le droit en vigueur ne permet pas la déduction des amendes ni des sanctions administratives de nature financière à caractère pénal. En revanche, les sanctions visant à réduire le bénéfice qui n'ont pas de caractère pénal peuvent être déduites à titre de charge justifiée par l'usage commercial. La procédure de consultation a montré que la majorité des cantons partage la conception du droit du Conseil fédéral, mais qu'il n'existe pas de pratique bien établie sur ce point dans plusieurs cantons. Le Tribunal fédéral a confirmé l'avis du Conseil fédéral dans un arrêt du 26 septembre 2016.

Depuis le 1er juillet 2016, le versement de commissions occultes à des particuliers est punissable en vertu du code pénal
(CP), même s'il ne fausse pas la concurrence.

Il y a une exception pour les cas de peu de gravité.

Contenu du projet Le projet donne une base légale claire au traitement fiscal des sanctions financières dans le domaine de l'entreprise. Il prévoit expressément que les sanctions financières à caractère pénal, c'est-à-dire les amendes, peines pécuniaires et sanctions administratives de nature financière ne constitueront plus à l'avenir une charge justifiée par l'usage commercial. Les sanctions visant à réduire le bénéfice qui n'ont pas de caractère pénal demeurent déductibles de l'assiette impôt.

8254

Dans le cadre des impôts sur le revenu et sur le bénéfice, les versements de commissions occultes à des particuliers, s'ils sont passibles de sanctions d'après le droit pénal suisse, ne constitueront pas des charges justifiées par l'usage commercial. Il en va de même des dépenses qui permettent la commission d'infractions ou qui constituent la contrepartie convenue pour la commission d'infractions.

Les dispositions proposées à la fois pour la LIFD et la LHID s'appliquent tant aux raisons individuelles qu'aux entreprises de personnes.

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Table des matières Condensé

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1

8258 8258

Présentation du projet 1.1 Contexte 1.1.1 Mise en oeuvre de la motion «Déductibilité fiscale des amendes» 1.1.2 Commissions occultes versées en cas de corruption privée 1.2 Droit en vigueur 1.2.1 Amendes, peines pécuniaires et sanctions administratives de nature financière à caractère pénal 1.2.1.1 Aspects non controversés 1.2.1.2 Aspects controversés 1.2.1.3 Position du Conseil fédéral 1.2.2 Sanctions visant à réduire le bénéfice qui n'ont pas de caractère pénal 1.2.3 Commissions occultes versées en cas de corruption privée 1.2.4 Dépenses qui permettent la commission d'infractions ou qui constituent la contrepartie convenue pour la commission d'infractions 1.2.5 Frais de procès 1.3 Nouvelle réglementation proposée 1.4 Justification et appréciation de la nouvelle réglementation 1.4.1 Résultat de la consultation 1.4.2 Amendes, peines pécuniaires et sanctions administratives de nature financière à caractère pénal 1.4.3 Abandon de la réglementation sur la non-déductibilité des frais de procès 1.4.4 Sanctions visant à réduire le bénéfice qui n'ont pas de caractère pénal 1.4.5 Commissions occultes versées en cas de corruption privée 1.4.6 Dépenses qui permettent la commission d'infractions ou qui constituent la contrepartie convenue pour la commission d'infractions 1.5 Droit comparé 1.5.1 Allemagne 1.5.2 France 1.5.3 Italie 1.5.4 États-Unis 1.6 Mise en oeuvre 1.6.1 Application et entrée en vigueur 1.6.2 Droit transitoire 1.7 Classement d'interventions parlementaires

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2

Commentaire des différents articles 2.1 Loi fédérale sur l'impôt fédéral direct 2.2 Loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes

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3

Conséquences 3.1 Conséquences sur les finances et sur le personnel 3.1.1 Conséquences financières 3.1.2 Conséquences sur le personnel 3.2 Conséquences pour l'économie 3.2.1 Conséquences sur l'attrait de la place économique 3.2.2 Conséquences sur l'équité fiscale et le civisme des contribuables

8282 8282 8282 8282 8282 8282

4

Lien avec le programme de la législature

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5

Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité 5.2 Compatibilité avec les engagements internationaux de la Suisse 5.3 Forme de l'acte à adopter

8283 8283

Loi fédérale sur le traitement fiscal des sanctions financières (Projet)

8281

8283

8285 8285 8287

8257

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Message 1

Présentation du projet

1.1

Contexte

1.1.1

Mise en oeuvre de la motion «Déductibilité fiscale des amendes»

La motion «Déductibilité fiscale des amendes» du 16 juin 2014 (14.3450; motion Luginbühl) demande la modification de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD)1 et de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID) 2. La révision doit prévoir que les amendes et autres sanctions financières à caractère pénal prononcées en Suisse et à l'étranger ne constituent pas des charges justifiées par l'usage commercial. Le Conseil fédéral est chargé de soumettre au Parlement un projet de loi correspondant.

Le 12 septembre 2014, le Conseil fédéral a proposé d'accepter la motion. Dans le même temps, il a adopté un rapport en réponse au postulat «Sanctions financières comme par exemple les amendes. Déduction fiscale autorisée» du 14 mars 2014 (14.3087; postulat Leutenegger Oberholzer). Ce rapport (ci-après: «rapport du 12 septembre 2014») présente la situation juridique en vigueur.

Le 15 septembre 2014, le Conseil des États a adopté la motion «Déductibilité fiscale des amendes» mise en oeuvre par le présent projet de loi. Le 2 mars 2015, le Conseil national s'est rallié à la décision du Conseil des États et a transmis la motion au Conseil fédéral. Le Conseil fédéral a alors préparé un projet répondant aux attentes de l'auteur de la motion et l'a mis en consultation du 18 décembre 2015 au 11 avril 2016.

La motion s'inscrit dans une série d'interventions parlementaires qui, après les litiges qu'ont connus les banques suisses avec les autorités américaines, ont pour objet la déductibilité fiscale des amendes et autres sanctions financières. Actuellement, les motions «Déductibilité fiscale des amendes. Pour une réglementation claire» (14.3626; motion du Groupe PDC) et «Déductibilité fiscale des amendes» (14.3444; motion du groupe BD) sont pendantes devant le Parlement.

1.1.2

Commissions occultes versées en cas de corruption privée

Depuis 2000, le droit pénal suisse de la corruption s'est développé et durci. Les différentes révisions concernaient notamment la corruption d'agents publics et ont été effectuées dans le contexte de l'adhésion de la Suisse à la Convention du 17 décembre 1997 sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans 1 2

RS 642.11 RS 642.14

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les transactions commerciales internationales (ci-après Convention de l'OCDE)3 et à la Convention pénale du 27 janvier 1999 sur la corruption (ci-après Convention pénale du Conseil de l'Europe)4, ainsi que dans le contexte de la ratification du Protocole additionnel du 15 mai 2003 à la Convention pénale sur la corruption 5.

Dans le cadre de ces révisions, les commissions occultes, au sens du droit pénal suisse, versées à des agents publics suisses ou étrangers ne sont plus admises à titre de charge justifiée par l'usage commercial pour les impôts sur le revenu depuis le 1er janvier 2001 (art. 27, al. 3 et 59, al. 2, LIFD; art. 10, al. 1bis et 25, al. 1bis, LHID6).

Contrairement à la Convention de l'OCDE, la Convention pénale du Conseil de l'Europe sur la corruption ne lutte pas seulement contre la corruption des agents publics mais aussi contre la corruption de particuliers. Suite à la ratification de cette Convention, la Suisse fait partie du Groupe d'États contre la corruption (GRECO) depuis le 1er juillet 2006. Ce dernier contrôle la mise en oeuvre des normes de la Convention pénale sur la corruption dans le cadre d'examens par pays (examens par les pairs), dont les résultats sont consignés dans un rapport de conformité.

L'adhésion de la Suisse à la Convention pénale sur la corruption a permis d'étendre la punissabilité de la corruption privée, laquelle n'était régie que de manière fragmentaire par le droit de la concurrence auparavant (art. 4a de la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale, LCD 7).

Dans le cadre du troisième cycle d'évaluation, le GRECO a formulé différentes recommandations pour la Suisse, notamment dans le domaine de la lutte contre la corruption à poursuivre pénalement. Dans ce contexte, le Conseil fédéral a adopté le 30 avril 2014 un message concernant la modification du code pénal 8 (Dispositions pénales incriminant la corruption)9. La corruption privée doit notamment être poursuivie d'office car la condition de la plainte constitue un obstacle trop élevé pour une poursuite résolue de cette corruption, comme le montre le petit nombre de cas avérés. En outre, la corruption privée doit être punissable indépendamment de la condition, en vigueur aujourd'hui, qu'il existe un lien entre corruption privée et concurrence déloyale. Par conséquent, la
corruption privée doit être punissable aussi en l'absence d'une situation classique de concurrence.

Le Parlement a adopté le projet le 25 septembre 2015. Il a approuvé le projet du Conseil fédéral, avec une exception pour les cas peu graves qui ne seront poursuivis que sur plainte. La modification du droit pénal réprimant la corruption est entrée en vigueur le 1er juillet 2016. D'après le troisième rapport de conformité intérimaire relevant du troisième cycle d'évaluation du GRECO, cette modification de la loi

3 4 5 6 7 8 9

RS 0.311.21; entrée en vigueur pour la Suisse le 30 juillet 2000.

RS 0.311.55; entrée en vigueur pour la Suisse le 1er juillet 2006.

RS 0.311.551; entrée en vigueur pour la Suisse le 1er juillet 2006.

Introduit par le ch. I de la loi fédérale du 22 décembre 1999 sur l'interdiction de déduire fiscalement les commissions occultes (RO 2000 2147; FF 1997 II 929, IV 1195).

RS 241 RS 311.0 FF 2014 3433

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applique de manière satisfaisante les recommandations relatives aux incriminations10.

Aucune modification de la LIFD ni de la LHID n'a été traitée dans le cadre de cette modification du CP. Cependant, comme il s'agit de dépenses liées à des infractions tant dans la motion à mettre en oeuvre que dans le cadre du traitement fiscal des commissions occultes versées à des particuliers, cette question est reprise dans le présent projet de loi.

1.2

Droit en vigueur

1.2.1

Amendes, peines pécuniaires et sanctions administratives de nature financière à caractère pénal

1.2.1.1

Aspects non controversés

Le principe selon lequel le bilan commercial fait autorité pour déterminer le bénéfice imposable d'une entreprise (principe de l'autorité du bilan commercial) n'est pas contesté. Le bilan commercial et le compte de résultats doivent donc servir de base pour déterminer le bénéfice au regard du droit fiscal. Il n'est dérogé au bilan commercial à des fins fiscales que lorsqu'une prescription exige un ajustement fiscal.

Le droit en vigueur prévoit nommément un tel ajustement pour les amendes fiscales de personnes morales. Ces amendes sont expressément exclues des charges justifiées par l'usage commercial (art. 59, al. 1, let. a, LIFD, et 25, al. 1, let. a, LHID) et ne sont donc pas déductibles.

La situation juridique est également claire pour ce qui est du traitement fiscal des amendes, des sanctions pécuniaires et des sanctions administratives à caractère pénal infligées à des personnes physiques sans activité lucrative indépendante. Les art. 26, 32 à 33a et 35 LIFD ainsi que l'art. 9 LHID énumèrent de manière exhaustive les frais et dépenses qui peuvent être déduits de l'assiette de l'impôt. Comme les amendes, peines pécuniaires et sanctions administratives à caractère pénal ne sont pas mentionnées dans cette énumération exhaustive des coûts qui peuvent être déduits de l'assiette de l'impôt, elles ne sont pas déductibles.

En revanche, il n'existe pas de disposition expresse prescrivant un ajustement pour ce qui est des amendes fiscales infligées à des personnes physiques exerçant une activité lucrative indépendante. Étant donné toutefois que, pour toutes les personnes physiques, les impôts ne sont pas déductibles (art. 34, let. e, LIFD), la nondéductibilité s'étend a fortiori aux amendes fiscales. Dans la pratique, il n'est pas contesté que les amendes fiscales infligées aux personnes physiques exerçant une activité lucrative indépendante ne sont pas déductibles non plus.

10

GRECO/Conseil de l'Europe, Troisième cycle d'évaluation, Troisième Rapport de Conformité intérimaire sur la Suisse, Incriminations ­ Transparence du financement des partis politiques, ch. 15 (www.coe.int > Evaluations > Third Evaluation Round > Table on Evaluation and Compliance Reports > Switzerland > 3rd / 3e interim public (25.VIII.2016).

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1.2.1.2

Aspects controversés

La LIFD et la LHID ne règlent pas expressément le traitement fiscal des amendes, des peines pécuniaires et des sanctions administratives de nature financière à caractère pénal infligées à des personnes exerçant une activité lucrative indépendante.

Elles ne contiennent pas non plus de disposition expresse réglant le traitement fiscal des amendes (sauf amendes fiscales) et des sanctions administratives de nature financière à caractère pénal infligées à des personnes morales. Ces questions sont controversées tant dans la doctrine que dans la pratique.

Dans une partie de la doctrine, l'argument est que seules les entrées nettes de revenus peuvent être imposées et que l'ensemble des dépenses nécessaires à l'acquisition du revenu doivent être déduites de l'assiette de l'impôt. Ce raisonnement est fondé sur le principe objectif net qui découle du principe constitutionnel de l'imposition selon la capacité économique inscrit à l'art. 127, al. 2, de la Constitution (Cst.)11. Si l'on se fonde sur le principe reconnu de la neutralité du droit fiscal, les revenus provenant d'affaires illicites sont imposés et les dépenses effectuées en vue de leur réalisation peuvent être déduites de l'assiette de l'impôt12. Les dépenses pour lesquelles un ajustement est prévu par une disposition légale dérogeant au principe de l'autorité du bilan commercial sont exceptées13.

Parfois, la déductibilité des amendes est également approuvée au motif que le texte de loi n'excepte que les amendes fiscales des charges déductibles de l'assiette de l'impôt. Les amendes prononcées en application du code pénal et du droit pénal accessoire sont donc déductibles14.

D'autres auteurs sont d'avis que les amendes ne constituent pas des charges justifiées par l'usage commercial parce qu'elles sont la conséquence d'un comportement délictueux15 ou parce qu'elles n'ont pas de fonction de compensation, contrairement aux dommages-intérêts16.

En pratique, la déduction des amendes, peines pécuniaires et sanctions administratives à caractère pénal n'est pas admise dans la plupart des cantons17.

11

12 13 14 15 16 17

Simonek Madeleine, Rechtsgutachten betreffend die Einzelinitiative KR-Nr. 20/2010 zur Abzugsfähigkeit von Bussen vom Steuerbaren Gewinn erstattet an das kantonale Steueramt Zürich, Zurich, 2011 (citation des expertises juridiques), ch. 5.2 (www.zh.ch > aktuell > news > Suche/Archiv > 29.09.2011 Einzelinitiative zu Abzugsfähigkeit von Bussen wird abgelehnt > Rechtsgutachten von Prof. Dr. iur. Madeleine Simonek).

Simonek Madeleine, op.cit., citation des expertises juridiques, ch. 5.3.

Simonek Madeleine, op.cit., citation des expertises juridiques, ch. 5.1.

Richner Felix/Frei Walter/Kaufmann Stefan/Meuter Hans Ulrich, Handkommentar zum DBG, 2e édition, Zurich 2009, N 4 concernant l'art. 59 LIFD.

Agner Peter/Jung Beat/Steinmann Gotthard, Kommentar zum Gesetz über die direkte Bundessteuer, Zurich, 2000, ch. 1 concernant l'art. 59 LIFD.

Locher Peter, Kommentar zum DBG, IIe partie, 1re éd., Therwil/Bâle, 2004, N 35 sur l'art. 27 LIFD.

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 3.5; ce rapport peut être consulté sous www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2015 > DFF.

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Le caractère non déductible des amendes était fondé jusqu'à présent sur d'anciens arrêts du Tribunal fédéral18. Dans un premier arrêt en 1944, le Tribunal fédéral devait se prononcer sur le traitement fiscal d'une amende pour non-respect des dispositions de la loi fédérale sur le commerce des denrées alimentaires et de divers objets usuels. Il a considéré que l'amende infligée à un distillateur exerçant une activité lucrative indépendante n'était pas déductible. Il a motivé son arrêt sur le fait que la responsabilité pénale incombe à l'auteur personnellement, même si le délit a été commis dans le cadre de l'exploitation commerciale. Dans un arrêt du 26 septembre 2016, le Tribunal fédéral a jugé le traitement fiscal d'une amende de la Commission européenne relative à la concurrence. Il a conclu que les amendes et les sanctions administratives à caractère pénal ne constituent pas des charges justifiées par l'usage commercial et ne sont pas déductibles. Il a ainsi confirmé l'avis du Conseil fédéral19.

1.2.1.3

Position du Conseil fédéral

Dans son rapport du 12 septembre 2014, le Conseil fédéral a conclu que la question de savoir si les amendes et les sanctions administratives de nature financière à caractère pénal étaient déductibles constituait une question d'interprétation.

Traitement fiscal des sanctions financières à caractère pénal infligées à des indépendants D'après ce rapport, les charges des personnes physiques exerçant une activité lucrative indépendante pouvant être déduites sont énumérées de façon non exhaustive dans la LIFD et la LHID (art. 27, al. 2, et 29, al. 1, LIFD; art. 10, al. 1, et 25, al. 1, LHID). Le traitement fiscal des amendes (autres que fiscales), des peines pécuniaires infligées aux personnes exerçant une activité lucrative indépendante et des sanctions administratives de nature financière à caractère pénal dépend du fait qu'elles constituent des charges justifiées par l'usage commercial ou non.

D'après ce rapport, la notion de charge justifiée par l'usage commercial concerne uniquement les activités commerciales, c'est-à-dire celles qui visent à obtenir un bénéfice. Elle n'est définie de manière générale et abstraite ni dans la LIFD ni dans la LHID. Dans différents arrêts, le Tribunal fédéral a défini la notion de charge justifiée par l'usage commercial de la manière suivante: «Une dépense commerciale est en principe justifiée par l'usage commercial lorsque l'exploitation et l'objectif de réaliser un bénéfice qu'elle poursuit ont un lien de causalité avec la dépense. Pour que la dépense puisse être classée dans la sphère commerciale, la causalité entre l'exploitation et la dépense doit reposer sur un fait, le caractère factuel d'une dépense étant déterminé à l'aide de la notion utilisée en droit commercial de l'obligation de diligence objectivée du directeur ordinaire [...]. Ce

18 19

ATF 70 I 250, consid. 4; confirmé par les arrêts du 31 mai 1946 et du 30 mai 1952.

Arrêt du Tribunal fédéral du 26 septembre 2016 (2C 916/2014 et 2C 917/2014).

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qui, du point de vue commercial, peut être ajouté aux dépenses effectuées en toute bonne foi doit être considéré comme justifié par l'usage commercial.»20 Du point de vue commercial, les dépenses effectuées de bonne foi peuvent être déduites du bénéfice. Cela s'applique aussi aux dépenses qui n'ont pas contribué à réaliser un bénéfice. Dans le compte de résultats, les amendes, peines pécuniaires et sanctions administratives de nature financière à caractère pénal sont donc parfois inscrites à titre de charge. Un acte sanctionné par le droit pénal effectué dans le cadre d'une activité commerciale peut cependant tout à fait entraîner un bénéfice plus élevé pour l'entreprise, parce qu'il permet d'augmenter le chiffre d'affaires ou de diminuer les frais. Dans un tel cas, il y a un lien économique certain entre l'activité entrepreneuriale et l'amende, la peine pécuniaire ou la sanction administrative de nature financière à caractère pénal. La causalité entre exploitation et dépense doit toutefois reposer sur un fait. Le caractère factuel de la dépense est déterminé à l'aide de la notion utilisée en droit commercial de l'obligation de diligence objectivée du directeur ordinaire. Une personne à qui est infligée une amende, une peine pécuniaire ou une sanction administrative de nature financière à caractère pénal n'a pas satisfait à ses obligations légales et n'a donc pas respecté non plus son obligation de diligence. L'obligation de se procurer des informations fait également partie des obligations de diligence. C'est pourquoi le fait que des actes constituant des activités licites en Suisse sont parfois punissables dans les relations internationales ne dispense pas de l'obligation de respecter la loi (conformité) pour les affaires en relation avec l'étranger.

Le Conseil fédéral est d'avis qu'un acte sanctionné par le droit pénal effectué dans le cadre d'une activité commerciale n'est pas un comportement commercial conforme aux règles de la bonne foi et que la condition du caractère factuel d'une amende, d'une peine pécuniaire ou d'une sanction administrative de nature financière à caractère pénal n'est pas remplie pour les personnes exerçant une activité lucrative indépendante.

Traitement fiscal des sanctions financières à caractère pénal infligées à des personnes morales Pour les personnes morales,
l'art. 59, al. 1, let. a, LIFD, exclut les amendes fiscales des charges justifiées par l'usage commercial. En déduire a contrario que les autres amendes et les sanctions administratives de nature financière à caractère pénal constituent des charges justifiées par l'usage commercial serait cependant une erreur, de l'avis du Conseil fédéral. Cet avis se laisse étayer en particulier en considérant l'historique de cette disposition. L'art. 59, al. 1, let. a, LIFD, est entré en vigueur le 1er janvier 1995. La punissabilité des entreprises selon l'art. 102 CP n'était pas encore en vigueur à cette date. Seules les amendes fiscales entraient donc en considération en tant qu'amendes propres à une personne morale. C'est pourquoi seules les amendes fiscales devaient être expressément désignées dans la loi comme des charges non justifiées par l'usage commercial.

20

ATF 113 Ib 114; arrêt du Tribunal fédéral 2A.457/2001 du 4 mars 2002; arrêts du Tribunal fédéral 2P.153/2002 et 2A.358/2002 du 29 novembre 2002.

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Si les amendes et sanctions administratives de nature financière à caractère pénal pouvaient être déduites, cela amoindrirait leur effet punitif par l'intermédiaire du droit fiscal, étant donné que la charge qu'elles engendrent pourrait être réduite à hauteur du montant de la déduction fiscale. Certes, il serait possible d'avancer l'argument selon lequel il faut s'en accommoder car l'amende diminue effectivement le bénéfice de l'entreprise, raison pour laquelle la déduction est justifiée.

Toutefois, si on admet que les recettes fiscales réalisées doivent rester constantes, les facteurs diminuant l'impôt seraient, dans une certaine mesure, à la charge des autres contribuables, qui contribueraient alors indirectement au paiement d'une partie de l'amende, de la peine pécuniaire ou de la sanction administrative de nature financière à caractère pénal. Or, une amende ne doit pas avoir cette fin, étant donné qu'elle doit être infligée à l'auteur de l'infraction et non à la collectivité.

La possibilité de déduire fiscalement les amendes aurait aussi comme conséquence que, tandis que les commissions occultes versées à des agents publics mentionnées à l'art. 59, al. 2, LIFD, ne constitueraient pas une charge justifiée par l'usage commercial et ne seraient donc pas déductibles, les amendes infligées à une personne morale pour corruption en vertu de l'art. 102 CP pourraient, elles, être déduites. Un tel résultat serait contradictoire et irait à l'encontre de la cohérence de la législation.

Sur la base de ces réflexions, le Conseil fédéral considère que selon le droit en vigueur, les personnes morales ne peuvent déduire les amendes, peines pécuniaires et sanctions administratives de nature financière à caractère pénal. En raison de cette non-déductibilité, le Conseil fédéral est d'avis, selon sa conception du droit, que la constitution de provisions pour ces sanctions ne doit pas être entérinée.

Amendes et peines pécuniaires du point de vue du droit pénal Les amendes et les peines pécuniaires constituent des formes de sanction prévues par la loi. Elles sont infligées en raison d'une faute personnelle et ont notamment pour but de sanctionner la culpabilité (principe de la culpabilité). On peut se demander dans quelle mesure une sanction peut avoir une fonction éducative ou dissuasive lorsqu'elle ne touche
pas une personne physique. Pendant longtemps, les seules dérogations au principe de la culpabilité concernaient la punissabilité des personnes morales suite à une violation des obligations de procédure ou en cas de soustraction d'impôt (art. 181 LIFD) et la responsabilité subsidiaire de l'entreprise pour les amendes de peu d'importance selon l'art. 7 de la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif21. Depuis l'entrée en vigueur de la punissabilité des entreprises prévue à l'art. 102 CP, les entreprises peuvent aussi être punies dans les deux cas suivants: ­

21

lorsqu'un crime ou un délit est commis au sein d'une entreprise dans l'exercice d'activités commerciales conformes à ses buts et que le crime ou le délit ne peut être imputé à aucune personne physique déterminée, en raison du manque d'organisation de l'entreprise (punissabilité subsidiaire de l'entreprise, al. 1).

RS 313.0

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­

lorsque l'une des infractions énumérées exhaustivement a été commise, indépendamment de la punissabilité des personnes physiques, il peut être reproché à l'entreprise de ne pas avoir pris toutes les mesures d'organisation raisonnables et nécessaires pour empêcher une telle infraction (punissabilité concurrente ou cumulative de l'entreprise, al. 2).

Dans ces deux cas, l'entreprise peut alors être condamnée à une amende qui peut atteindre cinq millions de francs.

Dans la littérature consacrée au droit pénal, certains auteurs sont d'avis que l'acquittement d'une amende ou d'une sanction financière pour autrui ne constitue pas une entrave punissable à l'action pénale selon l'art. 305 CP, car ce genre de sanctions ne présenteraient pas de caractère personnel (suffisant) 22. Outre le fait que cet avis met fondamentalement en question le but de ce genre de sanctions, il implique que l'amende ou la sanction financière acquittée pour un tiers devrait pouvoir être comptabilisée comme une charge justifiée par l'usage commercial. Cela poserait la question de savoir si l'inégalité de traitement fiscal des personnes condamnées qui en découle serait défendable. Toutefois, en y regardant de plus près, cet avis se révèle peu consistant du point de vue du droit pénal et semble surtout caractérisé par des réflexions pragmatiques (nécessité de la preuve)23. Jusqu'à présent, cet avis n'est pas apparu non plus dans la jurisprudence du Tribunal fédéral.

1.2.2

Sanctions visant à réduire le bénéfice qui n'ont pas de caractère pénal

Les sanctions visant à réduire le bénéfice qui n'ont pas de caractère pénal ne sont pas mentionnées expressément dans les énumérations exemplaires des charges justifiées par l'usage commercial de la LIFD et de la LHID (voir art. 59 LIFD et 25 LHID). C'est pourquoi la question de savoir si de telles sanctions peuvent être déduites de l'assiette de l'impôt est une question d'interprétation.

En se fondant sur la définition par le Tribunal fédéral de la charge justifiée par l'usage commercial (voir ch. 1.2.1.3), on peut déterminer si les sanctions visant à réduire le bénéfice, dans la mesure où elles n'ont pas de caractère pénal, présentent un lien objectif de causalité avec le revenu réalisé et sont donc justifiées du point de vue commercial. Ces sanctions sont prononcées en raison d'une activité commerciale qui rapporte un bénéfice en enfreignant les conditions légales. Elles visent à rétablir une situation conforme au droit en réduisant, l'année de sa réalisation, la part imposée du bénéfice obtenu au moyen d'une infraction. Elles permettent également de corriger tout avantage concurrentiel obtenu grâce au comportement illicite. La sanction visant à réduire le bénéfice vise à créer ainsi un équilibre entre entreprises concurrentes et n'a pas pour but de réparer le tort causé. De l'avis du Conseil fédé22

23

Delnon Vera/Rüdy Bernhard dans Basler Kommentar StGB II, Bâle 2013, art. 305, n 20 s.

D'accord en partie Trechsel Stephan/Affolter-Eijsten in StGB Praxiskommentar, Zurich/St-Gal 2013, art. 305, n 11.

Contre Stratenwerth Günter/Bommer Felix, Strafrecht Besonderer Teil II, Berne 2013, § 57, n 10. En détail à ce sujet Schneider Klaus, Unternehmensstrafbarkeit zwischen Obstruktion und Kooperation, Berne 2009, p. 51 s. avec d'autres indications.

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ral, il faut considérer qu'il existe un lien causal reposant sur des faits entre la sanction et l'activité commerciale et que les sanctions visant à réduire le bénéfice constituent donc une charge justifiée par l'usage commercial. En accord avec la doctrine, le Conseil fédéral estime donc que, d'après le droit en vigueur, les sanctions visant à réduire le bénéfice qui n'ont pas de caractère pénal donnent droit à une déduction fiscale.

En pratique, les sanctions visant à réduire le bénéfice qui n'ont pas de caractère pénal sont en principe déductibles fiscalement 24. Le Tribunal fédéral a confirmé la déductibilité des sanctions visant à réduire le bénéfice qui n'ont pas de caractère pénal dans l'arrêt du 26 septembre 201625.

La constitution de provisions pour les sanctions visant à réduire le bénéfice est admise aux conditions des art. 26 et 63 LIFD, et 24, al. 4 en relation avec l'art. 10, al. 1, let. b, LHID. La raison à l'origine de ce risque de pertes doit déjà être survenue au cours de l'exercice. Pour que la provision puisse être qualifiée de charge justifiée par l'usage commercial, la charge correspondante doit pouvoir, compte tenu des circonstances concrètes, être attribuée sur le plan commercial à l'exercice écoulé.

Les provisions sont donc limitées par le principe de la périodicité. Le risque de pertes doit être une conséquence immédiate et nécessaire de la réalisation de recettes au cours de l'exercice, indépendamment du moment auquel la dépense aura effectivement lieu. Il est difficile de déterminer le montant de ce risque pour les réductions du bénéfice. Pour des motifs inhérents au système, les provisions constituent des estimations, c'est pourquoi une certaine marge de manoeuvre doit être accordée.

L'entreprise assujettie doit toutefois prouver la survenance du risque et rendre pour le moins crédible le montant de celui-ci.

Les provisions comptabilisées qui ne sont plus justifiées (par ex. parce que le risque ne s'est pas réalisé ou parce le montant attendu était trop élevé) doivent être ajoutées au bénéfice imposable (art. 63, al. 2, LIFD), l'année de leur dissolution. Les autorités fiscales sont habilitées à dissoudre une provision sur le plan fiscal, avant que celle-ci ne soit comptabilisée dans le bilan commercial. La dissolution des provisions a lieu au cours de la période
de taxation pendant laquelle les autorités fiscales constatent que ces passifs ne sont plus justifiés en tant que charge commerciale.

En fin de compte, la part de la provision constituée à l'origine et acceptée fiscalement qui dépasse le montant total de la sanction due effectivement constitue une provision qui n'est plus justifiée par l'usage commercial, conformément à l'art. 63, al. 2, LIFD. Il en va de même de la condamnation à une amende non déductible.

Cette provision non justifiée par l'usage commercial, pour autant qu'elle ait été admise par le fisc, doit être ajoutée au rendement imposable de la société au plus tard à la fin de la procédure pénale ou administrative.

24

25

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation ch. 3.5; ce rapport peut être consulté sous www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2015 > DFF.

Arrêt du Tribunal fédéral du 26 septembre 2016 (2C_916/2014 et 2C_917/2014), consid. 7.7.

8266

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1.2.3

Commissions occultes versées en cas de corruption privée

La LIFD et la LHID précisent que les commissions occultes, au sens du droit pénal suisse, versées à des agents publics suisses ou étrangers ne sont pas déductibles (art. 27, al. 3 et 59, al. 2, LIFD; art. 10, al. 1bis et 25, al. 1bis, LHID). Ces dispositions ne mentionnent pas les commissions occultes versées à des particuliers.

Certes, lorsque la disposition qui prévoyait que les commissions occultes au sens du droit pénal suisse versées à des agents publics ne donnaient pas droit à une déduction fiscale a été adoptée, la question de la corruption privée a aussi été traitée. Mais les commissions occultes versées en cas de corruption privée ont continué d'ouvrir droit à une déduction fiscale (voir le rapport du 29 janvier 1997 de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national26 [CER-N] sur l'initiative Carrobbio «Pots-de-vin. Non-reconnaissance des déductions fiscales»27. En 2006, dans le cadre d'une modification du droit de la concurrence, la punissabilité a été étendue à la corruption privée active et passive entraînant une distorsion de la concurrence. La LIFD et la LHID n'ont cependant pas été adaptées en conséquence. La doctrine part donc toujours de l'idée que les commissions occultes versées à des particuliers sont déductibles même lorsqu'elles faussent la concurrence et sont punissables en vertu de la LCD (cf. à ce sujet ch. 1.4.5)28.

1.2.4

Dépenses qui permettent la commission d'infractions ou qui constituent la contrepartie convenue pour la commission d'infractions

Ni la LIFD ni la LHID ne contiennent de dispositions expresses concernant les dépenses qui permettent la commission d'infractions ou qui constituent la contrepartie convenue pour la commission d'infractions. Selon la définition donnée par la jurisprudence du Tribunal fédéral de la charge justifiée par l'usage commercial, il doit exister un lien causal entre l'activité commerciale et la charge et celui-ci doit reposer sur un fait. Le caractère factuel de la dépense est déterminé à l'aide de la notion utilisée en droit commercial de l'obligation de diligence objectivée du directeur ordinaire (voir supra. 1.2.1). Les dépenses qui permettent la commission d'infractions ou qui constituent la contrepartie convenue pour la commission d'infractions ne remplissent pas ces critères. C'est pourquoi, selon le droit en vigueur, elles n'ouvrent en principe pas droit à une déduction fiscale.

Les dépenses qui permettent la commission d'infractions ou qui constituent la contrepartie convenue pour la commission d'infractions peuvent être illicites en soi (par ex. financement du terrorisme selon l'art. 260quinquies CP), mais ce n'est pas nécessairement le cas (par ex. location de locaux commerciaux utilisés pour commettre 26 27 28

FF 1997 II 929, p. 942 Cf. Richner Felix/Frei Walter/Kaufmann Stefan/Meuter Hans Ulrich, Handkommentar zum DBG, 2e édition, Zurich 2009, N 38 sur l'art. 27 LIFD.

Richner Felix/Frei Walter/Kaufmann Stefan/Meuter Hans Ulrich, Handkommentar zum DBG, 2e édition, Zurich 2009, Note 36 sur l'art. 59 LIFD.

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une infraction). En général l'affectation réelle devrait être dissimulée (par ex. contrepartie de la commission d'un délit comptabilisée comme «provision»).

En pratique, le lien entre une dépense et une infraction n'est en général guère visible, c'est pourquoi la déduction de ces dépenses est en principe admise à titre de charge justifiée par l'usage commercial29.

En revanche, les bénéfices provenant d'activités illicites sont régulièrement soumis à l'impôt30, ce qui découle du principe de la neutralité du droit fiscal. Si des bénéfices provenant d'une activité illicite sont confisqués (art. 70 CP), la confiscation de ces bénéfices et l'obligation de les remettre se neutralisent mutuellement et, en fin de compte, il n'y a pas d'augmentation de la fortune nette, comme le Tribunal administratif fédéral l'a relevé en passant31. En d'autres termes, la confiscation a pour effet d'annuler la réalisation d'un bénéfice provenant d'une activité illicite. Le cas échéant, il faut réviser la taxation antérieure, si la confiscation n'a lieu qu'au cours d'une période fiscale ultérieure.

1.2.5

Frais de procès

Ni la LIFD, ni la LHID ne prévoient de quelle manière les frais de procès liés à des amendes, des peines pécuniaires et des sanctions financières de nature administrative à caractère pénal doivent être traités fiscalement. En pratique, la déduction des frais de procès supportés par les personnes morales est en général admise à titre de charge justifiée par l'usage commercial. Pour les personnes physiques exerçant une activité lucrative indépendante, les frais de procès ouvrent droit à une déduction s'il existe un lien entre l'activité professionnelle et la procédure pénale. À défaut de lien matériel, les frais de procès sont rattachés à la sphère privée et, comme pour les personnes physiques exerçant une activité lucrative dépendante, ils n'ouvrent pas droit à une déduction. Des provisions avec incidence sur l'impôt pour les frais de procès sont admises aux conditions des art. 26 et 63 LIFD et 24, al. 4, en relation avec l'art. 10, al. 1, let. b, LHID (cf. ch. 1.2.2).

1.3

Nouvelle réglementation proposée

Conformément à la motion à mettre en oeuvre, le projet de loi prévoit que les amendes, les peines pécuniaires et les autres sanctions financières de nature administrative à caractère pénal sont expressément exclues des charges justifiées par l'usage commercial et ne sont pas déductibles. En revanche, les sanctions visant à réduire le

29

30 31

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 3.5; ce rapport peut être consulté sous www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2015 > DFF.

Richner Felix/Frei Walter/Kaufmann Stefan/Meuter Hans Ulrich, Handkommentar zum DBG, 2e édition, Zurich 2009, n 39 sur l'art. 16 LIFD.

ATAF 2007/23, consid. 7; cf. Opel Andrea, Ist die Besteuerung von Unrecht rechtens?

in: Archives 84/3, p. 196 avec renvois.

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bénéfice, pour autant qu'elles n'aient pas de caractère pénal, doivent être expressément déductibles à titre de charge justifiée par l'usage commercial.

En raison du lien objectif, la non-déductibilité doit s'appliquer aussi à des dépenses qui permettent la commission d'une infraction ou constituent la contrepartie convenue pour la commission d'une infraction.

Après la révision du droit pénal en matière de corruption, l'ensemble des commissions occultes passibles de sanctions en vertu du droit pénal suisse n'ouvre pas droit à une déduction fiscale à titre de charge justifiée par l'usage commercial.

1.4

Justification et appréciation de la nouvelle réglementation

1.4.1

Résultat de la consultation

Au total, 56 avis ont été déposés dans le cadre de la consultation. Le résultat de celle-ci est en partie contradictoire.

La quasi-totalité des cantons (25), trois partis (PBD, PDC et PS) et neuf autres participants ont approuvé la non-déductibilité des amendes, des peines pécuniaires et des sanctions administratives de nature financière à caractère pénal. Un canton, deux partis (PLR, UDC) et quinze associations économiques et organisations bancaires se sont prononcé contre cette réglementation.

À l'exception d'un canton et de trois organisations, tous les participants à la consultation approuvent la déductibilité des sanctions visant à réduire le bénéfice qui n'ont pas de caractère pénal. En outre, la non-déductibilité des commissions occultes versées à des particuliers a recueilli une large approbation (24 cantons, quatre partis [PBD, PDC, PLR et PS] et treize autres participants à la consultation).

La non-déductibilité des frais de procès en relation avec des amendes, des peines pécuniaires et des sanctions administratives à caractère pénal, ainsi que des dépenses permettant la commission d'une infraction ou qui constituent la contrepartie convenue de la commission d'une infraction a été majoritairement rejetée (22 cantons, deux partis [PLR et UDC] et quinze resp. neuf autres participants) 32.

1.4.2

Amendes, peines pécuniaires et sanctions administratives de nature financière à caractère pénal

Dans le droit en vigueur, le traitement fiscal des amendes, peines pécuniaires et sanctions administratives de nature financière à caractère pénal est controversé (voir ch. 1.2.1). Le Conseil fédéral est d'avis que le traitement fiscal des sanctions admi-

32

Le rapport sur les résultats de la consultation peut être consulté sous www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2015 > DFF.

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nistratives de nature financière à caractère pénal relève de l'interprétation du droit et que ces sanctions n'ouvrent pas droit à une déduction fiscale (voir ch. 1.2.1.3).

Les partisans du droit à la déduction fondent leur avis sur le principe de l'imposition selon la capacité économique et celui de la neutralité du droit fiscal qui en est déduit.

Une prescription légale permet cependant, comme on le propose ici, de déroger à ces principes et d'accorder la primauté à d'autres principes juridiques, par exemple au principe de l'unité du droit (cf. ch. 5.1).

L'exclusion proposée des amendes, des peines pécuniaires et des sanctions administratives de nature financière à caractère pénal des charges justifiées par l'usage commercial tranche la question controversée dans le droit en vigueur. Cette réglementation contribue donc à la sécurité et à l'unité du droit. En adoptant des règles identiques pour la LIFD et la LHID, elle contribue également à l'harmonisation du droit fiscal.

1.4.3

Abandon de la réglementation sur la non-déductibilité des frais de procès

Le projet mis en consultation prévoyait que les frais de procès en relation avec des amendes, des peines pécuniaires et des sanctions administratives à caractère pénal ne seraient pas déductibles. Dans la consultation, on a objecté notamment que toute personne a droit à une procédure équitable et a, par conséquent, le droit de prendre des mesures pour se défendre. En outre, on a relevé la possibilité d'une inégalité de traitement entre les entreprises qui seraient acquittées et pourraient donc déduire la totalité des frais de procès et celles qui seraient condamnées sur un point accessoire insignifiant et ne pourraient donc déduire aucun frais. Le Conseil fédéral voit dans la mise en oeuvre des difficultés essentiellement pratiques: des entreprises disposant de leur propre service juridique pourraient comptabiliser le coût de leur propre défense dans les charges de personnel. Par contre, les entreprises qui mandatent un défenseur externe et dont les honoraires seraient pris en considération fiscalement en cas de condamnation ne pourraient pas déduire les frais de procès. C'est pourquoi il renonce à incorporer la non-déductibilité des frais de procès dans le présent projet.

Les frais de procès en relation avec des procédures pénales et des procédures administratives à caractère pénal ne sont cependant pas déductibles dans tous les cas. Les frais de procès qui n'ont pas de lien avec l'activité commerciale ou qui n'ont pas été engagés de bonne foi, par exemple en cas de comportement dilatoire, ne sont pas déductibles. Il y a donc lieu d'examiner dans la pratique au cas par cas si les frais de procès sont déductibles à titre de charge justifiée par l'usage commercial.

1.4.4

Sanctions visant à réduire le bénéfice qui n'ont pas de caractère pénal

D'après le Conseil fédéral, les sanctions visant à réduire le bénéfice, dans la mesure où elles n'ont pas de caractère pénal, ouvrent déjà droit à une déduction fiscale dans le droit en vigueur. Cela se déduit de la jurisprudence du Tribunal fédéral relative 8270

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aux charges justifiées par l'usage commercial (cf. ch. 1.2.1.3). Le Tribunal fédéral a d'ailleurs confirmé cette déductibilité dans son arrêt du 26 septembre 201633. Par ailleurs, des raisons de systématique fiscale plaident aussi en faveur de la déductibilité des sanctions visant à réduire le bénéfice qui n'ont pas de caractère pénal.

Le revenu d'une activité commerciale, même s'il a été réalisé en enfreignant une disposition légale, est imposé en tant que bénéfice en vertu du principe de l'imposition selon la capacité économique inscrit dans la Constitution (art. 127, al. 2, Cst.). En d'autres termes, tous les bénéfices sont soumis à l'impôt, indépendamment de leur provenance. Le Tribunal fédéral a arrêté à ce sujet que rien ne justifie qu'un bénéfice réalisé de manière illicite ne soit pas soumis à l'impôt qui frappe les bénéfices réalisés de manière licite par une entreprise commerciale 34. Il faut en conclure que la réduction d'un bénéfice réalisé illicitement doit aussi être prise en compte fiscalement. Si une sanction visant à réduire un bénéfice est prononcée en raison d'une activité commerciale en partie illégale, le bénéfice imposé doit pouvoir être réduit du montant de la sanction prononcée, laquelle est portée en déduction dans les dépenses. Cela permet de créer un équilibre sur le plan fiscal.

La doctrine confirme cette interprétation. Dans son avis de droit, Madeleine Simonek déduit du principe de l'imposition d'après la capacité économique et du principe net qui en découle que les sanctions financières dépourvues de caractère pénal constituent une charge justifiée par l'usage commercial qui réduit le bénéfice imposable en conséquence35. D'autres auteurs expriment le même avis36.

La réglementation proposée crée une distinction entre le traitement fiscal de ces sanctions et celui des amendes, peines pécuniaires et sanctions administratives à caractère pénal37 (pour le traitement fiscal des peines combinées, cf. ch. 2).

1.4.5

Commissions occultes versées en cas de corruption privée

La punissabilité de la corruption de particuliers était régie jusqu'à présent par la LCD. La personne coupable de corruption active ou passive entraînant une distorsion de la concurrence au sens de la LCD était punie sur plainte (art. 23 en rel. avec l'art. 4a LCD). En l'absence d'une situation classique de concurrence, la corruption privée n'était pas punissable selon le droit en vigueur jusqu'au 30 juin 2016.

Depuis l'entrée en vigueur de la révision du droit pénal réprimant la corruption le 1er juillet 2016, la corruption privée n'est plus liée à l'illicéité de la distorsion de la concurrence. Le versement d'une commission occulte à un particulier est passible de sanctions même si une situation classique de concurrence fait défaut. C'est pourquoi 33 34 35 36

37

Arrêt du Tribunal fédéral du 26 septembre 2016 (2C_916/2014 et 2C_917/2014).

ATF 70 I 250, consid. 1.

Simonek Madeleine, op.cit., citation des expertises juridiques, ch. 5.7.3.3.

Hongler Peter/Limacher Fabienne, Die Abzugsfähigkeit von DoJ-Bussen für Schweizer Banken im Recht der direkten Bundessteuer und aus steuerharmonisierungsrechtlicher Sicht, in: Jusletter du 10 février 2014.

Jaag Tobias dans: Fachhandbuch Verwaltungsrecht, Biaggini et al. (Hrsg.), Zurich 2015, p. 952, ch. 23.59.

8271

FF 2016

les peines dont est passible la corruption privée sont dorénavant prévues dans le CP.

La corruption privée est conçue fondamentalement comme une infraction poursuivie d'office. Dans les cas peu graves, l'infraction ne sera cependant poursuivie que sur plainte. La révision du CP motive la nouvelle réglementation.

À partir de la définition de la charge justifiée par l'usage commercial établie par le Tribunal fédéral, il ne peut y avoir un «lien factuel» avec l'activité commerciale correspondant à «l'obligation de diligence objectivée du directeur ordinaire» en cas de comportement relevant du droit pénal. C'est pourquoi la déduction des commissions occultes versées à des particuliers n'est plus justifiable, selon le principe de l'unité du droit aussi.

Les dispositions légales proposées qui instituent la non-déductibilité des commissions occultes versées permettent de supprimer la divergence entre le droit fiscal et le droit pénal. Elles correspondent au sens et aux objectifs des prescriptions internationales en matière de corruption et sont un instrument efficace de lutte contre la corruption si les commissions occultes sont aussi des infractions pénales38.

1.4.6

Dépenses qui permettent la commission d'infractions ou qui constituent la contrepartie convenue pour la commission d'infractions

D'après la définition des charges justifiées par l'usage commercial donnée par la jurisprudence du Tribunal fédéral, les dépenses qui permettent la commission d'infractions ou qui constituent la contrepartie convenue pour la commission d'infractions ne remplissent pas les conditions de la justification objective (cf.

ch. 1.2.4). Jusqu'ici, la doctrine et la jurisprudence n'ont pas traité la question.

Dans la pratique, la qualification de ce genre de dépense devrait soulever certaines difficultés. C'est pourquoi les cantons en particulier ont rejeté cette réglementation à une nette majorité dans la consultation. Par ailleurs, il est aussi vrai que le lien entre une charge et un acte illicite ne se dégagera généralement pas d'une déclaration d'impôt. Toutefois, les autorités fiscales qui détectent des indices de l'existence d'une infraction ont l'obligation de les communiquer aux autorités de poursuite pénale compétentes (cf. ch. 1.6). Pour le Conseil fédéral, la situation se présente cependant de la même manière que pour les commissions occultes. On peut donc se référer à la justification de leur réglementation (cf. ch. 2.1). D'après celle-ci, les autorités fiscales ne peuvent en principe constater le lien entre une dépense et une infraction que sur la base d'un jugement pénal entré en force.

Le mode de qualification de ces charges est donc le même que celui des commissions occultes. Il ne serait cependant pas cohérent d'admettre la déduction, à titre de charge justifiée par l'usage commercial, des dépenses qui ont permis la commission d'une infraction (par ex. financement du terrorisme, location de locaux commerciaux) ou qui constituent la contrepartie convenue de la commission d'une infraction 38

L'Observateur de l'OCDE, no 220, avril 2000, Supprimer la déductibilité fiscale [www.oecdobserver.org > recherche > Supprimer la déductibilité fiscale (état le 11 juillet 2016)].

8272

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(par ex. «provisions», «remboursement de frais»), alors que les commissions occultes versées à des agents publics ou à des particuliers ne seraient pas déductibles.

La réglementation proposée crée une base juridique en vue d'instaurer une égalité de traitement entre toutes les charges liées à des infractions et contribue ainsi à la sécurité du droit.

1.5

Droit comparé

1.5.1

Allemagne

Le droit allemand distingue les amendes prononcées par une autorité nationale ou un organe européen des amendes prononcées par un État tiers. Dans le premier cas, les amendes ne sont en principe pas déductibles des impôts. Une déduction de certains éléments diminuant le bénéfice peut être admise. La question de savoir s'il a déjà été tenu compte des éléments non déductibles lors de la fixation de l'amende est aussi examinée. Les peines pécuniaires prononcées par des tribunaux étrangers ne donnent pas droit à une déduction fiscale en Allemagne si elles ne sont pas contraires à l'ordre public, c'est-à-dire si elles n'enfreignent pas des principes fondamentaux de l'ordre juridique allemand. La non-admission de la déduction tient compte du principe de l'unité du droit39.

Les commissions occultes et les pots-de-vin n'ouvrent pas droit à une déduction.

Ceci est fondé en particulier sur le fait que la protection de l'ordre juridique justifie en principe de déroger en ce cas au principe net40.

1.5.2

France

En France, la déduction fiscale des sanctions pécuniaires n'est pas admise. Cela s'étend aux engagements légaux, indépendamment de leur nature juridique. Sont notamment des sanctions financières les majorations, amendes, confiscations et astreintes. Outre les amendes pénales, les sanctions financières relevant des droits fiscal, douanier et social, ainsi que du droit du travail et de la concurrence n'ouvrent pas droit à une déduction fiscale. Il en est de même des sanctions prononcées en vertu du droit européen ou du droit étranger si elles sont liées à des activités imposables en France41.

39 40 41

Tiepke Klaus/Lang Joachim, Steuerrecht, 21e édition, Cologne, 2013, §8 n. 294.

Tiepke Klaus/Lang Joachim, Steuerrecht, 21e édition, Cologne, 2013, §8 n. 299.

Extrait du Bulletin Officiel des Finances Publiques-Impôts, BIC-Frais-et charges-Charges exceptionnelles-Opérations concernées-Pénalités et amendes (http://bofip.impots.gouv.fr > Navigation dans le plan de classement > Bénéfices industriels et commerciaux > Frais et charges > Titre 6: Charges exceptionnelles > Chapitre 2 > Opérations concernées > Section 2: Pénalités et amendes [état le 6 juillet 2015]).

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En droit français, la corruption active et passive d'agents publics est passible de sanctions42. L'imposition des commissions occultes versées à des particuliers n'est pas expressément prévue. Cependant, il ressort du système fiscal que les commissions occultes versées à des particuliers n'ouvrent pas droit à une déduction fiscale.

1.5.3

Italie

En droit italien, tandis que de manière expresse les amendes fiscales n'ouvrent pas droit à une déduction fiscale, des dispositions régissant le droit à une déduction pour les autres sanctions financières font défaut. En principe, il n'y a pas de distinction entre les sanctions de droit civil («sanzioni civilistiche»), les mesures de droit pénal («sanzioni penali»), les sanctions pénales frappant les personnes morales («sanzioni pecuniarie») et les sanctions administratives («sanzioni amministrative»). D'après un avis minoritaire, le caractère de la sanction est déterminant. Les sanctions qui visent à réparer un tort ouvrent droit à une déduction. En revanche, les sanctions à caractère pénal n'ouvrent pas droit à une déduction. Cependant, la doctrine dominante considère que les sanctions n'ouvrent en aucun cas droit à une déduction fiscale, car il s'agit de charges qui ne sont pas justifiées par l'usage commercial 43.

La corruption active d'agents publics étrangers et la corruption passive de membres des organes de l'UE sont punissables en droit italien. À certaines conditions, la corruption active et passive d'agents publics italiens est punissable. Les commissions occultes versées à des particuliers exerçant des fonctions dirigeantes ou à des liquidateurs sont passibles de sanctions en droit italien (art. 2635 du code civil italien)44. Les coûts et les charges directement liés à des actes ou activités qui peuvent être qualifiés de délictueux n'ouvrent pas droit à une déduction fiscale en droit italien45.

42

43

44

45

Rapport du troisième cycle d'évaluation du GRECO pour la France, ch. 36 et suivants, du 19 février 2009 (www.coe.int > État de droit > Menaces contre l'État de droit > Corruption GRECO > Évaluations > III. Troisième cycle d'évaluation > Tableau des Rapports d'Évaluation et de Conformité > France Thème I FR [état le 11 juillet 2016].

Cazzato Annalisa, FiscoOggi, Notiziaro fiscale dell'Agenzia delle Entrate, «Le sanzioni nel reddito d'impresa. I percorsi dell'indeducibilità (1)», 3 septembre 2010.

www.fiscooggi.it > analisi et commenti > Archivio Analisi et commenti > Settembre 2010 [état le 11 juillet 2016]).

Rapport du troisième cycle d'évaluation du GRECO pour l'Italie, ch. 57 et suivants (www.coe.int > État de droit > Menaces contre l'État de droit > Corruption GRECO > Évaluations > III. Troisième cycle d'évaluation > Tableau des Rapports d'Évaluation et de Conformité > Italie Thème I FR [état le 11 juillet 2016]).

Agenzia delle Entrate, Circolare N. 32/E; Rome, 3 août 2012. www.agenziaentrate.gov.it > Documentazione > Provvedimenti, circolari e resoluzioni > Circolari > Archivio circolari > Le circolari 2012 [état le 11 juillet 2016]).

8274

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1.5.4

États-Unis

Le droit des États-Unis distingue les peines pécuniaires («penalties»), les amendes («fines») et les dommages et intérêts («compensatory damages»). Les peines pécuniaires et les amendes n'ouvrent pas droit à une déduction si elles sont versées à l'État46. En revanche, les dommages et intérêts ouvrent en principe droit à une déduction, sauf s'ils revêtent un caractère pénal («punitive damages»).

En cas d'arrangement, le fardeau de la preuve concernant la partie de la sanction ouvrant droit à une déduction incombe au contribuable. Dans le cadre d'une série d'arrêts, la pratique judiciaire a élaboré divers critères pour permettre de qualifier le versement dans le cadre d'un arrangement. Premièrement la seule désignation de peine pécuniaire ou d'amende n'est pas déterminante pour le traitement fiscal. Au contraire, d'autres facteurs sont pris en considération, tels que la gravité de la faute, les circonstances qui ont amené à une procédure, l'ouverture ou non d'une enquête pénale et le rapport de cette dernière avec la sanction financière, l'existence d'une exception ou d'une reconnaissance de la responsabilité, etc.47 D'après le droit américain, les commissions occultes versées à des particuliers n'ouvrent pas droit à une déduction, qu'une procédure ait été ouverte ou non contre le bénéficiaire48.

1.6

Mise en oeuvre

1.6.1

Application et entrée en vigueur

La consultation a montré qu'il n'y a, jusqu'à présent, que de rares cas concernant les dispositions proposées dans le projet et qu'il n'y a pas de pratique bien établie à ce sujet dans plusieurs cantons.

L'application de la LIFD et des lois fiscales cantonales incombe aux administrations fiscales cantonales. Dans la procédure de consultation, les cantons ont situés des difficultés d'exécution relatives à la qualification de dépenses qui permettent la commission d'une infraction ou qui constituent la contrepartie convenue pour la commission d'infractions. Il n'appartient cependant pas aux autorités fiscales de «rechercher» de telles dépenses. Toutefois, les autorités fiscales qui découvrent des indices de la commission d'un crime ou d'un délit poursuivi d'office ont l'obligation de le communiquer aux autorités pénales compétentes en vertu de l'art. 22a de la loi 46

47

48

D'après le droit américain, la notion de «penalties» comprend aussi les peines conventionnelles. Ces dernières sont versées à des particuliers et sont déductibles (Internal Revenue Service, Business Expenses for use in preparing 2014 Returns, p. 45 [www.irs.gov > forms & pubs > Find All Current Forms & Pubs > Pub 535 {état le 11 juillet 2016}]).

Shashy Abraham N.M. Jr./Clunkel Nathan E., Tax Treatment of Penalties and Fines (www.kslaw.com/imageserver/KSPublic/library/publication/2014articles/ 1-4-14_TGC.pdf [état le 11 juillet 2016]).

Fishman Stephen, Business Expenses that are never deductible (www.nolo.com > Legal articles > taxes > Business and Tax Deductions > Business Deductions > Operating Expense Deductions > Business Expenses That Are Never Deductible [état le 11 juillet 2016]).

8275

FF 2016

du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération (Lpers)49 ou de dispositions cantonales similaires. Fondamentalement, on ne peut constater qu'une dépense a permis la commission d'infractions ou constitue la contrepartie convenue pour la commission d'infractions que lorsqu'il existe une condamnation entrée en force. Il y a un motif de révision, si le jugement pénal n'est rendu qu'après la conclusion de la procédure de taxation (cf. en détail ch. 2.2).

L'entrée en vigueur devrait être simultanée pour l'impôt fédéral direct et pour les impôts cantonaux afin de garantir l'harmonisation verticale et horizontale. Le projet prévoit que le Conseil fédéral déterminera la date de l'entrée en vigueur. Enfin, le projet prévoit l'applicabilité directe, si le droit cantonal s'écarte de la LHID au moment de l'entrée en vigueur.

1.6.2

Droit transitoire

Pour ce qui est des sanctions financières à caractère pénal et les sanctions visant à réduire le bénéfice qui n'ont pas de caractère pénal, le présent projet correspond au droit en vigueur. Les sanctions financières à caractère pénal qui seront prononcées pour des délits commis au cours de périodes fiscales antérieures à l'entrée en vigueur du projet doivent être ajoutées à des fins fiscales l'année où elles ont été comptabilisées conformément au droit commercial. Les provisions acceptées pendant des périodes fiscales antérieures malgré la non-déductibilité doivent en principe être dissoutes dès qu'il s'avère qu'elles ne sont pas justifiées par l'usage commercial, mais au plus tard à la fin de la procédure pénale ou administrative. La déduction des sanctions visant à réduire le bénéfice qui n'ont pas de caractère pénal est admise à titre de charge justifiée par l'usage commercial pendant l'année de leur comptabilisation selon le droit commercial. Les provisions qui ne sont plus justifiées par l'usage commercial doivent être dissoutes (cf. ch. 1.2.2).

Exemple: en 2013, une procédure pour diverses infractions est ouverte à l'étranger contre la Finance SA qui a son siège en Suisse. Celle-ci constitue une provision d'un montant de quinze millions de francs qui est acceptée par l'autorité cantonale de taxation. Le jugement est rendu après l'entrée en vigueur du projet. La Finance SA est condamnée à une amende de cinq millions de francs et à une reprise du bénéfice de sept millions de francs. Pour la période fiscale au cours de laquelle la condamnation a été prononcée, l'autorité fiscale cantonale reprendra la provision d'un montant de huit millions de francs qui n'est plus justifiée par l'usage commercial.

Pour ce qui est de la non-déductibilité des commissions occultes versées à des particuliers et les dépenses qui permettent la commission d'infractions ou qui constituent la contrepartie convenue de la commission d'infractions, le projet contient de véritables modifications légales. Les commissions occultes versées à des particuliers ne seront plus déductibles à partir de la période fiscale qui commence à l'entrée en vigueur du projet. Les dépenses qui permettent la commission d'infractions ou qui constituent la contrepartie convenue de la commission d'infractions ne seront plus

49

RS 172.220.1

8276

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déductibles à partir de la première période fiscale qui commence à l'entrée ou après l'entrée en vigueur du projet.

1.7

Classement d'interventions parlementaires

La modification proposée de la loi met en oeuvre la motion 14.3450 «Déductibilité fiscale des amendes» en créant une base légale claire pour la non-déductibilité des amendes prononcées en Suisse et à l'étranger ainsi que des autres sanctions financières à caractère pénal. Son classement est donc demandé.

2

Commentaire des différents articles

2.1

Loi fédérale sur l'impôt fédéral direct

Art. 27, al. 2, let. f À l'al. 2, let. f, les sanctions visant à réduire le bénéfice, dans la mesure où elles n'ont pas de caractère pénal, ont été ajoutées à la liste non exhaustive des charges et des frais justifiés par l'usage commercial ou professionnel en cas d'activité indépendante. Ces sanctions ne visent pas la réparation d'un tort mais la correction d'une situation qui est apparue suite au non-respect de la législation. Une déduction égale à la sanction visant à réduire le bénéfice est accordée sur les revenus imposés précédemment, ce qui crée un équilibre sur le plan fiscal. Il est ainsi tenu compte du principe de l'imposition selon la capacité économique. La réduction du bénéfice corrige également les éventuels avantages concurrentiels obtenus par le comportement illicite. Les sanctions visant à réduire le bénéfice qui n'ont pas de caractère pénal sont rares dans le droit administratif (par ex. confiscation de droit administratif selon l'art. 35 de la loi du 22 juin 2007 sur la surveillance des marchés financiers50).

La réglementation proposée se rapporte donc principalement aux sanctions étrangères visant à réduire le bénéfice, dans la mesure où elles affectent une entreprise assujettie à l'impôt en Suisse.

Les frais de procès liés à des sanctions visant à réduire le bénéfice doivent être examinés selon les règles de la déductibilité fiscale, mais sont en principe justifiés par l'usage commercial et donc déductibles.

En cas de peine combinée, le montant de la sanction visant à réduire le bénéfice ouvre droit à une déduction fiscale. D'après le droit en vigueur, le fardeau de la preuve des faits diminuant l'impôt incombe au contribuable. S'il n'est pas en mesure de prouver que la sanction prononcée contient des éléments visant à réduire le bénéfice, il doit assumer les conséquences de cette absence de preuve. Dans ce cas, la sanction est intégralement considérée comme non déductible. Il appartient au contribuable de prouver si et dans quelle mesure la sanction prononcée comprend des éléments visant à réduire le bénéfice.

50

RS 956.1; cf. ATF 139 II 279, consid. 4.3.3. et par ex. Jaag Tobias dans: Fachhandbuch Verwaltungsrecht, Biaggini et al. (Hrsg.), Zurich 2015, p. 952, ch. 23.59.

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Art. 27, al. 3, let. a La nouvelle formulation de l'al. 3 comprend une énumération des charges non justifiées par l'usage commercial. Cette énumération n'est pas exhaustive d'autant plus que, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le versement de dommages et intérêts en cas de dommage causé par négligence grave ne constitue pas une charge justifiée par l'usage commercial51.

En vertu de la let. a, non seulement les commissions occultes versées à des agents publics suisses ou étrangers ne sont pas déductibles, mais aussi celles versées à des particuliers, car elles sont passibles de sanctions depuis l'entrée en vigueur de la révision du droit pénal incriminant la corruption le 1er juillet 2016. La formulation actuelle «versées à des agents publics suisses ou étrangers» est donc supprimée.

En pratique, c'est le tribunal pénal et non l'autorité fiscale qui doit procéder à la qualification des commissions occultes au regard du droit pénal. En se fondant sur l'ordonnance pénale ou le jugement pénal, il incombe à l'autorité fiscale de corriger les taxations concernées. Pour les taxations déjà entrées en force, cette autorité doit ouvrir une procédure de rappel d'impôt et en plus, le cas échéant, une procédure fiscale pénale.

Les autorités fiscales fédérales qui soupçonnent un versement à des fins de corruption ont l'obligation de le faire savoir aux autorités de poursuite pénale. En vertu de l'art. 22a LPers, tous les employés de la Confédération ont l'obligation de dénoncer les crimes et délits poursuivis d'office dont ils ont connaissance dans l'exercice de leur activité professionnelle ou qui leur sont signalés. Quant à savoir si cette obligation existe aussi pour les employés des administrations fiscales cantonales, la réponse dépend du droit du personnel du canton concerné.

Dans le cadre d'une procédure pénale, il convient de suspendre la procédure de taxation jusqu'à ce qu'une décision pénale concernant la qualification du versement soit entrée en force.

Art. 27, al. 3, let. b Les dépenses qui permettent la commission d'infractions ou qui constituent la contrepartie convenue pour la commission d'infractions sont exclues des charges justifiées par l'usage commercial. Si les amendes et les peines pécuniaires n'ouvrent pas droit à une déduction fiscale, de manière cohérente, les dépenses qui
ont permis la commission de l'infraction sanctionnée ou qui constituent la rétribution convenue de la commission de cette infraction n'ouvrent pas non plus droit à une déduction fiscale.

Parfois, les dépenses constituent elles-mêmes une activité délictuelle, par exemple le financement du terrorisme (art. 260quinquies CP). En règle générale, les dépenses ne sont pas punissables en soi, mais sont engagées en tant que «moyen» de commission de l'infraction ou en tant que «contrepartie» convenue pour la commission de l'infraction. Les dépenses de cette nature sont par exemple les charges de conseil concernant les activités illicites ou les frais que des collaborateurs causent pour 51

Cf. arrêt du Tribunal fédéral du 16 décembre 2008, consid. 2.3 (2C_566/2008).

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conclure une affaire illicite avec un client ou encore le bonus que des collaborateurs reçoivent pour la conclusion de telles affaires.

L'autorité fiscale ne peut en principe déterminer s'il existe un lien entre une charge et une infraction qu'en se fondant sur un jugement pénal. Ce jugement doit définir l'infraction, l'auteur de l'infraction, l'implication de l'entreprise dans le domaine d'activité de laquelle l'infraction été commise, le genre de l'infraction ainsi que les moyens de l'infraction. L'autorité fiscale qui constate l'existence de charges correspondantes sur la base de ces indications ouvre soit une procédure en rappel d'impôt, soit une procédure pour soustraction d'impôt. Le cas échéant, cette autorité doit encore ouvrir une procédure pour usage de faux. Il n'incombe donc pas aux autorités fiscales de rechercher des charges de cette nature ni de les prouver. Les autorités fiscales qui soupçonnent, dans le cadre de la taxation fiscale, qu'un crime ou un délit poursuivi d'office a été commis, sont tenues, en vertu de l'art. 22a LPers, ou de dispositions cantonales similaires, de le dénoncer aux autorités pénales compétentes, comme en cas de soupçon de corruption. Dans ce cas, elles doivent suspendre la procédure de taxation en cours.

Art. 27, al. 3, let. c La question de savoir si les amendes et les peines pécuniaires prononcées contre des personnes exerçant une activité lucrative indépendante ouvrent droit à une déduction d'après le droit en vigueur est controversée. Le Conseil fédéral est d'avis que c'est une question d'interprétation à laquelle il faut répondre par la négative. C'est pourquoi le projet prévoit une réglementation expresse de la non-déductibilité. Les peines pécuniaires doivent recevoir le même traitement fiscal.

Les amendes et peines pécuniaires selon le CP et le droit pénal accessoire sont des sanctions prévues par la loi. Elles sont prononcées afin de compenser le tort causé.

D'après le principe de la culpabilité, elles doivent concerner personnellement l'auteur et être définies en fonction de sa culpabilité. Les amendes et peines pécuniaires n'ouvrant pas droit à une déduction, l'effet punitif n'est pas atténué au moyen du droit fiscal. De plus, avoir le sens du devoir et se conformer au droit font partie, pour une personne physique, de l'obligation de diligence
objectivée du directeur ordinaire52. Les activités délictuelles ne présentent donc pas de lien causal reposant sur des faits avec l'exploitation commerciale. Les amendes et peines pécuniaires ne constituent donc pas des charges justifiées par l'usage commercial.

Les amendes fiscales suisses et étrangères et leurs intérêts moratoires font aussi partie des amendes53.

La non-déductibilité des amendes et des peines pécuniaires s'étend aux sanctions étrangères. Sa portée atteint sa limite lorsqu'une procédure pénale étrangère ne respecte pas des principes élémentaires de la procédure pénale ou présente de graves défauts et enfreint, par conséquent, l'ordre public suisse. Il incombe au contribuable d'exposer de manière convaincante les raisons d'une atteinte à l'ordre public suisse.

52 53

ATF 113 Ib 114; ATF des 4 mars 2002 (2A.457/2001) et 29 novembre 2002 (2P.153/2002 et 2A.358/2002).

Arrêt du Tribunal fédéral du 26 octobre 2004, consid. 5.1 (2P.306/2003 et 2A.574/2003).

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S'il y a une telle atteinte, la sanction étrangère peut être prise en considération fiscalement. Pour ce qui est du traitement fiscal des sanctions combinées ou étrangères, on se réfèrera au commentaire de l'art. 27, al. 2, let. f.

Il va de soi que les amendes prononcées contre des employés d'un indépendant en tant que sanctions strictement personnelles pour des infractions commises intentionnellement ne constituent en aucun cas des charges justifiées par l'usage commercial.

Les frais de procès afférents à des procédures pénales doivent être examinés selon les règles de la déductibilité fiscale (cf. ch. 1.4.3).

Art. 27, al. 3, let. d Le traitement fiscal des sanctions administratives de nature financière à caractère pénal d'après le droit en vigueur est controversé. Le Conseil fédéral et une partie de la doctrine sont d'avis que ces sanctions ne constituent pas des charges justifiées par l'usage commercial et que, d'après le droit en vigueur, elles n'ouvrent pas droit à une déduction fiscale54. Le projet contient une disposition expresse à ce sujet.

L'effet punitif doit s'exercer pleinement sur l'auteur. Cela vaut aussi notamment pour les sanctions administratives calculées en fonction du chiffre d'affaires de l'art. 49a de la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les cartels55, de l'art. 60 de la loi fédérale du 30 avril 1995 sur les télécommunications56, de l'art. 51 de la loi fédérale du 18 décembre 1998 sur les maisons de jeu57 et de l'art. 90, al. 1, de la loi fédérale du 24 mars 2006 sur la radio et la télévision 58, 59. Le calcul de ces sanctions prend certes en compte le «bénéfice présumé» que l'entreprise a réalisé en adoptant un comportement illicite; la durée et la gravité des pratiques illicites doivent cependant être évaluées au préalable (cf. art. 49a, al. 1, LCart). Étant donné que ces sanctions ont principalement un caractère pénal, elles n'ouvrent en principe pas droit à une déduction fiscale60.

Les frais de procès afférents à des sanctions financières administratives à caractère pénal doivent être examinés selon les règles de la déductibilité fiscale (cf. ch. 1.4.3).

Art. 59, al. 1, let. a L'al. 1, let. a, ne prévoit plus expressément que les amendes fiscales n'ouvrent pas droit à une déduction puisque l'al. 2, let. c exclut généralement les amendes des charges justifiées par
l'usage commercial, donc aussi les amendes fiscales. Les impôts fédéraux cantonaux et communaux demeurent des charges justifiées par l'usage commercial, mais pas les impôts étrangers.

54 55 56 57 58 59

60

Par exemple Giovanni Molo/Dario Giovanoli, Das US-Programm aus Schweizer Sicht, dans: Jusletter du 16 décembre 2013, p. 9 s.).

RS 251 RS 784.10 RS 935.52 RS 784.40 Voir à ce sujet Locher Alexander, Verwaltungsrechtliche Sanktionen, Rechtliche Ausgestaltung, Abgrenzung und Anwendbarkeit der Verfahrensgarantien, thèse ZH 2013, Zurich/Bâle/Genève 2013, p. 90 ss., p. 174 ss., en particulier p. 185 s. avec renvois.

Simonek Madeleine, op.cit., citation des expertises juridiques, ch. 5.7.3.2.

8280

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Art. 59, al. 1, let. f Pour les entreprises actives sur le plan international, la sanction visant à réduire le bénéfice doit en principe être infligée au sujet de droit pour lequel un lien factuel existe entre la charge et l'activité commerciale. Si une personne morale sise en Suisse a un établissement stable à l'étranger, cet établissement stable à l'étranger n'est alors pas assujetti à l'impôt en Suisse (art. 52, al. 1, LIFD). Il y a lieu de déterminer, dans le cadre de la répartition fiscale internationale, où le bénéfice réalisé de manière illicite a été enregistré. Si la Suisse a imputé ce bénéfice à l'établissement stable, la sanction visant à réduire le bénéfice doit être imputée à ce dernier. La société mère suisse ne peut déduire la sanction visant à réduire le bénéfice à titre de charge justifiée par l'usage commercial que si le bénéfice réalisé de manière illicite lui a été imputé. Si l'établissement stable situé à l'étranger subit une perte suite à la prise en considération d'une réduction du bénéfice, conformément à l'art. 52, al. 3, LIFD, la société mère suisse doit prendre cette perte à sa charge au moins temporairement.

Dans les rapports entre la société mère sise en Suisse et sa filiale sise à l'étranger, il faut distinguer à qui la sanction visant à réduire le bénéfice a été infligée. Si la sanction est prononcée contre la société mère, elle n'affecte pas la filiale car les deux sociétés ont des personnalités juridiques distinctes. En revanche, pour la société mère, la sanction visant à réduire le bénéfice constitue une charge justifiée par l'usage commercial qui ouvre droit à une déduction fiscale. Si la sanction est prononcée contre la filiale sise à l'étranger, il y a lieu de se fonder sur le droit étranger applicable pour déterminer dans quelle mesure la sanction visant à réduire le bénéfice est déductible. La sanction visant à réduire le bénéfice n'a pas de conséquence directe pour la société mère suisse. Toutefois, si la participation détenue par la société mère subit une perte de valeur en raison de la sanction infligée à la filiale, la société mère peut faire valoir une réévaluation avec incidence fiscale (art. 62 LIFD).

Au surplus, voir le commentaire de l'art. 27, al. 2, let. f.

Art. 59, al. 2, let. a à d Voir le commentaire de l'art. 27, al. 3. Une indication analogue à celle sur les sanctions financières est inutile, car les amendes ne peuvent par définition être prononcées que contre des personnes physiques.

2.2

Loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes

Art. 10, al. 1, let. g et al. 1bis Voir les commentaires de l'art. 27, al. 2, let. f, et al. 3, LIFD.

Art. 25, al. 1, let. a et f et al. 1bis Voir les commentaires de l'art. 59, al. 1, let. a et f, et de l'al. 2, LIFD.

8281

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Art. 72w Pour ce qui est de l'adaptation des législations cantonales, voir les commentaires du ch. 1.6.

3

Conséquences

3.1

Conséquences sur les finances et sur le personnel

3.1.1

Conséquences financières

La procédure de consultation a montré que la non-déductibilité des sanctions financières à caractère pénal et la déductibilité des sanctions visant à réduire le bénéfice qui n'ont pas de caractère pénal correspondait non seulement à la conception que le Conseil fédéral se fait du droit mais aussi à celle de la majorité des cantons. Étant donné que ces aspects du projet ne constituent pas de véritables nouveautés, mais une interprétation du droit en vigueur, ils n'auront guère de conséquences financières.

Pour ce qui est des commissions occultes versées à des particuliers et des dépenses qui permettent la commission d'infractions ou qui constituent la contrepartie convenue de la commission d'infractions, il ne faut pas s'attendre à des conséquences financières importantes en raison de leur faible importance pour l'attrait de la place économique et des effets positifs sur l'économie (cf. ch. 3.2).

3.1.2

Conséquences sur le personnel

Le projet n'a aucune conséquence notable à long terme sur le personnel de la Confédération, des cantons et des communes.

3.2

Conséquences pour l'économie

Pour ce qui est des sanctions financières à caractère pénal et des sanctions visant à réduire le bénéfice qui n'ont pas de caractère pénal, leurs conséquences sur l'économie découlent déjà du droit en vigueur.

3.2.1

Conséquences sur l'attrait de la place économique

Les commissions occultes versées à des particuliers et les dépenses qui permettent la commission d'infractions ou qui constituent la contrepartie convenue de la commission d'infractions ne seront plus déductibles. Dans certains cas, cela entraîne une hausse du bénéfice imposable et de la charge fiscale. Le projet peut donc avoir un faible impact négatif sur l'attrait de la place économique suisse. Les actes illicites ne sont cependant pas souhaitables pour l'économie dans son ensemble. D'après les enseignements tirés de diverses études, la criminalité économique entraîne des coûts 8282

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élevés pour les entreprises61. De plus, des actes illicites peuvent entacher la réputation non seulement des entreprises concernées, mais aussi de l'ensemble du site de production suisse et entraîner un dommage qui peut se répercuter négativement sur l'attrait de la place économique suisse. En outre, il ne faut en aucun cas encourager les actes illicites eu égard à l'État de droit. Cette détermination de la Suisse est nettement plus importante que toute autre visée lucrative.

3.2.2

Conséquences sur l'équité fiscale et le civisme des contribuables

Le projet de loi peut avoir un effet positif sur l'équité du système fiscal perçue par les citoyens. Cela devrait correspondre à la perception largement répandue que les contribuables qui commettent des actes socialement indésirables et qui sont, par conséquent, sanctionnés par le système judiciaire ne voient pas leur sanction allégée simultanément par l'intermédiaire du système fiscal. Les études montrent que l'équité, parallèlement au montant de la charge fiscale, est importante pour favoriser le civisme des contribuables62. Dans cette mesure, le projet de loi devrait avoir un effet bénéfique sur le civisme des contribuables.

4

Lien avec le programme de la législature

Le projet n'a pas été annoncé dans le message du 27 janvier 2016 sur le programme de la législature 2015 à 201963 ni dans l'arrêté fédéral du 14 juin 2016 sur le programme de la législature 2015 à 2019. En vertu de la motion qui lui a été transmise, le Conseil fédéral a néanmoins inscrit l'adoption du projet destiné au Parlement dans ses objectifs 2016.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

Pour ce qui est des impôts directs, l'art. 128 Cst.64 attribue à la Confédération la compétence de percevoir un impôt fédéral direct sur le revenu des personnes physiques.

Dans la LHID, la Confédération fixe les principes de l'harmonisation des impôts directs de la Confédération, des cantons et des communes. L'harmonisation s'étend à l'assujettissement, à l'objet et à la période de calcul de l'impôt, à la procédure et au droit pénal en matière fiscale. Les barèmes, les taux et les montants exonérés de l'impôt, notamment, ne sont pas soumis à l'harmonisation fiscale (art. 129 Cst.). La 61 62 63 64

Price Waterhouse Coopers «Economic Crime: A Swiss Persepective», 2014 Kirchgässner Gebhard, Fairness, Steuermoral und Steuerhinterziehung, Wirtschaftsdienst 4/2008, p. 230­233.

FF 2016 1105 RS 101

8283

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question de savoir quelles sont les charges soumises à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur la fortune concerne l'objet des impôts directs de la Confédération, des cantons et des communes. La Confédération possède donc une compétence d'harmonisation.

D'après le principe constitutionnel de l'imposition selon la capacité économique (art. 127, al. 2, Cst.) et le principe de la neutralité du droit fiscal qui en est déduit, tous les revenus sont en principe imposables sans égard à leur provenance licite ou illicite65. Ces principes ne sont toutefois pas absolus. Ils peuvent être restreints afin de tenir compte d'objectifs extra-fiscaux, ce qui nécessite une base légale. De plus, la restriction doit être d'intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité66.

Pour le Conseil fédéral et selon l'arrêt du Tribunal fédéral du 26 septembre 201667, la non-déductibilité des amendes, peines pécuniaires et sanctions administratives de nature financière à caractère pénal et la déductibilité des sanctions visant à réduire le bénéfice se fonde sur l'interprétation du droit en vigueur (cf. ch. 1.2.1.3). Pour ce qui est des sanctions financières à caractère pénal et des sanctions visant à réduire le bénéfice qui n'ont pas de caractère pénal, le projet ne propose pas une nouvelle réglementation, mais précise la situation juridique actuelle en la réglementant de manière plus explicite. De plus, ces dispositions expresses sont conformes à la demande d'une prescription expresse qu'une partie de la doctrine adresse au législateur68. En revanche, la non-déductibilité des commissions occultes versées à des particuliers et des dépenses qui permettent la commission d'infractions ou qui constituent la contrepartie convenue de la commission d'infractions constitue une véritable nouveauté légale. Qu'il s'agisse d'une nouvelle réglementation ou non n'est en fin de compte pas déterminant pour apprécier la constitutionnalité.

De plus, le projet répond aux exigences d'une base légale en vue de restreindre le principe de l'imposition selon la capacité économique.

Les restrictions prévues par le projet du principe de l'imposition selon la capacité économique et du principe de la neutralité du droit fiscal sont d'intérêt public, car elles contribuent à l'unité du droit fiscal et du droit pénal, à la lutte contre la
corruption dans le secteur privé et à l'harmonisation du droit fiscal.

En outre, elles sont conformes au principe de la proportionnalité: les réglementations proposées empêchent un affaiblissement par le droit fiscal de l'effet punitif des sanctions financières à caractère pénal. S'agissant de la non-déductibilité des commissions occultes versées à des particuliers et des dépenses qui permettent la com65 66

67 68

Cf. Opel Andrea, Ist die Besteuerung von Unrecht rechtens?, Archives 84/3, p. 194 avec renvois.

Daepp Martin, Vereinfachung der Einkommensbesteuerung, étude du 28 octobre 2010 pour l'AFC, p. 9 avec renvois; Matteotti Réné/Gerber Alexandra J.B., Schnapsideen in der Spirituosensteuergesetzgebung, Verfassungsrechtliche Überlegungen zur beabsichtigten steuerlichen Privilegierung der inländischen Spirituosenherstellung, dans: Dogmatik und Praxis im Steuerrecht, Festschrift für Markus Reich, Uttinger Laurence/Rentzsch Daniel P./Conradin Luzi, (Hrsg.), Zurich 2014, p. 32 ss; Reich Markus, Steuerrecht, 2e édition, Zurich 2009, p. 94 s.

Arrêt du Tribunal fédéral du 26 septembre 2016 (2C_916/2014 et 2C_917/2014) Simonek Madeleine, op.cit., citation des expertises juridiques, ch. 5.1.

8284

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mission d'infractions ou qui constituent la contrepartie convenue de la commission d'infractions, on évite ainsi que la sanction financière à caractère pénal ne soit pas déductible en vertu de la punissabilité de la corruption privée ou d'autres délits et qu'à l'inverse, le versement de commissions occultes et les dépenses en vue de commettre d'autres délits le soient. Les dispositions de la LIFD et de la LHID permettent en outre d'assurer, dans ce domaine, une pratique uniforme pour les impôts directs dans l'ensemble des cantons. Les réglementations proposées sont donc susceptibles d'atteindre les buts visés.

5.2

Compatibilité avec les engagements internationaux de la Suisse

La non-déductibilité de la corruption privée est conforme à l'obligation de la Suisse de poursuivre résolument cette corruption en vertu de la Convention pénale du Conseil de l'Europe et de l'appartenance au GRECO qui lui est liée (cf. ch. 1.1.2).

Au surplus, le projet n'affecte pas les engagements internationaux de la Suisse.

5.3

Forme de l'acte à adopter

Le projet revêt la forme d'un acte modificateur unique. Cette forme a été choisie afin de tenir compte du mandat constitutionnel d'harmonisation fiscale avec des dispositions analogues dans la LIFD et dans la LHID.

8285

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8286