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Feuille Fédérale Berne, le 2 décembre 1965 11117e année Volume lu N°48

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9357 Message du Conseil fédéral à l'Assemblèe fédérale à l'appui d'un projet de loi sur la protection de la nature et du paysage (Du 12 novembre 1965)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre, par le présent message, un projet de loi sur la protection de la nature et du paysage.

I. Origine et importance de l'article 24 sexies de la constitution 1. Le 27 mai 1962, le peuple suisse et les cantons ont accepté le nouvel article 24sexies de la constitution, dont voici la teneur: 1

La protection de la nature et du paysage relève du droit cantonal.

La Confédération doit, dans l'accomplissement de ses tâches, ménager l'aspect caractéristique du paysage et des localités, les sites évocateurs du passé, ainsi que les curiosités naturelles et les monuments et les conserver intacts là où il y a un intérêt général prépondérant.

3 La Confédération peut soutenir par des subventions les efforts en faveur de la protection de la nature et du paysage et procéder, par voie contractuelle ou d'expropriation, pour acquérir ou conserver des réserves naturelles, des sites évocateurs du passé et des monuments d'importance nationale.

4 Elle est autorisée à légiférer sur la protection de la faune et de la flore.

a

Cet article constitutionnel a été adopté à une très nette majorité, puisque sur 559 415 suffrages valablement exprimés il y eut 442 559 oui contre 116 856 non, tous les cantons donnant une majorité acceptante (AF du 22 juin 1962 Feuille fédérait, 117' année. Vol. III.

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relatif au résultat de la votation populaire du 27 mai 1962 sur l'AF insérant dans la constitution fédérale un articles 24sexies sur la protection de la nature et du paysage, RO 1962, 783).

Par cette place faite à la protection de la nature et du paysage dans la constitution fédérale, une tâche d'une grande actualité est reconnue formellement. On peut voir dans le résultat sans équivoque de la votation la preuve que le peuple suisse est conscient des dangers qui menacent la nature et nos paysages ainsi que nos monuments et les sites évocateurs de notre passé, la preuve aussi qu'il reconnaît la nécessité et l'urgence de protéger efficacement la nature.

2. Notre message du 19 mai 1961 concernant l'insertion dans la constitution d'un article 24sexies sur la protection de la nature et du paysage (FF 1961, I, 1089) donne nombre de détails sur l'historique du projet d'article, sur le droit en vigueur, ainsi que sur l'utilité d'une législation fédérale sur la protection de la nature et du paysage. Il suffira dès lors que nous en rappelions les points essentiels.

Les premières initiatives des chambres fédérales remontent à 1924, Une motion Gelpke, déposée au Conseil national cette année-là, invitait le Conseil fédéral à élaborer, en application de l'article 702 du code civil, un projet de loi sur la protection de la nature et du paysage. Cette motion fut rejetée. En 1931, la ligue suisse pour la protection de la nature adressa aux différents groupes des chambres une requête dans le même esprit que la motion Gelpke et, au mois de décembre de la même année, le conseiller national Oldani déposait une motion, transformée ensuite en postulat, qui invitait également le Conseil fédéral à proposer une «loi sur la protection des sites, aux dispositions larges». En 1932, ce fut la «résolution d'Olten», qui demandait une loi fédérale garantissant «une protection efficace de la nature». Lors d'une enquête faite en 1933 par le dépar- , tement de l'intérieur auprès des cantons, neuf d'entre eux se déclarèrent favorables à une loi fédérale sur la protection de la nature, alors que seize s'y opposèrent. Un pas de plus fut franchi lorsque l'association pour la conservation des rives du lac de Zurich proposa, le 1er novembre 1934, l'adoption d'un article constitutionnel. Le 1er mai 1936, le Conseil fédéral créa la
commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage. Les gouvernements cantonaux ayant derechef été consultés en 1948 sur la nécessité d'une législation fédérale pour la protection de la nature, treize cantons et demi-cantons se prononcèrent pour l'institution de dispositions d'ordre général (loi-cadre) et douze s'y opposèrent. L'année 1954 vit une nouvelle initiative des chambres, à la suite de laquelle le Conseil fédéral nomma une commission d'experts. Puis les cantons furent à nouveau consultés : cinq d'entre eux seulement se déclarèrent encore opposés à une réglementation de la protection de la nature sur le plan fédéral. Le 20 janvier 1959, le Conseil fédéral chargea le département de l'intérieur de rédiger un message aux chambres et, le 19 décembre 1960, il approuva le projet d'un article 24sexies de la constitution, auquel les chambres donnèrent leur assenti-

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ment le 21 décembre 1961 (AF du 21 décembre 1961 insérant dans la constitution fédérale un article 24sexies sur la protection de la nature et du paysage, FF 1961, H, 1361).

3. Le besoin d'une disposition constitutionnelle sur la protection de la nature et du paysage se faisait particulièrement sentir, du fait que l'article 702 du code civil ne confère pas à la Confédération la compétence de légiférer dans ce domaine. Certes, les cantons peuvent, en vertu de l'article 3 de la constitution fédérale, édicter des règles de droit public pour protéger la nature (ATF 41 I 489; 57 I 211; 64 I 208). Il n'est que de voir le grand nombre des lois et ordonnances cantonales en la matière pour être certain que tous les cantons attachent une grande importance à la conservation et à l'entretien de leurs beautés naturelles et de leurs paysages. Force est cependant de reconnaître que les autorités cantonales se heurtent à des difficultés croissantes dans l'accomplissement de cette tâche. Aussi était-il nécessaire d'instituer une protection directe et efficace de la Confédération pour conserver les sites naturels, l'aspect de localités caractéristiques, les sites évocateurs de notre passé et les monuments dont tout le pays reconnaît la grande valeur. Les sites intacts ne sont, hélas, plus très nombreux de nos jours. Il fallait certainement aussi une disposition constitutionnelle qui conférât à la Confédération la compétence de soutenir les cantons et les organisations pour la protection de la nature, qui ont à prendre des mesures souvent coûteuses. Une telle disposition devait avoir pour premier grand avantage de permettre la coordination et la péréquation.

u. La circulaire du Conseil fédéral du 10 décembre 1962 En attendant l'entrée en vigueur de la loi, le Conseil fédéral arrêta immédiatement une mesure provisoire. Il adressa, le 10 décembre 1962, aux départements et aux établissements en régie une circulaire invitant l'ensemble de l'administration fédérale à conformer dès cette date son activité aux principes du 2e alinéa de l'article constitutionnel -- «non seulement pour respecter la constitution, mais aussi parce que la protection du pays contre l'altération de l'aspect des lieux et l'appauvrissement spirituel est un devoir moral de plus en plus pressant en présence des dangers accrus qui résultent aujourd'hui
de la forte augmentation de la population, d'une grande activité économique qui persiste, comme aussi du développement rapide de l'économie et de la technique».

m. La préparation d'une loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage Après la votation du 27 mai 1962, le Conseil fédéral chargea le département de l'intérieur d'instituer une commission d'experts avec mission de préparer la législation d'exécution. Cette commission était présidée par M. Urs Dietschi,

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conseiller d'Etat, à Soleure. Le 4 juin 1963 déjà, elle remettait au département de l'intérieur un avant-projet de loi, qu'elle mit au net après que tous les départements eurent été consultés. Selon notre décision du 9 mars 1964, cet avantprojet fut soumis pour avis, avec les commentaires de la commission, aux gouvernements cantonaux, aux partis politiques, aux associations faîtières de l'économie et aux organisations suisses pour la protection de la nature et du paysage. Le résultat de cette consultation fut des plus positifs : sur les 76 organismes consultés, 67 se prononcèrent, dont 63 en faveur du projet de loi, alors que quatre seulement y étaient plutôt opposés. L'un ou l'autre avis émettait certes des doutes quant à la nécessité d'une législation d'exécution. Avec la commission d'experts et le département de l'intérieur nous n'hésitons pas à répondre que de telles dispositions sont indispensables, faute de quoi l'article constitutionnel resterait pour une grande part lettre morte.

Les avis exprimés donnaient en outre la préférence à une loi d'exécution unique. Ainsi que notre message du 19 mai 1961 relatif à l'article TAsexies de la constitution le laisse entendre (FF 1961,1, 1109), nous étions d'avis, au début, qu'il n'y avait pas lieu d'édicter une loi fédérale unique pour l'ensemble de la matière. Aussi bien la commission d'experts élabora-t-elle ses premiers avantprojets concernant les 2e, 3e et 4e alinéas de l'article 24sexies comme autant de lois .particulières. Mais ces dispositions constitutionnelles ont, malgré la diversité de leur contenu, un but commun élevé, qui est de maintenir les beautés naturelles et les particularités culturelles que notre pays doit à son passé ; partant, il était possible de réunir les prescriptions d'exécution en une seule loi. Le 26 février 1965, la commission déposait un projet, mis au point, de loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage.

IV. Respect des principes fédéralistes Le premier alinéa de l'article 24sexies de la constitution établit que -- sous réserve des restrictions mentionnées aux 2e, 3e et 4e alinéas -- la protection de la nature et du paysage relève du droit cantonal. Ainsi étaient données les directives a suivre dans l'élaboration du présent projet. Il ne s'agit pas d'amoindrir ni de restreindre les efforts des cantons, mais de les soutenir efficacement.

Dans le même esprit, nous disions déjà dans notre message relatif à l'article constitutionnel: «Les dispositions d'exécution de l'article TAsexies devront tenir compte du principe du fédéralisme ainsi que de la diversité des buts visés par les différents alinéas de l'article» (FF 1961, I, 1109).

Il ne saurait être question de dispositions d'exécution pour le 1er alinéa de l'article constitutionnel. Ledit alinéa et la présente loi pourraient en revanche inciter les cantons à revoir leur législation sur la protection de la nature et à la développer dans la mesure du possible (cf. message FF 1961,1, 1104),

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V. Les traits essentiels du projet de loi 1. Plein usage de la compétence conférée par la constitution Un principe a guidé dès le début ceux qui étaient chargés d'élaborer le projet de loi : il s'agissait d'user pleinement, dans la mesure compatible avec une interprétation soutenable en droit, de la possibilité, créée par l'article constitutionnel, de protéger sur le plan fédéral nos beautés naturelles et les caractères particuliers que nous devons à notre histoire. Il y avait à cela trois raisons: d'abord, on avait sciemment observé une grande retenue dans la formulation de l'article constitutionnel, car la Confédération --· eu égard à la structure federative de notre Etat -- voulait toucher le moins possible à la compétence des cantons (art. 24sexies, 1er al. Cst.). Un article constitutionnel rédigé dans cet esprit ne doit pas être interprété restrictivement, sinon il serait dépourvu de toute efficacité. Une autre raison était la forte majorité qui a accepté l'article constitutionnel, près de quatre contre un, le résultat étant en outre positif dans tous les cantons. Mandat était clairement donné au législateur de se mettre à la tâche avec résolution et esprit de suite. Enfin, l'urgence sans cesse croissante de cette tâche presse aussi le législateur: le développement impétueux de l'économie, de la technique et du trafic menace chaque jour davantage de déparer le visage de la patrie; l'hésitation n'est pas de mise lorsqu'il s'agit de créer des moyens de défense légaux.

2. Division du projet de loi

La division du projet de loi découle de la structure même de l'article constitutionnel. Dans le premier chapitre sont réunies toutes les dispositions qui imposent des obligations aux autorités et offices fédéraux. Le deuxième chapitre mentionne les mesures que la Confédération peut prendre pour soutenir la protection de la nature et du paysage et contient aussi les bases légales lui permettant de sauvegarder, le cas échéant, des objets importants mis en danger. Le troisième chapitre traite de la protection de la faune et de la flore indigènes. A la fin viennent les dispositions pénales et les dispositions finales.

3. Protection de la nature et du paysage lors de l'accomplissement

de tâches de la Confédération

Selon le 2e alinéa de l'article 24sexies de la constitution, la Confédération doit, «dans l'accomplissement de ses tâches, ménager l'aspect caractéristique du paysage et des localités, les sites évocateurs du passé, ainsi que les curiosités naturelles et les monuments et les conserver intacts là où il y a un intérêt général prépondérant». En d'autres termes, la Confédération est d'emblée tenue

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de se conformer aux exigences de la protection de la nature dans l'accomplissement de ses propres tâches. Jusqu'ici, ce principe était inscrit dans quelques lois fédérales seulement ; encore les dispositions pour le faire respecter faisaientelles défaut.

Les dispositions du premier chapitre de la loi ont pour but de garantir, dans la procédure, le respect des principes posés par le 2e alinéa de l'article constitutionnel, sans charger pour autant les services de la Confédération d'une tâche excessive.

a.

b.

c.

d.

e.

Le chapitre se fonde essentiellement sur les cinq idées ci-après : Définir avec plus de précision les tâches de la Confédération en énumérant les formes qu'elles peuvent revêtir; Classer les objets à protéger d'après leur importance (nationale, régionale ou locale) ; Inventorier les objets d'importance nationale qu'il s'agit de protéger; Demander à des organismes spécialisés indépendants de l'administration fédérale des expertises sur la manière de sauvegarder la nature et le paysage lors de l'accomplissement de tâches de la Confédération; Autoriser des associations pour la protection de la nature et du paysage d'importance nationale à user de moyens du droit fédéral contre les décisions de certaines autorités.

Ces cinq idées doivent être comprises comme un tout dont les parties sont ordonnées les unes aux autres et ne sauraient donc être séparées à volonté, car -- seule une définition large des tâches de la Confédération peut garantir que la nature et le paysage seront efficacement protégés lors de l'accomplissement desdites tâches; -- seule une classification claire des objets à protéger par ordre d'importance permet aux services fédéraux, dans l'accomplissement de leurs tâches, de concentrer dès le début leur attention sur les objets essentiels ; -- une classification claire des objets à protéger n'est possible que si l'on dresse des inventaires des objets les plus importants, ces inventaires pouvant servir de modèles pour le classement des objets de moindre importance; -- seuls des préavis d'organismes spécialisés indépendants de l'administration fédérale donnent la garantie que, pour peser les différents intérêts en présence dans l'accomplissement d'une tâche de la Confédération, l'administration disposera non seulement d'éléments d'appréciation ressortissant à son domaine propre, mais aussi de données sûres quant à la protection de la nature et du paysage; -- seul le droit de recours d'associations pour la protection de la nature et du paysage permet de déférer à une autorité supérieure les décisions de services fédéraux qui s'écarteraient sans nécessité de tels préavis.

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La notion d'«accomplisseinent d'une tâche de la Confédération» n'est définie de manière exhaustive ni en ce qui concerne les catégories de tâches ni en ce qui touche les cas indiqués pour chaque catégorie. Le mot «notamment»au début de l'article 2 du projet de loi le montre clairement. La conclusion de traités avec l'étranger, par exemple, entre aussi dans cette notion. Si des négociations sont engagées qui touchent à des objets suisses à protéger en vertu du 2e alinéa de l'article constitutionnel, les délégués de la Confédération doivent aussi sauvegarder, dans la mesure du possible, les intérêts de la protection de la nature et demander, si besoin est, une expertise de la commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage ou de la commission fédérale des monuments historiques.

De propos délibéré, on a renoncé également à définir dans le projet de loi les objets à protéger qui sont mentionnés dans l'article constitutionnel (aspect du paysage et des localités, site évocateur du passé, curiosité naturelle et monument), toute définition générale se heurtant à de grandes difficultés en raison de la diversité de ces objets. Les définitions seront donc avantageusement remplacées par les inventaires des sites naturels, localités caractéristiques, sites évocateurs du passé, curiosités naturelles et monuments. Seules les listes d'objets d'importance nationale doivent être établies ou adoptées par la Confédération elle-même, la création d'inventaires d'objets d'importance régionale ou locale étant réservée aux cantons. Ceux-ci pourront prendre les inventaires fédéraux comme modèles pour le choix et la description des objets.

En ce qui concerne les rapports de la protection de la nature et du paysage avec l'aménagement du territoire, le message relatif à l'article constitutionnel a tracé nettement la démarcation entre les deux domaines (message FF 1961, I, 1099/1100). Encore fallait-il que la présente loi ne contînt rien qui pût gêner la planification nationale, régionale et locale. Il nous parut donc judicieux de faire une brève allusion à cette tâche (art. 2, lettre c), d'autant plus que la planification cherche aussi à sauvegarder la beauté des localités et des paysages (Reichlin, Revue de droit unisse, 1947,177a; Ruck, Schweizerisches Elektrizitätsrecht, 1964, 122, note 23; ATF 88 I 231;
Imboden, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, 1964, n° 27), 4. L'établissement d'inventaires L'article 5 du projet de loi prescrit que le Conseil fédéral établit, après avoir pris l'avis des cantons, des inventaires d'objets d'importance nationale et qu'il peut se fonder, pour ce faire, sur des inventaires dressés par des institutions d'Etat et par des associations pour la protection de la nature. Peut notamment servir de base l'inventaire créé par la commission suisse pour l'établissement de l'inventaire des paysages et des sites naturels d'importance nationale qui méritent d'être protégés. Il p.orte la date du 4 mai 1963, II n'y a pas de raison que l'administration fédérale consacre beaucoup de temps à dresser des inventaires tout nouveaux alors que des gens expérimentés en ont déjà établi ou

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sont en train d'en établir. Il va de soi, d'autre part, que pour reprendre totalement ou en partie des inventaires privés existants, la Confédération demanderait l'avis des cantons.

On peut rappeler à ce propos qu'en dépit de leur caractère purement privé, les inventaires existants ont déjà permis à maintes reprises d'assurer une protection efficace, notamment dans les discussions relatives aux alentours de la chapelle de Tell, au «Frauenwinkel» des bords du lac de Zurich et au delta de la Verzasca et du Tessin.

Il est particulièrement important de noter, enfin, que la présente loi ne touche pas à la souveraineté des cantons en matière de droit des eaux. Comme c'est le cas en matière de police des constructions, les inventaires fédéraux n'impliquent pas non plus d'obligations pour les cantons dans le domaine de l'octroi de concessions sur Jes eaux.

5. Les expertises de commissions spécialisées

S'il se révèle que l'accomplissement d'une tâche de la Confédération pourrait porter atteinte à un objet inscrit dans un inventaire fédéral, une expertise doit être demandée à temps à la commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage ou à la commission fédérale des monuments historiques (art. 7 du projet de loi). Dans les cas importants, ces deux commissions peuvent donner de leur propre chef un préavis sur la manière de ménager ou de conserver intact un objet qui serait mis en danger (art. 8).

Lors de l'élaboration de l'ordonnance d'exécution, on examinera s'il y a lieu de déterminer avec plus de précision le moment où il faut faire appel aux deux commissions.

La commission fédérale des monuments historiques est également désignée comme commission spécialisée, bien qu'elle doive être assez rarement appelée à se prononcer, dans sa sphère d'activité, du point de vue du 2e alinéa de l'article constitutionnel: la protection des monuments historiques s'attache surtout à conserver les monuments et à les restaurer en respectant leur style, alors que la protection de leurs alentours contre l'enlaidissement par des constructions, des installations, etc. est en règle générale du ressort de la protection de la nature et du paysage. On peut laisser aux deux commissions, qui collaborent en toute confiance, le soin de délimiter leurs domaines respectifs; au besoin, ce point sera réglé dans l'ordonnance d'exécution.

Les ouvrages militaires, au sens de la loi fédérale .du 23 juin 1950 concernant la protection des ouvrages militaires (RO 1950, II, 1519), se trouvent dans une situation exceptionnelle. Pour des raisons de secret militaire, il faut prévoir des restrictions en matière d'expertises (art. 10), ce qui ne signifie cependant pas que la Confédération ne soit pas tenue de ménager le plus possible les objets inscrits dans les inventaires.

101 6. Droit de recours des associations d'importance nationale se vouant à la protection de la nature et du paysage L'article 11 du projet autorise les associations d'importance nationale qui, aux termes de leurs statuts, se vouent à la protection de la nature et du paysage ou à des tâches apparentées, purement idéales, à user de moyens du droit fédéral pour des motifs ressortissant à cette protection.

Cette autorisation expressément donnée aux associations pour la protection de la nature et du paysage constitue une innovation importante, car aussi bien le Conseil fédéral que le Tribunal fédéral ont dénié jusqu'ici à ces organismes la qualité pour interjeter recours, par exemple contre l'octroi de concessions. A l'appui de leur manière de voir, les autorités de recours faisaient valoir que l'intérêt à la protection de la nature est public et qu'il appartient aux autorités de sauvegarder les intérêts publics et non à des particuliers en déposant des recours (voir aussi à ce sujet ATF 90 I 184).

La solution proposée est simple et n'est en principe pas étrangère au droit suisse. Elle a déjà été prévue précédemment, sous une forme analogue, dans d'autres domaines, par exemple pour le droit de recours des caisses de compensation en matière d'assurance-vieulesse et survivants (art. 86 de la loi sur l'AVS).

A noter en outre que la jurisprudence du Tribunal fédéral permet également aux associations.professionnelles de former -- en vertu d'un droit propre -- des recours de droit public.

Il n'y a pas lieu de craindre que les associations pour la protection de la nature et du paysage n'abusent de leur droit, vu la possibilité de mettre les dépenses à la charge du recourant débouté, vu aussi la somme de travail (accompli en général à.'titre bénévole) que suppose la plupart du temps un recours. On s'attend.par ailleurs que, grâce à quelques décisions fondamentales du Conseil fédéral, une jurisprudence ferme s'établira avec le temps sur les questions les plu'j sujettes à contestation.

Les moyens de protection du droit entrant en considération à l'article 11 (moyens de droit au sens étroit et recours légaux) ne pourront être utilisés que contre une violation du droit constitutionnel ou de tout autre droit fédéral, II en sera fait usage principalement contre des actes exécutés par la Confédération dans
l'accomplissement de ses tâches. Dans ce sens, l'autorisation d'user de ces moyens ne sort pas du cadre du chapitre premier: «Protection de la nature et du paysage lors de l'accomplissement de tâches de la Confédération».

Les associations pour la protection de la nature et du paysage peuvent ainsi contribuer à faire respecter les dispositions de ce chapitre.

Ce n'est qu'exceptionnellement que ces moyens de protection pourront être utilisés aussi contre des décisions cantonales. Ce sera le cas lorsqu'en vertu d'une délégation légale, les cantons accomplissent comme simples organes d'exécution de la Confédération des tâches qui sont en principe du ressort de celle-ci.

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L'article 11 ne crée pas de recours populaire. Il ne crée pas non plus la fonction de «procureur pour la protection de la nature et du paysage». Auront seules qualité pour recourir un petit nombre d'associations d'importance nationale qui exercent depuis des décennies une activité méritoire connue. Les sections cantonales d'associations pourront cependant se faire entendre indirectement en adressant leurs requêtes à l'association faîtière suisse. Celle-ci aura à examiner ces demandes d'un esprit critique, car c'est elle qui prend, face aux autorités, la responsabilité d'user des moyens de droit. Etant données ces restrictions, il n'y a aucune raison de craindre des abus dans l'usage du nouveau droit de recours.

Entrent en considération comme organisations d'importance nationale ayant qualité pour recourir : la ligue suisse pour la protection de la nature, la ligue suisse de sauvegarde du patrimoine national, le club alpin suisse, la société d'histoire de l'art en Suisse, la société helvétique des sciences naturelles, la société suisse de préhistoire -- mais non les comités d'action formés dans des cas particuliers ni les associations constituées en vue de défendre des intérêts matériels. Selon le 2e alinéa de l'article 11, le même droit doit être accordé aux cantons à l'égard de décisions d'autorités fédérales. Les communes n'ont pas été habilitées à recourir, car il appartient aux cantons de défendre leurs intérêts devant les autorités fédérales.

Ce nouveau droit de recours des associations d'importance nationale a été accueilli très favorablement lors de l'enquête. On a reconnu que, sans lui, l'obligation imposée aux services fédéraux de demander des expertises à la commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage ou à la commission fédérale des monuments historiques aurait été aléatoire et souvent inopérante.

7. L'aide financière de la Confédération er

Selon le 1 alinéa de l'article 24sexies de la constitution, la protection de la nature et du paysage est encore au premier chef une tâche des cantons.

Plusieurs d'entre eux paraissent être à même d'affecter à cette fin des sommes plus élevées que par le passé. L'initiative privée joue depuis longtemps aussi un rôle capital, les associations privées ayant fréquemment été à l'origine de campagnes et de mesures de protection décisives. L'expérience montre cependant que souvent les moyens financiers des cantons et des associations privées ne suffisent pas. C'est pourquoi l'article 12 du projet de loi prévoit que la Confédération peut allouer des subventions pour conserver des paysages, l'aspect de certaines localités, des sites évocateurs du passé, des curiosités naturelles et des monuments, à condition que les cantons intéressés participent aux frais dans une mesure équitable. Les subventions peuvent être liées à des conditions concernant la conservation et l'entretien de l'objet et de ses alentours (art. 12, 2e al.). Avec la commission d'experts et le département de l'intérieur, nous sommes cependant d'avis qu'il faudrait éviter de créer un fonds national pour la protection de la nature et du paysage.

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Même si, conformément à la structure federative de notre pays, la Confédération limite en général son intervention à des mesures d'aide supplémentaire, le soutien qu'elle apportera aux efforts des cantons, des communes et des particuliers pourra être décisif, De même que dans les règles en vigueur en matière de conservation des monuments historiques par la Confédération, il est prévu de calculer les subventions en pour cent des frais considérés comme subventionnables. Le taux le plus élevé est fixé à 50 pour cent. Pour des raisons de principe, nous ne pouvons pas faire droit à la demande, exprimée dans de nombreux avis, d'allouer des subventions allant jusqu'à 60 pour cent. Le premier alinéa de l'article 24 sexies de la constitution dispose expressément que la protection de la nature et du paysage relève du droit cantonal. Un taux de plus de 50 pour cent pour les subventions n'est pas conciliatale avec cette disposition. Ce maximum de 50 pour cent s'impose aussi eu égard aux charges grevant les finances fédérales. S'agissant de la mesure des subventions, il y a lieu de remarquer en outre que les dépenses pour l'entretien courant ou pour l'utilisation plus avantageuse d'un objet -- soit des frais qui n'ont pas trait à la «conservation» au sens étroit du terme -- ne peuvent pas être prises en considération lors de la fixation des subventions.

Les subventions sont graduées suivant l'importance de l'objet à protéger, le montant des frais et la capacité financière des cantons. Il s'agit de tracer un cadre assez large et de ménager la possibilité de n'accorder que des subventions modestes ou de n'en point accorder du tout lorsque le financement ne présente aucune difficulté. C'est pourquoi il n'a pas été fixé de montant minimum.

Comme c'est le cas en matière de conservation des monuments historiques, les autres contributions cantonales doivent pouvoir être comptées dans la subvention du canton.

L'ordonnance d'exécution devra déterminer la manière de signaler les objets protégés avec l'aide financière de la Confédération, expliquer les notions «conservation» et «objet qui mérite d'être subventionné» et préciser en outre si et jusqu'à quel point la Confédération peut, en vertu de l'article 12, aider au financement de mesures de planification. Il faudra régler également dans cette ordonnance la répartition
des frais dans les cas où une corporation de droit privé (par exemple la ligue suisse de sauvegarde du patrimoine national ou une de ses sections cantonales) participe au financement d'une tâche à la place d'un canton.

Dans le même ordre d'idées, relevons l'importance de l'article 13, qui prévoit l'allocation de subventions fédérales à des associations d'importance nationale qui se vouent à la protection de la nature et du paysage, à charge pour celles-ci de prouver qu'elles exercent une activité d'intérêt public.

Les moyens financiers de la Confédération peuvent aussi être employés sous une forme autre que celle de subventions allouées pour des mesures prises par des tiers ; elles peuvent avoir une affectation directe, servir, par exemple, à acquérir ou sauvegarder des sites naturels (en vue de la création de réserves), des sites évocateurs du passé ou des monuments d'importance nationale. Pour

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ce faire, il sera fait usage, en règle générale, de la voie contractuelle, l'article 14 prévoyant toutefois -- en conformité avec l'article 24sexies, 3e alinéa, de la constitution -- la possibilité de recourir à l'expropriation.

8. Protection de la faune et de la flore indigènes e

Le 4 alinéa de l'article constitutionnel autorise la Confédération à légiférer sur la protection de la faune et de la flore. En exécution de cette disposition, nous vous proposons d'adopter le chapitre: «Protection de la faune et de la flore du pays», lequel comprend les articles 17 à 22 du projet de loi. Ce chapitre traite des mesures propres à prévenir la disparition d'espèces animales et végétales en leur conservant un espace vital suffisamment étendu (biotopes).

Il règle aussi la cueillette de plantes sauvages et la capture d'animaux vivant en liberté, à des fins lucratives, ainsi que la cueillette, la déplantation, l'arrachage, le transport, la mise en vente, la vente, l'achat et la destruction de plantes rares.

L'article 20 est une disposition protégeant la végétation des rives des eaux publiques. Lorsque des exceptions se justifient (tâches scientifiques, fins pédagogiques et thérapeutiques, intérêts publics), des autorisations peuvent être accordées. Il faut une autorisation aussi pour acclimater des espèces animales et végétales étrangères au pays ou pour introduire des espèces dans une région du pays où elles n'existent pas (art. 22).

VI. Remarques sur les différents articles Titre et préambule Le titre de la loi a été formulé conformément à la désignation de l'article constitutionnel en allemand et en français. Signalons une fois de plus que les expressions telles que «protection du paysage »et «sauvegarde du patrimoine national», usuelles en français, ne rendent pas exactement la notion allemande de «Heimatschutz». L'expression «protection du paysage » est trop étroite pour désigner la sphère d'activité notablement plus étendue à laquelle s'applique le terme «Heimatschutz». En revanche, ou peut comprendre par «sauvegarde du patrimoine national» la conservation de l'ensemble des biens culturels d'un peuple, ce qui ne correspond pas non plus à la sphère d'activité du «Heimatschutz», attendu que celui-ci ne s'occupe notamment pas des créations de l'art moderne. Aux termes de l'article premier de ses statuts, la ligue suisse de sauvegarde du patrimoine national (Schweizerische Vereinigung für Heimatschutz) a pour but de «sauvegarder et de développer les caractères particuliers que la Suisse doit à la nature, à l'art et à l'histoire» et se donne, notamment, les tâches suivantes : a. Protéger
les beautés naturelles du paysage contre toute atteinte et toute spéculation mercantile; b. Cultiver les traditions paysannes et bourgeoises en architecture; protéger les témoins caractéristiques du passé et veiller à leur entretien ;

105 c. Favoriser le développement harmonieux de la construction; d. Conserver les us et coutumes régionaux, les costumes, les patois, les chansons et le théâtre populaires; e. Encourager le développement des arts et métiers populaires; /. Protéger la faune et la flore du pays.

Etant donnée la diversité de ces tâches, la sphère d'activité du «Schweizer Heimatschutz» est en partie plus large, en partie plus étroite et en partie comprise tout autrement que ne le laissent entendre les expressions françaises de «protection du paysage» et de «sauvegarde du patrimoine national». Pour que tout soit clair d'emblée dans l'application de la loi, il faudra prendre pour base de l'interprétation le sens du mot «Heimatschutz» en allemand.

A noter que dans le préambule il n'est fait mention que des 2e, 3e et 4e alinéas de l'article constitutionnel, pour souligner que la législation ne doit se rapporter qu'à ces trois dispositions.

Article premier Article définissant k but Un tel article placé en tête du projet permet de commencer la loi avec une déclaration de portée fondamentale au lieu d'une énumération assez prosaïque des tâches de la Confédération (cf. art. 2 du projet). On comprendra que cette déclaration tranche quelque peu avec la sécheresse des autres dispositions. La loi fédérale du 16 mars 1955 sur la protection des eaux contre la pollution (RO 1956, 1635) contient un article semblable.

CHAPITRE PREMIER Protection de la nature et du paysage lors de l'accomplissement de tâches de la Confédération Art. 2

Accomplissement de tâches de la Confédération Conformément aux explications données dans notre message relatif à l'article constitutionnel, l'article 2 définit ce qu'il faut entendre par accomplissement d'une tâche de la Confédération. Sont visés non seulement l'établissement de projets et la construction d'ouvrages et d'installations par la Confédération, ses instituts et ses établissements, mais aussi l'octroi de concessions et d'autorisations, par exemple pour la construction et l'exploitation d'installations de communication, pour les entreprises de transport ou les installations de transport par conduites. Entre aussi dans cette notion l'allocation de subventions pour des mesures de planification, des installations et des ouvrages, au

106 nombre desquels il y a lieu de citer les améliorations foncières, les assainissements de bâtiments agricoles, les ouvrages de défense contre les torrents et les avalanches, etc.

S'agissant des routes nationales, une question a été examinée avec une attention particulière. Fallait-il les ranger dans la première catégorie (lettre a) ou dans la troisième (lettre c) ? La construction de ces routes ressortit à la souveraineté cantonale, mais le financement en est assuré principalement par la Confédération. De plus, le service fédéral des routes et des digues prend une part déterminante à l'établissement des projets. C'est pourquoi il est prévu de ranger les routes nationales dans la première catégorie, laquelle comprend, outre la construction d'ouvrages et d'installations, l'établissement de projets à cette fin.

Art, 3 Devoir de la Confédération Cette disposition répète, relativement aux tâches définies dans l'article 2, l'obligation imposée aux services fédéraux par le 2e alinéa de l'article constitutionnel. Elle précise en quoi consiste l'obligation de conserver intact ou de ménager le paysage lorsqu'il s'agit des bâtiments et installations de la Confédération elle-même, de l'octroi d'autorisations ou de concessions ou de l'allocation de subventions. Il convient de souligner que ce devoir a un caractère absolu, qu'il est, par conséquent, indépendant de l'importance de l'objet et de son inscription dans un inventaire. D'autre part, une mesure ne doit jamais aller au-delà de ce qu'exigé la protection de l'objet et de .ses alentours (principe de la proportionnalité).

Suivant les circonstances, il faudra protéger non seulement l'objet luimême, mais également ses alentours. C'est ce que laisse entendre indirectement l'article premier: les objets doivent être protégés non seulement contre la destruction ou l'enlaidissement mais aussi contre la dépréciation. Un monument historique ou l'aspect d'une localité, par exemple, peut être gravement déprécié par des bâtiments et installations (comme des maisons-tours ou des fabriques) édifiés dans le voisinage immédiat, sans qu'il soit touché à l'objet lui-même.

Art. 4

Catégories d'objets La classification des objets d'après leur importance sert de base pour l'établissement des inventaires fédéraux (art. 5). Elle permet aussi de délimiter la compétence que la constitution confère à la Confédération pour acquérir ou sauvegarder des réserves naturelles, des sites évocateurs du passé et des monuments et entre en ligne de compte pour le calcul des subventions fédérales (art. 12). Quant à la répartition des objets en trois catégories -- objets d'importance nationale, régionale et locale -- elle a son origine dans la pratique suivie depuis nombre d'années par les organismes fédéraux chargés de la protection des monuments historiques.

107 II fallait classer les objets à protéger (paysages, localités, sites évocateurs du passé, curiosités naturelles et monuments) d'après leur importance, car il est pratiquement impossible de conserver tous les objets qui méritent d'être protégés en attachant à la protection les mêmes conséquences pour tous.

Cette tâche qu'entreprend la Confédération n'entraîne pas d'obligation pour les cantons; ceux-ci peuvent y voir cependant un modèle d'après lequel ils établiraient, de leur côté, des inventaires (d'objets d'importance régionale ou locale) ou compléteraient ceux qui existent. Grâce à ce projet de loi, les cantons sont à même de donner plus de valeur au 1er alinéa de l'article 24sexies de la constitution.

Art. 5

Inventaires fédéraux d'objets d'importance nationale L'article 5 astreint la Confédération à établir des inventaires après avoir pris l'avis des cantons au sujet des objets d'importance nationale. Ces inventaires revêtiront une grande importance; aussi convient-il de préciser dans la loi l'essentiel de leur contenu.

Les inventaires fédéraux ne lient pas les cantons. Ils pourront cependant être considérés par leurs autorités et offices comme des directives bienvenues pour l'activité ressortissant à leur compétence.

Ces inventaires sont établis aux fins suivantes: -- permettre au peuple et aux autorités de se rendre compte des beautés naturelles existant encore ainsi que des valeurs et biens culturels du passé; ils seront ainsi plus conscients des dangers qui menacent ces biens ; --· classer les objets suivant le degré de protection qu'ils méritent et préconiser une protection accrue; -- attacher certaines conséquences juridiques à l'inscription d'objets d'importance nationale dans les inventaires; il appartiendra aux cantons de veiller à la protection de ces objets dans les domaines qui sont de leur ressort (par exemple police des constructions, droit des eaux) -- sans que, toutefois, la Confédération puisse les y astreindre -- et de prévoir aussi des règles juridiques pour les autres objets qui méritent d'être protégés.

La valeur de ces inventaires dépend du soin que l'on met à les établir.

Aussi la plus grande expérience et la plus grande objectivité s'imposent-elles tant pour arrêter le choix et la description des objets à protéger que pour déceler les menaces qui pèsent sur eux.

Art. 6 Importance de l'inventaire La Confédération doit être astreinte, dans l'accomplissement de ses tâches, à prendre soin de conserver intacts les objets inscrits dans les inventaires. Par les mots «conserver intacts» il faut entendre que la protection à assurer selon

108 l'inventaire doit l'être dans toute son étendue et que les dangers éventuels doivent être prévenus. L'inscription d'un objet dans un inventaire ne signifie cependant pas que rien ne puisse plus être changé à son état. Ce qui ne doit pas être altéré, c'est l'état d'un objet, considéré du point de vue général de la protection de la nature et du paysage. Si une modification entraînait, le cas échéant, quelques petits inconvénients, ceux-ci devraient pour le moins être compensés par des avantages.

En principe, on ne devrait déroger à l'obligation de conserver un objet intact au sens de l'inventaire que si d'autres intérêts équivalents ou supérieurs, également d'importance nationale, s'y opposent. Dans ces cas exceptionnels aussi (p. ex. nécessités de la défense militaire du pays), il y aura lieu de ménager le plus possible l'objet en question.

Art. 7 Expertise obligatoire Le régime des expertises -- un des nouveaux moyens légaux institués pour protéger les intérêts de la nature et du paysage -- s'applique à des situations bien différentes, qu'il s'agit de distinguer. Un préavis doit obligatoirement être requis quand un objet inscrit dans un inventaire fédéral pourrait être exposé à un danger lors de l'accomplissement d'une tâche de la Confédération. Dans ce cas, la commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage et la commission fédérale des monuments historiques sont seules habilitées à agir (art. 7). Elles seules ont en outre la possibilité de donner de leur propre chef des préavis au sujet d'objets ne figurant pas dans un inventaire, mais elles n'ont cette possibilité que dans des cas importants et s'il est question de ménager ou de conserver intact un objet lors de l'accomplissement d'une tâche de la Confédération (art. 8).

Le rôle important qui est ainsi dévolu à la commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage et à la commission fédérale des monuments historiques se justifie du fait qu'en raison de leur grande expérience ces deux commissions sont le mieux à même de résoudre les problèmes qui se posent.

La dernière phrase de l'article 7 précise d'ailleurs les points de vue d'après lesquels elles doivent établir leurs préavis.

Art. 8

Expertise facultative Dans notre circulaire du 10 décembre 1962 aux départements et aux établissements en régie, nous avons autorisé la commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage à donner son préavis, de son propre chef si besoin est, sur la manière de ménager le paysage, l'aspect des localités, les sites évocateurs du passé, les curiosités naturelles et les monuments lors de l'accomplissement de tâches de la Confédération. Il s'agit maintenant de créer une base légale pour ce régime d'expertises facultatives, tout en accordant la même faculté à la commission fédérale des monuments historiques.

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A noter que l'article 8 autorise les deux commissions à intervenir en tout état de la procédure et quelle que soit la classification de l'objet en cause au sens de l'article 4. Les commissions doivent cependant donner leur préavis le plus tôt possible. Les expériences faites avec la commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage, à laquelle cette compétence a déjà été conférée par notre circulaire du 10 décembre 1962, laissent présager que les deux organismes en question feront un usage modéré de leur pouvoir.

Art. 9 Autres expertises Les organismes cantonaux pour la protection de la nature et du paysage seront appelés à donner un préavis surtout lors de la mise en danger d'objets qui ne sont pas d'importance nationale. Le concours des commissions cantonales allégera la tâche de la commission fédérale. En demandant l'avis d'associations privées, les autorités peuvent supputer quelle serait l'issue d'éventuels recours.

Nous avons renoncé à instituer ici des expertises obligatoires, parce que certains cantons n'ont pas de commission pour la protection de la nature et du paysage. D'ailleurs, les cantons ont, en règle générale, l'occasion de s'exprimer lors de l'accomplissement de tâches de la Confédération et peuvent, pour ce faire, se fonder sur des préavis de leurs organismes spécialisés ou des communes.

Art. 10 Réserve concernant les ouvrages militaires Pour des raisons de secret militaire, certaines réserves s'imposent en matière de construction d'ouvrages militaires que protègent la loi fédérale du 23 juin 1950 concernant la protection des ouvrages militaires (RO 7950, II, 1519) ainsi que l'arrêté du Conseil fédéral du 28 décembre 1950 sur le même objet (RO 1950, II, 1523), cela aussi bien pour les expertises obligatoires que pour celles qui sont facultatives. Nonobstant cette réglementation spéciale touchant aux constructions militaires, la Confédération reste naturellement tenue, dans des cas de ce genre, de ménager le plus possible les objets inscrits dans des inventaires.

Jusqu'ici, elle se conformait déjà en principe à cette obligation, en ayant surtout en vue toutefois de camoufler au mieux les ouvrages.

Art. 11 Moyens de droit des associations pour la protection de la nature et du paysage d'importance nationale Nous avons déjà exposé en détail sous le titre V (Les traits essentiels du projet de loi) combien cet article est important si l'on veut que la loi ait son plein effet. Il convient encore de signaler ici que la revision en cours de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (RS 3,521) apportera de Fiutile federate, W saaite.\Q\.III.

9

110

profonds changements au régime actuel. Aussi avons-nous formulé l'article 11 de telle manière qu'il corresponde, encore après la revision, au contenu de l'article 97 de la loi d'organisation judiciaire. Lorsque la loi d'organisation judiciaire revisée vous sera soumise, il vous appartiendra de décider si et dans quelle mesure le Tribunal fédéral doit être compétent pour connaître des recours en matière de protection de la nature et du. paysage.

Le 2e alinéa habilite les cantons à user des mêmes moyens de droit (recours administratif au Conseil fédéral et recours de droit administratif au Tribunal fédéral) que les associations pour la protection de la nature et du paysage; cela aussi est nouveau.

CHAPITRE!

Soutien accordé par la Confédération à la protection de la nature et du paysage et mesures de la Confédération

Art. 12 Subventions pour la conservation d'objets dignes de protection Suivant la division du 3e alinéa de l'article constitutionnel lui-même, le 2e chapitre du projet de loi règle, d'une part, la question de l'appui financier à accorder aux cantons, communes ou particuliers dans leurs efforts pour protéger la nature et arrête, d'autre part, la procédure permettant d'assurer efficacement la protection d'objets de valeur directement menacés ainsi que les conditions à observer. Comme la protection des monuments entre aussi dans la notion de «Heimatschutz», il n'est pas besoin de mentionner expressément dans la loi la conservation des monuments historiques. Il est concevable que, dans certains cas, des subventions puissent être allouées, soit à la charge du crédit pour la protection de la nature et du paysage, soit à la charge de celui des monuments historiques. L'ordonnance d'exécution réglera la procédure à suivre dans ces cas.

L'article 12 fixe le montant des subventions ainsi que les conditions auxquelles elles sont allouées et détermine les objets pour la conservation desquels la Confédération peut accorder une aide financière. Le chiffre 7 du titre «Les traits essentiels du projet de loi» expose les considérations qui sont à la base de cet article.

Art. 13 Subventions à des associations pour la protection de la nature et du paysage La protection de la nature et du paysage ne doit pas être, même à l'avenir, une affaire de l'Etat principalement. Même si les pouvoirs publics mettent en oeuvre des moyens financiers accrus, les organismes privés doivent bénéficier de subventions non seulement pour la gestion d'objets qui leur seraient confiés, mais aussi pour l'ensemble de l'activité qu'ils exercent dans l'intérêt public, comme c'est le cas déjà pour d'autres associations culturelles.

Ili Les conditions de ce subventionnement seront déterminées dans l'ordonnance d'exécution. L'idée est que des subventions ne peuvent être allouées qu'à des associations d'importance nationale pour une activité exercée dans l'intérêt public. On peut citer comme exemples de telles tâches : les conseils en matière de construction que donne la ligue suisse de sauvegarde du patrimoine national, l'établissement d'inventaires d'objets d'importance nationale, la gestion et la surveillance scientifique de réserves.

Il va de soi que la Confédération n'accordera pas d'aide financière pour des votations.

Il appartient aux cantons et aux commîmes de subventionner les associations régionales et locales pour la protection de la nature et du paysage. Etant donné que la protection des monuments historiques fait partie du «Heimatschutz», les associations d'importance nationale s'intéressant à la conservation des monuments historiques pourront aussi bénéficier de subventions.

Art. 14

Achat et sauvegarde d'objets dignes de protection II est fort possible qu'en dépit de l'aide financière de la Confédération, les efforts des cantons, des communes et des associations privées soient impuissants à parer, dans le délai utile, à une menace imminente qui pèserait sur un objet d'importance nationale, faute, par exemple, de crédits dans les cantons et les communes. Dans de telles circonstances, la Confédération doit prendre sur elle de sauver cet objet et arrêter les mesures appropriées. Elle procédera avant tout par voie contractuelle, en constituant des servitudes ad hoc, ainsi qu'il est d'usage en matière de conservation des monuments historiques. Exceptionnellement, elle devra acquérir certains objets. Il faut, dans ces cas, lui donner la possibilité d'en confier la gestion au canton, à la commune, à une association privée ou à une fondation, pour éviter d'imposer à l'administration fédérale des charges supplémentaires permanentes.

Le principe selon lequel la Confédération ne devrait avoir recours à l'expropriation que si tous les autres moyens échouent -est bien souligné à l'article 14.

Les mesures d'expropriation, qui seront vraisemblablement rares en pratique, auront pour fondement la loi fédérale du 20 juin 1930 sur l'expropriation (RS4, 1173).

Outre les sites évocateurs du passé et les monuments, les réserves naturelles peuvent, aux termes du 3e alinéa de l'article constitutionnel, être acquises par la Confédération ou faire l'objet d'une mesure de sauvegarde. Cette disposition ne doit pas être interprétée dans le sens que la Confédération ne pourrait acquérir ou sauvegarder que des réserves déjà existantes. Semblable réglementation n'aurait pas de sens dans la plupart des cas et serait en outre contraire au principe fédéraliste de l'article constitutionnel, car la plupart des réserves existantes sont sous la surveillance des cantons, des communes ou des associations privées et très souvent même leur propriété. L'idée de l'article 24sexies, Feuille fédérale, 117= année. Vol. m.



112 3e alinéa, est plutôt de donner à la Confédération la possibilité de transformer en nouvelles réserves, grâce à des mesures appropriées, des sites naturels intacts, remplissant les conditions requises pour être inscrits dans un inventaire.

Art. 15

Mesures conservatoires II nous est sans cesse donné de constater que des objets importants et dignes de protection se détériorent parce que les mesurés envisagées par les autorités ou des associations privées ne peuvent être mises en oeuvre à temps. Pour des raisons bien compréhensibles, il est impossible dans la plupart des cas de remettre les choses en état. C'est pourquoi il faut conférer à la Confédération la compétence de prendre sur-le-champ les mesures les plus urgentes en vue de sauver des objets d'importance nationale qui seraient exposés à un danger imminent.

Bien entendu, l'article 15 ne s'applique qu'à des objets d'importance nationale. De plus, comme dans le cas de l'article 14, la Confédération ne peut agir que subsidiairement, par exemple si le canton compétent ne prend aucunemesure.

Art. 16 Restitution de subventions A l'exemple de lois fédérales analogues allouant des subventions, une clause de restitution a été insérée dans le présent projet. Une demande de restitution est par exemple concevable lorsque les conditions requises pour que l'objet mérite protection viennent à manquer -- à moins que le bénéficiaire ne soit nullement responsable de cet état de choses et n'en tire aucun profit.

CHAPITRE 3 Protection de la faune et de la flore indigènes Art. 17

Protection d'espèces animales et végétales La disparition d'animaux vivant en liberté est provoquée principalement par les modifications survenant dans le milieu où ils vivent. La législation des cantons ne contenant en général aucune prescription sur la conservation et l'amélioration de biotopes, l'article 17,1er alinéa, a valeur d'appel. Dans l'application de ces mesures pour conserver un espace vital suffisamment étendu, il sera tenu compte autant que possible, des intérêts dignes de protection de l'agriculture et de la sylviculture.

113 Vu le rapide développement des procédés chimiques de lutte contre les ravageurs, il est indiqué d'insérer dans la loi une disposition générale enjoignant à chacun d'avoir égard aux espèces animales et végétales dignes de protection, notamment lorsqu'il est fait usage de substances toxiques.

Selon le 3e alinéa, la Confédération peut favoriser la réacclimatation en des lieux appropriés d'espèces disparues de notre pays ou menacées dans leur existence. Cette compétence comprend celle de subventionner des mesures prises à cet effet, d'autant plus que l'article 24sexies, 4e alinéa, autorise la Confédération à légiférer sur la protection de la faune et de la flore indigènes.

Art. 18

Récolte de plantes sauvages et capture d'animaux; autorisation obligatoire La récolte de plantes sauvages et la capture d'animaux vivant en liberté à des fins lucratives sont soumises à la surveillance des autorités cantonales compétentes. Exception est faite toutefois des produits agricoles et sylvicoles ainsi que de la cueillette usuelle de champignons, baies et plantes utilisées en herboristerie. En vertu du 1er alinéa de l'article 24sexies, les cantons peuvent prescrire d'autres mesures de protection, ce que rappelle expressément l'article 19, 2e alinéa, de la loi.

Art. 19 Protection de plantes et d'animaux rares Aux termes de l'article 24sexies, 4e alinéa, la Confédération peut légiférer sur la protection de la faune et de la flore. Elle consultera les cantons à cet égard.

Il est nécessaire d'assurer à certaines plantes rares sur tout le territoire suisse une protection efficace fondée sur des dispositions de droit fédéral. Les circonstances pouvant toutefois changer avec le temps pour les différentes espèces, nous n'avons pas inséré dans la loi une liste des plantes particulièrement dignes de protection. L'article 19 laisse au Conseil fédéral le soin d'interdire par voie d'ordonnance, moyen moins rigide que la loi, la cueillette, la déplantation, l'arrachage, le transport, la mise en vente, la vente, l'achat et la destruction de certaines espèces rares. En élaborant le premier avant-projet de loi fédérale, la commission d'experts a déjà dressé une liste des plantes à protéger.

Cette liste pourra servir de base à une disposition à insérer dans l'ordonnance d'exécution.

Le 2e alinéa attire l'attention des cantons sur une compétence qu'ils possèdent déjà, soulignant ainsi une fois de plus le caractère fédéraliste de cette loi.

Art. 20 Végétation des rives II est nécessaire et urgent d'édicter une interdiction générale d'essarter et de recouvrir la végétation des rives, notamment les roselières et les jonchères

114

des eaux publiques. Il sera ainsi possible de prévenir la destruction de précieuses roselières et jonchères dans des zones situées en-dehors de l'aire forestière proprement dite et ne pouvant, par conséquent, pas être protégées en vertu de l'article 31, 1er alinéa, de la loi fédérale du 11 octobre 1902 concernant la haute surveillance de la Confédération sur la police des forêts (RS 9, 511).

Art. 21

Exceptions autorisées Pour les animaux et les plantes, les possibilités d'accorder des autorisations sont expressément limitées : utilisation à des fins scientifiques, pédagogiques et thérapeutiques. La suppression de la végétation des rives ne peut être permise que si un intérêt public l'exige. Ainsi, par exemple, la végétation des rives de cours d'eau qui servent d'émissaires pour des drainages peut être éliminée dans des cas particuliers justifiant ces mesures.

En revanche, il y a lieu d'admettre que la construction de maisons de vacances met toujours en danger des intérêts particuliers.

Pour les projets de construction qui doivent être exécutés en vertu d'une concession fédérale ou par des établissements fédéraux en vertu de la législation de la Confédération qui les régit spécialement, l'autorité compétente pour approuver les plans décide des exceptions à autoriser, après avoir pris l'avis de l'autorité cantonale et sous réserve du recours au Conseil fédéral. Il en est ainsi, notamment, des projets de construction des chemins de fer fédéraux et de ceux des entreprises de chemin de fer, de navigation, de téléphériques et de trolleybus concessionnées par la Confédération, l'office fédéral des transports étant, en l'occurrence, autorité de prernière instance pour l'approbation des plans.

Art. 22

Espèces animales et végétales étrangères ; autorisation obligatoire La réacclimatation d'animaux et de plantes dans la nature libre devrait en principe être limitée aux espèces qui ont eu existé autrefois sur le territoire en question. L'acclimatation en un lieu d'espèces étrangères à ce lieu, voire au pays, à des fins lucratives ou pour augmenter l'affluence des touristes, etc. n'entre pas dans le cadre des mesures de la protection de la nature au sens de l'article constitutionnel et peut même, selon les cas, nuire à la faune et à la flore indigènes.

Qu'on pense aux ravages provoqués par l'introduction des cactus en Australie !

Aussi convient-il de soumettre des initiatives de ce genre à l'examen et à une autorisation du Conseil fédéral. Il s'agit surtout d'empêcher l'importation d'espèces animales dangereuses ou nuisibles.

115

CHAPITRES 4 à 6 Dispositions pénales, organes consultatifs, entrée en vigueur

Art. 23 Dispositions pénales Des dispositions pénales sont nécessaires pour faire respecter les injonctions et interdictions contenues dans les articles 12, 14 et 17 à 22. La mesure de la peine prévue par le projet est proportionnée à la gravité des infractions possibles. Selon le 3e alinéa, le juge devra tenir compte des avantages pécuniaires obtenus illicitement. Il y a lieu de remarquer notamment qu'il n'est pas question de fautes intentionnelles seulement; ainsi, les infractions aux articles 17 à 22 commises par négligence sont aussi punissables, conformément à l'article 333, 3e alinéa, du code pénal. Mais il s'agit là essentiellement d'un droit de police, de sorte que les seules peines entrant en ligne de compte sont les arrêts et l'amende. Dans la pratique, seules les infractions grossières devraient, en règle générale, être dénoncées.

Art. 24 Organes consultatifs du Conseil fédérai II est expressément fait mention de la commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage et de la commission fédérale des monuments historiques dans un article spécial pour bien souligner l'importance des fonctions que les deux commissions remplissent comme organes consultatifs du Conseil fédéral. Il y aura avantage à régler la question du nombre des membres de la commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage ainsi que celle de son organisation dans l'ordonnance d'exécution seulement, car il convient d'acquérir au préalable quelque expérience au sujet de la somme de travail que la commission aura à accomplir. On doit cependant considérer aujourd'hui déjà comme indispensable de doter la commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage d'un secrétariat à plein temps, analogue à celui de la commission fédérale des monuments historiques. L'organisation en sera réglée dans l'ordonnance d'exécution. L'essentiel est que ce service fédéra) oeuvre de concert avec la commission consultative à laquelle il est subordonné pour sauvegarder les intérêts de la protection de la nature et du paysage dans toutes les tâches de la Confédération touchant au domaine en question et qu'il soit à même d'agir dans les cas où une prompte intervention de la Confédération semble s'imposer.

Aucun changement ne sera nécessaire, vraisemblablement, dans l'organisation de la conservation des
monuments historiques. D'autre part, il n'est pas question de réunir la commission des monuments historiques et la commission pour la protection de la nature et du paysage. Il conviendrait de régler dans l'ordonnance d'exécution seulement le problème d'une éventuelle division de la commission pour la protection de la nature et du paysage en sous-commissions (protection de la nature, «Heimatschutz», protection de la montagne).

116 Art. 25

Entrée en vigueur et exécution La disposition proposée correspond à ce qui est la réglementation usuelle dans la législation fédérale. Lors de l'entrée en vigueur de la loi, la circulaire du Conseil fédéral du 10 décembre 1962 aux départements et établissements en régie se trouvera abrogée. Cette circulaire avait trait uniquement au 2e alinéa de l'article constitutionnel et ne devait rester en vigueur que jusqu'à l'entrée en vigueur d'une loi fédérale d'exécution.

VII. Estimation des dépenses de la Confédération pour la protection de la nature et du paysage Jusqu'ici, la Confédération n'a pas affecté de moyens financiers importants à la protection de la nature. Aussi est-il très difficile d'évaluer les conséquences que cette loi va entraîner pour les finances fédérales. Nous pouvons trouver un point de comparaison, encore que tout relatif, dans le service des monuments historiques, lequel dispose depuis le 1er juillet 1958 (AF du 14 mars 1958 concernant l'encouragement de la conservation des monuments historiques, RO 1958, 393) d'un crédit global annuel de 1,5 million de francs, porté à 4 millions à partir de 1963. Les chambres fédérales seront entièrement libres de décider dans quelle mesure la Confédération pourra soutenir à l'avenir la protection de la nature et du paysage. Lors des délibérations sur le budget, elles auront à arrêter le crédit qu'elles entendent ouvrir à l'administration pour cettte tâche. Le département de l'intérieur prévoit d'inscrire une somme de 1 à 2 millions de francs au budget les premières années après l'entrée en vigueur de la loi.

VIII. Base constitutionnelle La base constitutionnelle de la présente loi réside dans l'article 24sexies, 2e, 3e et 4e alinéas.

IX. Classement de postulats Nous vous proposons de classer le postulat du Conseil national du 7 octobre 1959 (n° 7780) concernant la création d'un fonds national pour la protection de la nature, attendu que le présent projet y donne suite dans la mesure du . possible.

*

*

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117

Nous fondant sur les considérations qui précèdent, nous vous recommandons d'adopter le projet de loi ci-joint.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 12 novembre 1965, Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Tschudi Le chancelier de la Confédération, Ch. Oser

118 (Projet)

Loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu les articles 24sexies, 2e, 3e et 4e alinéas, 42 ter et 64 bis de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 12 novembre 1965, arrête : Article premier But

Dans les limites de la compétence conférée à la Confédération par l'article 24sexies, alinéas 2 à 4, de la constitution, la présente loi a pour but a. De ménager l'aspect caractéristique du paysage et des localités, les sites de notre histoire ainsi que les curiosités naturelles et les monuments de notre pays; b. De soutenir les cantons dans l'accomplissement de leur tâche de protection de la nature et du paysage et d'assurer la collaboration avec eux; c. De soutenir les efforts d'associations pour la protection de la nature et du paysage; d. De protéger la faune et la flore indigènes ainsi que leur espace: vital naturel.

Chapitre premier Protection de la nature et du paysage lors de l'accomplissement de tâches de la Confédération

Accomplissement de tâches de la Confederatigli

Art. 2 Par accomplissement d'une tâche de la Confédération au sens de l'article 24sexies, 2e alinéa, de la constitution, il faut entendre notamment :

119

a. L'élaboration de projets, la construction et la modification d'ouvrages et d'installations par la Confédération, ses instituts et ses établissements, par exemple les bâtiments et les installations de l'administration fédérale, les routes nationales, les bâtiments et installations de l'entreprise des postes, téléphones et télégraphes et des chemins de fer fédéraux ; b. L'octroi de concessions et d'autorisations, par exemple pour la construction et l'exploitation d'installations de transport et de communication (y compris l'approbation des plans), d'ouvrages et d'installations servant au transport d'énergie, de liquides ou de gaz, ou à la transmission de messages, ainsi que l'octroi d'autorisations pour des défrichements ; c. L'allocation de subventions pour des mesures de planification, pour des installations et des ouvrages, tels que les améliorations foncières, l'assainissement de bâtiments agricoles, les corrections de cours d'eau, les installations de protection des eaux et les installations de communication.

Art. 3 Les autorités, services, instituts et établissements fédéraux doivent, dans l'accomplissement des tâches de la Confédération, prendre soin de ménager l'aspect caractéristique du paysage et des localités, les sites évocateurs du passé ainsi que les curiosités naturelles et les monuments et de les conserver intacts là où il y a un intérêt général prépondérant.

2 Ils s'acquittent de ce devoir a. En construisant et en entretenant de manière appropriée leurs propres bâtiments et installations ou en renonçant à les construire (art. 2, lettre 0) ; b. En attachant des charges ou des conditions aux autorisations et aux concessions, ou en refusant celles-ci (art. 2, lettre b); c. En n'allouant des subventions que sous conditions ou en refusant d'en allouer (art. 2, lettre c).

3 Ce devoir existe quelle que soit l'importance de l'objet au sens de l'article 4. Une mesure ne doit cependant pas aller au-delà de ce qu'exigé la protection de l'objet et de ses environs.

1

Art. 4 S'agissant des paysages et des localités caractéristiques, des sites évocateurs du passé, des curiosités naturelles ou des monuments selon l'article 24$exies,.2e alinéa, de la constitution, il faut distinguer : a. Les objets d'importance nationale; b. Les objets d'importance régionale et locale.

Devoir de la Confédération

Catégories d'objets

120 Art. 5 Inventaires féd6raux d'objets d'Importance national«

Importance de l'inventaire

Expertise obligatoire

Expertise facultative

1

Le Conseil fédéral établit, après avoir pris l'avis des cantons, des inventaires d'objets d'importance nationale; il peut se fonder à cet effet sur des inventaires dressés par des institutions d'Etat et par des associations pour la protection de la nature et du paysage.

Les critères qui ont déterminé le choix des objets seront indiqués dans les inventaires. En outre, ceux-ci contiendront au minimum r a. La description exacte des objets; b. Les raisons leur conférant une importance nationale; c. Les dangers qui peuvent les menacer; d. Les mesures de protection déjà prises ; e. La protection à assurer; /.· Les propositions d'amélioration.

3 Les inventaires ne sont pas exhaustifs. Ils seront régulièrement réexaminés et mis à jour; le Conseil fédéral décide de l'inscription ou de la radiation d'objets, après avoir pris l'avis des cantons. Les cantons peuvent, de leur propre chef, proposer un nouvel examen.

Art. 6 1 L'inscription d'un objet d'importance nationale dans un inventaire fédéral montre que l'objet mérite spécialement d'être conservé intact ou en tout cas d'être ménagé le plus possible.

2 La règle suivant laquelle un objet inscrit dans un inventaire doit être conservé intact ne souffre d'exception que si des intérêts équivalents ou supérieurs, d'importance nationale également, s'opposent à cette conservation.

Art. 7 S'il se révèle que l'accomplissement d'une tâche de la Confédération pourrait porter atteinte à un objet inscrit dans un inven- · taire fédéral, le service compétent doit demander à temps une expertise de la commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage ou de la commission fédérale des monuments historiques. Cette expertise indiquera pourquoi et comment l'objet devrait être conservé intact ou en tout cas ménagé le plus possible.

Art. 8 Lors de l'accomplissement des tâches de la Confédération, la commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage et la commission fédérale des monuments historiques peuvent, dans les cas importants, donner de leur propre chef et en tout état de la procédure leur avis sur la manière de ménager des objets ou de les conserver intacts. Ces commissions doivent

121

cependant donner leur avis aussitôt que possible. Sur demande, tous les documents nécessaires seront mis à leur disposition.

Art. 9

Le service fédéral compétent peut aussi demander une expertise à la commission cantonale pour la protection de la nature et du paysage ou à un autre organe à désigner par le canton, ou inviter des associations pour la protection de la nature et du paysage à se prononcer.

Art. 10

Autres expertises

Lors de la construction d'un ouvrage militaire au sens de la loi fédérale du 23 juin 19501) concernant la protection des ouvrages militaires, le service fédéral compétent n'a pas l'obligation de demander une expertise. Il n'est pas tenu non plus de remettre des documents pour les expertises facultatives.

Réserve concernant les ouvrages militaires

Art. 11 1

Lorsque des arrêtés ou ordonnances des cantons ou des -décisions d'autorités fédérales peuvent faire l'objet d'un recours au Conseil fédéral ou d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral, le droit de recourir appartient aussi aux associations d'importance nationale qui, aux termes de leurs statuts, se vouent à la protection de la nature et du paysage ou à des tâches semblables par pur idéal.

Voies de droit des associations pour la protection de la nature et du paysage

2

Les cantons ont également le droit de recourir contre les décisions d'autorités fédérales.

3

Les associations selon le 1er alinéa ont en outre le droit de faire valoir des prétentions ou des oppositions au sens des articles 9, 35 et 55 de la loi fédérale sur l'expropriation du 20 juin 19302).

Chapitre 2 : Soutien accordé par la Confédération à la protection de la nature et du paysage et mesures de la Confédération Art. 12 1

La Confédération peut soutenir la protection de la nature et du paysage en allouant des subventions allant jusqu'à 50 pour cent des frais pour la conservation de paysages, de l'aspect de !) RO 1950, II, 1519.

-t) RS 4, 1173.

Subventions pour la Conservation d'objets dignes de protection

122

localités, de sites évocateurs du passé, de curiosités naturelles et de monuments dignes de protection. Ces. subventions ne sont accordées que si le canton participe aussi aux frais dans une mesure équitable. Leur taux se détermine d'après l'importance de l'objet à protéger (art. 4), la somme des frais et la capacité financière du canton.

2 Les subventions peuvent être liées à des conditions concernant la conservation et l'entretien de l'objet et de ses environs.

Art, 13 Subventions à des associations pour la protection de Ja nature et du paysage Acbat et sauvegarde.

d'objets dignes de protection

Mesures conservatoires

Restitution de subventions

La Confédération peut accorder à des associations pour la protection de la nature et du paysage d'importance nationale des subventions pour les frais de l'activité qu'elles exercent dans l'intérêt public.

Art. 14 La Confédération peut procéder par voie contractuelle ou, exceptionnellement, par voie d'expropriation pour acquérir ou sauvegarder des sites naturels en vue de créer des réserves, ainsi que pour acquérir ou sauvegarder des sites évocateurs du passé et des monuments d'importance nationale. Elle peut charger des cantons, des communes, des associations ou des fondations d'administrer de tels objets.

3 La loi fédérale du 20 juin 19301) sur l'expropriation est applicable.

Art. 15 Si un danger imminent menace un site naturel selon l'article 14, un site évocateur du passé ou un monument d'importance nationale, le Conseil fédéral peut, par des mesures temporaires, placer l'objet en cause sous la protection de la Confédération et ordonner que les dispositions nécessaires à sa conservation soient prises.

1

Art. 16 La restitution de subventions accordées à tort peut être requise. Peut également être requise la restitution totale ou partielle de subventions pour des objets qui ne répondent plus au but de la subvention ou ne méritent plus d'être protégés.

1

2 L'action en restitution se prescrit par 10 ans à compter de la naissance du droit. Les articles 13-5 et suivants du code de& obligations sont applicables.

*) RS 4, 1173.

123 Chapitre 3 Protection de la faune et de la flore du pays

Art. 17 1

La disparition d'espèces animales et végétales indigènes doit être prévenue par le maintien d'un espace vital suffisamment étendu (biotopes), ainsi que par d'autres mesures appropriées. Lors de l'application de ces mesures, il sera tenu compte, autant que possible, des intérêts dignes de protection de l'agriculture et de la sylviculture.

Protection d'espèces animales ci végétales

2

Dans la lutte contre les ravageurs, notamment dans la lutte au moyen de substances toxiques, il faut éviter de mettre en danger des espèces animales et végétales dignes de protection, 3 La Confédération peut favoriser la réacclimatation en des lieux appropriés d'espèces disparues ou menacées dans leur existence.

4 La législation fédérale sur la chasse et la protection des oiseaux ainsi que sur la pêche est réservée.

Art. 18 Une autorisation de l'autorité cantonale compétente est nécessaire pour récolter des plantes sauvages et capturer des animaux vivant en liberté à des fins lucratives. L'autorité peut la limiter à certaines espèces, contrées, saisons et quantités, ou d'une autre manière, et interdire la récolte ou la capture organisées ainsi que la publicité à cet effet. La présente disposition ne concerne pas les produits ordinaires de l'agriculture et de la sylviculture, ni la cueillette de champignons, de baies et de plantes utilisées en herboristerie, effectuée dans une mesure conforme à l'usage local, sauf s'il s'agit de plantes protégées.

Recolle de plantes sauvages et capture d'animaux; autorisation obligatoire

Art. 19 1

Le Conseil fédéral peut interdire totalement ou partiellement la cueillette, la déplantation, l'arrachage, le transport, la mise en vente, la vente, l'achat ou la destruction de plantes rares. II peut également prendre des mesures adéquates pour protéger certaines espèces animales menacées ou dignes de protection.

2 Les cantons peuvent édicter des interdictions semblables pour d'autres espèces.

Protection de plantes et d'animaux rares

124

Végétation des rivcg

Exceptions autorisées

Art, 20 La végétation (telle que roselières et jonchères, etc.) des eaux publiques ne doit pas être essartée ni recouverte ou anéantie d'une autre manière.

Art. 21 1 L'autorité cantonale compétente peut, à desfinsscientifiques, pédagogiques et thérapeutiques, et sur des territoires déterminés, permettre des exceptions pour, la récolte et la déplantation de plantes protégées ainsi que pour la capture d'animaux, 3

Elle peut autoriser la suppression de la végétation existant sur des rives lorsque l'intérêt public l'exige. La décision peut faire l'objet d'un recours auConseil fédéral, conformément à l'article 125, 1er alinéa, lettre b, de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 !).

.

3 Dans les cas de projets de construction qui doivent être exécutés en vertu d'une concession fédérale ou par des établissements fédéraux en vertu de la législation de la Confédération qui les régit spécialement, l'autorité compétente pour approuver les plans décide aussi des exceptions à autoriser. Avant de se prononcer, elle prend l'avis de l'autorité cantonale.

Art. 22 Espèces animales et végétales étrangères; autorisation obligatoire

Une autorisation du Conseil fédéral est nécessaire pour acclimater des espèces végétales et animales étrangères ou pour introduire des espèces indigènes dans une région du pays où elles n'existaient pas jusqu'ici. La présente disposition ne concerne pas les enclos, les jardins et les parcs, ni les établissements agricoles et sylvicoles.

Chapitre 4 Dispositions pénales

Art. 23 Celui qui n'aura pas rempli une condition qui lui a été imposée et à laquelle l'allocation d'une subvention fédérale a été liée en vertu de l'article 12, 2e alinéa, celui qui aura enfreint une prescription édictée par le Conseil fédéral en exécution des articles 15 et 17, 1er et 2e alinéas, celui qui aura enfreint une interdiction édictée par l'autorité compétente en application des articles 18 et 19, 1

!) RS 3, 521.

125

celui qui, sans droit, se sera livré à un acte soumis à une autorisation en vertu des articles 18, 21 et 22, ou aura outrepassé une autorisation, sera puni des arrêts ou de l'amende.

2 Les animaux capturés illicitement seront confisqués, de même que, si cela est équitable, les plantes récoltées, mises en vente ou acquises illicitement.

3 Dans la mesure de la peine, il sera tenu compte des avantages, pécuniaires obtenus illicitement.

4

Sont réservées les dispositions spéciales du code pénal ainsi que les dispositions pénales des autres lois fédérales, notamment, de la législation sur la protection des eaux, sur les forêts, la pêche, la chasse et la protection des oiseaux.

5 La poursuite et le jugement des infractions incombent aux.

cantons.

Chapitre 5 Disposition d'organisation

Art. 24 La commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage et la commission fédérale des monuments historiques fonctionnent comme organes consultatifs du Conseil fédéral.

Chapitre 6 Disposition finale

Art. 25 Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur de la présente loi. II édicté les dispositions d'exécution nécessaires.

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui d'un projet de loi sur la protection de la nature et du paysage (Du 12 novembre 1965)

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

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Foglio federale

Jahr

1965

Année Anno Band

3

Volume Volume Heft

48

Cahier Numero Geschäftsnummer

9357

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

02.12.1965

Date Data Seite

93-125

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10 097 913

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