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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la garantie de la nouvelle constitution du canton d'Unterwald-le-Bas (Du 17 décembre 1965)

Monsieur le Président et Messieurs, La landsgemeinde extraordinaire du canton d'Unterwald-le-Bas du 10 octobre 1965 à Wil an der Aa a approuvé, à une grande majorité, la revision totale de la constitution cantonale proposée le 19 juillet 1965 par le Grand conseil.

Par lettre du 20 octobre 1965, le landammann et le Conseil d'Etat d'Unterwaldle-Bas requièrent la garantie fédérale en faveur de la nouvelle constitution.

Aucun autre canton n'a adopté une nouvelle constitution depuis la première guerre mondiale. Entre le début du siècle et la première guerre mondiale, quatre cantons avaient revisé entièrement leur constitution, savoir Unterwald-le-Haut en 1902, le Valais en 1907, Appenzell-Rhodes extérieures en 1908 et Unterwald-le-Bas en 1913. Ainsi, la constitution d'Unterwald-le-Bas est revisée totalement pour la seconde fois au cours de ce siècle.

C'est la création d'un recueil du droit cantonal qui fut à l'origine de cette seconde revision totale. La commission chargée de préparer ce recueil estima qu'il fallait commencer par reviser entièrement la constitution, celle de 1913 ne répondant plus aux besoins actuels. Aussi la landsgemeinde du 26 avril 1964 chargea-t-elle le Grand conseil de préparer la revision totale de la constitution.

Le Grand conseil examina en deux lectures le projet élaboré par une commission spéciale et l'approuva le 10 juillet 1965 par 55 voix et 3 abstentions.

Selon le rapport du Grand conseil à la landsgemeinde, la constitution revisée n'apporte «aucune innovation fondamentale; elle tend d'une part à adapter les institutions existantes aux besoins actuels et du proche avenir et crée d'autre part les simplifications qui permettront aux administrations cantonale et communales de mieux fonctionner. C'est à cet effet que les dispositions concernant notamment l'organisation communale, l'administration de la justice

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et les attributions des autorités ont été rédigées à nouveau. » On peut ajouter que la systématique et la conception de la constitution revisée sont entièrement nouvelles. Unterwald-le-Bas peut se louer de posséder la constitution cantonale la plus moderne.

Il n'est pas possible d'examiner dans le présent message toutes les modifications intervenues. Nous nous bornerons à signaler les innovations les plus importantes et à commenter les dispositions intéressant le droit fédéral.

I

La nouvelle constitution compte 107 articles répartis dans sept chapitres: Le premier énumère les droits et devoirs des citoyens, le deuxième se rapporte aux tâches publiques, le troisième règle les rapports entre l'Etat et l'Eglise, le quatrième concerne les pouvoirs cantonaux et communaux et leurs fonctions, le cinquième traite des corporations, le sixième de la revision de la constitution et le septième contient les dispositions transitoires.

Les organes de l'Etat, notamment la landsgemeinde, mais aussi le Grand conseil et le Conseil d'Etat, conservent leurs fonctions actuelles (art. 50 ss).

De même, les rapports entre le canton et les communes sont en principe inchangés (art. 70 ss). En revanche, nombre de dispositions relatives à des questions secondaires (p. ex. le serment à prêter par les membres des autorités et les fonctionnaires, l'élection des scrutateurs de la landsgemeinde et des assemblées communales, la compétence du Grand conseil et du Conseil d'Etat d'arrêter le prix du sel et d'autoriser des abattages de bois, etc.) ont été supprimées. La durée des fonctions a été fixée uniformément à quatre ans pour les autorités et les fonctionnaires (art. 45) et à deux ans pour tous les présidents (art. 51, 1er al., ch. 4 et 5; 59 et 81, 2e al.), à l'exception du landammann et du landesstatthalter (art. 51, 1er al., ch. 2). En ce qui concerne les institutions qui ne sont pas encore nécessaires mais pourraient le devenir, la constitution ne les prescrit pas, mais se borne à créer la possibilité de les créer: suffrage féminin (art. 9), parlement communal au lieu de l'assemblée de commune (art. 80), fusion de communes scolaires et politiques (art. 86, 2e al.), modernisation de la législation sur la naturalisation (art. 12), système proportionnel pour les élections (art. 42), abolition des communes d'assistance publique (art. 105).

Les affaires communales, réparties jusqu'à présent de façon beaucoup trop compliquée entre quatre collectivités non uniformément délimitées, ont été réglées de façon beaucoup plus simple : Désormais, le territoire de la commune scolaire devra correspondre à celui de la commune politique (art. 86, 1er al.); suivant le développement de l'assistance publique, les tâches des communes d'assistance pourront être confiées à d'autres collectivités ; comme on l'a déjà relevé,
il sera possible de dissoudre les communes d'assistance qui ne présentent plus guère d'intérêt politique (art. 105).

La réforme de l'organisation judiciaire en fonction des exigences de l'Etat régi par le droit a fourni l'occasion d'introduire dans la constitution le principe

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de la séparation des pouvoirs (art. 41, 1er al.). Un tribunal pénal indépendant, fonctionnant comme juridiction inférieure, remplace la commission de justice composée de trois conseillers d'Etat (art. 67, ch. 2, et 99). Les articles 3,4e alinéa, 68 et 69 instituent la juridiction administrative et constitutionnelle, tandis que l'article 67, chiffre 2, crée la base nécessaire à l'introduction de la juridiction pénale des mineurs.

La nouvelle constitution précise les obligations du canton dans le domaine intellectuel: Les articles 14 et suivants fixent les tâches de l'école, l'article 37 prévoit l'autonomie des Eglises et les articles 21 et suivants traitent des tâches culturelles (protection de la nature et des sites, encouragement de la culture, instruction populaire). La constitution étend en outre les tâches sociales du canton, par exemple la protection de la famille (art. 29), l'assistance des pauvres (art, 25), les assurances sociales (art. 26), les mesures dans le domaine du logement (art. 27) et l'hygiène publique (art. 28).

Des dispositions transitoires (art. 95 s) assurent le fonctionnement des institutions de l'Etat jusqu'à leur adaptation au régime nouveau. Cette adaptation nécessitera plusieurs lois nouvelles, notamment sur la landsgemeinde, le Grand conseil et le Conseil d'Etat, sur les tribunaux, les autorités, fonctionnaires et employés, de même que sur les communes.

II

Les dispositions suivantes de la nouvelle constitution cantonale doivent être examinées de plus près du point de vue de l'article 6 de la constitution fédérale: Alors que l'article premier garantit, comme le fait déjà la constitution fédérale, une série de libertés, l'article 2, se fondant sur l'article 4 de la constitution fédérale, énonce le principe de l'égalité devant la loi. Parmi les dispositions de l'article 3 sur la protection juridique, le 2e alinéa, qui garantit le droit d'être entendu, mérite une mention particulière. L'article 4,2e et 3e alinéas, prévoit certaines exigences minimums en matière d'enquêtes pénales et l'article 6 règle la responsabilité des corporations et établissements de droit public pour les dommages causés par leurs autorités et fonctionnaires.

L'article 9 est la base constitutionnelle permettant d'instituer le suffrage féminin en matière cantonale et communale. Nous avons déjà constaté à plusieurs reprises que l'égalité politique des sexes n'est pas contraire au droit fédéral (cf. p. ex. FF 1959,1,368; 1959, II, 896; 1960,1,1611). Dans les affaires purement ecclésiastiques, le droit de vote et Félectorat peuvent aussi être accordés aux femmes par la constitution ecclésiastique, indépendemment de l'article 9 (art. 89, 1er al.).

L'article 27, 2e alinéa, de la constitution fédérale prescrit que l'enseignement primaire doit être placé exclusivement sous la direction de l'autorité

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civile. Autorité «civile» ne signifie pas autorité «cantonale», mais s'oppose à autorité «ecclésiastique» et à organe «privé». En d'autres termes, autorité «civile» a le sens d'«autorité laïque» (Burckhardt, Kommentar, p, 202), L'article 15 répond à cette exigence, car il prévoit que l'enseignement primaire incombe aux communes dans les limites de la législation et sous la surveillance du canton.

On peut en revanche se demander si l'article 20, 2e alinéa, qui soumet les écoles privées à la surveillance du canton, est conciliable avec l'article 27, 2e alinéa, de la constitution fédérale dans la mesure où il a trait à l'enseignement primaire. Lors de la revision totale de la constitution cantonale en 1913, le Conseil fédéral avait proposé d'accorder la garantie fédérale à une disposition analogue (art. 31, 5e al.), mais en précisant que cette garantie ne pouvait avoir pour effet de restreindre le sens de l'article 27, 2e alinéa, de la constitution fédérale (FF 1913, V, 347/348; RQ 30, 117/118). Dans son commentaire (p. 202), Burckhardt remarque que pour les écoles privées les autorités fédérales feraient à tort une distinction entre la surveillance et la direction; il suffirait, du point de vue du droit fédéral, qu'une constitution cantonale accorde un pouvoir de surveillance au canton. Lors de la revision partielle de la constitution cantonale en 1955, la disposition dont il s'agit (art. 31, 5e al.) obtint à nouveau la garantie fédérale sans contestation (FF 1955, II, 555 et 624). Nous ne voyons aucun motif de proposer aujourd'hui une réserve quelconque.

L'Eglise catholique-romaine est l'Eglise nationale (art. 34, 1er al.). L'Eglise évangélique-réformée est reconnue comme institution de droit public (art, 35), toutes les autres communautés religieuses étant «soumises au droit privé» en tant qu'elles ne sont pas reconnues par la loi comme institutions de droit public (art. 36). Cette réglementation concerne exclusivement les rapports entre l'Etat et l'Eglise, qui relèvent en principe des cantons. Toutefois, la Confédération s'est toujours reconnue compétente pour conclure des arrangements avec l'Eglise catholique-romaine au sujet des rapports entre l'Etat et l'Eglise (Burckhardt, Kommentar, p. 86/87, et Droit fédéral, n° 510; Fleiner/Giacometti, Bundesstaatsrecht, p. 355 et 815, n° 22; ATF 73,1,
103 ss). Selon cette opinion, la compétence de la Confédération pour conclure de tels arrangements exclut celle des cantons. L'article 34, 2° alinéa, n'est pas contraire à l'opinion susdite: II n'exclut pas les attributions constitutionnelles de la Confédération (art. 9 Cst); il ne fait que désigner l'autorité appelée à représenter le canton lors de la négociation de tels arrangements.

L'article 40, qui garantit le maintien des couvents et des fondations religieuses, correspond à l'article 4 de l'ancienne constitution. Dans son message du 15 décembre 1913, le Conseil fédéral signala à ce sujet que la garantie de cette disposition n'incluait naturellement pas la garantie par la Confédération du maintien des couvents et des fondations religieuses. Nous pensons pouvoir nous borner à renvoyer à cette remarque faite à l'époque. D'ailleurs, d'autres cantons garantissent également le maintien des couvents (Fleiner/Giacometti, op. cit., p. 357, n. 21).

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En raison de l'augmentation de la population, le nombre de signatures nécessaires en matière de referendum (300) et d'initiative constitutionnelle (400) a été porté à 500 (art. 53, 1er al., et 54, 3e al., ch. 1). Cette modification n'est pas contraire au droit fédéral. L'article 50, 2e alinéa, (autrefois art. 50, 1er al.) exige le même nombre de signatures pour la convocation d'une landsgemeinde extraordinaire à la demande de citoyens actifs.

Dans les affaires relatives aux corporations, les citoyens actifs appartenant à ces corporations ne sont pas seuls à pouvoir voter dans la landsgemeinde. La réglementation légale de la part aux biens de corporations et de l'usage de ces biens leur est seule réservée (art. 56, 1er al.). Une telle restriction du droit de vote général est d'autant moins contestable du point de vue du droit fédéral (art, 43, 4e al., Cst.) que l'ancien article 41, 5e alinéa, de la constitution cantonale étendait l'exclusion du droit de vote à toutes les affaires de corporations sans que la garantie fédérale lui ait été refusée en 1913/14 ou en 1955 (FF 1913, V, 340 à 344; Burckhardt, Droit fédéral, n° 220/11; FF 1955, II, 555 et 624).

L'article 60, 2e alinéa, chiffre 1, donne au Grand conseil le droit d'édicter des ordonnances d'introduction de dispositions fédérales. Dans la terminologie juridique d'Unterwald-le-Bas, on entend par là tous les textes législatifs cantonaux relatifs aux lois et arrêtés fédéraux, donc aussi bien les dispositions d'introduction que les dispositions d'application et d'exécution (cf. également art. 61, ch. 6). L'expression «ordonnance d'introduction» est utilisée par opposition à celle d'«ordonnance d'exécution», qui désigne les ordonnances d'exécution des lois cantonales (art. 60, 2e al., ch. 2).

Alors que l'exercice du droit d'initiative et de referendum ressortissant au canton en matière fédérale entre dans la compétence du Grand conseil (art. 61, ch. 3), c'est au Conseil d'Etat qu'il appartient, conformément à la pratique actuelle, de donner les avis que la Confédération sollicite du canton (art. 65, 2e al,, ch. 4).

L'article 66, 1er alinéa, garantit l'indépendance des tribunaux.

L'article 71 renforce l'autonomie des communes: Toutes les tâches qui ne ressortissent pas à la Confédération ou au canton sont attribuées aux communes.

Afin de mieux
protéger les minorités, le quorum requis pour la convocation d'une assemblée de commune extraordinaire a été abaissé du quart au cinquième des citoyens actifs (art. 75, 2e al.). Il en est de même en ce qui concerne le referendum facultatif en matière communale (art. 77, 1er al.).

En vertu de l'article 89, 2e alinéa, le curé ou le chapelain fait partie d'office du conseil de paroisse. On pourrait se demander si cette disposition heurte le principe de l'égalité devant la loi, car elle crée deux catégories de membres des conseils de paroisse, savoir ceux qui sont élus et ceux qui en font partie d'office. Mais la même disposition figurant déjà dans l'ancienne constitution

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(art. 88,1er al.) a été garantie sans réserve (FF 1913, V, 335 s; RO 30, 117/118).

Au début de 1965, le Tribunal fédéral, saisi d'un cas analogue provenant du canton de Lucerne, s'est référé à la réglementation du canton d'Unterwaldle-Bas pour constater que, dans nombre de cantons, le curé ou le pasteur est d'office membre, voire président du conseil de paroisse ; il a ajouté que cette solution est conciliable avec la conception suisse de la démocratie et qu'elle ne saurait être contestée du point de vue de l'article 4 de la constitution fédérale (ATF 91, I, 110, notamment p. 120). Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de refuser la garantie fédérale à l'article 89, 2e alinéa.

Une dernière remarque s'impose à propos de l'article 90, qui élimine une disposition inéquitable envers l'Eglise évangélique-réformée d'Unterwaldle-Bas. Précédemment, les paroisses de l'Eglise catholique-romaine bénéficiaient seules de l'impôt ecclésiastique payé par les personnes morales. Cet impôt est désormais prélevé par le canton et la loi en règle la répartition.

III.

Les conditions posées par l'article 6 de la constitution fédérale sont ici réalisées. La nouvelle constitution d'Unterwald-le-Bas ne contient rien de contraire aux dispositions de la constitution fédérale, elle assure l'exercice des droits politiques d'après les formes démocratiques, elle a été acceptée par le peuple et peut être revisée lorsque la majorité absolue des citoyens le demande.

C'est pourquoi nous vous proposons de lui accorder la garantie fédérale, en adoptant le projet d'arrêté ci-annexé.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

Berne, le 17 décembre 1965.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Tschudi Le chancelier de la Confédération, Ch. Oser

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(Projet)

Arrêté fédéral accordant la garantie fédérale à la nouvelle constitution du canton d'Unterwald-le-Bas

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'article 6 de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 17 décembre 1965; considérant que les conditions posées par l'article 6 de la constitution fédérale sont remplies, arrête; Article premier La garantie fédérale est accordée à la nouvelle constitution du canton d'Unterwald-le-Bas, acceptée dans la landsgemeinde extraordinaire du 10 octobre 1965.

Art. 2 Le Conseil fédéral est chargé d'exécuter le présent arrêté.

.feuille fédérait. 117-année. Vol. m,

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