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Feuille Fédérale

Berne, le 15 juillet 1965

117e année

Volume II

N°28 Paraît en règle générale, chaque semaine. Prix: 33 francs par an: 18 francs pour 6 mois, plus la taxe postale d'abonnement ou le remboursement.

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9287 Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant l'insertion dans la constitution d'un article 45 bis sur les Suisses à l'étranger (Du 2 juillet 1965) Monsieur le Président et Messieurs,

Le message que nous avons l'honneur de vous adresser traite un domaine qui présente quelques particularités.

: Comme il s'agit des Suisses à l'étranger, l'effet de la revision constitutionnelle se manifestera non seulement à l'intérieur, mais aussi et plus encore à l'extérieur de nos frontières. La revision concerne des personnes habitant le monde entier qui sont restées liées à la Suisse par leur droit de cité, mais qui vivent -- en raison de leur domicile -- dans des conditions et sous un ordre juridique différents selon leur pays de résidence. La Suisse est par conséquent obligée de tenir compte de cet état de fait chaque fois qu'elle prend, dans les limites de sa compétence, une mesure destinée à ses citoyens vivant à l'étranger.

Notre projet touche donc non seulement des questions de droit interne, mais également de droit international. A cela viennent s'ajouter des aspects non moins importants d'ordre politique, psychologique, social et économique.

Seconde particularité, il s'agit d'une question qui a fait l'objet de discussions publiques réitérées durant de nombreuses années, voire de nombreuses décennies. Ces discussions souffraient ici et là du fait qu'elles étaient trop souvent suscitées -- parfois quasi fortuitement -- par des problèmes particuliers. Ainsi les autorités et les Suisses à l'étranger omettaient peut-être de tenir suffisamment compte de la connexité de ces questions. U était plus difficile par la suite de discerner clairement le noeud du problème -- c'est-à-dire la question constitutionnelle. Cela empêchait d'arriver à une solution équilibrée autant en ce qui concerne le principe que les questions concrètes.

Feuille fédérale, 117e année. Vol. n.

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402 Nous désirons donner, par ce message, une vue d'ensemble des principales questions et établir la relation entre les différents domaines touchés. Notre exposé n'a pas la prétention d'être complet. Les institutions qui s'occupent des Suisses à l'étranger ne sont pas énumérées de façon exhaustive. Nous devons renoncer à indiquer tout ce qui caractérise la situation juridique des Suisses à l'étranger. Nous ne traitons de façon détaillée que les problèmes juridiques que soulève la modification constitutionnelle envisagée.

Le message comprend trois parties. La première établit les faits essentiels.

La seconde expose la situation juridique initiale. La troisième motive la revision constitutionnelle.

:

Première partie SITUATION INITIALE

A. Indications concernant la politique en matière d'émigration de la Confédération au cours des siècles /, Remarques préliminaires L'histoire de notre pays montre que les autorités ont constamment dû s'occuper de problèmes nés du fait que des confédérés voulaient aller à l'étranger, résidaient en dehors des frontières ou rentraient au pays. Ces questions revêtaient les formes les plus diverses et jouaient un rôle important, parfois même décisif, dans la politique de la Confédération. La ligne ondulante des mouvements d'émigration a laissé sa trace dans les prescriptions édictées par les Etats confédérés au cours des siècles. Les mesures prises n'étaient pas toujours coordonnées entre elles. Elles révèlent cependant l'effort des autorités pour surmonter les difficultés créées par la situation particulière du citoyen vivant à l'étranger.

Une dissertation sur l'histoire des Suisses à l'étranger n'a pas sa place ici.

Les documents d'archives et les ouvrages abondent. Une étude générale traitant ce sujet, aussi intéressante fût-elle, sortirait du cadre du présent message. Nous devons nous contenter de mettre autant que possible en lumière le rôle des Suisses à l'étranger et d'illustrer par quelques exemples tirés de différents siècles la politique pratiquée à leur égard par les Etats confédérés.

//. Appréciation et étendue de l'émigration 1. Au cours des siècles, des Suisses originaires de toutes les régions émigrèrent dans les pays les plus divers. A l'intérieur de l'Europe, l'émigration débuta très tôt, alors que le mouvement vers l'Amérique ne commença qu'au début du XVIIIe siècle.

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On ne peut trouver de dénominateur commun aux raisons qui poussèrent les Suisses à s'expatrier. Les raisons politiques, économiques, sociales, religieuses et psychologiques constituent une chaîne variée; elles s'influencent mutuellement et apparaissent tantôt au premier et tantôt à l'arrière-plan.

Nombre d'émigrants trouvèrent à l'étranger des conditions inhabituelles pour eux. Ils ne se montrèrent par conséquent pas à la hauteur de la tâche et firent naufrage. Ils rentrèrent pauvres au pays ou disparurent à l'étranger. Le service dans les armées étrangères conduisit les confédérés du XVe au XIXe siècle dans presque tous les pays européens, voire dans d'autres continents, et favorisa aussi l'émigration civile. Cela est vrai en premier lieu pour la France. La colonie suisse de Paris a été créée par des mercenaires du XVe siècle venant de tous les Etats de la Confédération. Le mercenariat -- objet et souci de la politique suisse pendant une longue période de notre histoire -- avait essentiellement pour origine la situation économique de notre pays, dont le maigre sol ne parvenait pas à nourrir une population croissante. Il allégeait le marché du travail et procurait aux Etats confédérés d'importantes ressources et souvent des avantages d'ordre commercial. Il contribuait à la gloire militaire de la Confédération et, grâce aux mercenaires rentrés au pays, au maintien des traditions militaires.

Toutefois, de nombreux mercenaires rentraient invalides. Chose plus grave encore, ils servaient souvent dans des camps opposés. Les aspects négatifs que le mercenariat et le régime des pensions avaient sur le plan social et politique donnèrent lieu, depuis la Réforme, à de nombreux et parfois âpres conflits internes.

L'émigration vers le Nouveau-Monde fut -- du moins au début -- fortement inspirée par des motifs religieux. Mais peu à peu, d'autres raisons, d'ordre économique surtout, devinrent déterminantes. Il y a lieu de signaler spécialement la fondation de «colonies» suisses en Amérique du Nord et du Sud, telles que New Bern (1710), Purysburg (1730), New Glarus (1845) aux Etats-Unis, Nova Friburgo (1819), Dona Francisca (1851) et Ibicaba (1S45) au Brésil et Nueva Helvecia (1862) en Uruguay.

Nos compatriotes qui réussirent à se faire une belle situation à l'étranger et y accomplirent de grandes choses sont
nombreux. Ce fut le cas surtout dans le métier des armes, la diplomatie, l'industrie, l'agriculture, l'artisanat, mais également dans les arts et les sciences. Dans plusieurs pays, ces Suisses laissèrent des traces qui témoignent encore aujourd'hui de leurs oeuvres. Il nous faut renoncer à énumérer ici ne fussent-ce que les plus célèbres d'entre eux. Mentionnons cependant, à titre d'illustration et parce que le fait est souvent négligé, que l'émigration provenant des territoires qui constituent actuellement le Tessin et les Grisons eut un rayonnement particulier dans le domaine de la création artistique ; remontant probablement au XIIIe siècle, elle se dirigeait avant tout vers l'Italie. Certains édifices qui comptent parmi les plus glorieux de ce pays sont l'oeuvre d'artistes tessinois, 2. Il n'est pas possible de donner des précisions sur le nombre des Suisses qui ont émigré au cours des siècles. On peut toutefois estimer en gros le chiffre

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des mercenaires en se fondant sur les capitulations. En France, par exemple, François Ier eut, durant son règne de 32 ans, 163 000 Suisses à son service alors que Louis XIV en eut 120 000 et Napoléon Ier 90 000. Lors de la guerre de succession d'Autriche, des dizaines de milliers de Suisses se battirent dans six armées différentes. On estime à deux millions de soldats, 60 000 officiers et 700 généraux le nombre de Suisses au service étranger du XVe au milieu du XIXe siècle, époque à laquelle la constitution fédérale de 1848 interdit la conclusion de capitulations militaires.

Il est difficile d'évaluer en chiffres l'émigration civile. Il faut se borner à citer quelques exemples. Ainsi, on sait qu'au XVIIe siècle-quelque 4000 Zurichois émigrèrent en l'espace de 30 ans au Palatinat et en Alsace. Environ 1500 Suisses s'étaient établis dans le comté de Hanau-Lichtenberg. En 1705, Berne facilita l'émigration de 500 baptistes en Pennsylvanie, Entre 1753 et 1763, Berne perdait chaque année environ 1000 habitants du fait de l'émigration. En 1766, la République de Venise comptait environ 3000 Grisons et il existait dans la ville 172 entreprises grisonnes. Ces exemples montrent que l'émigration était relativement importante. Cela ressort d'ailleurs du fait que les Etats confédérés devaient constamment s'occuper de citoyens qui partaient pour l'étranger ou s'y étaient établis.

La Confédération ne commença qu'en 1868 à dresser la statistique annuelle des Suisses qui s'expatriaient. Il ne s'agissait que de ceux qui se rendirent dans les pays d'outre-mer. Avant l'entrée en vigueur de la loi fédérale de 1880 sur les agences d'émigration, les cantons devaient fournir les données nécessaires.

Certains ne répondirent pas -- ou pas avec le soin voulu -- à l'invitation du Conseil fédéral, de sorte qu'on ne peut se fier à ces premières statistiques fédérales. Le consul de Suisse au Havre -- par où passaient la plupart des émigrants -- envoyait des rapports semestriels sur l'émigration. Les autorités portuaires américaines établissaient des statistiques annuelles sur la provenance des immigrants selon leur nationalité. Mais toutes ces sources donnent des chiffres si différents qu'il ne peut être question de statistiques utilisables. Seul le canton d'Argovie établissait des statistiques précises, ayant, par sa constitution
de 1852, attribué à l'Etat l'étude des questions résultant de l'émigration. Les indications disponibles ne nous permettent donc pas de déterminer le volume exact de l'émigration. On peut tout au plus en constater l'augmentation ou la diminution en valeur relative. C'est ainsi que nous observons une émigration assez forte de 1851 à 1863, avec un maximum en 1854, où le nombre des émigrants était évalué à 7,5 pour mille de la population suisse. Ensuite vient une diminution passagère, due à la guerre de sécession aux Etats-Unis. Le mouvement atteignit son apogée en 1883 avec 12 000 émigrants et diminua jusqu'en 1914 à 3000, ou à 1 pour mille de la population.

///. Aspects particuliers de la politique de l'émigration 1. L'attitude de l'ancienne Confédération envers ses citoyens à l'étranger était souvent dictée par des circonstances, qui n'existent plus aujourd'hui. Cette

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remarque est valable surtout pour les mercenaires. Même dans ce cas, les autorités adoptèrent cependant, ici et là, des solutions auxquelles nous attachons du prix encore de nos jours (par exemple en ce qui concerne l'obligation du service militaire, qu'on faisait dépendre du droit du pays d'origine et non pas de celui du pays de résidence). Il est frappant de constater que les Etats confédérés devaient déjà à cette époque s'occuper de problèmes qui jouent de nos jours un rôle important (caractère imprescriptible du droit de cité, double-nationalité, droits politiques, obligation de servir, assistance). Quelques exemples illustrent cette constatation.

2. Dès le XVe siècle déjà, les gouvernements étrangers considéraient la Confédération comme une nation. Chaque citoyen d'un Etat confédéré avait le droit -- en vertu de cette appartenance -- d'invoquer sa qualité de Suisse.

La règle suivant laquelle le citoyen absent du pays continuait à jouir longtemps de son droit de cité, indépendamment en principe de son lieu de domicile, est due avant tout au service étranger.

Plus nombreux étaient les Suisses qui entraient au service étranger, plus les gouvernements devaient se montrer larges en ce qui concernait le droit de cité.

A Zurich, le maintien du droit de cité commença dès le début du XVIIe siècle à être l'objet de règles plus précises. Celui qui quittait le pays devait dans tous les cas garantir que l'émolument perçu lors de son décès serait payé. Sinon, le conseil était obligé, selon un décret de 1699, de retirer immédiatement le droit de bourgeoisie. Le lien durable entre l'Etat et l'individu devait en principe rester indépendant du domicile lorsque le citoyen s'établissait ailleurs sous une protection étrangère. Chaque citoyen établi à l'extérieur devait demander personnellement ou par un représentant un certificat de bourgeoisie et le faire renouveler tous les trois ans, plus tard tous les six ans. Mais le citoyen absent était tenu de payer les impôts ordinaires à la ville et à sa corporation. S'il revenait avec un certificat régulièrement renouvelé, il n'avait qu'à se présenter devant le Petit Conseil pour vérification. Il était ensuite complètement réintégré dans ses droits de bourgeois. Même les fils de bourgeois devenus indépendants à l'étranger ou qui s'y étaient mariés n'avaient qu'à
prêter le serment bourgeoisial à leur retour pour pouvoir à nouveau exercer leurs droits de bourgeois.

A Glaris, il incombait au bourgeois émigré de faire en sorte que son appartenance à l'Etat d'origine ne tombe dans l'oubli. La Landsgemeinde décida pour la première fois en 1686 d'imposer le renouvellement; celui qui omettait de le demander perdait son droit de bourgeoisie.

La contribution aux charges communes constituait la condition essentielle du maintien du droit de cité des citoyens résidant à l'étranger. Au XVIIIe siècle, un brigadier au service de la France, César Hippolyte Pestalozzi, demanda la confirmation par les trois ligues de son appartenance à une famille noble de Chiavenna. Ses adversaires firent valoir que lorsqu'un citoyen quittait définitivement le pays en vendant tout son bien, ne payait ensuite aucun impôt, ne participait pas aux charges communes et ne faisait, d'une façon générale, rien

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pour la communauté, il perdait son droit de bourgeoisie. Ce litige caractéristique amena les trois ligues en 1752 à adopter une loi concernant la perte du droit de cité. Celui quiémigrait devait en informer l'autorité avant l'expiration d'un délai de trois ans. L'autorité devait savoir où résidait l'émigré. Celui-ci était obligé de participer aux charges du pays. A cet effet, il devait y laisser la sixième ou la huitième partie de sa fortune. Mais comme de nombreux ressortissants ou sujets des ligues avaient déjà perdu leur citoyenneté à cause d'une absence prolongée, il était prévu qu'ils seraient à nouveau considérés comme citoyens s'ils s'annonçaient dans les deux ans.

Le «Glarner Landbuch» de 1807 étendit le délai de renouvellement du certificat de bourgeoisie à quinze ans, la loi sur la citoyenneté de 1839 à vingt ans. Glaris cherchait à maintenir le contact des émigrés avec la patrie et à faciliter là conservation du droit de cité.

Les ressortissants d'Uri, Zoug et Saint-Gall perdaient également leur droit de bourgeoisie s'ils ne le renouvelaient pas dans un délai prescrit.

L'ancienne Confédération connaissait déjà le problème de la double nationalité. Les gouvernements s'efforçaient d'éliminer les conflits résultant de l'obligation de fidélité à deux Etats. Ils cherchaient à éviter les inconvénients pouvant résulter, pour l'Etat, de la double nationalité. A cet effet, le gouvernement bernois, par exemple, décida en 1714 que les citoyens au service étranger ne pouvaient pas être élus au Conseil s'ils n'avaient auparavant formellement renoncé devant celui-ci à reprendre du service et ne s'étaient libérés de toutes leurs obligations envers la puissance étrangère. Vers la fin du XVIIIe siècle, la double nationalité était ouvertement combattue par Berne. Ni les citoyens, ni les sujets ne pouvaient acquérir un autre droit de cité sans la permission des autorités. Les contrevenants à cette prescription perdaient leur droit de bourgeoisie et de cité. Il en était de même pour les ressortissants de Schwyz, Appenzell Rh.-Int. et Thurgovie qui acquéraient une nationalité étrangère.

3. Tout confédéré du sexe masculin avait, de tout temps, l'obligation de servir. A partir du XVe siècle, le Suisse s'acquittait généralement du service militaire dans des armées étrangères, au profit de son canton qui
encaissait les redevances. On essayait toutefois de mieux ordonner le service des mercenaires en concluant des capitulations, c'est-à-dire des conventions, avec les gouvernements étrangers. En cas de danger, la Diète pouvait rappeler les régiments capitules pour la défense du pays.

La position particulière qu'occupait le mercenaire ressort du fait que les hommes des troupes en campagne se réunissaient en une assemblée souveraine qui prenait toutes les décisions concernant l'armée et la guerre. Le 14 août 1475, les deux contingents bernois durent former un cercle devant Blamont pour juger deux hommes. Le jugement unanime de la troupe les condamna à mort.

Mais les capitaines et les conseils les gracièrent, les renvoyèrent honteusement à la maison, les condamnèrent aux frais de la cause et les obligèrent à jurer de

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ne pas se venger. Au cours du XVII^ siècle, l'usage se répandit de plus en plus de confier aux autorités et tribunaux ordinaires le soin de poursuivre et de juger les délits commis en campagne selon les règles générales du droit. Les régiments suisses au service étranger eurent de tout temps le privilège d'exercer la juridiction et d'appliquer le droit de leur pays. Le droit pénal militaire des Suisses au service étranger se fondait jusqu'au XÏXC siècle sur le droit pénal suisse.

Aucun pays étranger ne pouvait exercer la juridiction pénale sur les troupes confédérées qui étaient à son service. La Confédération conservait l'autorité personnelle ainsi que la juridiction sur les mercenaires suisses. En sont témoins les nombreuses capitulations conclues avec la France (1516-1521, souvent renouvelées plus tard), l'alliance de Venise avec Zurich et Berne de 1615, celle avec les trois ligues de 1603 ainsi que les capitulations avec l'Espagne de 1721, 1728 et 1734.

L'exercice d'un pouvoir judiciaire propre faisait que les troupes conservaient un caractère strictement suisse, voire cantonal. Les étrangers en étaient autant que possible exclus. Lors de la reconstitution d'un régiment bernois en 1751, le Conseil exigea expressément que les douze compagnies soient bernoises.

4. Les Etats confédérés s'efforçaient également d'obtenir une situation aussi favorable que possible dans les pays étrangers pour leurs émigrants civils.

Outre les mercenaires suisses, la Diète protégeait les commerçants -- soit directement, soit par les recommandations d'Etats confédérés. En France par exemple, les marchands suisses avaient d'importants privilèges commerciaux.

Les Suisses de quelque condition qu'ils fussent pouvaient s'y mouvoir et commercer librement. Les commerçants ne payaient ni impôts ni redevances; ils étaient exempts notamment du paiement des droits sur les successions en déshérence et des droits d'écart et bénéficiaient de franchises douanières étendues.

En 1638 cependant, le roi limita la franchise douanière aux produits naturels et artisanaux suisses.

A Lyon (où ils bénéficiaient de franchises de foire spéciales), les commerçants se réunirent en une colonie suisse. Ils formaient la «nation suisse» avec un syndic qui jouait en même temps un rôle de consul, et exerçaient, d'une façon autonome, une juridiction
commerciale exemplaire. De semblables communautés se constituèrent à Marseille et à Bordeaux. Venise aussi accorda aux Grisons, par l'alliance de 1603, la liberté d'établissement et de commerce et s'engagea à tolérer leur croyance protestante.

5. La politique des Etats confédérés visait à conserver le contrôle de l'émigration. Des raisons d'ordre religieux, politique et de prévoyance sociale inspiraient cette politique, qui prit des formes assez diverses.

Aux XVIe et XVIIe siècles, le souci des gouvernements protestants de maintenir l'unité confessionnelle de l'Etat entraîna inévitablement l'émigration des baptistes qui quittèrent en grand nombre Zurich, Berne et Schaffhouse pour la Moravie. Ils ne pouvaient en principe revenir. Schaffhouse menaça en 1610 celui qui partait pour la Moravie, sans le consentement de l'autorité, de lui retirer le droit de cité.

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Après la guerre de Trente Ans, les autorités, notamment du Palatinat et de la Basse-Alsace, s'efforcèrent de repeupler par l'immigration des villages entièrement détruits et promettaient le plus souvent aux étrangers l'exemption de toutes redevances durant dix ans. L'émigration vers ces régions prit ainsi de l'ampleur. Le Conseil de Zurich décida en 1650 l'enregistrement de tous les émigrants. Dans tous les cas, le droit d'écart de 10 pour cent de la fortune devait être payé. On exigeait également une attestation du nouveau lieu de résidence car l'émigration dans, des pays catholiques était par principe contrariée. Celui qui agissait à l'encontre de ces dispositions perdait son droit de cité.

En 1668, le Conseil de Berne institua également l'obligation de s'annoncer pour les émigrants. L'amman devait tenter de les retenir. Celui qui voulait néanmoins partir en invoquant un juste motif devait être inscrit dans un registre, s'abstenir de prendre du service dans une armée étrangère et n'avait pas le droit de se convertir à une autre religion. Schaffhouse avait aussi subi une forte diminution de sa population en 1642, 1659 et 1684 par des émigrations au Wurtemberg, au Palatinat, en Hesse et en Silésie. C'est pourquoi le Conseil interdit en 1684 l'émigration avant que le droit d'écart n'ait été payé et que la déclaration de renonciation aux droits de bourgeoisie et de cité n'aient été fournie.

Zurich interdit en 1734 l'émigration et la vente de biens mobiliers et immobiliers. Les ventes conclues furent annulées. Celui qui partait clandestinement perdait son droit de bourgeoisie; celui qui revenait appauvri était banni, Berne chercha à endiguer l'émigration en refusant le passeport lorsque le requérant n'était pas en mesure de produire une recommandation de Famman.

Le Conseil essaya également d'influer sur les communes en décidant à diverses reprises qu'à la place d'un émigré un apatride devait être accepté dans le droit de cité. Cependant, en 1734 le gouvernement dut -- sous la pression des événements -- laisser partir pour l'Amérique 322 personnes, dont beaucoup furent, bloquées à Londres et tombèrent dans la misère. Le 21 mars 1735, il renforça les mesures restrictives. Celui qui voulait partir devait s'acquitter du droit d'écart sans aucune réduction et perdait son droit de bourgeoisie. Celui qui
renonçait à l'émigration recevait du Conseil six couronnes par année pour chaque enfant. Le Conseil facilita le retour à ceux qui étaient restés en panne à Londres.

Mais les prescriptions n'étaient pas toujours suivies : bien des préposés établissaient des passeports malgré l'interdiction et des communes accordaient desavances aux émigrants parce qu'elles voyaient la misère.de près. Bien des émigrants partaient clandestinement pour éviter de payer le droit d'écart.

Cependant, les autorités n'entravaient pas toujours l'émigration. Lorsque, vers la fin du XVIIe siècle, les efforts de colonisation commencèrent dans l'électorat de Brandebourg, les émigrants zurichois reçurent du Conseil, en 1691, des passeports généraux et un thaler de l'empire commeargent de voyage; ·les autorités rirent même conduire les enfants en voiture jusqu'à SchafFhouse.

Lorsque les premières déceptions se manifestèrent, le gouvernement redevint plus réservé, d'autant plus que les pasteurs prêchaient l'arrêt de l'émigration et demandaient qu'on empêchât la vente hâtive des biens.

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Schaffhouse suivait une autre politique. Le Conseil laissait partir les célibataires, les mercenaires et ceux qui n'avaient pas de biens. A l'occasion, il payait un viatique. Parfois, il autorisait l'émigration, d'autres fois il l'interdisait. Fait significatif il mit expressément en garde, en 1735, contre l'émigration sans autorisation officielle en Caroline (Etats-Unis). Celui qui partait quand même devait céder 10 pour cent de sa fortune et perdait son droit de bourgeoisie.

Le Conseil édicta en même temps une interdiction absolue de retour. Les ecclésiastiques n'avaient pas le droit de délivrer des certificats de baptême aux émigrants. L'interdiction de retour fut renouvelée en 1748. Trois ans plus tard, tout rachat de biens d'un émigrant était interdit.

La famine régnant, la Diète examina, le 17 juillet 1817, la grave question de savoir s'il fallait encourager ou empêcher l'émigration. Le Vorort trouvait qu'il ne fallait pas laisser partir les émigrants sans moyens. Schaffhouse déclara qu'on ne pouvait retirer le droit de bourgeoisie et de cité aux émigrants, mais recommanda de demander un émolument de 85 guilders néerlandais par adolescent et 170 guilders par adulte avant d'accorder un secours quelconque.

Quelques communes mettaient des moyens à disposition pour soutenir les familles de ceux qui rentraient au pays. L'Argovie prélevait un émolument pour les passeports et en remettait le produit au consulat de Suisse à Amsterdam pour financer le retour de ceux qui n'avaient pas suffisamment d'argent pour le voyage en bateau. Le canton exigeait d'autre part que ses émigrants, jusqu'à leur arrivée outre-mer, s'organisent en groupe sous la direction d'un chef responsable.

Etant donnée la crise économique, les autorités ne pouvaient rester inactives. La Diète déclara cependant deux ans plus tard, en 1819, que la réglementation de l'émigration était l'affaire des cantons et que la Confédération ne devait accorder son aide que dans des cas particuliers. Bien des cantons intervinrent alors à coup de mises en garde et d'interdictions.

Les nombreux récits concernant les insuccès des colons, leur misère matérielle et sociale, les fourberies d'agents habiles, mais aussi la déportation d'indigents, de malades mentaux et d'invalides de tous genres, obligèrent la plupart des cantons à intervenir. IJs
édictèrent des règlements sur les agences d'émigration. Celles-ci devaient obtenir une patente et fournir un cautionnement. En 1858, une conférence entre les cantons dont certains ressortissants vivaient dans des conditions misérables au Brésil déclara qu'il était du devoir de toute la Suisse d'améliorer le sort des émigrés comme l'avait déjà demandé une conférence de douze cantons en 1846. Schaffhouse recommanda en 1848 que l'Etat soutienne autant que possible les émigrants et demanda au Conseil fédéral d'étudier les moyens de protéger et d'organiser l'émigration. Cette initiative resta sans suite du fait que la constitution de 1848 ne donnait aucun pouvoir à la Confédération dans ce domaine. Les cantons ne réussirent pas à mettre sur pied une action d'ensemble. Par contre, plusieurs associations privées prirent à leur charge l'étude des problèmes de l'émigration: la société suisse d'utilité publique, la société suisse d'émigration (Schweizerischer Auswanderverein), la société du Griitli, etc.

410 L'idée que c'était à la Confédération de s'occuper des questions concernant l'émigration gagnait de plus en plus de terrain. Bien avant la promulgation de la première loi dans ce domaine la Confédération avait entrepris des actions spontanées au profit des émigrés. Elles avaient surtout trait à la protection des Suisses à l'étranger. En outre, se fondant sur les rapports consulaires, le Conseil fédéral envoya des lettres circulaires aux cantons. La Confédération augmenta le nombre des consulats. Dès 1855, elle accorda à nos représentations aux Etats-Unis des crédits destinés à l'assistance des émigrés. Cette évolution amena l'insertion de l'article 34, alinéa 2 dans la constitution fédérale de 1874 selon lequel les agences d'émigration sont soumises à la surveillance et à la législation de la Confédération. La loi fédérale du 24 décembre 1880 concernant les agences d'émigration, revisée en 1888, se base sur cet article constitutionnel.

B. Importance des Suisses à l'étranger L'aperçu de l'évolution historique a montré que l'émigration ne peut pas être jugée de façon uniforme. Une constatation analogue s'impose pour les temps actuels, même si certaines tendances apparaissent clairement, comme nous le relèverons ci-après. Avant d'entrer en matière, il nous semble indiqué de parler de la répartition des Suisses à l'étranger, dont le nombre est impressionnant en lui-même. Nous disposons aujourd'hui de meilleures statistiques qu'autrefois, du moins en ce qui concerne ceux de nos compatriotes qui ont uniquement la nationalité suisse.

/. Indications numériques concernant les Suisses à l'étranger 1. Le premier recensement systématique des Suisses établis à l'étranger eut lieu en 1926. Des estimations privées donnent les nombres approximatifs suivants, pour la période d'avant la première guerre mondiale: 50 000 Suisses se trouvaient à l'étranger en 1850, 250000 en 1880, 330000 en 1895 et presque 380 000 pendant la période précédant 1914.

Les statistiques établies sur la base des, enquêtes de nos représentations à l'étranger et des immatriculations peuvent être résumées comme suit: Suisses à l'étranger ne possédant que la nationalité suisse

1926 1930 1935 1938 1945 1950

double-nationaux

total (estimation)

doni immatriculés

immatriculés

non immatriculés (estimation)

319000 320 000 296 000 290 000 248 000 186 000

173 983 226501 228 317 232 239 206576 165 080

4393 11604 26729 30465 42382 72363

107000 75000 81 000 107 500 93000 115000

411 ne possédant que la nationalité suisse total (estimation)

dont immatriculés

......

double-nationaux immatriculés

""îratîmation)1*8

1954 177500 163440 86552 145500 1955 177000 163858 88919 299000 1957 178000 165448 93887 299500 1958 173000 160291 95317 1959 164000 160897 100344 1960 165000 160774 104311 1961 163500 159381 108247 1962 162000 157877 111758 1963 160000 156030 116119 1964 160000 155980 119668 Les indications concernant les personnes ayant uniquement la nationalité suisse peuvent être considérées comme exactes. Il est par contre pratiquement impossible de saisir par les statistiques les double-nationaux. Avant 1848, les cantons avaient réglé de façon différente le problème de la conservation du droit de cité. Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 29 septembre 1952 sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse, la double nationalité pouvait remonter, le cas échéant, à plusieurs générations. Aussi convenait-il de considérer les estimations relatives aux double-nationaux avec beaucoup de prudence. La loi prévoit maintenant la perte par extinction, sous certaines conditions, de la nationalité suisse à la deuxième génération née à l'étranger. Les estimations d'autrefois étaient plutôt trop basses que trop élevées, notamment en ce qui concerne les Etats-Unis. Une analyse approfondie faite en 1955 par le «US Census of Population 1950» permit de fixer le nombre des doublenationaux suisses à 275 000, alors que les statistiques basées sur les estimations de nos consulats n'en indiquaient que 121 000, Cela explique la différence appréciable *des chiffres de 1954 et 1955 dans la colonne des double-nationaux non immatriculés. Dès 1958, on renonça, vu les inexactitudes inhérentes aux estimations, à mentionner dans les statistiques annuelles les double-nationaux non immatriculés..

Le pourcentage de nos compatriotes n'ayant que la nationalité suisse qui s'annoncent à nos représentations a augmenté sans cesse depuis l'introduction de l'immatriculation. En 1926, il y en avait à peine plus de la moitié (54 pour cent); en 1964 environ 97 pour cent de nos compatriotes ayant seulement la nationalité suisse s'étaient fait immatriculer. Il y a plusieurs raisons à cette évolution. En premier lieu, la nécessité de disposer de papiers d'idendité a incité beaucoup de Suisses à se faire immatriculer. Ensuite, plusieurs améliorations dans le système d'enregistrement et des invitations périodiques envoyées aux Suisses à se faire
immatriculer ont eu un effet similaire. Enfin, les bouleversements des dernières décennies, les oeuvres de secours lancées pendant et après la guerre, ainsi que l'institution de l'assurance-vieillesse et de survivants facultative auprès des Suisses à l'étranger ont de plus en plus poussé nos compatriotes à maintenir le contact avec nos représentants et à se faire immatriculer.

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Le nombre en chiffres absolus des Suisses sans double nationalité a presque régulièrement diminué depuis 1938. En revanche, on constate pour la même période une augmentation également régulière du nombre des double-nationaux immatriculés. Les raisons de cette évolution, en apparence contradictoire, sont cependant en bonne partie les mêmes : l'avènement de régimes totalitaires, la seconde guerre mondiale et ses effets ultérieurs, les bouleversements politiques et économiques de tous genres, un nationalisme outrancier ont incité de nombreux Suisses à rentrer au pays où ils trouvaient aussi de meilleures possibilités de gain. En même temps, ces phénomènes ont amené de nombreux double-nationaux à rechercher le contact avec nos représentations à l'étranger et à préférer le passeport suisse à celui établi par l'autorité étrangère. En outre, beaucoup d'enfants de Suisses à l'étranger naissent à l'étranger, avec la double nationalité en vertu du jus soli. Enfin, nombreux de nos compatriotes se voient obligés par les conditions de vie dans leur pays de résidence à acquérir la nationalité de celui-ci. Depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la nationalité, le 1er janvier 1953; environ 15 500 Suissesses de naissance habitant l'étranger, et ayant perdu la nationalité suisse par mariage avec des étrangers, ont obtenu la réintégration dans leur droit de cité suisse et se sont, dans la plupart des cas, fait immatriculer. Cela a contribué à l'augmentation du nombre des double-nationaux immatriculés. Mais si l'on additionne le nombre des immatriculés uniquement Suisses et des double-nationaux immatriculés, on constate que le total est resté à peu près le même depuis 1938, Pendant les années de guerre, l'émigration s'est presque arrêtée. Depuis lors, elle a de nouveau augmenté, comme le montrent les chiffres suivants disponibles à partir de 1960, reflétant le mouvement des immatriculés uniquement Suisses: 1960 1961 1962 1963 1964

Partis de Suisse

Rentres en Suisse

Excédent d'Émigration

15507 15974 15970 16073 17295

13665 14689 14982 14540 14220

+1842 +1285 + 988 +1533 +3075

Ces excédents ne suffisent guère à assurer le renouvellement et le rajeunissement des communautés de Suisses à l'étranger. Une enquête de 1958 relève d'une façon générale un certain vieillissement, surtout chez les «uniquement Suisses». La situation varie cependant d'un pays à l'autre.

2. Dans quels continents ou régions nos compatriotes habitent-ils? La réponse est: dans le monde entier. La statistique annuelle de 1964 énumérait 127 pays. Si nous tenons compte des Suisses sans double nationalité qui sont immatriculés auprès de nos représentations (cf. tableau ci-dessous), nous constatons qu'à fin 1964, 66 pour cent d'entre eux résidaient en Europe, 23 pour cent sur le continent américain et 11 pour cent en Asie, en Afrique ou en Australie.

-

413

Nombre des Suisses immatriculés sans double nationalité Année

1938 1945 1950 1955 1958 1959 1960 1961 1962 1963 1964

Europe

186790 159817 123 173 109 960 105 252 105 434 105 793 104 794 103 980 103 465 103 547

Amérique

32828 34677 28954 37339 38 476 38855 38427 38 160 37953 36489 36141

Afrique

8439 8850 8734 10740 10145 10245 9761 9393 9006 9040 9017

Asie

2956 2274 2877 3732 3694 3641 3795 3822 3838 4043 4199

Australie Oceanie Nouvelle-Zélande

1226 958 1 342 2087 2724 2722 2998 3212 3100 2993 3076

Total

232 239 206 576 165 080 163 858 160 291 160 897 160774 159381 157 877 156030 155 980

La diminution intervenue depuis la dernière guerre mondiale concerne essentiellement l'Europe, alors qu'on peut constater une légère hausse dans les autres continents. En Afrique, cette évolution a été interrompue depuis quelques années par les événements politiques (Etats d'Afrique du Nord, Congo).

Les départs qui en résultèrent ne furent que partiellement compensés par une augmentation de notre émigration vers d'autres pays africains.

Les groupes les plus nombreux de Suisses sans double nationalité se situaient à fin 1964 dans les pays suivants: en France (38 385), en République fédérale d'Allemagne (21 134), aux Etats-Unis d'Amérique (14456), en Italie (13 570), en Grande-Bretagne (8105), au Canada (7060), en Argentine (4671), au Brésil (4307), en Belgique (3918), en Autriche (3566) et en Espagne (3509).

En 1964, les double-nationaux étaient fortement représentés en France, où ils constituaient 58 pour cent (52 132) de nos compatriotes immatriculés, en République fédérale d'Allemagne 33 pour cent (10408), aux Etats-Unis 41 pour cent (10 015); ils sont également nombreux au Canada, en Argentine, en Italie, en Grande-Bretagne et au Brésil.

Sur les 17 295 Suisses qui quittèrent le pays en 1964, 66 pour cent (11 352) choisirent l'Europe: Grande-Bretagne (3123), République fédérale d'Allemagne (2115), France (2059), Italie (1185), etc.; 19 pour cent émigrèrent en Amérique: Etats-Unis (2164), Canada (644), Brésil (136), Pérou (87), Argentine (45), etc., alors que 8 pour cent partirent pour l'Afrique, 5 pour cent pour l'Asie et 2 pour cent pour l'Australie/Océanie.

//. Appréciation générale Comparée à ce qu'elle était autrefois, l'émigration a changé d'aspect principalement dans deux domaines: le mercenariat, abstraction faite de la légion étrangère et de quelques autres cas isolés, a disparu et l'émigration causée par la misère économique régnant au pays a disparu également. Les

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raisons qui amènent le Suisse à partir pour l'étranger sont cependant aussi diverses de nos jours que dans les temps anciens. Sur le plan sociologique, les communautés de Suisses à l'étranger sont une image des conditions que l'on trouve chez nous. Toutes les couches sociales et toutes les professions y sont représentées. On peut dire toutefois que les émigrants sont actuellement avant tout des techniciens, des commerçants et des savants. Ils émigrent pour achever leur formation, mettre leurs connaissances pour une durée plus ou moins longue àia disposition de l'étranger, ou encore pour ouvrir de nouveaux débouchés. On peut dire qu'en général l'émigration qui prenait parfois la forme d'une fuite du pays, voire d'un mouvement de masse, a fait place à une émigration plus individuelle et plutôt axée sur la qualité. L'intention de s'établir définitivement à l'étranger est moins répandue qu'autrefois. A cet égard, il est significatif de noter que les Suisses qui arrivent et ceux qui rentrent au pays occupent une place relativement importante dans les effectifs des immatriculés de certains arrondissements consulaires. Cela vaut par exemple pour Athènes, Dublin, Hambourg, Copenhague, Lisbonne, New York, Oslo, Rotterdam, Stockholm ainsi que pour la plupart des pays en voie de développement. Londres est un exemple particulièrement frappant: en 1964, sur un effectif de 7200 Suisses sans autre nationalité, environ 2900 sont arrivés de Suisse et environ 2200 y sont retournés. Tous ces éléments amènent petit à petit des modifications dans les groupements de nos compatriotes et dans leurs rapports avec la patrie.

Parmi les raisons que nous avons de nous occuper de façon appropriée des émigrants, celles de nature économique ne sont pas les moins importantes.

La Suisse, petit pays pauvre en matières premières et sans accès à la mer, a besoin à l'étranger de communautés solides et viables, toujours .renouvelées par un apport de forces fraîches. Nos compatriotes ont prouvé leur savoir-faire professionnel dans bien des domaines. Ils contribuent largement au rayonnement mondial de notre économie et, partant, à son renforcement. Les investissements directs que les entreprises importantes de Suisse avaient placés à fin I960 dans leurs succursales à l'étranger ont été évalués à environ 11 à 13 milliards de francs. En
1964, nos exportations s'élevaient à 11,461 milliards de francs. Notre industrie horlogère, nos industries chimiques et des machines, nos textiles, vivent essentiellement de l'exportation. Un groupe important d'entreprises suisses (représentées dans la section «Entreprises suisses dans le monde» à l'Expo 1964) occupent par exemple 264000 personnes à l'étranger et comptent plus de 1000 usines, dont seulement 114 se trouvent en Suisse. De nombreux Suisses occupent des positions-clé dans ces entreprises.

Il convient enfin de signaler le rôle que les Suisses à l'étranger sont appelés à jouer grâce à leur longue expérience pratique dans le domaine de l'aide aux pays en voie de développement. Nombre de nos compatriotes ont fait preuve de dynamisme sur ce plan, non seulement dans l'économie, mais aussi comme missionnaires ou éducateurs.

Cette image, somme toute réjouissante, ne doit pas nous cacher que de nombreux Suisses à l'étranger se débattent toujours dans des difficultés.

415 Celles-ci peuvent avoir des raisons individuelles comme il s'en produit pour chaque individu qui a une activité dépendante de l'économie, mais elles peuvent également être la conséquence de mesures prises par le pays de résidence. Les nationalisations détruisent bien des existences et provoquent la saisie d'investissements suisses de tous genres. La vague de nationalisations qui déferle depuis quelques décennies sur de nombreux pays a commencé en Europe orientale et s'étend de nos jours principalement dans certains pays d'Afrique du Nord.

En outre, la plupart des pays en voie de développement ont des difficultés de paiement, ce qui les incite à pratiquer une politique restrictive en matière de devises. Les mouvements de fonds intéressant particulièrement lès Suisses à l'étranger s'en ressentent; ainsi, les transferts d'épargne, de pensions et d'argent pour les vacances deviennent difficiles, restreints ou tout à fait impossibles.

Il convient encore de mentionner brièvement l'apport des Suisses à l'étranger sur le plan culturel. A notre époque également, des Suisses ont créé de grandes oeuvres dans les domaines scientifique et artistique (théâtre, musique, poésie, peinture, architecture). Ces compatriotes contribuent à accroître le prestige de notre patrie dans le monde entier. Ils méritent toute notre considération du fait que les questions culturelles prennent toujours plus d'importance, notamment dans les relations entre Etats.

C. Institutions

/. Institutions dans le pays En Suisse même, diverses institutions privées s'occupent des problèmes relatifs aux Suisses à l'étranger; une partie d'entre elles entretiennent d'étroites relations les unes avec les autres.

1. La Nouvelle Société Helvétique fut fondée le 1er février 1914 sous la devise «Pro Helvetica dignitate ac securitate». Elle s'assigna pour but -- en dehors et au-dessus de tout parti -- «de promouvoir l'éducation nationale, de développer l'esprit public dans la lutte contre l'intrusion d'un matérialisme exclusif, de créer des liens plus étroits entre les ressortissants des diverses parties du pays ainsi qu'avec les Suisses à l'étranger, aussi bien entre eux qu'avec la mère-patrie». En 1916, elle commença à fonder des groupes à l'étranger. L'année suivante, elle établit la commission des Suisses à l'étranger puis, en 1919, le secrétariat permanent des Suisses à l'étranger. Par la suite, de nombreuses associations se sont jointes à l'organisation des Suisses à l'étranger de la Nouvelle Société Helvétique. Celle-ci compte actuellement plusieurs centaines de groupes à l'étranger; elle est ouverte à tous les groupements et institutions suisses à l'étranger. Ses groupements désignent les membres de l'étranger de la commission susmentionnée, dont les tâches principales consistent à traiter les problèmes de la politique des Suisses à l'étranger et à représenter ces derniers devant l'opinion publique et les autorités. Le secrétariat des Suisses à l'étranger s'efforce de faire connaître dans le pays les problèmes

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particuliers de nos compatriotes. En outre, il cherche à approfondir chez ceux-ci la connaissance de notre pays, notamment par le moyen de films, de visites, de conférences et de publications. A cet égard, la revue mensuelle «Echo» joue un rôle important. Le service de la jeunesse organise chaque année à l'intention de nos jeunes compatriotes de l'étranger des camps de vacances en Suisse et publie une revue bi-mensuelle. Quant au service des recrues, il s'occupe des jeunes Suisses qui se rendent dans le pays pour y accomplir leur premier service militaire.

Depuis 1920, la commission des Suisses à l'étranger organise les «journées», auxquelles participent chaque année plusieurs centaines de nos compatriotes. Ces journées permettent de discuter de problèmes qui touchent particulièrement la cinquième Suisse comme aussi de questions d'intérêt général pour le pays. Un membre du Conseil fédéral et des représentants de l'administration fédérale suivent régulièrement les débats.

La Confédération soutient les diverses activités du secrétariat par une aide financière substantielle, à laquelle s'ajoutent des contributions spéciales pour les camps de jeunesse.

2. A côté de la commission du secrétariat susmentionné, il existe dans le pays une série d'institutions qui se consacrent exclusivement à nos compatriotes.

La fondation «Pour les Suisses à l'étranger», créée en 1939, contribue au financement du secrétariat des Suisses à l'étranger. Elle dispose de fonds de source privée, provenant pour l'essentiel de la collecte de la fête nationale.

La fondation Schnyder von Wartensee vient en aide, dans la mesure du possible, aux Suisses à l'étranger qui se voient frappés par des coups du sort.

Le home des Suisses à l'étranger à Dürrenäsch (Argovie) est un lieu de repos qui peut accueillir une centaine de personnes.

Le comité d'aide pour les écoles suisses à l'étranger consiste en une communauté de travail de la fondation «Secours aux Suisses» et de la Nouvelle Société Helvétique. Il s'occupe du recrutement et de la formation de maîtres .pour les écoles suisses à l'étranger ainsi que de la publication et de l'achat de matériel scolaire; il organise également des camps de vacances pour les élèves, ainsi que des cours pour les maîtres.

Créée en 1938, la fondation «Secours aux Suisses» finance chaque année le
séjour dans la mère-patrie de centaines d'enfants appartenant à toutes les couches sociales.

L'association pour la formation scolaire et professionnelle des jeunes Suisses à l'étranger conseille nos compatriotes de 10 à 25 ans en matière de formation scolaire et professionnelle en Suisse. Par l'octroi de bourses et de prêts, elle leur facilite des séjours d'études dans notre pays, 3. Parmi les institutions dont l'activité s'exerce en partie au bénéfice des Suisses à l'étranger, la fondation «Pro Juventute» occupe une place particulière. Elle voue ses soins aux enfants qui séjournent dans notre pays grâce à

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l'appui de la fondation «Secours aux Suisses»; c'est en outre l'une des trois institutions qui soutiennent l'oeuvre de formation pour les jeunes Suisses à l'étranger.

La fondation du couple Karl et Mathilde Kiefer-Hablitzel met une partie de ses ressources à la disposition de commerçants suisses dans les pays d'outremer qui ont perdu leur situation sans que ce soit de leur faute et qui doivent de ce fait retourner en Suisse.

L'institut tropical suisse à Baie présente également un intérêt pour les Suisses à l'étranger. Les émigrants peuvent s'adresser à son service d'information et de documentation. Il forme des chefs de plantations et des chimistes du sucre. Une clinique, qui lui est rattachée, permet de traiter nos compatriotes de retour au pays qui souffrent de maladies tropicales.

Le service d'ondes courtes de la société suisse de radiodiffusion et télévision, qui s'adresse en huit langues différentes aux auditeurs d'Europe et d'outre-mer, considère de son devoir de présenter des programmes spéciaux à l'intention des Suisses à l'étranger. Il diffuse ainsi chaque semaine deux émissions d'une demi-heure en suisse allemand, en français et en italien.

4. L'office suisse d'expansion commerciale entretient, essentiellement par ses agences et les chambres de commerce à l'étranger, des contacts suivis avec les Suisses à l'étranger. Des relations étroites existent également entre ces derniers et l'office suisse du tourisme qui possède des agences dans 18 villes étrangères.

Il convient enfin de mentionner l'activité à l'étranger de la fondation Pro Helvetia (conférences, expositions, etc.), dont nos compatriotes bénéficient également et sur laquelle nous vous avons donné des informations détaillées dans un message du 28 mai 1965.

5. Quant à l'assistance spirituelle, elle est assurée, du côté protestant, par le comité pour les Eglises suisses à l'étranger de la fédération des Eglises protestantes de la Suisse. Ce comité recrute des pasteurs pour le service à l'étranger, diffuse de la littérature religieuse et peut, en cas de besoin, accorder une aide financière. L'association des pasteurs suisses à l'étranger, qui groupe les ecclésiastiques exerçant leur ministère à l'étranger ou qui en sont revenus, travaille en étroite liaison avec la fédération des Eglises protestantes.

La conférence des évêques
catholiques a créé le secrétariat pour la pastoration des catholiques suisses à l'étranger qui a fondé des missions à Londres et à Paris. Ces missions sont dirigées par des prêtres envoyés de Suisse et rattachés à l'évêché de Baie.

II. Institutions à l'étranger 1. Les Suisses à l'étranger possèdent, à un degré élevé, la capacité de s'adapter à un milieu nouveau, à des moeurs différentes et à d'autres formes d'existence. Le processus s'accélère lorsqu'ils mènent, dans un milieu différent de Feuille fédérale, 117e année. Vol. H,

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.

la mère-patrie, une vie sans contact avec leurs compatriotes ou épousent une ressortissante de l'Etat où ils résident. A ceci s'ajoute que de nombreux Etats.

favorisent l'assimilation et facilitent, sinon exigent, la naturalisation des résidents étrangers. De telles circonstances peuvent conduire à un relâchement des liens avec la mère-patrie. Il n'en reste pas moins que l'inclination des Suisses à se réunir en. associations de toutes espèces pour s'occuper d'intérêts communs se retrouve à l'étranger. Aux mobiles qui conduisent les Suisses restés au pays à se grouper s'en ajoutent d'autres chez nos compatriotes à l'étranger. Malgré leur assimilation à leur entourage, ils ont à coeur d'entretenir des relations avec d'autres compatriotes. Parfois aussi, le fait qu'ils, ne peuvent pas participer à la vie politique de la mère-patrie les conduit à exercer une activité accrue au sein de sociétés. Ces constatations sont confirmées par le nombre considérable et la variété des associations créées par des Suisses à l'étranger. Une enquête récente a montré qu'il en existe près de 700 possédant une forme juridique. Si leurs idéaux sont analogues, leurs activités diffèrent considérablement. D'une façon générale, elles ont pour but de développer les relations sociales entre leurs membres et de permettre à ces derniers des échanges de vues sur des questions d'intérêt commun. Elles organisent la fête nationale, des manifestations à but de divertissement ou de caractère culturel, des excursions ainsi que des fêtes pour la jeunesse et les enfants. Selon une tradition typiquement suisse, le tir et la gymnastique occupent une place importante. A l'étranger, il n'existe pas moins de 30 sections de tir, auxquelles le département militaire fédéral fournit les moyens de pratiquer ce sport, de même que 40 associations sportives et 30 sociétés de chant. On compte également un grand nombre de sociétés féminines, qui se consacrent essentiellement à des tâches sociales, de groupes de jeunes, ainsi que d'autres associations rassemblant les ressortissants de certains cantons ou les membres de certaines professions (par exemple, les universitaires).

Ces associations vouent aussi souvent leur attention aux problèmes que le monde moderne pose à notre pays et à la communauté des peuples en général.

C'est naturellement dans les
pays et les villes où nos compatriotes sont les plus nombreux que les associations de Suisses à l'étranger se rencontrent le plus fréquemment. Il en existe ainsi plus de 70 en France -- dont un tiers environ à Paris --, plus de 50 dans la République fédérale d'Allemagne et 11 en Autriche, 50 en chiffre rond dans la circonscription du consulat général de New York, 30 environ dans celle de Buenos Aires et une quinzaine dans chacune des villes de Bruxelles, Londres et Milan. Mais on trouve également des groupes suisses dans des contrées écartées et peu peuplées. Dans presque tous les endroits du monde où quelques Suisses sont établis, existe une association ou un cercle amical où se rencontrent nos compatriotes. Font malheureusement exception les pays dans lesquel, en raison du régime politique, toute organisation privée est soit interdite, soit soumise à des restrictions sévères.

Les sociétés suisses à l'étranger se réunissent souvent au niveau local, régional ou national -- parfois aussi dans un cadre comprenant plusieurs pays -- afin de renforcer les contacts entre elles, de traiter de questions générales,

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de préparer la journée des Suisses de l'étranger et de désigner leurs représentants à la commission des Suisses à l'étranger. Dans plusieurs pays (tels que la République fédérale d'Allemagne, l'Autriche, la France, l'Italie, les pays du Bénélux, les pays Scandinaves, les trois principales régions des Etats-Unis), ces sociétés tiennent des assemblées annuelles auxquelles participent habituellement des délégués du secrétariat des Suisses à l'étranger de la Nouvelle Société Helvétique et des représentants de la Confédération.

2. Tandis que nombre d'associations suisses doivent se contenter pour leurs assemblées de locaux loués, à moins qu'elles ne puissent compter sur l'hospitalité d'hôtels sous direction suisse, d'autres ont acquis, au prix de grands sacrifices, des immeubles qui sont devenus non seulement le centre de leurs activités mais encore, dans bien des cas, des lieux de rayonnement de la vie suisse. De telles maisons suisses se comptent par douzaines dans maintes parties du monde, notamment dans de nombreuses villes des Etats-Unis et du Canada, en Amérique du Sud (Lima, Rio de Janeiro, Santiago du Chili), en Asie (Calcutta, Damas, Manille, Singapour), en Afrique (Alger, Johannesbourg, Le Cap, Léopoldville) ainsi que dans des villes européennes (Barcelone, Bordeaux, Bruxelles, Catane, Hanovre, Lisbonne, Livourne, Madrid, Marseille, Munich, Nice, Paris, Turin). A Milan, la Confédération est propriétaire du «Centro svizzero», dans lequel l'association suisse occupe deux étages. A Londres et à New York, des centres suisses s'édifient actuellement sur initiative privée; des locaux pourront y être prévus pour les sociétés suisses. De même, une maison suisse est en construction à Lyon. Des plans pour des constructions analogues sont à l'étude dans d'autres villes.

3. De nombreux Suisses à l'étranger sont abonnés à des journaux et des revues de notre pays, en particulier F«Echo». Un certain nombre de communautés suisses à l'étranger ont en outre éprouvé le besoin de créer leurs propres moyens d'information, qui diffusent des nouvelles de la mère-patrie, des avis de nos représentations officielles à l'étranger, des chroniques locales sur la vie au sein des sociétés suisses. C'est ainsi que nos compatriotes publient, en chiffre rond, 50 bulletins et journaux, dont 18 en Europe, 10 en Amérique du Sud,
9 en Amérique du Nord, 9 en Afrique et 4 en Asie/Oceanie.

4. D'une importance toute particulière est l'activité déployée à l'étranger par des organisations privées suisses d'assistance. Le nombre total de ces institutions peut être évalué à plus de 150. Les bénéficiaires en sont en premier lieu les membres de la colonie suisse frappés par la gêne, l'âge et la maladie, mais aussi les Suisses de passage. L'assistance peut revêtir des formes diverses, telles que contributions non remboursables, prêts, prise en charge de frais d'hôpital et de traitement, livraison gratuite de denrées alimentaires, de vêtements et de médicaments, participation aux frais de voyage pour les camps de vacances des jeunes Suisses à l'étranger, paiement d'abonnements à des journaux et des revues suisses, étrennes de Noël. Ces activités variées et extrêmement utiles ont fait de plusieurs de ces institutions des organes d'assistance solidement établis, qui disposent de collaborateurs à plein temps et qui dé-

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chargent non seulement nos missions à l'étranger d'une partie de leur travail, mais encore les cantons et les communes. Leurs ressources proviennent de donations, de legs ainsi que de contributions occasionnelles ou régulières; la plus grande partie de ces moyens sont fournis par les Suisses à l'étranger euxmêmes. La Confédération reconnaît l'utilité de ces oeuvres de secours mutuels et accorde depuis plus de 100 ans des subsides aux sociétés qui le lui demandent et lui rendent des comptes. A l'heure actuelle, la Confédération dispose à cet effet d'un crédit annuel de 70 000 francs, à quoi s'ajoutent les prestations des cantons, qui se sont élevées à 60 270 francs en 1964. C'est ainsi que 59 associations de bienfaisance ont pu bénéficier de subsides officiels en 1964.

Dans plusieurs pays, nos compatriotes ont créé des asiles de vieillards, par exemple à Ballester dans la province de Buenos Aires, Mount Kisco dans l'Etat de New York, Issy-les-Moulineaux près de Paris, Sao Paulo au Brésil, Marseille et Mexico D. F. (dans cette dernière ville, il s'agit d'une entreprise commune des sociétés de bienfaisance suisse, française et belge). Des maisons d'accueil, qui sont plus particulièrement destinées aux jeunes filles et aux femmes seules, existent à Londres, Milan, Naples, New York et Vienne.

Quelques groupes de Suisses à l'étranger ont également été en mesure de fonder des hôpitaux, dont la direction médicale et l'administration sont assurées, soit essentiellement par des citoyens suisses (Casa di cura evangelica internazionale di Milano), soit en collaboration avec d'autres communautés étrangères (Barcelone, Gênes, Mexico D. F., Naples), Ce système permet d'assurer à nos compatriotes des soins médicaux appropriés à des conditions raisonnables. A l'occasion, des conventions particulières sont passées au bénéfice de ressortissants suisses malades avec des hôpitaux fondés par d'autres communautés étrangères. Il en va notamment ainsi dans le cas de l'hôpital français de Londres et de la clinique allemande de Madrid. Plusieurs de ces maisons, asiles et hôpitaux, de même que quelques autres organisations d'assistance au bénéfice de nos compatriotes à l'étranger (secrétariat social des.

Suisses et armée du salut à Paris) sont subventionnées par la Confédération et les cantons, qui leur ont versé ensemble
la somme de 58 500 francs en 1964.

5. La vie active des communautés suisses à l'étranger témoigne de l'attachement de leurs membres à la mère-patrie. Il importe que ces associations maintiennent leur liberté d'action et leur indépendance à l'égard des autorités.

Dans le cas des Suisses à l'étranger, l'initiative privée doit également avoir le pas sur les mesures étatiques. Le nombre réjouissant d'associations ne doit assurément pas conduire à négliger le fait que certaines d'entre-elles, comme on le relève parfois dans les milieux des Suisses à l'étranger eux-mêmes, ont apparemment de la peine à renoncer à des formes d'activité que la jeune génération juge dépassées. Les forces neuves souhaitent être associées d'une façon accrue aux travaux et aux responsabilités; en outre, il s'agit de former un nombre croissant de représentants qualifiés des différents groupes qui soient à même de jouer le rôle de porte-parole de ces derniers, à l'étranger comme en Suisse.

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6. Parmi les institutions pédagogiques et culturelles, les 16 écoles suisses à l'étranger reconnues par la Confédération occupent une place particulière.

Elles s'efforcent d'instruire leurs élèves dans un esprit suisse. Ces écoles doivent leur origine à la seule initiative privée et ne peuvent souvent subsister que grâce à de lourds sacrifices de généreux citoyens suisses. Dans l'ordre chronologique de leur fondation, il s'agit des écoles suisses de Naples (1839), Gênes (1851), Luino (1883), Catane (1904), Milan et Barcelone (1919), Alexandrie (1921), Le Caire (1929), Santiago du Chili (1939), Lima (1941), Rome (1945), Florence (1946), Bogota (1948), Rio de Janeiro et Bangkok (1963), Ponte San Pietro près de Bergame (reconnue en 1965). Leur histoire et les tâches importantes qu'elles assument en tant que centres d'éducation et de rayonnement culturel font l'objet d'une description détaillée dans deux messages du 17 septembre 1946 (FF 1946, III, 225) et du 16 septembre 1963 (FF 1963, II, 585). On se bornera à mentionner ici qu'à la fin de l'année scolaire 1963/1964, ces écoles avaient un effectif total de 3782 élèves, dont 985 Suisses, et de 175 maîtres principaux, dont 105 Suisses. Des projets de fondation de nouvelles écoles sont à l'étude.

L'arrêté fédéral du 3 mars 1964 décrit les conditions auxquelles l'aide de la Confédération est subordonnée. Celle-ci ne joue d'ailleurs qu'un rôle subsidiaire et le caractère privé des écoles n'en est pas affecté. En particulier, elle ne dispense pas nos compatriotes de fournir leurs propres efforts.

Une aide fédérale est aussi accordée à l'école du «Cercle commercial suisse» à Paris, à la «Swiss Mercantile School» à Londres ainsi qu'à l'école du «Circolo Commerciale Svizzero» à Milan. Depuis 1906, il existe à Domodossola pour les enfants des fonctionnaires des chemins de fer fédéraux et des douanes suisses une école qui est placée sous la surveillance du canton de Vaud et qui est subventionnée par la Confédération.

7. Parmi les institutions de caractère universitaire, l'Institut suisse de Rome représente l'exemple le plus important. Cet institut permet à des universitaires diplômés, à des étudiants et à de jeunes artistes de faire un séjour de travail en un haut lieu de la culture classique. Il dispose d'une bibliothèque et organise des conférences,
des expositions et des concerts qui en ont fait un centre apprécié de rayonnement culturel. La Confédération lui a accordé un appui financier substantiel.

La maison suisse de la cité universitaire de Paris, construite en 1933 par Le Corbusier, offre des conditions de séjour et de travail avantageuses à dé jeunes intellectuels qui poursuivent leurs études dans la capitale française. Elle accueille en moyenne 80 étudiants par an et reçoit un soutien de la Confédération.

8. Diverses communautés suisses ont fondé leurs propres églises à l'étranger. Du côté protestant, c'est notamment le cas à Barcelone, Buenos Aires, Domodossola, Florence, Gênes, Johannesbourg, Londres, Marseille, Milan, Misiones, Naples, Rio de Janeiro, Sao Paulo et Trieste, Les églises protestantes

422 suisses à l'étranger et, dans certains cas, les sociétés de bienfaisance disposent en divers endroits de leur propre cimetière. Quant aux missions catholiques à Londres et à Paris, il en a déjà été fait mention plus haut.

9. Les missions catholiques et protestantes suisses exercent depuis longtemps leurs activités dans de nombreuses parties du globe, principalement en Afrique, mais aussi en Asie/Oceanie et en Amérique latine. Elles ne se limitent pas à la propagation de la foi et à l'instruction religieuse. Leurs tâches comprennent notamment l'enseignement scolaire, la direction d'hôpitaux, de pharmacies, de léproseries et de jardins d'enfants, l'instruction technique et agricole ainsi que la formation de maîtres et d'infirmières. Malgré les difficultés croissantes que rencontrent les missions, les missionnaires suisses se comptent par milliers. S'ils vivent souvent dans des contrées écartées et d'accès difficile, ils maintiennent néanmoins les relations avec d'autres compatriotes. Nos concitoyens s'adressent souvent à eux pour une aide spirituelle et savent qu'ils peuvent également recevoir des soins médicaux en cas de besoin.

10. Afin de promouvoir les intérêts économiques suisses, nos compatriotes ont fondé des chambres de commerce en Argentine, en Belgique, au Brésil, en France, en Italie, au Luxembourg et en Autriche. Elles sont groupées au sein de l'association des chambres de commerce suisse à l'étranger, à Zurich, qui forme une section du directoire de l'union suisse du commerce et de l'industrie.

Dés chambres de commerce mixtes pour le -développement des relations économiques existent au Chili, aux Pays-Bas, au Pérou et en Uruguay. Le «Swiss Economie Council» à Londres peut être rangé dans la même catégorie.

///. La société coopérative «Fonds de solidarité des Suisses à l'étranger» Fondée en 1958, le «Fonds de solidarité», avec siège à Berne, a pour but de grouper les Suisses à l'étranger en une coopérative d'entraide destinée à intervenir en cas de perte des moyens d'existence à l'étranger, non imputable au lésé, résultant de guerre, de troubles civils ou de mesures coercitives générales de caractère politique. Les Suisses du pays peuvent adhérer au fonds comme parrains de Suisses à l'étranger. La coopérative tire ses ressources des prestations statutaires et volontaires de ses
membres ainsi que des contributions fournies par des tiers. Chaque coopérateur doit verser un montant annuel fixe ou une somme unique qui est en principe remboursable. Lorsqu'un coopérateur perd sa situation à l'étranger pour l'une des causes énumérées ci-dessus, il peut prétendre à une indemnité forfaitaire représentant l'équivalent de cent versements annuels, entre un minimum de 2500 francs et un maximum de 30 000 francs. Les intérêts de la fortune de la coopérative servent à la couverture des indemnités forfaitaires.

L'Assemblée fédérale a autorisé le Conseil fédéral, par un arrêté fédéral du 22 juin 1962, à accorder à la coopérative une garantie en cas de déficit, selon des modalités qui ont été réglées par un contrat du 23 octobre 1962. La Confédération fournit des prestations sous la forme d'avances remboursables. Par

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suite des événements politiques (plus particulièrement en Afrique), le fonds a été fortement mis à contribution dès le début de son existence, alors que les ressources financières accumulées par les coopérateurs étaient encore faibles.

Cette situation a conduit la Confédération à fournir, en exécution de sa promesse de garantie, une avance de fonds qui, à la fin de 1964, avait dépassé 500 000 francs.

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En chiffre rond, 8500 coopérateurs sont membres du fonds. De sa fondation à la fin de 1964, ce dernier a versé des indemnités s'élevant à 2 millions de francs à 215 coopérateurs en tout.

Bien que, chose heureuse, l'idée de se prémunir soi-même dans la mesure du possible contre les coups du destin soit largement répandue parmi nos compatriotes à l'étranger, les 8500 adhésions enregistrées jusqu'à maintenant au fonds de solidarité restent inférieures aux chiffres escomptés. Il est permis .d'espérer que, sur les quelque 270000 Suisses immatriculés à l'étranger, un plus grand nombre d'entre eux se décidera encore à adhérer au fonds.

L'enrôlement de nouveaux ce-opérateurs demeure une tâche importante pour tous les organes privés et publics intéressés. Plus grand sera le nombre des coopérateurs, meilleure sera la répartition des risques. En adhérant au fonds, les Suisses à l'étranger démontrent que l'idée de solidarité ne représente pas pour eux un vain mot ; en outre, ils témoignent qu'ils sont disposés à prendre eux-mêmes des mesures de prévoyance pour l'avenir. Les autorités suisses pourront d'autant mieux se faire les avocats des Suisses à l'étranger devant le souverain que ces derniers manifesteront plus nettement leur volonté de s'aider eux-mêmes. Le fait que certains de nos compatriotes à l'étranger renoncent à adhérer au fonds de solidarité, bien qu'ils en aient la possibilité, pourrait leur être imputé à charge dans le cas où ils perdraient leurs moyens d'existence, et jouer un rôle dans l'appréciation par les autorités compétentes de demandes d'aide éventuelles.

IV. Organes de la Confédération De nombreuses autorités, fédérales en premier lieu, mais aussi cantonales et communales, sont appelées à s'occuper des Suisses à l'étranger. Cette diversité résulte du fait que les autorités compétentes pour les questions de nature interne le restent en règle générale pour les problèmes de nos
compatriotes de l'extérieur. Un tel système permet de traiter les cas relatifs aux Suisses à l'étranger selon les critères valables sur le plan interne. En revanche, et c'est là son inconvénient, il n'est pas toujours possible d'apprécier comme il le faudrait la situation dans laquelle se trouvent nos compatriotes. Ce système rend en outre plus difficile la coordination de la politique dé la Confédération à l'égard des Suisses à l'étranger. Seuls seront mentionnés ci-après les organes de la Confédération qui traitent de façon suivie des questions touchant nos compatriotes de l'extérieur.

1. De tout temps, il a été admis que la protection des citoyens suisses envers les Etats étrangers ressortit à la défense des intérêts de la Confédération au

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dehors et qu'elle incombe de ce fait au Conseil fédéral en vertu de l'article 102, chiffre 8, de la constitution. La loi du 26 mars 1914 sur l'organisation de l'administration fédérale confie cette tâche au département politique ainsi qu'à ses missions diplomatiques et consulaires. Le département étend ses activités en faveur des Suisses à l'étranger, dans bien des cas en coopération avec d'autres organismes publics, aux domaines les plus divers, notamment à la préparation et à l'application de traités avec des Etats étrangers, de même qu'à la défense de nombreux intérêts individuels de nos compatriotes. A côté des services dont la compétence se circonscrit à des pays ou à des problèmes déterminés, il existe un service spécial qui s'occupe exclusivement des questions touchant les Suisses à l'étranger et qui s'emploie à coordonner l'activité des autorités, dans la mesure où elle concerne nos compatriotes de l'extérieur.

Le droit des gens fait une distinction entre les missions diplomatiques et les postes consulaires qu'un Etat entretient à l'étranger. Leur position, leur champ d'action, leurs privilèges et immunités ont été codifiés dans la convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961 et dans la convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963. La Suisse a ratifié ces deux conventions. Le diplomate est accrédité auprès du gouvernement de l'Etat dans lequel il représente son propre pays. Il intervient dans des questions de principe qui touchent les Suisses à l'étranger. Quant aux représentants consulaires, ils défendent les intérêts de leurs compatriotes auprès des autorités locales de leur circonscription consulaire.

En droit suisse, le règlement consulaire du 26 octobre 1923 s'applique aux consulats ainsi qu'aux activités consulaires de nos ambassades, dont la plupart ont la charge d'une circonscription consulaire. Il ne donne toutefois pas un tableau complet du champ d'activité des consulats, du fait que ceux-ci se sont vu confier de nouvelles tâches depuis lors et qu'ils doivent fréquemment faire face à des situations qui ne se prêtent pas à réglementation. C'est ainsi que nos consulats sont toujours davantage appelés à oeuvrer en faveur de la vie culturelle suisse à l'étranger. Le consul est l'intermédiaire entre le Conseil fédéral et les citoyens
suisses domiciliés dans sa circonscription. Il a l'obligation d'assurer la défense des intérêts de la Confédération et des cantons. Il doit aussi, dans la mesure du possible, défendre les intérêts des citoyens suisses et s'efforcer par tous les moyens appropriés de développer les relations, commerciales en particulier, entre la Suisse et sa circonscription consulaire. Il lui incombe de prêter une assistance juridique aux citoyens suisses ainsi que d'exécuter les prescriptions concernant le contrôle militaire, la taxe militaire, les passeports et les attestations, ainsi que l'assurance-vieillesse et survivants facultative. Il intervient lorsqu'il s'agit de déterminer des relations de droit civil ou de régler les successions de ressortissants suisses. Il doit finalement s'occuper de cas d'assistance et apporter son appui aux sociétés suisses de bienfaisance.

De cette énumération, qui est loin d'être exhaustive, il ressort que les consuls sont chargés de tâches de toute espèce qui, en Suisse, sont confiées à des organes spécialisés.

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2. L'office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail est chargé de l'application de la loi du 22 mars 1888 concernant les opérations des agences d'émigration. Cette loi, qui contient des dispositions de droit privé d'une part, des prescriptions de police d'autre part, a pour objet d'empêcher la propagande dangereuse ou trompeuse en matière d'émigration ainsi que d'assurer la protection des émigrants jusqu'à leur arrivée à destination. Conformément à l'article 25 de la loi, un service de l'émigration est rattaché à l'office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail; il donne, sur demande, des renseignements sur les possibilités d'emploi, de même que sur les conditions d'admission, de vie et de travail à l'étranger; il dispense chaque année ses conseils à plusieurs milliers de personnes. L'office assiste les Suisses rentrés au pays pour la recherche d'emplois; il est également chargé de l'exécution des accords internationaux sur l'échange de stagiaires.

3. Le secrétariat du département fédéral de l'intérieur s'occupe de l'aide aux écoles suisses à l'étranger.

4. L'office fédéral des assurances sociales exerce une surveillance sur l'assurance-vieillesse et survivants ainsi que sur l'assurance-invalidité facultatives des Suisses à l'étranger et édicté -- en accord avec le département politique -- les ordonnances nécessaires à son exécution. A côté de la préparation des revisions de la loi, il incombe à l'office précité de mener les négociations d'accords internationaux sur la sécurité sociale. Les modalités techniques d'application de l'assurance des Suisses à l'étranger sont du ressort de la caisse suisse de compensation à Genève.

5. Les affaires militaires des Suisses à l'étranger relèvent du chef du personnel de l'armée. Il est responsable du contrôle militaire de nos compatriotes; il applique les prescriptions et les accords internationaux relatifs à l'accomplissement des obligations militaires.

6. Le champ d'activité de la division de la justice du département de justice et police s'étend à des questions de droit international privé, qui sont fréquemment de la plus haute importance pour les Suisses à l'étranger. La division de la justice se borne néanmoins à traiter les cas juridiques relevant de l'administration et laisse aux tribunaux le soin de trancher les
litiges. Elle est souvent saisie de cas de succession dans lesquels soit le «de cujus» soit les héritiers sont des Suisses à l'étranger. De concert avec nos missions diplomatiques, elle intervient dans ces affaires comme intermédiaire entre les personnes intéressées et les autorités compétentes en Suisse ou à l'étranger.

Les registres suisses de l'état civil revêtent également une importance particulière pour nos compatriotes. Les naissances, les mariages et les décès, en somme tous les faits concernant l'état des personnes et des familles, sont attestés dans ces registres. C'est sur la base de telles attestations que les passeports suisses et d'autres pièces d'identité sont délivrés. La tenue des registres est de la compétence des cantons. Le service fédéral de l'état civil, qui dépend

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de la division de la justice, exerce la haute surveillance; il sert d'intermédiaire entre les autorités cantonales et nos représentations à l'étranger.

Le domaine d'activité de la division de la justice englobe l'application de l'arrêté fédéral du 23 mars 1961 instituant le régime de l'autorisation pour l'acquisition d'immeubles par des personnes domiciliées à l'étranger. La division n'est pas investie d'un pouvoir de décision. Ce sont les autorités cantonales qui décident de l'octroi ou du refus des autorisations, les recours étant réglés par une commission fédérale spécialement instituée à cet effet. Le département de justice et police dispose cependant d'un droit de recours contre les décisions cantonales.

7. La division de )a police du département de justice et police s'occupe à plusieurs titres des intérêts des Suisses à l'étranger. Les matières suivantes sont notamment de sa compétence: droit de cité (par exemple réintégration dans la naticjnalité suisse et naturalisation facilitée), délivrance de passeports suisses et enfin questions concernant l'assistance internationale, telles que préparation et exécution d'accords d'assistance.

L'activité de l'office central fédéral chargé des questions relatives aux Suisses à l'étranger, qui relève de la division de la police, se situe sur un tout autre terrain. Dans le cadre de l'arrêté fédéral du 13 juin 1957 concernant une aide extraordinaire aux Suisses à l'étranger et rapatriés victimes de la guerre de 1939 à 1945, l'office en question est chargé de procéder, aux investigations nécessaires en tant qu'organe d'instruction de la commission pour l'aide aux Suisses à l'étranger victimes de la guerre et d'exécuter les décisions de ladite commission. Indépendamment de l'arrêté fédéral, l'office central peut venir en aide aux Suisses à l'étranger et rapatriés qui sont tombés dans la gêne, sans qu'il en soit de leur faute, par suite de mesures de contrainte de caractère politique ou économique.

8. La police fédérale des étrangers prend une part prépondérante à la conclusion d'accords d'établissement qui, en règle générale, régissent selon le principe de la réciprocité la situation des étrangers en Suisse et des Suisses dans les Etats parties à ces accords.

9. Dans le domaine du droit fiscal fédéral, pour autant qu'il concerne les Suisses à l'étranger,
l'administration fédérale des contributions contrôle essentiellement Ja taxation et la perception de la taxe d'exemption du service militaire; elle procède aux remboursements d'impôts prévus par des accords internationaux; sa compétence s'étend à l'interprétation des accords de double imposition et à leur préparation.

10. Diverses commissions extraparlementaires de la Confédération traitent des questions touchant les Suisses à l'étranger, que ce soit à titre d'organes de consultation ou de décision.

Dans le domaine de la sécurité sociale, il convient de mentionner la commission fédérale de l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité, au sein de

427 laquelle nos compatriotes à l'étranger peuvent faire entendre leur voix par le truchement d'un représentant du secrétariat des Suisses à l'étranger de la Nouvelle Société Helvétique. La commission donne son avis au Conseil fédéral sur les questions de fonds que posent l'exécution et le développement de l'assurance-vieillesse et survivants et de l'assurance-invalidité.

La commission suisse de l'assurance-invalidité pour les assurés à l'étranger se prononce sur les demandes émanant d'assurés domiciliés à l'étranger, donc aussi de Suisses, En particulier elle établit -- à l'intention de la caisse suisse de compensation -- les possibilités de réadaptation; elle décide des mesures de réadaptation et fixé le degré de l'invalidité déterminant pour l'octroi de rentes et d'indemnités pour incapacité de travail. Nos compatriotes sont également représentés dans cette commission par un membre du secrétariat des Suisses à l'étranger.

D'autres commissions investies d'un pouvoir de décision sont chargées d'exécuter des tâches de caractère exceptionnel et d'une durée limitée. Il en est allé ainsi de la commission des indemnisations japonaises (indemnisation de dommages contraires au droit des gens commis par le Japon à l'égard de ressortissants suisses durant la guerre), ainsi que des commissions des indemnisations de nationalisation, des allocations anticipées aux victimes suisses des persécutions nationales-socialistes et de l'aide aux Suisses à l'étranger victimes de la guerre.

Grâce à leur composition (représentants de la Confédération et experts, y compris des Suisses à l'étranger) et à leurs méthodes de travail, ces commissions disposent d'une large indépendance à l'égard de l'administration. Elles examinent dans chaque cas particulier la situation personnelle et matérielle du requérant et fixent le montant de la prestation. Leurs décisions peuvent être portées devant des commissions spéciales de recours qui constituent des juridictions extraordinaires de la Confédération. Ce système a fait ses preuves.

Du fait de leur composition, de leur indépendance et de leur méthode de travail, qui tiennent largement compte des principes inhérents à l'Etat de droit, ces commissions remplissent leur tâche d'une manière appropriée.

Deuxième partie SITUATION JURIDIQUE INITIALE A. Les Suisses à l'étranger sur le terrain des conflits entre leur droit d'origine et celui de leur pays de résidence Est considéré comme Suisse à l'étranger le ressortissant suisse qui est domicilié hors du territoire de la Confédération. A l'instar de toute personne ne résidant pas dans son Etat d'origine, il est obligatoirement soumis à deux ordres juridiques indépendants l'un de l'autre, à savoir celui de son Etat d'origine et celui de son pays de résidence.

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II n'y a pas de règle générale fixant le droit déterminant lorsqu'il s'agit de régler un cas. particulier. Cela dépend du droit des gens, de la législation et de la pratique suivie par les Etats. Deux principes s'opposent: d'une part, celui de la nationalité, dit principe de l'origine; d'autre part, celui de la résidence, dit principe de la territorialité. Le premier attribue une importance déterminante à l'appartenance à l'Etat d'origine et il se fonde sur cet élément pour requérir l'application du droit d'origine, sans se préoccuper d'établir si le ressortissant réside dans son Etat d'origine ou à l'étranger; en d'autres termes, le droit d'origine suit l'intéressé dans tous ses déplacements. Il en résulte que le Suisse à l'étranger est également soumis au régime du droit suisse à l'endroit où il réside. Inversement, le second principe met l'accent sur le domicile, en considérant que la souveraineté de l'Etat sur son territoire implique naturellement l'application de son droit partout où s'exerce son pouvoir, sans que l'on tienne compte de la nationalité des habitants, donc à l'égard des étrangers comme de ses propres ressortissants. Dans la mesure où ce principe est en vigueur, le Suisse à l'étranger est soumis au droit étranger applicable dans l'Etat où il réside.

Le droit coutumier international, les accords internationaux ou parfois même la seule pratique suivie par les Etats laissent à l'ordre juridique de l'Etat de résidence le soin de régler certains domaines, d'autres étant soumis à celui de l'Etat d'origine. D'une manière générale, on peut dire que l'ordre juridique de l'Etat de résidence est applicable dans la plupart des domaines du droit.

En revanche, le principe de l'origine vaut particulièrement en matière de reconnaissance de droits politiques, d'obligations militaires, d'assistance ou d'octroi de la protection diplomatique. On ne saurait cependant se dissimuler que l'application des deux principes est de nature à susciter des difficultés de toutes espèces, notamment des conflits de droit, surtout lorsque -- dans un cas particulier ·-- chaque Etat entend revendiquer l'application exclusive de sa propre législation. A cet égard, on peut mentionner par exemple le cas où, se fondant sur le principe de la nationalité, l'Etat d'origine impose également à ses ressortissants résidant à
l'étranger le devoir de remplir leurs obligations militaires, alors que l'Etat de domicile considère le service militaire comme une charge incombant à tout habitant. Il va de soi que lés double-nationaux sont particulièrement touchés par les conflits de lois, les deux Etats d'origine pouvant revendiquer l'application de leur ordre juridique, lorsque le droit des gens considère que le principe de l'origine est applicable. Inversement, il peut arriver que tant l'Etat d'origine que celui de résidence refusent d'appliquer leur législation: l'Etat d'origine, parce que son ressortissant est domicilié à l'étranger; l'Etat de domicile, parce qu'il s'agit d'un étranger. Des difficultés de ce genre peuvent notamment se produire en matière d'assistance.

Notre pays est évidemment libre, comme tout autre Etat et sous réserve des normes du droit des gens, de prendre toute disposition concernant l'application de ses propres lois. Mais des difficultés peuvent se présenter déjà lors de la détermination de la nationalité, en tant qu'elle conditionne l'application du droit d'origine. Maints pays connaissent en matière d'acquisition et de perte

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de la nationalité une législation qui diffère de la nôtre sur des points essentiels.

Ainsi, il peut arriver qu'une personne soit contrainte de renoncer à sa nationalité d'origine, ou que cette dernière soit ignorée par le nouvel Etat d'origine. Le Suisse à l'étranger étant soumis au pouvoir de l'Etat où il réside, l'application du point de vue suisse rencontrera souvent de grandes difficultés. La souveraineté de l'Etat de domicile sur son territoire limite l'application du droit d'origine.

Le Suisse à l'étranger se trouve ainsi placé sur le terrain des conflits entre le principe de la nationalité et celui de la résidence. Il en est résulté des difficultés non négligeables dans un certain nombre de pays et il est à craindre qu'elles ne se produisent également à l'avenir.

En principe, des conflits de cette nature peuvent être résolus de deux manières. Ou bien tout Etat (qu'il s'agisse de l'Etat d'origine ou de celui de domicile) peut en tenir compte dans sa législation et dans sa pratique. De nombreux Etats ont adopté des dispositions concernant les conflits de lois qui peuvent revêtir une certaine importance pour les Suisses à l'étranger domiciliés sur leur territoire. Il n'est pas possible de les exposer toutes ici, car cela nécessiterait une étude de la législation et de la pratique d'un grand nombre d'Etats.

Le second moyen d'exclure le conflit consiste à passer un accord entre l'Etat d'origine et celui de domicile. On recourt de plus en plus à cette méthode, notamment en matière d'assurance sociale, de droit fiscal, de trafic des paiements, de service militaire ou d'assistance.

Les possibilités de conflits entre le droit d'origine et celui de domicile se manifestent également sur le terrain du droit privé. Le droit international privé, qui vise à régler les conflits de droit, a connu un développement considérable, soit dans les législations nationales, soit dans la science et la pratique, de même que dans les traités internationaux.

En ce qui concerne le droit suisse, la loi fédérale du 25 juin 1891 sur les rapports de droit civil des citoyens établis ou en séjour contient des dispositions de droit national relevant du droit international privé. Les articles Id, If, 1g, li, ainsi que les articles 28 à 31 de cette loi règlent les conditions de droit civil des Suisses à l'étranger. A cet
égard, l'article 28 revêt une importance particulière: il admet que -- sous réserve des accords internationaux -- le Suisse à l'étranger est soumis en principe à la législation de l'Etat de domicile (dont l'application est toutefois exclue en ce qui concerne les biens-fonds sis en Suisse). L'application du droit suisse n'est prévue que subsidiairement, pour les cas ne tombant pas sous le coup du droit de l'Etat de domicile.

Par ailleurs, la Suisse a toujours collaboré activement à l'élaboration d'accords multilatéraux dans le domaine du droit international privé et elle est partie à de nombreuses conventions de cette nature. La convention de La Haye pour régler les conflits de lois en matière de mariage et celle pour régler la tutelle des mineurs, toutes deux du 12 juin 1902, sont particulièrement importantes pour les Suisses à l'étranger; de même, la convention de La Haye concernant la compétence des autorités et la loi applicable en matière de protection des mineurs, du 5 octobre 1961 (qui n'a pas encore été ratifiée par la Suisse),

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ainsi que deux autres conventions de La Haye, l'une concernant la loi applicable aux obligations alimentaires envers les enfants, du 24 octobre 1956, et l'autre la reconnaissance et l'exécution de décisions en matière d'obligations alimentaires envers les enfants, du 15 avril 1958, toutes deux entrées en vigueur le 17 janvier 1965. Sur le plan bilatéral, des accords ont été conclus avec divers Etats européens dans le domaine du droit privé.

B, Domaines juridiques particuliers

II convient encore d'examiner les questions qui -- outre les domaines immédiatement connexes à l'article constitutionnel proposé -- (chiffres III à V) ne sont pas sans intéresser le Suisse à l'étranger (chiffres I, II et VI).

/. La nationalité suisse 1. La nationalité suisse se caractérise par l'appartenance du citoyen à une commune, à un canton et à la Confédération. Elle s'acquiert et se perd en même temps que le droit.de cité cantonal et communal. L'acquisition de la nationalité suisse se fonde en premier lieu sur la filiation paternelle et sur le principe de l'unité de nationalité au sein de la famille. Il en résulte notamment qu'en épousant un Suisse, une femme étrangère acquiert automatiquement la nationalité suisse lors du mariage et que les enfants suivent la nationalité du père de famille.

Le transfert illimité de la nationalité suisse à l'étranger, par filiation paternelle, n'est pas sans présenter des inconvénients. Ceux-ci se sont notamment manifestés durant la dernière guerre. Il est arrivé que des personnes n'ayant plus aucune relation réelle avec la Suisse se soient prévalues à nouveau de leur nationalité suisse, pour des raisons d'ordre soit matériel, soit politique, indésirables en ce qui nous concerne dans ce dernier cas. C'est pourquoi la loi fédérale du 29 septembre 1952 sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse a restreint le principe selon lequel la nationalité suisse ne peut se perdre. Pour cela elle dispose que l'enfant né à l'étranger, d'un ressortissant également né à l'étranger, et qui possède également une autre nationalité, en d'autres termes qui est double-national, est déchu de la nationalité suisse à l'âge de 22 ans révolus, s'il n'a pas été annoncé ou s'il ne s'est pas annoncé lui-même à une autorité suisse à l'étranger ou en Suisse ou s'il n'a pas manifesté par écrit son intention de vouloir conserver la nationalité suisse. En cas d'omission excusable de l'annonce ou de la déclaration, une réintégration peut éventuellement intervenir dans un délai de 10 ans à compter de la déchéance. En aucun cas, le Suisse à l'étranger ne doit craindre de devenir apatride, la déchéance ne pouvant être prononcée qu'à l'égard de double-nationaux.

Le passeport suisse permet au Suisse à l'étranger de prouver sa nationalité.

Il est établi sur la base des indications contenues dans les registres des familles et des bourgeois et il a entière valeur probatoire jusqu'à preuve du contraire.

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L'établissement d'un passeport est subordonné en principe à l'immatriculation.

Le Suisse à l'étranger doit s'annoncer auprès de la représentation suisse compétente et se faire immatriculer. Consignée dans un registre, l'immatriculation intervient dans son intérêt. Elle est importante pour la tenue des registres d'état civil nationaux, le contrôle des congés militaires, l'établissement ou le renouvellement des passeports, la protection diplomatique, l'adhésion à l'assurance-vieillesse et survivants facultative et à l'assurance-invalidité, et ainsi de suite.

La nouvelle loi sur la nationalité suisse a sensiblement amélioré la situation de la Suissesse, en ce qui concerne son droit de cité, lorsqu'elle contracte une union avec un étranger, ou après cette dernière. Déjà précédemment, la Suissesse, qui était en règle générale déchue de la nationalité suisse lorsqu'elle épousait un étranger, pouvait obtenir sa réintégration dans le droit de cité suisse en cas de divorce ou de séparation légale, pour autant qu'elle résidât en Suisse. Les enfants mineurs qui lui étaient attribués jouissaient de la même faculté. Le nouveau droit prévoit pour elle la possibilité d'obtenir sa réintégration même si elle est domiciliée à l'étranger (par contre, pour être inclus dans la réintégration, les enfants doivent être domiciliés en Suisse). Il lui permet également de ne pas être déchue de la nationalité suisse si elle épouse un étranger; jusqu'au mariage, elle peut remettre à l'office de l'état civil en Suisse, ou au consulat de Suisse, une déclaration écrite selon laquelle elle manifeste l'intention de conserver la nationalité suisse. Si -- pour des raisons excusables -- elle ne remet pas cette déclaration, elle a encore la possibilité de présenter une demande de réintégration dans un délai déterminé. Pour ne pas prétériter les Suissesses de naissance, qui avaient perdu leur droit de cité suisse par suite de mariage avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi (1er janvier 1953), on leur donna la possibilité de demander jusqu'à fin 1953 à être rétablies dans le droit de cité d'origine. Cette disposition a permis à plus de 32 000 femmes, dont plus de la moitié résidant à l'étranger, d'être rétablies dans la nationalité suisse.

De plus, dès 1957, la loi a donné à toutes les anciennes Suissesses, mariées à un étranger,
qui avaient été déchues de la nationalité suisse par suite de mariage avec un étranger avant le 1er janvier 1953, la possibilité de se faire réintégrer, qu'elles soient domiciliées en Suisse ou à l'étranger. La réintégration est subordonnée à une série de conditions, telles que certificat de bonnes moeurs, assimilation ou liens avec la Suisse, chaque cas particulier étant apprécié librement dans un esprit naturellement assez large.

2. A la règle selon laquelle la nationalité s'acquiert par filiation s'opposent les lois des pays qui stipulent qu'en vertu du jus soli la nationalité est liée à la naissance dans le pays (par exemple France, Grande-Bretagne, ainsi que la plupart des Etats américains). Souvent les Suisses à l'étranger se voient amenés, pour pouvoir obtenir une certaine situation ou pour assurer leur existence, à se faire naturaliser dans l'Etat de domicile. Dans de tels cas, la loi suisse sur la nationalité ne prévoit pas que l'acquisition d'une nationalité étrangère entraîne automatiquement la perte du droit de cité suisse. Si l'Etat étranger subordonne

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la naturalisation à la.renonciation au droit de cité suisse et si le Suisse à l'étranger est libéré de la nationalité suisse après avoir déposé une déclaration de renonciation, il a néanmoins la possibilité, dans un délai de 10 ans à compter de son retour en Suisse, de solliciter sa réintégration. En pratique, de tels cas sont l'objet d'un examen sévère. En revanche, on fait preuve de plus de compréhension à l'égard des enfants. Du point de vue formel, les enfants doivent avoir leur domicile en Suisse et présenter leur requête dans un délai de 10 ans à compter de leur retour dans notre pays, mais dans tous les cas avant d'avoir 30 ans révolus.

Dans certains cas, par exemple s'il s'agit d'accorder la protection diplomatique envers un pays tiers, il peut être nécessaire --. si l'on se trouve en présence d'un double-national -- de déterminer la nationalité à retenir. A l'instar d'autres Etats, la Suisse se fonde à cet égard sur le principe de la nationalité effective ou prépondérante. On ne saurait se baser sur des critères généraux pour déterminer si la nationalité est prépondérante ou effective. Il faut au contraire analyser chaque cas, en tenant compte de ses circonstances particulières éventuelles. En ce qui concerne les double-nationaux suisses, l'acquisition volontaire d'une nationalité étrangère constitue en règle générale un élément négatif, alors que la participation active à la vie des groupements suisses, des rapports étroits avec la mère-patrie ou l'accomplissement du service militaire représentent des éléments positifs. En principe, la seule immatriculation auprès d'une représsntation suisse à l'étranger et la possession d'un passeport suisse ne suffisent pas à établir la prépondérance de la nationalité suisse, tout au moins pour l'octroi de la protection diplomatique.

//. Etablissement, séjour, exercice d'une profession 1. En règle générale, l'étranger, et partant aussi le ressortissant suisse à l'étranger, est soumis dans l'Etat où il séjourne à des restrictions touchant à l'établissement, le séjour et l'exercice de la profession. Le contenu, le but et l'étendue de ces dispositions varient de pays à pays. Dans les cas les plus favorables, l'Etat étranger se contente d'arrêter certaines dispositions en matière d'immigration, laissant à l'immigrant toute liberté en ce qui concerne le
changement de domicile et l'exercice de la profession, sous réserve de la réglementation en vigueur à l'égard de ses propres ressortissants. Dans ces cas, dès que l'immigration est autorisée, les Suisses à l'étranger n'ont pas d'autres difficultés à craindre. En revanche, dans certains pays, l'immigrant ne reçoit d'abord qu'une autorisation de séjour-et de travail d'une durée limitée. Elle est souvent subordonnée à diverses conditions. L'immigrant demeure soumis pendant plusieurs années à un contrôle strict de la part des autorités. De ce fait, sa liberté de déplacement est sensiblement restreinte ce qui rend sa situation matérielle plus difficile. Au surplus, le renouvellement de l'autorisation peut être refusé si la situation économique du pays ou d'autres motifs font apparaître la prolongation du séjour de l'immigrant comme indésirable. Dès lors, c'est parfois seulement après un séjour de plusieurs années qu'il parvient à assurer sa situation.

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II est facile de réaliser que des restrictions de ce genre sont de nature à exercer une influence défavorable sur la situation des Suisses à l'étranger. A cet égard, les nombreux traités d'établissement conclus par la Suisse ne peuvent leur assurer une protection; en effet, ces accords réservent expressément ou dans leur esprit la législation nationale en matière d'immigration, de séjour et de travail à l'égard des étrangers. Les autorités fédérales se sont efforcées d'améliorer la situation des Suisses dans les pays les plus importants du point de vue de l'émigration, en concluant avec eux des conventions spéciales, qui assurent à nos compatriotes un traitement très proche de celui dont jouissent les ressortissants de l'Etat contractant et qui leur garantissent le droit de s'établir en permanence après un séjour de quelques années. Notre latitude de négociation est toutefois sensiblement restreinte par le fait que des accords de ce genre reposent sur le principe de la réciprocité.

Enfin, étant étrangers au pays, les Suisses à l'étranger ne jouissent pas des droits subordonnés à la possession de la nationalité du pays de domicile; ainsi, ils peuvent par exemple être empêchés d'exercer certaines professions, telles que celles de médecin, pharmacien, avocat.

2. Tandis que, pour un Suisse dans un Etat étranger, l'établissement et l'exercice de sa profession dépendent du droit de cet Etat et éventuellement d'accords internationaux, il n'en va pas de même lorsque le ressortissant suisse rentre au pays. Il peut s'établir à son lieu d'origine ou à tout autre point du territoire suisse (art. 45 Cst.), où il aura les mêmes droits et les mêmes obligations que n'importe quel autre citoyen suisse.

///. Droits politiques A l'exception des Tessinois en ce qui concerne les affaires cantonales, les ressortissants suisses à l'étranger n'ont aucune possibilité de participer à la formation de la volonté politique dans notre pays, les dispositions constitutionnelles actuelles subordonnant l'exercice des droits politiques à un domicile en Suisse.

A cet égard, notre ordre juridique diffère en partie de celui de divers Etats.

Ainsi, les Autrichiens résidant à l'étranger, mais à proximité de la frontière, peuvent exercer leur droit de vote dans la plus proche commune de leur pays.

Les Français domiciliés à l'étranger
peuvent participer aux élections en France, s'ils sont présents ou s'ils se font représenter au bureau électoral de la commune française sur le rôle de laquelle ils sont enregistrés. La constitution française pennet-également aux Français résidant hors de France de se faire représenter au Sénat: ils y disposent de 6 sièges sur 274. Dans certaines conditions, les Italiens résidant à l'étranger peuvent se faire inscrire sur les listes électorales italiennes. Lors d'élections, ils bénéficient de tarifs très réduits dans les transports publics ce qui facilite leur vote. Le Danemark, la Norvège et la Suède connaissent une réglementation particulière pour les ressortissants domiciliés à l'intérieur du pays, mais qui séjournent à l'étranger le jour où les élections ont Feuille fédérale. 117e année. Vol. II.

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lieu; pour autant que les Etats où ils séjournent l'autorisent, ils peuvent exercer leur droit de vote auprès des missions diplomatiques et consulaires, on encore, auprès des autorités spécialement désignées à cet effet.

Il est compréhensible que le problème des droits politiques ait préoccupé très tôt nos compatriotes à l'étranger et qu'il soit revenu par la suite régulièrement sur le tapis. De nombreuses interventions ont été faites en vue d'une participation aux éjections et votations fédérales. En 1874 déjà, quelques Suisses de Milan et Mulhouse demandèrent aux autorités fédérales de pouvoir prendre : part à la votation du 19 avril 1874 sur la revision de la constitution. Le Conseil fédéral rejeta cette requête en invoquant la loi fédérale du 19 juillet 1872 sur les.

élections et votations fédérales (encore en vigueur aujourd'hui), selon laquelle le droit de vote ne peut être exercé que par les Suisses domiciliés en Suisse. Au cours des décennies qui suivirent, ce furent principalement les fonctionnaires des douanes stationnés à l'étranger, mais près de la Suisse (gares frontière) qui demandèrent à participer aux élections et votations. Les autorités n'eurent pas toujours une attitude uniforme à cet égard. Cependant, au cours d*. la première et de. la seconde guerre mondiale, les Suisses de l'étranger appelés sous les drapeaux purent participer aux élections au Conseil national organisées alors, qu'ils étaient au service, mais seulement en vertu des dispositions arrêtées sur la base des pouvoirs extraordinaires.

Lors de la votation sur l'initiative de crise du 2 juin 1935, des demandes pressantes, émanant d'Allemagne, de France et d'Italie, furent adressées par le canal des postes diplomatiques suisses en vue d'autoriser les Suisses à l'étranger à prendre part à cette votation, si importante pour le pays. Se fondant sur une circulaire adressée dès le 13 novembre 1925 par le Conseil fédéral aux cantons, la chancellerie fédérale adopta une attitude positive à l'égard de cette requête..

Selon cette circulaire, l'électeur suisse jouissant du droit de vote, qui s'annonce dans une commune suisse comme citoyen en séjour en y déposant des papiers de légitimation réguliers, et qui n'est pas sous le coup d'une mesure qui l'exclut du droit de citoyen actif, doit être admis à exercer dans cette commune
son droit de vote en matière fédérale, à la condition qu'il soit biffé du registre électoral de son précédent domicile. Bien que cette circulaire n'ait pas fait mention des Suisses à l'étranger, la chancellerie fédérale en inféra, dans une communication qu'elle adressa aux cantons le 25 avril 1935, que les Suisses à l'étranger étaient, également habilités à exercer leurs droits politiques dans une commune suisse, à condition d'y avoir déposé leurs papiers d'identité. Cette disposition permit à quelque 600 Suisses de l'étranger de prendre part à la votation sur l'initiative, de crise. En revanche, en octobre de la même année, le gouvernement du canton de Schwyz refusa l'accès aux urnes, lors des élections au Conseil national, aux 250 ouvriers zurichois occupés aux travaux pour l'usine de l'Etzel. Bien que cette décision ne touchât pas directement les Suisses à l'étranger, elle remit en question le problème de la condition d'un domicile suisse au lieu d'une simple résidence électorale ce qui ne laissa pas de créer un état d'incertitude. C'est pourquoi le Conseil fédéral fut amené le 4 octobre 1937 à revenir sur la circu-

435 laire du 13 novembre 1925, Cette dernière -- comme il le releva lui-même -- mettait sur le même plan le domicile politique et celui de droit civil; ce faisant, elle s'écartait évidemment de la doctrine et de la pratique. Le Conseil fédéral ne voyait dès lors pas d'autre solution que de renoncer aux facilités accordées par la circulaire du 13 novembre 1925 aux citoyens en séjour; il n'était notamment plus possible désormais aux ressortissants suisses à l'étranger de prendre part à une élection ou votation fédérale.

On en est resté à cette réglementation jusqu'à ce jour. Même la loi qui vient d'être votée -- loi instituant des facilités en matière de votations et d'élections fédérales -- repose sur le principe du vote au domicile politique.

Comme l'ont fait de nombreux compatriotes à l'étranger à titre individuel, les organisations des Suisses à l'étranger n'ont pas cessé de soulever le pro blême des droits politiques. Il a également été l'objet de discussions lors des Journées des Suisses à l'étranger. Ainsi, lors de la quatrième de ces journées en 1921, on réclama une loi fédérale pour les Suisses à l'étranger, loi qui devait prévoir le droit de vote. D'autres interventions eurent lieu en 1926,1933,1935,1947, 1949 et 1950. C'est ainsi qu'en 1947, la colonie suisse de Londres présenta des propositions particulièrement détaillées. Depuis 1958, cette requête ne disparaît plus de l'ordre du jour des Journées des Suisses à l'étranger. Année après année, les conférences de nos compatriotes traitent ce problème dans les pays les plus divers et souvent de manière fort approfondie.

Sur le plan parlementaire, il y a eu au total cinq interventions au sujet des droits politiques des Suisses à l'étranger. Sur ce nombre, deux postulats, soit celui du Conseil des Etats, du 14 décembre 1949, et celui du Conseil national, du 19 septembre 1951, sont encore pendants; leur teneur est identique: Le Conseil fédéral est invité à présenter un rapport précisant si et éventuellement à quelles conditions les Suisses à l'étranger pourraient participer aux élections et votations fédérales,

IV. Obligations militaires Les obligations militaires sont liées en principe à la nationalité. L'article 18 de la constitution déclare que tout Suisse est tenu au service militaire. Lorsqu'il n'accomplit pas de service pour une raison quelconque, il est obligé de payer une prestation en argent, la taxe d'exemption du service militaire.

Cette disposition constitutionnelle est conforme au droit des gens qui ne conteste pas le droit de chaque Etat d'appeler au service militaire ses ressortissants domiciliés à l'étranger. A vrai dire, il existe des Etats qui ne s'en tiennent pas au principe de la nationalité, mais qui enrôlent également les étrangers domiciliés sur leur territoire.

Notre pays a toujours renoncé à exiger, en temps de paix, de ses ressortissants à l'étranger qu'ils fassent du service militaire. Chez nous, les obligations militaires comprennent, après une école de recrues qui s'étend sur plusieurs mois, de nombreux cours de répétition, de complément et de landsturm, qui doivent être accomplis à des intervalles déterminés jusqu'à l'âge de 50 ans, et même au-delà en ce qui concerne les officiers. Pour la plupart des Suisses à

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l'étranger, et surtout pour ceux qui sont domiciliés outre-mer, l'obligation de se rendre en Suisse pour y accomplir tous ces services en abandonnant de façon répétée leur profession et leur travail aurait des conséquences trop rigoureuses pour qu'on puisse prendre la responsabilité de l'imposer et irait souvent même jusqu'à menacer leur existence économique.

Au cours des dernières années, cette pratique a été l'objet d'un nouvel examen et a trouvé son expression dans des dispositions légales : l'article premier de l'organisation militaire, tel qu'il a été modifié par la loi du 21 décembre 1960, charge l'Assemblée fédérale d'arrêter une réglementation spéciale en ce qui concerne le service militaire des Suisses à l'étranger. Se fondant sur cette disposition, l'Assemblée fédérale a décidé -- par arrêté du 8 décembre 1961 concernant le service militaire des Suisses domiciliés à l'étranger -- de dispenser en temps de paix tous les Suisses à l'étranger astreints aux obligations militaires du service d'instruction, de l'inspection de l'équipement et du tir hors service, sous réserve du service volontaire dans des écoles ou des cours. De même, les Suisses à l'étranger en âge de se faire enregistrer peuvent demander à être recrutés pour servir dans l'armée suisse (examen sanitaire, incorporation dans une arme). Le Conseil fédéral est néanmoins habilité à déterminer les cas dans lesquels les hommes s'annonçant volontairement ne doivent être ni recrutés, ni convoqués à l'école de recrues. Par arrêté du 26 décembre 1961 concernant le recrutement et la convocation à l'école de recrues des Suisses domiciliés à l'étranger, le Conseil fédéral a ordonné de recruter et d'admettre à l'école de recrues ceux qui se sont annoncés volontairement en vue d'accomplir le service militaire personnel, à condition qu'ils habitent dans un Etat européen ou dans un Etat ou une région de l'Asie ou de l'Afrique riverains de la Méditerranée, qu'ils ne possèdent pas également la nationalité du pays où ils résident, qu'ils connaissent à fond une des langues nationales suisses et qu'ils n'aient pas été condamnés pour un délit grave. Il n'est pas rare de voir de jeunes Suisses de l'étranger se rendre en Suisse pour y accomplir le service militaire. Chaque année, une centaine de Suisses de l'étranger viennent faire leur école de recrues.
En cas de service actif de l'armée suisse, des dispositions spéciales, qui . tiennent compte de la situation particulière des personnes absentes du pays, règlent les conditions dans lesquelles les Suisses à l'étranger sont appelés à entrer au service. En cas de mobilisation partielle, aucun Suisse à l'étranger n'est appelé sous les drapeaux; en période de neutralité armée, seuls les hommes aptes au service qui sont âgés de moins de 43 ans et qui résident dans les pays que le Conseil fédéral désignera en temps opportun devront rejoindre leurs unités. En cas d'extension de Ja guerre à notre pays, tous les Suisses doivent mettre leur personne à la disposition du pays et le défendre dans la mesure de leurs forces (art. 202 de l'organisation militaire). Dans ce cas extrême, tous les Suisses de l'étranger astreints au service militaire peuvent également être appelés sous les drapeaux.

Dans cet ordre d'idées, il convient d'apprécier également les dispositions réglant le contrôle militaire des Suisses à l'étranger. De l'âge du recrutement à

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celui où leurs obligations militaires prennent fin, ils doivent annoncer leurs arrivées et départs à la représentation compétente à l'étranger, en indiquant leurs changements d'adresse éventuels; ils doivent solliciter un congé militaire pour l'étranger et le faire renouveler périodiquement.

A l'instar du citoyen suisse domicilié en Suisse qui ne fait pas de service militaire personnel, le Suisse à l'étranger doit en principe également payer en lieu et place de ce dernier la taxe d'exemption du service militaire. Cependant, la loi du 12 juin 1959 sur la taxe d'exemption du service militaire a restreint pour les Suisses à l'étranger l'obligation d'acquitter la taxe en question. Elle dispose que tous les militaires qui sont domiciliés à l'étranger durant plus de 6 mois au cours d'une année et dont le congé militaire est en règle sont libérés de l'obligation de payer la taxe d'exemption du service militaire si -- au début de l'année-- ils sont déjà domiciliés à l'étranger depuis plus de 8 ans, respectivement depuis plus de 5 ans s'ils sont en âge de servir dans la landwehr ou le landsturm. Du fait de cette nouvelle disposition libératoire, le nombre des Suisses à l'étranger appelés à acquitter la taxe d'exemption a passé de 42 000 à 17 500.

La double nationalité suscitant également des difficultés dans ce domaine, il convient de s'arrêter spécialement à cet aspect de la question. Dès lors que chaque Etat d'origine peut appeler le double-nationalau service militaire, sans tenir compte du second indigénat, l'intéressé -- confronté aux exigences identiques et souvent inconciliables des deux Etats d'origine -- peut se trouver impliqué dans des conflits très graves. L'Etat a toutefois la possibilité d'atténuer ces conflits dans les limites de sa législation nationale.

La Suisse a fait largement usage de cette faculté. En principe, le doublenational qui réside en Suisse doit remplir les obligations militaires suisses, Toutefois, comme le service militaire personne] a pour corollaire un devoir de fidélité particulier et qu'il ne devrait de ce fait être accompli que dans un Etat, la pratique veut, depuis le début du siècle, que l'on n'incorpore pas dans l'armée suisse et que l'on n'y laisse pas non plus incorporé un ressortissant suisse qui possède également la nationalité d'un Etat étranger et qui a servi
dans l'armée de cet Etat. Cette pratique est aujourd'hui entérinée à l'article 3 de l'arrêté de l'Assemblée fédérale du 8 décembre 1961. De plus, sous certaines conditions, ces double-nationaux ne sont pas astreints au paiement de la taxe d'exemption du service militaire; ils demeurent toutefois soumis à l'obligation du contrôle militaire. Il est interdit à un Suisse de faire du service militaire à l'étranger sans l'autorisation du Conseil fédéral ; pour des raisons touchant à la neutralité, ce dernier ne l'accorde plus depuis longtemps. Le service dans la garde suisse du pape, à Rome, n'est pas considéré comme service militaire étranger. Les cas de jeunes Suisses qui, toujours moins nombreux, se font par exemple enrôler dans -la légion étrangère française, sont déférés aux tribunaux militaires. L'interdiction s'était révélée particulièrement rigoureuse à l'égard des double-nationaux, domiciliés dans le pays de leur second indigénat et qui ne pouvaient se soustraire à l'obligation de servir ou qui n'y échappaient qu'au prix de certains désavantages. La loi fédérale du 21 décembre J950 modifiant le code pénal militaire et

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la loi sur l'organisation judiciaire et la procédure pénale pour l'armée fédérale a remédié à cet état de choses; le Suisse qui est établi dans un autre Etat, dont il possède aussi la nationalité, et y accomplit un service militaire n'est pas punissable (art. 94, 2E al. du code pénal militaire). Quant au voeu tendant k ce que le double-national ne soit appelé à faire du service militaire que dans l'un de ses Etats d'origine, il en est tenu compte en outre par la disposition selon laquelle les Suisses possédant une seconde nationalité et domiciliés dans l'Etat de leur second indigénat, ne peuvent être recrutés, ni autorisés à faire du service militaire en Suisse, même s'ils s'annoncent volontairement à cet effet.

Des accords conclus avec les Etats-Unis d'Amérique, la France, l'Argentine et la Colombie ont permis à la Confédération de limiter le nombre des conflits de réquisition dont les double-nationaux étaient l'objet.

Une difficulté particulière subsiste à l'égard des Etats-Unis d'Amérique.

En principe, les Etats-Unis appellent également les étrangers venus sur leur territoire avec un visa d'immigration à faire du service militaire (service des personnes domiciliées, fondé sur l'expérience selon laquelle tous les immigrants acquièrent, en règle générale, tôt ou tard la nationalité américaine). Le citoyen suisse qui se rend en Amérique avec un visa d'immigrant, alors qu'il a l'âge de recrutement américain de 181/2 à 26 ans, se trouve ainsi placé devant un dilemme.

Ou bien il enfreint l'interdiction suisse de faire du service militaire à l'étranger et il est punissable de ce fait, ou bien il risque de compromettre sa future existence aux Etats-Unis. La procédure suivie en Amérique contrevient au traité entre la Suisse et les Etats-Unis, de 1850. Depuis des années, les autorités suisses tentent d'obtenir des Etats-Unis qu'ils adaptent leur législation aux obligations internationales qu'ils ont assumées. Il devrait être possible de trouver une solution. Pour le moment, on a pu obtenir que les jeunes Suisses qui ont reçu un ordre de marche américain bénéficient de cas en cas d'une dispense.

Malgré les facilités précitées dont jouissent nos compatriotes à l'étranger, tant en ce qui concerne la prestation de service personnel que la taxe d'exemption du service militaire, il va de soi que la
réglementation suisse en matière d'obligations militaires ne peut pas éliminer tous les conflits d'obligations et toutes les difficultés. Cela vaut notamment pour les conséquences, souvent rigoureuses, qui peuvent résulter pour le Suisse, en particulier pour le doublenational résidant en Suisse ou à l'étranger, lorsqu'il est appelé par un Etat étranger à faire du service militaire. Dans les milieux des Suisses à l'étranger, c'est moins le principe que la manière dont la réglementation en matière d'obligations militaires est appliquée qui prête le flanc à la critique. En simplifiant un peu, on pourrait dire que les difficultés sont surtout d'ordre psychologique.

Tandis que pour le citoyen astreint au service militaire en Suisse, les obligations militaires revêtent en général la forme du service militaire accompli personnellement, elles se traduisent pour le Suisse à l'étranger le plus souvent par des mesures administrativeSj dont le sens lui échappe parfois. C'est pourquoi l'on demande fréquemment que les dispositions touchant au contrôle militaire soient adaptées aux conditions particulières des Suisses à l'étranger. De nombreux

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compatriotes voient dans la taxe d'exemption du service militaire une sorte «d'impôt double», qui vient s'ajouter aux impôts sur le revenu dont ils sont frappés dans leur Etat de domicile. A leurs yeux, en dépit de ses améliorations, la loi du 12 juin 1959 aurait entraîné une charge supplémentaire pour les jeunes classes d'âge, sans enlever à la taxe son caractère d'impôt. Avant tout, la taxe d'exemption du service militaire constituerait pour le Suisse à l'étranger, sur le plan économique, une charge additionnelle sur son revenu, particulièrement sensible pour les jeunes classes en âge de servir, car elle les touche à un moment où ils sont en pleine formation ou en train de se créer une existence. C'est pourquoi, de divers côtés, on propose depuis plusieurs décennies d'abroger cette obligation «fiscale» pour les Suisses à l'étranger soumis aux obligations militaires et de la remplacer par une contribution à forfait échelonnée. De même, on revient toujours à la proposition de consacrer le produit de la taxe d'exemption du service militaire payée par les Suisses à l'étranger soit à créer un fonds destiné à secourir nos compatriotes tombés dans la gêne, soit à aider sur un plan général les institutions des Suisses à l'étranger. D'autre part, il est de fait que ces requêtes viennent d'être l'objet -- parmi beaucoup d'autres -- d'un examen approfondi de la part de commissions d'experts, du Conseil fédéral et des chambres fédérales, il y a quelques années à peine, lors de l'élaboration et de la discussion de la loi du 12 juin 1959 sur la taxe d'exemption du service militaire, actuellement en vigueur.

V, Assistance Le droit des gens ne connaît pas l'obligation générale de prêter assistance aux étrangers, L'Etat d'origine n'est pas non plus tenu, d'une manière générale, de venir en aide à ses ressortissants à l'étranger. Une stricte application de ces principes susciterait cependant de grandes difficultés et serait d'une rigueur exagérée. Des motifs d'humanité, d'ordre et de santé publics, font aux Etats un devoir de prendre soin des personnes tombées dans le dénuement sur leur territoire jusqu'au moment où leur rapatriement ou leur transfert dans un Etat tiers devient possible.

Dans de nombreux pays (notamment chez nos voisins), on discerne la tendance à régler les questions d'assistance, sur le plan
international, d'après le principe du domicile. Ainsi tous les membres du Conseil de l'Europe -- à l'exception de l'Autriche, de la Suisse et de Chypre -- ont ratifié la convention européenne en matière d'assistance sociale et médicale, conclue à Paris le 11 décembre 1953. Les ressortissants de ces Etats sont soumis en principe à la législation sociale de l'Etat de domicile, si ce dernier est également partie à la convention.

Au vu de cette situation juridique, de nombreux efforts ont été faits, du côté suisse également, en vue d'améliorer, par des accords internationaux, la position de nos compatriotes. On a cherché simultanément à régler les problèmes d'assistance des étrangers domiciliés sur notre territoire. A cette fin, la Suisse a négocié avec divers Etats, surtout limitrophes, en vue d'assurer à ses ressortissants une égalité de traitement, plus ou moins limitée quant au temps

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et au cercle des bénéficiaires. Elle l'a fait soit en concluant des accords spéciaux.

d'assistance, soit en liant cette question avec la signature de traités d'établissement. On peut citer à ce sujet les accords conclus avec la France en 1931 et avec la République fédérale d'Allemagne en 1952. Selon ces accords, les ressortissants d'un Etat contractant domiciliés dans l'autre Etat bénéficient de la même assistance, en cas de besoin, que les ressortissants de cet Etat. L'Etat de domicile supporte les frais d'assistance pendant une période déterminée (normalement de 30 jours), les dépenses supplémentaires devant être remboursées par l'Etat d'origine. D'autres arrangements, de portée moins étendue, ont été conclus avec la Belgique, la Finlande, l'Italie, l'Autriche et le Portugal; ils se limitent à régler l'assistance initiale et le rapatriement.

En ce qui concerne l'assistance de leurs ressortissants à l'étranger, l'Autriche, la Belgique, le Danemark, l'Italie et la Norvège préfèrent régler chaque cas séparément. Ils laissent à leurs représentations diplomatiques et consulaires le soin de fournir une assistance temporaire dans des cas d'urgence en versant des sommes relativement modestes provenant des fonds publics.

Aux Pays-Bas, une «loi générale d'assistance» doit entrer en vigueur en 1965.

Elle fournira une base légale à l'octroi d'une aide aux ressortissants néerlandais résidant à l'étranger. En République fédérale d'Allemagne, les organes d'assistance des «Länder» sont chargés de prendre soin des Allemands nécessiteux à l'étranger ainsi que des personnes nécessiteuses rapatriées. Quant à la France, elle confie aux sociétés françaises d'assistance le soin de s'occuper, dans la mesure de leurs possibilités, de ses ressortissants nécessiteux; le ministère des affaires étrangères dispose d'un crédit pour couvrir les frais de rapatriement.

Selon l'ordre juridique suisse, l'assistance publique relève des cantons, aucune disposition constitutionnelle n'ayant transféré cette tâche à la Confédération. Il ressort par ailleurs de l'article 45, 3e alinéa, de la constitution fédérale que le canton d'origine est compétent tout au moins en ce qui concerne l'assistance durable d'un citoyen suisse.

Cette réglementation de la compétence présente divers inconvénients.

D'une part, les cantons ne sont pas
tenus en principe d'assister leurs ressortissants à l'étranger; ils n'ont que l'obligation de les accueillir en cas de rapatriement. En pratique cependant, ils allouent souvent une assistance à leurs ressortissants à l'étranger, cette manière de procéder permettant généralement d'éviter le rapatriement, avec ses. rigueurs. La réglementation existante entraîne en outre un traitement des Suisses à l'étranger qui diffère selon leur canton d'origine, en raison notamment de la diversité des possibilités financières des cantons et des communes.

C'est pourquoi la conférence des directeurs cantonaux de l'assistance publique a demandé au Conseil fédéral, par mémoire du 20 septembre 1957, d'étudier la question d'une prise en charge des frais d'assistance des Suisses à l'étranger par la Confédération. La requête relevait principalement que nos compatriotes se considéraient avant tout comme citoyens suisses et non comme ressortissants d'un canton déterminé. On ne comprenait dès lors pas que, vivant

441 dans les mêmes conditions, ils bénéficient d'une assistance très différente selon leur canton d'origine. Les représentants des sociétés suisses à l'étranger ont également signalé à réitérées fois combien il serait désirable d'unifier les principes de l'assistance.

Cette requête est encore pendante. Elle touche à la réglementation constitutionnelle de l'assistance qui ressortit aujourd'hui aux cantons.

Il convient d'établir une distinction entre la question de l'assistance ordinaire et des subventions aux sociétés d'assistance, d'une part, et celle des mesures d'aide prises en faveur des Suisses à l'étranger et rapatriés tombés dans le dénuement par suite de la guerre, d'autre part; cette seconde question a sans cesse préoccupé vivement les Suisses à l'étranger et les autorités, tant après la première qu'après la seconde guerre mondiale. Preuves en soient les nombreux débats qui se sont déroulés à l'occasion des journées des Suisses à l'étranger ainsi que les multiples interventions qui ont eu lieu au sein des chambres fédérales. Dans ce domaine, l'arrêté fédéral du 13 juin 1957 concernant une aide extraordinaire aux Suisses à l'étranger et rapatriés victimes de la guerre de 1939 à 1945 est déterminant. Il y a encore une autre aide: La Confédération dispose d'un crédit particulier en faveur de nos ressortissants tombés dans le dénuement par suite de mesures de coercition politiques générales. Mentionnons en outre la garantie accordée par la Confédération au fonds de solidarité des Suisses à l'étranger.

VI. Autres domaines juridiques La nationalité ne joue qu'un rôle plutôt secondaire dans les autres domaines juridiques qui nous intéressent ici (entre autres l'assurance sociale, le droit fiscal et douanier, ainsi que le trafic des paiements). C'est le principe du domicile qui s'applique normalement, mais l'on note des exceptions.

1. Assurances sociales Du fait qu'ils ont leur domicile à l'étranger et qu'ils y exercent leur activité, de nombreux Suisses sont obligatoirement soumis aux assurances sociales de leurs pays de domicile.

L'assurance-vieillesse et survivants et l'assurance-invalidité revêtent une importance particulière pour nos ressortissants vivant à l'étranger. Selon l'article 2 de la loi sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946, et l'article premier de la loi
sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959, les Suisses à l'étranger peuvent adhérer à ces assurances à titre obligatoire ou facultatif.

L'adhésion n'est obligatoire que pour ceux qui, tout eu résidant à l'étranger, travaillent en Suisse ou encore ceux qui travaillent à l'étranger, pour le compte d'un employeur en Suisse et qui sont rémunérés par cet employeur. Tous les Suisses à l'étranger qui ne sont pas assurés à titre obligatoire auprès de l'assurance-vieillesse et survivants peuvent en principe y adhérer à titre facultatif jusqu'à 40 ans révolus. Cette réglementation se fonde sur le principe de l'origine.

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L'assuré à titre facultatif doit verser aux deux assurances les mêmes contributions que l'affilié obligatoire, à l'exception de celles qui découlent de la réglementation concernant les allocations pour perte de gain. De ce fait, les Suisses à l'étranger assurés à titre facultatif doivent verser aussi bien les contributions dues par les employeurs que celles des salariés, chacune de 2,2 pour cent, soit au total 4,4 pour cent. Cette contribution doublée -- si on la compare aux prestations du salarié assuré obligatoirement en Suisse -- à laquelle s'ajoutent, le cas échéant, les versements à l'assurance sociale étrangère, a fait qu'un assez grand nombre de nos compatriotes ont renoncé à l'assurance facultative, ou en ont été exclus pour n'avoir pas versé leurs contributions, malgré les sommations, ce qui impliquait pour eux la perte de tout droit à une prestation de l'assurance. Depuis le 1er janvier 1964, tout droit acquis à une rente est néanmoins sauvegardé, même si le Suisse à l'étranger renonce à l'assurance facultative ou s'il en est exclu (à l'exception toutefois de l'assurance-invalidité).

Les assurés à titre facultatif bénéficient en principe des mêmes prestations que les ressortissants suisses assurés obligatoirement. Les Suisses à l'étranger qui n'ont pas pu adhérer à titre facultatif à Fassurance-vieillesse et survivants lorsqu'elle a été instituée, en particulier parce qu'ils avaient déjà atteint l'âge où ils auraient pu toucher une rente, perçoivent -- dans certaines conditions économiques -- des rentes extraordinaires sans avoir versé de contribution.

L'importance particulière que les assurances facultatives revêtent pour les Suisses à l'étranger ressort notamment du fait qu'au 31 décembre 1964, on ne comptait pas moins de 26 550 de nos compatriotes assurés à titre facultatif, le nombre des bénéficiaires de rentes étant à la même date de 27 248. Au cours de l'année J 964, alors que les contributions des assurés à titre facultatif se montaient au total à 7 millions de francs, les prestations des assurances atteignaient 49,6 millions pour les rentes AVS et 1,6 million pour les rentes AL Dans l'ensemble, les assurances facultatives ont eu un effet bienfaisant pour les Suisses à l'étranger. Elles ont notamment entraîné une réduction du nombre des cas d'assistance.

A peine les deux assurances
étaient-elles instituées que la Suisse prenait part au développement extraordinaire que là coopération internationale a .connu depuis la seconde guerre mondiale dans le domaine de l'assurance sociale. C'est ainsi que des accords de réciprocité ont été conclus avec l'Italie et la France (1949), l'Autriche et la République fédérale d'Allemagne (1950), l'Italie (lre revision en 1951), la Belgique (1952), la Grande-Bretagne (1953), la Suède, le Danemark et le Liechtenstein (1954), le Luxembourg (1955), les Pays-Bas (1958), la Tchécoslovaquie et l'Espagne (1959), l'Italie (2e revision en 1962), la Yougoslavie (1962), la République fédérale d'Allemagne (l re revision en 1964).

Ces accords ont valu des avantages marqués à ceux de nos compatriotes qui résident dans les Etats contractants, par exemple l'égalité de traitement avec les ressortissants de ces Etats en ce qui concerne les prestations des assurances, la garantie des avantages acquis en matière de rentes et d'assurances-accidents

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en cas de passage de l'assurance de l'un des Etats contractants à l'assurance de l'autre Etat, le paiement intégral en Suisse des prestations d'asurance étrangères (à l'exception de celles des pays nordiques) -- éventuellement aussi dans des Etats tiers --, l'application sans restriction de nos deux assurances facultatives sur le territoire des Etats contractants. Enfin, la pratique la plus récente en matière d'accords internationaux tend à faciliter le passage de l'assurancemaladie d'un Etat contractant dans celle de l'autre Etat, en éliminant les délais d'attente et en supprimant les limites d'âge.

2. Droit fiscal L'assujettissement à l'impôt est également déterminé, en règle générale, selon le principe dû domicile: l'appartenance personnelle du contribuable à une collectivité publique, en raison du lieu de son domicile ou de séjour, implique l'assujettissement illimité à l'impôt.

A une exception près, le droit suisse ne connaît pas le principe de l'assujettissement illimité à l'impôt en fonction de la nationalité; seul le droit du canton du Tessin prévoit que les Tessinois résidant à l'étranger doivent l'impôt sur l'ensemble de leurs biens et le rendement de ces derniers.

Selon le droit fiscal de la Confédération et des autres cantons, les Suisses à l'étranger sont considérés comme des personnes domiciliées à l'étranger et us ne sont dès lors pas assujettis habituellement de façon illimitée à l'impôt en Suisse, à moins qu'ils ne fassent un séjour prolongé en Suisse (impôt pour la défense nationale: généralement 6 mois, en cas de séjour dans sa propre maison 3 mois).

Pour nos compatriotes à l'étranger, le système de l'assujettissement limité en Suisse, sur la base de l'appartenance économique, est un élément qui joue un rôle important. Selon le droit de la Confédération et des cantons, il vise en premier lieu la propriété foncière sise en Suisse, les créances garanties par des immeubles sis en Suisse, les établissements stables en Suisse et les participations à des sociétés de personnes ainsi que leurs rendements, enfin les revenus provenant d'une activité à but lucratif exercée temporairement en Suisse.

L'impôt anticipé est prélevé à la source sur les revenus de capitaux mobiliers (dividendes de sociétés suisses, intérêts d'obligations suisses) ou d'avoirs de clients (livrets d'épargne)
auprès de banques suisses. Il est imputé ou remboursé aux personnes domiciliées en Suisse, pour autant qu'elles fassent figurer ·dans leur déclaration d'impôt les revenus imposés à la source et les valeurs dont ils proviennent. Pour les personnes domiciliées à l'étranger, il constitue une charge définitive, parce que ces personnes -- y compris donc les Suisses à l'étranger -- ne sont pas assujetties à l'impôt en Suisse pour leurs papiersvaleurs suisses ou avoirs en banque et pour les rendements de ceux-ci. En payant l'impôt anticipé, elles aident à couvrir les frais de la Confédération. A diverses reprises, des propositions émanant de. Suisses à l'étranger, et aussi de milieux bancaires suisses, ont été faites tendant à obtenir que l'impôt anticipé soit remboursé aux Suisses à l'étranger ou qu'il soit utilisé exclusivement en leur faveur.

Nous avons eu l'occasion d'exposer, dans le message à l'appui du projet de loi

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.

fédérale sur l'impôt anticipé, du 18 octobre 1963, pourquoi il ne pouvait être déféré à ce voeu (FF 1963, II, 949). L'impôt anticipé est toutefois remboursé aux institutions d'utilité publique des Suisses à l'étranger qui ont leur siège à l'étranger.

En règle générale, l'Etat de domicile d'un Suisse à l'étranger impose la totalité de son revenu et de sa fortune, y compris les investissements en capital suisses et le revenu qui en découle; toutefois, comme nous l'avons vu, ces placements sont éventuellement aussi assujettis à l'impôt en Suisse. De telles superpositions d'impôts peuvent également se produire en matière d'impôts successoraux. C'est pourquoi les autorités fédérales s'efforcent d'éviter des doubles impositions de ce genre, ou tout au moins, d'en atténuer sensiblement les effets, en concluant des accords internationaux. Des conventions générales tendant à éviter la double imposition existent aujourd'hui avec les pays suivants: Danemark, République fédérale d'Allemagne, Autriche, Etats-Unis d'Amérique, Finlande, France, Grande-Bretagne, Hongrie, Norvège, Pakistan, Pays-Bas, Suède. Les accords en vue d'éviter la double imposition attribuent les divers objets imposables à l'un des Etats contractants, à l'exclusion de l'autre ou bien ils prévoient que l'Etat de domicile imputera sur ses propres impôts les impôts prélevés à la source ou au lieu de situation de la chose.

Les conventions en vue d'éviter la double imposition sont conclues en premier lieu afin de protéger les intérêts de l'économie suisse dans le monde.

Cependant, grâce à ces conventions, les Suisses résidant dans les pays en cause, c'est-à-dire les trois cinquièmes de tous nos compatriotes à l'étranger, qui possèdent des avoirs en Suisse et qui sont dès lors touchés par l'impôt anticipé, sont totalement ou partiellement dégrevés, pour autant qu'ils remplissent les conditions prévues.

3. Trafic des paiements Le trafic international des paiements est fondé sur le principe du domicile.

Dans la mesure où cela dépend d'elles, les autorités fédérales tiennent toujours compte des intérêts des Suisses à l'étranger. Ainsi l'arrêté du Conseil fédéral du 17 décembre 1956 concernant le trafic réglementé des paiements avec l'étranger -- qui n'est plus applicable aujourd'hui qu'à l'égard de quelques rares pays -- accordait aux Suisses
à l'étranger des droits plus étendus- qu'aux personnes ne possédant pas la nationalité suisse. Par ailleurs, lorsque cela s'avère nécessaire, les autorités suisses compétentes cherchent toujours à inclure dans les accords de paiement une réglementation satisfaisante pour les transferts en faveur de rapatriés. Il en va de même en ce qui concerne la protection des intérêts des Suisses à l'étranger dans les accords concernant l'indemnisation des intérêts suisses touchés par des mesures de nationalisation et par des mesures semblables, Ces facilités ne parviennent cependant pas à éliminer les difficultés résultant pour nos compatriotes des restrictions instaurées dans le domaine des devises par la législation de leur Etat de domicile. Il appartient derechef à la Confédération de protéger, dans la mesure du possible, les intérêts des Suisses à l'étranger

445 contre les restrictions apportées par de nombreux pays au trafic international des paiements, 4, Acquisition de biens-fonds en Suisse L'arrêté fédéral du 23 mars 1961 instituant le régime de l'autorisation pour l'acquisition d'immeubles par des personnes domiciliées à l'étranger cherche à mettre un frein au développement -- nuisible à notre économie -- de la propriété immobilière étrangère en Suisse et à sauvegarder le droit du peuple suisse à son propre sol. La réglementation instaurée par l'arrêté fédéral se fonde sur les considérations développées au sujet du droit des gens dans notre message du 15 novembre 1960, II y est exposé que -- compte tenu des accords internationaux existant entre la Suisse et divers Etats et pour éviter que les étrangers ne soient discriminés par rapport aux citoyens suisses ·-- le critère qui détermine les personnes soumises au régime de l'autorisation ne doit pas être celui de la nationalité étrangère, mais celui du domicile étranger. C'est pourquoi les Suisses à l'étranger furent aussi soumis à ce régime. A la suite de propositions formulées au sein des chambres fédérales, l'arrêté fédéral de 1961 a toutefois excepté du régime de l'autorisation les personnes physiques qui sont nées en Suisse et y ont vécu pendant au moins 15 ans.

La validité de l'arrêté fédéral de 1961 étant limitée au 31 décembre 1965, nous avons soumis aux chambres, par un message du 27 novembre 1964, une proposition tendant à proroger la réglementation en vigueur pour une nouvelle durée, également limitée. La question est à l'examen devant le parlement.

Troisième partie INTRODUCTION D'UN ARTICLE CONSTITUTIONNEL SUR LES SUISSES A L'ÉTRANGER A. L'avant-projet du Conseil fédéral du 9 décembre 1963 /. Historique Depuis que l'Etat fédéral existe, mais surtout depuis la revision totale de la constitution fédérale en 1874, la situation juridique et politique des Suisses à l'étranger a été évoquée à maintes reprises et a parfois donné lieu à de vives dis^ eussions. Cependant, la question d'une modification de la constitution en faveur de la «cinquième Suisse» n'a qu'assez rarement figuré au premier plan de l'actualité.

En 1874, la question constitutionnelle fit l'objet d'une discussion, à vrai dire limitée à un problème particulier, lorsqu'une disposition sur les agences

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d'émigration (art. 34, 2e al.) fut introduite dans la constitution. En 1925, lors des débats sur la gestion (postulat Vigizzi), le Conseil fédéral signala qu'une revision de la constitution serait peut-être nécessaire pour que les Suisses établis à l'étranger soient admis à voter. Cette même question fut débattue à l'occasion de la journée des Suisses à l'étranger de 1926. En outre, la question constitutionnelle fut soulevée plusieurs fois lors des débats sur l'aide aux Suisses à l'étranger sinistrés durant la première et la seconde guerre mondiale.

Il s'agissait de déterminer si la Confédération pouvait accorder une telle aide sans que la constitution lui en donnât expressément la compétence et, si oui, dans quelle mesure.

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Le 23 décembre 1953, le conseiller national Vontobel déposa une motion dans laquelle il -demandait que la protection diplomatique soit garantie aux Suisses à l'étranger par la constitution. Cette motion fut transformée en un postulat le 1er octobre 1954. Enfin, le 3 mars 1965, le Conseil national accepta un postulat visant à une accélération des travaux préparatoires relatifs à un article constitutionnel sur les Suisses à l'étranger.

L'ensemble du problème constitutionnel relatif aux questions touchant les Suisses à l'étranger a été serré de toujours plus près, particulièrement durant ces dernières années. L'idée s'est imposée de plus en plus qu'une solution satisfaisante, de nature globale, ne se concevait guère sans une revision de la constitution. A la suite d'études préliminaires approfondies de l'administration fédérale, avec la participation des missions suisses à l'étranger, le département politique soumit à la commission des Suisses à l'étranger de la Nouvelle Société Helvétique, en date du 15 janvier 1959, les deux questions suivantes: 1. Jugez-vous souhaitable que la constitution fédérale soit complétée par une disposition sur les Suisses à l'étranger?

Quels motifs (d'ordre juridique, politique, psychologique) vous paraissent-ils d'une importance particulière en la matière d'un point de vue positif comme dans un sens négatif?

2. En cas de réponse affirmative à la première question : Quelle devrait être, à votre avis, la teneur d'un tel article constitutionnel?

Le 16 septembre 1960, la commission des Suisses à l'étranger de la Nouvelle Société Helvétique remit au département politique un mémoire qui se fondait sur les débats de la journée des Suisses de l'étranger de 1959 ainsi que sur les propositions des professeurs W. Kägi de Zurich et H. Zwahlen de Lausanne, de même que du président de la commission, M. G. Schüren, de Berne. Ce mémoire exposait de façon détaillée qu'un article constitutionnel à l'intention des Suisses à l'étranger serait hautement souhaitable. La Nouvelle Société Helvétique proposa le texte suivant comme article 45bis de la constitution: La Confédération veille à maintenir et renforcer la situation des Suisses à l'étranger et encourager les relations qu'ils entretiennent entre eux et avec le pays, dans le cadre de la constitution et du droit des gens.

Elle a pouvoir de soutenir les entreprises privées ou officielles visant le même but, notamment les oeuvres d'entraide mutuelle des Suisses à l'étranger.

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La Confédération garantit aux citoyens suisses la protection diplomatique. Elle assure, envers les Etats étrangers, la défense des intérêts légitimes des Suisses et, cas échéant, s'emploie à en obtenir réparation.

La Confédération peut, avec ses propres fonds, aider à rétablir la situation de Suisses à l'étranger qui auraient, en temps de crises graves ou de catastrophes, perdu leurs moyens d'existence, sans faute de leur part.

La législation fédérale stipule dans quelle mesure, dans quelles conditions et dans quel lieu les Suisses à l'étranger peuvent exercer des droits politiques en matière fédérale.

La Confédération tient compte, dans sa législation, de la situation particulière des Suisses à l'étranger.

Le problème fut traité lors des journées des Suisses de l'étranger de 1961, 1962 et 1963. Se fondant sur les résultats de la réunion de 1962, la commission des Suisses à l'étranger de la Nouvelle Société Helvétique soumit un nouveau projet, rédige en ces termes: La Confédération tient compte dans sa législation et son administration des besoins particuliers des Suisses à l'étranger; dans le cadre de la constitution et du droit des gens, elle prend -- en liaison avec les organisations des Suisses à l'étranger --les mesures appropriées pour renforcer leur position et pour encourager les relations qu'ils entretiennent entre eux et avec la patrie.

Le département politique demanda alors des avis de droit, notamment à M. Kühn, ancien chef de la division de la justice du département fédéral de justice et police, et à M. Huber, professeur ordinaire de droit public et international à l'université de Berne.

Les résultats de ces examens nous conduisirent, le 9 décembre 1963, à adopter comme base de discussion l'avant-projet d'un article constitutionnel sur les Suisses à l'étranger que nous avait soumis le département politique.

Cet avant-projet était le suivant: La Confédération peut accorder son appui aux Suisses à l'étranger en vue de renforcer les liens qui les unissent entre eux et avec la patrie, et soutenir les institutions créées à cet effet. Elle peut, compte tenu de la situation particulière des Suisses à l'étranger, édicter des dispositions en vue de déterminer leurs droits et obligations, notamment quant à l'accomplissement des obligations militaires et à l'octroi de droits politiques, ainsi qu'en matière d'assistance. Les cantons seront consultés au préalable.

Simultanément, nous chargeâmes le département politique de prendre l'avis des gouvernements cantonaux et des partis politiques. De même, les associations économiques les plus importantes et la commission des Suisses à l'étranger de la Nouvelle Société Helvétique furent invitées à faire part de leurs observations sur l'avant-projet.

//. Résultats de la procédure de consultation quant à la question de principe

A une exception près, tous les cantons se sont prononcés: Ils ont approuvé le principe de l'insertion d'un article dans la constitution. De plus, plusieurs d'entre eux ont reconnu explicitement qu'une base constitutionnelle était

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nécessaire si l'on.voulait améliorer la situation juridique des Suisses à l'étranger.

La portée psychologique considérable qu'aurait un article constitutionnel pour les Suisses à l'étranger a également été soulignée.

Tant le texte constitutionnel que sa structure ont été approuvés par tous les cantons sauf un, Berne et Soleure ont en outre expressément déclaré que le projet du département politique était préférable à celui qui avait été proposé par la Nouvelle Société Helvétique en date du 16 septembre 1960.

Les partis politiques qui se sont exprimés dans la procédure de consultation se sont également prononcés en faveur de l'adoption d'un article constitutionnel et du texte proposé. L'alliance des indépendants a toutefois proposé, en se référant au postulat .Vontobel du 1er octobre 1954, de faire précéder le texte de l'avant-projet du 9 décembre 1963 de l'alinéa suivant: La Confédération défend envers les Etats étrangers les intérêts légitimes des ressortissants suisses sinistrés. Elle est autorisée à accorder une aide prélevée sur ses ressources générales en vue de rétablir les moyens d'existence, particulièrement lorsqu'ils ont été détruits par des mesures préjudiciables prises par des autorités étrangères.

Les associations économiques et professionnelles consultées n'ont élevé aucune objection contre la revision constitutionnelle envisagée. La plupart d'entre elles ont exprimé un avis positif tant sur la question de principe qu'au sujet du texte proposé par le département politique.

Le 6 avril 1964, la commission des Suisses à l'étranger de la Nouvelle Société Helvétique a donné son accord de principe à Favant-projet, tout en proposant le texte suivant: La Confédération renforce les liens qui unissent les Suisses à l'étranger entre eux et avec la patrie et soutien les institutions créées à cet effet.

La Confédération tient compte de la situation particulière de ces compatriotes et édicté les dispositions nécessaires en vue de déterminer leurs droits et leurs obligations, notamment quant à l'accomplissement des obligations militaires et à l'exercice de droits politiques, ainsi qu'en matière d'assistance; les cantons et les organisations compétentes des Suisses à l'étranger seront consultés au préalable.

Les questions particulières soulevées par les organes consultés sont examinées plus en détail ci-après.

B. Le projet du Conseil fédéral

/. Généralités Une revision de la constitution est-elle nécessaire ou tout au moins indiquée pour les Suisses à l'étranger? La question exige qu'on fasse des distinctions. Il n'y a pas lieu de prendre en considération ici les questions dont la solution doit être trouvée sur Je plan du droit des gens exclusivement, en particulier par la voie de traités entre Etats. Il en va de même des questions qui relèvent de la compétence des cantons ou des communes, et doivent le rester (par exemple, l'exercice des droits politiques en matière cantonale et communale). Il existe

449 en outre des problèmes que certains milieux désireraient voir explicitement résolus dans la constitution elle-même, mais qu'il est préférable, à notre avis, de régler d'une autre façon. Nous examinerons tout d'abord ces derniers, puis aborderons l'étude des points qui nous paraissent requérir une solution sur le plan constitutionnel.

//. Questions dont le règlement ne nécessite pas de revision constitutionnelle 1, Le droit d'être consulté La requête visant à ce que les Suisses à l'étranger puissent davantage faire entendre leur voix part du principe que nos compatriotes devraient pouvoir intervenir, avant que les décisions soient prises, dans des questions de législation ou d'administration publique qui les touchent ou les intéressent particulièrement. Par ce moyen, ils voudraient exercer une influence accrue sur les affaires publiques. Tandis que le droit de vote permettrait aux individus de participer à la formation de la volonté politique, l'octroi du droit d'être consulté vise à établir des liens permanents entre les organisations des Suisses à l'étranger et les autorités du pays.

Cette requête a notamment été exprimée lors des journées des Suisses de l'étranger qui se sont tenues de 1918 jusqu'à maintenant. En 1926 déjà, une collaboration plus étroite avec les autorités et une participation à la préparation des accords de commerce fut recommandée. Les problèmes qui, d'année en année, ont été inscrits à l'ordre du jour des débats témoignent de la volonté des Suisses à l'étranger de faire valoir leur point de vue, qu'il s'agisse de questions qui les concernent directement (telles que l'assurance-vieillesse et survivants, la taxe militaire, le fonds de solidarité) ou d'un intérêt général pour le pays (comme l'adhésion de la Suisse à la Société des Nations, la défense nationale, la neutralité, l'intégration et l'aide aux pays en voie de développement). Cet intérêt pour la chose publique ne s'est pas seulement exprimé par la présentation de requêtes, mais aussi sous la forme d'actes de solidarité confédérale.

Nous nous bornerons à rappeler ici l'emprunt de défense nationale de 1936, à la souscription duquel les Suisses à l'étranger participèrent dans une mesure notable, le Don suisse qui reçut de nos compatriotes à l'étranger plus d'un demi-million en espèces et des contributions en nature
d'une valeur élevée ainsi que la collecte annuelle du 1er août, à laquelle les Suisses à l'étranger contribuent activement.

La question qui se pose est de savoir si le droit d'être consulté doit être inscrit dans la constitution, sous une forme ou sous une autre, comme l'a suggéré en particulier la commission des Suisses à l'étranger de la Nouvelle Société Helvétique. D'autres milieux, tout en admettant que nos compatriotes doivent être consultés dans une mesure accrue au sujet des questions qui les concernent, ne vont pas jusqu'à recommander l'insertion de ce principe dans la constitution.

Feuille fédérale, 117e année. Vol. il.

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Lé projet d'article constitutionnel prévoit que les cantons doivent être consultés avant l'adoption de nouvelles dispositions. Certes, les articles dits «économiques» dé la constitution (art. 31quinquies et art. 32, 2e et 3e al.) vont plus loin en disposant que non seulement les cantons, mais aussi les groupements économiques intéressés doivent être consultés. Des dispositions d'une portée aussi étendue s'expliquent par la nature particulière de l'ordre èco* nomique pour lequel elles ont été établies. Dans ce domaine, on assiste généralement à une confrontation entre les grands groupes économiques (par exemple: producteurs et consommateurs, employeurs, et employés); il s'agit dès lors de trouver des solutions de compromis entre les intérêts qu'ils représentent. Une disposition constitutionnelle garantissant des échanges de vues suffisants dans la procédure de consultation fût jugée nécessaire dans le domaine de l'économie. Des considérations analogues s'appliquent à la consultation des organisations compétentes avant l'élaboration des lois d'exécution ou lors de leur application, dans les cas prévus par la constitution dans ses articles 27ter, 2e alinéa (cinéma), 34quater, 3e alinéa (assurance en cas de vieillesse et assurance des survivants) et 34quinquies, 5e alinéa (protection de la famille).

Nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire de mentionner expressément la consultation des Suisses à l'étranger dans l'article constitutionnel. Supposé qu'une telle consultation des milieux intéressés soit prescrite, elle se justifierait également dans maints autres articles de la constitution où elle n?est toutefois pas prévue, ajuste titre. En matière de procédure en tout cas, la constitution doit se limiter à l'indispensable, en laissant à la législation l'exécution et à la pratique le soin de régler les points particuliers. S'il est souvent fait mention dans la constitution de l'obligation de consulter les cantons, cela est dû à la position particulière qu'ils occupent par rapport, à la Confédération. Si le droit pour les Suisses à l'étranger de faire entendre leur voix était inscrit dans l'article constitutionnel, il conviendrait de reconnaître le même droit aux milieux du pays que ces questions intéressent, ce qui irait très loin. La commission des Suisses à l'étranger de la Nouvelle Société Helvétique
peut être considérée comme pleinement représentative; la remarque du canton de Baie-Ville, selon laquelle des divergences de vues pourraient apparaître un jour quant au point de savoir qui a qualité pour représenter les intérêts des Suisses à l'étranger, nous paraît néanmoins digne de considération.

Sans qu'il en soit expressément fait mention dans la constitution, il est possible de demander aux porte-parole de nos compatriotes à l'étranger d'exprimer leur opinion au sujet de textes législatifs et d'accords internationaux qui revêtent une importance particulière pour les Suisses de l'extérieur, tant au.

stade dé la préparation qu'à celui de l'application. Il en est notamment allé ainsi dans le cas de la législation sur la nationalité suisse, de l'assurancevieillesse et survivants et de l'assurance-invalidité, d'accords d'indemnisation passés avec des Etats étrangers, de la commission pour l'aide aux Suisses à l'étranger victimes de la guerre et de la commission pour l'assistance technique, de même que, dans une mesuré importante, lors de la préparation du présent

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projet. Dans ces conditions, une réglementation constitutionnelle du droit d'être consulté n'est pas nécessaire. Le problème se situe sur un autre plan: plus les représentants des Suisses à l'étranger sont compétents et plus leurs organisations sont en position d'agir, mieux ils sont à même de collaborer d'une façon constructive avec les autorités fédérales. Mentionnons que le droit de pétition prévu à l'article 57 de la constitution fédérale est également garanti à nos compatriotes à l'étranger;, ils en ont d'ailleurs fait maintes fois usage.

Pour toutes ces raisons, nous n'estimons pas utile que l'article constitutionnel prévoie expressément la consultation des organisations des Suisses à l'étranger. Nous attachons toutefois du prix -- afin de prévenir tout malentendu -- à établir que, même sans que la constitution en fasse une obligation, les organisations qualifiées des Suisses à l'étranger sont consultées de façon appropriée, dans la mesure du possible et selon les besoins, 2. La protection diplomatique

Comme le montrent les débats des journées des Suisses à l'étranger, depuis 1937 surtout, nos compatriotes n'ont cessé de se préoccuper de savoir comment leurs intérêts pouvaient être défendus (par exemple en cas de dommages de guerre, de nationalisations, de réformes agraires et de restrictions au trafic de devises). Leurs requêtes ne visaient cependant pas à l'introduction d'une disposition constitutionnelle spéciale. Elles tendirent à ce que le Conseil fédéral intervienne par la voie diplomatique dans des cas particuliers. Le postulat Vontobel du 1er octobre 1954, dont il a été question ci-dessus et qui est encore pendant, va plus loin encore, preuve en soit son libellé: Le Conseil fédéral est chargé de présenter aux chambres un projet d'article constitutionnel garantissant la protection diplomatique aux citoyens suisses domiciliés à l'étranger.

Cet article devrait aussi fournir la base pour une législation fixant les cas dans lesquels l'Etat assure sa protection et encourt une responsabilité.

A l'exception de l'alliance des indépendants, aucun des milieux consultés n'a réservé un accueil favorable au postulât. Bien au contraire, certains des avis exprimés, tels que ceux des cantons de Fribourg, d'Unterwald-le-Haut et de Vaud, ainsi que du directoire de l'union suisse du commerce et de l'industrie, ont été résolument négatifs.

La commission des Suisses à l'étranger de la Nouvelle Société Helvétique avait proposé, à l'origine, que la protection diplomatique soit mentionnée dans la constitution, en tant que norme d'une portée générale (mais non comme droit individuel) ; elle y a toutefois renoncé lorsqu'elle s'est exprimée au sujet de l'avant-projet du 9 décembre 1963, en se référant à l'article 102, chiffre 8, de la constitution fédérale.

Notre prise de position à l'égard de ce postulat se fonde sur les considérations suivantes, qui n'entrent pas dans tous les détails.

Par protection diplomatique, on entend l'intervention d'un Etat au bénéfice de ses ressortissants auxquels un autre Etat a causé un préjudice par des

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mesures contraires au droit des gens;le but est d'en obtenir réparation. Il s'agit d'une application du droit des gens qui se fonde sur le principe de la nationalité et non du domicile. Les sujets du droit des gens sont les Etats, par opposition aux personnes physiques ou morales, qui sont l'objet de la protection diplomatique. Dans le cas des double-nationaux, cette dernière ne peut d'ailleurs pas être accordée envers leur seconde patrie.

Parmi les faits qui peuvent entraîner l'exercice de la protection diplomatique figurent notamment la violation d'un traité d'établissement, des expropriations sans indemnités (nationalisations, socialisations, réformes agraires et autres réformes de structure dans le domaine économique, des sévices, etc.).

En principe, un Etat ne peut rendre responsable un autre Etat d'une violation du droit des gens à l'égard d'un de ses ressortissants qu'après que tous les moyens d'action offerts par la législation nationale ont été épuisés, à moins qu'une atteinte au droit des gens ne résulte dans des cas déterminés d'une mesure d'ordre, général, par exemple d'une loi elle-même, et non seulement de son application.

La forme de l'intervention s'adapte aux particularités du cas, le plus souvent multiples. Les méthodes sont très variées. Il y a notamment lieu de mentionner, à titre d'exemple, les interventions auprès des autorités régionales ou centrales de l'autre Etat, les représentations diplomatiques, les négociations, le recours à un intermédiaire ou à un Etat tiers, la soumission du cas à un tribunal arbitral permanent ou ad hoc, le rappel du représentant diplomatique, la prise de contre-mesures autorisées par le droit des gens (telles que des mesures de rétorsion ou de représailles). Les circonstances peuvent conduire --· à un stade quelconque de la procédure -- à renoncer à la protection diplomatique.

Convient-il de garantir la protection diplomatique en droit constitutionnel ?

La constitution parle à maint endroit de «garanties». A l'article 5, la Confédération garantit aux cantons leur territoire. Aux termes de l'article 6, les cantons sont tenus de demander à la Confédération la garantie de leurs constitutions. Certains droits individuels sont garantis, par exemple la liberté du commerce et de l'industrie (art. 31), l'inviolabilité du secret des lettres et des
télégrammes (art. 36, 4e al.), le libre exercice des cultes dans les limites compatibles avec l'ordre public et les bonnes moeurs (art. 50, 1er al.), la liberté de la presse (art. 55) ainsi que le droit de pétition (art. 57). Tout en reconnaissant la différence fondamentale entre les droits individuels qui assignent des limites au pouvoir de l'Etat, et une éventuelle garantie constitutionnelle de la protection diplomatique qui instituerait le droit de requérir l'intervention de l'Etat, on pourrait argumenter qu'une telle garantie constituerait un complément des garanties constitutionnelles. Une telle façon de penser néglige toutefois le fait qu'il existe une différence fondamentale entre les garanties constitutionnelles traditionnelles et une garantie de la protection diplomatique. En vertu de sa souveraineté, la Confédération est seule compétente pour garantir

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aux cantons leurs constitutions et aux individus leurs droits. Elle peut, dans ces domaines, établir et appliquer le droit à titre autonome. Les garanties en question déploient leurs effets sur le territoire suisse exclusivement. Mais si la Confédération agit d'une façon autonome dans l'exercice de la protection diplomatique, son action est dirigée contre un Etat étranger qui n'est pas soumis à son ordre juridique. Le succès de la protection diplomatique ne dépend pas seulement des mesures prises, mais bien davantage encore -- en fin de compte -- de la volonté de l'Etat responsable de rétablir la situation en conformité avec le droit.

L'article 102, chiffre 8, de la constitution stipule que le Conseil fédéral veille aux intérêts de la Confédération au dehors. Au cas où la Confédération serait obligée par la constitution de garantir la protection diplomatique aux Suisses à l'étranger (ou à d'autres personnes), il pourrait en résulter une contradiction entre une telle disposition et l'article 102, chiffre 8. Les intérêts de la Confédération sont multiples; ils sont parfois sujets à changement et touchent aux domaines les plus divers. Ils ne s'identifient pas toujours avec ceux des Suisses à l'étranger, même s'il est vrai que de nombreux points de contacts existent entre les uns et les autres. Les intérêts des Suisses à l'étranger ne vont d'ailleurs pas toujours dans la même direction; ici aussi, on constate des différences considérables, et souvent des oppositions. En outre, il s'agirait de distinguer entre les Suisses à l'étranger et les Suisses du pays. Les intérêts des uns et des autres peuvent être en partie identiques, en partie différents, sinon même opposés. Les Suisses du pays peuvent avoir à l'étranger des droits aussi dignes de protection que ceux des Suisses à l'étranger. Une garantie constitutionnelle de la protection diplomatique en faveur des Suisses à l'étranger créerait des privilèges qui ne seraient objectivement pas fondés. Abstraction faite de ce point, la question se poserait de savoir quels sont les intérêts des Suisses à l'étranger qui devraient être couverts par la garantie. Il faudrait tenucompte de cette situation dans la formulation d'une garantie constitutionnelle de la protection diplomatique; la conséquence en serait que, comme c'est le cas dans l'ordre juridique actuel,
la protection diplomatique devrait être accordée, refusée ou différée sur la base d'une appréciation de toutes les données du problème.

Pour ces diverses raisons, le Conseil fédéral est d'avis qu'il y a lieu de refuser la garantie constitutionnelle de la protection diplomatique, non seulement à l'égard des Suisses à l'étranger, mais aussi d'autres intéressés, tels que les personnes juridiques suisses et les citoyens domiciliés dans le pays.

Le postulat Vontobel demande cependant autre chose encore: l'article constitutionnel, par lequel la garantie de la protection diplomatique serait accordée aux Suisses à l'étranger devrait aussi «fournir la base pour une législation fixant les cas dans lesquels l'Etat assure sa protection et encourt une responsabilité». Cela signifie apparemment que lorsque -- malgré tous les efforts entrepris -- la protection diplomatique de la Confédération ne conduit pas au résultat escompté, ou n'y conduit que partiellement, la responsabilité

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de l'Etat, c'est-à-dire de la Confédération, doit être établie, et ceci dans tous les cas «où la protection est assurée».

La Confédération devrait ainsi répondre d'une certaine catégorie de dommages seulement. La responsabilité de l'Etat n'a en principe rien d'exceptionnel; elle se rencontre dans de nombreux domaines de la législation. C'est ainsi que, sous certaines conditions, l'Etat répond des dommages causés par le service militaire, l'exploitation des chemins de fer et le comportement de ses fonctionnaires. Cependant, dans le cas de la protection diplomatique, sa responsabilité serait engagée, non pas à propos d'événements dont la Confédération doit répondre, mais de faits qui se passent sur sol étranger et dont la charge incombe à un Etat étranger. En principe, on ne voit pas pourquoi la Confédération devrait répondre de tels dommages. Cette responsabilité de l'Etat irait au-delà de celle qui est prévue dans la loi fédérale du 14 mars 1958 sur la responsabilité de la Confédération, des membres de ses autorités et de ses fonctionnaires. Elle aurait en outre pour conséquence fâcheuse que d'autres Etats pourraient se soustraire à leur responsabilité en se remettant à celle de la Confédération.

La responsabilité de l'Etat serait d'ailleurs difficile à circonscrire. Les dommages pour lesquels elle pourrait être invoquée ne sont souvent pas mesurables.

Supposons par exemple le cas d'un refus d'établissement dans un pays étranger, opposé à un citoyen suisse à rencontre d'un accord international. Un Suisse qui s'établit à l'étranger ou qui y possède des intérêts économiques prend du même coup un certain risque. La Confédération ne peut prendre ce risque à son compte, que ce soit en tout ou en partie. En outre, la protection diplomatique ne saurait jouer d'emblée vis-à-vis de tous les intérêts qu'un Suisse à l'étranger peut avoir. A côté de la lésion d'intérêts protégés par le droit des gens, nos compatriotes de l'extérieur peuvent encore subir maints autres préjudices sensibles.

La perte du droit à des prestations d'assurance par suite de bouleversements politiques ou économiques, les dépréciations monétaires, les augmentations d'impôts, les restrictions de devises et les fluctuations de la conjoncture sont des exemples entre plusieurs de dommages qui ne peuvent pas donner lieu à une protection
diplomatique. Si la responsabilité de l'Etat n'entrait pas en question pour de tels cas, la conséquence en serait -- pour prendre un exemple concret ^-- qu'un Suisse à l'étranger qui perdrait toutes ses économies à la suite d'actes de guerre autorisés par le droit des gens ne pourrait prétendre à aucune «responsabilité de l'Etat», tandis que cette responsabilité jouerait au profit d'un autre compatriote dont la maison dé vacances aurait été pillée en violation du droit des gens. Une responsabilité de l'Etat en relation avec la protection diplomatique conduirait ainsi à des règlements sans base objective, et par conséquent arbitraires.

Cette situation est particulièrement claire dans le cas des double-nationaux.

Une protection diplomatique vis-à-vis de leur seconde patrie n'entre pas en ligne de compte pour eux ni, partant, une responsabilité de l'Etat à leur égard.

Cependant, du point de vue interne suissej une prestation à un double-national peut fort bien se justifier selon les circonstances.

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II ressort de ce qui précède qu'un lien entre la protection diplomatique et une éventuelle «responsabilité de l'Etat» n'est pas indiqué. L'expression «responsabilité de l'Etat» est déjà malheureuse dans ce contexte. Il s'agit plutôt de savoir dans quelles conditions un appui doit être apporté à des groupes déterminés de Suisses à l'étranger. Ce point de vue découle également de la proposition que l'alliance des indépendants a faite à l'occasion de la procédure de consultation. Le cercle des Suisses à l'étranger que couvre la protection diplomatique en cas de dommages n'est en fait pas identique au cercle de ceux qui sont le plus lourdement frappés. Il serait injuste d'avantager, du fait de la responsabilité de l'Etat, ceux qui répondraient fortuitement aux conditions générales du droit des gens pour la protection diplomatique, alors que les autres -- dont les pertes peuvent être importantes dans certains cas--ne bénéficieraient pas d'une telle «responsabilité de l'Etat».

D'après le Conseil fédéral, ce n'est pas la protection diplomatique des Suisses à l'étranger qu'il s'agit de régler par la voie constitutionnelle, mais les fondations d'une aide à nos concitoyens. L'article constitutionnel, tel qu'il est proposé, permet d'atteindre cet objectif, tout en tenant compte de la proposition de l'alliance des indépendants. Nonobstant la revision constitutionnelle envisagée, la protection diplomatique doit néanmoins être accordée aux Suisses à l'étranger dans la mesure du possible. Le Conseil fédéral continuera à vouer toute son attention à cette question et n'épargnera aucun effort afin d'aboutir à des solutions pondérées et objectivement justifiées. A cet effet, la disposition de l'article 102, chiffre 8, de la constitution fédérale, selon laquelle le Conseil fédéral veille aux intérêts de la Confédération au dehors, suffit pleinement.

///. Questions à résoudre sur le plan constitutionnel 1. Droits politiques

Les droits politiques comprennent le droit de prendre part aux élections et votations (art. 43 Cst.), de participer au referendum législatif (art. 89 Cst.) et à des initiatives constitutionnelles (art. 120 et 121 Cst.), l'éligibilité comme membre du Conseil national ou du Conseil fédéral, comme chancelier de la Confédération, comme membre du Tribunal fédéral ou juré fédéral.

.Les droits politiques sont surtout déterminés par l'article 43 de la constitution, qui accorde de manière générale au citoyen suisse le droit de prendre part aux élections et votations, mais limite l'exercice de ce droit au lieu de domicile du citoyen. Il en résulte que les Suisses à l'étranger sont exclus de l'exercice de ce droit. Cette conclusion est également celle que tirent presque tous les ouvrages scientifiques. Burckhardt constate de manière générale dans son commentaire de la constitution fédérale (3e éd., page 371) que cette exclusion s'applique aussi aux Suisses qui, exerçant une fonction officielle à l'étranger, y sont fixés à demeure. Le «Schweizerische Bundesstaatsrecht» de Fleiner/ Giacometti (p. 437 et 439), partage cet avis et définit comme il suit la notion domicile politique en tant qu'endroit où le droit de vote doit s'exercer: «Le

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domicile politique est l'endroit où une personne séjourne en fait avec l'intention de ne pas y résider de manière momentanée seulement. Il résulte de ce qui précède que les Suisses vivant à l'étranger n'ont pas de domicile politique en Suisse. » Le bien-fondé de cette conception a toutefois été mis en doute par le professeur Imboden lors de la journée des juristes suisses en 1959, au cours des débats sur l'exercice du droit de vote. Si la question de la situation particulière des Suisses à l'étranger ne fut pas abordée dans les exposés introductifs, elle le fut durant la discussion par le professeur Imboden. Il mit en évidence le fait que l'article 43, 2e alinéa de la constitution pourrait ne se rapporter qu'aux Suisses résidant en Suisse,, de telle sorte que rien ne serait prescrit ni préjugé en ce qui concerne les Suisses à l'étranger. Le professeur Imboden a en tout cas insisté pour qu'on s'applique à rechercher une solution positive au problème, malgré les difficultés en matière de droit des gens et de technique des votations, et qu'on accorde aux Suisses à l'étranger les droits politiques dans toute la mesure où cela serait possible sans inconvénients majeurs.

Depuis qu'on est arrivé, au cours des années «trente», à la conclusion qu'un simple domicile électoral ne peut suffire, la pratique a toujours été de refuser aux Suisses à l'étranger, pour des motifs d'ordre constitutionnel, la possibilité de prendre part à des votations et élections fédérales. Dans sa jurisprudence en matière de droit public, le Tribunal fédéral avait déjà confirmé auparavant que le droit de vote ne pouvait s'exercer qu'au lieu de domicile (ATF 38.1. 466; 49.1. 416). Vu que cet état du droit découle de la constitution, il serait nécessaire de reviser celle-ci pour le modifier.

Sur les 24 cantons qui ont répondu à la consultation, 20 se sont expressément ou tacitement prononcés en faveur du principe voulant que la Confédération soit autorisée à établir une réglementation légale de l'exercice des droits politiques par les Suisses à l'étranger. Les cantons d'Argovie, Baie-Ville, Berne, Fribourg et Vaud sont favorables à l'idée que l'exercice des droits politiques soit accordé aux Suisses de l'étranger séjournant en Suisse ou y accomplissant du service militaire, alors que les cantons de Soleure, Saint-Gall et Thurgovie
désireraient limiter cette possibilité aux Suisses de l'étranger faisant du service militaire. Quant au canton de Schwyz, il adopte une attitude négative, mais pourrait accepter, à la rigueur, que les Suisses de l'étranger accomplissant du service militaire exercent des droits politiques pendant la durée de ce service.

Les cantons de Genève, Grisons et Schaffhouse mettent en doute l'opportunité de modifier l'état de choses actuel.

Dans la mesure où ils ont exprimé leur avis, les partis politiques se sont prononcés en faveur de l'exercice du droit de vote par les Suisses à l'étranger.

La consultation des organismes économiques et des groupements professionnels a donné des résultats semblables. Partis et groupements estiment que l'octroi du droit de vote aux Suisses de l'étranger qui accomplissent du service militaire ou, éventuellement, à ceux qui séjournent en Suisse, doit entrer en premier lieu en considération.

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La commission des Suisses à l'étranger de la Nouvelle Société Helvétique demande finalement, dans l'avis qu'elle a exprimé, que le droit de prendre part aux votations et aux élections soit accordé à ceux de ces compatriotes qui sont en séjour en Suisse et à plus forte raison à ceux qui y accomplissent du service militaire.

Ces constatations plaident pour qu'une suite appropriée soit donnée à ce voeu. Depuis des dizaines d'années, la question ne cesse de se poser. Si beaucoup de nos compatriotes de l'étranger montrent de l'indifférence en l'occurrence pour des raisons faciles à comprendre, il ne serait pas équitable, à l'égard des autres qui ont une opinion différente et s'intéressent aux affaires politiques de leur pays d'origine, de négliger cette affaire. Ainsi que nous l'avons déjà relevé plus haut, il n'a été enregistré que de très rares refus de principe parmi les réponses des nombreuses autorités et associations qui ont été consultées. En revanche, diverses réserves ont été faites; cela va sans dire, en ce qui concerne les difficultés d'application.

Une autre raison valable d'accorder l'exercice des droits politiques aux Suisses à l'étranger réside dans le fait que ceux-ci restent soumis aux obligations militaires. L'impossibilité d'exercer ces droits est ressentie comme particulièrement choquante lorsque les Suisses de l'étranger sont exclus de la participation à un scrutin fédéral qui a lieu pendant qu'ils font du service militaire en Suisse.

C'est Jà une anomalie qui a été vivement critiquée à diverses reprises dans les avis exprimés, mais qui ne saurait être supprimée sans modification de la constitution.

Finalement, il convient aussi de souligner l'importance psychologique de la question. Elle réside plus encore dans la possibilité qui serait en principe donnée aux Suisses à l'étranger de participer à la vie politique du pays que dans la portée pratique d'une telle participation. Faire preuve d'une attitude conciliante dans la question des droits politiques serait interprété comme un signe de reconnaissance et de bonne volonté de la mère-patrie à l'égard des Suisses à l'étranger et contribuerait à resserrer les liens qui les unissent à leur pays d'origine.

Ces considérations conduisent à la conclusion qu'il est justifié de créer une base constitutionnelle en vertu de laquelle
l'exercice des droits politiques puisse être accordé aux Suisses à l'étranger.

Il appartiendrait à la législation d'établir les prescriptions assurant l'exécution de la disposition constitutionnelle. Simultanément, il y aurait lieu d'examiner jusqu'à quel point les Suisses vivant à l'étranger peuvent entrer en jouissance de droits politiques. Trois remarques importantes s'imposent d'emblée.

.Dans les avis exprimés lors de la procédure de consultation, il a été expressément relevé à diverses reprises qu'il ne pourrait s'agir de légiférer qu'en ce qui concerne les votations et élections fédérales. En fait, il n'est question, en l'occurrence, que des droits politiques selon le droit fédéral et non selon le droit cantonal. Sous réserve de l'article 43, 5e alinéa, de la constitution fédérale, le droit fédéral n'a pas à intervenir en matière de droit de vote dans les affaires

458 cantonales et communales. Il est possible que, dans ces affaires, le droit cantonal confère le droit de vote aux ressortissants du canton établis à l'étranger. C'est le cas des Tessinois de l'étranger, qui ont un domicile politique dans la commune où ils sont inscrits dans le registre des feux (ménages); ils peuvent y exercer le droit de vote. La revision constitutionnelle du 16 juin 1893 du canton du Tessin a obtenu la garantie de la Confédération pour la raison que le droit fédéral ne pose pas, en ce qui concerne l'aptitude à prendre part aux votations et élections, les mêmes exigences pour les affaires cantonales et communales que sur le plan fédéral (FF 1893, III, 200 s).

En quel lieu le Suisse résidant à l'étranger doit-il pouvoir exercer son droit de vote? Il est difficilement concevable que ce droit puisse s'exercer à son domicile étranger. Il en résulterait non seulement des difficultés d'ordre technique, mais cela pourrait même entraîner des complications avec des Etats qui, comme la Suisse, estiment inconciliable avec leur souveraineté une participation active à la vie politique du pays d'origine d'étrangers résidant sur leur territoire.

Etant donnée la forte pénétration étrangère en Suisse, notre pays ne serait en outre pas en mesure d'accorder la réciprocité dans ce domaine. On devra donc se contenter d'admettre la participation des Suisses à l'étranger aux votations et élections lors de séjours qu'ils font en Suisse en qualité de frontaliers, lors de l'accomplissement de périodes de service militaire bu pour d'autres raisons. La discussion s'est concentrée, ces derniers temps, sur ce «droit de vote des Suisses de l'étranger en séjour». Cette forme restreinte de droit de vote n'en exige pas moins une revision partielle de la constitution si l'on veut créer une base juridique sûre.

La notion de droits politiques comprend l'éligibilité comme membre d'autorités fédérales, laquelle a déjà occasionnellement été préconisée en faveur des Suisses à l'étranger. Alors que c'est le droit cantonal qui détermine l'éligibilité comme membre du Conseil des Etats, l'article 75 de la constitution déclare éligible comme membre du Conseil national tout citoyen suisse laïque et ayant le droit de voter. Les Suisses à l'étranger, si le droit dé vote leur était reconnu, rempliraient, à condition d'être
laïques, les conditions de l'article 75. Il ne serait alors pas exclu qu'un Suisse à l'étranger soit porté comme candidat par un parti politique sur la liste présentée pour les élections au Conseil national.

Le problème prendrait une autre signification si l'on en venait à envisager la création d'un ou de plusieurs cercles électoraux en faveur des Suisses à l'étranger pour les élections au Conseil national, ou l'accroissement du nombre des députés au Conseil national, qui est actuellement de 200.

2. Obligations militaires Le fait que l'article constitutionnel proposé mentionne expressément les obligations militaires a rencontré une approbation presque unanime au cours de la procédure de consultation en tant que les intéressés se sont exprimés sur ce point particulier.

459 Par les nouvelles dispositions en matière d'organisation militaire et de taxe d'exemption du service militaire, la majorité de nos compatriotes immatriculés auprès de nos représentations à l'étranger ont été libérés du service militaire et du paiement de la taxe. Certains y ont vu une entorse au principe -- énoncé à l'article 18 de la constitution -- selon lequel chaque Suisse est tenu au service militaire. Dans son message du 11 juillet 1958 concernant une nouvelle loi sur la taxe d'exemption du service militaire, le Conseil fédéral a exposé les motifs pour lesquels, à son avis, il se justifiait de permettre à nos compatriotes résidant à l'étranger -- en tant qu'ils y sont établis et qu'ils y ont dès lors créé, hors de notre pays, leur existence professionnelle, sociale et familiale -- de se fonder sur la notion d'égalité de traitement pour revendiquer une exception au principe constitutionnel précité, conçu à l'égard des Suisses domiciliés en Suisse. Bien comprise, la notion d'égalité de traitement permet -- requiert même -- qu'à une situation spéciale corresponde un traitement particulier.

L'avantage de l'article constitutionnel proposé réside précisément dans le fait que la réglementation applicable aujourd'hui aux Suisses à l'étranger sera, également dans le domaine des obligations militaires, fondée sur une base constitutionnelle incontestée. C'est cela qui forme, à notre avis, en cette matière, l'élément essentiel du complément constitutionnel proposé. Le présent message ne saurait donc se prononcer sur les requêtes précédemment exposées; on pourra en revanche, après que l'article constitutionnel aura été adopté, examiner si -- et le cas échéant dans quelle mesure;-- la législation d'exécution existante doit être complétée.

Le nouvel article 45 bis doit également faire ressortir que -- s'il apporte des avantages aux Suisses à l'étranger -- ces derniers continueront comme par le passé à être soumis à certaines obligations, qui sont fonction des besoins du pays/C'est pourquoi l'article parle de 1'«accomplissement des obligations militaires ».

3. Assistance La demande présentée par les directeurs cantonaux de l'assistance publique le 20 septembre 1957, visant à ce que l'assistance des Suisses à l'étranger soit désormais assumée par la Confédération, a été appuyée par la majorité des
autorités et organismes consultés. Seuls deux cantons, Baie-Ville et Schaffhouse, ainsi que l'union libérale démocratique de la Suisse et la «Vereinigung schweizerischer Unternehmen in Deutschland » se sont déclarés partisans du maintien de la compétence cantonale en la matière.

' Les arguments en faveur de la création d'une réglementation fédérale l'emportent, à notre avis. Parmi les désavantages que présente le régime actuel, les inégalités affectant l'assistance aux Suisses à l'étranger jouent en particulier un rôle important. Plus le temps passe, moins on comprend cet état de choses, spécialement lorsque des compatriotes tombés dans le besoin ne sont pas aidés du tout ou que l'assistance est insuffisante. Le régime actuel influe en outre de manière défavorable sur le développement de nos relations en matière d'assis-

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tance avec les autres Etats. La conclusion d'accords sur cette matière, indispensable à l'établissement d'un régime d'assistance bien conçu, est entravée par la multiplicité des systèmes appliqués.

Il est donc justifié, à notre sens, que la compétence en matière d'assistance des Suisses à l'étranger soit confiée à la Confédération par une nouvelle disposition constitutionnelle, cela d'autant plus que la majorité des cantons souhaitent ce changement et relèguent à l'arrière-plan les objections d'ordre fédéraliste que cette évolution peut susciter. La Confédération doit déjà assumer durant les dix premières années qui suivent la réintégration dans le droit de cité la moitié des.

dépenses d'assistance que les personnes réintégrées occasionnent aux cantons et communes (art. 44, 5e al. Cst). La Confédération aurait également eu avantage à disposer d'une base légale plus sûre pour l'importante activité extraordinairequ'elle a déjà déployée jusqu'ici en matière d'assistance des Suisses à l'étranger, notamment en faveur des victimes de la guerre. Sous la pression des circonstances, il a fallu intervenir chaque fois en vertu d'arrêtés fédéraux qui ne pouvaient se fonder sur aucune disposition constitutionnelle explicite. La même remarque doit être faite en ce qui concerne la garantie accordée par la Confédération au fonds de solidarité. I) importe de bien se rendre compte que l'on a.

souvent à faire, dans ce domaine, à des prestations financières dont l'attribution est liée à des conditions matérielles et formelles devant être clairement définies,, sur lesquelles se prononcent des organes spécialement institués dont les décisions peuvent être attaquées selon une procédure spéciale; de plus, ces prestations atteignent une ampleur considérable, qui ne peut pas toujours être calculée à l'avance. Dans ces conditions, il sera difficile de continuer à prendre de manière répétée de telles mesures en les fondant sur la compétence implicite de la Confédération. Il est donc désirable de disposer d'une base constitutionnelle sûre non seulement pour des raisons politiques mais aussi pour des motifs d'ordre juridique. Le respect de la constitution exige qu'on établisse une base juridique bien définie pour l'aide et l'assistance prêtées par la Confédération.

Le régime de l'assistance peut comprendre le versement de
subventions à.

des institutions s'occupant des Suisses à l'étranger, l'assistance ordinaire et dea prestations extraordinaires d'aide en cas d'événements graves. Les détails devront être réglés dans les prescriptions d'exécution. Les pouvoirs conférés à la Confédération par la constitution n'excluraient pas la conclusion de concordats entre cantons. Par ailleurs, il ne serait pas indispensable que la Confédération assume à elle seule l'assistance des Suisses de l'étranger tombés dans le besoin. On pourrait, par exemple, concevoir une solution prévoyant que le& frais causés par l'assistance de ces personnes seraient répartis entre la Confédération et les cantons.

Il n'est pas possible d'apprécier les conséquences financières d'une telle réglementation aussi longtemps que les prescriptions d'exécution et en particulier l'ampleur des prestations de la Confédération ne sont pas connues. Noua mentionnerons toutefois que, d'après la dernière statistique établie par la conférence des directeurs de l'assistance publique, en 1955, les prestations fournies

461 par les cantons pour l'assistance ordinaire des Suisses à l'étranger représentaient environ 2 millions de francs par an. La dépréciation de la monnaie et les efforts entrepris en vue de supprimer dans la mesure du possible les inégalités existant dans ce domaine peuvent provoquer une augmentation de ce montant.

D'autre part, il est possible que l'amélioration constante des régimes d'assurances sociales en Suisse et à l'étranger aient pour conséquence une diminution des frais d'assistance.

IV. Nature et but de la revision constitutionnelle 1. Il est possible de résumer comme il suit les conclusions de nature juridique à tirer des exposés faits sous chiffres II et III.

Une revision constitutionnelle est nécessaire si l'on veut accorder l'exercice des droits politiques aux Suisses à l'étranger et conférer à la Confédération des ·attributions en matière d'assistance. En outre, une revision constitutionnelle serait souhaitable mais point nécessaire en ce qui concerne le versement d'autres prestations financières, notamment de subventions à des institutions des Suisses à l'étranger, ainsi que pour le règlement des obligations militaires. En revanche, il est possible de se passer d'une disposition spéciale en ce qui concerne le droit des Suisses à l'étranger d'être consultés en matière d'affaires fédérales; l'absence d'une telle disposition n'entraînerait aucun désavantage. La garantie d'une protection diplomatique par la voie constitutionnelle comporterait des difficultés insurmontables du point de vue de l'application. C'est pourquoi il y a lieu d'en faire abstraction. Aucun Etat ne connaît d'ailleurs, que nous sachions, un tel droit fondé constitutionnellement. Une modification de la constitution qui concerne les Suisses à l'étranger -- et eux seuls -- a donc pour but d'octroyer à la Confédération une compétence législative clairement définie.

2. Faut-il ou non mentionner les Suisses à l'étranger dans la constitution fédérale? La question ne doit pas être jugée uniquement du point de vue juridique. L'importance du rôle historique, politique et économique des Suisses à l'étranger est généralement reconnue; cela justifie que la «cinquième Suisse» ne soit pas passée sous silence dans la constitution. La Nouvelle Société Helvétique n'est pas la seule à s'être prononcée en faveur de l'introduction
dans la constitution d'un article spécial, en apportant de solides arguments à l'appui.

L'idée a trouvé, de manière générale, un accueil favorable; il est frappant de constater que cantons, partis et associations économiques sont unanimes à la ·soutenir. Le seul fait de mentionner cette «cinquième Suisse» dans la constitution fortifierait déjà chez nos compatriotes de l'étranger le sentiment d'attachement à la patrie et ne manquerait donc pas d'avoir d'heureux effets à divers · égards. C'est là l'aspect politique de la question.

3. Si l'on veut examiner de manière objective et critique l'ensemble du problème, force est de se demander également si le nouvel article constitutionnel envisagé n'appelle pas certaines objections. On pourrait, par exemple, faire valoir que le manque d'une norme constitutionnelle spéciale n'a pas empêché

462 jusqu'ici la Confédération de prendre des mesures en faveur des Suisses à l'étranger, notamment sur le plan financier; il devrait être possible de continuer à en faire de même, de telle sorte qu'un nouvel article constitutionnel apparaît superflu. Inversement, une telle disposition pourrait provoquer de nombreuses demandes qui entraîneraient d'importantes prestations financières et susciter des espoirs qui ne pourraient être comblés. On pourrait, en outre, alléguer que la modification constitutionnelle envisagée serait de nature à assurer aux Suisses à l'étranger un traitement privilégié comparativement aux Suisses restés au pays, ce qui porterait atteinte au principe de l'égalité devant la loi. L'existence d'un tel article constitutionnel pourrait, de plus, exereer certains effets défavorables sur les rapports entrç les Suisses à l'étranger et leur pays d'accueil. On pourrait finalement soutenir qu'un tel article constitutionnel n'est pas désiré par tous les Suisses à l'étranger; beaucoup d'entre eux ne s'intéressent pas à cette question.

Si ces objections ne sont pas tout à fait sans fondement, nous estimons néanmoins qu'elles doivent céder le pas aux arguments positifs. Il nous semble surtout que l'indifférence manifestée par une partie des Suisses à l'étranger ne doit pas justifier un rejet car l'attitude diamétralement opposée et résolue des milieux représentatifs y fait largement pièce. En formulant la disposition constitutionnelle et les prescriptions d'exécution, il importera -- et il sera possible -- de tenir compte des craintes relatives à leurs éventuels effets défavorables. On arrivera certainement à trouver une formule évitant l'impression que la nouvelle disposition est de nature à mettre les Suisses à l'étranger en conflit avec leur pays d'accueil. Pour ce qui est de la situation privilégiée qu'on craint de voir créer en faveur des Suisses de l'étranger, nous relèverons que le but de l'article constitutionnel n'est pas d'instaurer des privilèges en leur faveur. Cet article doit surtout viser, dans l'intérêt d'une réglementation claire, à créer une norme de compétence et à permettre à la Confédération de tenir compte de manière appropriée des conditions dans lesquelles se trouvent nos compatriotes, conditions qui sont fondamentalement différentes de celles qui existent en Suisse.
Il n'en résulte aucune atteinte à l'égalité devant la loi, bien au contraire. Les prescriptions d'exécution devront sauvegarder ce principe, les conditions objectivement différentes dans lesquelles vivent les Suisses de l'étranger comparativement à leurs concitoyens de Suisse pouvant justifier un traitement différencié.

Nous fondant sur ces considérations, nous recommandons, en conformité avec le désir exprimé par toutes les autorités et associations consultées, une revision partielle de la constitution en faveur des Suisses à l'étranger.

V. Modalités de la solution constitutionnelle 1. Dans la mesure où la revision projetée embrasse des matières déjà réglées par la constitution, il serait concevable de procéder à la revision en complétant ou en modifiant les articles y relatifs. Entrent notamment en considération l'article 18 en ce qui concerne les.obligations:militaires et l'article 53-

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pour les droits politiques. Une revision ne touchant que ces deux articles serait toutefois insuffisante car il faut de toute façon introduire un article dans la constitution pour établir la compétence de la Confédération dans le domaine de l'assistance.

La manière de procéder la plus simple consisterait à énumérer les différents domaines dans lesquels il faudrait conférer dés attributions à la Confédération.

Comme cette énumération devrait être exhaustive, elle offrirait l'avantage d'être précise, ce qui serait spécialement souhaitable du point de vue de la délimitation des attributions de la Confédération et des cantons. Mais une énumération exhaustive constituerait un désavantage car l'évolution constante des conditions -- dont les effets sont le plus souvent imprévisibles dans les questions touchant les Suisses à l'étranger -- est de nature à créer des situations tout à fait nouvelles. C'est ainsi que pourrait naître le besoin d'une intervention de la Confédération en d'autres domaines, intervention pour laquelle la base constitutionnelle ferait défaut. A cet égard, une définition donnée une fois pour toutes pourrait se révéler trop étroite.

Lés considérations qui précèdent plaideraient donc plutôt en faveur d'une compétence de caractère général, qui embrasserait, sans désigner expressément les différents domaines visés, toutes les mesures nécessaires pour sauvegarder les intérêts des Suisses à l'étranger, régler leur situation juridique et maintenir vivantes leurs relations avec la mère-patrie. Une formule aussi générale suffirait à toute évolution imprévisible. Toutefois, elle pourrait aussi être considérée comme non satisfaisante, du fait qu'elle ne ferait pas ressortir les mesures que la Confédération devrait prendre et prendrait dans des cas déterminés; c'est notamment ce qu'a relevé le professeur H. Huber dans un avis établi au sujet d'un précédent projet de revision constitutionnelle.

2, A notre sens, c'est en combinant les deux solutions qu'il sera le mieux possible d'atteindre le but visé; une énumération de quelques objets accompagnerait un énoncé de caractère général. Cette énumération ne serait pas exhaustive mais comprendrait uniquement les questions qui sont en ce moment les plus actuelles et auxquelles on pense en premier lieu pour les mesures de la Confédération, à savoir
les droits politiques, les obligations militaires et l'assistance. Ces trois domaines, partiellement liés, n'ont pas été choisis au hasard; ils posent actuellement les problèmes essentiels à résoudre par la législation fédérale dans le domaine de la politique touchant les Suisses à l'étranger. En mentionnant ces domaines à côté de la norme de compétence générale, on donne une teneur plus précise à l'article constitutionnel; son importance pratique se trouve mise en évidence. L'unité de la matière et le caractère particulier de la nouvelle disposition sont exprimés de manière évidente. Ce sera la seule disposition de la constitution consacrée uniquement aux Suisses à l'étranger, et qui déploiera par conséquent ses effets principalement au-delà de nos frontières. Par ailleurs, un .article de ce type répond le mieux au désir de. voir faire une place aux Suisses de l'étranger dans la consti-

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tution. Cette méthode de définition des compétences mérite, à notre sens, d'être retenue; elle a du reste été recommandée par les autorités et les groupements consultés.

VI. Question de rédaction 1. La compétence à conférer à la Confédération doit-elle avoir un caractère impératif, à savoir obliger la Confédération à prendre les mesures prévues?

Doit-elle uniquement constituer une autorisation dont elle peut faire usage, sans y être tenue ? Et si la compétence de la Confédération s'étend à plusieurs objets, dans quelle mesure l'un ou l'autre de ces principes doit-il être appliqué?

On peut constater que les nombreuses normes de compétence que contient la constitution présentent, selon la matière réglée, tantôt l'un, tantôt l'autre caractère. Comme normes imperatives, qui obligent la Confédération à légiférer, nous mentionnerons les articles Îlquinquies (mesures tendant à prévenir les crises économiques et le chômage), 34bis (assurance en cas de maladie et d'accident), 34quater (assurance-vieillesse et survivants), 36bis (routes nationales), 66 (perte des droits politiques) et 67 (extradition d'accusés). Plus nombreuses sont toutefois les dispositions qui se bornent à donner à la Confédération la possibilité de légiférer (en utilisant surtout les formules «La Confédération peut...» ou «La Confédération est autorisée...»). Ce sont les articles 23 (droit d'expropriation de la Confédération), 24quater (protection des eaux), 25 (pêche et chasse), 27 (écoles publiques), Titer (cinéma), Tlquater (bourses d'études), 31bis, alinéas 2-4 (mesures de caractère économique), llquater (régime des banques), 32bis (boissons distillées), 34 (travail dans les. fabriques), 34/er (législation sur l'industrie, les arts et métiers et le commerce), 34quater (assurance en cas d'invalidité), 34quinquies (protection de la famille), Îlbis (circulation routière), 4lbis et 41/
Le nouvel.article constitutionnel a pour objet de
soutenir les Suisses à l'étranger, de favoriser les relations qu'ils entretiennent ainsi que leurs institutions ; il tend aussi à améliorer leur situation juridique. Les opinions divergent sur la question de savoir si les mesures visant ces buts doivent constituer une obligation imposée à la Confédération ou s'il faut se borner à donner à celle-ci la possibilité de les prendre. La commission des Suisses à l'étranger de la Nouvelle Société Helvétique et différentes associations suisses de l'étranger ont soutenu dans leur proposition la première de ces manières de voir, ce qui est conforme aux efforts poursuivis par ces groupements. En revanche, la plupart des autorités et autres associations consultées se sont prononcées en faveur d'une forme non imperative du texte de l'article constitutionnel. C'est ainsi que le canton de Zurich a relevé qu'une prescription ayant un caractère impératif

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pourrait facilement susciter des espoirs irréalisables dans certains cercles de Suisses à l'étranger. Quant au canton de Schaffhouse, il rejette catégoriquement toute norme de nature imperative.

La comparaison avec d'autres dispositions constitutionnelles n'a qu'une valeur relative. Un article constitutionnel sur les Suisses à l'étranger se distingue des normes de compétence déjà existantes par le fait que son application exercera avant tout ses effets hors de nos frontières. Nous n'avons que des possibilités restreintes d'influer sur les conditions existant à l'étranger, conditions qui sont soumises à des changements continus mais dont il importe de tenir compte. Même une disposition ayant un caractère impératif ne changerait rien à cet état de choses. C'est pourquoi elle serait déplacée.

Pour ces raisons précisément, on ne saurait passer outre aux objections du canton de Zurich. Il n'est de plus guère possible de dire à l'avance en quoi doit consister dans les détails l'encouragement prévu. Cela dépendra dans une très large mesure de l'évolution de la situation ainsi que des conditions existant dans les différents pays. Dans certains Etats, la situation de nos compatriotes peut être délicate. Si la constitution imposait à la Confédération l'obligation de prendre des «mesures en faveur des Suisses à l'étranger», on rendrait dans de nombreux cas un mauvais service à beaucoup de nos compatriotes. Il est aisé de concevoir que les opinions pourraient diverger dès qu'il s'agirait de déterminer si la Confédération doit ou non intervenir dans une situation donnée et, le cas échéant, quelle mesure devrait être prise. Ces divergences ne devraient pas être encouragée par la teneur de l'article constitutionnel; cela vaut notamment dans le domaine de l'assistance, où une obligation imposée à la Confédération pourrait susciter des demandes qu'il serait peut-être impossible de satisfaire mais que la teneur de l'article ne permettrait que difficilement de rejeter. En plus, une norme imperative pourrait paralyser les activités privées d'assistance et même donner l'impression qu'on se propose d'étatiser les institutions des Suisses à l'étranger, ce qu'il faudrait à tout prix éviter. Le choix d'une formule facultative n'empêchera pas les autorités fédérales de prendre des mesures là où elles se révèlent nécessaires
et où elles peuvent être réalisées.

2. Divers milieux représentatifs, notamment la commission des Suisses à l'étranger de la Nouvelle Société Helvétique, ont proposé de remplacer la notion d'«octroi» des droits politiques par celle d'«exercice» des droits politiques. L'on peut accéder à ce désir.

Il ressort déjà de l'article 43 de la constitution fédérale que chaque citoyen suisse jouissant des droits civils peut prendre part, au lieu de son domicile, à toutes les élections et votations en matière fédérale. Le droit de vote découle de la nationalité suisse et lui est même inhérent, alors que le domicile (en Suisse) désigne le lieu où s'exerce ce droit. Dans les ouvrages scientifiques également, on distingue à l'occasion entre l'aptitude à exercer le droit de vote en vertu d'une qualité personnelle (qualité d'électeur) et l'exercice de ce droit dans le cas d'espèce; c'est en particulier le cas dans l'ouvrage de Fleiner/Giacometti sur le droit public fédéral (p. 430s.). Pour avoir la qualité d'électeur, il faut donc feuille fédérale. 117eanncc. Vol. II.

31

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être du sexe masculin, avoir la nationalité suisse, être âgé d'au moins 20 ans révolus et qu'il n'y ait pas de motif d'exclusion. Le Suisse à l'étranger qui remplit ces quatre conditions a le droit de vote, mais est empêché de l'exercer parce qu'il n'a pas de domicile en Suisse. A cet égard, sa situation est la même que celle du Suisse au pays qui ne séjourne pas dans son lieu de domicile lors d'une votation et ne peut en conséquence exercer son droit de vote, abstraction faite de la loi du 25 juin 1965, instituant des facilités en matière de votatibns et d'élections fédérales.

3. Il a également été proposé, de manière isolée, qu'on parle expressément · dans le nouvel article constitutionnel du droit de vote «en matière d'affaires fédérales». Cela ne nous paraît pas nécessaire. A défaut d'indications plus précises, il est clair que, dans le domaine des droits politiques également, la Confédération ne peut légiférer qu'en ce qui concerne les affaires fédérales.

4. Le parti conservateur-chrétien social suisse a proposé que les mesures prévues ne soient prises que sous forme de lois, donc d'actes législatifs soumis au referendum facultatif, et de le préciser dans le texte de l'article constitutionnel, II y a lieu de remarquer à ce sujet que cela est déjà prescrit par la loi fédérale du 23 mars 1962 sur les rapports entre les conseils (art. 5).

5. Finalement, on a également proposé de supprimer la dernière phrase de l'article: «Les cantons seront consultés au préalable». A notre sens, cette norme de procédure est opportune du fait que l'article constitutionnel proposé touche certaines attributions des cantons. Il importe donc de donner à ceux-ci la possibilité d'exprimer leur avis avant qu'on ne prenne des mesures fondées sur la disposition matérielle de l'article constitutionnel. Cette conception, qui est conforme à la nature de notre fédéralisme, s'est affirmée de manière de plus en plus nette au cours de ces dernières années en raison de l'accroissement toujours plus marqué des attributions de la Confédération et du rétrécissement correspondant du champ de la compétence des cantons. Il est notamment justifié d'y faire droit lorsqu'il s'agit de dispositions légales de portée durable.

Selon les cas, la consultation des cantons peut contribuer à modérer des demandes excessives présentées à la
Confédération.

Cela ne concerne toutefois que la législation et plus particulièrement les cas où des prescriptions doivent être établies sur les droits politiques, les obligations militaires et l'assistance. Cette manière de voir est partagée par divers cantons, qui l'ont exprimée dans leurs avis. En revanche, il n'est en général pas nécessaire d'entendre les cantons lorsqu'il ne s'agit que de mesures de caractère administratif.

6. Bien qu'il soit généralement question de «Suisses de l'étranger» dans le langage courant, nombre de nos compatriotes ainsi que la Nouvelle Société Helvétique ont exprimé le désir qu'on parle «des Suisses vivant à l'étranger».

Il est possible, sans autre difficulté, d'accéder à ce désir, mais en recourant à

467 l'expression raccourcie de «Suisses à l'étranger», dont nous préférerions user.

Cette expression concorde exactement avec les termes allemand (Schweizer im Ausland) et italien (Svizzeri all'estero).

7. Le nouvel article trouvera de préférence sa place dans le groupe des articles de la constitution qui traitent de la nationalité, de la situation du citoyen suisse et de l'établissement (art. 43 à 47). La Nouvelle Société Helvétique a proposé, dans son exposé du 16 septembre 1960, d'insérer la nouvelle disposition après l'article 45, Elle est, en fait, en étroit rapport avec la réglementation relative à l'établissement. Il y a lieu de souscrire à cette proposition et de faire par conséquent de la nouvelle disposition un article 45bis.

8. Nous fondant sur ces considérations, nous vous recommandons d'adopter le projet d'arrêté fédéral ci-joint.

Simultanément, nous vous proposons de classer le postulat n° 5282 adopté par les chambres fédérales, droit de vote des Suisses à l'étranger, le postulat n° 6576 du Conseil national, protection diplomatique des Suisses à l'étranger, ainsi que le postulat ad 9058 du Conseil national du 3 mars 1965, article constitutionnel relatif aux Suisses à l'étranger.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 2 juillet 1965.

i Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Tschudi 16803

Le chancelier de la Confédération, Ch. Oser

468

(Projet)

Arrêté fédéral introduisant dans la constitution un article 45 bis relatif aux Suisses à l'étranger

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu les articles 85, chiffre 14, 118 et^21, 1er alinéa, de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 2 juillet 1965, arrête :

La constitution fédérale du 29 mai 1874 est complétée par la disposition suivante: Article 45 bis 1

La Confédération est autorisée à renforcer les liens qui unissent les Suisses à l'étranger entre eux et avec la patrie, et à soutenir les institutions créées à cet effet.

3 Elle peut, compte tenu de la situation particulière des Suisses à l'étranger, édicter des dispositions en vue de déterminer leurs droits et obligations, notamment quant à l'exercice de droits politiques et à l'accomplissement des obligations militaires ainsi qu'en matière d'assistance. Les cantons seront consultés au préalable.

II

16293

1

Le présent arrêté est soumis à la votation du peuple et des cantons,

2

Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution.

Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali

Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant l'insertion dans la constitution d'un article 45bis sur les Suisses à l'étranger (Du 2 juillet 1965)

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1965

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9287

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15.07.1965

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