Pratique de la Confédération en matière de gestion de la Poste, des CFF et de Swisscom Rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 8 mai 20121 Avis du Conseil fédéral du 14 novembre 2012

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, En vertu de l'art. 158 de la loi sur le Parlement, nous nous prononçons ci-après sur le rapport du 8 mai 2012 de la Commission de gestion du Conseil national, intitulé «Pratique de la Confédération en matière de gestion de la Poste, des CFF et de Swisscom».

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

14 novembre 2012

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Eveline Widmer-Schlumpf La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

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Avis 1

Contexte

Par courrier du 8 mai 2012, la CdG-N a porté à la connaissance du Conseil fédéral son rapport du 8 mai 2012, intitulé «Pratique de la Confédération en matière de gestion de la Poste, des CFF et de Swisscom». Parallèlement, elle a invité le Conseil fédéral à prendre position, d'ici le 31 décembre 2012, sur les constatations et recommandations dudit rapport.

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Avis du Conseil fédéral

Le Conseil fédéral salue l'initiative de la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) d'examiner de manière approfondie la pratique de la Confédération en matière de gouvernement d'entreprise à la lumière des expériences faites durant la dizaine d'années qui s'est écoulée depuis l'autonomisation de la Poste, des CFF et de Swisscom. La CdG-N soutient ainsi les efforts du Conseil fédéral visant à améliorer continuellement le rôle et la stratégie de la Confédération en tant que propriétaire de ces entreprises. Depuis l'autonomisation des trois entreprises, le modèle de gestion de la Confédération a été sans cesse peaufiné. Le Conseil fédéral a franchi une étape fondamentale en publiant le rapport sur le gouvernement d'entreprise de 2006 (ci-après rapport GE) et un rapport complémentaire posant la politique de propriétaire de la Confédération sur un solide fondement. La dernière étape à ce jour de ce processus est intervenue le 1er janvier 2012 avec l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 17 décembre 2010 relative à la participation de l'Assemblée fédérale au pilotage des entités devenues autonomes2 qui a fourni au Parlement un dispositif élargi lui permettant d'exercer la haute surveillance sur la gestion des unités devenues autonomes. Même s'il est encore prématuré pour apprécier l'impact de cette dernière réforme, on y discerne néanmoins l'importance croissante que le pouvoir législatif accorde au gouvernement d'entreprise de la Confédération.

Du point de vue du Conseil fédéral, cet intérêt accru se justifie, ne serait-ce qu'en raison du fait que la Poste, les CFF et Swisscom, avec quelque 95 000 emplois à plein temps et 29 milliards de francs de chiffre d'affaires (2011), constituent un pilier important de l'économie suisse et occupent une position particulière dans la perception du public en tant qu'entreprises de service public. Des erreurs dans la gestion stratégique de ces entreprises seraient susceptibles d'avoir de graves répercussions sur l'ensemble du pays. Le Conseil fédéral estime donc que la politique de propriétaire de la Confédération envers la Poste, les CFF et Swisscom ne doit pas être mesurée à l'aune de concepts théoriques abstraits, mais en fonction de son application dans la pratique, respectivement de ses résultats concrets.

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Le Conseil fédéral approuve l'évaluation de la CdG-N selon laquelle le modèle de gestion de la Confédération est dans l'ensemble adéquat et probant et qu'il convient de le maintenir. Il estime que les objectifs visés à la fin des années 1990 lors de l'autonomisation de la Poste, des CFF et de Swisscom ont été largement atteints.

L'approvisionnement de la population suisse et de toutes les régions du pays en prestations d'infrastructure dans les domaines des transports, de la logistique et de la communication s'est clairement amélioré depuis lors: la qualité des prestations ­ par ex. offre de l'horaire, ponctualité, débit de transmission des données ­ est globalement plus élevée qu'il y a douze ans, l'étendue de la desserte de base s'est élargie et le niveau des prix a plutôt baissé (les exceptions confirmant la règle). Parallèlement, les trois entreprises ont réagi aux nouveaux besoins des clients par de constantes innovations, elles se sont livrées à de profondes réformes structurelles en se fondant sur un partenariat social efficace et constructif et ont régulièrement réalisé des résultats concluants. On constate donc qu'au niveau politique et économique, l'autonomisation de la Poste, des CFF et de Swisscom a répondu aux attentes placées en elle. Le gouvernement d'entreprise de la Confédération y a certainement aussi contribué.

Pour le Conseil fédéral, il ne fait aucun doute que le modèle de gestion de la Confédération tel qu'il a été conçu par le législateur et appliqué dans la pratique ne peut pas être considéré séparément des objectifs visés par l'autonomisation de la Poste, des CFF et de Swisscom. Cette dernière a été réalisée sur la base du constat que les entreprises en régie, qui ne peuvent finalement pas se soustraire aux lois et aux forces du marché, fournissent globalement de meilleures prestations en faveur de l'économie nationale si elles sont gérées le plus possible comme des entreprises privées. Cependant, la conviction prédominait que les entreprises en régie devaient continuer d'être majoritairement ou entièrement détenues par la Confédération étant donné que la sécurité de l'approvisionnement du pays en prestations d'infrastructure indispensables était mieux garantie tant que les réseaux requis se trouvaient en mains publiques.

Il existe donc un intérêt public à ce que les
entreprises de service public devenues autonomes et assumant des tâches de la Confédération fournissent des prestations et soient performantes. La responsabilité de la Confédération en tant que garante de l'exécution de ces tâches justifie fondamentalement la propriété de l'Etat.3 La participation détenue par la Confédération dans la Poste, les CFF et Swisscom revêt en quelque sorte le caractère d'un engagement stratégique à long terme de l'Etat dans un secteur clé de l'économie poursuivant avant tout des objectifs liés à l'approvisionnement, à l'économie, à la sécurité et aux institutions politiques. D'autres objectifs de la participation, comme ceux liés à la politique industrielle, financière ou de l'emploi ­ et que l'on retrouve dans de nombreux pays de l'OCDE4 ­ ne jouent tout au plus qu'un rôle secondaire.

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cf. ch. 6.2 du Rapport du Conseil fédéral complétant le rapport sur le gouvernement d'entreprise (FF 2009 2350) Les «Lignes directrices de l'OCDE sur le gouvernement d'entreprise des entreprises publiques» de 2005 se rapportent surtout aux entreprises publiques, pour lesquelles l'intérêt public réside avant tout dans la réussite de l'entreprise. Le groupe de travail compétent (OECD Working Party on State Ownership and Privatisation Practices WPSOPP) est toutefois conscient du fait que les objectifs non commerciaux ont souvent une importance cruciale dans les entreprises publiques.

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Il en résulte une double responsabilité pour la Confédération: d'une part, elle doit veiller vis-à-vis des contribuables à ce que ces entreprises demeurent efficaces à long terme et que le capital investi soit correctement rémunéré en fonction du risque.

De l'autre, elle doit assurer vis-à-vis des ménages privés, des entreprises, des cantons et des communes («clients») la réalisation des objectifs en matière d'approvisionnement négociés au niveau politique.

La Confédération exerce cette double responsabilité à l'aide de trois instruments de gestion se distinguant par leur échéance respective. Les lois et dispositions d'exécution5 statiques fixent à long terme le cadre de l'activité des entreprises. Définis pour une échéance moyenne de quatre ans, les objectifs stratégiques précisent les exigences et les attentes de la Confédération à l'égard des entreprises en tenant compte de l'évolution dynamique du marché et du contexte politique. A court terme, les entretiens trimestriels réguliers entre Confédération et entreprises servent à régler les questions de détail.

A l'intérieur du cadre qui leur est fixé par la loi et les objectifs stratégiques, les entreprises jouissent d'une complète autonomie, le propriétaire renonçant à s'ingérer dans les affaires opérationnelles. La Confédération ne peut cependant pas se soustraire à une coresponsabilité politique des décisions des entreprises ­ notamment lorsqu'elle assume une responsabilité en qualité de garante. Il faudrait sinon se demander si la Confédération est bien le propriétaire adéquat de la Poste, des CFF et de Swisscom.

Le rapport de la CdG-N se penche notamment sur l'instrument de gestion à moyen terme que constituent les objectifs stratégiques. Compte tenu de son double rôle de propriétaire et de garante, la Confédération, conformément au principe directeur 16 GE, gère les entreprises par des objectifs stratégiques de gestion d'entreprise aussi bien que par des objectifs relatifs aux tâches. Les Chambres fédérales ont accordé une telle importance aux objectifs relatifs aux tâches qu'elles ont chargé le Conseil fédéral par le postulat 07.3775 (CdF-N) d'examiner si son rôle de garant de l'exécution de la tâche publique devait faire l'objet d'une mention particulière. Le Conseil fédéral a donné suite à cette revendication dans le cadre de son
rapport complémentaire GE en complétant le principe directeur GE no 16.

Le Conseil fédéral estime que ces premières précisions sont importantes étant donné qu'un grand nombre des recommandations de la CdG-N se rapportent directement ou indirectement à la dualité fondamentale des objectifs résultant des rôles de garante de l'approvisionnement de base (service public) et de propriétaire de la Poste, des CFF et de Swisscom exercés simultanément par la Confédération. Tant qu'une privatisation complète de ces trois entreprises ne figurera pas à l'agenda politique, il faudra accepter cette dualité. Le Conseil fédéral comprend les recommandations de la CdG-N comme des suggestions méritant d'être discutées concernant la manière dont l'on pourrait atténuer ponctuellement les conflits résultant nécessairement de cette dualité.

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Mentionnons notamment les textes normatifs spécifiques aux entreprises tels que la loi sur la poste, la loi sur l'organisation de la Poste, la loi sur les CFF ou la loi sur l'entreprise de télécommunications.

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Recommandation 1: «La CdG-N invite le Conseil fédéral à formuler les objectifs stratégiques de manière plus cohérente et hiérarchiquement adéquate en mettant l'accent sur les objectifs de gestion d'entreprise. Un ordre de priorité et d'importance doit être établi pour les objectifs stratégiques et les conflits entre les objectifs relatifs aux tâches et les objectifs de gestion d'entreprise doivent être résolus.

La CdG-N invite en outre le Conseil fédéral à tirer les enseignements des expériences faites à ce jour pour clarifier les critères appliqués à la formulation d'objectifs stratégiques adéquats, relatifs à l'entreprise et à ses tâches.» Le Conseil fédéral partage l'avis de la CdG-N que, dans la pratique actuelle, tous les objectifs stratégiques ne sont pas au même échelon hiérarchique. En effet, le Conseil fédéral fixe des objectifs liés à des aspects relevant de l'activité commerciale qui, en général, sont considérés comme faisant partie des tâches premières du conseil d'administration, tels que l'efficience opérationnelle, la gestion des risques, la communication ou la politique du personnel. Il ne faut cependant pas y voir une restriction de l'autonomie du conseil d'administration, ce d'autant que le Conseil fédéral part du principe que les intérêts des actionnaires et de l'entreprise concordent sur ces points. Le fait que les objectifs stratégiques assignés aux CFF comprennent plus d'objectifs «non adaptés à l'échelon hiérarchique» que notamment ceux assignés à la Poste est conforme au principe directeur no 16 précité, selon lequel l'intensité du pilotage est plus grande si la tâche concernée est peu régie par le marché ou par des normes et des standards externes, si elle est largement financée par les recettes fiscales générales et si les risques qu'elle est susceptible d'entraîner pour la Confédération sont élevés. Du point de vue du Conseil fédéral, un argument en faveur du maintien de tels objectifs ­ superflus du point de vue systémique ­ est le fait que les objectifs stratégiques servent aussi à faire la transparence vis-à-vis de l'opinion publique en ce qui concerne les attentes et les exigences de la Confédération à l'égard de la Poste, des CFF et de Swisscom. Le renoncement à des objectifs en matière de personnel ou à la mention de l'obligation d'assurer le service public dans
les objectifs stratégiques pourrait donner la fausse impression que la Confédération est insensible aux exigences des collaborateurs ou aux intérêts des utilisateurs du service public. Cela étant, le Conseil fédéral examinera à la faveur de futures révisions des objectifs stratégiques dans quelle mesure il convient de réduire le nombre des objectifs «non adaptés à l'échelon hiérarchique».

Le Conseil fédéral souscrit à l'analyse de la CdG-N concluant que les objectifs relatifs aux tâches et les objectifs de gestion peuvent s'opposer les uns aux autres. Il n'estime cependant pas que cela soit une particularité du modèle de gestion de la Confédération. Il estime en effet que la tâche et l'art de tout conseil d'administration consistent à réaliser le meilleur résultat possible pour l'entreprise compte tenu des exigences contradictoires du marché, du régulateur, des actionnaires et d'autres groupes intéressés. Il estime cependant difficile d'éliminer d'emblée les contradictions entre les objectifs relatifs aux tâches et les objectifs de gestion en établissant un ordre de priorité. Pour la Confédération en tant que propriétaire, la qualité des prestations et le résultat financier de la Poste, des CFF et de Swisscom sont d'une égale importance. L'essence de la tâche exécutive du Conseil fédéral consiste précisément à pondérer de manière toujours adéquate les différents intérêts de la Confédération 8497

dans un contexte politique et économique dynamique. Cela se passe obligatoirement dans un certain flou, car la gestion d'entreprise comprend toujours des surprises et un certain degré d'incertitude ­ une réalité à laquelle aucun investisseur ne peut se soustraire en s'engageant de manière abstraite à respecter un ordre de priorité fixé à l'avance. Le Conseil fédéral estime donc qu'un certain degré d'ouverture et de flexibilité dans l'interprétation et l'application des objectifs stratégiques est indispensable si l'on veut utiliser cet instrument de gestion de manière adéquate et conforme à sa finalité. Le Conseil fédéral est toutefois d'accord avec la CdG-N que les objectifs stratégiques doivent établir clairement les priorités de la Confédération lorsque les intérêts de celle-ci sont a priori évidents et stables. Il estime que c'est déjà largement le cas aujourd'hui puisque les attentes ne concernant pas l'activité principale sont émises sous réserve des possibilités offertes par la gestion de l'entreprise.

Le Conseil fédéral estime que les possibilités sont restreintes de mettre l'accent des objectifs stratégiques sur la gestion de l'entreprise, ainsi que le suggère la CdG-N.

Comme expliqué précédemment, la participation détenue par la Confédération dans ces entreprises se justifie par les tâches particulières d'intérêt public assumées par ces entreprises. Aux yeux du Conseil fédéral, il en résulte obligatoirement que les objectifs relatifs aux tâches doivent être au moins pondérés de la même manière et suivis avec la même attention que les objectifs de gestion. Cela est non seulement conforme au principe directeur no 16 précité mais aussi à l'expérience. En effet, les aspects liés aux activités commerciales de la Poste, des CFF et de Swisscom dominent régulièrement les entretiens annuels entre les Commissions de gestion et des finances des Chambres fédérales, le DETEC et les entreprises.

Recommandation 2: «La CdG-N demande au Conseil fédéral de garantir l'accès aux données qui sont nécessaires au contrôle de la réalisation des objectifs.» Recommandation 3: «La CdG-N demande au Conseil fédéral de s'efforcer d'obtenir un accès direct à des données comparatives internationales.» Le Conseil fédéral concède à la CdG-N qu'il existe bien une asymétrie inhérente d'information entre les entreprises
et le propriétaire. En effet, le Conseil fédéral est tributaire des informations que lui fournit le conseil d'administration pour évaluer la réalisation des objectifs stratégiques par la Poste, les CFF et Swisscom et ne dispose, au delà d'un examen général de la plausibilité, que de moyens limités pour vérifier ces informations. La proposition de la CdG-N de confier la tâche de recueillir et d'analyser des données comparatives internationales d'organisations sectorielles à un organisme indépendant ­ EUROSTAT par exemple ­ constitue une piste intéressante en vue de réduire l'asymétrie d'information. Tout d'abord, le Conseil fédéral a de la peine à évaluer si EUROSTAT serait disposé à assumer une telle tâche, qui impliquerait certainement une charge administrative et financière supplémentaire considérable. Par ailleurs, le Conseil fédéral rappelle que les organisations sectorielles et les offices de statistiques internationaux doivent finalement aussi se fonder sur les données primaires des entreprises. Une comparaison internationale vraiment

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indépendante et objective de la performance de la Poste, des CFF et de Swisscom est donc fondamentalement sujette à caution. Le Conseil fédéral examinera néanmoins si d'autres données publiquement accessibles ­ provenant par exemple de régulateurs sectoriels, de l'UE ou de l'OCDE ­ pourraient être utilisées pour évaluer la performance des entreprises, sachant toutefois que de telles données ne permettent en aucun cas de tirer des conclusions directes concernant des acteurs particuliers du marché.

Le Conseil fédéral relève que, à la lumière de l'expérience de plus de dix ans faite avec la politique de propriétaire de la Confédération, il ne voit aucune raison de douter de la fiabilité des informations qui lui sont fournies par les conseils d'administration de la Poste, des CFF et de Swisscom. L'asymétrie d'information qui existe entre les entreprises et le propriétaire n'implique pas qu'elle soit utilisée à des fins fallacieuses. Le Conseil fédéral estime qu'il est dans l'intérêt à long terme des deux parties d'échanger les informations pertinentes sans restriction et sans les falsifier, même en cas de différends. Le fait que les données comparatives internationales servant à évaluer la performance de la Poste, des CFF et de Swisscom soient fournies au propriétaire par les entreprises mêmes ne met a priori pas en cause leur crédibilité ni leur qualité.

Cela dit, le Conseil fédéral n'est pas convaincu qu'un contrôle externe indépendant des informations fournies au propriétaire ­ si tant est qu'un tel contrôle soit possible ­ représente le pendant obligatoire à l'autonomie du conseil d'administration. Il considère en effet que le pendant de cette autonomie réside dans la responsabilité du conseil d'administration. Celui-ci répond de ses décisions et de ses actes, peu importe que le Conseil fédéral en ait été informé au préalable ou non. Si le Conseil fédéral estime que le conseil d'administration n'assume pas suffisamment bien ses responsabilités, il dispose des moyens de sanction (mentionnés dans le principe directeur no 22 b) prévus par le droit des sociétés anonymes, notamment le refus d'approuver le rapport de gestion et de donner décharge au conseil d'administration, le refus de reconduire dans leurs fonctions les membres du conseil d'administration, ou certains d'entre eux, ainsi que les
prétentions en matière de responsabilité. Le Conseil fédéral est d'avis que ces moyens de sanction ont un effet préventif beaucoup plus important contre l'utilisation abusive de l'inévitable asymétrie d'information que la tentative ­ sans doute vaine ­ d'instaurer un contrôle externe indépendant du flux d'informations.

Recommandation 4: «La CdG-N invite le Conseil fédéral à s'assurer que les échanges informels d'informations qui ont lieu régulièrement entre l'administration et la Poste, les CFF et Swisscom sont bien conformes au modèle de gestion.» Le Conseil fédéral reconnaît que, si la stratégie du propriétaire se concentrait sur des objectifs de gestion, un échange régulier d'informations ne serait pas conforme au modèle de gestion. La réalisation des objectifs stratégiques pourrait alors simplement être contrôlée sur la base du rapport de gestion. Toutefois, comme expliqué précédemment, la Confédération n'est pas un investisseur financier, mais détient une participation dans la Poste, les CFF et Swisscom avant tout comme garante des tâches que ces entreprises assument dans le secteur des infrastructures de service 8499

public d'«d'importance systémique». C'est pourquoi les objectifs relatifs aux tâches jouent un rôle important dans le modèle de gestion de la Confédération. Il ne s'agit là pas d'un défaut du système, mais d'une conséquence nécessaire de la décision politique ­ explicitement confirmée par le Parlement en 2006 dans le cas de Swisscom ­ de renoncer à la privatisation complète de ces entreprises6.

L'appréciation de la réalisation d'objectifs relatifs aux tâches est cependant bien plus difficile que le contrôle d'objectifs de gestion. Alors que l'on peut mesurer le rendement et le risque sur la base de montants chiffrés et d'indicateurs économiques standardisés à l'échelle mondiale, les aspects comme la qualité des produits, la volonté d'innover ou la convivialité sont beaucoup moins clairement mesurables.

Une certaine appréciation reposant sur des jugements de valeur joue inévitablement un rôle dans leur définition et leur évaluation. Le flou et l'arbitraire qui en résultent lors de l'appréciation des performances et des risques des entreprises ne peuvent être réduits que par le dialogue direct entre propriétaire et entreprises. Du point de vue du Conseil fédéral, les entretiens du propriétaire sont donc un élément constitutif du modèle de gestion: ils permettent au propriétaire et aux entreprises de s'entendre dans le cas d'espèce sur l'ordre de priorité nécessaire des objectifs stratégiques au cas où une telle entente n'a pas été possible au préalable. Cela étant, ils ne sont pas seulement dans l'intérêt du propriétaire, mais aussi dans celui des entreprises, qui évoluent nécessairement dans un contexte politique et doivent donc être en mesure de pouvoir apprécier ce dernier le mieux possible.

Les entretiens du propriétaire sont un corollaire de la coresponsabilité politique assumée par la Confédération en tant que propriétaire public de la Poste, des CFF et de Swisscom en ce qui concerne les actes et les omissions de ces entreprises. Sans cet échange d'informations régulier et approfondi, le Conseil fédéral ne serait pas en mesure de répondre aux interventions parlementaires ni aux questions des journalistes et des citoyens en rapport avec la Poste, les CFF et Swisscom, ce d'autant qu'une grande majorité de ces demandes de renseignements se rapportent à des aspects liés aux tâches des entreprises. Il
n'y a guère lieu de penser que les parlementaires, journalistes et citoyens s'abstiendraient d'adresser de telles demandes au Conseil fédéral si la stratégie du propriétaire de la Confédération était rigoureusement axée sur des objectifs de gestion.

Recommandation 5: «La CdG demande au Conseil fédéral de poser des conditions strictes à la dérogation au modèle de gestion que constitue une intervention concrète de la Confédération.» Le Conseil fédéral reconnaît que, dans le cadre des expériences faites avec le modèle de gestion, il y a eu des situations isolées où il a exercé indirectement ­ et, à une seule occasion, directement au moyen d'une instruction explicite du représentant de l'Etat au conseil d'administration de Swisscom ­ une influence sur les décisions du conseil d'administration. Il n'estime cependant pas qu'il faille considérer ces cas 6

L'échange d'informations de la Confédération avec la Swisscom SA, cotée en bourse, obéit au principe de l'égalité de traitement de tous les actionnaires selon l'art. 717, al. 2, du code des obligations (cf. Rapport du Conseil fédéral du 25 mars 2009 complétant le rapport sur le gouvernement d'entreprise).

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comme des dérogations au modèle de gestion. Ces cas s'expliquent davantage par la part de responsabilité politique que la Confédération, en tant que propriétaire de la Poste, des CFF et de Swisscom assume en ce qui concerne les actes de ces entreprises.

Le Conseil fédéral est intimement convaincu qu'une grande partie de la population ­ de même qu'une majorité du Parlement ­ n'auraient pas compris que le Conseil fédéral refuse de prendre position sur les centres de tri, les offices de poste, la grève à Bellinzone ou l'engagement de Swisscom à l'étranger.

A part ces aspects politiques, il faut, d'un point de vue systémique, tenir compte du fait qu'un grand nombre d'objectifs stratégiques ­ notamment relatifs aux tâches ­ sont nécessairement formulés de manière générale et laissent une certaine marge d'interprétation. Les cas spécifiques mentionnés dans le rapport de la CDG-N se rapportent à des situations où des divergences sont apparues entre le conseil d'administration et le Conseil fédéral quant à l'interprétation de certains objectifs stratégiques. Or, l'interprétation des objectifs stratégiques relève incontestablement de l'autorité du Conseil fédéral. Il était dès lors légitime que le Conseil fédéral, en pareils cas, précise ses réelles intentions et attentes à l'égard de l'entreprise au cas où celles-ci ont été imparfaitement rendues par la formulation des objectifs stratégiques ou au cas où le conseil d'administration ne les a pas correctement comprises ­ ceci en en faisant part au conseil d'administration, que ce soit dans le cadre d'un entretien avec le propriétaire, au moyen d'une lettre adressée au président du conseil d'administration ou encore de l'instruction du représentant de l'Etat au conseil d'administration. Il aurait pu également le faire en modifiant les objectifs stratégiques, ce qui, dans l'optique de la recommandation no 5 de la CdG-N, n'aurait pas constitué une dérogation au modèle de gestion. Etant donné que le Conseil fédéral dispose toujours de cette possibilité ­ dont il a d'ailleurs fait usage dans le cas évoqué de l'engagement de Swisscom à l'étranger ­ la recommandation no 5 de la CdG-N peut être considérée comme caduque.

Finalement, le Conseil fédéral constate que le débat autour de la pratique de la Confédération en matière de gouvernement d'entreprise porte au
fond sur la question de savoir dans quelle mesure la Confédération ­ du fait de son statut de propriétaire d'entreprises de service public fondé sur des motifs politiques et de sa coresponsabilité politique concernant les actes de ces dernières - doit intégrer des objectifs relatifs aux tâches dans sa stratégie de propriétaire à l'intention de la Poste, des CFF et de Swisscom. Le Conseil fédéral est convaincu que la définition d'objectifs relatifs aux tâches est indissociablement liée au statut de propriétaire de la Confédération. Il semble partager cette opinion avec la majorité du Parlement, ainsi que le montre l'adoption du postulat 07.3775. Aux yeux du Conseil fédéral, la réduction de la gestion du propriétaire à de pures questions de gestion d'entreprise équivaudrait de fait à un mandat de privatisation. Les réponses données à cette question de fond détermineront dans quelle mesure la réelle pratique de gouvernement d'entreprise est jugée conforme à un modèle de gestion général. Le Conseil fédéral est volontiers disposé à approfondir cette question de fond lors de prochaines discussions avec la CdG-N.

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