Rapport du Conseil fédéral donnant suite au postulat Malama 10.3045 du 3 mars 2010 Sécurité intérieure. Clarification des compétences du 2 mars 2012

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre le présent rapport en exécution du postulat Malama du 3 mars 2010 (10.3045 Sécurité intérieure. Clarification des compétences).

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

2 mars 2012

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Eveline Widmer-Schlumpf La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2012-0243

4161

Condensé Le thème de la sécurité intérieure, et plus particulièrement la complexité et la relative opacité de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons, ont fortement gagné en importance ces dernières années. Dans ce contexte, la pratique de la Confédération en matière législative a suscité des débats politiques, mais aussi des critiques de la part de la doctrine. Les prestations de sécurité fournies par la Confédération au profit des cantons ont provoqué des controverses et conduit à de nombreuses interpellations parlementaires.

Par le présent rapport, le Conseil fédéral donne suite au postulat Malama du 3 mars 2010 «Sécurité intérieure. Clarification des compétences» (10.3045), dont la teneur est la suivante: «Le Conseil fédéral est invité à répondre aux questions suivantes, sous la forme d'un rapport à remettre d'ici à la fin 2010: 1.

Quelles compétences législatives et quelles compétences d'exécution la Constitution fédérale attribue-t-elle à la Confédération en matière de sécurité intérieure?

2.

Dans quelle mesure la Confédération assiste-t-elle durablement ou temporairement les cantons dans l'accomplissement des tâches qui leur incombent au titre du maintien de la sécurité intérieure?

3.

La répartition constitutionnelle des compétences de sécurité intérieure entre la Confédération et les cantons est-elle adaptée à la situation actuelle et à ses enjeux?

4.

S'il devait être décidé de procéder à une refonte des dispositions constitutionnelles régissant la sécurité intérieure, comment y aurait-il lieu d'aménager le projet?»

Le présent rapport suit dans son articulation l'ordre des mandats formulés dans le postulat. La première partie contient une analyse juridique de la situation et un inventaire des tâches que se répartissent la Confédération et les cantons. Une deuxième partie met en lumière les faiblesses du système et présente des propositions d'amélioration. Le rapport livre une vue d'ensemble de la situation en matière de sécurité intérieure, en mettant l'accent sur les dispositions constitutionnelles applicables. L'Office fédéral de la justice, responsable de son élaboration, a fait appel à un groupe d'accompagnement, composé de représentants de tous les offices concernés, de la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police et de la Conférence des commandants des polices cantonales de Suisse.

L'inventaire dressé dans le rapport a fait apparaître un certain nombre de lacunes dans le domaine de la sécurité intérieure. Les résultats mettent en évidence la nécessité d'améliorer sur différents points la répartition des compétences entre les orga-

4162

nes en charge de la sécurité. Voici concrètement la liste des domaines qui ont été soumis à un examen approfondi: ­

prestations de sécurité de l'armée

­

prestations de sécurité des corps des gardes-frontière et des douanes

­

tâches de police de sécurité, de police judiciaire et de police criminelle

­

devoir de protection fondé sur le droit international public

­

transport aérien

­

protection de l'Etat

­

délégation à des privés de tâches dans le domaine de la sécurité

­

actes de violence lors de manifestations sportives.

Parmi les lacunes constatées, certaines peuvent être comblées en précisant les dispositions légales pertinentes, tandis que d'autres nécessitent une modification de la Constitution.

Le Conseil fédéral sait combien il est important que la Confédération et les cantons coopèrent de manière efficace et harmonieuse dans le domaine de la sécurité. Il est donc prêt à procéder aux clarifications et aux améliorations nécessaires. En ce qui concerne les conclusions du rapport qui ont une incidence sur des projets législatifs en cours, il entend intégrer les mesures préconisées directement dans ces derniers.

Sur les autres points sujets à amélioration, il attendra d'éventuels mandats du Parlement, une fois que celui-ci aura débattu du rapport.

4163

Table des matières Condensé

4162

Liste des abréviations

4170

1 Mandat et organisation des travaux 1.1 Introduction 1.1.1 Contexte 1.1.2 Horizon temporel 1.1.3 Méthodologie 1.2 Mandat 1.2.1 Objet 1.2.2 Corrélations avec d'autres rapports et projets 1.2.2.1 Rapport du Conseil fédéral sur la politique de sécurité de la Suisse 1.2.2.2 Rapport de la CCDJP sur les lacunes policières 1.2.2.3 Délégation de tâches de sécurité à des entreprises de sécurité privées 1.2.2.4 Rôle de la sécurité militaire 1.2.2.5 Délimitation des tâches entre les autorités de police et l'administration des douanes 1.2.2.6 Réseau national de sécurité 1.2.2.7 Stratégie nationale pour la protection des infrastructures critiques 1.2.2.8 Stratégie nationale de cyberdéfense 1.2.2.9 Gestion intégrée des frontières

4172 4172 4172 4173 4173 4174 4174 4174

2 Sécurité intérieure: description et analyse de la situation 2.1 Définitions 2.1.1 Sécurité intérieure 2.1.2 Sécurité extérieure 2.1.3 Notion large de la sécurité 2.1.4 Notion de sécurité dans le contexte du présent rapport 2.2 Compétences constitutionnelles 2.2.1 Introduction 2.2.2 Compétences des cantons en matière de législation, d'application du droit et d'exécution 2.2.2.1 Souveraineté cantonale en matière de police 2.2.2.2 Autonomie des cantons dans l'accomplissement de leurs tâches 2.2.2.3 Législation intercantonale 2.2.2.4 Exécution du droit fédéral par les cantons 2.2.2.5 Délégation conventionnelle de tâches cantonales à la Confédération 2.2.3 Compétences de la Confédération en matière de législation et d'application du droit 2.2.3.1 Mandat général au sens de l'art. 57, al. 1, Cst.

2.2.3.2 Portée de l'art. 57, al. 2, Cst.

4178 4178 4178 4179 4179 4180 4180 4180

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4175 4175 4175 4176 4176 4176 4177 4177 4177

4181 4181 4182 4182 4184 4185 4187 4187 4187

2.2.3.3 Compétences fédérales explicites 2.2.3.4 Compétences fédérales implicites 2.2.3.5 Compétence de la Confédération de protéger l'ordre constitutionnel des cantons au sens de l'art. 52 Cst.

(intervention fédérale) 2.2.3.6 Compétence de la Confédération en matière d'affaires étrangères au sens de l'art. 54 Cst.

2.2.3.7 Compétences de la Confédération dérivées des compétences de ses organes 2.2.3.7.1 Mesures que peut adopter le Conseil fédéral 2.2.3.7.2 Mesures que peut adopter l'Assemblée fédérale 2.2.4 Répartition des compétences en matière de conclusion et de mise en oeuvre de traités internationaux 2.2.4.1 Répartition des compétences en matière de conclusion de traités internationaux 2.2.4.1.1 Compétences de la Confédération 2.2.4.1.2 Compétences des cantons 2.2.4.2 Droits de participation des cantons 2.2.4.3 Répartition des compétences en matière de mise en oeuvre des traités internationaux 2.2.5 La sécurité intérieure sous l'angle de la RPT 2.2.6 Pratique législative de la Confédération dans le domaine de la sécurité intérieure ­ exemples récents 2.2.6.1 Loi sur les douanes 2.2.6.2 Révision partielle de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure 2.2.6.3 Ordonnance sur l'engagement d'entreprises de sécurité privées par la Confédération 2.2.6.4 Loi fédérale sur les systèmes d'information de police de la Confédération 2.2.6.5 Loi sur l'usage de la contrainte 2.2.6.6 Loi fédérale sur le renseignement civil 2.2.6.7 Loi sur l'échange d'informations Schengen 2.2.6.8 Ordonnance sur la vidéosurveillance dans les transports publics 2.2.6.9 Loi fédérale sur les organes de sécurité des entreprises de transports publics 2.2.6.10 Avant-projet de révision partielle de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure 2.2.6.11 Avant-projet de loi fédérale sur les tâches de police de la Confédération 2.2.6.12 Avant-projet de loi fédérale sur la protection extraprocédurale des témoins 2.2.6.13 Avant-projet de loi fédérale sur les prestations de sécurité privées fournies à l'étranger

4188 4188 4189 4190 4191 4191 4192 4192 4192 4192 4193 4193 4193 4194 4195 4195 4195 4196 4196 4196 4197 4197 4198 4198 4199 4199 4199 4200

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2.3 Répartition et accomplissement des tâches dans le domaine de la sécurité 2.3.1 Introduction 2.3.2 Quelques domaines d'intervention 2.3.2.1 Protection de l'Etat 2.3.2.1.1 Répartition des compétences entre la Confédération et les cantons 2.3.2.1.2 Organes cantonaux de protection de l'Etat 2.3.2.1.3 Surveillance des organes de protection de l'Etat 2.3.2.1.4 Résumé 2.3.2.2 Tâches de police de sécurité, tâches de police judiciaire et tâches de police administrative 2.3.2.2.1 Tâches de police de sécurité 2.3.2.2.1.1 Protection des personnes et des bâtiments 2.3.2.2.1.2 Devoir de protection fondé sur le droit international public 2.3.2.2.2 Tâches de police criminelle et de police judiciaire 2.3.2.2.3 Tâches de police administrative 2.3.2.2.4 Banques de données policières de la Confédération 2.3.2.2.5 Participation de la police à des engagements internationaux de promotion de la paix 2.3.2.3 Prestations de sécurité de l'armée 2.3.2.3.1 Introduction 2.3.2.3.2 Tâches de l'armée 2.3.2.3.3 Soutien aux autorités civiles 2.3.2.3.3.1 Généralités 2.3.2.3.3.2 Subsidiarité 2.3.2.3.4 Types d'engagement de l'armée 2.3.2.3.4.1 Service de promotion de la paix 2.3.2.3.4.2 Service d'appui 2.3.2.3.4.3 Service actif 2.3.2.3.5 Cadre juridique de l'engagement de troupes pour assurer la sécurité intérieure 2.3.2.3.6 Autres tâches de soutien de l'armée 2.3.2.3.6.1 Moyens de surveillance avec appui aérien 2.3.2.3.6.2 Engagements radio de l'armée 2.3.2.3.6.3 Prestations de soutien de la Séc mil 2.3.2.3.6.3.1 Engagement de la Séc mil hors service d'appui au profit d'autres unités de la Confédération 2.3.2.3.6.3.2 Détachement de protection du Conseil fédéral (DPCF) 2.3.2.3.6.4 Assistance matérielle de l'armée

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4200 4200 4200 4200 4200 4202 4202 4203 4203 4204 4204 4205 4206 4207 4208 4209 4210 4210 4211 4212 4212 4212 4213 4213 4214 4215 4216 4217 4217 4217 4218 4220 4221 4222

2.3.2.4 Protection de la population et protection civile 2.3.2.4.1 Protection de la population 2.3.2.4.2 Protection civile 2.3.2.5 Tâches de sécurité en matière de douanes et de surveillance des frontières 2.3.2.5.1 Tâches fiscales et économiques 2.3.2.5.2 Contribution à la sécurité et poursuite pénale 2.3.2.5.3 Etendue des compétences originaires de l'AFD 2.3.2.5.4 Collaboration avec les cantons 2.3.2.5.4.1 Généralités 2.3.2.5.4.2 Domaines de collaboration et tâches déléguées 2.3.2.6 Sécurité des entreprises de transports publics 2.3.2.7 Sécurité du transport aérien 2.3.2.7.1 Aéronefs et aéroports 2.3.2.7.2 Espace aérien 2.3.2.8 Poursuite pénale et entraide judiciaire 2.3.2.8.1 Juridiction cantonale 2.3.2.8.1.1 Sources du droit en général 2.3.2.8.1.2 Juridiction cantonale originelle et déléguée 2.3.2.8.1.3 Compétence matérielle et fonctionnelle des autorités pénales cantonales 2.3.2.8.2 Juridiction fédérale 2.3.2.8.2.1 Délimitation entre la juridiction fédérale au sens étroit et au sens large 2.3.2.8.2.2 Juridiction fédérale au sens étroit 2.3.2.8.3 Compétence pour les premières investigations 2.3.2.8.4 Entraide judiciaire en matière pénale 2.3.2.8.4.1 Entraide judiciaire nationale 2.3.2.8.4.2 Entraide judiciaire internationale 2.3.2.9 Coopération policière internationale 2.3.2.9.1 Activités policières transfrontalières 2.3.2.9.2 Coopération globale 2.3.2.9.3 Coopération bilatérale 2.3.2.9.4 Coopération euro-régionale 2.3.3 Droits des particuliers 2.3.4 Entreprises de sécurité privées 2.3.4.1 Monopole étatique de la puissance publique 2.3.4.2 Délégation de tâches de sécurité à des acteurs privés 2.3.4.3 Bases juridiques et limites légales 2.3.4.4 Activité législative de la Confédération et des cantons 2.3.4.4.1 Réglementations de la Confédération 2.3.4.4.2 Réglementations cantonales 2.3.4.4.3 Entreprises de sécurité actives à l'étranger dans des régions en crise ou en conflit 2.3.4.4.4 Evolution au plan international

4222 4223 4224 4224 4225 4225 4226 4227 4227 4228 4229 4231 4231 4232 4232 4232 4232 4233 4233 4233 4233 4233 4234 4234 4234 4234 4235 4236 4236 4236 4237 4239 4240 4241 4241 4243 4246 4246 4247 4248 4249

4167

3 Sujets brûlants dans le domaine de la sécurité 3.1 Critique des évolutions récentes de la législation et de la pratique législative 3.1.1 L'art. 57, al. 2, Cst. en tant que disposition générale et subsidiaire fondant les activités de police de la Confédération 3.1.2 Autres critiques 3.2 Sujets brûlants dans le domaine du partage des compétences entre la Confédération et les cantons 3.2.1 Prestations de l'armée en matière de sécurité 3.2.1.1 Tâches de l'armée 3.2.1.2 Service d'appui: exemples 3.2.1.2.1 Amba Centro 3.2.1.2.2 Lithos 3.2.1.2.3 Tiger/Fox 3.2.1.2.4 WEF 3.2.1.3 Rôle de la Sécurité militaire 3.2.1.4 Bilan 3.2.2 Administration fédérale des douanes 3.2.2.1 Remarques liminaires 3.2.2.2 Compétences en vertu du droit fédéral 3.2.2.2.1.1 Compétences en vertu de la législation douanière 3.2.2.2.1.2 Compétences en vertu d'autres actes législatifs fédéraux 3.2.2.3 Evaluation 3.2.2.3.1 Compétences d'exécution du droit fédéral en faveur de la Confédération 3.2.2.3.2 Tâches de police fondées sur la loi sur les douanes 3.2.2.3.3 Tâches déléguées par les cantons 3.2.2.3.3.1 Délégation de tâches qui ont été confiées aux cantons par le droit fédéral 3.2.2.3.3.2 Délégation de tâches que les cantons ne sont pas en mesure d'assurer par leurs propres moyens ou pour lesquelles la collaboration avec l'AFD est judicieuse 3.2.2.4 Bilan 3.2.3 Tâches de police de sécurité, de police judiciaire et de police criminelle de la Confédération 3.2.3.1 Tâches de police de sécurité 3.2.3.2 Obligations de protection découlant du droit international public 3.2.3.3 Tâches de police judiciaire 3.2.3.4 Tâches de police criminelle et d'appui 3.2.3.4.1 Banques de données policières 3.2.3.4.2 Service de coordination de la lutte contre la criminalité sur Internet (SCOCI)

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4249 4249 4249 4252 4253 4254 4254 4254 4255 4256 4256 4256 4257 4258 4259 4259 4260 4260 4261 4262 4262 4263 4264 4264

4265 4266 4266 4266 4267 4268 4269 4272 4273

3.2.4

3.2.5 3.2.6

3.2.7

3.2.3.5 Marche à suivre pour la loi sur les tâches de police 3.2.3.6 Bilan Transport aérien: Tiger/Fox 3.2.4.1 Présentation 3.2.4.2 Appréciation 3.2.4.3 Bilan Protection de l'Etat 3.2.5.1 Bilan Délégation de tâches de sécurité à des acteurs privés 3.2.6.1 Délégation de tâches de sécurité publiques 3.2.6.2 Transfert de tâches de sécurité privées 3.2.6.3 Bilan Violences lors de manifestations sportives 3.2.7.1 Constat 3.2.7.2 Etat de la législation 3.2.7.3 Tâches de sécurité privées et publiques dans les espaces semi-publics 3.2.7.3.1 Tâches de sécurité de l'exploitant d'un stade 3.2.7.3.2 Tâches de sécurité de la police 3.2.7.4 Bilan

4274 4275 4275 4275 4277 4279 4279 4282 4282 4282 4283 4284 4285 4285 4286 4287 4287 4287 4288

4 Possibilités de redéfinition des compétences dans le domaine de la sécurité 4.1 Introduction 4.2 Thèses et conclusions

4288 4288 4289

Annexe

4297

4169

Liste des abréviations AFD BAC CCDJP

Administration fédérale des douanes Base d'aide au commandement Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police CCPCS Conférence des commandants des polices cantonales de Suisse CG MPS Conférence gouvernementale des affaires militaires, de la protection civile et des sapeurs-pompiers Cgfr Corps des gardes-frontière CP Code pénal CPC Code de procédure civile CPP Code de procédure pénale Cst.

Constitution fédérale DDPS Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports Dét contrR PM Détachement de contre renseignement de la police militaire Dét spéc PM Détachement spécial de la Police militaire DFAE Département fédéral des affaires étrangères DPCF Détachement de protection du Conseil fédéral EIMP Loi du 20 mars 1981 sur l'entraide pénale internationale fedpol Office fédéral de la police IBM Integrated Border Management IKAPOL Convention sur les engagements internationaux de police IPAS Système informatisé de gestion et d'indexation de dossiers et de personnes de l'Office fédéral de la police JANUS Système informatisé de la Police judiciaire fédérale LA Loi fédérale du 21 décembre 1948 sur l'aviation LAAM Loi du 3 février 1995 sur l'armée LD Loi du 18 mars 2005 sur les douanes LEH Loi du 22 juin 2007 sur l'Etat hôte LEIS Loi du 12 juin 2009 sur l'échange d'informations Schengen LFPC Loi fédérale du 22 décembre 1999 sur la participation des cantons à la politique extérieure de la Confédération LFRC Loi fédérale du 3 octobre 2008 sur le renseignement civil LMSI Loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure LOGA Loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration LOST Loi fédérale du 18 juin 2010 sur les organes de sécurité des entreprises de transports publics LPol Avant-projet de loi sur les tâches de police de la Confédération

4170

LPPCi LPSP LSIA LSIP Ltém LUsC MCC RNS OEMC OESS OEV OGE OIPCC OOST OSAv OSRC OVid-TP PIC PM RAPOLSEC RIPOL RPT SAP SCOCI Séc mil SIS SRC SRS SSPM UE

Loi fédérale du 4 octobre 2002 sur la protection de la population et sur la protection civile Avant-projet de loi fédérale sur les prestations de sécurité privées fournies à l'étranger Loi fédérale du 3 octobre 2008 sur les systèmes d'information de l'armée Loi fédérale du 13 juin 2008 sur les systèmes d'information de police de la Confédération Avant-projet de loi fédérale sur la protection extraprocédurale des témoins Loi du 20 mars 2008 sur l'usage de la contrainte Mécanisme de consultation et de coordination du Réseau national de sécurité Ordonnance du 8 décembre 1997 réglant l'engagement de moyens militaires dans le cadre d'activités civiles et d'activités hors du service Ordonnance du 31 octobre 2007 sur l'engagement d'entreprises de sécurité privées par la Confédération Ordonnance du 22 octobre 2008 sur l'entrée et l'octroi de visas Ordonnance du 15 octobre 2003 sur la guerre électronique Ordonnance du 6 juin 2008 sur les interventions de la protection civile en faveur de la collectivité Ordonnance du 17 août 2011 sur les organes de sécurité des entreprises de transports publics Ordonnance du 14 novembre 1973 sur l'aviation Ordonnance du 4 décembre 2009 sur le Service de renseignement de la Confédération Ordonnance du 4 novembre 2009 sur la vidéosurveillance dans les transports publics Protection des infrastructures critiques Police militaire Rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur la politique de sécurité de la Suisse Système de recherches informatisées de police Réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches Service d'analyse et de prévention Service de coordination de la lutte contre la criminalité sur Internet Sécurité militaire Système d'information Schengen Service de renseignement de la Confédération Service de renseignement stratégique Service de sécurité de la police militaire Union européenne

4171

Rapport 1

Mandat et organisation des travaux

1.1

Introduction

1.1.1

Contexte

Par le présent rapport, le Conseil fédéral donne suite au postulat Malama du 3 mars 2010 (10.3045) «Sécurité intérieure. Clarification des compétences», dont la teneur est la suivante: «Le Conseil fédéral est invité à répondre aux questions suivantes, sous la forme d'un rapport à remettre d'ici à la fin 2010: 1.

quelles compétences législatives et quelles compétences d'exécution la Constitution fédérale attribue-t-elle à la Confédération en matière de sécurité intérieure?

2.

dans quelle mesure la Confédération assiste-t-elle durablement ou temporairement les cantons dans l'accomplissement des tâches qui leur incombent au titre du maintien de la sécurité intérieure?

3.

la répartition constitutionnelle des compétences de sécurité intérieure entre la Confédération et les cantons est-elle adaptée à la situation actuelle et à ses enjeux?

4.

s'il devait être décidé de procéder à une refonte des dispositions constitutionnelles régissant la sécurité intérieure, comment y aurait-il lieu d'aménager le projet?»

Dans le texte d'accompagnement (développement) du postulat, l'auteur expose les arguments suivants: «Voilà plusieurs années que l'attention se focalise sur les questions de sécurité intérieure, notamment parce que les menaces et défis d'aujourd'hui ignorent les frontières nationales ou cantonales. Dans ce domaine, la répartition constitutionnelle des compétences est devenue une véritable pomme de discorde: d'un côté, le maintien de la sécurité intérieure constitue par essence l'une des missions premières de l'Etat, et l'hypothèse même d'une faille n'est pas envisageable; de l'autre, c'est précisément en matière de sécurité intérieure qu'il importe de veiller au strict respect de l'ordre constitutionnel, sur le plan de la répartition des compétences comme sur celui des droits fondamentaux.

La révision totale de la Constitution fédérale s'est certes traduite formellement par l'adoption de nouvelles dispositions en matière de sécurité, mais sans que celles-ci apportent rien de nouveau sous l'angle matériel. Pourtant, il y a longtemps déjà que la Confédération ne limite plus son action à l'assistance en cas d'urgence et qu'elle est sortie du rôle qui lui avait été initialement réservé en 1848. Sous l'angle de la systématique, c'est l'art. 57 de la Constitution qui devrait constituer l'alpha et l'oméga de la sécurité intérieure: pourtant, loin de fonder lui-même aucune compétence fédérale, il s'adosse à des compétences constituées ailleurs dans des domaines présentant un lien avec la sécurité intérieure, comme la compétence d'intervention.

4172

Bien qu'elle n'ait souvent pas qualité pour le faire, la Confédération légifère de plus en plus en matière de sécurité intérieure, grignotant peu à peu la sphère de compétence de cantons pourtant théoriquement concernés au premier chef. Inversement, les cantons abandonnent peu à peu leurs prérogatives dans ce domaine, se reposant de leurs obligations sur la Confédération.

Une clarification des compétences en matière de sécurité intérieure s'impose donc aujourd'hui à tout le moins, si ce n'est même une révision des dispositions concernées.» Dans sa réponse du 28 avril 2010, le Conseil fédéral a proposé d'accepter le postulat, ce que le Conseil national a fait le 18 juin 2010.

1.1.2

Horizon temporel

Le postulat Malama demande un rapport avant la fin de l'année 2010. Les travaux de mise en oeuvre du postulat ont débuté sans retard, mais ont par la suite été suspendus pour une période assez longue, de sorte que le délai n'a pu être tenu. La suspension est due aux raisons exposées ci-après.

En 2010, on attendait dans le domaine de la politique de sécurité les décisions relatives à des rapports et projets d'orientation en corrélation matérielle étroite avec le présent rapport, par exemple le rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale du 23 juin 2010 sur la politique de sécurité de la Suisse (RAPOLSEC)1, le rapport du 1er octobre 2010 sur l'Armée 20102 et le projet de loi fédérale sur les tâches de police de la Confédération. Eu égard aux similitudes thématiques avec certaines questions dont la clarification était exigée dans le cadre du postulat Malama, il paraissait judicieux d'attendre dans un premier temps les résultats et conclusions des projets précités. Le présent rapport tient compte des enseignements tirés de ces rapports et projets.

En ce qui concerne la loi sur les tâches de police, le Conseil fédéral a entre-temps décidé d'attendre la publication du présent rapport3 avant d'examiner si et dans quelle mesure il convenait de tenir compte dans le projet en question des propositions des participants à la consultation sur la LPol.

1.1.3

Méthodologie

Au sein de l'administration fédérale, de nombreux services sont concernés par les questions de sécurité. Il paraissait dès lors indispensable de recourir à leurs connaissances théoriques et pratiques dans la mise en oeuvre du postulat, ce d'autant plus que celui-ci ne se contente pas d'exiger une analyse juridique de la répartition des compétences, mais réclame encore une présentation factuelle de la situation dans le domaine de la sécurité intérieure. L'Office fédéral de la justice chargé du dossier, a dès lors institué un groupe d'accompagnement réunissant des spécialistes de l'Office fédéral de la police, du Service de renseignement de la Confédération, de l'Admi1 2 3

FF 2010 4681 FF 2010 8109 Décision du Conseil fédéral du 30 mars 2011.

4173

nistration fédérale des douanes, de l'Etat-major de la Délégation du Conseil fédéral pour la sécurité, de l'Office fédéral de la protection de la population, du Secrétariat général du DDPS, de la Direction du droit international public et de la Direction politique du DFAE.

Les questions soulevées dans le postulat Malama concernent des aspects importants de la sécurité intérieure et, partant, un domaine qui touche particulièrement les compétences des cantons. C'est pourquoi le groupe d'accompagnement comportait également une délégation représentant la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) et la Conférence des commandants des polices cantonales de Suisse (CCPCS), qui a pu défendre le point de vue des cantons et conseiller l'OFJ lors des travaux préparatoires et de la rédaction du rapport.

1.2

Mandat

1.2.1

Objet

Le postulat Malama charge le Conseil fédéral de présenter un rapport sur l'organisation des compétences sous l'angle du droit constitutionnel et sur la répartition effective des tâches entre la Confédération et les cantons dans le domaine de la sécurité intérieure, et d'examiner à cette occasion si cette répartition est (encore) adéquate et conforme aux défis de notre temps. Enfin, le rapport devra préciser les contours d'une éventuelle refonte des dispositions constitutionnelles régissant les compétences dans le domaine de la sécurité intérieure.

Sa structure correspond à celle du mandat: la première partie consiste en une analyse juridique de la situation actuelle et un état des lieux de la répartition concrète des tâches entre la Confédération et les cantons. La partie suivante est consacrée aux faiblesses du système. Enfin, sur la base de ces analyses, le rapport présente les solutions envisageables.

Les questions de sécurité ont récemment fait l'objet de plusieurs rapports et analyses, techniques pour la plupart. Le but du présent rapport est de fournir une vue d'ensemble sur la base de ces analyses, en mettant l'accent sur la dimension constitutionnelle.

1.2.2

Corrélations avec d'autres rapports et projets

Aux niveaux des cantons et de la Confédération, plusieurs projets ont abordé les problèmes de sécurité, y compris la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons. Lors de l'élaboration du présent rapport, on a tenu compte des résultats de projets antérieurs. On s'est également intéressé aux corrélations avec des projets en cours évoquant des thèmes similaires, et on a veillé à garantir la coordination entre ceux-ci et le présent rapport. Les projets, rapports et analyses les plus importants sont présentés ci-dessous.

4174

1.2.2.1

Rapport du Conseil fédéral sur la politique de sécurité de la Suisse

A intervalles réguliers, le Conseil fédéral fait rapport sur la politique de sécurité de la Suisse. Ces rapports fournissent les orientations de la politique de sécurité des années à venir. Le dernier rapport date de 20104. Dans ses conclusions, le Conseil fédéral relève qu'en matière de politique de sécurité, certains accents se sont déplacés sans pour autant que la menace ne se soit fondamentalement modifiée. Dès lors, et moyennant quelques corrections d'ordre stratégique, la politique de sécurité de la Suisse doit être poursuivie. Parmi les éléments nouveaux les plus importants du rapport, on retiendra notamment l'amélioration de la coopération entre la Confédération, les cantons et les communes dans le cadre du Réseau national de sécurité.

1.2.2.2

Rapport de la CCDJP sur les lacunes policières

Lors de son assemblée du printemps 2011, la CCDJP a approuvé un rapport consacré à l'évolution des tâches et des effectifs de police en Suisse. On y évoque également les domaines où existent des chevauchements de compétences et les nécessaires clarifications quant aux rôles dans le domaine de la sécurité intérieure5. Du point de vue de la CCDJP, les points essentiels sont l'avenir des engagements subsidiaires de sûreté de l'armée, permanents ou temporaires, et la collaboration entre les autorités cantonales de police et le Corps des gardes-frontière.

Outre les chevauchements évoqués plus loin, le rapport aborde les thèmes suivants: ­

engagement d'experts internationaux dans le domaine de la paix; collaboration entre le DFAE et la CCDJP;

­

engagements du détachement de protection du Conseil fédéral;

­

arrêté fédéral sur la sécurité du transport aérien (Tiger/Fox);

­

délimitation des tâches entre les autorités de police et les polices du transport des entreprises de transports privées.

1.2.2.3

Délégation de tâches de sécurité à des entreprises de sécurité privées

Lors de son assemblée de l'automne 2007, la CCDJP a confirmé que les activités de police constituaient l'une des tâches fondamentales de l'Etat. C'est pourquoi l'allégement des tâches des corps de police par la délégation de certaines d'entre elles à des entreprises de sécurité privées est extrêmement délicat et ne saurait concerner que des activités très clairement définies. A cet égard, la CCDJP a consolidé sa position sous la forme d'une recommandation formulée en automne 2007 sur proposition de la CCPCS6.

4 5 6

Rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur la politique de sécurité de la Suisse du 23 juin 2010 (RAPOLSEC 2010), FF 2010 4681.

Rapport 2011 de la CCDJP sur les lacunes policières.

Délégation de tâches sécuritaires aux entreprises privées, recommandations de la CCPCS à l'intention de la CCDJP, approuvées le 16 novembre 2007.

4175

1.2.2.4

Rôle de la sécurité militaire

En février 2008, la plate-forme CCDJP/DDPS/DFJP a publié un rapport sur le rôle de la sécurité militaire7, portant notamment sur la répartition des tâches entre celle-ci et les autorités cantonales de police.

1.2.2.5

Délimitation des tâches entre les autorités de police et l'administration des douanes

Dans la perspective de l'entrée en vigueur de l'Accord de Schengen8, la CCDJP et le Département fédéral des finances ont mis au point conjointement une conventiontype définissant les tâches de police que l'AFD ou le Corps des gardes-frontière (Cgfr) doivent assumer de façon autonome et celles qu'ils doivent mener en collaboration avec les autorités de police cantonales. Depuis lors, tous les cantons frontaliers et quelques autres cantons ont conclu des conventions avec l'AFD en s'inspirant de la convention-type.

En mai 2008, la plate-forme CCDJP/Cgfr a par ailleurs défini le rôle que le Cgfr jouerait à l'avenir dans certains secteurs contestés9.

1.2.2.6

Réseau national de sécurité

Le Réseau national de sécurité réunit et coordonne tous les acteurs oeuvrant dans notre pays dans le domaine de la sécurité, dans le but de permettre à la Suisse de réagir à temps à des menaces et des périls en matière de politique de sécurité, de façon souple, exhaustive et efficace10. Le réseau a pour vocation de renforcer la collaboration entre la Confédération, les cantons et les communes sans remettre en cause les compétences établies. Dans le cadre du nouveau mécanisme de coordination et de consultation du Réseau national de sécurité (MCC-RNS), le Conseil fédéral, la CCDJP et la CG MPS ont décidé de procéder à une clarification des rôles en matière de sécurité intérieure dans le cadre d'une phase pilote qui doit se terminer à fin 201211. Il convient notamment de revoir la conception de la protection des représentations étrangères en Suisse.

7 8 9 10 11

Le rôle de la sécurité militaire (Séc mil), Rapport à l'attention de la CCDJP, février 2008.

Accords bilatéraux II, FF 2004 5593.

Principes régissant les tâches du Corps des gardes-frontière, approuvés par la plate-forme CCDJP-AFD le 21 mai 2008.

RAPOLSEC 2010, ch. 4.3.1, FF 2010 4681.

Document de base du MCC-RNS pour la phase pilote 2011­2012, approuvé par la CCDJP et le Conseil fédéral respectivement le 11 novembre 2010 et le 19 janvier 2011; la phase pilote devra éventuellement être prolongée.

4176

1.2.2.7

Stratégie nationale pour la protection des infrastructures critiques

Le 5 juin 2009, le Conseil fédéral a adopté la stratégie générale pour la protection des infrastructures critiques (PIC). Celle-ci précise notamment les objectifs, les définitions, les principes et le mode de fonctionnement du programme PIC, et désigne quatre mesures de mise en oeuvre (inventaire PIC, concepts de protection intégraux, bases de la recherche, communication sur les risques). Les travaux sont coordonnés par l'Office fédéral de la protection de la population et les discussions ont lieu au sein d'un groupe de travail interdépartemental qui comprend des représentants de deux cantons. La stratégie générale sera mise en oeuvre d'ici au printemps 2012, évaluée et transformée en une stratégie nationale. Il sera possible de fixer des priorités pour l'utilisation des moyens d'engagement de la Confédération, des cantons et des exploitants d'infrastructures critiques en se fondant sur une évaluation de la menace et sur l'inventaire PIC, qui sera disponible à l'échelon national dès la mi-2012.

1.2.2.8

Stratégie nationale de cyberdéfense

Par décision du 10 décembre 2010, le Conseil fédéral a chargé le DDPS, en collaboration avec tous les acteurs concernés des autres départements, des domaines clés et des autorités de surveillance, de mettre sur pied un groupe de travail qui élaborera d'ici au début de 2012 une stratégie globale fédérale de prévention des dangers informatiques. L'accent principal de la stratégie nationale portera sur un état des lieux des dangers réels et potentiels que présente le cyberespace (en tenant compte des discussions menées au niveau international). De surcroît, la stratégie montrera comment la Confédération, la Suisse et les exploitants d'infrastructures critiques sont équipés pour faire face aux dangers, où une action s'impose, quelles sont les lacunes et comment ces dernières peuvent être comblées de la manière la plus efficace et la plus économique possible. Enfin, sur la base de la stratégie nationale de cyberdéfense, il conviendra de répondre aux questions concernant les ambitions en la matière, les bases légales existantes ou à créer, et le renforcement de la coopération entre la Confédération, les cantons et les milieux économiques.

1.2.2.9

Gestion intégrée des frontières12

Par décision du 2 février 2011, le Conseil fédéral a institué un groupe de travail stratégique interdépartemental interne à l'administration, associant les cantons; il l'a chargé de définir une stratégie nationale de gestion intégrée des frontières. Il s'agit de donner suite à une recommandation fondée sur une évaluation des frontières Schengen extérieures de la Suisse. Les autorités fédérales et cantonales impliquées élaboreront ensemble un modèle visant à lutter plus efficacement et de manière plus coordonnée contre l'immigration illégale et la criminalité transfrontalière, à faciliter l'immigration légale et à aménager la gestion des frontières conformément aux dispositions légales et dans le respect des droits de l'homme. L'UE prévoit quatre filtres: des mesures dans des Etats tiers, des mesures de coopération dans l'espace 12

en anglais: Integrated Border Management (IBM)

4177

Schengen, des mesures de contrôle aux frontières et des mesures dans l'espace intérieur. Le troisième et, surtout, le quatrième filtre sont étroitement liés aux thèmes développés dans le présent rapport.

En faisant un instantané de la gestion actuelle des frontières, le groupe de travail stratégique a identifié différents domaines dans lesquels des améliorations s'imposent. Certains des problèmes constatés sont plus ou moins directement liés au partage des compétences entre la Confédération et les cantons. Pour éviter d'interférer avec les travaux du groupe chargé de la mise en oeuvre du postulat Malama, le groupe de travail stratégique a décidé de ne faire que mentionner ces problèmes, sans faire de propositions au Conseil fédéral qui viseraient à modifier le partage des compétences.

2

Sécurité intérieure: description et analyse de la situation

2.1

Définitions

La Constitution fédérale (Cst.)13 fait la distinction entre les notions de «sécurité intérieure» et de «sécurité extérieure» sans pour autant les expliciter plus avant. La disposition constitutionnelle consacrée à la sécurité (art. 57, al. 1, Cst.) n'établit aucune distinction entre sécurité intérieure et sécurité extérieure. Une différenciation n'est faite qu'à l'art. 57, al. 2, Cst., de même qu'aux art. 173, al. 1, let. a et b, et 185, al. 1 et 2, Cst. qui décrivent les compétences de l'Assemblée fédérale et du Conseil fédéral. Cette distinction est aujourd'hui jugée largement obsolète, ce qui n'a pas empêché le législateur et les praticiens d'y recourir récemment encore14, car elle reste importante pour la délimitation constitutionnelle des compétences entre la Confédération et les cantons.

2.1.1

Sécurité intérieure

La notion de «sécurité intérieure» recouvre tous les domaines de la sécurité sans lien avec les affaires étrangères. Elle s'inspire pour l'essentiel de la définition qui lui était donnée dans la constitution fédérale de 187415, à savoir le maintien de la tranquillité et de l'ordre. La sécurité intérieure englobe principalement la protection de l'intégrité de l'Etat et de ses institutions et organes. A cet élément de protection de l'Etat s'ajoutent des aspects centrés sur la protection des biens de police (notamment la vie, la santé, la liberté et la propriété) et visant surtout à parer aux dangers.

Au-delà du domaine policier au sens strict, la notion de sécurité intérieure recouvre également la détermination de la responsabilité pénale (poursuite pénale).

13 14

15

RS 101 Cf. par ex. les art. 4, 5 et 8 de la loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI; RS 120), de même que la FF 1994 II 1135 ss et les références citées.

Cf. les art. 2, 85 et 102 aCst.

4178

La sécurité intérieure équivaut ainsi à la prévention et à l'élimination des menaces qui pèsent sur l'ordre public et l'Etat en tant que tel16. Dans la mesure où la Cst.

n'attribue pas de compétences spécifiques (explicites ou implicites17) à la Confédération, la sécurité intérieure est prioritairement l'affaire des cantons18.

2.1.2

Sécurité extérieure

A contrario, on entend par «sécurité extérieure» les tâches étroitement liées aux affaires étrangères et à la préservation de l'indépendance au sens de l'art. 54 Cst.

Cette norme attribue expressément à la Confédération les compétences en matière d'affaires étrangères, et cette délégation de compétences s'étend à la sécurité extérieure19. Pour autant, la Confédération ne dispose pas d'une compétence exclusive: dans le domaine des affaires étrangères, les cantons ont également des compétences20.

2.1.3

Notion large de la sécurité

Eu égard à la diversité et au caractère transfrontalier des menaces et des dangers, il devient de plus en plus difficile d'établir une délimitation claire entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure. Le caractère multiforme des dangers et leurs incidences combinées sur la sécurité permettent de douter du bien-fondé d'une délimitation rigoureuse entre les deux formes de sécurité. La sécurité intérieure a aujourd'hui une dimension internationale marquée21. Une partie de la doctrine juge obsolète et inadéquate une distinction stricte entre les deux notions22.

Le rapport sur la politique de sécurité 200023 consacrait déjà une nouvelle notion (celle de «notion large de la sécurité»), qui couvre aussi bien les aspects intérieurs qu'extérieurs de la sécurité. Le nouveau rapport sur la politique de sécurité 2010 confirme cette orientation: au lieu de faire une distinction entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure, le rapport recommande une classification en quatre domai-

16

17 18 19

20 21

22

23

Parmi d'autres: R.J. Schweizer, in: St. Galler Kommentar, Zurich/St-Gall 2008, art. 57, ch. marg. 5; Message du Conseil fédéral relatif à une nouvelle constitution fédérale, FF 1997 I 406.

Cf. ch. 2.2.3.3 et 2.2.3.4.

Message du Conseil fédéral relatif à une nouvelle constitution fédérale, FF 1997 I 239.

A. Ruch, Sécurité extérieure et sécurité intérieure, in: Droit constitutionnel suisse, D. Thürer/J-F. Aubert/J. P. Müller (éd.), Zurich 2001, ch. marg. 8 s.; R.J. Schweizer/ G. Küpfer, in: St. Galler Kommentar, loc. cit., Vorbemerkungen zur Sicherheitsverfassung, p. 1052, ch. marg. 12; Message du Conseil fédéral relatif à une nouvelle constitution fédérale, FF 1997 I 406.

Cf. ch. 2.2.4 ss.

Message concernant la loi fédérale sur des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure ainsi que l'initiative populaire «S.o.S. ­ pour une Suisse sans police fouineuse», FF 1994 II 1135.

Cf. par ex. R.J. Schweizer/G. Küpfer, in: St. Galler Kommentar, loc. cit. Vorbemerkungen zur Sicherheitsverfassung, ch. marg. 4; M. Mohler/P. Gättelin/R. Müller, Unsicherheit über Sicherheit, in: NZZ du 24.8.2007.

Rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur la politique de sécurité de la Suisse du 7 juin 1999, FF 1999 6903.

4179

nes de sécurité dans le but de clarifier l'attribution des tâches et des compétences24.

Les domaines de sécurité sont circonscrits de la manière suivante: a.

lutte policière contre les dangers, protection de l'Etat et poursuite pénale;

b.

prévention, prévision et maîtrise de catastrophes et de situations d'urgence dues à des causes naturelles ou sociétales;

c.

empêchement d'agressions militaires et défense en cas de conflit;

d.

défense des intérêts de la Suisse à l'étranger et contributions à la gestion internationale des crises.

Eu égard à la volatilité qui caractérise le domaine de la politique de sécurité, il peut être utile de donner à la sécurité une définition générale et exhaustive, propre à suggérer une vision globale de la sécurité. On ne saurait néanmoins perdre de vue que la nouvelle appréhension de la sécurité, fondée sur une coopération élargie entre les divers niveaux de l'Etat, ne trouve actuellement pas d'expression adéquate dans la Constitution fédérale. L'accomplissement des tâches de sécurité au sens de la notion large obéit encore et toujours à la répartition constitutionnelle des compétences entre la Confédération et les cantons, fondée sur les critères de la «sécurité intérieure» et de la «sécurité extérieure» et qui occasionne certaines difficultés dans la pratique. La collaboration entre les divers organes chargés de la sécurité s'inscrit donc nécessairement et exclusivement dans le cadre des compétences attribuées par la Constitution à la Confédération et aux cantons.

2.1.4

Notion de sécurité dans le contexte du présent rapport

Le postulat Malama soulève des questions qui concernent avant tout un domaine correspondant à la notion traditionnelle de «sécurité intérieure». Le terme technique utilisé dans le présent rapport doit donc être compris dans le sens de la définition de la sécurité intérieure telle qu'elle figure au ch. 2.1.1. On se souviendra néanmoins que, en vertu des considérations qui précèdent, une délimitation stricte entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure est impossible.

2.2

Compétences constitutionnelles

2.2.1

Introduction

L'art. 3 Cst. régit le système de répartition des compétences entre la Confédération et les cantons et dispose que les cantons exercent tous les droits qui ne sont pas délégués à la Confédération. L'art. 42, al. 1, Cst. confirme le principe en précisant que la Confédération accomplit les tâches que lui attribue la Constitution. Dès lors, la Confédération ne peut intervenir que dans les domaines pour lesquels la Constitution la déclare compétente et lui attribue la compétence d'agir25 (principe de 24 25

RAPOLSEC 2010.

B. Knapp, La répartition des compétences et la coopération de la Confédération et des cantons, in: D. Thürer/J.-F. Aubert/J. P. Müller (éd.), Droit constitutionnel suisse, Zurich 2001, § 29, ch. marg. 3 ss; P. Tschannen, Staatsrecht der Schweizerischen Eidgenossenschaft, 2e édition, Stämpfli Verlag AG, Berne 2007, § 19, ch. marg. 1 ss.

4180

l'habilitation ponctuelle). A cet égard, l'art. 3 Cst. a valeur de clause subsidiaire générale au profit des cantons. Toutes les compétences qui ne sont pas attribuées à la Confédération ressortissent aux cantons (répartition intégrale des compétences). On ne pourrait ainsi admettre une lacune pour une tâche non citée dans la Constitution fédérale ­ au motif par exemple de son caractère de plus en plus supracantonal ­ et décréter cette tâche, pour cette raison, du ressort de la Confédération26. De la même manière, des conventions passées entre la Confédération et les cantons et fixant des règles de droit ne sauraient modifier la répartition constitutionnelle des compétences27.

En relation avec l'art. 3 Cst., il convient de tenir compte également du principe de subsidiarité fixé à l'art. 5a Cst. et concrétisé à l'art. 43a Cst. En vertu de ce principe, la Confédération n'assume que les tâches qui excèdent les possibilités des cantons ou qui nécessitent une réglementation uniforme, même s'il existe une norme de compétence en sa faveur28. La Confédération est ainsi tenue de renoncer à toute tâche que les cantons sont en mesure d'accomplir eux-mêmes à satisfaction. Les principes de la rationalité et de l'adéquation de l'accomplissement des tâches tels qu'ils sont évoqués à l'art. 43a, al. 5, Cst. ne remettent pas non plus en question la répartition constitutionnelle des tâches: même lorsque la Confédération est en mesure de fournir une prestation de façon plus rentable que les cantons, cette seule raison ne suffit pas pour lui attribuer la tâche en question29.

Enfin, l'art. 46 Cst. établit pour principe que les cantons ont le droit et l'obligation de mettre en oeuvre le droit fédéral. Des dérogations sont néanmoins possibles si des dispositions constitutionnelles ou légales le prévoient30.

2.2.2

Compétences des cantons en matière de législation, d'application du droit et d'exécution

2.2.2.1

Souveraineté cantonale en matière de police

La compétence des cantons de veiller sur leur territoire au maintien de la sécurité publique et de l'ordre est réputée compétence originelle des cantons31. Ces derniers exercent sur leur territoire la souveraineté en matière de police et disposent à ce titre de la compétence législative dans la perspective de l'accomplissement de leur mandat global de lutte contre les dangers32. Le principe de la responsabilité primaire des cantons pour la sécurité sur leur territoire n'est pas contesté par la doctrine et par la jurisprudence33. Pour sa part, le Conseil fédéral a confirmé dans sa pratique constante que la législation en matière de police relevait en principe des cantons34.

26 27 28 29 30 31 32 33

34

U. Häfelin/W. Haller/H. Keller, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 7e édition, Schulthess Juristische Medien AG, Zurich, Bâle, Genève 2008, ch. marg. 1057.

Cf. ch. 2.2.2.5.

Message RPT, FF 2002 2320; G. Biaggini, in: St. Galler Kommentar, op. cit., art. 5a Cst., ch. marg. 5.

R.J. Schweizer/L. Müller, in: St. Galler Kommentar, op. cit., art. 43a, ch. marg. 24 s.

Cf. ch. 2.2.2.4.

Message du Conseil fédéral relatif à une nouvelle constitution fédérale, FF 1997 I 239.

C. Linsi, in: LeGes 2006/2, p. 10.

R.J. Schweizer/G. Küpfer, in: St. Galler Kommentar, op. cit., art. 57, ch. marg. 5; A. Ruch, Äussere und innere Sicherheit, in: Droit constitutionnel suisse, op. cit., ch. marg. 33; ATF 117 Ia 292.

Cf. par ex. FF 2007 6122 5625, FF 2006 654, FF 2004 609, FF 1994 I 1147 s.

4181

Le fait que la Confédération n'ait pas de mandat général de lutte contre les dangers se reflète également sur le plan institutionnel: alors que chacun des 26 cantons dispose de son propre corps de police, on ne trouve au niveau fédéral aucune autorité de police couvrant tous les secteurs d'activités.

2.2.2.2

Autonomie des cantons dans l'accomplissement de leurs tâches

Lorsque, dans un domaine matériel donné, la Constitution fédérale ne prévoit aucune attribution de compétences à la Confédération, la compétence pour ce domaine en particulier échoit aux cantons, conformément aux règles générales d'attribution des compétences. Pour les cantons, cela signifie qu'ils sont en droit de s'attribuer toutes les compétences qui n'ont pas été déléguées à la Confédération. Partout où, dans le domaine de la sécurité, aucune compétence spécifique n'est attribuée à la Confédération, les cantons conservent la compétence primaire.

L'art. 43 Cst. précise que les cantons déterminent les tâches qu'ils assument dans le cadre de leurs compétences et comment ils accomplissent ces tâches. Ce principe n'est toutefois pas intangible: dans l'exercice de leurs compétences, les cantons ne sont pas toujours libres de définir leurs tâches et la manière de les accomplir, notamment lorsque la Constitution leur confie des tâches particulières ou leur prescrit la manière d'accomplir une tâche. Dans ces cas de figure, l'autonomie cantonale est restreinte dans la mesure où la Constitution pose certaines exigences quant à l'accomplissement des tâches35. On trouve un exemple de cette nature à l'art. 57, al. 1, Cst.; les droits fondamentaux garantis par la Constitution fédérale (art. 35 Cst.)

limitent également la marge d'action des cantons36.

2.2.2.3

Législation intercantonale

En vertu de ce qui précède, les domaines matériels que la Constitution fédérale n'attribue pas à la Confédération ressortissent aux compétences réglementaires des cantons. Dans leur domaine de compétences, ces derniers peuvent également conclure entre eux des conventions à diverses fins, y compris des accords fixant des règles de droit, et créer des organisations et institutions communes. Des tâches relevant des domaines d'activités originels et délégués peuvent faire l'objet de conventions intercantonales. Ces dernières priment le droit cantonal (art. 48, al. 5, Cst.); en revanche, le droit fédéral prime le droit concordataire (art. 49 Cst.).

L'art. 48 Cst. fixe les conditions et limites de la législation intercantonale: les conventions intercantonales ne doivent être contraires ni au droit et aux intérêts de la Confédération, ni au droit des autres cantons. De plus, elles doivent être portées à la connaissance de la Confédération37. Les quatre concordats relatifs à la police (Suisse romande, Suisse du Nord-ouest, Suisse centrale et Suisse orientale) sont exemplaires de la collaboration intercantonale en matière de sécurité. A l'exception de Zurich et 35 36 37

J.-F. Aubert/P. Mahon, Petit commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, art. 43, ch. marg. 2.

U. Häfelin/W. Haller/H. Keller, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, op. cit., ch. marg. 1070.

Art. 48, al. 3, Cst.

4182

du Tessin, tous les cantons ont adhéré à l'un ou l'autre des quatre concordats. La convention de 2006 sur les engagements de police intercantonaux (IKAPOL), qui impose aux cantons de collaborer entre eux en cas d'événement important, revêt une importance croissante. IKAPOL règle les compétences, l'organisation et les indemnités lors de ces engagements de police intercantonaux. La collaboration en matière policière fonctionne selon une gradation: Lorsqu'un canton ne peut assumer un événement avec ses propres forces de police, il peut avoir recours au soutien de ses partenaires concordataires. Si ce soutien s'avère insuffisant, il peut requérir un engagement intercantonal. Les conditions de ces engagements, ainsi que les processus et organes de décision, tant au niveau opérationnel que politique, sont clairement définis. Lors de chaque engagement IKAPOL, on désigne par ailleurs un commandant chargé de diriger celui-ci.

L'art. 48, al. 1, 2e phrase, Cst. dispose que les cantons peuvent notamment réaliser ensemble des tâches d'«intérêt régional». La formulation («notamment») laisse entendre que des conventions de portée nationale ne sont pas exclues, mais que la Constitution fédérale voit la législation intercantonale en premier lieu comme un instrument pour l'accomplissement de tâches régionales38. On trouve dans le message relatif à une nouvelle constitution fédérale une indication claire selon laquelle la voie législative fédérale s'impose lorsqu'il s'agit d'établir une réglementation fédérale uniforme39. Une partie de la doctrine retient cette interprétation40. La critique de l'uniformisation du droit par le biais de concordats associant tous les cantons vise avant tout le manque de bases démocratiques et la consultation lacunaire des citoyens lors de l'élaboration du droit concordataire. Dans la mesure où il ne s'agit pas de concordats fixant des règles de droit, les réglementations intercantonales sont fréquemment édictées par les gouvernements qui excluent une participation parlementaire, de sorte que l'influence démocratique sur le contenu et la forme des concordats reste modeste et que, outre l'absence de possibilités de participation, le contrôle parlementaire est restreint. Certains cantons ont toutefois trouvé des solutions pour pallier ce déficit démocratique, alors que d'autre consentent
des efforts en ce sens, notamment par la création de commissions parlementaires associées à l'élaboration des conventions intercantonales41. Enfin, les critiques portent également sur la lourdeur des conventions intercantonales, que l'on constate tout particulièrement lors de la révision de conventions multilatérales.

Toutefois, on trouve également dans la doctrine l'opinion selon laquelle des concordats associant tous les cantons présentent des avantages par rapport à une réglementation fédérale. On relève ainsi que les intérêts communs de 26 cantons peuvent diverger de ceux de la Confédération: la voie du concordat offrirait, dans des circonstances données, des solutions plus adaptées et répondant mieux aux besoins. On évoque également la possibilité pour un canton de dénoncer une convention inter38 39 40

41

U. Abderhalden, Verfassungsrechtliche Überlegungen zur interkantonalen Rechtsetzung, LeGes 2006/1, p. 17.

Message du Conseil fédéral relatif à une nouvelle constitution fédérale, FF 1997 I 216.

U. Häfelin/W. Haller/H. Keller, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, op. cit., ch. marg. 1290; R. Rhinow, Grundzüge des Schweizerischen Verfassungsrechts, Bâle/Genève/Munich 2003, ch. marg. 816; L. Mader, Erfahrungen und Erwartungen auf dem Gebiet des kooperativen Föderalismus ­ einige Fragen und Anmerkungen aus Sicht eines Vertreters des Bundes, in: Institut du fédéralisme (éd.), Fribourg en Nuithonie, 1re Conférence nationale sur le fédéralisme (2005).

Cf. U. Abderhalden, op. cit., pp. 13 s.; cf. également l'art. 65 de la constitution du canton de Saint-Gall du 10 juin 2001 (RS 131.225).

4183

cantonale qui ne répond plus à ses aspirations; par la nature des choses, une telle option ne serait plus possible si l'on adoptait une loi fédérale42.

Récemment, les arguments contre les concordats associant tous les cantons n'ont pu convaincre les Chambres fédérales à l'occasion de l'introduction d'une série de mesures destinées à lutter contre le hooliganisme, pour lesquelles il ne semblait pas exister de compétence fédérale suffisante43 et qui finalement n'ont été prises qu'à titre temporaire dans la LMSI44: le parlement s'étant prononcé, à l'échéance du délai, contre une solution fédérale impliquant une révision constitutionnelle, la voie devenait libre pour un concordat de portée nationale instituant des mesures contre la violence lors de manifestations sportives45.

De plus, les nouveaux instruments créés dans le cadre de la réforme du fédéralisme permettent à la Confédération d'obliger les cantons à collaborer, à certaines conditions. Ainsi, l'art. 48a Cst. énumère (de façon exhaustive) les domaines pour lesquels la Confédération peut donner force obligatoire générale à des conventions intercantonales ou obliger certains cantons à adhérer à de telles conventions.

L'art. 48, al. 2, Cst. autorise la Confédération à participer à des conventions intercantonales. Une adhésion de la Confédération à des conventions fixant des règles de droit ne peut toutefois être envisagée que dans le cadre de ses compétences constitutionnelles. La Confédération doit donc disposer d'une compétence dans le domaine que le concordat est appelé à régler46. A cet égard, les domaines de compétences qui se prêtent à cette forme de conventions sont ceux pour lesquels la Confédération et les cantons disposent de compétences parallèles, ou dans lesquels existent des compétences concurrentes avec effet dérogatoire différé47. Le droit conféré par l'art. 48, al. 2, Cst. s'étend à la participation de la Confédération à des organisations et institutions communes au sens de l'art. 48, al. 1, Cst.

2.2.2.4

Exécution du droit fédéral par les cantons

L'art. 46 Cst. établit un principe important de la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons. En vert de l'al. 1, les cantons mettent en oeuvre le droit fédéral conformément à la Constitution et à la loi; l'al. 3 du même article dispose que la Confédération laisse aux cantons une marge de manoeuvre aussi large que possible en tenant compte de leurs particularités. Il s'agit notamment de prendre en considération de manière appropriée des spécificités sociétales, économiques et culturelles48. On entend par mise en oeuvre aussi bien la concrétisation du droit 42 43 44 45 46

47

48

Cf. par ex. U. Abderhalden, in: St. Galler Kommentar, op. cit., art. 48, ch. marg. 24.

Il s'agissait des mesures suivantes: interdiction de périmètre, obligation de se présenter à la police, garde à vue.

Loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure, RS 120; FF 2005 5311.

Les 26 cantons ont adhéré au Concordat instituant des mesures contre la violence lors de manifestations sportives, entré en vigueur le ler janvier 2010.

Message du Conseil fédéral relatif à une nouvelle constitution fédérale, FF 1997 I 216; U. Abderhalden, op. cit., p. 11; U. Häfelin/W. Haller/H. Keller, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, op. cit., ch. marg. 1277.

Pour ce qui est des compétences à effet dérogatoire différé, les cantons sont compétents aussi longtemps que la Confédération ne fait pas usage de sa compétence. Dès que la Confédération exerce sa compétence, le droit fédéral prime le droit cantonal préexistant.

Message du Conseil fédéral relatif à une nouvelle constitution fédérale, FF 1997 I 214.

4184

fédéral dans la législation cantonale que l'exécution proprement dite du droit par l'administration49. En règle générale, les cantons financent eux-mêmes la mise en oeuvre et l'exécution.

L'art. 46 Cst. consacre le principe du fédéralisme d'exécution, qui est une expression particulière du principe de subsidiarité. Ce dernier prescrit que la Confédération ne doit régler l'exécution que lorsqu'une réglementation uniforme s'impose; par cette norme, la Constitution établit la présomption de l'exécution par les cantons.

Contrairement à ce que prévoit l'art. 3 Cst., cette présomption n'est toutefois pas entièrement garantie sur le plan constitutionnel; l'art. 46, al. 1, Cst. laisse au législateur fédéral la liberté d'en décider autrement (mise en oeuvre par la Confédération; mise en oeuvre conjointe par la Confédération et les cantons, la Confédération se réservant par exemple des tâches particulières). Le Tribunal fédéral a confirmé à cet égard que, sous réserve d'autres dispositions constitutionnelles contraires, le législateur fédéral doit définir dans quelle mesure il convient de confier aux cantons, dans un domaine donné, l'exécution du droit fédéral50.

2.2.2.5

Délégation conventionnelle de tâches cantonales à la Confédération

Le droit constitutionnel en vigueur ne contient que des prescriptions rudimentaires quant aux conventions entre la Confédération et les cantons. Seuls les art. 46, al. 2, Cst. et 48, al. 2, Cst. contiennent des dispositions générales sur la coopération conventionnelle entre la Confédération et les cantons. L'art. 46, al. 2, Cst. règle la mise en oeuvre du droit fédéral par les cantons par le biais de conventions de programmes. Il s'agit de conventions conclues entre la Confédération et les cantons, qui fixent les objectifs de mise en oeuvre et définissent les soutiens financiers de la Confédération pour la réalisation des programmes. L'art. 48, al. 2, Cst. permet à la Confédération de participer à des conventions intercantonales. La Constitution ne prévoit d'accords entre la Confédération et les cantons que dans le seul domaine des hautes écoles: l'art. 63a, al. 4, Cst. dispose que, pour l'accomplissement des tâches de coordination dans le domaine des hautes écoles, la Confédération et les cantons concluent des accords et délèguent certaines compétences à des organes communs.

Au-delà de ces dispositions, la Constitution ne contient aucune précision quant à l'admissibilité d'accords bilatéraux entre la Confédération et les cantons et quant à la nature (simple acte juridique ou fixant des règles de droit), au contenu, à la procédure de conclusion, à la compétence de conclure de tels accords51, ainsi qu'aux voies de droit et aux possibilités de vérifier la conformité de ces accords au droit international et à la Constitution. A cet égard, on ne saurait toutefois contester que les dispositions conventionnelles doivent reposer sur des bases juridiques suffisantes dans la législation de tous les partenaires, car une convention ne peut remplacer une 49 50 51

Message du Conseil fédéral relatif à une nouvelle constitution fédérale, FF 1997 I 230.

ATF 127 II 49.

Pour ce qui est du déficit démocratique dans les conventions entre la Confédération et les cantons, cf. le rapport du Conseil fédéral du 27 mai 2002 sur les traités normatifs conclus entre la Confédération et les cantons (en exécution du postulat de la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats (99.436) «01.3426 Traités normatifs conclus entre la Confédération et les cantons» du 27 août 2001), www.ofj.admin.ch > Thèmes > Etat & Citoyen > Fédéralisme.

4185

base légale manquante pour l'action de l'autorité. Bien que de nombreux aspects restent encore peu clairs, la pratique a anticipé le problème de l'admissibilité d'accords entre la Confédération et les cantons hors du champ des tâches communes (art. 46 Cst.) et de celui des hautes écoles et posé les premiers jalons d'une collaboration conventionnelle52.

Les conventions entre Confédération et cantons peuvent induire un transfert de compétences originelles53 d'un niveau de l'Etat à l'autre, en l'occurrence des cantons à la Confédération, ce qui ne va pas sans soulever des questions d'ordre constitutionnel. Ce problème constitutionnel ne se pose pas lorsque les cantons délèguent en retour, par la voie conventionnelle, des tâches d'exécution qui ont auparavant fait l'objet d'une délégation de la Confédération aux cantons. En vertu du droit constitutionnel en vigueur, en effet, le législateur fédéral décide si et dans quelle mesure il entend confier aux cantons l'exécution du droit fédéral dans un domaine donné. La Confédération peut ainsi s'attribuer en tout temps des tâches d'exécution, pour autant qu'elle le fasse par le biais d'une règle de droit. Le transfert de tâches d'exécution entre collectivités publiques ne remet dès lors pas en cause la répartition des compétences prévue dans la Constitution. Néanmoins, dans de tels cas, les bases légales ne doivent pas s'opposer au transfert de tâches et être éventuellement adaptées. Les mêmes principes s'appliquent lorsque la Confédération n'a pas explicitement réglé l'exécution dans un domaine matériel donné, de sorte que l'exécution incomberait automatiquement aux cantons.

Au niveau de la doctrine, la discussion se focalise sur le contenu. En particulier, on cherche à déterminer si le principe de la coopération fondée sur le partenariat entre la Confédération et les cantons, imposé par la Constitution, peut être interprété de telle sorte que les cantons pourraient transférer des compétences originelles par voie conventionnelle à la Confédération. Les avis à ce sujet d'une brûlante actualité sont partagés. Une majorité défend le point de vue selon lequel la répartition constitutionnelle des compétences entre la Confédération et les cantons est de nature contraignante et que pour cette raison, un transfert même volontaire de compétences cantonales à la
Confédération ne peut intervenir que moyennant une révision de la Constitution. Du point de vue constitutionnel, il ne serait dès lors pas admissible de modifier par la voie conventionnelle la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons54.

Quelques auteurs jugent cette façon de voir trop catégorique et sont d'avis que le transfert conventionnel de compétences est légal lorsque dans un domaine donné, la Confédération et les cantons disposent de compétences parallèles (compétences 52

53

54

Cf. par ex. l'art. 97 de la loi sur les douanes (LD; RS 631.0); de plus, le Conseil fédéral a introduit le 16 septembre 2011 une base légale matérielle dans l'ordonnance sur l'informatique et la télécommunication dans l'administration fédérale (OIAF; RS 172.010.58) pour la conclusion d'une convention entre la Confédération et les cantons en vue d'harmoniser l'informatique policière.

On entend par compétences originelles toutes les compétences que la Constitution fédérale ne délègue pas à la Confédération, et qui ressortissent dès lors aux cantons. Elles s'opposent aux compétences déléguées, qui recouvrent les compétences que la Confédération a déléguées aux cantons (tâches d'exécution).

U. Häfelin/W. Haller/H. Keller, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 7e édition, Zurich 2008, ch. marg. 1265, 1277; P. Tschannen, Staatsrecht der Schweizerischen Eidgenossenschaft, 2e édition, Berne 2007, §25, ch. marg. 19; R. Schweizer/M. Mohler, Die polizeilichen Ausgleichsmassnahmen des Bundes und der Kantone nach dem Wegfall der Personenkontrollen an der Landesgrenze in verfassungsrechtlicher Sicht, p. 124.

4186

partagées). Le transfert d'une compétence par la voie conventionnelle ne violerait alors pas l'interdiction de modifier la répartition des compétences réglée par la Constitution, puisque la Confédération et les cantons disposent chacun de compétences dans le domaine concerné55. Le Conseil fédéral s'est rallié à ce point de vue dans son message relatif à une nouvelle loi sur les douanes56. Il justifie la possibilité, introduite par l'art 97 LD, de transférer des tâches cantonales à la Confédération (transfert de tâches de police par convention dans l'espace frontalier) par le fait que l'art. 48 Cst. habilite la Confédération à conclure une convention avec les cantons lorsqu'elle dispose de compétences législatives attribuées par la Constitution57.

2.2.3

Compétences de la Confédération en matière de législation et d'application du droit

2.2.3.1

Mandat général au sens de l'art. 57, al. 1, Cst.

L'art. 57 Cst. est la disposition constitutionnelle principale sur la sécurité. En vertu de son al. 1, la Confédération et les cantons pourvoient à la sécurité du pays et à la protection de la population dans les limites de leurs compétences respectives. Ce qui au regard de la systématique58 semble une norme de délégation de compétence se révèle être une disposition constitutionnelle donnant mandat d'agir sans pour autant établir une délimitation claire des compétences entre les mandataires. L'art. 57, al. 1, Cst. dispose qu'aussi bien la Confédération que les cantons accomplissent certaines tâches dans le domaine de la sécurité du pays et de la protection de la population. En revanche, il ne précise pas quelles sont ces tâches et quel échelon de l'Etat est compétent pour quel sous-domaine de ce mandat commun de protection. A cet égard, la norme reste indéterminée et programmatique59. L'art. 57, al. 1, Cst. n'est dès lors pas une disposition fondant des compétences et ne peut servir de base constitutionnelle à une action de la Confédération dans le domaine de la sécurité intérieure. La Confédération ne peut légiférer ou agir de toute autre manière en matière de sécurité que lorsqu'une autre norme constitutionnelle explicite ou implicite lui confère des prérogatives dans ce domaine. En l'absence d'une telle attribution de compétences, la responsabilité incombe en premier lieu aux cantons.

2.2.3.2

Portée de l'art. 57, al. 2, Cst.

En vertu de l'art. 57, al. 2, Cst., la Confédération et les cantons coordonnent leurs efforts en matière de sécurité intérieure. Cette disposition consacre un devoir de coordination, mais elle ne contient aucune attribution explicite de compétences à la 55

56 57 58 59

H.G. Nussbaum, Möglichkeiten der Übertragung kantonaler Aufgaben auf den Bund am Beispiel der Polizeivereinbarungen der Grenzkantone mit dem Grenzwachtkorps, in: Leges 2002/2; R. Rhinow, Grundzüge des Schweizerischen Verfassungsrechts, Bâle, Genève, Munich 2003, ch. marg. 844; U. Abderhalden, in: St. Galler Kommentar, op. cit., art. 48, ch. marg. 35.

FF 2004 607 s.

L'art. 48, al. 2, Cst. dispose que la Confédération peut participer aux conventions intercantonales «dans les limites de ses compétences».

L'art. 57 Cst. figure dans le chapitre 2 (du titre 3) «Compétences».

Cf. R. P. Müller, Innere Sicherheit Schweiz, Rechtliche und tatsächliche Entwicklungen im Bund seit 1848, éditions Thesis, Egg b. Einsiedeln, 2009, p. 419 avec renvois.

4187

Confédération. Les interrogations sur le sens et la portée de l'art. 57, al. 2, Cst. n'ont pas encore reçu de réponse définitive. On ne peut dire si et dans quelle mesure le devoir de coordination va plus loin que l'obligation générale de collaboration entre la Confédération et les cantons au sens de l'art. 44 Cst., et si la norme inclut également une compétence législative de la Confédération. Dans la doctrine, cette question a jusqu'à présent trouvé une réponse négative60.

A diverses reprises, le Conseil fédéral a pourtant répondu positivement à cette question61, 62. Du point de vue du Conseil fédéral, l'art. 57, al. 2, Cst. ne se borne pas à imposer un devoir de coordination; il attribue également une compétence, bien que de façon limitée. Si l'art. 57, al. 2, Cst. se contentait de prescrire une collaboration et une coordination dans l'accomplissement des tâches, il n'aurait en soi aucune portée dans la mesure où ce principe de base de l'Etat fédéral est déjà inscrit à l'art. 44 Cst.

Toutefois, une compétence législative de la Confédération fondée sur l'art. 57, al. 2, Cst. n'est donnée que s'il s'agit de problèmes de sécurité relevant au moins pour partie de la compétence de la Confédération et qui, du point de vue de cette dernière, exigent une coordination au niveau fédéral. A la faveur de récents projets législatifs63, le Conseil fédéral a précisé sa pratique en exigeant que cette compétence de la Confédération ne soit pas simplement d'importance marginale. Si ces conditions sont réunies, la Confédération peut, en se fondant sur la compétence législative dérivée de l'art. 57, al. 2, Cst., régler également des aspects relevant du domaine de compétence des cantons. Ce n'est que dans ce sens étroit que la disposition fonde une compétence de la Confédération64.

2.2.3.3

Compétences fédérales explicites

Dans le domaine de la sécurité intérieure, la Confédération ne dispose en vertu de ce qui précède que de compétences partielles. La Constitution fédérale contient diverses normes qui attribuent explicitement des compétences législatives à la Confédération dans des domaines relevant de la sécurité. On peut citer à cet égard les dispositions sur l'engagement de l'armée pour la préservation de la sécurité intérieure (art. 60 Cst. en relation avec l'art. 58 Cst.), sur la protection civile (art. 61 Cst.), sur les armes et le matériel de guerre (art. 107 Cst.) et sur le droit pénal (art. 123 Cst.).

Dans ces domaines, la Confédération dispose d'une compétence législative globale non limitée aux principes.

2.2.3.4

Compétences fédérales implicites

Lorsque l'on veut déterminer si la Constitution fédérale attribue des compétences à la Confédération, on ne saurait se limiter au seul texte de la Constitution. Au-delà des compétences qui y sont explicitement consignées, on trouve des compétences implicites de la Confédération. Parmi elles, on compte d'une part des compétences que la Constitution ne mentionne pas explicitement, mais qui sont étroitement liées à 60 61 62 63 64

Concernant les avis représentés, se reporter au ch. 3.1.1 Cf. les exemples présentés au ch. 2.2.5.

Pour ce qui est de la critique de cette pratique, cf. ch. 3.1.

Cf. le rapport explicatif sur l'avant-projet de loi sur les tâches de police, op. cit.

Cf. ch. 3.1.1.

4188

des compétences explicites ou qui sont indispensables à la Confédération pour qu'elle puisse accomplir les tâches qui lui sont explicitement dévolues. La Constitution fédérale contient diverses dispositions qui attribuent à la Confédération des compétences législatives globales et lui permettent ainsi de régler des aspects liés à la sécurité dans des législations sectorielles. Des compétences partielles justifiées par la connexité matérielle existent notamment dans les domaines de la circulation routière65, des chemins de fer, des transports par câble, de la navigation et du trafic aérien66, et d'autres se fondent sur la souveraineté douanière de la Confédération67.

D'autre part, font partie des compétences implicites celles qui découlent de l'existence de l'Etat et qui à juste titre doivent revenir à la Confédération (compétences dites inhérentes). Parmi ces compétences inhérentes de la Confédération, on retiendra celle de prendre, en Suisse comme à l'étranger, les mesures nécessaires à sa propre protection ou à la protection de ses institutions et organes. Cette compétence échoit à la Confédération en sa qualité d'Etat investi de cette tâche primaire indispensable, et trouve sa justification dans l'existence même de la Suisse en tant que collectivité68. Cette compétence inhérente de la Confédération sert en particulier de base constitutionnelle pour la LMSI, qui règle pour l'essentiel des aspects de la protection de l'Etatm mais également par exemple à l'avant-projet LPol69. La norme constitutionnelle non écrite peut aussi être invoquée en tant que base constitutionnelle pour certaines dispositions relatives à la sécurité figurant dans d'autres actes normatifs, par exemple pour les prescriptions sur l'exercice du droit de domicile figurant à l'art. 62f LOGA70 et à l'art. 69 LParl71.

Dans la doctrine constitutionnelle, l'existence de normes constitutionnelles non écrites passe pour garantie. Mais des voix critiques s'élèvent contre cette façon de voir: en rapport avec le projet de «loi fédérale sur les organes de sécurité des entreprises de transports publics» présenté dans le cadre de la réforme des chemins de fer 272, les cantons ont notamment contesté la compétence (implicite) de la Confédération d'édicter des prescriptions relatives à la police des transports.

2.2.3.5

Compétence de la Confédération de protéger l'ordre constitutionnel des cantons au sens de l'art. 52 Cst.

(intervention fédérale)

Face à la compétence primaire des cantons en matière de sécurité intérieure, la Confédération dispose d'une compétence subsidiaire fondée sur l'art. 52, al. 2, Cst.

Cette norme prévoit que la Confédération protège l'ordre constitutionnel des cantons et intervient lorsque dans un canton donné, l'ordre est troublé ou menacé et que le canton en question n'est pas en mesure de le préserver, seul ou avec l'aide d'autres 65 66 67 68 69 70 71 72

Art. 82 Cst.

Art. 87 Cst.

Art. 133 Cst.

ATF 117 Ia 202 avec renvois; A. Auer/G. Malinverni/M. Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. I, Berne 2000, p. 331, ch. marg. 961.

Avant-projet de loi sur les tâches de police de la Confédération de novembre 2009, rapport explicatif, p. 96.

Loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration; RS 172.010.

Loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement; RS 171.10.

Message complémentaire sur la réforme des chemins de fer 2, FF 2007 2517.

4189

cantons. A cet égard, la Confédération n'intervient dans l'intérêt du canton concerné que lorsque les propres forces de ce dernier et l'appui des autres cantons ne suffisent pas. L'intervention fédérale est une compétence de la Confédération de caractère également subsidiaire par rapport au devoir d'assistance des autres cantons. La condition d'une intervention de la Confédération est un trouble ou une mise en péril de l'ordre constitutionnel; étant donné le caractère très invasif d'une telle mesure pour les cantons, une décision en ce sens ne devrait être prise qu'en dernier ressort et à la condition que la perturbation soit extrêmement dangereuse et sérieuse73. La mesure a un caractère extraordinaire et ne doit pas être confondue avec les engagements subsidiaires de l'armée au sens de l'art. 58, al. 2, Cst. Lorsque l'intervention de la Confédération est assurée par l'armée, il s'agit de service d'ordre74 (art. 83 LAAM).

2.2.3.6

Compétence de la Confédération en matière d'affaires étrangères au sens de l'art. 54 Cst.

L'art. 54 Cst. attribue à la Confédération la compétence en matière d'affaires étrangères. Il s'agit d'une compétence globale de la Confédération, qui ménage à cette dernière ­ au-delà de la faculté de conclure des traités internationaux ­ une base constitutionnelle pour des actes de droit interne75 dans des secteurs qui présentent des liens étroits avec les affaires étrangères76. On notera à cet égard que la Confédération assume la responsabilité internationale en cas de manquement d'un canton, en particulier lorsqu'il constitue une violation des obligations internationales de la Suisse. En outre, en cas d'obligations internationales, les manquements d'un canton peuvent avoir un effet non négligeable sur la politique étrangère de la Suisse et, ainsi, sur les compétences du Conseil fédéral en la matière conformément à l'art. 54 Cst.

Toutefois, une interprétation extensive de l'art. 54 Cst. aux fins de justifier une compétence fédérale dans le domaine de la sécurité intérieure ne serait pas admissible. Un lien étroit avec les affaires étrangères est nécessaire pour fonder une compétence dans le domaine de la sécurité intérieure. Dans ce cas, l'art. 54, al. 1, Cst.

habilite la Confédération à titre subsidiaire à légiférer dans le domaine de la sécurité intérieure77.

73

74 75 76 77

On ne compte depuis 1848 qu'une douzaine d'interventions fédérales, dont une seule durant le 20e siècle à Genève en 1932 (en-dehors du service actif de l'armée durant les deux guerres mondiales).

B. Ehrenzeller, St. Galler Kommentar ad. Art. 52 Cst., ch. marg. 17.

P. Mahon, Petit commentaire de la Constitution fédérale, p. 460, ch. marg. 5; B. Ehrenzeller, in: St Galler Kommentar, op. cit., art. 54, ch. marg. 15.

R. Schweizer/G. Küpfer in: St. Galler Kommentar, op. cit., Vorbemerkungen zur Sicherheitsverfassung, pp. 1052 s., ch. marg. 12.

Cf. ch. 3.2.3.4.

4190

2.2.3.7

Compétences de la Confédération dérivées des compétences de ses organes

Les organes de la Confédération disposent de certaines possibilités de prendre des mesures en se fondant directement sur la Constitution.

2.2.3.7.1

Mesures que peut adopter le Conseil fédéral

Les art. 184, al. 3, et 185, al. 3, Cst. prévoient que le Conseil fédéral peut, en se fondant directement sur la Constitution, prendre des décisions ou édicter des ordonnances limitées dans le temps lorsque les circonstances le justifient. L'art. 184, al. 3, Cst. évoque à ce propos les intérêts du pays («Lorsque la sauvegarde des intérêts du pays l'exige, le Conseil fédéral peut adopter les ordonnances et prendre les décisions nécessaires. Les ordonnances doivent être limitées dans le temps»), tandis que l'art. 185, al. 3, Cst. précise les conditions de l'application de cette norme constitutionnelle («Il [le Conseil fédéral] peut s'appuyer directement sur le présent article pour édicter des ordonnances et prendre des décisions, en vue de parer à des troubles existants ou imminents menaçant gravement l'ordre public, la sécurité extérieure ou la sécurité intérieure. Ces ordonnances doivent être limitées dans le temps»). Les ordonnances peuvent se substituer aux dispositions légales ou les compléter, mais doivent être justifiées par la nécessité, l'urgence et un intérêt public prépondérant; elles doivent également respecter le principe de proportionnalité78.

Malgré leur teneur très proche, les deux dispositions diffèrent quant à leur champ d'application: alors que l'art. 185, al. 3, Cst. se réfère essentiellement à des mesures de police, l'art. 184, al. 3, Cst. porte l'accent sur des mesures motivées par des considérations de politique extérieure. De telles mesures sont souvent plus difficiles à formuler que celles qui servent le maintien de la sécurité et de l'ordre publics.

C'est pourquoi l'appréciation politique d'une mesure par le Conseil fédéral joue un rôle plus grand dans le contexte de l'art. 184, al. 3, Cst. que dans celui de l'art. 185, al. 3, Cst., dont la teneur même limite fortement le champ d'application. Dans la pratique, l'art. 184, al. 3, Cst. est réputé donner au Conseil fédéral une importante marge de manoeuvre lui permettant de défendre les intérêts extérieurs de la Suisse de la manière la plus complète possible. En revanche, l'art. 185, al. 3, Cst. ne peut fonder légalement des mesures du Conseil fédéral que lorsque les mécanismes étatiques ordinaires de gestion des problèmes ne fonctionnent pas. La norme n'est applicable qu'en cas de défaillance des autres moyens de l'Etat,
et lorsqu'il n'est plus possible de remédier d'une autre manière à des troubles existants ou imminents menaçant gravement l'ordre public79. En raison du caractère exceptionnel de l'art. 185, al. 3, Cst., cette compétence doit être utilisée avec retenue. La disposition n'ayant été créée que pour des cas extraordinaires, elle ne peut servir de base à une compétence générale et durable du Conseil fédéral dans le domaine de la sécurité intérieure.

78

79

Pour ce qui est la durée de validité des ordonnances et décisions fondées sur la compétence des organes de la Confédération, cf. les art. 7c à 7e de la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA; RS 172.010).

Cf. également K. Eichenberger, in: Kommentar zur Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft vom 29. Mai 1847, Aubert/Eichenberger/Müller/ Rhinow/Schindler (éd.), Bâle/Zurich/Berne 1987­1996, art. 102, ch. marg. 150.

4191

Lorsque des faits exigeant une action immédiate et urgente du Conseil fédéral présentent des aspects aussi bien de politique intérieure que de politique extérieure, on peut envisager que l'ordonnance à édicter ou la décision à prendre se fondent sur les deux normes constitutionnelles. Le Conseil fédéral a ainsi édicté l'ordonnance interdisant le groupe «Al-Qaïda» et les organisations apparentées80, 81 en invoquant les art. 184, al. 3, et 185, al. 3, Cst.

2.2.3.7.2

Mesures que peut adopter l'Assemblée fédérale

En vertu de l'art. 173, al. 1, let. c, Cst., l'Assemblée fédérale peut également prendre des mesures de maintien de la sécurité intérieure ou extérieure dans des circonstances extraordinaires. Pour ces cas, la Constitution lui confère la compétence d'édicter des ordonnances ou des arrêtés fédéraux simples. Les principes développés pour les art. 184 et 185 Cst. valent également pour le Parlement, de sorte que la retenue est également de mise dans l'application de l'art. 173, al. 1, Cst.

2.2.4

Répartition des compétences en matière de conclusion et de mise en oeuvre de traités internationaux

2.2.4.1

Répartition des compétences en matière de conclusion de traités internationaux

2.2.4.1.1

Compétences de la Confédération

Conformément à l'art. 54, al. 1, Cst., les affaires étrangères relèvent de la compétence de la Confédération. Selon la pratique des autorités fédérales, qui n'est plus contestée à l'heure actuelle en doctrine, la compétence de la Confédération de conclure des traités internationaux s'étend à tous les domaines, y compris à ceux qui, à l'interne, relèvent de la compétence des cantons, comme la police, la culture ou le droit fiscal. En matière de traités internationaux, le principe est donc que la Confédération peut conclure un traité en n'importe quelle matière, qu'elle relève de la compétence législative fédérale ou cantonale82. La compétence de la Confédération en matière de politique étrangère va dès lors au-delà de sa compétence législative. La Confédération doit néanmoins tenir compte des compétences des cantons et sauvegarder leurs intérêts (voir art. 54, al. 3, Cst.). Elle observe ainsi une grande retenue lors de la conclusion de traités qui touchent aux compétences législatives cantonales.

Tel est le cas pour les accords en matière policière, par exemple83.

80 81

82 83

RS 122 L'ordonnance du Conseil fédéral, prorogée entre-temps à trois reprises, doit être remplacée par une ordonnance de l'Assemblée fédérale fondée sur l'art. 173, al. 1, let. c, Cst.; cf.

le message relatif à l'ordonnance de l'Assemblée fédérale interdisant le groupe Al-Qaïda et les organisations apparentées, FF 2011 4175.

FF 1994 II 608 Cf. entre autres le message du 1er février 2006 concernant les accords avec l'Albanie et la Macédoine sur la coopération policière en matière de lutte contre la criminalité, FF 2006 2127 2141, et le message du 24 novembre 1999 concernant divers accords de coopération policière et judiciaire avec l'Allemagne, ainsi qu'avec l'Autriche et le Liechtenstein, FF 2000 806 859.

4192

2.2.4.1.2

Compétences des cantons

Les cantons disposent d'une compétence subsidiaire en matière de conclusion d'accords internationaux (art. 56 Cst.), aux conditions suivantes: ­

Le traité doit être conclu dans un domaine relevant de la compétence cantonale (art. 56, al. 1 Cst.).

­

Il ne doit être contraire ni au droit et aux intérêts de la Confédération, ni au droit d'autres cantons (art. 56, al. 2).

­

Les cantons doivent informer la Confédération avant la conclusion dudit traité (art. 56, al. 2 Cst.).

Une quatrième condition, qui ne figure pas dans la Constitution mais est admise par la pratique des autorités fédérales et par la doctrine unanime84, est que la Confédération n'ait pas déjà conclu elle-même un accord international concernant la même matière.

2.2.4.2

Droits de participation des cantons

L'art. 55 Cst. donne aux cantons la possibilité de défendre eux-mêmes leurs intérêts à l'occasion de la conclusion d'un traité international en leur octroyant le droit d'être informés, consultés et associés à la préparation des décisions de politique extérieure affectant leurs compétences ou leurs intérêts essentiels. La LFPC85 concrétise cette disposition et précise les devoirs du Conseil fédéral en matière de consultation des cantons. Ainsi, si les compétences des cantons sont affectées, la Confédération associe des représentants des cantons à la préparation des mandats de négociation ainsi que, en règle générale, aux négociations (art. 5 LFPC). La législation spéciale peut prévoir d'autres obligations de consultation pour le Conseil fédéral.

2.2.4.3

Répartition des compétences en matière de mise en oeuvre des traités internationaux

Si la conclusion des traités internationaux obéit à des règles de compétence particulières86, leur mise en oeuvre obéit quant à elle aux règles habituelles de répartition des compétences. Ainsi, lorsqu'elle adhère à un traité international dont l'objet relève de la compétence des cantons, la Confédération ne saurait se fonder sur ce traité pour édicter les dispositions législatives de mise en oeuvre. Cette tâche incombe aux cantons. L'art. 7 LFPC précise d'ailleurs que lorsque la mise en oeuvre du droit international incombe aux cantons, ceux-ci sont tenus de procéder à temps aux adaptations nécessaires. Lorsque l'objet du traité relève de la compétence de la Confédération, celle-ci est habilitée à le mettre en oeuvre. De leur côté, les cantons sont tenus de mettre en oeuvre dans leur législation et d'exécuter les traités conclus par la Confédération, comme c'est d'ailleurs le cas pour la législation fédérale. La 84 85 86

Cf. notamment T. Pfisterer, in: St. Galler Kommentar, op. cit., art. 56, ch. marg. 26.

Loi fédérale du 22 décembre 1999 sur la participation des cantons à la politique extérieure de la Confédération, LFPC; RS 138.1.

Art. 166, al. 2, Cst., art. 24, al. 2, de la loi sur le Parlement, art. 7a de la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration.

4193

Confédération, qui est internationalement responsable de la non-exécution du traité, peu cependant, en cas d'inaction prolongée d'un canton, prendre à sa place les mesures qui s'imposent, dans le cadre de la surveillance fédérale.

2.2.5

La sécurité intérieure sous l'angle de la RPT

La réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (RPT), entreprise dans le cadre de la réforme du fédéralisme, vise un désenchevêtrement des tâches et du financement au niveau de l'exécution des tâches de la Confédération87. Lorsque cela se révèle possible et judicieux, les compétences et les attributions dans l'accomplissement des tâches doivent revenir intégralement à l'un ou l'autre des niveaux étatiques. Les bénéficiaires de prestations publiques doivent autant que possible assumer les coûts et les décisions qu'impliquent ces prestations (principe de l'équivalence fiscale). Au sens de la RPT, le principe de subsidiarité (art. 5a Cst.) est un élément important d'une attribution adéquate des tâches de la Confédération: une tâche ne doit être assumée par un niveau supérieur de l'Etat que lorsque le niveau inférieur n'est pas en mesure de l'accomplir de manière rationnelle et adéquate. Ainsi, on veut d'une part renforcer l'autonomie des cantons, et d'autre part permettre à la Confédération de se consacrer davantage à ses tâches nationales et d'influer, aux plans matériel et financier, sur les domaines nécessitant une réglementation uniforme. La RPT vise la transparence des coûts et une meilleure utilisation des ressources publiques.

La coopération intercantonale est l'un des piliers importants de la RPT: davantage de tâches devront être accomplies au niveau intercantonal. La Confédération peut imposer cette coopération en donnant force obligatoire générale à un concordat intercantonal à la demande d'un nombre donné de cantons, ou encore ordonner l'adhésion de certains cantons (art. 48a Cst.).

Dans le cadre de la mise en oeuvre de la RPT, le domaine de la sécurité intérieure n'a pas été inclus dans le train de mesures, notamment du fait que la souveraineté en matière de police relève essentiellement des cantons, la Confédération n'intervenant que dans certains secteurs de la sécurité intérieure. Un désenchevêtrement des tâches et du financement ne s'imposait donc pas. On a également cherché à déterminer s'il convenait d'inscrire les tâches de police dans la liste des domaines couverts par la coopération intercantonale au sens de l'art. 48a Cst. Cette option a également été abandonnée.

Ces deux questions devront être réexaminées, le
moment venu, dans le cas où la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons dans le domaine de la sécurité intérieure ferait l'objet d'une nouvelle réglementation au niveau constitutionnel.

87

Cf. le message concernant la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons; FF 2002 2162.

4194

2.2.6

Pratique législative de la Confédération dans le domaine de la sécurité intérieure ­ exemples récents

Bien que l'essentiel des compétences fédérales concerne la sécurité extérieure, la Confédération a édicté ou révisé, au cours de la décennie écoulée, une série de lois et d'ordonnances réglant des aspects de la sécurité intérieure. L'énumération qui suit fournit un aperçu de celles qui ont été édictées ou modifiées depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution.

2.2.6.1

Loi sur les douanes

La nouvelle loi sur les douanes du 18 mars 200588 règle la surveillance et le contrôle des personnes et des marchandises traversant la frontière douanière, la perception de redevances, l'exécution d'actes législatifs de la Confédération autres que douaniers et l'accomplissement de tâches incombant à l'administration des douanes (art. 1 LD). Celle-ci assume des tâches douanières (art. 94 LD), des tâches non douanières (art. 95 LD) et des tâches de police de sécurité (art. 96 LD). En vertu de l'art. 96 LD, l'administration des douanes remplit des tâches de sécurité dans l'espace frontalier en coordination avec la police de la Confédération et des cantons afin de contribuer à la sécurité intérieure du pays et à la protection de la population. C'est la première fois qu'elle se voit confier une mission réunissant aussi bien un mandat de police de sécurité qu'un mandat de coopération.

Simultanément, la LD donne aux cantons la possibilité de déléguer par convention une partie de leurs tâches de police de sécurité dans l'espace frontalier à la Confédération (art. 97 LD). Dans son préambule, la loi sur les douanes invoque l'art. 57, al. 2, Cst., et les art. 101, 121, al. 1, et 133 Cst.

2.2.6.2

Révision partielle de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure

Le point essentiel de la modification partielle de la LMSI89 du 24 mars 2006 (LMSI I) est l'introduction de mesures de lutte contre la violence lors de manifestations sportives. Les dispositions ont été adoptées dans la perspective de deux événements sportifs d'importance, l'Euro 08 et les championnats du monde de hockey sur glace 2009, dont la Suisse était l'hôte. Dans sa teneur initiale, la modification prévoyait, outre la création d'une banque de données des hooligans (HOOGAN) et l'interdiction pour les personnes adoptant un comportement violent de se rendre dans un pays donné, un système en cascade de mesures policières préventives (interdiction de périmètre, obligation de se présenter à la police, garde à vue). La constitutionnalité de ces mesures de contrainte, qui reposaient essentiellement sur l'art. 57, al. 2, Cst., était contestée, ce que le Conseil fédéral a lui-même reconnu dans son message90.

Les mesures ont donc été déclarées temporaires, avec l'assurance qu'avant l'échéance du délai, une base légale suffisante et définitive serait créée. Deux options 88 89 90

RS 631.0 RS 120 FF 2005 5311

4195

étaient envisageables: une modification de la Constitution ou un concordat associant tous les cantons. Par la suite, le Parlement a accordé sa préférence à la solution cantonale, de sorte que les dispositions problématiques ont été intégrées au Concordat instituant des mesures contre la violence lors de manifestations sportives, entré en vigueur le 1er janvier 2010. Depuis la révision partielle LMSI I, la LMSI se fonde sur les art. 54, al. 1, et 57, al. 2, Cst., de même que sur la compétence de la Confédération relative au maintien de la sûreté intérieure et extérieure (compétence inhérente de la Confédération).

2.2.6.3

Ordonnance sur l'engagement d'entreprises de sécurité privées par la Confédération

Entrée en vigueur le 1er décembre 2007, l'OESS91 règle les exigences minimales auxquelles les entreprises de sécurité privées doivent répondre pour assumer des tâches de sécurité pour le compte de la Confédération. Elle vaut pour toutes les autorités fédérales déléguant en Suisse ou à l'étranger des tâches de protection à une entreprise de sécurité privée92. L'ordonnance se fonde sur l'art. 182, al. 2, Cst.

2.2.6.4

Loi fédérale sur les systèmes d'information de police de la Confédération

La LSIP93 couvre le traitement des données, qui représente une part importante des activités de police. L'entrée en vigueur de la LSIP en 2008 a permis de regrouper en un seul acte normatif et de mettre à jour les bases légales des trois banques de données policières RIPOL (recherches informatisées de la police), IPAS (système informatisé de gestion et d'indexation de dossiers et de personnes et système de gestion administrative de l'Office fédéral de la police) et JANUS (système informatisé de la Police judiciaire fédérale). De plus, la LSIP fournit la base légale d'un index national de police, qui simplifie grandement les échanges d'informations entre la Confédération et les cantons. Enfin, la LSIP fonde la mise en place de la partie nationale du système d'information Schengen94. Pour ce qui est des bases constitutionnelles, la LSIP se fonde non seulement sur l'art. 173, al. 2, Cst., mais encore sur l'art. 57, al. 2, Cst.

2.2.6.5

Loi sur l'usage de la contrainte

La LUsC95, entrée en vigueur en 2009, règle l'application uniforme de la contrainte policière. Conçue à l'origine comme une réponse à la revendication des cantons «d'être soutenus activement par la Confédération lors des rapatriements forcés

91 92 93 94 95

RS 124 Pour ce qui est du projet de loi visant à régler les activités exercées par des entreprises de sécurité privées à l'étranger à partir de la Suisse, cf. ch. 2.2.5.1.13.

RS 361 Cf. également C. LINSI, Aktuelle Entwicklungen im Polizeirecht des Bundes, LeGes 2006/2.

RS 364

4196

d'étrangers»96, la LUsC a vu par la suite son champ d'application dépasser le cadre strict des étrangers et de l'asile pour s'étendre à toutes les tâches nécessitant l'usage de la contrainte policière ou la mise en oeuvre de mesures de police. Les autorités fédérales, et dans certains cas, les autorités cantonales sont soumises à la LUsC (les secondes dans le domaine des étrangers et de l'asile, dans le cadre de tâches relevant de la juridiction de la Confédération et lors de transports de détenus sur mandat d'autorités fédérales). La loi ne s'applique à l'armée que dans la mesure où celle-ci fournit en Suisse un service d'appui à des autorités civiles de la Confédération. En ce qui concerne l'administration fédérale des douanes, la LUsC s'applique pour autant que la loi sur les douanes n'en dispose autrement. Les acteurs privés sont soumis à la LUsC lorsque des autorités leur délèguent des tâches97. La LUsC se fonde sur les art. 57, al. 2, 121 et 123, al. 1, Cst.

2.2.6.6

Loi fédérale sur le renseignement civil

Le LFRC98 a pour objet une réorganistion des rapports de subordination des services de renseignement civils. Après que des lacunes eurent été relevées à de nombreuses reprises dans la collaboration entre les deux services de renseignement civils, le service de renseignement intérieur (Service d'analyse et de prévention [SAP]) et le service de renseignement extérieur (Service de renseignement [SRS]) ont été placés sous la responsabilité d'un seul département. Le SRS, en qualité de service civil, ne pouvait plus dès lors être soumis à la réglementation militaire. La loi, qui laisse une certaine latitude sur le plan organisationnel, ménage toutefois la possibilité d'une imbrication plus poussée des SRS et SAP. Le Conseil fédéral a recouru à cette possibilité et créé par le biais d'une fusion des SAP et SRS une nouvelle autorité de police de sécurité, le Service de renseignement de la Confédération (SRC). La LFRC se fonde sur les art. 54, al. 1, et 173, al. 2, Cst.; elle est entrée en vigueur au début de 2010.

2.2.6.7

Loi sur l'échange d'informations Schengen

La LEIS99 est également entrée en vigueur le 1er janvier 2010. Elle transpose dans le droit national la décision-cadre 2006/960/JAI de l'UE relative à la simplification de l'échange d'informations et de renseignements entre les services répressifs des Etats membres. Cet acte normatif vise l'échange simplifié d'informations en vue de prévenir et de poursuivre les actes criminels. La LEIS ne contient aucune disposition matérielle et se borne à régler les modalités de l'échange d'informations. Elle se fonde sur les art. 54, al. 1, et 123, al. 1, Cst.

96 97 98 99

FF 2006 2432 Art. 2 LUsC RS 121 RS 362.2

4197

2.2.6.8

Ordonnance sur la vidéosurveillance dans les transports publics

Le 1er janvier 2010 sont en outre entrées en vigueur les nouvelles dispositions légales sur la vidéosurveillance dans les transports publics (cf. l'art. 16b LCF100 et l'art. 55 LTV101). Sur cette base, le Conseil fédéral a édicté l'OVid-TP102.

L'ordonnance vaut pour toutes entreprises disposant d'une concession ou d'une autorisation pour le transport de voyageurs, ou d'une concession d'infrastructure de chemins de fer. Par rapport à l'ordonnance antérieure103, la durée de conservation des enregistrements vidéo a été considérablement étendue, à 100 jours. La communication des enregistrements reste soumise aux mêmes règles: ils ne peuvent être communiqués qu'aux autorités fédérales et cantonales de poursuite pénale et aux autorités devant lesquelles les entreprises portent plainte ou font valoir des droits. Le contrôle des activités de vidéosurveillance dans les transports publics relève dorénavant du Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence104.

2.2.6.9

Loi fédérale sur les organes de sécurité des entreprises de transports publics

La LOST105 est entrée en vigueur le 1er octobre 2011 et a remplacé la loi fédérale concernant la police des chemins de fer106, qui datait de plus de 130 ans. La nouvelle loi et son ordonnance d'exécution107 règlent de manière détaillée les compétences des organes de sécurité. L'exercice de ces compétences obéit à la LUsC. Les organes de sécurité peuvent consister en une police des transports ou en un service de sécurité aux compétences moins étendues. La LOST autorise le transfert de tâches du service de sécurité à des organisations privées. Contrairement aux anciennes dispositions, les tâches de la police des transports ne peuvent plus être déléguées à des tiers.

Il est néanmoins admissible qu'une entreprise de transports recoure aux prestations de police d'une entreprise homologue. La LOST règle également la collaboration entre les organes de sécurité et les autorités de police. Ces dernières peuvent associer la police des transports à des engagements si le plan de service de celle-ci le permet.

Un tel cas de figure pourrait par exemple se produire lors du transport de supporteurs à l'occasion d'un match de football. Ce faisant, les autorités de police doivent communiquer à la police des transports les informations nécessaires à l'accomplissement de ses tâches. L'OOST prévoit que l'actuelle police des chemins de fer soit transformée, d'ici au 30 juin 2012, en une police des transports au sens de la LOST.

La loi se fonde sur les art. 57, al. 2, 87 et 92 Cst.

100 101 102 103 104

Loi fédérale du 20 décembre 1957 sur les chemins de fer; RS 742.101.

Loi du 20 mars 2009 sur le transport de voyageurs; RS 745.1.

RS 742.147.2 RO 2003 4751; cette ordonnance ne valait que pour les CFF.

Cf. art. 16a, al. 3, LCF, l'art. 54, al. 3, LTV et l'art. 6, al. 3, LOST. Avant l'entrée en vigueur de ces dispositions, la surveillance des enregistrements vidéo effectués dans les transports publics sur la base d'actes normatifs cantonaux était confiée aux préposés cantonaux à la protection des données.

105 RS 745.2 106 RO 3 422 et RS 7 27; AS 1958 335, RO 1986 1974.

107 Ordonnance sur les organes de sécurité des entreprises de transports publics (OOST; RS 745.21).

4198

2.2.6.10

Avant-projet de révision partielle de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure

Le projet législatif LMSI II «réduite» comporte pour l'essentiel les parties non contestées du projet de révision d'origine LMSI II, que le Parlement a renvoyé au Conseil fédéral au printemps 2009. Le projet LMSI II «réduite» se limite aux adaptations nécessaires en regard de l'évolution de la situation sur les plans organisationnel et juridique, à l'élimination de certaines lacunes et à la mise en oeuvre de recommandations des autorités de surveillance. Les autres composantes du projet initial de révision, notamment les «moyens particuliers de collecte des informations» (contestés), seront soumises au Parlement dans le cadre d'une codification globale concernant les services de renseignement civils (loi sur les services de renseignement).

2.2.6.11

Avant-projet de loi fédérale sur les tâches de police de la Confédération

L'adoption d'une loi sur les tâches de police doit mettre un terme à l'éparpillement du droit fédéral dans ce domaine, en regroupant en un seul acte les tâches de police de la Confédération actuellement réglées dans de nombreux textes. De plus, on prévoit de formuler de manière plus précise certaines règles de droit et de combler quelques lacunes. Enfin, ponctuellement, on élaborera un nouveau droit, par exemple dans le domaine des moyens d'information de la police et de la coopération policière (élaboration d'une partie générale). L'avant-projet inclut encore une réglementation élargie de la délégation de tâches de police de la Confédération à des entreprises de sécurité privées. L'avant-projet de loi sur les tâches de police de novembre 2009 se fonde sur les art. 54, al. 1, 57, al. 2 et 123, al. 1, Cst., de même que sur la compétence inhérente de la Confédération pour le maintien de la sécurité intérieure.

2.2.6.12

Avant-projet de loi fédérale sur la protection extraprocédurale des témoins

En 2008, la Suisse a signé la Convention du 16 mai 2005 du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains. A une exception près, l'ordre juridique suisse répond à toutes les exigences de la convention: seule s'impose une adaptation à propos de la protection extraprocédurale des témoins. La Ltém vise à créer dans la législation fédérale les structures étatiques et les conditions nécessaires à la mise en oeuvre de programmes de protection des témoins. Le projet de loi sur la protection des témoins repose sur les mêmes bases constitutionnelles que l'avant-projet LPol.

4199

2.2.6.13

Avant-projet de loi fédérale sur les prestations de sécurité privées fournies à l'étranger

Le projet de loi vise à placer sous le contrôle de l'Etat les activités exercées par des entreprises de sécurité privées à l'étranger à partir de la Suisse108. Ce contrôle doit être garanti par une obligation exhaustive de déclaration. De plus, les entreprises de mercenaires seront totalement interdites en Suisse. Outre la participation directe aux hostilités dans le cadre de conflits armés, d'autres activités d'entreprises de sécurité privées à l'étranger devront également pouvoir être interdites lorsqu'elles s'opposent à des intérêts de la Suisse. Le projet se fonde sur les art. 54, al. 1, 95, al. 1, et 173, al. 2, Cst.

2.3

Répartition et accomplissement des tâches dans le domaine de la sécurité

2.3.1

Introduction

La manière dont la constitution répartit les compétences et organise les structures dans le domaine de la sécurité semble de prime abord relativement simple. Sa concrétisation passe toutefois par une multitude de décisions, lois d'application, concordats conclus entre diverses conférences ad hoc et conventions unissant Confédération et cantons. Il en résulte une situation juridique relativement complexe et opaque.

Nous allons tenter ci-après de mettre en évidence les liens et les interactions caractéristiques de l'accomplissement des tâches touchant au domaine de la sécurité intérieure. Nous adoptons dans notre propos une perspective fondée sur les tâches proprement dites, et non sur les services administratifs et les unités d'organisation chargées de les assumer. Ce choix découle du fait qu'il n'est pas toujours possible de distinguer clairement les tâches qui incombent à la Confédération de celles qui sont assurées par les cantons, en raison de l'étroite coopération entre les différentes autorités responsables.

2.3.2

Quelques domaines d'intervention

2.3.2.1

Protection de l'Etat

2.3.2.1.1

Répartition des compétences entre la Confédération et les cantons

Par «protection de l'Etat», on entend la protection de l'intégrité de l'Etat et la préservation de ses institutions et de ses organes contre les menaces graves109. Les organes compétents veillent à protéger l'Etat contre les menaces stratégiques qui pèsent sur sa sécurité et qui, si elles se concrétisaient, pourraient provoquer des 108

Cf. à cet égard l'ordonnance en vigueur sur l'engagement d'entreprises de sécurité privées par la Confédération, ch. 2.2.5.1.3.

109 A. Lobsiger, Weitere Aufgaben des zivilen Staatsschutzes, in: R.J. Schweizer (édit.), Sicherheits- und Ordnungsrecht des Bundes, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, Bâle 2008, vol. III/I, ch. marg. 81 ss.

4200

bouleversements dans la société et mettre en péril les institutions démocratiques du pays, son ordre libéral, voire sa survie110. En raison de son caractère préventif, la protection de l'Etat inclut essentiellement des tâches de renseignement. Les investigations menées par les services de renseignement visent à détecter assez tôt les intentions politiques ou idéologiques nuisibles, pour pouvoir prendre les mesures de prévention requises. La principale tâche des services de renseignements consiste donc à collecter des informations utiles aux décideurs de tous niveaux pour que ceux-ci puissent parer à temps aux menaces.

La Constitution fédérale ne contient aucune disposition accordant à la Confédération une compétence explicite en matière de protection de l'Etat. Les tâches qu'assume la Confédération en sa qualité d'Etat relèvent cependant de sa compétence, même si la Constitution ne les mentionne pas expressément («compétence inhérente»111). La Confédération peut prendre des mesures, législatives notamment, pour sa protection et celle de ses organes et institutions; elle doit préserver l'existence de la collectivité nationale et tout entreprendre pour parer aux dangers qui pèsent sur son intégrité. La dimension nationale d'une menace est déterminante dans la recherche et le traitement d'informations destinées à la prévention. Souvent, la portée réelle d'une atteinte à l'ordre public ou la pertinence d'une information n'apparaît que lorsque les informations collectées dans les différents cantons sont analysées et recoupées. La protection de l'Etat comprend des éléments touchant à la sécurité intérieure aussi bien qu'à la sécurité extérieure. En ce qui concerne la sécurité extérieure, l'art. 54 Cst. octroie à la Confédération une compétence générale qui inclut celle de légiférer.

Il en découle une compétence quasi exclusive de la Confédération de légiférer dans le domaine de la protection de l'Etat112. Il ne reste aux cantons, outre la compétence d'édicter des dispositions d'exécution, que celle de régler l'activité de protection de l'Etat au niveau cantonal, pour autant qu'un besoin existe.

La Confédération a fait usage de sa compétence en édictant la LMSI113 et la LFRC114. La LMSI, qui fixe les directives générales applicables à la sécurité intérieure, limite les interventions des organes chargés
de protéger l'Etat aux domaines du terrorisme, de l'extrémisme violent, du service de renseignements prohibé et du trafic d'armes, de substances radioactives et de technologie sensible (prolifération).

La LMSI règle également la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons dans le domaine de la sécurité intérieure. Selon son art. 4, il revient en premier lieu aux cantons d'assurer la sûreté intérieure sur leur territoire. Les cantons assistent la Confédération sur les plans de l'administration et de l'exécution dans la mesure où celle-ci est responsable de la sûreté intérieure. La collecte active d'informations notamment fait partie des principales tâches des autorités cantonales compétentes. L'art. 5, al. 1, LMSI octroie au Conseil fédéral une fonction de direction en matière de sûreté intérieure, qui comprend l'évaluation périodique de la menace, la fixation des droits et des devoirs en matière d'information et l'adaptation 110

111 112 113 114

Cf. «Traitement des données dans le système d'information relatif à la protection de l'Etat ISIS», avis du Conseil fédéral du 20 octobre 2010 relatif au Rapport de la Délégation des commissions de gestion des Chambres fédérales, FF 2010 7079.

Cf. ch. 2.2.3.4.

Cf. A. Ruch, in: Thürer/Aubert/Müller, Verfassungsrecht der Schweiz, op. cit., § 56, ch. marg. 34.

RS 120 RS 121. La LFRC règle également divers aspects de la sécurité extérieure. Elle s'appuie à cet égard sur l'art. 54, al. 1, Cst.

4201

des mandats. Si plusieurs cantons doivent coopérer ou s'il y a péril en la demeure, le SRC peut se charger de la direction (art. 7, al. 2, LMSI). La répartition des tâches entre les autorités fédérales responsables et les cantons est précisée à la section 3 de la loi: le SRC délivre les mandats de collecte d'informations, tandis que les cantons fournissent les informations qu'ils sont tenus de communiquer (art. 7, al. 4, et 12, LMSI). Les cantons sont par ailleurs soumis à un devoir général d'information. Ils sont tenus de communiquer spontanément au SRC un certain nombre de faits et de constatations, dont la liste est fixée par voie d'ordonnance; ils communiquent en outre spontanément des renseignements au SRC lorsqu'ils décèlent des menaces concrètes pour la sûreté intérieure ou extérieure (art. 12 LMSI). En revanche, il revient en premier lieu au SRC d'assurer le traitement, le regroupement et l'analyse des informations importantes pour la politique de sécurité115 et d'ordonner les mesures qui s'imposent116.

2.3.2.1.2

Organes cantonaux de protection de l'Etat

Les cantons disposent d'organes chargés de la protection de l'Etat, qui sont généralement rattachés à la police judiciaire. Ces organes sont placés sous la conduite du SRC, qui leur attribue des mandats. La Suisse compte 27 organes cantonaux de protection de l'Etat (le canton de Zurich en compte deux, le premier rattaché à la police cantonale, le second à la police de la ville de Zurich). Comme nous l'avons indiqué, les organes cantonaux chargés de la protection de l'Etat agissent principalement sur mandat direct du SRC. Mais ils ont également pour tâche de collecter de manière autonome, pour leur territoire, les informations dont le SRC a besoin pour assurer la sûreté intérieure.

2.3.2.1.3

Surveillance des organes de protection de l'Etat

Au niveau de la Confédération, la surveillance du SRC est assurée par la délégation des Commissions de gestion (haute-surveillance, contrôle parlementaire), tandis que le contrôle administratif incombe à un organe de surveillance du DDPS (art. 25 LMSI et art. 31 à 34 OSRC117).

Les personnes chargées par les cantons d'accomplir des tâches définies dans la LMSI sont soumises au droit cantonal régissant la fonction publique et à l'autorité cantonale de surveillance (art. 6, al. 3, LMSI). La surveillance hiérarchique incombe aux organismes qui sont les supérieurs hiérarchiques de chacun des organes d'exécution cantonaux (art. 35, al. 1, OSRC). L'autorité cantonale de surveillance vérifie entre autres comment l'organe d'exécution cantonal remplit les mandats confiés par la Confédération (art. 35, al. 3, let. c, OSRC). De son côté, le SRC contrôle l'exécution, par les services cantonaux, des tâches qui leur incombent en vertu de la LMSI (art. 31, al. 2, OSRC).

115

Evaluation de la menace, informations des autorités compétentes nationales et étrangères, mesures proposées pour parer aux menaces, mise en alerte des autorités suprêmes en cas de dangers graves qui pourraient affecter l'activité du gouvernement, etc.; cf. art. 2 OSRC; RS 121.1.

116 Cf. ch. 2.3.2.3.5.3 et 2.3.2.3.5.4 à propos de l'assistance prêtée au SRC par le DDPS.

117 RS 121.1

4202

Le droit fédéral reste muet concernant le contrôle parlementaire cantonal; l'art. 25 LMSI se contente de renvoyer aux compétences de la Délégation des commissions de gestion fixées dans la loi sur le parlement (anciennement: loi sur les rapports entre les conseils), sans fixer de compétences explicites. La possibilité d'un contrôle parlementaire au niveau des cantons n'est donc pas exclue. Cela découle du principe selon lequel l'autonomie d'organisation des cantons (art. 47, al. 2, Cst.) doit être respectée autant que possible, y compris lorsqu'il s'agit de mettre en oeuvre le droit fédéral. Il revient aux cantons de régler les questions de surveillance, y compris la haute surveillance parlementaire cantonale, à moins que le législateur fédéral n'en dispose autrement. Pendant longtemps, on a estimé que l'art. 25 LMSI avait une valeur exhaustive. Depuis quelques années toutefois, la question d'un contrôle parlementaire cantonal est régulièrement discutée118.

2.3.2.1.4

Résumé

La protection de l'Etat est de la compétence de la Confédération dans la mesure où elle revêt une portée internationale ou qu'elle concerne le territoire suisse dans son ensemble. Dans le domaine de la protection de l'Etat, la Confédération dispose d'une compétence de coordination en matière de direction des opérations et de services fournis, qui a la primauté sur la compétence primaire des cantons119. La compétence des cantons dans le cadre de la LMSI se limite à des mesures d'exécution ou à une assistance à la Confédération. Cette dernière contribue pour une part substantielle, sous la forme d'un forfait, aux coûts du personnel cantonal chargé notamment de la collecte d'informations (art. 28, al. 1, LMSI). Ce forfait est calculé sur la base de l'effectif du personnel de l'organe cantonal chargé de la protection de l'Etat. Bien que la Confédération ne soit pas tenue, en vertu de la constitution, de soutenir financièrement les cantons dans la mise en oeuvre et l'exécution du droit fédéral, le Conseil fédéral a jugé nécessaire de leur fournir les ressources financières requises à cet effet. Dans son message, il a justifié cette décision de satisfaire les exigences émises par les cantons lors de la consultation par la volonté de garantir la bonne exécution des tâches qui leur reviennent120.

2.3.2.2

Tâches de police de sécurité, tâches de police judiciaire et tâches de police administrative

Les activités policières comprennent une vaste palette de tâches, que nous avons réparties en trois catégories principales, pour les besoins de notre analyse: les tâches de police de sécurité, les tâches de police judiciaire et les tâches de police administrative. Ces désignations ont été reprises du projet de loi fédérale sur les tâches de police de la Confédération, dont la terminologie est elle-même reprise des lois cantonales sur la police. Il n'est toutefois pas toujours aisé de séparer clairement les tâches de police de sécurité des tâches de police judiciaire. Ces deux domaines 118 119

Cf. ch. 3.2.5.

Message concernant la loi fédéral sur des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure ainsi que l'initiative populaire «S.O.S ­ pour une Suisse sans police fouineuse»; FF 1994 II 1123.

120 FF 1994 II 1193 et 1201

4203

peuvent se recouper de cas en cas, par exemple lorsque des mesures de police judiciaire ont par ailleurs pour effet de prévenir une menace.

2.3.2.2.1

Tâches de police de sécurité

Les tâches de police de sécurité visent en premier lieu à parer aux menaces pour la sécurité et l'ordre public et à rétablir l'ordre en cas de troubles. La lutte contre les menaces inclut des mesures préventives. La police est autorisée à faire usage de la contrainte pour accomplir sa mission. Elle dispose d'un arsenal de mesures policières, qui sont définies dans les lois cantonales sur la police (au niveau des cantons) et dans la loi fédérale sur l'usage de la contrainte (au niveau de la Confédération).

Conformément à la répartition des compétences prévue dans la Constitution, les cantons disposent sur leur territoire d'une compétence globale en matière de police de sécurité. La Confédération ne dispose à cet égard que de compétences sectorielles ou fragmentaires, découlant des règles constitutionnelles explicites ou implicites d'attribution de compétences (compétence inhérente de la Confédération121).

La Confédération est tenue d'édicter des normes pour assurer la protection des personnes qui la représentent (parlementaires, magistrats, employés de la Confédération particulièrement exposés) et de ses bâtiments. Cette obligation découle de sa compétence inhérente de prendre les mesures nécessaires pour préserver sa propre sécurité et celle de ses organes et institutions, sur les plans intérieur et extérieur. Les obligations de la Confédération en matière de protection sont définies dans la LMSI.

2.3.2.2.1.1

Protection des personnes et des bâtiments

Selon les art. 22 ­ 24 LMSI, c'est à l'Office fédéral de la police qu'il revient d'assurer, en collaboration avec les autorités cantonales, la protection des autorités et des bâtiments de la Confédération. L'analyse des risques et l'évaluation des menaces fait partie du mandat de protection de la Confédération. Par ailleurs, la loi autorise le Conseil fédéral à engager ou à mettre à la disposition des cantons «d'autres agents spécialement formés» pour ces tâches. L'art. 22, al. 2, LMSI prévoit en outre la possibilité de recourir à des services de sécurité privés. Dans les faits, la sécurité est assurée par du personnel spécialement formé, à l'intérieur des bâtiments de la Confédération, et par la police locale, à l'extérieur de ces derniers. Lorsque plusieurs organes sont impliqués, le service fédéral de sécurité coordonne leur intervention122.

La Confédération a conclu avec le canton et la ville de Zurich des accords déléguant à ces derniers des tâches de protection ponctuelles ou durables. Elle verse une indemnité forfaitaire aux cantons de Berne et de Genève.

La Confédération recourt à son propre personnel pour protéger les bâtiments qui lui appartiennent et sur lesquels elle exerce le droit de police. La protection des immeubles et des personnes aux passages frontière est assurée en principe par le Cgfr, en

121 122

Cf. ch. 2.2.3.4.

Art. 6, al. 1 à 3 de l'ordonnance sur la sécurité relevant de la compétence fédérale (OSF), RS 120.72.

4204

tant qu'unité, armée et en uniforme, présente sur place123. Les cantons assurent la sécurité des autres biens qui sont propriété de la Confédération (art. 23, al. 3, LMSI).

2.3.2.2.1.2

Devoir de protection fondé sur le droit international public

Le devoir de protection de la Suisse en tant qu'Etat hôte se fonde sur le droit international public124. Selon ce dernier, la Suisse est tenue de garantir la sécurité des personnes exerçant une fonction diplomatique ou consulaire, de même que celle des bâtiments et des installations qu'elles utilisent. En droit interne, ce devoir de protection est régi entre autres par l'art. 22, al. 1, LMSI, selon lequel l'Office fédéral de la police assure, en collaboration avec les cantons, la protection des personnes et des bâtiments dont la Confédération doit garantir la sécurité en vertu du droit international public. Le fait que la Confédération ait un devoir de protection découlant du droit international public ne change rien à la manière dont les compétences en matière de sécurité intérieure sont réparties entre la Confédération et les cantons, conformément à la constitution. C'est en premier lieu aux cantons qu'il revient d'assurer, sur leur territoire, la sécurité des personnes et des bâtiments à protéger en vertu du droit international public. La contribution de l'Office fédéral de la police se limitera à des activités de conseil et à des tâches de coordination125. Cette répartition des rôles ressort clairement de l'art. 24 LMSI, selon lequel les cantons prennent sur leur territoire, après concertation avec l'Office fédéral de la police, les mesures nécessaires à l'exécution des obligations de protection qui incombent à la Suisse.

En vertu de l'art. 20, let. f, de la loi sur l'Etat hôte126, la Confédération peut charger les autorités de police compétentes de mettre en place des mesures de sécurité complémentaires aux mesures prises en exécution des obligations de protection qui incombent à la Suisse en vertu du droit international public telles que les prévoit la LMSI. Comme le précise le texte de cette disposition et comme le souligne le message relatif à la LEH127, il s'agit de mesures que les autorités responsables de la sécurité n'estiment pas justifiées par un risque particulier, mais qui sont rendues nécessaires par des impératifs politiques, à la lumière des usages internationaux.

Selon l'art. 21 de la loi sur l'Etat hôte, la Confédération peut accorder une indemnité 123

124

125

126 127

Le fait que cette mission soit appelée «service d'ordre» est problématique. Il ne s'agit pas ici d'un service d'ordre, ni au sens militaire, ni au sens policier du terme. La situation visée est celle dans laquelle, en cas de perturbations graves à la frontière, les gardesfrontières en service sont armés et équipés spécialement pour pouvoir intervenir rapidement afin de garantir l'application de la législation en matière douanière, voire la protection des personnes et des bâtiments.

Droit international coutumier; Convention de Vienne sur les relations diplomatiques (RS 0.191.01), Convention de Vienne sur les relations consulaires (RS 0.191.02), Convention sur les missions spéciales (RS 0.191.2), Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale (RS 0.351.5) et accords de siège conclus entre la Suisse et les organisations ayant leur siège en Suisse.

Cf. message du 7 mars 1994 concernant la loi fédérale sur des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure ainsi que l'initiative populaire «S.o.S. ­ pour une Suisse sans police fouineuse», FF 1994 II 1123 ss «Il appartient aux cantons de veiller à l'exécution de ces obligations en matière de protection».

Loi fédérale sur les privilèges, les immunités et les facilité, ainsi que sur les aides financières accordés par la Suisse en tant qu'Etat hôte (LEH); RS 192.12.

FF 2006 7603

4205

équitable aux cantons pour d'autres tâches qu'ils accomplissent dans le cadre de leur mandat de protection et qui ne relèvent pas de leurs compétences constitutionnelles.

Dans la pratique, le Service fédéral de sécurité procède à une analyse des menaces potentielles pour les représentations étrangères, les organisations internationales et les hôtes étrangers à protéger en vertu du droit international et propose des mesures de protection à la police cantonale concernée. Celle-ci les exécute sous sa propre responsabilité et à l'aide de ses propres agents. Les unités de police des cantons de Berne et de Genève qui assurent la protection des ambassades bénéficient jusqu'en 2012128 du soutien de l'armée, qui met à leur disposition, dans le cadre de la mission Amba Centro, des membres de la Séc mil et des militaires de l'infanterie en service long. Des discussions ont lieu actuellement au sein du Réseau national de sécurité pour définir un dispositif qui permettra d'assurer la protection des ambassades après 2012129.

2.3.2.2.2

Tâches de police criminelle et de police judiciaire

Les tâches de police criminelle et de police judiciaire comprennent la détection et la poursuite des infractions. Les activités déployées durant la phase de l'enquête préliminaire, pendant laquelle la police cherche à déterminer s'il existe des soupçons laissant présumer qu'une infraction a été commise, relèvent de la police criminelle.

Dès le moment où un soupçon suffisant justifie l'ouverture d'une enquête de police judiciaire, les activités policières relèvent de la police judiciaire et sont régies par le code de procédure pénale.

L'art. 123, al. 1, Cst. donne à la Confédération la compétence de légiférer en matière de droit pénal et de procédure pénale, tandis que la compétence en matière de poursuite pénale appartient aux cantons, sauf disposition contraire de la loi (art. 123, al. 2, Cst.). Cela fait de la procédure pénale une compétence primaire des cantons.

L'étendue de la juridiction fédérale est délimitée par les art. 22 à 27 du code de procédure pénale130. Les infractions soumises à la juridiction fédérale couvrent les domaines du crime organisé, du terrorisme, du blanchiment d'argent, de la corruption et de la criminalité fiscale et économique. Viennent s'y ajouter les infractions qui, de manière générale, portent atteinte à la sécurité de l'Etat, de ses infrastructures et de ses fonctions, de même que celles dirigées contre la collectivité131. La juridiction fédérale fixe les limites de l'action des organes fédéraux dans le domaine de la police criminelle et de la police judiciaire. Ceux-ci se concentrent sur la détection précoce des menaces que fait peser sur la Suisse le crime organisé international.

L'activité des Office centraux de police criminelle institués au niveau de la Confédération en vertu de la LOC132 ou d'accords internationaux comprend pour l'essentiel l'identification de la grande criminalité et la lutte contre ce phénomène complexe qui se joue des frontières. Ces tâches passent par la collecte d'informations en Suisse et à l'étranger, par l'échange d'informations aux niveaux national et international et par la coordination des enquêtes intercantonales et internationales. Elles dépassent le cadre de la juridiction fédérale en matière pénale (cf. ch. 3.2.3.4).

128 129 130 131 132

FF 2007 4643 ss.

Cf. ch. 1.2.2.6.

CPP; RS 312.0 Cf. ch. 2.3.2.8 ss.

Loi fédérale sur les Offices centraux de police criminelle de la Confédération; RS 360.

4206

Le Service national de coordination de la lutte contre la criminalité sur Internet (SCOCI), actif dans le domaine de la police criminelle et rattaché à l'Office fédéral de la police, a commencé son activité en 2001. Cogéré par la Confédération et les cantons, ce service exerce son mandat sur la base d'un arrangement administratif conclu entre la première et les seconds. Son financement est assuré pour deux tiers par les cantons et pour un tiers par la Confédération. Le SCOCI coordonne la lutte contre la criminalité sur Internet et sert de point de contact aux personnes souhaitant signaler l'existence de sites ou de contenus Internet suspects. Il transmet aux autorités de poursuite pénale compétentes, en Suisse ou à l'étranger, les indices laissant présumer l'existence d'une infraction. Le SCOCI recherche activement sur Internet les contenus susceptibles d'être poursuivis pénalement, notamment dans les domaines de la pornographie enfantine et de la criminalité économique (fraude à la carte bancaire, hameçonnage par courriel, acquisition illicite de données, blanchiment d'argent, etc.).

En leur qualité de police judiciaire, les organes de police de la Confédération et des cantons procèdent aux enquêtes judiciaires qui entrent dans leur champ de compétences et répondent aux demandes d'entraide judiciaire émanant de l'étranger. Le CPP règle les tâches de la police judiciaire de manière exhaustive. La Confédération a créé en 2002 une unité spéciale d'intervention («Tigris»133) pour exécuter les mandats délivrés par le Ministère public de la Confédération ou l'Office fédéral de la police dans le cadre de procédures de poursuite pénale et d'entraide judiciaire (recherches ciblées, arrestations de personnes violentes, etc.).

2.3.2.2.3

Tâches de police administrative

Les tâches de police administrative représentent un troisième domaine d'activité de la police. Ces tâches comprennent toutes les mesures administratives destinées à écarter des menaces, afin de protéger l'ordre public, la sécurité, la santé et d'autres biens de police. La réglementation relative à ces mesures ne peut être édictée qu'au niveau administratif compétent pour le domaine en question. Ainsi, il appartient en premier lieu aux cantons de prendre des mesures dans le domaine de la santé, puisque ce sont eux qui sont pour l'essentiel compétents, d'après la Constitution, en matière de protection de la santé.

Les tâches de la police administrative, dont le champ de compétences coïncide dans une large mesure avec celui de la traditionnelle «police du commerce», sont réglementées par un grand nombre de lois spéciales fédérales et cantonales. On en trouve pour presque tous les domaines d'intervention de l'Etat (santé, construction, commerce, protection des animaux, protection de l'environnement, armes, etc.).

Les tâches de police administrative de la Confédération qui sont étroitement liées à la sécurité intérieure comprennent entre autres les mesures de lutte contre l'incitation à la violence (saisie, séquestre et confiscation de matériel de propagande, blocage et suppression de sites ou de domaines «.ch» soupçonnés d'abus) et les mesures 133

En 2009, suite à plusieurs articles de presse ayant mis en doute la légalité du groupe d'intervention Tigris, la commission de gestion du Conseil des Etats a publié le 26 novembre de la même année un rapport intitulé «Contrôle relatif au groupe d'engagement Tigris», dans lequel elle constate que l'activité de Tigris repose sur des bases légales suffisantes (FF 2010 2189).

4207

d'interdiction de quitter la Suisse prononcées à l'encontre des personnes susceptibles de participer à des actes de violence lors de manifestations sportives134. Les autorités fédérales compétentes peuvent aussi prononcer une interdiction d'entrer en Suisse contre les étrangers susceptibles d'attenter à la sécurité et à l'ordre publics en Suisse ou à l'étranger. Toujours au nom de la protection de la sécurité (intérieure ou extérieure), elles peuvent en outre expulser un étranger ou prononcer à son encontre une interdiction d'entrer en Suisse135.

Le droit pénal administratif fait le lien entre le droit pénal et le droit administratif. Il entre en jeu lorsque l'exécution de dispositions du droit administratif est obtenue par la poursuite pénale plutôt que par de simples mesures de droit administratif. Le point de rattachement permettant l'application de la loi fédérale sur le droit pénal administratif est d'ordre organisationnel136: le droit fédéral doit prévoir que la poursuite et le jugement des infractions à des dispositions de droit administratif incombent à une autorité administrative fédérale pour que le DPA s'applique137. La poursuite pénale par les autorités administratives revêt une importance considérable dans le domaine fiscal et économique. Les autorités administratives de la Confédération qui engagent ces poursuites recourent souvent à des services spécialisés tels que la section antifraude douanière de l'administration fédérale des douanes138.

2.3.2.2.4

Banques de données policières de la Confédération

L'Office fédéral de la police gère plusieurs systèmes d'informations policières, qu'il utilise pour ses propres besoins (poursuites pénales pour le compte de la Confédération ou application du droit fédéral, p. ex. dans les domaines des douanes, des gardes-frontière, des armes), et qu'il met à la disposition des polices et des autorités de poursuite pénale cantonales, principaux utilisateurs de cette prestation de la Confédération.

Le premier de ces systèmes est le Réseau de systèmes d'information de police. Ce système sert au traitement des données dans les domaines des enquêtes de police judiciaire de la Confédération (soit des procédures pénales pendantes) et de la détection précoce des phénomènes liés à la grande criminalité (enquêtes préliminaires et enquêtes sur les structures), pour les affaires ressortissant à la juridiction fédérale.

Le réseau inclut le «système de traitement des données relatives à la coopération policière internationale et intercantonale», qui sert aux échanges d'informations entre la Confédération et les cantons, de même qu'avec les autorités étrangères (de manière bilatérale avec les autorités de police des autres pays et multilatérale dans le cadre d'Interpol, de Schengen et d'Europol). Ce dernier système gère en outre les données relatives aux personnes ou aux cas pour lesquels on dispose d'empreintes digitales et palmaires et de profils ADN stockés dans deux systèmes d'information autonomes, AFIS et CODIS.

134 135 136 137 138

Art. 2, al. 4, let e et 24c LMSI.

Art. 67, al. 2, let a et 68 LEtr; RS 142.20.

DPA; RS 313.0.

K. Hauri, Verwaltungsstrafrecht, Berne 1998, p. 3.

Cf. ch. 2.3.2.5.

4208

Le système de recherches informatisées de police RIPOL garantit une procédure harmonisée de recherche des personnes, des véhicules et des biens. RIPOL contient également les signalements internationaux émis dans toute la Suisse via Interpol. Le système d'information policière centralisé SIS (système d'information Schengen) contient les signalements internationaux émis par les membres de l'espace Schengen. Notre pays y a accès par l'intermédiaire de l'Office fédéral de la police et de la partie nationale du SIS (N-SIS). Enfin, l'index national de police permet de vérifier, au moyen d'une requête unique, si une personne est enregistrée dans les systèmes d'information de police cantonaux, dans le réseau de systèmes d'information de police, dans RIPOL ou dans le N-SIS.

Outre ces banques de données générales, l'Office fédéral de la police gère, toujours au niveau suisse, plusieurs autres systèmes d'information spécialisés. En font partie le système GEWA (système d'information du Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent), le système HOOGAN (données sur les personnes impliquées dans des actes de violence lors de manifestations sportives) et d'autres banques de données utilisées par l'Office central des armes pour soutenir les autorités cantonales d'exécution dans ce domaine.

2.3.2.2.5

Participation de la police à des engagements internationaux de promotion de la paix

La promotion civile de la paix constitue un thème phare de la politique extérieure et de sécurité de la Suisse; elle découle du constat que la Suisse est directement ou indirectement touchée par les répercussions de conflits même très lointains. La prévention et la résolution des nouveaux conflits, souvent intra-étatiques, et la lutte contre les extrémismes et le terrorisme ne sauraient être menées avec des moyens purement militaires, mais nécessitent de recourir à une large palette d'instruments civils.

L'un des principaux instruments de la Suisse en matière de promotion de la paix est le détachement d'experts civils (p. ex. policiers, gardes-frontière, douaniers) dans le cadre d'organisations multilatérales (ONU, UE, OCDE, etc.). Le crédit-cadre adopté par le Parlement pour les années 2008 à 2012 prévoit le renforcement du contingent suisse, qui passera à 30 experts, pour répondre à la demande croissante de policiers professionnels.

Il devient de plus en plus difficile de recruter et d'envoyer des experts des polices suisses participer à des opérations internationales de promotion de la paix. La limite maximale de 30 spécialistes prévue par le crédit-cadre n'a jamais été atteinte. La Suisse compte actuellement 8 délégués policiers, gardes-frontière ou douaniers participant à des missions de l'UE au Kosovo, ainsi qu'à des missions de l'ONU au Liberia et en Guinée-Bissau. Des 8 policiers engagés, un seul a été détaché par un corps de police cantonal. Le restant du groupe se compose de policiers qui n'occupaient aucune fonction au moment de leur engagement ou qui ont dû démissionner d'un corps de police cantonal ou communal pour pouvoir le rejoindre, après avoir vu leur demande de détachement rejetée. Le statut de ces policiers n'est donc pas tout à fait conforme aux exigences définies par les organisations internationales qui recourent à leurs services, l'appartenance à un corps de police étant en principe une condition d'engagement.

4209

Vu la structure fédéraliste de la Suisse, le DFAE doit compter sur le soutien des corps de police cantonaux et communaux pour atteindre le nombre de 30 experts prévu. La Direction générale des douanes s'est engagée à mettre en permanence entre 8 et 12 experts des gardes-frontières et des douanes à sa disposition. L'Office fédéral de la police, qui dispose d'un personnel restreint et très spécialisé, n'est pas en mesure de l'imiter. Le DFAE est donc entièrement tributaire des corps de police des cantons et des communes pour obtenir la vingtaine de policiers qui lui manquent. C'est pourquoi il a lancé en 2010, en collaboration et en coordination avec la CCDJP, l'élaboration d'une convention destinée à permettre le recrutement, le détachement et la réintégration des vingt experts de police requis. Cette convention, approuvée par la CCDJP en novembre 2011 et par le Conseil fédéral en décembre 2011, est entrée en vigueur le 20 décembre 2011.

La convention prévoit que les corps de police cantonaux détachent en permanence vingt de leurs membres. De son côté, le DFAE s'engage à financer les missions, en payant les salaires des policiers et en assurant leur formation et leur encadrement.

2.3.2.3

Prestations de sécurité de l'armée

2.3.2.3.1

Introduction

L'armée, en tant qu'instrument au service de la politique de sécurité de la Confédération, et l'administration militaire (domaine Défense du DDPS) n'ont pas de compétences autonomes dans le domaine de la sécurité intérieure, mais jouent un rôle complémentaire. En vertu de l'art. 58, al. 2, Cst. et 1, al. 3, LAAM139, l'armée soutient les autorités civiles dans des situations d'exception, lorsque leurs moyens ne suffisent plus pour faire face aux menaces graves contre la sécurité intérieure et pour maîtriser d'autres situations extraordinaires. Nous ne prendrons ici en compte le rôle confié à l'armée en cas de catastrophe ou d'extrême nécessité que si cela s'avère nécessaire pour éclairer notre propos.

La LAAM fixe les conditions d'engagement de l'armée. On compte trois types d'engagement: le service de promotion de la paix, le service d'appui et le service actif. Le service d'appui comprend les missions de soutien, à l'exclusion du service d'ordre. Les missions de soutien accomplies dans le cadre des services d'instruction ne sont pas assimilables à un service d'appui, mais sont régies par l'OEMC140. Le service d'appui n'inclut pas non plus la mise à disposition de moyens de surveillance avec appui aérien, pour des engagements urgents et limités dans le temps. Il a été créé en 1995, lors de la révision de la loi, pour renforcer la souplesse d'engagement de l'armée au profit des autorités civiles141.

139

Loi fédérale sur l'armée et l'administration militaire (Loi sur l'armée, LAAM), RS 510.10. L'art. 1 de la LAAM, qui définit la mission de l'armée, est lié à l'art. 58 Cst., mais est antérieur à ce dernier: il remonte à 1995, tandis que l'art. 58 Cst. date de la révision complète de la Constitution.

140 Ordonnance du 8 décembre 1997 réglant l'engagement de moyens militaires dans le cadre d'activités civiles et d'activités hors du service; RS 513.74; cf. ch. 2.3.2.3.5.5 pour les prestations de soutien.

141 Auparavant, seuls les militaires en service actif (effectuant un service d'ordre) pouvaient être engagés lors de missions au profit des autorités civiles (p. ex. protection des aéroports de Genève-Cointrin et de Zurich-Kloten en 1970/71, rencontre Reagan-Gorbatchev à Genève en 1985, discours d'Arafat devant l'Assemblée générale de l'ONU en 1988).

4210

Dans son arrêté fédéral du 29 septembre 2011 relatif au rapport sur l'armée 2010, l'Assemblée fédérale charge le Conseil fédéral de présenter, d'ici à fin 2013, dans un message à son adresse, les modifications à apporter aux bases légales en vue du développement de l'armée. Elle fixe à cet égard des valeurs de référence pour les effectifs, les tâches et le financement142, qui ne sont pas sans conséquences sur le contenu du présent rapport (notamment le maintien de la compétence-clé de défense, la limitation à 100 000 du nombre de militaires et la tâche d'appuyer à titre subsidiaire les autorités civiles avec le gros des troupes)143.

2.3.2.3.2

Tâches de l'armée

Les tâches de l'armée sont définies dans la Constitution à l'art. 58, al. 2. La mission originelle de l'armée, que cette dernière assume seule, est mentionnée dans la première phrase de l'alinéa: «L'armée contribue à prévenir la guerre et à maintenir la paix; elle assure la défense du pays et de sa population.»144. Par ailleurs, «elle apporte son soutien aux autorités civiles lorsqu'elles doivent faire face à une grave menace pesant sur la sécurité intérieure ou à d'autres situations d'exception» (art. 58, al. 2, 2e phr., Cst.)145.

La loi peut prévoir d'autres tâches (art. 58, al. 2, 3e phr.). Si la constitution laisse une certaine marge de manoeuvre au législateur, celle-ci n'est pas illimitée. Dans le domaine de la sécurité intérieure, la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons (art. 57 Cst.) empêche quasiment d'étendre les possibilités d'engagement de l'armée146. La LAAM prévoit à ses art. 1, al. 4, et 66 que l'armée peut être engagée, dans un cadre international, pour promouvoir la paix. Si de tels engagements peuvent déjà se déduire de la mission de maintien de la paix définie dans la constitution147, les deux articles pertinents de la LAAM sont les seuls à concrétiser dans une loi l'art. 58, al. 2, 3e phr., Cst.

142 143 144

FF 2011 7021 Texte de l'arrêté.

Cf. RAPOLSEC 2010, p. 24: domaines de sécurité et tâches fondamentales, et les pp. 35 ss.

145 H. Meyer in: St. Galler Kommentar ad art. 58 Cst., no 16.

146 G. Biaggini, Kommentar zur Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft, Zurich 2007, art. 58 Cst., no 7. Voir aussi R. Rhinow, Zur Rechtmässigkeit des Armeeeinsatzes im Rahmen der inneren Sicherheit, in: édition spéciale publiée à l'occasion de la journée suisse des juristes 2004, Bâle/Berne 2004, p. 361 et 370: «Auf keinen Fall kann auf diesem Weg die Bundeszuständigkeit zulasten der Kantone ausgeweitet werden» («Une extension de la compétence fédérale aux dépens des cantons par ce biais est totalement exclue»).

147 H. Meyer in: St. Galler Kommentar, op. cit., ad art. 58 Cst., ch. marg. 19.

4211

2.3.2.3.3

Soutien aux autorités civiles

2.3.2.3.3.1

Généralités

L'armée peut soutenir les autorités civiles soit pour faire face aux menaces graves contre la sécurité intérieure, soit pour maîtriser d'autres situations extraordinaires.

La protection contre les menaces graves contre la sécurité intérieure comprend la protection de la coexistence pacifique, celle des institutions de l'Etat et celle de la communauté contre les dangers vitaux.

L'art. 1, al. 3, LAAM ne précise pas ce qu'il faut entendre par le terme «situations extraordinaires». Le fait que les autorités civiles manquent de moyens pour parer à des menaces graves contre la sécurité intérieure (let. a) et pour maîtriser d'autres situations extraordinaires, en particulier en cas de catastrophe dans le pays ou à l'étranger (let. b), ne suffit pas à démontrer l'existence d'une situation extraordinaire, même s'il peut en constituer un indice. Il en va de même de l'impossibilité de prévoir un événement ou de planifier des mesures148. L'art. 67, al. 2, LAAM dispose que l'aide n'est accordée que si la tâche est d'intérêt public et que les autorités civiles ne sont plus en mesure de s'acquitter de leurs tâches par manque de personnel, de matériel ou de temps. En d'autres termes, l'armée doit se limiter à intervenir de manière ponctuelle, lorsque la situation devient critique pour les autorités civiles, et non en comblant durablement le manque de ressources.

La pratique montre que des événements tels que l'Euro 2008 peuvent aussi être assimilés à une situation extraordinaire. Il est pourtant parfaitement possible de les prévoir et de planifier les mesures qui s'imposent. Quant au manque de personnel des cantons, celui-ci ne constitue pas un critère juridique suffisant pour qu'une situation puisse être considérée comme extraordinaire au sens de l'art. 58 Cst149. Le renforcement du personnel d'un canton et d'un service fédéral ne constitue cependant pas toujours la solution la plus adéquate. Il faut en particulier éviter qu'un corps de police ne doive engager du personnel pour faire face à un événement ponctuel d'envergure, alors que la Confédération dispose de ressources non utilisées. Ce serait là un non-sens économique. L'entretien d'un important contingent de policiers réservistes appelés à intervenir dans des situations qui ne se présentent qu'une fois par année par exemple s'avère aussi problématique d'un point de vue politique.

2.3.2.3.3.2

Subsidiarité

L'engagement de l'armée à titre subsidiaire en faveur de la sécurité intérieure est soumis à une double condition (art. 58, al. 2, 2e phr., Cst.; art. 1, al. 3, art. 67, al. 2, LAAM)150: d'une part, il faut qu'il réponde à une situation extraordinaire, d'autre 148

Selon le rapport sur l'armée 2010, sont planifiables: les engagements pour le WEF, les grandes manifestations sportives et les sommets internationaux annoncés longtemps à l'avance. Ne sont pas planifiables: les engagements en cas de catastrophes naturelles, ou d'attentats terroristes (ou en cas d'aggravation de la menace de leur survenance) ou les sommets internationaux fixés à court terme.

149 Autre avis: R.Rhinow, Zur Rechtmässigkeit des Armeeeinsatzes im Rahmen der inneren Sicherheit, in: édition spéciale publiée à l'occasion de la journée suisse des juristes 2004, Bâle/Berne 2004, pp 361, 376 s.

150 Voir ci-après les types d'engagement pour lesquels un service d'appui peut être fourni au sens de l'art. 67, al. 1, LAAM.

4212

part, que les autorités civiles de tous les échelons ne soient pas en mesure de s'acquitter de leurs tâches par manque de personnel, de matériel ou de temps, bien qu'elles aient tout mis en oeuvre pour y parvenir. En d'autres termes, il revient aux cantons de supporter l'essentiel des contraintes, tandis que l'armée n'intervient que si la situation devient critique pour les autorités civiles. Bien que cette règle n'ait pas toujours été observée ces dernières années, le caractère subsidiaire des engagements effectués, de même que leur importance, ont régulièrement été soulignés, comme dans le récent rapport sur la politique de sécurité: «Concernant les engagements concrets, l'appui aux autorités civiles conservera vraisemblablement une importance primordiale pour l'armée au cours des prochaines années. L'importance de ces prestations n'est pas réduite du fait que ces engagement sont effectués à titre subsidiaire»151.

D'un point de vue constitutionnel, engager l'armée durablement (à savoir pendant une durée indéterminée) dans le cadre d'un service d'appui s'avère problématique, puisqu'un tel engagement ne satisfait plus au critère de la subsidiarité152. Les engagements qui s'inscrivent dans la durée doivent être assumés par la police, sans le concours de l'armée153.

Soulignons enfin que le terme «autorités civiles» au sens de l'art. 58, al. 2, Cst.

englobe également les autorités fédérales. Cette disposition prévoit la possibilité d'accorder un soutien uniquement aux autorités civiles (c'est-à-dire non militaires) qui doivent faire face à une grave menace pesant sur la sécurité intérieure ou à d'autres situations d'exception. Les autorités qui n'assument pas un tel mandat n'ont pas la possibilité de recourir au soutien de l'armée.

2.3.2.3.4

Types d'engagement de l'armée

L'art. 65 LAAM définit trois genres d'engagement de l'armée: le service de promotion de la paix, le service d'appui et le service actif154. Voici en quoi consistent ces trois formes d'engagement.

2.3.2.3.4.1

Service de promotion de la paix

Les engagements pour la promotion de la paix peuvent être ordonnés sur la base d'un mandat de l'ONU ou de l'OSCE (art. 66, al. 1, LAAM)155. Selon la pratique suisse, il y a mandat de l'ONU pour promouvoir la paix lorsque l'ONU soit décide de mener elle-même une opération de promotion de la paix, soit demande aux Etats 151 152

RAPOLSEC 2010, ch. 5.2.1.2.

Voir aussi R. J. Schweizer, Verfassungs- und völkerrechtliche Anforderungen an die Verteidigungskompetenz der Armee und das zukünftige Leistungsprofil sowie die ausgewählten Fragen der Militärpflicht, VPB 2010.10 (pp. 91­195), p. 145; autre avis: R. Rhinow, Zur Rechtmässigkeit des Armeeeinsatzes im Rahmen der inneren Sicherheit, in: édition spéciale publiée à l'occasion de la journée suisse des juristes 2004, Bâle/Berne 2004, pp 361, 376 s.

153 P. Sutter, Recht der militärischen Operationen, in: Sicherheit & Recht 1 (2008), 19.

154 P. Sutter, Recht der militärischen Operationen, op. cit., 28.

155 Voir aussi l'ordonnance du Conseil fédéral du 2 décembre 2005 sur le personnel affecté à la promotion de la paix, au renforcement des droits de l'homme et à l'aide humanitaire (OPers-PDHH), RS 172.220.111.9.

4213

membres de mener une telle opération ou autorise ces derniers à y procéder. Les engagements policiers menés à l'échelon international, comme l'opération NAVFOR Atalanta de l'UE, ne sont pas considérés comme des engagements de promotion de la paix156.

Le service de promotion de la paix est accompli par des personnes ou des troupes spécialement formées à cet effet (art. 66, al. 2, LAAM). Si le Conseil fédéral est compétent pour ordonner un engagement en faveur de la promotion de la paix, tout engagement armé dépassant 100 militaires ou durant plus de trois semaines doit recevoir l'aval du parlement (art. 66b, al. 4, LAAM).

2.3.2.3.4.2

Service d'appui

Selon l'art. 1, al. 3, LAAM, l'armée soutient les autorités civiles «lorsque leurs moyens ne suffisent plus [...]» et «pour maîtriser d'autres situations extraordinaires, en particulier en cas de catastrophe dans le pays ou à l'étranger» (service d'appui).

Seules les autorités actives dans le domaine de la prévention des menaces graves et de la maîtrise des situations extraordinaires ont la possibilité de bénéficier d'un tel soutien de l'armée (art. 58, al. 2, Cst.). Un engagement n'est possible que si les autorités civiles en ont fait la demande au Conseil fédéral157.

La mise sur pied des unités d'appui peut être ordonnée par le Conseil fédéral, mais aussi par le DDPS en cas de catastrophe en Suisse. Elle doit toutefois être approuvée par l'Assemblée fédérale s'il est prévu qu'elle dure plus de trois semaines ou qu'elle implique plus de 2000 militaires (art. 70 LAAM).

Le principe de subsidiarité, inscrit à l'art. 58 Cst., figure également dans la LAAM, dont l'art. 67, al. 1, énumère les domaines d'engagement des troupes d'appui. Selon cet article, des troupes peuvent fournir une aide aux autorités civiles qui le demandent: ­

afin de sauvegarder la souveraineté aérienne;

­

afin de protéger les personnes et les biens particulièrement dignes de protection;

­

afin d'intervenir dans le cadre des services coordonnés;

­

en cas de catastrophe;

­

afin d'accomplir d'autres tâches d'importance nationale.

156

Cf. FF 2009 4041; Message du 22 avril 2009 concernant l'arrêté fédéral portant approbation de l'engagement de l'armée en service d'appui à l'étranger dans le cadre de l'opération NAVFOR Atalanta de l'Union européenne et la modification de la LAAM. Le fait que la protection des navires du programme alimentaire mondiale est conforme à l'art. 69 LAAM n'a été nullement contesté.

157 Les décisions d'engagement en cas de catastrophe incombent au DDPS. Les demandes doivent être adressées directement à l'armée. L'aide de l'armée peut ainsi être fournie rapidement dans ce domaine politiquement neutre. L'art. 67, al. 1, LAAM dispose que «des troupes peuvent fournir une aide aux autorités civiles qui le demandent»; le DDPS est toutefois libre de refuser une demande, indépendamment du domaine pour lequel l'armée est sollicitée.

4214

L'aide n'est apportée que si la tâche est d'intérêt public et que les autorités civiles ne sont plus en mesure de s'acquitter de leurs tâches par manque de personnel, de matériel ou de temps (art. 67, al. 2, LAAM).

Le terme de «troupes» désigne les militaires. En ce qui concerne les militaires de métier, l'art. 47, al. 4 (dernière phrase) précise que «quiconque fait partie du personnel militaire est considéré comme militaire». Il en résulte que la mise à disposition de militaires doit obéir aux critères d'engagement du service d'appui, et que la loi ne prévoit pas de marge d'interprétation à cet égard158.

Le Conseil fédéral ne peut pas non plus autoriser un service d'appui «de réserve». A titre d'exemple, il ne peut pas promulguer d'arrêté autorisant des militaires au sens de l'art. 47 à fournir un soutien à une autorité civile pendant un nombre donné de jours par année, sans que cela ne se justifie concrètement.

Selon l'art. 69 LAAM, des engagements au titre de service d'appui sont aussi possibles à l'étranger. Des troupes peuvent être envoyées à la demande d'Etats ou d'organisations internationales pour soutenir une aide humanitaire; du matériel et des biens d'approvisionnement peuvent également être mis à leur disposition. Le service d'appui à l'étranger est volontaire, mais peut être déclaré obligatoire pour soutenir l'aide humanitaire dans les régions frontalières. Lorsque des intérêts suisses sont en jeu, il est possible d'engager des troupes à l'étranger pour assurer la protection de personnes ou d'objets particulièrement dignes de protection (p. ex. pour protéger une ambassade suisse et son personnel ou pour rapatrier des citoyens suisses de régions en crise). Le Conseil fédéral détermine dans ces cas le type d'armement des militaires.

L'art. 68 LAAM prévoit la possibilité de mettre sur pied des états-majors militaires de conduite ou des troupes dans le cadre d'un service d'appui destiné à renforcer l'état de préparation de l'armée.

2.3.2.3.4.3

Service actif

Le service actif est accompli pour défendre la Suisse et sa population (service de défense nationale), soutenir les autorités civiles en cas de menaces graves contre la sécurité intérieure (service d'ordre) et améliorer le niveau de l'instruction de l'armée en cas d'accroissement de la menace159.

Selon l'art. 173, al. 1, let. d, Cst., il revient à l'Assemblée fédérale d'ordonner le service actif. Le Conseil fédéral y est autorisé dans les cas d'urgence, mais il doit convoquer sans délai l'Assemblée fédérale s'il met sur pied plus de 4000 militaires ou que l'engagement doit durer plus de trois semaines (art. 185, al. 4, Cst.).

Mentionnons enfin le service d'ordre, lui aussi destiné à soutenir les autorités civiles (pour faire face à des menaces graves contre la sécurité intérieure), et qui est effectué dans le cadre du service actif. Les enseignements tirés du passé ont toutefois conduit à soumettre de tels engagements à des conditions draconiennes, réunies dans

158

Sauf en ce qui concerne la fourniture de prestations au sens de l'OEMC, cf. ch. 2.3.2.3.5.5.

159 Art. 76 LAAM

4215

une ordonnance160. Les principales concernent le niveau de formation des unités engagées: les missions en question sont confiées prioritairement à du personnel de la Séc mil spécialement formé et disposant d'un équipement adéquat; l'engagement d'autres troupes requiert l'aval du Conseil fédéral. Les cantons peuvent demander la mise en place d'un service d'ordre à la Confédération.

2.3.2.3.5

Cadre juridique de l'engagement de troupes pour assurer la sécurité intérieure

Les troupes engagées en cas de catastrophe ou qui fournissent des prestations de sécurité (principalement en assurant la protection d'infrastructures critiques) interviennent dans le cadre d'un service d'appui pour maîtriser une situation extraordinaire au sens de l'art. 1, al. 3, let. b., LAAM. De tels engagements dans le domaine de la sécurité intérieure sont désignés engagements subsidiaires de sûreté. En vertu de l'art. 4 OPPB, le Conseil fédéral nomme le commandant, chargé de la conduite et de la coordination des troupes mises sur pied et attribuées aux cantons, qui en assument la responsabilité. Le DDPS détermine les rapports généraux de subordination.

Lorsque la police n'est pas en mesure d'affronter seule une grave menace sur la sécurité intérieure, elle peut bénéficier du soutien de l'armée, qui intervient pour préserver la tranquilité et l'ordre publics en vertu de l'art. 1, al. 3, let. a, LAAM. Les troupes engagées effectuent alors un service d'ordre, qui entre dans le cadre du service actif. Lorsqu'elles sont attribuées aux cantons, ceux-ci peuvent en déterminer la mission, conformément à l'art. 83, al. 3, LAAM. Elles doivent disposer d'une instruction et d'un équipement adaptés à leur mission. A l'heure actuelle, seules les formations de la Séc mil peuvent être engagées directement. L'intervention d'autres troupes suppose que celles-ci aient été préalablement instruites au service d'ordre, ce qui n'est possible qu'avec l'approbation du Conseil fédéral (art. 2, al. 2, OSO).

Dans son rapport sur la politique de sécurité, le Conseil fédéral a rappelé que les engagements de l'armée en soutien des autorités civiles doivent rester dans le cadre du principe de subsidiarité. Nous avons déjà évoqué le cas spécial de l'intervention fédérale au sens de l'art. 52, al. 2, Cst.

Dans certaines situations, il pourra s'avérer nécessaire (de prévoir) de mettre sur pied des troupes aussi bien pour protéger des infrastructures critiques que pour assurer un service d'ordre. Il s'agira dans ce cas de déterminer si l'on doit ordonner le service actif pour une partie des troupes seulement, le reste effectuant un service d'appui, ou s'il faut ordonner le service actif pour l'ensemble des troupes, par mesure de prévention.

Il convient enfin d'ajouter que la LAAM prescrit l'élection d'un général en cas de
levée importante de troupes (art. 85 LAAM), sans préciser ce qu'il faut entendre par là. Le caractère important ou non d'une telle levée doit donc être déterminé de cas en cas. Le général élu le cas échéant assume la responsabilité de l'engagement et de la conduite des troupes. Un engagement subsidiaire de l'armée est dès lors exclu.

160

Ordonnance du 3 septembre 1997 sur le recours à la troupe pour assurer le service d'ordre (OSO), RS 513.71.

4216

Selon le rapport sur l'armée 2010, l'armée doit être en mesure d'engager jusqu'à 35 000 militaires simultanément pour appuyer les autorités civiles161. Même si rien n'indique actuellement qu'une telle mesure sera un jour nécessaire, il convient néanmoins d'en définir le cadre juridique. Celui-ci varie selon la mission. En tous les cas, seul le Parlement peut ordonner la mise sur pied de 35 000 militaires. Les compétences policières des militaires seront clarifiées lors de la révision de la loi sur l'usage de la contrainte.

2.3.2.3.6

Autres tâches de soutien de l'armée

2.3.2.3.6.1

Moyens de surveillance avec appui aérien

Aux termes de l'art. 181, al. 2, LSIA162, les autorités civiles peuvent demander à l'armée d'engager des moyens de surveillance avec appui aérien (drones ou hélicoptère dotés d'un système FLIR ­ Forward Looking Infrared) pour les assister dans leurs tâches de police et de surveillance des frontières, dans des opérations de recherche et de sauvetage en cas de catastrophe naturelle ou encore pour surveiller le trafic et les manifestations potentiellement violentes. L'armée peut décider seule de fournir ces prestations de nature purement technique. Les engagements revêtant une portée politique particulière doivent obtenir l'aval du DDPS. L'intervention de l'armée est régie par l'ordonnance réglant l'engagement de moyens militaires dans le cadre d'activités civiles et d'activités hors du service (OEMC)163. Elle se fait selon le principe suivant: l'armée met à la disposition des autorités civiles les moyens qui manquent à ces dernières. Il serait économiquement absurde que le Cgfr ou des corps de police par exemple se dotent de leurs propres moyens de surveillance appuyés par les airs. Les modalités sont réglées par des conventions administratives et par des contrats de prestations164. Le DDPS adresse chaque année aux commissions de la politique de sécurité un rapport sur ces engagements.

2.3.2.3.6.2

Engagements radio de l'armée

Parmi les moyens utilisés pour la protection de l'Etat, citons encore l'exploration radio en tant que base d'aide au commandement de l'armée (BAC)165, qui peut être sollicitée par les services autorisés de la Confédération et des cantons166. La BAC 161

162 163 164

165

166

Dans l'arrêté fédéral du 29 septembre 2010 relatif au rapport sur l'armée 2010, déjà cité (FF 2011 7021), il est question d'utiliser le gros des forces de l'armée pour les engagements subsidiaires. Encore faudrait-il s'assurer que cela soit compatible avec l'obligation de servir; cf. les commentaires de R.J SCHWEIZER sous ch. 3.2.1.2.

Loi fédérale du 3 octobre 2008 sur les systèmes d'information de l'armée; RS 510.91.

RS 513.74 (section 4 pour les interventions aériennes).

Pour les corps de police: convention administrative DDPS ­ CCDJP ­ ISP du 31 mai 2007; pour le Cgfr: convention administrative entre le DDPS et le DFF et accords de prestations entre l'Etat-major de l'armée et le commandement central du Cgfr.

Concernant la légalité et l'efficacité du système d'exploration radio «Onyx», voir le rapport du 9 novembre 2007 de la Délégation des commissions de gestion des Chambres fédérales et, dans ce rapport, l'avis de droit du 31 août 2004 de l'OFJ concernant la conformité de l'interception de communications à l'étranger avec la convention européenne des droits de l'homme (CEDH).

En vertu de l'ordonnance du 15 octobre 2003 sur la conduite de la guerre électronique (OGE), RS 510.292.

4217

contribue également à la sécurité intérieure, dans la mesure où l'OFCOM peut faire appel à ses services pour l'assister dans la surveillance des fréquences radio et identifier la présence éventuelle de perturbateurs167. La BAC exploite différents moyens de diffusion des informations, parmi lesquels figurent les installations de radiodiffusion de la Confédération en cas de crise168.

2.3.2.3.6.3

Prestations de soutien de la Séc mil

Conformément à l'art. 100 LAAM, la Séc mil exécute dans le domaine de l'armée, en Suisse et à l'étranger, des tâches en matière de police de sécurité, de police criminelle et de police de circulation. Les contrôles de militaires dans les gares font partie des interventions effectuées par la police militaire. Lors d'accidents de la circulation impliquant des véhicules militaires et civils, un constat est dressé par la police civile ou la police militaire (le plus souvent par les deux à la fois) à l'intention des organes d'enquête militaires (supérieurs hiérarchiques, justice militaire). La collaboration entre organes de police militaire et civile se fait selon une approche pragmatique qui a fait ses preuves.

Lors d'engagements au titre du service d'appui ou du service actif, la Séc mil intervient en premier ressort, en assumant des mandats de protection et/ou en formant d'autres troupes (art. 101, al. 2, LAAM). C'est à elle que reviennent les missions de contre-espionnage et de lutte contre le sabotage lors de la mise sur pied de troupes.

L'engagement des deux formations de milice de la Séc mil se fait uniquement dans le cadre d'un service d'appui ou d'un service actif. Le détachement de protection du Conseil fédéral (DPCF) protège les membres de la magistrature (il intervient à titre supplétif, cette fonction revenant normalement à la police civile responsable, sur mandat du service fédéral de sécurité)169. Le service de sécurité de la police militaire (SSPM) complète les prestations des organes civils de lutte contre l'espionnage et les actes de sabotage. Par ces prestations, la police militaire permet de garantir un niveau suffisant dans la capacité d'intervention des polices cantonales.

La Séc mil se compose de formations professionnelles et de soldats de milice. Les forces des quatre régions PM (formations professionnelles) assument pour l'armée, dans leur région de compétence, les tâches relevant de la police de circulation, de la police criminelle et de la police de sûreté.

Ces formations sont complétées par les services spéciaux, qui comptent deux formations professionnelles et deux formations de milice. Les deux formations de milice sont le DPCF et le SSPM.

Ces deux formations disposent chacune d'un détachement de professionnels: le DPCF peut demander l'appui du dét spéc PM, le SSPM
celui du dét contrR PM.

Dans le cadre de la réorganisation de l'armée, le détachement spécial de la PM a été soumis au commandement des forces spéciales suisses (KSK). Lors des interventions visant à défendre la sécurité intérieure, le détachement spécial de la PM est 167 168

Cf. art. 11 OGE et art. 26 de la loi sur les télécommunications (RS 784.10).

Système IBBK (Information der Bevölkerung durch den Bundesrat in Krisen mit Radio ­ informations radiophoniques du Conseil fédéral à la population en temps de crise). Le système mobile IFASS (Integriertes Funkaufklärungs- und Sendesystem ­ système intégré d'exploration et d'émission radio) peut également être utilisé dans de tels cas.

169 Cf. ch. 3.2.2.

4218

subordonné au Commandement Séc mil, le seul à disposer des compétences de police requises dans l'armée.

L'art. 100 LAAM énumère l'ensemble des tâches qu'assume la Séc mil170. Selon cet article, ­

elle apprécie la situation militaire en matière de sécurité;

­

elle veille à la protection d'informations et d'objets militaires, ainsi qu'à la sécurité informatique;

­

elle exécute dans le domaine de l'armée des tâches en matière de police criminelle et de police de sûreté;

­

elle prend, lorsque l'armée est mise sur pied pour un service de promotion de la paix, un service d'appui ou un service actif, des mesures préventives pour assurer la sécurité de l'armée contre l'espionnage, le sabotage et d'autres activités illicites et procède à la recherche de renseignements;

­

lorsque ses membres sont convoqués pour un service d'appui ou un service actif, elle assure la protection des personnes qui exercent la charge de conseiller fédéral, de chancelier de la Confédération ainsi que celle d'autres personnes.

Le domaine de compétences limité de la Séc mil ne pourrait être étendu sans une modification de la loi, même si l'al. 3 délègue au Conseil fédéral la réglementation détaillée de ses tâches et de son organisation et la définition de la collaboration avec les organes civils de sécurité. Cette délégation ne permet pas au Conseil fédéral de modifier les compétences définies par la loi.

Le champ de compétences de la Séc mil tel qu'il est défini à l'art. 100 ne peut pas non plus être élargi sur la base de l'art. 101 LAAM. L'art. 101, al. 1 prévoit la possibilité de créer des formations professionnelles (comme la Séc mil) pour un certain nombre de tâches que des formations de milice ne sont pas en mesure d'exécuter. Ces tâches sont les suivantes: ­

sauvegarde de la souveraineté sur l'espace aérien et les transports et sauvetage au moyen d'aéronefs militaires;

­

préparation de la disponibilité opérationnelle d'installations de conduite civiles et d'installations militaires;

­

tâches en matière de police criminelle et de police de sûreté dans le domaine de l'armée;

­

missions de sauvetage, d'exploration, de combat et de protection qui exigent une disponibilité immédiate ou une formation spéciale.

L'al. 3 prévoit toutefois une restriction importante, en précisant que les membres de la Séc mil qui effectuent ces tâches interviennent en tant que personnel militaire.

Combiné avec l'art. 47, al. 4, LAAM, déjà commenté au ch. 2.3.2.3.4.2, cet alinéa équivaut à une interdiction de principe pour la Séc mil de fournir des prestations à d'autres services en-dehors du service d'appui171.

170 171

Sont réservées celles qui entrent dans le cadre du service d'appui.

Le message relatif à Armée XXI précise que «les domaines [en question] requièrent toujours la collaboration de personnel civil» (FF 2002 816 836); on ne saurait toutefois en conclure que l'ensemble du personnel engagé peut se composer de civils.

4219

Si nous mentionnons ici la Séc mil, c'est parce qu'elle joue un rôle supplétif important, par les renforts qu'elle peut fournir aux corps de police ou au SRC lorsque ceux-ci manquent d'effectifs. Le statut du personnel de la Séc mil engagé au profit du SRC et les modalités de cet engagement seront précisés dans la future loi sur le service de renseignement. Il est prévu de compléter l'art. 100 LAAM dans ce sens.

Les modalités détaillées sont en cours d'élaboration et devraient inclure au niveau de la loi une disposition formelle réglant l'armement du personnel engagé (cf. art. 7 LUsC).

2.3.2.3.6.3.1

Engagement de la Séc mil hors service d'appui au profit d'autres unités de la Confédération

L'engagement de formations de l'armée, en particulier de la Séc mil au profit d'autres services fédéraux (les services de renseignements p. ex.) est envisagée depuis plusieurs années. Pour que ce projet se réalise, il faudra rendre possible l'engagement des forces de la Séc mil en-dehors du service d'appui, tout en les maintenant sur le plan organisationnel rattachées à l'armée, pour laquelle elles accomplissent leur mission centrale. Le dét contrR PM a toujours paru être le mieux à même de remplir cette fonction.

Bien qu'on puisse envisager d'incorporer des membres de la Séc mil dans d'autres services, la préférence a toujours été donnée à la création d'une structure qui soit organisationnellement proche du service d'appui, tout en s'en distinguant par le fait que son intervention ne nécessiterait pas l'aval du Conseil fédéral ou du Parlement, comme l'exigent pour le service d'appui les art 67 ss LAAM. Pour pouvoir déroger à l'art. 47, al. 4, LAAM, il faudrait considérer les membres des formations professionnelles engagées non plus comme des militaires, mais comme des employés civils de la Confédération. Comme montré au chiffre précédent, l'art. 101, al. 3, LAAM, combiné avec l'art. 47, al. 4, ne permet pas à la Séc mil de fournir des prestations à d'autres services de la Confédération en dehors du cadre du service d'appui172.

La relation entre la loi sur l'usage de la contrainte (LUsC) et la LAAM n'est pas claire dans le cas d'une intervention de la Séc mil au profit d'autres services de la Confédération, en particulier si l'on considère l'art. 2, al. 2, LUsC, qui stipule que ladite loi ne s'applique à l'armée que lorsque cette dernière intervient en Suisse au profit d'autorités civiles de la Confédération en qualité de service d'appui. Une extension du champ d'application à l'ensemble des engagements de l'armée est à l'étude. Il resterait à préciser la structure de commandement, pour éviter toute ambiguïté à ce sujet173.

172

Le message relatif à Armée XXI précise que «les domaines [en question] requièrent toujours la collaboration de personnel civil» (FF 2002 816 836); on ne saurait toutefois en conclure que l'ensemble du personnel engagé peut se composer de civils.

173 Cf. art. 71 LAAM, qui précise que la structure de commandement est déterminée de cas en cas pour le service d'appui.

4220

2.3.2.3.6.3.2

Détachement de protection du Conseil fédéral (DPCF)

Le DPCF, qui se compose de policiers civils, est (co)responsable de la protection des conseillers fédéraux et d'autres magistrats. Le DPCF n'a effectué que peu d'engagements jusqu'ici, en dehors du cadre d'exercices, et a soulevé diverses interrogations concernant son engagement lors des services d'appui. Il convient de mentionner ici la question Lang174, dans laquelle il est demandé au Conseil fédéral ce qu'il pense du reproche formulé à l'encontre du détachement chargé de sa protection, selon lequel ce dernier priverait les cantons de spécialistes chargés de protéger les personnalités au moment même où ils en auraient le plus besoin. Le Conseil fédéral a répondu le 24 novembre 2004 dans les termes suivants: «Le détachement chargé de la protection du Conseil fédéral, engagé dans le cadre de ses tâches militaires ordinaires lors de situations particulières ou exceptionnelles, est composé de membres de corps de police civils. Si ce détachement de protection devait subsidiairement être engagé en faveur d'autorités civiles, cela pourrait occasionner un certain dilemme. Ces policiers manqueraient certes dans les corps de police, mais ils seraient rassemblés dans une formation homogène, qui peut être commandée facilement et avec souplesse. L'autorité civile responsable des engagements doit se prononcer pour ou contre l'option du «détachement de protection du Conseil fédéral». En cas d'engagements civils qui auraient lieu en même temps qu'un cours de répétition, les membres du détachement de protection du Conseil fédéral seraient dispensés du service militaire ou seraient mis en congé.» Un débat de fond a eu lieu au printemps 2011 au sein de la CCDJP, concernant les travaux menés par le groupe de travail «manque d'effectifs policiers», pour déterminer si le DPCF ne devrait pas également prêter assistance aux autorités civiles à l'avenir. Le 7 avril 2011, date de son assemblée de printemps, la CCDJP est parvenue à la conclusion qu'il n'était pas admissible que les policiers cantonaux chargés de protéger les personnalités soient formés dans le cadre du DPCF, tout en interdisant à celui-ci d'intervenir en faveur des cantons au nom du principe de subsidiarité.

Ce d'autant que les membres du DPCF qui interviennent pour protéger des personnalités le font en tant que policiers civils. Les conditions permettant
une intervention à titre subsidiaire ne sont donc jamais réunies. A titre d'exemple, la CCDJP avait demandé au Conseil fédéral d'autoriser l'intervention du DPCF dans le cadre de la conférence du Bilderberg qui s'est tenue du 8 au 12 mai 2011. Le Conseil fédéral avait rejeté la demande au motif que la condition de subsidiarité n'était pas remplie.

Sur la base de ce constat, le mécanisme de consultation et de coordination du Réseau national de sécurité (MCC RNS) a chargé en juin 2011 le comité de pilotage de formuler des propositions concernant l'avenir du DPCF. Le comité n'a pas encore rendu son rapport.

A propos de l'avenir du DPCF justement, il convient de se demander si ce dernier pourrait assumer d'autres fonctions, en plus de sa mission de formation, étant donné que les membres de ce détachement qui effectuent un service d'appui manquent à la police de leur canton, ce qui peut justement amener ce dernier à solliciter l'intervention du DPCF.

174

04.1114, Lang Josef: Offre active de service de l'armée.

4221

2.3.2.3.6.4

Assistance matérielle de l'armée

Deux ordonnances autorisent l'armée à fournir une assistance exclusivement matérielle: l'ordonnance du 1er juin 1994 concernant le remise de matériel technique et de véhicules spéciaux du Service de sécurité de l'armée à des tiers175 et l'OEMC176, 177.

La première règle la remise de véhicules spéciaux et de matériel d'observation et d'écoute de l'administration militaire et de l'armée. L'OEMC ne se limite pas au domaine de la sécurité intérieure, mais règle l'ensemble des prestations (en personnel et en matériel) pouvant être fournies, à certaines conditions, à des autorités civiles ou à des acteurs privés178.

2.3.2.4

Protection de la population et protection civile

La législation sur la protection civile, qui inclut la protection des personnes et des biens en cas de conflit armé, relève de la Confédération, conformément à l'art. 61, al. 1, Cst. L'al. 2 de l'article confère également à la Confédération la compétence de légiférer sur l'intervention de la protection civile en cas de catastrophe et dans les situations d'urgence. Ainsi, la Confédération dispose dans le domaine de la protection civile d'une compétence législative globale avec effet dérogatoire subséquent.

La Confédération a fait usage de sa compétence en matière de protection civile dans les limites fixées à l'art. 61 Cst., en élaborant la LPPCi, entrée en vigueur en 2002179. La faible latitude laissée à la Confédération transparaît dans le fait que cette loi ne contient que neuf articles sur la protection de la population (art. 2 à 10 LPPCi), qui se résument pour l'essentiel à une délimitation de cette compétence et à une définition de la collaboration avec les organisations partenaires (police, corps des sapeurs-pompiers, services de la santé publique, services techniques, services de la protection civile), de la compétence des cantons. En ce qui concerne la protection civile, la Confédération règle les droits et obligations des personnes astreintes à la protection civile, l'instruction, les installations d'alarme et systèmes télématiques et les ouvrages de protection.

175

176

177

178 179

RS 510.419; en application de l'art. 62, al. 1, de l'ancienne loi sur l'organisation du gouvernement et de l'art. 10, al. 3, de l'arrêté du 19 mai 1971 du Conseil fédéral concernant le service de sécurité de l'armée.

Ordonnance du 8 décembre 1997 réglant l'engagement de moyens militaires dans le cadre d'activités civiles et d'activités hors du service, RS 513.74; en application de l'art. 150, al. 1, LAAM.

Cf. aussi ordonnance du 6 juin 2008 sur les interventions de la protection civile en faveur de la collectivité, OIPCC, RS 520.14. Selon l'art. 6, al. 1, OIPCC, «la Confédération fournit gratuitement, selon ses disponibilités, le matériel d'armée nécessaire pour compléter l'équipement de base de la protection civile». Selon l'art. 6, al. 2, OIPCC, «Si le demandeur a besoin de matériel d'armée supplémentaire, il doit en faire la requête séparément auprès de la Base logistique de l'armée. La remise de ce matériel et l'accord sur la rémunération de droit privé sont régis par les instructions ad hoc du DDPS».

Cf. art. 2 OEMC.

Loi fédérale du 4 octobre 2002 sur la protection de la population et sur la protection civile; RS 520.1.

4222

S'appuyant sur l'art. 75, al. 1, LPPCi, le Conseil fédéral a édicté notamment l'OPCi180, l'OIPCC181 et l'OAMP182. L'art. 75, al. 3, LPPCi prévoit que «l'exécution incombe pour le surplus aux cantons».

Les installations d'alarme et systèmes télématiques, indispensables pour assurer la gestion des crises et la préservation de la sécurité intérieure, comprennent le système POLYALERT de sirènes destiné à alarmer la population et le système de réseau radio POLYCOM. Les compétences et le financement relatifs au système POLYALERT, que les cantons doivent mettre en place d'ici à 2015, sont régis par la LPPCi et par l'ordonnance sur l'alarme (OAL). Le réseau radio suisse de sécurité POLYCOM, qui devrait être achevé d'ici à fin 2013 à l'intention des autorités et des organisations chargées du sauvetage et de la sécurité (AOSS), et qui se fonde sur le rapport et l'arrêté du Conseil fédéral du 21 février 2001, est lui aussi régi par la LPPCi. Le financement de POLYCOM et les compétences en la matière s'articulent selon une structure fédéraliste.

2.3.2.4.1

Protection de la population

La protection de la population a pour but de protéger la population et ses bases d'existence en cas de catastrophe, en situation d'urgence ou en cas de conflit armé, ainsi que de limiter et de maîtriser les effets d'événements dommageables (art. 2 LPPCi). Les services qui en ont la charge assurent la coordination de la conduite, de la protection, du sauvetage et de l'aide lors de tels événements, afin d'en limiter les conséquences. La protection de la population est un système coordonné, organisé de manière modulaire, et comprenant les organisations de première intervention (police, sapeurs-pompiers et services de la santé, dont les premiers secours), auxquels les services techniques et la protection civile peuvent prêter main forte. On parle de protection de la population lorsque l'événement est d'une gravité telle qu'il nécessite l'intervention des différentes organisations partenaires et la mise sur pied d'un étatmajor chargé d'en coordonner l'action.

Les cantons sont les premiers responsables de la protection de la population. C'est à eux qu'il incombe notamment de prendre les mesures nécessaires en cas de catastrophe ou en situation d'urgence. La Confédération définit les grands principes de la protection et veille à la coordination des interventions. Elle prend des mesures particulières dans certains cas: augmentation de la radioactivité, accident dans un barrage, épidémie, épizootie, conflit armé. En accord avec les cantons, elle assure la coordination et, le cas échéant, la conduite en cas d'événements touchant plusieurs cantons, l'ensemble de la Suisse ou une région étrangère limitrophe (art. 5, al. 1, LPPCi).

Les mesures prises au titre de la protection de la population (à des fins de sauvetage, d'assistance, d'information de la population, etc.) contribuent à la sécurité intérieure au sens large, en atténuant les conséquences des catastrophes et des crises et en facilitant le retour à la normale. Parmi ces mesures qui influent directement sur la 180 181

Ordonnance du 5 décembre 2003 sur la protection civile; RS 520.11.

Ordonnance du 6 juin 2008 sur les interventions de la protection civile en faveur de la collectivité; RS 520.14.

182 Ordonnance du 5 décembre 2003 concernant l'appréciation médicale des personnes astreintes à servir dans la protection civile; RS 520.15.

4223

sécurité intérieure, on trouve la prise en charge des personnes victimes d'événements graves (p. ex. accueil des personnes ayant fui le Kosovo lors du conflit de 1999).

2.3.2.4.2

Protection civile

La protection civile a pour mission première de protéger la population, d'assister les personnes en quête de protection, d'appuyer les organes de conduite et les autres organisations partenaires et de protéger les biens culturels. Elle effectue également des travaux de remise en état et des interventions en faveur de la collectivité.

La protection civile joue un rôle particulier dans le système de protection de la population, étant donné qu'elle est la seule organisation partenaire à figurer dans la constitution et qu'elle repose sur l'obligation de servir (art. 11 LPPCi). La protection civile est la seule organisation civile qui soit préparée, en cas d'événements graves et persistants, à soutenir, renforcer ou décharger durablement les autres organisations.

2.3.2.5

Tâches de sécurité en matière de douanes et de surveillance des frontières

L'AFD possède un corps armé et en uniforme, le corps des gardes-frontière (Cgfr), et un corps en civil, la douane civile. Tous deux ont dans une large mesure la même mission et les mêmes compétences, à la différence près que la douane civile contrôle principalement l'entrée en Suisse des marchandises, tandis que le Cgfr contrôle le trafic de voyageurs et applique les mesures ordonnées par l'AFD. En plus du corps des gardes-frontière, l'AFD dispose des quelque 140 spécialistes civils des services d'antifraude douanière. Dotée d'une structure décentralisée, cette organisation est la principale autorité de poursuite pénale au niveau fédéral, du point de vue de ses effectifs, après la Police judiciaire fédérale. Les services d'antifraude douanière appliquent les mêmes principes que cette dernière, notamment dans la poursuite des infractions graves commises en matière de fiscalité indirecte. Ils collaborent par ailleurs étroitement avec les autres polices au niveau national et international (par l'intermédiaire d'Europol notamment).

Les tâches de l'AFD sont réglées aux art. 94 à 99 de la LD183, en relation avec les objectifs de la loi fixés à l'art. 1 LD. En effet, l'AFD ne se contente pas de percevoir des impôts et des redevances; elle veille à l'application, dans le cadre de la LD, de plus de 150 lois et ordonnances ayant des implications douanières ou non douanières. La LD se fonde sur les articles suivants de la constitution: art. 57, al. 2 (sécurité), art. 101 (politique économique extérieure), art. 121, al. 1 (séjour et établissements des étrangers) et art. 133 (droits de douane). Les tâches de l'AFD se répartissent grossièrement en deux catégories: les tâches fiscales et économiques et les tâches de contribution à la sécurité.

183

Loi du 18 mars 2005 sur les douanes; RS 631.0.

4224

2.3.2.5.1

Tâches fiscales et économiques

L'AFD fournit à la Confédération une part appréciables de ses revenus (2010: 23 milliards de francs) et contribue à la prospérité de l'économie suisse. Sur la base des art. 94 et 95 elle accomplit les tâches suivantes: ­

Perception de redevances: parmi les redevances perçues, on trouve les droits de douane, la TVA à l'importation, les impôts sur les huiles minérales, les automobiles, le tabac et la bière, les droits de monopole sur les alcools à l'importation, les taxes d'incitation (COV/CO2) et les redevances sur le trafic des poids lourds et pour l'utilisation des routes nationales.

­

Tâches économiques: celles-ci comprennent notamment la surveillance de l'importation, de l'exportation et du transit de certaines marchandises, une contribution à la protection de l'agriculture (gestion des contingents) ainsi qu'à l'approvisionnement économique, la protection des marques, des indications géographiques de provenance, des droits du design et des droits d'auteur et l'établissement de la statistique du commerce extérieur.

2.3.2.5.2

Contribution à la sécurité et poursuite pénale

L'AFD contribue à la sécurité en mettant en oeuvre un certain nombre de dispositions non douanières. Ainsi, dans la pratique, elle assume la surveillance du trafic transfrontalier de marchandises et de personnes, à l'exception des contrôles de personnes dans les aéroports, qui sont également effectués par les cantons (au sens de l'art. 9, al. 1 de la loi sur les étrangers, les cantons sont compétents pour exercer le contrôle des personnes sur leur territoire. L'al. 2 prévoit cependant que le Conseil fédéral règle le contrôle des personnes par la Confédération dans la zone frontalière en accord avec les cantons frontaliers. Selon l'art. 23, al. 2 de l'ordonnance sur l'entrée et l'octroi de visas, le Cgfr effectue le contrôle des personnes aux frontières soit dans le cadre de ses tâches ordinaires, soit en application des accords conclus entre le Département fédéral des finances et les cantons). Les art. 95 et 96 LD l'habilitent à remplir des tâches de sécurité dans l'espace frontalier en coordination avec la police de la Confédération et des cantons afin de contribuer à la sécurité intérieure du pays et à la protection de la population. Dans ce cadre, elle accomplit les tâches suivantes:

184

­

Lutte contre les opérations illégales par des contrôles à la frontière ou dans l'espace frontalier. Cette mission inclut la lutte contre la criminalité transfrontalière et l'immigration illégale (p. ex. par la recherche de personnes, de véhicules ou d'autres objets), ainsi que la lutte contre la contrebande de stupéfiants et la falsification de documents, tout ceci en application des directives Schengen relatives aux contrôles de personnes184.

­

Protection de la population et de l'environnement. Cette mission inclut notamment les mesures visant à préserver la santé, comme le contrôle des denrées alimentaires entrant en Suisse, la protection des animaux, des plan-

Les modifications survenues dans le déroulement des contrôles depuis l'entrée en vigueur de l'Accord d'association à Schengen sont décrites au ch. 5.2 du rapport du Conseil fédéral sur l'Administration fédérale des douanes du 26 janvier 2011.

4225

tes et des espèces, le contrôle du trafic des marchandises dangereuses, des substances radioactives ou toxiques ainsi que des déchets.

­

Prestations de sécurité. Celles-ci comprennent notamment le contrôle du trafic de matériel de guerre et d'armes ainsi que de marchandises utilisables à des fins civiles et militaires, de même que des substances explosibles, l'observation des prescriptions sur la circulation routière lors de l'entrée et de la sortie, l'exécution des mesures d'embargo.

2.3.2.5.3

Etendue des compétences originaires de l'AFD

L'étendue des compétences de l'AFD est réglée dans les actes législatifs pertinents.

Elle peut varier largement. Dans la plupart des cas, elle se limite à une compétence de contrôle, de constatation d'éventuelles infractions ainsi qu'au devoir de dénonciation aux autorités compétentes. L'AFD prend par ailleurs les mesures de sûreté nécessaires. Mais dans d'autres cas, ses compétences vont beaucoup plus loin: Ainsi, lorsqu'elle agit en tant qu'autorité de poursuite pénale en application de la législation douanière ou d'actes législatifs autres que douaniers qui lui attribuent de telles compétences, l'AFD applique la procédure prévue dans la loi sur le droit pénal administratif (DPA)185.

Voici deux autres exemples de compétences plus étendues: L'art. 23 OEV186, en relation avec l'art. 9, al. 2 de la LEtr187 prévoit que le Cgfr effectue le contrôle des personnes aux frontières soit dans le cadre de ses tâches ordinaires, soit en application des accords conclus entre le DFF et les cantons en vertu de l'art. 97 LD. L'ODM peut par ailleurs habiliter les organes de contrôle à la frontière à établir et notifier la décision de refus d'entrée et de renvoi à l'aéroport (art. 23, al. 2 OEV). Les cantons peuvent quant à eux habiliter le Cgfr à établir et notifier la décision de renvoi informel au sens de l'art. 64 LEtr (art. 23, al. 3 OEV).

L'art. 4 OCCR188 habilite quant à lui l'AFD à contrôler, en même temps que le contrôle douanier, le permis de conduire, le permis de circulation et les plaques de contrôle, l'état des conducteurs, le respect de la durée du travail, de la conduite et du repos, l'état technique général des véhicules, les dimensions et les poids, le transport de marchandises dangereuses, l'interdiction de circuler le dimanche et la nuit, l'assurance-responsabilité civile pour véhicules automobiles, le respect des prescriptions relatives au transport de voyageurs et à l'admission des transporteurs routiers.

Dans le cadre de ces contrôles, l'AFD peut ordonner les mêmes mesures que les organes cantonaux de police; elle peut ainsi par exemple effectuer des contrôles d'alcoolémie des conducteurs. L'art. 4, al. 3 OCCR l'habilite également à interdire aux conducteurs de reprendre la route189.

185 186 187 188 189

Le service antifraude douanière poursuit en particulier les infractions commises par métier.

Ordonnance du 22 octobre 2008 sur l'entrée et l'octroi de visas; RS 142.024.

Loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers; RS 142.20.

Ordonnance du 28 mars 2007 sur le contrôle de la circulation routière; RS 741.013.

Dans le cadre du message concernant la Via sicura, le programme d'action visant à renforcer la sécurité routière (FF 2010 7703), il est par ailleurs prévu de modifier la loi sur les amendes d'ordre (RS 741.03), de manière à permettre au DFF d'autoriser l'AFD à percevoir des amendes d'ordre. Le DFF informe les cantons à ce sujet et conclut avec eux une convention dans ce sens.

4226

Toutes ces tâches sont considérées comme des tâches originaires190 de l'AFD, dont la loi autorise l'exécution sur l'ensemble de l'espace douanier suisse, autrement dit sur l'ensemble du territoire suisse191. Par souci d'efficacité synergétique, elles sont cependant accomplies uniquement dans le cadre d'un processus douanier ou en lien avec le trafic transfrontalier, sous la forme par exemple de contrôles aux postesfrontière, dans les zones frontalières, dans les trains, dans les bureaux de poste ou dans les entreprises.

2.3.2.5.4

Collaboration avec les cantons192

2.3.2.5.4.1

Généralités

Cela fait maintenant plusieurs décennies que l'AFD a conclu des accords de collaboration avec les cantons limitrophes. Cette collaboration vise à renforcer la sécurité du pays par une exploitation optimale des synergies, en confiant au personnel des douanes des tâches supplémentaires qu'il peut accomplir en même temps que sa mission spécifique193.

Les conventions entre l'AFD et les cantons frontaliers reposent sur l'art. 97 LD.

Dans l'optique de l'entrée en vigueur de l'Accord d'Association à Schengen Dublin, la CCDJP et le DFF ont élaboré une convention modèle de manière à régler le plus uniformément possible le cadre de leur coopération. Outre les principes de collaboration, la convention règle les domaines de collaboration (voir ch. 2.3.2.5.4.2). La CCDJP a dans ce contexte prévu d'autoriser aussi les cantons non frontaliers à déléguer certaines tâches au Cgfr, notamment sur les lignes ferroviaires internationales194. Les principes de la collaboration ont par ailleurs été précisés et approuvés dans le cadre de la plateforme CCDJP-AFD du 21 mai 2008 ainsi qu'à l'Assemblée extraordinaire de la CCDJD du 10 novembre 2008.

Les cantons sont libres de décider dans quelle mesure ils souhaitent déléguer des tâches. Les conventions conclues jusqu'à présent ne délèguent aucun nouveau domaine à l'AFD; elles portent uniquement sur des domaines dans lesquels le doit fédéral lui attribue déjà une compétence de constatation des infractions à la frontière ainsi que dans l'espace frontalier. La délégation prévoit que, dans les cas mineurs, l'AFD n'est pas tenu de transmettre le cas à la police mais peut les liquider directe190

191

192

193 194

Par tâches originelles (ou originaires) ­ par opposition aux tâches déléguées par les cantons ­ on entend le large éventail des tâches que le droit fédéral (plus de 150 lois et ordonnances) attribue directement à l'Administration des douanes, puisque ces tâches peuvent être remplies en même temps que les tâches douanières au sens étroit. Dans ce contexte particulier, on distinguera la notion de tâche originaire telle qu'appliquée ici de celle de tâches originaires telles qu'on les entend dans la note de bas de page 53.

Selon l'art. 4 de l'ordonnance sur le contrôle de la circulation routière (OCCR; RS 741.013), les bureaux de douane et le corps des gardes-frontières ne peuvent contrôler que les véhicules et les conducteurs qui entrent en Suisse ou qui en sortent.

Ce chapitre s'inspire largement des ch. 1.3 et 5.2.2 du rapport du Conseil fédéral du 26 janvier 2011 sur l'Administration fédérale des douanes, dont il reprend certains éléments (Corps des gardes-frontière et douane civile).

En 1964, les cantons frontaliers ont délégué au Cgfr les contrôles de personnes aux frontières (circulaire du DFJP du 14 mai 1964).

Circulent sur ces lignes les trains qui franchissent la frontière ou qui partent d'une gare frontalière. Un contrôle douanier dure bien plus longtemps que le temps d'arrêt du train à la frontière. On admet donc que le Cgfr puisse intervenir dans une «zone frontalière élargie».

4227

ment, sur la base de la convention pertinente, par une dénonciation ou une amende.

Ces activités déléguées de l'AFD se fondent sur l'art. 44, al. 1 (collaboration entre la Confédération et les cantons) et 57, al. 2 (sécurité) de la Constitution fédérale, ainsi que sur l'art. 97 LD (transfert de tâches de police cantonales dans l'espace frontalier).

Dans ce contexte, il est intéressant de noter que plusieurs compétences qui reposaient autrefois exclusivement sur une délégation de compétences par les cantons, tel que le contrôle des personnes aux frontières (voir note de bas de page 188) ont, au cours des dernières années, été insérées explicitement dans la législation fédérale, en tant que compétence du Cgfr. La compétence du Cgfr de procéder au contrôle des étrangers p.ex. repose aujourd'hui explicitement sur l'art. 23 OEV, en relation avec l'art. 9, al. 2 LEtr. Ces développements dénotent la volonté du législateur fédéral d'ancrer ­ dans les lois fédérales ­ certaines compétences qu'il souhaite voir relever de l'AFD. Sans doute conscient du problème de répartition des compétences entre Confédération et cantons dans le domaine policier, le législateur prévoit toutefois, dans certains cas du moins, que ces tâches sont effectuées avec l'accord des cantons.

A noter que malgré l'insertion de ces compétences dans la législation fédérale, certaines d'entre elles figurent quelquefois dans les conventions, ce qui donne l'impression qu'elles devaient être déléguées à l'AFD par les cantons.

2.3.2.5.4.2

Domaines de collaboration et tâches déléguées

Comme indiqué plus haut, la délégation des tâches permet à l'AFD de régler ellemême dans certains domaines les cas d'infractions simples qu'elle constate, le cas échéant en les dénonçant ou en les réprimant d'une amende. Cette solution fait gagner du temps et de l'argent à tous les partenaires: les polices cantonales n'ont pas à s'informer des détails de chaque cas, l'agent de l'AFD ne doit pas attendre l'arrivée de la police et peut directement rédiger son rapport (qu'il devrait établir de toute manière) sous la forme d'une dénonciation, tandis que l'auteur de l'infraction doit attendre moins longtemps (notamment lorsqu'il est puni d'une amende).

La convention modèle énumère les domaines dans lesquels ces tâches peuvent être déléguées (il s'agit dans tous ces cas de domaines réglés par la législation fédérale).

Il s'agit des domaines suivants: ­

recherche de personnes, de véhicules ou d'autres objets;

­

infractions à la législation sur les étrangers (entrée illégale en Suisse ou départ illégal de Suisse; séjour illégal; exercice illégal d'une activité rémunérée; activité de passeur; utilisation de documents faux ou falsifiés ou utilisation abusive de documents authentiques);

­

infractions à la loi sur les stupéfiants (pour de très faibles quantités);

­

infractions à la législation sur les armes (port d'armes ou d'éléments d'armes);

­

infractions à la législation sur la circulation routière (conduite en état d'ébriété, conduite sans permis ou avec un permis inapproprié, immatriculation échue, non-respect des dispositions en matière de travail et de repos, transport illégal de marchandises dangereuses, violation de l'interdiction de

4228

conduire le dimanche ou la nuit, conduite d'un véhicule de taille ou de poids excessif, présence d'un dispositif signalant les radars); ­

infractions aux dispositions protégeant les champignons et les plantes;

­

infractions à la législation sur la chasse et la pêche;

­

infractions aux règlements de police sur la navigation.

La plupart des conventions cantonales mentionnent tous ces domaines. Aucune ne délègue toutefois à l'AFD des tâches appartenant à d'autres domaines.

Les conventions cantonales varient à l'inverse fortement pour ce qui est de l'organisation de ces tâches et de l'étendue de leur délégation.

Ainsi, s'il est clair d'une part que ces tâches sont exclusivement assumées à la frontière ou dans l'espace frontalier, la définition de ce dernier peut cependant varier d'un canton à l'autre ­ expression de l'autonomie cantonale en matière de sécurité intérieure195. En outre, selon les intérêts des cantons, ces tâches sont assumées plus ou moins intensément dans le trafic ferroviaire et le trafic aérien.

Par ailleurs, l'étendue des tâches déléguées varie grandement d'un canton à l'autre.

Certains cantons prévoient dans leur convention dans la plupart des cas une remise à la police, ce qui rend la convention presque superflue, si ce n'est pour régler la coopération et la coordination sur le terrain entre police cantonale et collaborateurs de l'AFD. D'autres cantons permettent à l'AFD (Cgfr ou/et service civil) d'encaisser des amendes d'ordre, de percevoir des sûretés pour l'amende ou les frais, de procéder à un interrogatoire, de faire une dénonciation ou encore de prendre des mesures de contrainte (comme p.ex. éloignement, refus de poursuite de la route ou séquestre d'un bien).

2.3.2.6

Sécurité des entreprises de transports publics

Dans les transports publics, ce sont avant tout les organes de sécurité au sens de la LOST entrée en vigueur le 1er octobre 2011 qui assument les tâches de sécurité. Les organes de sécurité consistent soit en une police des transports aux tâches et compétences élargies et bénéficiant d'une formation adéquate, soit en un service de sécurité, éventuellement confié à des organisations privées; une combinaison des deux solutions est envisageable (par ex. un service de sécurité et, en complément, l'acquisition de prestations de police des transports). En outre, les autorités de police cantonales et communales assument également des tâches de sécurité, notamment dans des domaines pour lesquels les organes de sécurité ne disposent d'aucune compétence, par exemple pour l'arrestation de personnes196. Pour ce qui est de la réglementation de la collaboration avec les autorités de police, l'OOST197 impose aux entreprises de transports de conclure avec celles-ci une convention écrite, qui précise également la délimitation des tâches, par exemple dans les gares.

195

Il peut parfois couvrir un large territoire du canton. C'est le cas par exemple dans le canton des Grisons. Dans le cas de Bâle-Ville, l'espace frontalier s'étend à tout le canton.

196 Cf. art. 4, al. 3, LOST.

197 Ordonnance du 17 août 2011 sur les organes de sécurité des entreprises de transports publics, RS 745.21.

4229

Le Parlement a délégué au Conseil fédéral la décision d'autoriser ou non les membres des organes de sécurité des entreprises de transports publics à porter une arme à feu dans l'exercice de leurs fonctions. Dans l'OOST, le Conseil fédéral prévoit la possibilité de doter d'une arme à feu les membres de la police des transports. Le personnel des services de sécurité, qui en vertu de la loi dispose de moins de pouvoirs que la police des transports, a interdiction de porter une arme à feu, mais peut disposer du même équipement que celui utilisé jusqu'à présent par la Securitrans SA (liens, matraques et bâtons de défense, sprays au poivre et chiens). Il appartient ainsi aux entreprises de transports responsables de se prononcer pour ou contre le port d'armes à feu.

Bien que la LOST ne limite guère les compétences des autorités de police198, certaines tâches de sécurité relevant d'habitude de leur seule compétence ne sont pas accomplies en priorité par ces dernières, mais par les organes de sécurité. Les bases constitutionnelles de cette réglementation sont notamment deux monopoles de la Confédération, à savoir le monopole des infrastructures ferroviaires et la régale du transport de voyageurs (art. 87 et 92 Cst.). Font notamment partie du monopole des infrastructures ferroviaires la construction et l'exploitation de voies ferrées, de tunnels, de stations et de gares199. La régale du transport de voyageurs comprend le transport régulier et professionnel de voyageurs par chemin de fer, par route, sur l'eau, par installation à câbles, par ascenseur et par d'autres moyens de transport guidés le long d'un tracé fixe200. Selon la doctrine, l'existence de normes constitutionnelles non écrites n'est pas contestée. Plus particulièrement en rapport avec la nouvelle LOST, les cantons ont cependant contesté la compétence implicite de la Confédération d'édicter des prescriptions relatives à la police des transports.

Dans le prolongement de la loi fédérale concernant la police des chemins de fer201, abrogée par la LOST, le législateur fédéral a décidé que la LOST obligerait les entreprises concessionnaires à assumer des tâches de sécurité dans ces domaines, ce qui correspond à un mandat de protection découlant de la relation contractuelle.

L'accomplissement de ces tâches reste toutefois soumis à la condition qu'il
n'entre pas en conflit avec les tâches générales de police. En matière de sécurité des transports publics, la LOST contient dès lors une réglementation différenciée: alors que les pouvoirs des services de sécurité se limitent à des mesures plus légères telles l'interpellation, le contrôle et l'exclusion de personnes du transport, la police des transports est également habilitée à arrêter provisoirement des personnes interpellées et à confisquer des objets. Ces personnes et ces objets doivent être remis le plus rapidement possible aux autorités de police.

Le transfert de compétences policières ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour garantir durablement une exploitation sûre des transports publics de voyageurs.

La portée et la nature des tâches de sécurité se limitent aux prestations nécessaires à la protection des passagers, des employés et des biens transportés, et à la garantie d'une exploitation dans les règles. Les tâches de la police des transports ou des services de sécurité viennent ainsi en complément des attributions des cantons visant à garantir la sécurité publique.

198

Cf. ch. 3.6 du rapport du 3 novembre 2009 de la Commission des transports et des télécommunications du Conseil national au sujet de l'initiative parlementaire LOST; FF 2010 821, pp. 827 s.

199 Art. 5 et 18 ss LCdF.

200 Art. 1, al. 2, LTV.

201 RO 3 422 et RS 7 27; AS 1958 335, RO 1986 1974.

4230

2.3.2.7

Sécurité du transport aérien

Par sûreté aérienne (security), on entend la protection contre les actes illicites, notamment les attentats terroristes ou les détournements d'avion. Les mesures de sûreté doivent empêcher l'introduction, au sein des aéroports et des avions, d'armes, d'explosifs, de substances dangereuses ou tout autre objet susceptible de porter préjudice à l'aviation civile. Cette notion de sûreté aérienne se distingue de celle de sécurité aérienne (safety), qui comprend les mesures visant à garantir la fiabilité technique et opérationnelle de tous les acteurs de l'aviation civile.

2.3.2.7.1

Aéronefs et aéroports

Les mesures de sûreté dans les aéronefs et dans les aéroports sont régies, en Suisse, par divers actes législatifs fédéraux (loi sur l'aviation, LA202; ordonnance sur l'aviation, OSAv203; ordonnance du DETEC sur les mesures de sûreté dans l'aviation, OMSA204, lesquels se fondent sur les prescriptions internationales de l'organisation internationale de l'aviation civile, OACI)205 et de l'Union européenne.

En application de ces règles, l'Office fédéral de l'aviation civile (OFAC) édicte le «programme national de sûreté de l'aviation» (PNSA), lequel établit une stratégie complète en matière de sûreté. L'OFAC est assisté dans cette tâche par le Comité national de sûreté de l'aviation, qui se compose de représentants de cet office, de fedpol, des polices cantonales compétentes ainsi que des exploitants des aéroports et des entreprises suisses de transport aérien concernés.

La mise en oeuvre des mesures de sûreté incombe, en premier lieu, aux exploitants d'aéroports et aux entreprises de transport aérien, qui sont tenus d'élaborer un programme de sûreté. Si l'état de la menace l'exige, la sûreté à bord des aéronefs suisses peut être assurée par des gardes de sécurité provenant des corps de police cantonaux ou municipaux, du corps des gardes-frontières ou de la sécurité militaire («Tigers»). Des gardes de sûreté issus des mêmes corps sont aussi susceptibles d'effectuer des missions de surveillance dans certains aéroports à l'étranger («Fox»).

Ces missions Tiger/Fox sont décrites plus en détail ci-dessous, au ch. 3.2.4.

La sûreté des aéroports en Suisse est généralement assurée par les polices cantonales des cantons sur le territoire desquels les aéroports sont situés. Ainsi les polices cantonales zurichoise et genevoise disposent chacune d'une «unité aéroport» chargée notamment de missions de police des migrations (contrôle des passagers à l'entrée et à la sortie), de police criminelle et de police de sécurité du site aéroportuaire et des bâtiments de l'aéroport.

202 203 204

Loi fédérale du 21 décembre 1948 sur l'aviation; RS 748.0.

Ordonnance du 14 novembre 1973 sur l'aviation; RS 748.01.

Ordonnance du DETEC du 20 juillet 2009 sur les mesures de sûreté dans l'aviation; RS 748.122.

205 Convention de Chicago du 7 décembre 1944 relative à l'aviation civile internationale; RS 0.748.0.

4231

2.3.2.7.2

Espace aérien

Assurer la sûreté de l'espace aérien consiste à veiller à ce que les vols annoncés se déroulent conformément aux règles de l'OACI, à identifier les appareils non coopératifs, ainsi qu'à prendre des mesures contre l'utilisation non autorisée de l'espace aérien suisse par des avions militaires étrangers. Ce domaine est régi, pour l'essentiel, par l'OSS206. L'accomplissement de ces tâches est effectué en collaboration par Skyguide («Société Anonyme Suisse pour les Services de la Navigation Aérienne civils et militaires») et les Forces aériennes. Skyguide est chargée du contrôle et de la gestion du trafic aérien civil. Les Forces aériennes assument quant à elles le service de police aérienne, qui inclut la surveillance passive permanente (24 h sur 24, 7 jours sur 7) de l'espace aérien grâce au système de radar FLORAKO, ainsi que l'assistance aux aéronefs en difficulté, l'interception d'avions qui violent gravement les règles du trafic ou la souveraineté sur l'espace aérien et le contrôle des aéronefs d'Etats étrangers qui requièrent pour le survol du territoire suisse une «diplomatic clearance» (art. 4 OSS).

Il peut s'avérer nécessaire de restreindre l'utilisation de l'espace aérien pour assurer la protection de manifestations de grande envergure. Le Sommet de la francophonie, qui s'est tenu à Montreux du 20 au 24 octobre 2010 nous servira d'exemple pour illustrer l'imbrication complexe des compétences dans ce domaine207. Le Conseil fédéral peut restreindre l'usage de l'espace aérien de manière autonome en se fondant sur l'art. 7 LA. Il doit néanmoins pouvoir bénéficier du service d'appui de l'armée de l'air. Pour assurer la protection de l'événement, plus de 2000 militaires ont en tout été nécessaires, puisque les cantons ont fait appel à des troupes au sol pour venir en renfort à la police. En conséquence, les Chambres fédérales ont dû donner leur aval à cet engagement subsidiaire de sûreté. L'armée a donc soutenu le DETEC à titre subsidiaire avec des moyens aériens et les cantons de Vaud et de Genève avec des troupes au sol208.

2.3.2.8

Poursuite pénale et entraide judiciaire209

2.3.2.8.1

Juridiction cantonale

2.3.2.8.1.1

Sources du droit en général

La réglementation des compétences matérielles et fonctionnelles dans le domaine de la juridiction pénale figure en premier lieu dans la Constitution fédérale: l'art. 123 Cst. dispose d'une part que la législation en matière de procédure pénale relève de la compétence de la Confédération (al. 1) et d'autre part que l'organisation judiciaire et l'administration de la justice sont du ressort des cantons (al. 2). Des prescriptions plus précises concernant la délimitation des compétences cantonales et fédérales de poursuite pénale sont fournies par les art. 22 à 28 CPP.

206

Ordonnance du 23 mars 2005 sur la sauvegarde de la souveraineté sur l'espace aérien; RS 748.111.1.

207 Message: FF 2010 2173, arrêté fédéral: FF 2010 6285.

208 Autres engagements de l'armée au cours des dernières années: EURO 2008, Sommet du G8 de 2003 à Evian. Au sujet de ces engagements, voir le rapport du Conseil fédéral à l'intention de l'Assemblée fédérale «Examen des objectifs de l'armée», FF 2008 2193.

209 N. Schmid, Handbuch des schweizerischen Prozessrechts, éditions Dike SA, Zurich/ Saint-Gall 2009, § 29 à 31, 34 et 35.

4232

2.3.2.8.1.2

Juridiction cantonale originelle et déléguée

En vertu de l'art. 191a Cst., les compétences en matière de poursuite et de jugement des infractions prévues par le droit fédéral sont attribuées aux cantons lorsqu'elles ne sont pas explicitement dévolues à la Confédération par une loi fédérale. L'art. 22 CPP confirme cette règle. La plupart des infractions les plus fréquentes tombant sous le coup du CP sont donc poursuivies par les cantons.

En vertu de l'art. 25 CPP, le Ministère public de la Confédération peut transférer (déléguer) aux autorités cantonales l'instruction et le jugement des affaires de droit pénal qui relèvent de la juridiction fédérale en vertu des art. 23 et 24 CPP, à l'exception des affaires pénales visées à l'art. 23, al. 1, let. g, CPP.

2.3.2.8.1.3

Compétence matérielle et fonctionnelle des autorités pénales cantonales

Lorsque la juridiction cantonale est établie, les cantons désignent en vertu de l'art. 14 CPP les autorités habilitées et astreintes à exercer les pouvoirs découlant du CP, en tenant compte des dispositions des art. 12 à 21 CPP.

2.3.2.8.2

Juridiction fédérale

2.3.2.8.2.1

Délimitation entre la juridiction fédérale au sens étroit et au sens large

Le principe fondamental attribuant aux cantons l'organisation judiciaire et l'administration de la justice en matière de droit pénal (art. 123, al. 2, Cst., indirectement art. 191a Cst.) connaît diverses restrictions. Des exceptions au profit de la Confédération sont prévues en premier lieu aux art. 23 et 24 CPP. C'est ainsi qu'en raison de leur compétence en matière de crime organisé (art. 260ter CP) et de financement du terrorisme (art. 260quinquies CP), les autorités de poursuite pénale de la Confédération peuvent ouvrir des instructions visant à lutter contre les organisations terroristes. On parle alors de juridiction fédérale au sens étroit du terme.

De plus, d'autres domaines de la justice pénale ­ outre les infractions visées aux art. 23 et 24 CPP ­ relèvent de la Confédération en vertu de lois spéciales (cf. l'art. 23, al. 2, CPP). On peut considérer que ces domaines relèvent de la juridiction fédérale au sens large du terme.

2.3.2.8.2.2

Juridiction fédérale au sens étroit

Les cas relevant de la juridiction fédérale au sens étroit énumérés aujourd'hui aux art. 23 et 24 CPP étaient mentionnés pour partie dans l'ancienne Constitution fédérale (par ex. à l'art. 114 en ce qui concerne les délits politiques) et, sous une forme plus précise, aux art. 336 et 337 CP. L'art. 23 CPP correspond à l'ancien art. 336 CP qui énumérait toutes les infractions relevant, pour la plupart depuis toujours, de la juridiction fédérale (services de renseignement prohibés, emploi d'explosifs dans un dessein délictueux, atteintes à des personnes protégées en vertu du droit international 4233

public ou infractions commises par des employés de la Confédération en violation de leurs devoirs de fonction). Cet article attribuait à la juridiction fédérale ces actes pour l'essentiel de nature politique ou mettant en péril les intérêts de la Confédération. En revanche, l'art. 24 CPP est de plus grande portée. Contrairement à la compétence classique de la Confédération telle qu'elle découle de l'art. 23 CPP, l'art. 24 CPP ­ anciennement art. 340bis, puis art. 337 CP ­ fonde la nouvelle juridiction fédérale instituée au 1er janvier 2002 dans le cadre du projet dit «d'efficacité» visant à renforcer la lutte contre la criminalité (ProjEff), et attribue à la compétence obligatoire de la Confédération le blanchiment d'argent, la corruption et les crimes des organisations criminelles lorsque les actes délictueux ont été commis essentiellement à l'étranger, ou dans plusieurs cantons sans qu'il y ait de prédominance évidente dans l'un d'entre eux. De plus, l'article en question soumet la criminalité économique transfrontalière à la juridiction fédérale subsidiaire et facultative.

2.3.2.8.3

Compétence pour les premières investigations

Lorsque les autorités pénales de la Confédération ne sont pas encore intervenues, l'art. 27, al. 1, CPP habilite les autorités cantonales à mener les premières investigations et l'instruction dans les cas relevant de la juridiction fédérale au sens des art. 23 ou 24 CPP. A l'inverse, en cas d'infractions commises, en tout ou partie, dans plusieurs cantons ou à l'étranger et pour lesquelles la compétence de la Confédération ou d'un canton n'est pas encore déterminée, les autorités pénales de la Confédération peuvent procéder aux premières investigations.

2.3.2.8.4

Entraide judiciaire en matière pénale

2.3.2.8.4.1

Entraide judiciaire nationale

Les art. 43 à 53 CPP règlent l'entraide judiciaire en matière pénale que s'accordent les autorités pénales de la Confédération et des cantons (art. 43, al. 1, CPP). Est réputée entraide judiciaire toute mesure requise par une autorité en vertu de la compétence qu'elle exerce dans le cadre d'une procédure pénale pendante (art. 43, al. 4, CPP). Les règles fixées concernent non seulement le soutien que s'accordent mutuellement les autorités pénales, mais également celui dû par d'autres autorités (par ex. des organes administratifs) de la Confédération, des cantons et des communes. Est exclu du champ d'application de l'art. 43 CPP le soutien dû par les autorités pénales à d'autres autorités de la Confédération, des cantons et des communes.

2.3.2.8.4.2

Entraide judiciaire internationale

En vertu de l'art. 54, al. 1, Cst., l'entraide judiciaire internationale relève de la Confédération. Elle est principalement régie par l'EIMP210, de nombreux traités internationaux (par ex. le Deuxième Protocole additionnel à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale) et certaines lois fédérales particulières adoptées parallèlement à ces textes. Le CPP précise à son art. 54 la primauté de 210

Loi du 20 mars 1981 sur l'entraide pénale internationale; RS 351.1.

4234

ces normes de droit fédéral. La procédure d'entraide judiciaire étant largement réglée dans l'EIMP, le CPP se limite à régler les compétences pour le traitement des demandes dans les cantons, notamment en ce qui concerne la «petite» entraide judiciaire (art. 63 ss EIMP), la délégation de la poursuite pénale (art. 85 ss EIMP) et la délégation de l'exécution pénale (art. 94 ss EIMP).

En vertu de l'art. 17 EIMP, les autorités de poursuite pénale de la Confédération sont plus particulièrement compétentes pour l'exécution de l'entraide pénale internationale au profit de procédures étrangères pour les infractions énumérées aux art. 23 et 24 CPP.

Le 18 mars 2011, l'Assemblée fédérale a approuvé l'accord conclu entre la Suisse et l'UE afin de fixer les grandes lignes de la coopération entre la Suisse et l'autorité judiciaire européenne Eurojust, dont la mission principale est de faciliter l'entraide judiciaire internationale et l'exécution des demandes d'extradition, ainsi que de coordonner les autorités judicaires nationales dans la lutte contre la grande criminalité. Cet accord est entré en vigueur le 22 juillet 2011211.

2.3.2.9

Coopération policière internationale

Par coopération policière, on entend toutes les formes d'interaction entre organes de la police de sécurité et de la police judiciaire appartenant à divers Etats ou à diverses collectivités publiques. La coopération peut ainsi prendre la forme d'un échange de personnel, de matériel et de connaissances spécialisées, d'interventions de police communes ou encore de l'échange de données personnelles. La coopération policière vise la promotion des tâches de la police, telles que la prévention des risques pour la sécurité publique, l'élimination des perturbations ainsi que l'élucidation et la poursuite d'infractions. Elle comprend la coopération bilatérale par le biais d'accords policiers internationaux, la coopération multilatérale dans le cadre des organisations internationales (par. ex. Interpol, l'ONU, l'OSCE, le Conseil de l'Europe), la mise en oeuvre et le développement de l'association de la Suisse à Schengen et la coopération avec l'UE en général (par ex. Europol, CEPOL). Fedpol envoie par ailleurs des attachés de police à l'étranger et entretient des contacts avec les attachés étrangers présents en Suisse. Enfin, Genève et Chiasso sont dotées de Centres de coopération policière et douanière (CCPD).

Les informations communiquées par les canaux de police (Interpol, Europol, etc.)

peuvent également être directement utilisées dans la procédure pénale, à l'exception de celles impliquant l'emploi de moyens de contrainte: pour ces dernières, la voie de l'entraide judiciaire s'impose (art. 75a EIMP).

Pour lutter efficacement contre les diverses formes de criminalité internationale, la Suisse dispose d'une panoplie d'instruments qui reposent sur les trois piliers que sont la coopération bilatérale, la coopération euro-régionale et la coopération globale.

211

RS 0.351.6

4235

2.3.2.9.1

Activités policières transfrontalières

En principe, les activités de police exercées sur un territoire étranger sont proscrites par le droit international public. La loi sanctionne l'activité officielle des fonctionnaires de police suisses à l'étranger (art. 299 CP). A l'inverse, le droit national prévoit une sanction pour les fonctionnaires de police étrangers qui auront violé la souveraineté territoriale de la Suisse (art. 271 CP).

Ce principe connaît toutefois des exceptions. Le droit et la pratique prévoient en effet plusieurs mesures de police transfrontalières, telles les groupes d'investigation conjoints ou les formes conjointes d'intervention (par ex. lors de manifestations importantes)212. Ces mesures ont pour bases juridiques des accords de police bilatéraux, l'acquis de Schengen et le Deuxième Protocole additionnel à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale (ce dernier texte, qui traite d'entraide judiciaire, sert de base pour des actions de police judiciaire)213.

2.3.2.9.2

Coopération globale

Fondée en 1923, l'Organisation internationale de police criminelle (Interpol), qui réunit aujourd'hui 190 membres, constitue pour la Suisse la principale organisation internationale de police au niveau global. Interpol remplit quatre fonctions principales: la diffusion d'informations de police judiciaire au niveau mondial, l'exploitation de banques de données, le soutien opérationnel aux Etats membres ainsi que l'entraînement et la formation.

La coopération entre la Suisse et Interpol se fonde sur les art. 350 à 353 CP ainsi que sur l'ordonnance Interpol du 1er décembre 1986214. En Suisse, l'Office fédéral de la police assume les tâches d'un bureau central national Interpol, conformément à l'art. 350 CP. Dans cette fonction, fedpol transmet les informations relevant de la police criminelle entre les autorités fédérales et cantonales de poursuite pénale d'une part, et les bureaux centraux nationaux d'autres Etats et le Secrétariat général d'Interpol d'autre part, aux fins de poursuivre des infractions, d'assurer l'exécution de peines et de mesures ou de prévenir des infractions (art. 350 et 351, al. 1 et 2, CP).

Les autorités de police des cantons peuvent comparer et traiter des données échangées par le biais d'Interpol pour localiser une personne recherchée ou identifier une personne inconnue (art. 354 CP).

2.3.2.9.3

Coopération bilatérale

Depuis 1995, la Suisse s'est employée à négocier des accords avec nos Etats voisins en vue de consolider et de développer la coopération transfrontalière en matière de policière et judiciaire. Rapidement, en 1998 et 1999, la Suisse a conclu des accords 212

Cf. notamment l'accord du 28 mai 2003 entre la Confédération suisse et la République française relatif à la coopération entre les deux Etats à l'occasion du Sommet d'Evian, RS 0.360.349.2.

213 Pour plus de détails, cf. M. Gamma, Die grenzüberschreitende Observation durch die Polizei, in: Peters Dreiblatt, Berne 2010, pp. 445­460.

214 RS 351.21

4236

de coopération policière avec tous les pays limitrophes215. Dès 2003, elle a également conclu des accords bilatéraux en matière de police avec certains Etats de l'Europe de l'Est et de l'Europe du Sud-est216. Ces accords ont été négociés dans le cadre de stratégies de la coopération policière internationale définissant, sur la base d'une analyse de menace, des pays prioritaires du point de vue du développement de la criminalité en Suisse.

Le contenu de ces accords bilatéraux diffère suivant que ceux-ci ont été conclus avec les pays limitrophes ou avec les Etats d'Europe centrale et méridionale. Les accords avec les Etats voisins reflètent le besoin des cantons limitrophes et de l'administration fédérale des douanes d'instaurer une coopération étroite avec ceux-ci et permettent ainsi des mesures transfrontalières comme la poursuite, l'observation transfrontalière, des patrouilles mixtes, etc. Hormis l'entraide judiciaire en matière pénale (extradition y compris) et les attributions du Corps des gardes frontière et des douanes, les objets à régler dans les accords de coopération policière avec les Etats voisins relèvent dans une large mesure de la compétence des cantons. De même que l'AFD, ceux-ci ont été étroitement associés aux négociations avec les Etats voisins217.

Les accords avec les Etats d'Europe de l'Est et du Sud-est ne vont pas aussi loin.

Leur but est d'intensifier la coopération avec des pays prioritaires au-delà des possibilités offertes par Interpol. Ces accords ne modifient pas la situation sur le plan des compétences attribuées aux cantons dans le domaine de la police, puisque leurs dispositions concernent essentiellement l'échange d'informations entre les autorités centrales218.

2.3.2.9.4

Coopération euro-régionale

L'Office européen de police (Europol, European Police Office), actif depuis le 1er juillet 1999, est l'autorité européenne de poursuite pénale chargée de la prévention et de la lutte contre le crime international organisé. La Suisse et Europol ont conclu un accord de coopération qui est entré en vigueur le 1er mars 2006219. Cet accord permet l'échange d'informations stratégiques et opérationnelles et de 215 216

217

218

219

Cf. messages du Conseil fédéral du 14 décembre 1998, FF 1999 1311 ss, du 24 novembre 1999, FF 2000 806 ss et du 7 décembre 2007, FF 2008 205 ss.

La liste de ces accords figure au Recueil systématique, RS 0.360.123.1 à 0.360.743.1.

Le 27 mars 2009, la Suisse a par ailleurs conclu avec la Bulgarie, État avec lequel il n'existait pas d'accord bilatéral de coopération policière, une déclaration d'intention (Memorandum of Understanding, MoU) traitant de soutien en matière de coopération policière. Cet instrument non contraignant vise en particulier à intensifier la coopération entre les deux pays dans le cadre d'Interpol et Europol.

Voir par exemple le message concernant divers accords de coopération policière et judiciaire avec l'Allemagne, ainsi qu'avec l'Autriche et le Liechtenstein, FF 2000 806 859. Les cantons ont aussi été étroitement associés à la révision de l'accord de coopération policière avec la France entre 2005 et 2007.

Voir le message du 1er février 2006 concernant les accords avec l'Albanie et la Macédoine sur la coopération policière en matière de lutte contre la criminalité, FF 2006 2127 2141, et le message du 1er février 2006 concernant l'accord avec la Roumanie sur la coopération policière en matière de lutte contre la criminalité, FF 2006 2167 2180 s.

Accord du 24 septembre 2004 entre la Confédération suisse et l'Office européen de police, RS 0.362.2. Le 1er janvier 2008, le mandat de l'accord a été étendu à 25 domaines de la criminalité (échange de lettres des 7 mars 2006 et 22 novembre 2007 entre la Suisse et l'Office européen de police Europol, RS 0.362.21).

4237

connaissances spécifiques. Le mandat de coopération s'étend actuellement à 25 domaines de la criminalité, dont le terrorisme, la traite des êtres humains, le trafic de drogue et certaines formes de criminalité économique.

Outre l'Office fédéral de la police et d'autres autorités administratives fédérales, les polices cantonales profitent également de la collaboration mise en place dans le cadre d'Europol. Les informations qu'elles transmettent ou reçoivent par l'entremise d'Europol doivent passer par l'Office fédéral de la police, qui assume le rôle de point de contact suisse dans le cadre d'Europol et, à ce titre, centralise les flux d'informations.

L'accord de Schengen, conclu en 1985, favorise la libre circulation des personnes en supprimant les contrôles systématiques d'identité aux frontières intérieures de l'UE.

Tous les membres de l'UE, à l'exception de la Grande-Bretagne, de l'Irlande, de Chypre, de la Roumanie et de la Bulgarie, participent à la coopération de Schengen.

La Norvège, l'Islande, la Suisse et la Principauté de Liechtenstein y sont pleinement associés en tant qu'États tiers. En dehors de la suppression des contrôles d'identité aux frontières intérieures et le renforcement des contrôles aux frontières extérieures, l'accord de Schengen de 1985 et sa convention d'application (CAAS) de 1990 ont en outre introduit des mesures destinées à garantir les standards de sécurité, notamment la modernisation des modalités d'échange d'informations sur les personnes et objets recherchés par le Système d'Information Schengen (SIS).

Le peuple suisse s'est prononcé le 5 juin 2005 en faveur de l'accord d'association à Schengen (AAS)220. Celui-ci est appliqué de manière formelle depuis le 12 décembre 2008, permettant ainsi de supprimer les contrôles systématiques d'identité aux frontières intérieures de l'espace Schengen. Le service national chargé des tâches opérationnelles gérant les données du SIS est le bureau SIRENE, rattaché à la Centrale d'engagement de fedpol. La loi du 12 juin 2009 sur l'échange d'informations entre les autorités de poursuite pénale de la Confédération et celles des autres Etats Schengen (LEIS)221 fixe des prescriptions de forme et de procédure devant être appliquées lors de l'envoi de requêtes et de réponses entre les services compétents des Etats Schengen.

Les cantons
jouent un rôle central dans l'exécution et l'application de Schengen. Par exemple, les polices cantonales sont, avec le Corps des gardes frontière, les principaux utilisateurs du système SIS si l'on considère le nombre de consultations. Étant donné que la coopération mise en place par Schengen touche les cantons dans leurs compétences essentielles (par ex. souveraineté en matière de justice et police), il a fallu mettre en place des mécanismes particuliers pour régler la collaboration entre les cantons et la Confédération. L'arrêté fédéral du 17 décembre 2004 sur l'approbation et la mise en oeuvre des accords bilatéraux conclus entre la Suisse et l'UE sur l'association à l'Espace Schengen et à l'Espace Dublin prévoyait ainsi que la Confédération et les cantons «définissent dans une convention [...] la participation des cantons à la mise en oeuvre et au développement de l'acquis de Schengen et de Dublin». Cette convention, qui se fonde sur la Constitution et la loi sur la participa-

220

Accord du 26 octobre 2004 entre la Confédération suisse, l'Union européenne et la Communauté européenne sur l'association de la Confédération suisse à la mise en oeuvre, à l'application et au développement de l'acquis de Schengen; RS 0.362.31.

221 Loi du 12 juin 2009 sur l'échange d'informations Schengen; RS 362.2.

4238

tion des cantons, a été signée le 29 septembre 2006222. Elle permet notamment à des représentants des cantons de participer directement aux séances, à Bruxelles, des comités mixtes et groupes de travail chargés de préparer les développements de l'acquis de Schengen qui touchent exclusivement ou partiellement des compétences cantonales. La représentation des cantons est assurée par la CdC, par l'entremise de son Organisation d'accompagnement de Schengen/Dublin (OASD). Cette participation directe des cantons aux négociations concernant le développement de l'acquis de Schengen constitue un mécanisme nouveau et à ce jour unique, qui fonctionne à satisfaction.

2.3.3

Droits des particuliers

Il appert de ce qui précède que le maintien de la sécurité et de l'ordre publics relève en principe de l'Etat. Dans une démocratie libérale, l'Etat ne prétend ni n'aspire à tout contrôler. C'est la raison pour laquelle la Constitution laisse aux particuliers la possibilité limitée de se prémunir eux-mêmes contre les dangers. Le principe de la responsabilité individuelle constitue la base de cette tolérance, que la Constitution reconnaît par la protection de la sphère privée (art. 13 Cst.) et la garantie de la propriété (art. 26 Cst.).

Tout un chacun dispose des droits à l'autoprotection et à la légitime défense (état de nécessité et légitime défense; art. 15 à 18 CP). Néanmoins, l'exercice de ces droits de protection n'est admissible qu'à de strictes conditions (exigence de la proportionnalité) et se limite à des agressions caractérisées ou à des situations de danger extraordinaires et imprévisibles. Les droits universels incluent encore le droit d'arrêter une personne inscrit dans le CPP (art. 218), de même que les justifications admises par le droit civil en vertu de l'art. 701 CC (atteinte à la propriété foncière de tiers en vue de prévenir un danger ou un dommage) et de l'art. 926 CC (protection de la possession)223.

Au-delà des droits de défense des particuliers tels que la loi les définit, le droit de domicile prévoit une dérogation importante au monopole de la puissance publique.

Le droit de domicile découle du droit au respect du domicile (art. 13, al. 1, Cst.) et de certaines dispositions constitutionnelles cantonales de plus grande portée en la matière, de certains droits à la propriété et à la possession définis par le CC, de la disposition pénale réprimant la violation de domicile (art. 186 CP), de même que de la protection de la personnalité consignée aux art. 27 et 28 ss CC. Le détenteur du droit de domicile est habilité à définir qui a le droit d'accéder à certains locaux224. Il peut faire respecter lui-même le droit de domicile par des mesures de protection des objets (contrôle interne et externe de propriétés foncières), par une interdiction d'accès et par l'expulsion de personnes non autorisées. Le droit de domicile et les pouvoirs qu'il confère peuvent être transférés par le détenteur du droit de domicile à d'autres personnes ou à des entreprises de sécurité privées225.

222

Convention entre la Confédération et les cantons relative à la mise en oeuvre, à l'application et au développement de l'acquis de Schengen et de Dublin, RS 362.1.

223 Cf. W. Kälin/A. Lienhard/J. Wyttenbach, Auslagerung von sicherheitspolizeilichen Aufgaben, in: RDS 126/2007 I.

224 Art. 186 CP.

225 A propos de la prévention des dangers par des entreprises de sécurité privées, cf. également ch. 2.3.4 ss.

4239

Alors que la police est chargée de la sécurité dans les espaces publics, le détenteur du droit de domicile dispose du pouvoir de se prémunir lui-même des dangers sur sa propriété privée. La situation est plus complexe en ce qui concerne les espaces semipublics, c'est-à-dire les propriétés privées accessibles au public, par exemple les stades, les parcs d'attraction et les centres commerciaux. La situation est similaire lorsque des particuliers organisent des manifestations importantes dans un espace public. Lorsque l'accès est libre et non réservé à un certain cercle de personnes, les compétences de la police rejoignent celles conférées par le droit de domicile en matière d'autoprotection. Dans de tels endroits accessibles au grand public, des mesures de sécurité peuvent être prises non seulement par les forces de police, mais également par les détenteurs du droit de domicile, ou par des personnes ou entreprises spécialisées mandatées par ces derniers (interdiction de stade, contrôle à l'entrée, fouille de sacs, protection des personnes et des objets, etc.). Les activités des particuliers ou des personnes et entreprises mandatées se limitent alors strictement aux tâches qu'ils sont autorisés à accomplir en vertu du droit de domicile et de leur droit de se prémunir. La délégation de tâches à des acteurs privés dans des espaces semipublics peut également se fonder sur le consentement donné par les visiteurs ou les utilisateurs du dispositif de sécurité. Dans de telles situations, il est néanmoins difficile d'établir une distinction absolue entre les domaines de compétences de la police et ceux des acteurs privés chargés de la prévention des dangers; toutefois, en principe, la police restreint les compétences dérivées du droit à l'autoprotection dans la mesure où elle prend elle-même les mesures de sécurité nécessaires en fonction de sa propre appréciation226.

2.3.4

Entreprises de sécurité privées

On désigne par entreprises de sécurité privées tous les fournisseurs de prestations non étatiques dans le domaine de la sécurité, quelle que soit leur forme organisationnelle. Il peut s'agir de particuliers exerçant une activité commerciale dans ce secteur, mais également de personnes morales ou de sociétés de personnes (sociétés en nom collectif ou sociétés en commandite). Les prestations privées dans le domaine de la sécurité englobent les activités classiques de protection, de gardiennage et de surveillance de personnes et de biens-fonds227. Sur le plan international, outre la sécurité des engagements humanitaires, on a surtout vu se développer durant les deux décennies écoulées des prestations de sécurité de nature militaire par lesquelles les fournisseurs soutiennent des belligérants. Sans un recours massif aux services de fournisseurs privés dans le domaine de la sécurité des bases arrières, des transports, de la logistique, des communications et des services de renseignement, les forces d'intervention n'auraient pu conduire leurs opérations militaires en Irak et en Afghanistan. Mais les prestations de sécurité privées jouent également un rôle croissant au plan interne. Les effectifs des corps de police ont certes connu une croissance régulière dans les cantons et les communes, mais rapportée à l'évolution démographique, cette croissance reste marginale et ne répond pas à la multiplication des tâches. Par exemple, les tâches liées à la lutte contre la criminalité, au contrôle 226

Cf. l'avis de droit de W. Kälin/A. Lienhard/J. Wyttenbach, Auslagerung von sicherheitspolizeilichen Aufgaben, in: RDS 126 / 2007 I; cf. également ch. 2.3.4.2.

227 L'art. 18, al. 3, de la loi fédérale concernant la redevance pour l'utilisation des routes nationales, entrée en vigueur le 1er décembre 2011, autorise même la délégation contractuelle de la poursuite pénale à des privés.

4240

des espaces publics et à la sécurité lors de grandes manifestations sont devenues bien plus nombreuses et complexes, de sorte que les autorités et les organisateurs privés se voient de plus en plus fréquemment contraints de recourir à des entreprises de sécurité privées en appui aux forces de police.

2.3.4.1

Monopole étatique de la puissance publique

L'un des éléments essentiels de l'Etat moderne est son monopole de la puissance publique. Selon la définition donnée par le droit international et le droit national, la qualité d'Etat requiert non seulement un territoire donné et une population résidente, mais encore l'exercice d'une véritable puissance souveraine228. La concentration actuelle de la puissance publique auprès de l'Etat est le résultat d'un processus historique qui a débuté au 17e siècle suite à la disparition des structures féodales du Moyen-âge et au développement de l'Etat-nation229.

En Suisse, le monopole de la puissance publique se déduit des constitutions de la Confédération et des cantons. Toutefois, des normes constitutionnelles explicites font défaut dans la Constitution fédérale et dans la plupart des constitutions cantonales. Le monopole de la puissance publique est malgré tout une condition de nombreuses compétences de la Confédération et des cantons dans les domaines de la sécurité intérieure et de la sécurité extérieure, de la politique extérieure, de l'application du droit et du maintien de l'ordre public. Sans monopole de la puissance publique, la Confédération ne pourrait conclure de traités internationaux car elle ne pourrait en garantir la mise en oeuvre. En matière pénale, un ordre juridique fonctionnel exige que seul l'Etat soit habilité à exercer la puissance publique, sauf quelques rares exceptions que constituent la légitime défense, l'état de nécessité et le droit d'arrêter une personne. En fin de compte, la garantie de la sécurité intérieure et extérieure, de même que le maintien de l'ordre dans les espaces publics dépendent également du monopole étatique de la puissance publique. Ce dernier représente donc une part consubstantielle du droit constitutionnel de la Confédération et des cantons (cf. ch. 2.2.3.4).

2.3.4.2

Délégation de tâches de sécurité à des acteurs privés

Le monopole étatique de la puissance publique ne signifie pas que la Confédération et les cantons ne puissent pas recourir à des acteurs privés pour l'accomplissement de tâches de sécurité. Ainsi, l'art. 178, al. 3, Cst. prévoit explicitement que des tâches administratives peuvent être confiées par la loi à des organisations et des personnes de droit public ou de droit privé, étrangères à l'administration fédérale.

En revanche, le monopole de la puissance publique n'autorise pas l'Etat à renoncer à son obligation élémentaire de régler et de contrôler le recours à la force dans les espaces privés et publics et de garantir la sécurité publique. En effet, l'Etat perdrait de sa souveraineté s'il se dispensait de sa tâche de maintien de la paix aux plans 228

Cf. W. Kälin/A. Lienhard/J. Wyttenbach, Auslagerung von sicherheitspolizeilichen Aufgaben, in: RDS 126/2007 I, pp. 3 à 18, spéc. pp. 3 et 13.

229 Cf. W. Kälin/A. Lienhard/J. Wyttenbach, Auslagerung von sicherheitspolizeilichen Aufgaben, in: RDS 126 / 2007 I, pp. 5 à 12. Durant l'Antiquité déjà existaient des ligues souveraines dotées d'une véritable puissance publique, par ex. l'Empire romain.

4241

interne et externe230. Contrairement à ce qui se passe dans le domaine des affaires économiques, l'Etat ne peut donc entièrement privatiser le maintien de la sécurité et de l'ordre publics, c'est-à-dire confier cette tâche au secteur privé231. Lorsque des acteurs privés recourent de façon licite à la force, ils le font sur mandat de l'Etat, ou sous contrôle étatique, ou encore ­ dans le domaine des droits des particuliers à la légitime défense ­ sur la base des motifs précisément définis par le législateur et qui autorisent un comportement interdit dans tous les autres cas.

Pour la fourniture de prestations de sécurité, l'Etat peut recourir à des acteurs privés de deux manières. Lorsque du personnel de sécurité privé est engagé dans des fonctions subalternes, c'est-à-dire lorsqu'il est étroitement surveillé par du personnel de l'Etat et qu'il ne dispose pas d'une propre marge d'action, il n'y a pas de transfert (délégation) de tâches étatiques à des acteurs privés. Dans de tels cas, le personnel de sécurité privé exerce une simple activité auxiliaire en faveur des services de l'Etat. Ces derniers ne renoncent pas à leurs tâches de sécurité232.

On se trouve en présence d'une délégation de prestations de sécurité à des acteurs privés lorsque l'Etat transfère des tâches de sécurité qui lui incombent à des acteurs privés sans abandonner sa responsabilité pour leur accomplissement efficace233. A la Confédération, de telles délégations jouent un rôle avant tout dans le domaine des affaires étrangères. Ainsi, le DFAE recourt à des entreprises de sécurité privées non seulement pour la surveillance de ses représentations diplomatiques et consulaires et des bureaux de coordination de la Direction de la coopération du développement (DDC) à l'étranger, mais également pour la protection des logements de fonction et des transports de son personnel sur place234. Une surveillance de cette nature est en effet nécessaire dans les Etats où la sécurité publique est insuffisamment garantie.

230

231

232

233

234

Cf. W. Kälin/A. Lienhard/J. Wyttenbach, Auslagerung von sicherheitspolizeilichen Aufgaben, in: RDS 126/2007 I, p. 77, avec des renvois détaillés à K. Eichenberger, Die Sorge für den inneren Frieden als primäre Staatsaufgabe, in: Der Staat der Gegenwart: Ausgewählte Schriften, Bâle 1980, pp. 73 ss et 94.

On parle d'une privatisation des tâches ou d'une privatisation totale lorsque l'Etat confie l'intégralité d'une tâche à des particuliers sans lui-même conserver une responsabilité quant à son accomplissement; W. Kälin/A. Lienhard/J. Wyttenbach, Auslagerung von sicherheitspolizeilichen Aufgaben, in: RDS 126/2007 I, p. 59.

Un exemple est fourni par l'engagement de particuliers, aux côtés des organes de police, pour le contrôle des personnes et des bagages dans les aéroports, lorsque ces particuliers surveillent les portiques magnétiques ou les installations de rayons X pour les bagages.

Lorsqu'un problème de sécurité surgit, les organes étatiques interviennent. A l'aéroport de Zurich-Kloten, les tâches de contrôle des passagers ne sont pas confiées à des particuliers, mais à des personnes engagées par la police cantonale et spécialement formées, sans avoir pour autant achevé une formation de police. A partir de 2012, ces personnes procéderont également au contrôle des passeports. En revanche, des particuliers sont engagés pour le contrôle des accès de la zone non sécurisée à la zone sécurisée de l'aéroport. Ils procèdent également à des contrôles de sécurité des employés de l'aéroport. L'aéroport de Zurich étant exploité par le secteur privé, ces activités ne constituent pas un appui à des organes étatiques, mais représentent un cas où des privés assument des tâches de sécurité dans un espace semi-public. Lorsque ces particuliers se limitent à un contrôle extérieur des personnes concernées, leur activité est couverte par le droit de domicile de l'exploitant de l'aéroport et le consentement des personnes contrôlées.

On parle dans ce cas d'une privatisation de l'accomplissement, cf. W. Kälin/ A. Lienhard/J. Wyttenbach, Auslagerung von sicherheitspolizeilichen Aufgaben, in: RDS 126/2007 I, p. 59.

Cf. la réponse du Conseil fédéral du 31 août 2005 à l'interpellation 05.3432 de la conseillère nationale Ursula Wyss «Entreprises de sécurité privées. Critères de sélection et implantation en Suisse».

4242

Lorsque ces tâches ne sont pas confiées à l'armée235, le recours à des acteurs privés est nécessaire pour que la Confédération soit présente dans les régions concernées et pour que la sécurité de son personnel soit assurée de façon adéquate.

En Suisse, le transfert de tâches de protection à des acteurs privés concerne avant tout le maintien de la sécurité dans des espaces semi-publics. La sécurité de tels espaces peut être confiée à un particulier soit parce qu'il en est le propriétaire, soit parce qu'il en est l'exploitant commercial, ce dernier cas de figure étant fréquent pour les stades ou les locaux dédiés aux activités culturelles. Ces espaces sont toutefois utilisés par le public dans un but donné236. Les organisateurs de grandes manifestations sportives ou culturelles sont confrontés à une propension croissante à la violence de la part du public. La police, qui en raison de ses moyens limités se concentre sur sa tâche essentielle de maintien de la sécurité dans les espaces publics, ne peut être présente à titre préventif dans les locaux en question. La garantie d'un contrôle efficace des entrées et le maintien de l'ordre durant la manifestation est en priorité de la responsabilité des organisateurs. Ces derniers recourent ainsi de plus en plus souvent à des entreprises de sécurité privées. Une délégation des tâches par la Confédération ou les cantons doit être prévue par la loi lorsque des interventions de fournisseurs privés de services de sécurité portent préjudice aux droits de la personnalité des utilisateurs d'espaces semi-publics et qu'elles ne sont autorisées ni par le consentement de ces derniers, ni par le droit des personnes à la légitime défense.

2.3.4.3

Bases juridiques et limites légales

Le maintien de la sécurité est une tâche publique relevant des autorités compétentes de la Confédération et des cantons. L'Etat est tenu, en vertu des droits fondamentaux et des droits de l'Homme, de protéger ses citoyens contre les actes de violence et de poursuivre les auteurs. Mais, à l'inverse, il ne peut le faire que dans le cadre défini par les droits fondamentaux et les droits de l'Homme. Ceux-ci sont garantis par la Constitution, mais aussi par diverses conventions internationales que la Suisse a ratifiées (notamment la CEDH et les Pactes ONU I et II). Ces conventions comportent des instructions et des valeurs fondamentales qui lient la Suisse et qui occupent une place importante dans son ordre juridique. Lorsqu'il assume son devoir de protection, l'Etat est souvent contraint de restreindre les droits fondamentaux et les droits de l'Homme, voire d'y déroger. Mais il ne peut le faire qu'à des conditions très strictes (respect du principe de proportionnalité, de l'interdiction de la discrimination et des garanties auxquelles on ne peut déroger même en état de nécessité, énumérées à l'art. 15 CEDH et à l'art. 4, par. 2, du Pacte ONU II).

L'art. 178, al. 3, Cst. exige une base légale pour déléguer des tâches de sécurité à des acteurs privés. La délégation doit être considérée comme une disposition importante fixant des règles de droit au sens de l'art. 164, al. 1, Cst., raison pour laquelle elle 235

Cf. l'ordonnance concernant l'engagement de la troupe pour la protection de personnes et de biens à l'étranger (OPPBE; RS 513.6).

236 On citera pour exemples de tels espaces exploités par le secteur privé des stades de football, des écoles, des places de sport (délimitées), des établissements de bains, des restaurants, des halles de foires, des cinémas, des discothèques, des commerces et des centres commerciaux, mais aussi des moyens de transport exploités par des particuliers tels des bus, des tramways, des chemins de fer ou des aéronefs. Cf. le rapport du Conseil fédéral du 2 décembre 2005 sur les entreprises de sécurité et les entreprises militaires privées; FF 2006 631, pp. 656 s.

4243

doit être prévue par une loi au sens formel237. Dans les cantons également, le transfert de tâches de sécurité de l'Etat à des acteurs privés présuppose l'existence d'une base légale, car elle déroge à la compétence d'exécution par les pouvoirs publics telle que la prévoient les dispositions constitutionnelles. De plus, une délégation doit répondre à l'intérêt public et respecter le principe de proportionnalité238.

On ne peut toutefois déléguer n'importe quelle tâche de sécurité à des acteurs privés.

Par exemple, la doctrine juge non transférables la défense militaire du pays ou la poursuite pénale au sens étroit du terme239. Même la promulgation de dispositions légales restrictives précisant les conditions, les moyens et les limites de la fourniture de la prestation par des acteurs privés ne peut rien y changer. Dans ces hypothèses, un transfert de tâches à des acteurs privés restreindrait l'essence même de l'autorité de l'Etat dans une mesure telle qu'il équivaudrait à une privatisation de tâches240.

Les exigences qualitatives auxquelles doit satisfaire la base légale dépendent de la nature des prestations de sécurité privées, de l'intensité des atteintes éventuelles aux droits de la personnalité et du risque d'escalade. Pour fixer la portée et les limites de prestations de sécurité moins délicates, par exemple le filtrage des entrées ou la surveillance du trafic, une loi au sens matériel (ordonnance) suffit. Néanmoins, les points suivants plaident en faveur d'une réglementation par une loi formelle:

237

238 239 240 241

­

la prestation de sécurité privée est liée à des atteintes d'une certaine portée, voire lourdes, aux droits de la personnalité des individus concernés. C'est par exemple le cas lorsque, à l'occasion de manifestations sportives ou culturelles importantes, on prévoit des fouilles de personnes lors du contrôle à l'entrée qui touchent les zones intimes du corps241;

­

la prestation de sécurité privée est fournie dans une situation délicate présentant à tout moment des risques d'escalade. On retiendra pour exemple les transports de détenus par chemin de fer entre deux lieux sécurisés, confiés

Rapport du Conseil fédéral du 2 décembre 2005 sur les entreprises de sécurité et les entreprises militaires privées; FF 2006 631, pp. 659 ss; «Zutrittkontrollen in Stadien.

Durchsuchungen im Intimbereich», avis de droit du 3 février 2011 de l'Office fédéral de la justice, p. 9; cf. W. Kälin/A. Lienhard/J. Wyttenbach, Auslagerung von sicherheitspolizeilichen Aufgaben, in: RDS 126/2007 I, p. 61.

G. Biaggini, St. Galler Kommentar ad. Art. 178 Cst., 2e éd., Zurich/Bâle/Genève 2008, ch. marg. 34.

G. Biaggini, St. Galler Kommentar ad. Art. 178 Cst, op. cit., ch. marg. 28.

Cf. ch. 2.3.4.2.

Dans un avis de droit du 3 février 2011 (op. cit.), l'Office fédéral de la justice examine en détail cet aspect. Il y parvient à la conclusion que non seulement un examen des zones intimes d'un corps dénudé, mais également une palpation ciblée des ces zones alors que la personne porte des vêtements, par ex. pour rechercher des engins pyrotechniques interdits, doit être qualifiée d'atteinte de gravité moyenne et doit par conséquent être réglée dans une loi formelle.

4244

depuis 2001 par les cantons aux CFF en collaboration avec une importante entreprise de sécurité privée242; ­

le personnel de sécurité privé engagé dans des espaces publics ou semipublics est armé.

Il convient d'examiner avec soin l'intérêt public d'un transfert de tâches de sécurité à des acteurs privés en veillant à une utilisation rationnelle des moyens limités de l'Etat. De telles considérations sont légitimes. En effet, les cantons seraient financièrement incapables d'adapter leurs effectifs ordinaires de police à des manifestations importantes sporadiques. Il est dès lors tout à fait judicieux d'absorber ces surcharges ponctuelles en matière de sécurité d'une autre manière, que ce soit sous la forme de coopérations intercantonales, voire internationales, ou sous celle d'un recours à des prestataires de services de sécurité privés. Selon les circonstances, il peut être judicieux aussi de décharger les organes de sécurité étatiques de tâches de routine que des acteurs privés seraient également en mesure d'accomplir, par exemple pour ce qui est de la surveillance du trafic. Toutefois, les considérations économiques ne doivent pas être prises en compte isolément. Des aspects tels que la qualité de la prestation, qui dépend fortement de la formation des prestataires de services, la sécurité de l'approvisionnement et des déficits potentiels liés à l'Etat de droit (voies de recours) peuvent s'opposer à une délégation à des acteurs privés243. La rentabilité de l'opération doit être appréciée non seulement de façon ponctuelle, mais également dans une perspective à plus long terme244.

La proportionnalité d'une délégation de tâches à des acteurs privés dépend de la tâche concrète de protection et de la nature de l'engagement. Le principe de proportionnalité est respecté lorsqu'il s'agit de tâches peu problématiques liées à des atteintes légères aux droits fondamentaux. Plus une tâche est dangereuse et plus l'atteinte aux droits fondamentaux est importante, moins grandes seront les chances que le principe de proportionnalité soit respecté. Pour l'appréciation, on ne peut se contenter de prendre en considération l'engagement effectif: il faut également tenir compte

242

Les CFF utilisent pour ces transports des trains spéciaux (dits «jail trains») qui circulent entre Berne et Zurich; le convoyage de détenus vers d'autres destinations se fait par la route. Ceux-ci sont accompagnés jusqu'au train par des représentants des organes de police ou d'exécution judiciaire puis réceptionnés à destination par des homologues. Dans les trains, les détenus occupent des cellules sécurisées; ils y sont surveillés et assistés par des collaboratrices et collaborateurs spécialement formés de l'entreprise de sécurité privée mandatée. En règle générale, les détenus ne sont pas menottés, sauf ordre contraire des organes étatiques. Le personnel de sécurité privé est doté de sprays au poivre. Les détenus violents ne sont pas transportés par jail trains, mais par la route dans des véhicules de police.

243 Cf. W. Kälin/A. Lienhard/J. Wyttenbach, Auslagerung von sicherheitspolizeilichen Aufgaben, in: RDS 126/2007 I, p. 74. A propos des critères plaidant en faveur ou en défaveur d'un transfert de tâches, cf. également p. 75.

244 On ne saurait par exemple compenser intégralement un sous-effectif chronique des forces de police mobilisables pour toutes les tâches de sécurité, par un recours à des particuliers qui ne peuvent être engagés que pour des missions ponctuelles: on risquerait à long terme de s'exposer à des coûts subséquents considérables.

4245

du risque et du potentiel d'escalade. Une telle approche s'impose notamment pour ce qui est des tâches de sécurité dans le cadre de grandes manifestations245.

2.3.4.4

Activité législative de la Confédération et des cantons

Tant la Confédération que les cantons disposent de réglementations concernant le transfert de tâches de sécurité à des acteurs privés et l'engagement de ces derniers.

De plus, la Confédération prépare un projet de loi qui réglera la fourniture des prestations de sécurité privées à l'étranger à partir de la Suisse. Enfin, la Confédération participe à des initiatives internationales juridiquement non contraignantes de nature publique ou privée, qui s'efforcent de fixer les normes minimales et les conditions d'engagement des entreprises de sécurité privées et de leur personnel.

2.3.4.4.1

Réglementations de la Confédération

Comme mentionné plus haut, l'art. 178, al. 3, Cst. permet la délégation de tâches administratives à des acteurs privés lorsqu'une loi le prévoit.

L'art. 22, al. 2, LMSI246 habilite le Conseil fédéral à confier à des services privés la tâche publique de protection des autorités, des personnes et des bâtiments de la Confédération. L'OSF247 règle les tâches des organes chargés de la protection des personnes et des bâtiments en vertu des art. 22 à 24 LMSI (cf. l'art. 1 OSF). L'art. 3 de cette ordonnance autorise les autorités compétentes à confier à «des services privés» la surveillance des bâtiments de la Confédération «dans lesquels le personnel affecté à cette tâche doit être renforcé» (al. 1). Un recours à des services privés est également possible pour «la protection de manifestations de la Confédération en vue, le cas échéant, d'épauler la police» (al. 2). En vertu de l'art. 6, al. 2, let. b, de l'ordonnance du 2 mai 1990 sur la protection des ouvrages248, la surveillance et la garde des ouvrages militaires peuvent également être confiées à des personnes ou des entreprises engagées contractuellement à cet effet.

L'OESS249 est entrée en vigueur le 1er décembre 2007. Elle fait suite au rapport du Conseil fédéral du 2 décembre 2005 sur les entreprises de sécurité et les entreprises militaires privées250 et règle en 19 articles les exigences minimales auxquelles 245

246 247 248 249 250

Un autre exemple qui peut jouer un rôle de ce point de vue est l'engagement de personnel de sécurité privé dans des locaux de la police. En 2010, la ville de Zurich a ouvert dans le poste principal d'Urania le premier centre de dégrisement destiné aux personnes prises de boisson. La direction en est confiée à un membre des forces de police, assisté de deux spécialistes en médecine et de deux employés d'une entreprise de sécurité privée. Leur engagement a été critiqué par certains milieux juridiques, notamment au motif que l'assistance à des personnes prises de boisson présentait un risque d'escalade (cf. la NZZ am Sonntag du 3 janvier 2010). Pour l'heure, le centre de dégrisement fonctionne à satisfaction.

Loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure; RS 120.

Ordonnance du 27 juin 2001 sur la sécurité relevant de la compétence fédérale; RS 120.72.

RS 510.518.1 Ordonnance du 31 octobre 2007 sur l'engagement d'entreprises de sécurité privées par la Confédération; RS 124.

FF 2006 631 ss

4246

doivent répondre les entreprises de sécurité privées et leur personnel pour prendre en charge des tâches de sécurité de la Confédération. L'OESS vaut pour les prestations de sécurité en Suisse et à l'étranger, l'art. 7 prévoyant des allégements en ce qui concerne les tâches de protection à l'étranger: en effet, des mandats peuvent être attribués pour six mois au plus à des entreprises qui ne remplissent pas complètement les exigences. L'ordonnance ne contient pas de clause de délégation à proprement parler, mais son art. 3 comporte une disposition déclaratoire qui précise que «l'autorité ne peut déléguer l'exécution d'une tâche de protection, y compris l'usage de la contrainte et de mesures policières, à une entreprise de sécurité privée que s'il existe une base légale suffisante». L'art. 8 OESS impose à l'autorité de régler dans le contrat les modalités de l'usage de la contrainte et des mesures policières conformément à la loi. La LUsC251 vaut également pour les acteurs privés qui exécutent des tâches pour le compte des autorités fédérales (art. 2, al. 1, let. e).

2.3.4.4.2

Réglementations cantonales

En matière d'entreprises de sécurité privées, les réglementations cantonales sont très hétérogènes. Une convention intercantonale lie depuis un certain temps les cantons romands, elle règle les conditions d'autorisation et d'engagement d'entreprises de sécurité et les exigences vis-à-vis du personnel de sécurité («Concordat romand»)252.

Ce concordat stipule une double obligation d'autorisation: en effet, une autorisation est nécessaire non seulement pour l'exploitation d'une entreprise de sécurité ou d'une succursale et l'engagement de personnel (art. 7, al. 1, let. a), mais également pour la fourniture d'une prestation de sécurité dans l'un des cantons parties au concordat (art. 7, al. 1, let. b). L'autorisation d'exploitation est liée à des conditions telles que la solvabilité de la personne responsable, sa moralité, une couverture responsabilité civile suffisante et le passage d'un examen sur la législation applicable (art. 8).

Quelques cantons alémaniques et le Tessin ont édicté des réglementations similaires à celle du «Concordat romand» en prévoyant une obligation d'autorisation pour les entreprises de sécurité privées. D'autres cantons, dont Berne, ne connaissent pas d'obligation d'autorisation. Eu égard à la nécessité croissante pour les entreprises de sécurité de nouer des collaborations pour les interventions qui dépassent le cadre cantonal, voire national, le Conseil fédéral jugeait une harmonisation nécessaire en 2005 déjà253. Le 12 novembre 2010, la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) a adopté le Concordat sur les prestations de sécurité effectuées par des personnes privées254. Elle a par ailleurs recommandé à tous les cantons d'adhérer, dans un délai de deux ans, à ce concordat ou au «Concordat romand». Le concordat de 2010 règle, par le biais d'un système d'autorisations, la fourniture de prestations de sécurité par des particuliers ou des entreprises privées. Est soumise à autorisation non seulement la fourniture de prestations, mais aussi la direction et l'exploitation d'une entreprise de sécurité ou d'une succursale (art. 4 du concordat). Pour obtenir une autorisation, une personne doit 251 252 253

Loi fédérale du 20 mars 2008 sur l'usage de la contrainte; RS 364.

Concordat du 18 octobre 1996 sur les entreprises de sécurité.

Rapport du Conseil fédéral du 2 décembre 2005 sur les entreprises de sécurité et les entreprises militaires privées; FF 2006 631, p. 686.

254 Le texte est disponible sur le site Internet de la CCDJP (www.ccdjp.ch).

4247

notamment remplir les conditions suivantes: avoir suivi et terminé avec succès la formation théorique de base pour exercer l'activité d'agent de sécurité privé, n'avoir aucune condamnation pour crime ou délit inscrite à son casier judiciaire, avoir les qualités requises pour exercer l'activité d'agent de sécurité au vu de ses antécédents et de son comportement (art. 5, al. 1, du concordat). Pour ce qui est de la direction d'une entreprise de sécurité, une formation appropriée est exigée (art. 5, al. 2, let. c, du concordat). La délivrance d'une autorisation d'exploiter une entreprise de sécurité a de plus pour corollaire une couverture en responsabilité civile suffisante et la garantie que les agents de sécurité employés sont formés correctement aux tâches qui leur sont confiées et bénéficient régulièrement d'une formation continue (art. 5, al. 3, du concordat). En ce qui concerne les pouvoirs des acteurs privés, l'art. 10 du concordat est spécialement important et exige le respect du monopole étatique de la puissance publique par les employés et la direction des entreprises de sécurité. Le recours à l'exécution directe doit respecter le principe de proportionnalité et se limiter à la légitime défense, à un état de nécessité licite, à l'usage autorisé de la force, à l'exercice du droit de domicile, à l'arrestation provisoire et aux interventions avec le consentement des personnes concernées. Lorsque des tâches étatiques sont confiées à des acteurs privés, ces derniers ne peuvent recourir à l'exécution directe qu'en cas d'interventions «mineures» (art. 10, al. 2, let. f, du concordat).

Les deux concordats concernent uniquement les entreprises de sécurité actives en Suisse et non celles qui fournissent des prestations à l'étranger (cf. ch. 2.3.4.4.3).

2.3.4.4.3

Entreprises de sécurité actives à l'étranger dans des régions en crise ou en conflit

En réponse à un postulat Stähelin255, le Conseil fédéral a approuvé le 2 décembre 2005, à l'intention du Parlement, le «Rapport sur les entreprises de sécurité et les entreprises militaires privées»256. Il y parvient à la conclusion que certaines entreprises de sécurité domiciliées en Suisse assument des mandats dans des régions en crise ou en conflit. La neutralité, la stabilité de l'ordre juridique et la bonne image de la Suisse pourraient inciter des entreprises de sécurité étrangères à exercer leurs activités à partir de notre pays ou à y recruter du personnel.

Sur la base du rapport, le Conseil fédéral a édicté l'OESS257, qui règle les conditions d'un recours à ces entreprises.

Il s'agit encore d'examiner s'il faut soumettre à autorisation ou à une obligation d'enregistrement les entreprises de sécurité actives, à partir de la Suisse, dans des régions en crise ou en conflit. Se fondant sur un rapport du 30 décembre 2010 de l'Office fédéral de la justice, le Conseil fédéral a décidé le 16 février 2011 d'élaborer un projet de loi. Ce dernier devrait préciser les aspects suivants:

255 256 257

­

obligation de déclaration des prestations de sécurité fournies à l'étranger;

­

interdiction légale de certaines activités (par ex. mercenariat);

­

interdiction par les autorités d'autres activités mettant en péril la sécurité du pays ou s'opposant aux intérêts de la Suisse.

Po 04.3267 du 1er juin 2004.

FF 2006 631 ss Cf. ch. 2.3.4.4.1.

4248

La loi devra également traiter des holdings contrôlant à partir de la Suisse des entreprises de sécurité privées domiciliées à l'étranger. Le Conseil fédéral a envoyé l'avant-projet de loi fédérale sur les prestations de sécurité privées fournies à l'étranger en consultation le 12 octobre 2011258.

2.3.4.4.4

Evolution au plan international

Le 17 septembre 2008, 17 Etats ont approuvé le «Document de Montreux»259 issu d'une initiative de la Suisse et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

Ce texte récapitule les obligations de droit international public des entreprises militaires et de sécurité privées engagées dans des conflits armés. Il contient également un code de bonne conduite, c'est-à-dire des recommandations susceptibles d'aider les Etats à prendre des mesures adéquates pour remplir leurs obligations de droit international public. Le document n'est pas juridiquement contraignant. A ce jour, 38 Etats lui ont apporté leur soutien (état au 1er décembre 2011).

En collaboration avec les associations internationales concernées, la Suisse a activement participé à l'élaboration du code de conduite international pour les prestataires privés de services de sécurité. Quelque 60 entreprises de sécurité, dont les plus importantes au plan international, ont signé ce code de conduite le 9 novembre 2010260. Les entreprises s'interdisent tout acte offensif et entendent limiter le recours à la violence létale aux cas d'autodéfense et de défense de la vie d'autrui. Le code contient également un engagement au respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Bien qu'il n'ait aucun caractère juridiquement contraignant, le code de conduite est un instrument important d'autorégulation.

3

Sujets brûlants dans le domaine de la sécurité

3.1

Critique des évolutions récentes de la législation et de la pratique législative

3.1.1

L'art. 57, al. 2, Cst. en tant que disposition générale et subsidiaire fondant les activités de police de la Confédération

On peut résumer comme suit l'activité législative de la Confédération dans le domaine de la sécurité intérieure (en dehors des affaires militaires, qui sont régies par l'art. 58 Cst.):

258

La consultation durera jusqu'au 31 janvier 2012, cf. www.bj.admin.ch/content/bj/fr/ home/themen/sicherheit/gesetzgebung/sicherheitsfirmen.html.

259 «Document de Montreux sur les obligations juridiques pertinentes et les bonnes pratiques pour les Etats en ce qui concerne les opérations des entreprises militaires et de sécurité privées opérant pendant les conflits armés», www.bj.admin.ch/content/bj/fr/home/ themen/sicherheit/gesetzgebung/sicherheitsfirmen.html. Les Etats ayant souscrit au texte à l'origine sont l'Afghanistan, l'Afrique du Sud, l'Allemagne, l'Angola, l'Australie, l'Autriche, le Canada, la Chine, les Etats-Unis, la France, l'Irak, la Pologne, le RoyaumeUni, la Sierra Leone, la Suède, la Suisse et l'Ukraine.

260 266 entreprises de 47 Etats ont déjà signé le code de conduite (état au 1er décembre 2011).

4249

La Confédération légifère en matière de police dans la mesure où ­

cela est nécessaire pour assurer la protection de l'Etat, de ses organes, autorités et institutions (compétence inhérente);

­

il s'agit de tâches étroitement liées à la poursuite pénale, au point de pouvoir se fonder sur l'art. 123 Cst.;

­

il existe un lien matériel étroit entre l'adoption de dispositions en matière de police et la compétence de la Confédération dans le domaine des douanes, des routes, des chemins de fer, de la navigation et de l'aviation (compétences implicites);

­

il s'agit de tâches présentant des liens étroits avec les affaires étrangères (art. 54 Cst.).

Si les conditions développées dans la pratique261 sont remplies, la Confédération se fonde (de surcroît) pour adopter des dispositions en matière de police sur l'art. 57, al. 2, Cst.

Cette pratique législative est critiquée à plusieurs égards. La principale objection porte sur l'art. 57, al. 2, Cst. La compétence de coordination de la Confédération qui découle de cette norme a fait l'objet de débats publics pour la première fois lorsqu'il s'est agi d'assurer la sécurité d'événements majeurs de portée nationale comme le Sommet du G8 d'Evian ou le Forum économique mondial de Davos. De nombreuses interventions parlementaires ont été consacrées à la portée de l'art. 57, al. 2, Cst.262.

Ce sont ensuite les projets de loi qui ont enflammé les discussions sur l'article consacré à la coordination. La plupart des lois visant à assurer la sécurité adoptées depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution et citées au ch. 2.2.6 ont cela en commun que l'art. 57, al. 2, Cst. est cité dans le préambule en tant que norme de compétence.

La doctrine aussi a critiqué l'interprétation de l'art. 57, al. 2, Cst. comme une norme de compétence. Biaggini considère ainsi que cette disposition «se rapporte à des compétences fondées explicitement ou implicitement d'une autre manière»263.

Schefer264 rejoint cet avis et constate que l'art. 57, al. 2, Cst. ne fonde pas une compétence en soi mais instaure une obligation de coopérer pour la Confédération et les cantons ­ comme l'indique le texte de l'article ­ dans leurs domaines de compétences propres. Schweizer265 note à ce sujet que l'art. 57, al. 2, Cst. se limite à énoncer un principe de coordination (norme définissant un but) et oblige les collectivités publiques à collaborer dans leurs domaines de compétences propres. Pour lui, l'art. 57, al. 2, Cst. ne saurait fonder une compétence fédérale. Mohler également critique la position du Conseil fédéral à ce sujet266.

261 262

263 264 265 266

Cf. ch. 2.2.3.2.

03.3108 Motion Eberhard, «Loi sur les manifestations»; 03.3363 Motion Eberhard, «Mesures préventives pour les manifestations de grande ampleur»; 03.3444 Motion Egly Jacques-Simon, «Sécurité intérieure. Cohérence et solidarité dans l'engagement des forces de police».

G. Biaggini, Kommentar zur Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft, Zurich 2007, ad. art. 57, n°10.

M. Schefer, BWIS I: Kompetenzen und Grundrechte, in: digma 2006, pp. 60 ss.

R.J. Schweizer, in: St. Galler Kommentar, op cit., ad. art. 57, ch. marg. 2.

Cf. not. M. Mohler, in: PJA 7/2007, Unsicherheit über Sicherheit ­ von Verfassungsbegriffen bis zur Rechtsanwendung.

4250

Le Conseil fédéral n'a cependant dû faire face à l'opposition durable du Parlement que dans le cas du projet LMSI I. Alors que le Conseil national avait considéré la norme constitutionnelle comme suffisante pour instaurer des mesures policières préventives contre le hooliganisme, le Conseil des Etats considérait que ces mesures ne pouvaient s'inscrire dans la durée faute de fondement dans la Constitution. La chambre haute a demandé qu'elles soient limitées dans le temps, puis remplacées par une base légale juridiquement valable. Lors de l'élimination des divergences, le Conseil national a suivi le Conseil des Etats.

Le problème de l'absence de compétence fédérale expresse dans le domaine de la police de sécurité est intimement lié aux incertitudes relatives à la portée de l'art. 57, al. 2, Cst.267. Comme l'indique le ch. 2.3, la Confédération ne peut dans ce domaine se fonder que sur des normes constitutionnelles non écrites: d'une part, sur sa compétence inhérente en matière de sécurité intérieure et d'autre part sur des compétences fédérales implicites découlant du contexte matériel. Par contre, là où le lien avec la norme constitutionnelle à laquelle se référer en priorité n'est pas évident, il est visiblement nécessaire de légitimer la compétence fédérale en s'appuyant sur une norme constitutionnelle supplémentaire. Mais même de cette manière, l'activité législative de la Confédération est régulièrement teintée d'incertitudes quant à l'étendue et aux limites de la compétence fédérale. Il en résulte des controverses à différents niveaux.

L'absence d'une norme constitutionnelle explicite ou suffisante pour les affaires policières n'a pas les mêmes répercussions dans tous les domaines. Tandis que la protection de l'Etat est un domaine de compétences incontesté de la Confédération, l'activité policière de celle-ci est souvent source de critiques, ce bien qu'elle déploie des mesures et des moyens semblables pour réunir des informations en vue de la poursuite pénale.

La doctrine est critique à l'égard de l'absence de compétence fédérale expresse.

Schweizer/Küpfer268 considèrent comme une lacune marquée le fait que la Confédération assume de plus en plus de tâches policières diverses sans qu'il y ait une disposition dans la Constitution qui l'y autorise. Schweizer/Sutter/Widmer269 notent de la
même façon que la Confédération assume de plus en plus de tâches policières, sans pouvoir se fonder sur une base constitutionnelle explicite et suffisamment précise.

Mohler conclut que le partage des compétences entre la Confédération et les cantons dans le domaine de la sécurité, à la fois peu clair et caractérisé par des chevauchements ponctuels, présente de plus des lacunes importantes270. Müller exige une délimitation plus claire par rapport à la souveraineté cantonale en matière de police, qui pourrait intervenir par le biais du renforcement de l'art. 57, al. 2, Cst.271.

267 268 269

Se reporter à la définition de «police de sécurité» au ch. 2.3.2.2.1.

R.J. Schweizer/G. Küpfer, in St. Galler Kommentar, op. cit., ad. art. 57, ch. marg. 8.

R.J. Schweizer/P. Sutter/N. Widmer, Grundbegriffe, in: R.J. Schweizer [éd.], Sicherheitsund Ordnungsrecht des Bundes, Bâle 2008, pp. 88 s.

270 M. Mohler, Vernetzung von Sicherheit, in: Sicherheits- und Ordnungsrecht des Bundes, R.J. Schweizer (éd.), Bâle 2008, p. 594, ch. marg. 160 et p. 596, ch. marg. 162 à 164.

271 R.P. Müller, Innere Sicherheit Schweiz, op. cit., p. 503.

4251

3.1.2

Autres critiques

Une partie des représentants de la doctrine et de la politique est d'avis que la Confédération étend ses compétences, notamment par son activité législative, à des domaines qui relevaient jusque-là de la souveraineté cantonale. Ils perçoivent un transfert larvé de compétences des cantons à la Confédération en particulier dans les domaines où les cantons ne peuvent ou ne veulent pas mettre en oeuvre les mesures et dispositifs de sécurité nécessaires en temps voulu ou sont dans l'incapacité de le faire car ils ne disposent pas des ressources structurelles, personnelles ou financières nécessaires. L'Assemblée fédérale a eu à traiter plusieurs interventions parlementaires consacrées à ce thème272.

Le transfert de tâches souveraines à l'armée est désigné comme problématique. Il s'agit en particulier des engagements de l'armée visant à soutenir les autorités civiles, par exemple sécuriser un grand événement à risques (conférence internationale, événement sportif), protéger des représentations étrangères et soutenir le Cgfr ­ lequel, de son côté, assume des tâches qui lui ont été transférées par les cantons273.

Les critiques soulignent d'une part le fait que les interventions de l'armée qui s'inscrivent dans la durée ne sont plus réellement subsidiaires et d'autre part le fait que la Confédération passe outre les critères restrictifs entourant les engagements subsidiaires de l'armée sur le territoire suisse et permet à celle-ci d'assumer des tâches que la Constitution réserve aux forces de sécurité civiles. L'évolution de l'armée dans le sens d'un prestataire de services multifonctions dans le domaine de la sécurité ne serait pas en adéquation avec l'ordre constitutionnel. Le Conseil fédéral a entretemps décidé de ne plus prolonger le soutien de la Sécurité militaire au Cgfr à compter du 31 décembre 2012274.

Une autre activité sujette aux critiques est celle de l'administration des douanes dans le cadre des accords conclus avec les cantons frontaliers dans le but d'assumer des tâches de police de sécurité et de police des étrangers dans la zone frontalière et même, dans les trains longue distance, à l'intérieur du pays. Ce transfert de souveraineté des cantons à des organes de la Confédération est considéré par de nombreux auteurs comme problématique sous l'angle constitutionnel. La Confédération ne
dispose d'aucune compétence pour fonder la prise en charge de ce type de tâches par l'administration des douanes. Divers auteurs de doctrine considèrent que la conclusion d'accords ne permet pas aux cantons de déléguer à la Confédération les compétences qui leur sont attribuées par la Constitution. Ils estiment qu'il est inacceptable

272

Cf. 11.3297 Motion Allemann, «Transfert d'effectifs de la police militaire au Corps des gardes-frontière»; 10.3113 Postulat Segmüller, «Augmentation des effectifs de police dans les cantons et les villes»; 09.4324 Interpellation Müller, «Bases légales pour les tâches de police du Corps des gardes-frontière»; 06.3285 Interpellation Banga, «Sécurité intérieure. Réglementation constitutionnelle et répartition des compétences entre la Confédération et les cantons»; 06.3013 Motion CPS-CN, «Protection des représentations étrangères. Prévoir la relève de l'armée par la police civile».

273 M. Schefer/R. Müller, Schutz der inneren Sicherheit, Sicherheit und Recht, 2/2010, pp. 67 s.; R.P. Müller, Innere Sicherheit Schweiz, op. cit., pp. 453, 457, 465 ss; M. Mohler/P. Gättelin/R. Müller, Unsicherheit über Sicherheit ­ von Verfassungsbegriffen zur Rechtsanwendung, PJA 7/2007, p. 820; M. Mohler, Wird die Armee zu einer Gendarmerie?, Verfassungsrechtliche Fragen zur jüngsten Entwicklung in Rechtsetzung und Doktrin über den Einsatz der Armee, exposé donné à l'occasion de la journée scientifique 2008 de la Société suisse de législation, pp. 22 ss.

274 Décision du Conseil fédéral du 25 mai 2011.

4252

d'étendre les attributions constitutionnelles de compétence dans la direction politique que l'on désire par voie conventionnelle275.

3.2

Sujets brûlants dans le domaine du partage des compétences entre la Confédération et les cantons

Nous nous concentrons ci-après un à un sur les points qui nécessitent une discussion sous l'angle constitutionnel, et qui dans la pratique et la discussion politique donnent régulièrement lieu à des controverses.

Le groupe de travail s'est limité aux problèmes actuels majeurs qui sont en lien direct avec le présent mandat. D'autres points dignes d'être analysés ne sont pas traités dans le rapport, car ils ne présentent qu'un lien marginal avec la sécurité intérieure. Nous avons néanmoins jugé bon d'aborder le thème des engagements policiers internationaux au ch. 2, car ces engagements apportent une contribution importante à la politique de sécurité de la Suisse.

Le rapport fait l'impasse sur d'autres problématiques pour lesquelles les informations disponibles n'étaient pas suffisantes au moment de la rédaction, par exemple la réglementation de l'art. 25 CPP, qui autorise le Ministère public de la Confédération (MPC) à déléguer aux autorités cantonales l'instruction et le jugement de certaines276 affaires pénales relevant de la juridiction fédérale. Cette compétence de délégation, dont le MPC a fait régulièrement usage dans le passé277, est en opposition évidente avec la volonté affichée de clarifier le partage des compétences entre la Confédération et les cantons et doit être repensée. L'instauration de l'ordonnance pénale le 1er janvier 2011 a eu pour effet de réduire le nombre de délégations qui, selon les prévisions du MPC, devraient disparaître totalement avec le temps. Il reste donc à observer les évolutions qui se feront jour dans la pratique. Si les prévisions du MPC s'avèrent exactes, il faudra ultérieurement vérifier si la norme de délégation de l'art. 25 CPP est devenue obsolète et doit de ce fait être abrogée ou s'il faut réduire son champ d'application à quelques cas exceptionnels clairement définis. Il n'est pas possible pour l'heure de tirer des conclusions dans ce domaine. La liste des thèmes traités dans le présent rapport n'a rien d'exhaustif. Celui-ci se limite à traiter des problèmes actuels en matière de sécurité intérieure, en particulier ceux qui nécessitent une clarification sur le plan constitutionnel.

275

R.P. Müller, Innere Sicherheit Schweiz, op. cit., p. 453; M.Mohler/P. Gättelin/R. Müller, Unsicherheit über Sicherheit, op. cit., pp. 826 s.; R.J. Schweizer, Innere Sicherheit, Kompetenzverteilung zwischen Bund und Kantonen, Grenzen und Möglichkeiten, 2e séminaire de la CPS-CN.

276 Concerne les compétences originelles du MPC.

277 Selon les indications du MPC, le nombre d'affaires pénales déléguées était de 498 en 2008, de 445 en 2009 et de 355 en 2010.

4253

3.2.1

Prestations de l'armée en matière de sécurité

3.2.1.1

Tâches de l'armée

Comme indiqué au ch. 2.3.2.3.2, l'armée assume seule ses tâches originelles: prévenir la guerre, maintenir la paix et assurer la défense du pays et de sa population. Elle apporte également son soutien aux autorités civiles lorsqu'elles doivent faire face à une grave menace pesant sur la sécurité intérieure ou à d'autres situations d'exception. Selon le partage des compétences inscrit dans la Constitution, ce sont les cantons qui assument l'essentiel des tâches relevant de la sécurité intérieure.

L'armée n'intervient qu'en cas de pic extraordinaire d'activité.

La formulation de la norme constitutionnelle en vigueur fixe des limites aux mandats de soutien de l'armée. Il convient par ailleurs d'examiner si la relation entre les tâches originelles et les autres tâches de l'armée peut être clarifiée par une révision de la LAAM.

3.2.1.2

Service d'appui: exemples

L'armée peut apporter son soutien aux autorités civiles lorsqu'elles doivent faire face à des situations d'exception (art. 58, al. 2, 2e phrase, Cst., art. 1, al. 3, LAAM).

Cela implique une double exigence: une situation d'exception d'une part et des moyens insuffisants du côté des autorités civiles pour y faire face d'autre part (art. 1 et 67, al. 2, LAAM). La LAAM constitue en principe un obstacle aux engagements prévisibles et planifiables, puisqu'elle ne prévoit pas que l'armée puisse combler le manque d'effectifs des cantons.

La pratique des dernières décennies a consisté à assouplir les conditions du service d'appui. Si l'on interprétait la Constitution et la LAAM de manière extensive, on pourrait également permettre les engagements subsidiaires de l'armée dans les situations prévisibles et planifiables, mais il resterait toujours une part de controverse.

On pourrait par conséquent introduire une précision dans la loi, par laquelle on justifierait les engagements de l'armée même pour les événements planifiables à long terme qu'une police cantonale n'est pas en mesure de sécuriser par ses propres moyens. Une telle réglementation aurait l'avantage d'apporter de la transparence par rapport à la pratique des dernières années. Imaginons le cas où la Suisse organiserait les Jeux olympiques, ce qui placerait la police cantonale face à d'importants problèmes de ressources. Sur le plan économique, il ne paraîtrait pas cohérent que les forces de police des cantons constituent des réserves de personnel à long terme uniquement pour un tel événement.

L'armée ne pourrait assurer un engagement durable dans le cadre du service d'appui, autrement dit un engagement de durée indéterminée pour exécuter des tâches ordinaires de police de sûreté, qu'au prix d'une adaptation de la LAAM. Il ne paraît pas indispensable d'adapter la Constitution à cet effet, mais cela permettrait de clarifier la situation juridique.

4254

Il convient de noter pour conclure qu'on ne saurait indéfiniment recourir à des militaires pour assumer toutes sortes de tâches d'appui, car cela n'est pas compatible avec l'obligation de servir. Dans son expertise278, le Prof. Rainer Schweizer a noté que bien que le recours à des troupes en service d'appui se soit imposé dans la pratique en cas de situations ou d'événements exceptionnels, à la demande des gouvernements cantonaux ou d'un ou plusieurs départements279, il serait erroné de comprendre le principe de subsidiarité renforcé en 2004 par l'adoption de l'art. 43a Cst. comme justifiant l'engagement durable de militaires pour couvrir le manque de personnel dans les cantons. Il souligne aussi que le droit international public, dans les garanties qu'il offre contre le travail forcé, fixe des limites à l'emploi de militaires dans des buts non militaires. Les dispositions en vigueur de la Constitution et du droit international public ne permettent pas selon lui les engagements de longue durée dans le but d'assurer des tâches ordinaires de surveillance et de contrôle des bâtiments à la place des autorités policières cantonales280.

3.2.1.2.1

Amba Centro

Les cantons sont compétents pour assurer sur leur territoire souverain la sécurité des personnes et des bâtiments jouissant d'une protection en vertu du droit international public281. L'armée collabore néanmoins avec les corps de police des cantons de Berne et Genève et de la ville de Zurich pour assurer la protection des représentations étrangères (engagement «Amba Centro»). Lorsque cet engagement a débuté en 1999, on a recouru à des troupes en cours de répétition. Actuellement, on fait intervenir des membres de la Sécurité militaire et des militaires en service long de l'infanterie, qui assurent un service d'appui. La protection des ambassades est une obligation découlant du droit international public282, qui se fonde sur l'art. 1, al. 3, LAAM et sur l'OPPB. La Confédération indemnise les corps de police pour l'accomplissement de ces tâches (art. 28, al. 2, LMSI). Puisque celles-ci sont également effectuées par des troupes de l'armée, les indemnités sont versées à partir du budget du DDPS283. Le Réseau national de sécurité est en train d'examiner comment assumer ces tâches après 2012. Une disposition transitoire incluant le recours aux troupes s'imposera pour les années 2013 et 2014.

278

279 280

281 282 283

R.J. Schweizer, Verfassungs- und völkerrechtliche Anforderungen an die Verteidigungskompetenz der Armee und an das zukünftige Leistungsprofil sowie die ausgewählten Fragen der Militärpflicht, JAAC 2010.10 (pp. 91 à 195), p. 145.

Ordonnance du 3 septembre 1997 sur le recours à la troupe pour assurer la protection de personnes et de biens (OPPB; RS 513.73).

R. J. Schweizer, Verfassungs- und völkerrechtliche Anforderungen an die Verteidigungskompetenz der Armee und das zukünftige Leistungsprofil sowie die ausgewählten Fragen der Militärpflicht, JAAC 2010.10 (pp. 91 à 195), p. 145.

Op. cit., p. 145.

Cf. ch. 2.3.2.2.1.2 Des postes de crédit du DFJP ont été transférés à cet effet au DDPS.

4255

3.2.1.2.2

Lithos

Le renforcement du Cgfr (engagement «Lithos») est assuré depuis 1997 par les gardes-fortifications284 (aujourd'hui Sécurité militaire)285. Il se fonde sur l'art. 1, al. 3, LAAM et sur l'OSPF286, qui règle de manière générale le soutien assuré par l'armée au Cgfr et aux corps de police287. Le 25 mai 2011, le Conseil fédéral a décidé de mettre fin à cette forme de service d'appui d'ici à fin 2012. A l'avenir, le soutien assuré au Cgfr à l'aide de moyens de surveillance avec appui aérien ne se fondera plus sur l'art. 1 LAAM, mais sur l'OEMC288.

3.2.1.2.3

Tiger/Fox

L'armée déploie des mesures de sûreté dans l'aviation (engagement «Tiger/Fox») depuis 2001 dans le cadre du service d'appui289. Ces mesures se fondent sur l'art. 1, al. 3, LAAM, sur l'art. 12, al. 1, LA290 et sur les art. 122c et 122e de l'OSAv291. A l'heure actuelle, 20 membres au maximum de la Séc mil sont employés à cet effet.

S'y ajoutent des membres du Cgfr. L'essentiel des interventions est assuré par des policiers indemnisés par la Confédération. La manière dont ces tâches seront exécutées après 2012 est à l'examen. Pour de plus amples informations, on se reportera au ch. 3.2.4.

3.2.1.2.4

WEF

Le Forum économique mondial (WEF) est une fondation de droit privé qui organise depuis plus d'une quarantaine d'années la rencontre annuelle de Davos. Par décision du 28 juin 2000, le Conseil fédéral a classé le forum en événement extraordinaire au sens de l'art. 4 de l'ordonnance LMSI sur les prestations financières en raison de son importance et de son rayonnement international. Du fait de cette qualification, la Confédération soutient la police cantonale des Grisons, qui est compétente pour assurer la sécurité de l'événement, en lui fournissant des ressources en matériel et en personnel, principalement sous la forme d'un service d'appui de l'armée292. Plus de 284

285 286 287 288 289 290 291 292

Le Corps des gardes-fortifications a été intégré à la Séc mil en 2004. Ses membres n'étaient pas considérés comme des militaires, mais comme du personnel professionnel du DDPS.

Cf. les explications du ch. 2.3.2.3.5.4.

Ordonnance du 3 septembre 1997 sur le recours à la troupe pour assurer le service de police frontière; RS 513.72.

Cf. ch. 3.2.6.

Ordonnance réglant l'engagement de moyens militaires dans le cadre d'activités civiles et d'activités hors du service; RS 513.74.

Décisions du Conseil fédéral du 24 mars 2004, du 26 mai 2004 et du 5 octobre 2004.

Loi fédérale du 21 décembre 1948 sur l'aviation; RS 748.0.

Ordonnance du 14 novembre 1973 sur l'aviation; RS 748.01. Cf. ch. 3.2.4.

Il convient de rappeler qu'un engagement IKAPOL a également lieu lors du WEF, conformément à la convention sur les engagements de police intercantonaux du 6 avril et du 9 novembre 2006. Selon l'art. 3: «Est considéré comme un engagement IKAPOL au sens de la convention, le fait qu'un canton ne puisse assumer un événement ou une manifestation avec ses propres forces de police malgré le soutien des cantons limitrophes, de ses partenaires concordataires ou des moyens provenant d'autres corps de police sur la base d'accords bilatéraux et qu'il doive alors requérir l'appui de forces de police supplémentaires».

4256

2000 militaires ont ainsi été engagés dans le cadre du WEF 04, si bien que l'Assemblée fédérale a dû donner son accord à cet engagement293.

L'engagement de l'armée en faveur du WEF a été prolongé pour la dernière fois en 2009. L'arrêté fédéral du 7 septembre 2009 «sur l'engagement de l'armée en service d'appui au profit du canton des Grisons dans le cadre des mesures de sécurité lors des rencontres annuelles du World Economic Forum 2010 à 2012 de Davos et sur d'autres mesures de sécurité» porte approbation de l'engagement de 5000 militaires au plus pour 15 jours au plus294.

La notion d'«événement extraordinaire» au sens de l'art. 4 de l'ordonnance LMSI sur les prestations financières ne se recouvre pas forcément avec celle de «situation extraordinaire» au sens des art. 58, al. 2, Cst. et 1, al. 3, LAAM. En d'autres termes, les engagements militaires en faveur du WEF doivent remplir les exigences du service d'appui, même s'il serait en principe possible que la Confédération indemnise certaines prestations des cantons en se fondant sur l'ordonnance LMSI sur les prestations financières.

Le soutien de la Confédération au WEF n'est jusqu'ici pas remis en question. Bien que le WEF soit juridiquement une organisation privée, il a acquis un caractère mixte en raison notamment des personnalités qui y sont invitées, notamment des chefs d'Etat et des ministres en exercice. Les conseillers fédéraux profitent souvent de l'occasion pour organiser des rencontres politiques en marge du WEF. D'autre part, le WEF a une forte signification symbolique et soulève un intérêt médiatique considérable. Il ne faut pas, en effet, perdre de vue les conséquences que pourraient avoir pour la Suisse des actes contre le WEF. Compte tenu du type de participants au WEF et de la renommée mondiale de cet événement, tout incident aurait immanquablement des effets sur la Suisse, si ce n'est juridiquement, à tout le moins politiquement, pouvant remettre en cause non seulement la sécurité intérieure, mais également les relations extérieures de la Suisse. La poursuite du soutien accordé par la Confédération dans ce cadre s'avère donc importante.

3.2.1.3

Rôle de la Sécurité militaire

La Séc mil est la première intervenante en matière de service d'appui ou de service actif; elle est à même d'intervenir dès la première heure et de former les autres troupes. Les limites de l'engagement de la Séc mil en faveur d'autres autorités se trouvent d'une part dans les conditions du service d'appui, et d'autre part dans le respect de la compétence des cantons en matière de sécurité intérieure ­ en particulier si l'on souhaite augmenter les tâches de police de la Séc mil.

Il faudrait adapter la LAAM pour que la Séc mil puisse accomplir des engagements en faveur d'autres autorités de la Confédération. La future loi sur les services de renseignement définira à quelles conditions la Séc mil peut soutenir le Service de renseignement de la Confédération et quel statut juridique aura ce personnel. Il est prévu de compléter en conséquence l'art. 100 LAAM. Les détails de cette nouvelle réglementation sont en cours d'élaboration.

293 294

FF 2004 4961 4964.

FF 2009 6171 s.

4257

3.2.1.4

Bilan

Les cantons doivent à l'avenir encore pouvoir compter sur des militaires en service d'appui pour assurer leurs tâches de sécurité.

Dans la pratique, les engagements de l'armée ont conduit à une interprétation plus large des art. 1, al. 3, et 67, al. 2, LAAM, faisant parfois fi du critère de la situation extraordinaire. Le manque de moyens civils a été considéré comme un critère suffisant pour demander le soutien des troupes en vue d'assurer la protection de conférences (Sommet du G8, Sommet de la francophonie), de manifestations sportives et du WEF. On s'est fondé pour ce faire non pas sur la situation actuelle, mais sur la palette des menaces pesant sur l'événement.

Pour que de tels engagements demeurent possibles dans le futur, il faudrait renforcer la base légale et mieux définir la notion de «situation extraordinaire» à l'art. 67 LAAM afin de pouvoir couvrir également les engagements planifiables et récurrents.

Le recours à l'armée doit également être possible pour couvrir les pics extraordinaires d'activité, lorsqu'ils se produisent à intervalles réguliers (par ex. une fois par an pour le WEF). Il ne serait pas rationnel de laisser toute la charge aux cantons alors que la Confédération dispose de moyens inemployés. Grâce au dialogue mené au sein du Réseau national de sécurité, la Confédération et les cantons veillent à assurer une combinaison efficace des instruments de politique de sécurité et à adapter ceuxci dans la mesure où cela s'impose.

Les cantons doivent continuer d'assumer leur responsabilité en matière de maintien de la sécurité intérieure. La Confédération souhaite faire en sorte qu'ils puissent procéder aux interventions en leur propre nom. L'armée doit, dans toute la mesure du possible, jouer un rôle subsidiaire en faveur des cantons.

Il ne serait guère possible d'atteindre le but visé en limitant les engagements subsidiaires de l'armée à ceux qui ne sont pas controversés dans la doctrine. Cela multiplierait les obstacles, serait synonyme de coûts élevés pour les cantons et réduirait considérablement la marge de manoeuvre dont dispose la Confédération dans l'accomplissement de tâches d'ampleur nationale. Les conférences et les manifestations sportives internationales ne pourraient ainsi pas avoir lieu car la Suisse ne serait pas en mesure d'en assurer la sécurité.

Au lieu
de préciser la notion de «situation extraordinaire», on pourrait également définir une nouvelle tâche d'appui (soutien en temps normal). Il faudrait alors compléter la LAAM pour que l'armée puisse également intervenir en cas de pic extraordinaire d'activité ne satisfaisant pas aux conditions juridiques de la «situation extraordinaire» si cela s'impose pour des raisons économiques. Cette nouvelle tâche d'appui serait totalement indépendante du principe de subsidiarité. Il faudrait encore examiner si elle pourrait s'appuyer sur l'art. 58, al. 2, dernière phrase, Cst. ou s'il faudrait modifier cet article. Il conviendrait aussi de vérifier si cette nouvelle tâche d'appui devrait être considérée dans la loi comme une sous-catégorie du service d'appui (pour lequel le principe de subsidiarité s'applique) ou s'il vaudrait mieux en faire une toute nouvelle forme d'engagement sans lien aucun avec le principe de subsidiarité.

Il faudrait par ailleurs régler plus précisément le soutien technique de l'armée aux autorités civiles de la Confédération et des cantons lorsqu'il ne vise pas à assurer la sécurité intérieure. Pour que la Séc mil puisse apporter son soutien à d'autres services de la Confédération en dehors du service d'appui, il faudrait adapter la LAAM, ce qui n'est pas à l'ordre du jour.

4258

3.2.2

Administration fédérale des douanes

3.2.2.1

Remarques liminaires

Les interrogations qui se sont posées récemment au sujet de l'étendue des compétences de l'AFD portent principalement sur les tâches qui lui sont déléguées par les cantons. De telles délégations existent toutefois depuis des décennies. Les cantons frontaliers délèguent par exemple les contrôles de personnes à la frontière au Cgfr depuis 1964295. Cette délégation n'a, à notre connaissance, pas été contestée. Depuis l'entrée en vigueur de l'Accord d'association à Schengen/Dublin296, les cantons et la Confédération ont toutefois intensifié leur collaboration qui s'étend aujourd'hui aux cantons non frontaliers. Il n'est ainsi pas rare d'assister à des contrôles de personnes effectués par le Cgfr dans la zone frontalière ou au-delà de cette dernière297. Ce transfert «territorial» des tâches semble avoir sensibilisé l'opinion publique sur la question de la répartition des compétences entre Confédération et cantons. Le Conseil fédéral a d'ailleurs été appelé à prendre position sur cette problématique298.

A notre avis, l'examen de la question ne peut toutefois pas se limiter aux seules conventions signées entre cantons et Confédération. En effet, comme relevé sous le ch. 2.3.2.5.4.1, plusieurs compétences qui reposaient autrefois exclusivement sur une délégation de compétences par les cantons ont été insérées explicitement dans la législation fédérale. C'est le cas par ex. du contrôle de personnes, qui repose aujourd'hui sur l'art. 23 OEV299, en relation avec l'art. 9, al. 2 LEtr ou des contrôles de police routière qui sont expressément prévus à l'art. 4 OCCR300. Ces tâches réglementées dans le droit fédéral deviennent des tâches «originaires» de l'AFD au sens entendu au chiffre 2.3.2.5.3301 alors même qu'elles continuent d'être déléguées dans les conventions conclues avec les cantons. Des incohérences entre le texte législatif et le texte de la convention pourraient se manifester. Il en existe une au sujet du principe même des conventions: en contradiction avec la lettre claire de l'art. 97 LD des conventions ont en effet été conclues entre la Confédération et des cantons non frontaliers au sujet de la délégation de tâches sur le territoire de la Confédération, soit au-delà de l'espace frontalier. Des questions similaires pourraient se poser en matière de circulation routière par exemple. L'art. 4 OCCR
limite l'application des contrôles aux seuls véhicules entrant et sortant du territoire de la Confédération. Qu'en est-il si un canton prévoit l'extension territoriale de l'engagement du Cgfr dans sa convention? On le voit, cet embrouillamini de normes pose la délicate question de la répartition constitutionnelle des compétences entre la 295 296 297

298

299 300 301

Cf. note de bas de page 193.

L'intensification de la collaboration coïncide avec cette entrée en vigueur, elle n'est cependant pas exigée par cet accord.

A noter que l'AFD a la compétence d'effectuer des contrôles sur tout le territoire de la Confédération, notamment dans les trains, dans le cadre de l'accomplissement de ses tâches originaires sur la base de l'art. 30 LD.

Dans son rapport du 12 octobre 2010 relatif à l'évaluation de l'AFD, la Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-CE) a chargé le Conseil fédéral de veiller à ce que le Cgfr ne devienne pas une police auxiliaire nationale (FF 2011 1801, ch. 2.2). Dans sa prise de position du 26 janvier 2011 au sujet de ce rapport, le Conseil fédéral a notamment reconnu que les compétences de l'AFD en matière de police de sécurité mériteraient d'être réglées de manière plus détaillée dans la loi sur la police actuellement en cours d'élaboration (FF 2011 1879, ch. 2.3 in fine).

Ordonnance du 22 octobre 2008 sur l'entrée et l'octroi de visas; RS 142.204.

Ordonnance du 28 mars 2007 sur le contrôle de la circulation routière; RS 741.013.

Cf. note de bas de page 190.

4259

Confédération et les cantons. Ainsi, le seul fait d'ancrer dans la législation fédérale des compétences qui relèveraient originairement des cantons ne saurait par exemple en aucun cas «guérir» une absence de compétence constitutionnelle de la Confédération.

Ces réflexions démontrent que l'analyse qui suit ne peut se limiter à l'examen des tâches de police déléguées à l'AFD mais doit bien plus englober le droit fédéral qui aménage des compétences de police au bénéfice de l'AFD.

3.2.2.2

Compétences en vertu du droit fédéral

3.2.2.2.1.1

Compétences en vertu de la législation douanière

Afin d'exécuter les tâches qui lui sont confiées, l'AFD peut notamment contrôler la circulation des personnes, établir leur identité, contrôler la circulation des marchandises, rechercher des personnes et des choses dans l'espace frontalier et surveiller l'espace frontalier. Elle peut par ailleurs procéder à des interrogatoires et à des palpations, à des fouilles corporelles ou à des examens médicaux (art. 100 à 103 LD)302. Elle a par ailleurs la compétence de prendre les mesures nécessaires pour préserver les moyens de preuve susceptibles d'être utilisés dans une procédure pénale et séquestrer des objets et valeurs dont la confiscation est probable. Elle est en mesure de procéder à des perquisitions dans l'espace frontalier à des fins de contrôles ou conduire des personnes au poste de douane ou les arrêter provisoirement (art. 104, 105, 107 LD). Le Cgfr peut porter et utiliser des armes (art. 106). Ces compétences sont précisées aux art. 222 ss OD.

L'art. 133 Cst., à lire en relation avec l'art. 101 Cst., est la seule disposition constitutionnelle portant expressément sur les questions douanières. Il aménage à la Confédération la compétence exclusive de légiférer sur les droits de douane et sur les autres redevances perçues à la frontière sur le trafic des marchandises303. Une compétence plus étendue n'est pas prévue304. Comme indiqué au chiffre 2.3.2.5, la loi sur les douanes va toutefois bien au-delà de ce cadre. Elle règle l'exécution d'actes législatifs de la Confédération autres que douaniers mais aussi la surveillance et le contrôle de la circulation des personnes et des marchandises traversant la frontière douanière. Dans ce contexte et en vertu de l'art. 96 LD, l'AFD exécute des tâches de police de sécurité dans l'espace frontalier, tâches qu'elle accomplit en coordination avec les polices afin de contribuer à la sécurité intérieure du pays et à la protection de la population.

302 303 304

Loi du 18 mars 2005 sur les douanes; RS 631.0.

Cf. ch. 2.3.2.5.1 Le législateur a toutefois depuis longtemps considéré que le domaine des douanes recouvrait bien plus que la simple perception de redevances. Déjà dans son message du 4 janvier 1924 concernant la révision de la loi sur les douanes (FF 1924 I 21 ss, 63 s.), le Conseil fédéral notait que «l'administration des douanes est l'organe qui coopère à l'exécution de toutes les lois fiscales et de police de la Confédération, lorsqu'il s'agit de trafic à travers la frontière nationale, (une) tâche qui complique sensiblement son activité (et) lui donne tout à fait le caractère d'une police fédérale».

4260

3.2.2.2.1.2

Compétences en vertu d'autres actes législatifs fédéraux

Dans la mesure où l'AFD exécute des actes législatifs autres que douaniers, ses compétences ne sont pas uniquement prévues dans la loi sur les douanes mais reposent également sur d'autres législations. Ces tâches sont très nombreuses. Par ailleurs et comme déjà relevé, les compétences déléguées par les cantons concernent généralement des domaines pour lesquels la compétence de contrôle de l'AFD trouve son assise dans le droit fédéral. Les domaines pertinents sont examinés ci-après.

Législation sur les armes Les autorités douanières disposent de compétences de contrôles en cas d'importation et d'exportation des armes, accessoires et munitions. L'AFD contrôle notamment si les informations données dans les documents d'importation et d'exportation correspondent à la marchandise ou si les annonces ont été effectuées conformément à la législation douanière (art. 22c, 23 LArm305, art. 67 OArm306). Elle est également compétente pour enquêter et statuer sur les contraventions à la loi sur les armes si celles-ci sont commises lors de l'importation d'armes ou de transit en trafic touristique. En cas de crimes ou de délits, elle se contente toutefois d'empêcher la personne de continuer sa route et appelle la police (art. 67 OArm).

La loi sur les armes repose valablement sur l'art. 107, al. 2 Cst.

Législation sur les stupéfiants L'AFD effectue le contrôle du transit, de l'importation, de l'exportation et procède au dédouanement des stupéfiants (art. 5 LStup307, art. 37 à 39 OCStup308). La poursuite pénale relève en revanche des cantons sauf pour les infractions constatées par les autorités fédérales dans le domaine d'exécution de la Confédération et qui sont poursuivies et jugées par ces dernières en application du droit pénal administratif.

Ces dispositions concernent les infractions à l'exportation, à l'importation, le détournement du lieu de destination ou l'entreposage sans autorisation (art. 28, 28a LStup, art. 85 OStup).

Cette loi se fonde sur l'art. 118 Cst.

Législation sur les étrangers Au sens de l'art. 9 LEtr309, les cantons exercent le contrôle des personnes sur leur territoire. Le Conseil fédéral règle, en accord avec les cantons frontaliers, le contrôle des personnes par la Confédération dans la zone frontalière. Ainsi l'art. 23 OEV prévoit que le Cgfr exécute des contrôles de personnes à la
frontière tant dans le cadre de ses tâches ordinaires qu'en vertu des accords entre l'AFD et les cantons. La poursuite des infractions relève des cantons (art. 120e LEtr).

La loi sur les étrangers repose sur l'art. 121 Cst. qui aménage à la Confédération une large compétence législative en matière d'entrée en Suisse, de sortie, de séjour et d'établissement des étrangers, de même que sur l'octroi de l'asile.

305 306 307 308 309

Loi du 20 juin 1997 sur les armes; RS 514.54.

Ordonnance du 2 juillet 2008 sur les armes; RS 514.541.

Loi du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants; RS 812.121.

Ordonnance du 25 mai 2011 sur le contrôle des stupéfiants; RS 812.121.1.

Loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers; RS 142.20.

4261

Législation sur la circulation routière L'art. 57, al. 3, let. b, LCR310 aménage au Conseil fédéral la compétence d'arrêter des dispositions concernant le contrôle des véhicules et de leur conducteur à la frontière. L'art. 4 OCCR aménage aux bureaux de douanes et au Cgfr la compétence pour les contrôles de police routière des véhicules et conducteurs qui entrent en Suisse ou qui en sortent. Ils contrôlent particulièrement le permis de conduire, l'état des conducteurs, le respect de la durée du travail, de la conduite et du repos, l'état technique général des véhicules, les dimensions et les poids, le transport de marchandises dangereuses, l'interdiction de circuler le dimanche et la nuit. Ils sont en droit d'ordonner les mêmes mesures que les organes cantonaux de police et d'ordonner l'interdiction de reprendre la route. En cas d'infraction, ils font appel à la police compétente ou établissent un rapport de dénonciation.

La législation sur la circulation routière repose sur l'art. 82 Cst.

Législation sur la pêche La LFSP311 prévoit expressément que les gardes-frontière fédéraux sont tenus, dans la mesure où le service douanier le leur permet, de seconder dans l'exercice de leurs fonctions les agents et les organes cantonaux chargés de la surveillance de la pêche dans les eaux frontière suisses (art. 21, al. 3).

Cette loi repose sur les art. 78, al. 4, et 79 Cst. qui aménagent une compétence législative de la Confédération limitée aux principes.

3.2.2.3

Evaluation

3.2.2.3.1

Compétences d'exécution du droit fédéral en faveur de la Confédération

Le ch. 3.2.2.2.1.2 démontre que les compétences de l'AFD ne reposent pas uniquement sur la législation douanière mais sur un faisceau de législations qui se fondent toutes sur une compétence législative suffisante en faveur de la Confédération.

Or, comme indiqué sous le ch. 2.2.2.4, le législateur dispose, en vertu de l'art. 46, al. 1 Cst. et sous réserve du principe de subsidiarité ancré aux art. 5a et 43a Cst., de la liberté de déterminer les compétences d'exécution du droit fédéral312. L'exécution comporte tant les activités législatives qu'exécutives et judiciaires.

310 311 312

Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière; RS 741.01.

Loi fédérale du 21 juin 1991 sur la pêche; RS 923.0.

Sous le régime de l'ancienne Constitution, il n'était pas rare que les dispositions constitutionnelles prévoient expressément la délimitation des compétences d'exécution entre Confédération et cantons. De telles dispositions ne sont en principe plus prévues expressément dans les dispositions topiques de la nouvelle Constitution. Cela ne signifie toutefois pas que le constituant ait souhaité modifier la répartition des compétences d'exécution. Celui-ci souhaitait bien plus éviter les répétitions et utiliser des dispositions applicables de manière générale, notamment l'art. 46 en vertu duquel il appartient aux cantons de mettre en oeuvre le droit fédéral conformément à la Constitution et à la loi.

Cette formulation vise à asseoir le principe de la mise en oeuvre par les cantons pour autant que la Constitution ou la loi ne prévoient pas la compétence d'une autorité fédérale et qu'elles les chargent de cette mise en oeuvre.

4262

Sur cette base, il est donc admis que l'AFD dispose d'une compétence de police si les activités de police sont en rapport avec sa présence à la frontière, en particulier le franchissement de la frontière par des personnes ou des marchandises et si ces activités de police se limitent à la mise en oeuvre du droit fédéral. De telles compétences de police existent aujourd'hui dans la plupart des actes législatifs autres que douaniers que l'AFD exécute. Ces législations règlent notamment les domaines mentionnés au chiffre précédent, qui sont également les domaines dans lesquels les cantons procèdent à des délégations de tâches en faveur de l'AFD.

Il découle de ce qui précède qu'une loi fédérale peut donc, compte tenu de l'art. 46 Cst., prévoir une compétence d'exécution de la Confédération dans un domaine pour lequel elle dispose d'une compétence législative. Dans ce contexte on peut se demander si cette possibilité de régler les compétences d'exécution est valable sans restriction ou si, au contraire, il est nécessaire d'opérer des distinctions selon le type de tâches. Prenant l'exemple des compétences de contrôle de l'AFD en matière de circulation routière, on constate qu'elles s'imbriquent clairement dans le cadre de la législation fédérale pour laquelle la Confédération dispose d'une large compétence législative (compétence de la Confédération fondée sur la connexité matérielle).

Il en découle que les compétences policières de l'AFD qui sont prévues dans des actes législatifs sectoriels autres que douaniers pour lesquels la Confédération dispose d'une compétence législative explicite sont admissibles dans le cadre constitutionnel en vigueur. Dans ce cas, la loi doit clairement prévoir que la Confédération, respectivement une autorité fédérale est chargée de l'exécution. La détermination des autorités fédérales compétentes peut être prévue dans une ordonnance du Conseil fédéral.

3.2.2.3.2

Tâches de police fondées sur la loi sur les douanes

Avec la nouvelle loi sur les douanes, l'AFD peut avoir des activités de police (contrôle des personnes; tâches de police de sécurité) sur tout l'espace frontalier (art. 96 LD)313 et ce indépendamment du fait que ces activités aient un lien avec le franchissement de la frontière et la mise en oeuvre du droit fédéral. La disposition prévoit de manière générale l'exercice de ces tâches dans le cadre de la contribution à la sécurité intérieure du pays et à la protection de la population. Le message du Conseil fédéral motive comme suit l'introduction de cette disposition: «A ce jour, l'administration des douanes n'a pas de mandat légal en matière de police de sûreté. Eu égard à l'importance de la contribution fournie par le Corps des gardes-frontière dans le domaine de la sécurité intérieure, une disposition légale se justifie (al. 1). L'al. 1 correspond à l'art. 19, al. 2, de l'ordonnance du 11 décembre 2000 sur l'organisation du Département fédéral des finances (Org DFF; RS 172.215.1)314. Il donne à l'administration des douanes à la fois un mandat en matière de police de sûreté et un mandat de coopération. Il va de soi que les compétences des autorités fédérales et cantonales en matière de poursuite pénale sont maintenues; il est ainsi tenu

313 314

Pour la notion d'espace frontalier, cf. ch. 2.3.2.5.4.2.

Aujourd'hui, art. 14, al. 1, let. c.

4263

compte des préoccupations des cantons (al. 2). Le Corps des gardes-frontière n'effectue pas d'enquête de police».315 Cet article, à l'instar de l'art. 95 LD, ne fonde pas à lui seul une compétence. Il contient avant tout un message politique, selon lequel l'AFD joue, dans le cadre de ses tâches nombreuses et variées, un rôle déterminant dans le domaine de la sécurité intérieure. Il ne constitue pas en soi une norme de délégation ni une norme permettant à l'AFD d'assumer des tâches policières. Dans la teneur retenue, il peut cependant paraître problématique d'un point de vue constitutionnel. D'une part, il n'indique pas clairement quelles tâches de sécurité sont transférées à l'AFD. Si on s'en tient à une analyse purement grammaticale, il pourrait également s'agir de tâches qui relèvent principalement du domaine de compétence originel des cantons en matière de police, bien que cela soit contraire à la Constitution. D'autre part, aux termes de l'art. 95 LD, les tâches non douanières sont aussi en grande partie des «tâches de sécurité», même si celles-ci doivent être décrites concrètement dans les actes concernés. L'art. 96 LD constitue ainsi une norme générale, en porte-à-faux avec l'énumération de l'art. 95. Sous l'angle constitutionnel et légistique, il serait préférable d'abroger l'art. 96 et de compléter certaines dispositions qui ne relèvent pas du droit des douanes, si cela s'avère nécessaire pour assurer la sécurité intérieure du pays et la protection de la population.

3.2.2.3.3

Tâches déléguées par les cantons

L'art. 97 LD permet aux cantons frontaliers qui le demandent de confier à l'AFD l'exécution de tâches de police dans l'espace frontalier. Dans son message, le Conseil fédéral relève notamment que cet article se fonde sur la répartition constitutionnelle des compétences entre la Confédération et les cantons et qu'il constitue la base légale pour les cas où l'exécution de tâches est confiée aux cantons par le droit fédéral (1) ou pour les domaines dans lesquels la pratique a révélé qu'un canton ne peut exécuter judicieusement ses tâches dans l'espace frontalier qu'en collaboration avec l'administration des douanes ou qu'il n'est pas à même d'assurer l'exécution par ses propres moyens (2)316.

3.2.2.3.3.1

Délégation de tâches qui ont été confiées aux cantons par le droit fédéral

Ce type de délégations représente une renonciation aux tâches d'exécution que la Confédération avait confiées aux cantons. Comme déjà décrit sous le ch. 2.2.2.5, une telle renonciation est possible par voie de convention et ne pose pas de problèmes de nature constitutionnelle, quand bien même les cantons renonceraient à des tâches policières ou de procédure pénale. Sur la base de ce raisonnement, les délégations de tâches prévues dans les conventions dans le domaine des armes, des stupéfiants ou de la circulation routière ne posent pas de problèmes particuliers. Tout au plus serait-il souhaitable de remanier les conventions de manière à y supprimer les compétences de l'AFD qui sont déjà prévues dans les législations sectorielles.

315 316

Message relatif à la loi sur les douanes, FF 2004 517.

FF 2004 517

4264

La recherche de personnes et de véhicules n'est pas examinée sous le ch. 3.2.2.2.1.2.

La recherche de personnes entre toutefois dans le cadre de la procédure pénale pour laquelle la Confédération dispose d'une compétence législative (art. 123 al. 1 Cst.).

Utilisant sa compétence, la Confédération a réglé la recherche et les autorités compétentes dans ce domaine aux art. 210 ss CPP317. Elle aurait en soi pu prévoir une compétence du Cgfr, ce qu'elle n'a pas fait. Les cantons peuvent toutefois renoncer aux compétences d'exécution qui leur incombent en vertu du CPP.

Un problème pourrait se poser dans le cadre de la délégation de tâches dans les domaines de la pêche, de la chasse et de la protection de la forêt, dans la mesure où la Confédération ne dispose, dans ces domaines, que d'une compétence limitée aux principes. Compte tenu d'une compétence législative limitée au cadre, les législations sur la pêche, la chasse et la forêt aménagent des compétences d'exécution importantes en faveur des cantons, notamment en matière de poursuite pénale.

Malgré la compétence législative fédérale limitée, nous estimons que les cantons auraient la possibilité de renoncer aux compétences de mise en oeuvre que leur attribue la législation fédérale. Ils n'ont en revanche pas la possibilité de renoncer aux tâches qu'ils accomplissent dans ces domaines en vertu de leur législation cantonale.

Il sied enfin de thématiser la question des compétences déléguées par les cantons non frontaliers pour des tâches à exécuter lors des contrôles dans les trains318. A priori, de telles délégations ne sont pas absolument exclues si elles portent sur la renonciation à une tâche qui est attribuée aux cantons par le droit fédéral. En revanche, de telles conventions sont, comme déjà relevé, contraires à la loi sur les douanes qui limite la conclusion de telles conventions aux cantons frontaliers pour l'espace frontalier.

3.2.2.3.3.2

Délégation de tâches que les cantons ne sont pas en mesure d'assurer par leurs propres moyens ou pour lesquelles la collaboration avec l'AFD est judicieuse

Dans son message, le Conseil fédéral énumère ce type de délégation à titre d'alternative aux délégations de tâches qui ont été confiées aux cantons par le droit fédéral.

Avec une telle interprétation, il n'est pas exclu que la délégation de compétence puisse porter sur des compétences policières originaires des cantons. Or, les conventions qui prévoiraient un transfert de compétences originaires des cantons s'avéreraient problématiques sous l'angle de leur compatibilité à la Constitution, dans la mesure où elles reviendraient à prévoir, par voie contractuelle, un transfert de compétences entre les deux autorités, alors même que la répartition doit être déduite de la Constitution319. Le besoin de collaboration est certes un critère pertinent mais il n'est pas suffisant pour permettre la délégation de tâches cantonales. Ces dernières doivent en outre leur avoir été attribuées par le droit fédéral.

317 318

Code de procédure pénale du 5 octobre 2007; RS 312.0.

Les conventions conclues avec des cantons non frontaliers ne concernent que les contrôles dans les trains.

319 Cf. ch. 2.2.2.5.

4265

Il serait dès lors utile de préciser l'art. 97 LD de manière à indiquer que les cantons ne peuvent renoncer aux tâches de police qui leur incombent par voie de convention que s'il s'agit de compétences qui leur sont attribuées par le législateur fédéral dans un domaine pour lequel ce dernier dispose d'une compétence législative.

3.2.2.4

Bilan

Compte tenu des éléments qui précèdent, une modification de l'art. 97 LD s'avère indispensable. Le premier alinéa doit ainsi être adapté de manière à autoriser le DFF, respectivement à l'AFD, à conclure des conventions avec des cantons non frontaliers. En l'absence de base légale formelle, les autorités fédérales ne sont en effet pas habilitées à conclure de tels accords. La mention de l'art. 44 Cst. dans le préambule des conventions concernées est insuffisante.

Il serait par ailleurs souhaitable de compléter cet alinéa de manière à préciser que les cantons ne peuvent déléguer que des compétences qui leur ont été attribuées par le législateur fédéral dans des domaines dans lesquels la Confédération dispose d'une compétence législative (a fortiori une délégation de compétences originaires est inadmissible).

L'art. 96 LD, enfin, mériterait d'être remanié. Cas échéant, il serait préférable de compléter les actes législatifs autres que douaniers de manière à prévoir des compétences de police de sécurité accrues de l'AFD ou plus particulièrement du Cgfr si cela devait s'avérer nécessaire pour la garantie de la sécurité intérieure.

Les conventions conclues avec les cantons devraient quant à elles être révisées de manière à ne pas rappeler les compétences pour lesquelles l'AFD ou le Cgfr sont compétents en vertu de la législation fédérale. On peut enfin se demander s'il ne serait pas souhaitable de compléter les actes législatifs autres que douaniers, de manière à y prévoir expressément en tant que tâches de l'AFD, les tâches de police qui sont systématiquement redéléguées par les cantons dans le cadre des conventions. Ce faisant, on tiendrait bien évidemment compte des différents principes applicables, notamment du principe de subsidiarité (art. 5a Cst.). Un tel mécanisme aurait le mérite d'être plus transparent que le système actuel.

3.2.3

Tâches de police de sécurité, de police judiciaire et de police criminelle de la Confédération

3.2.3.1

Tâches de police de sécurité

En matière de sécurité intérieure, les compétences inhérentes de la Confédération permettent à cette dernière d'agir sans base constitutionnelle explicite; ces compétences non écrites en matière de sécurité intérieure incluent des compétences législatives. Elles dérogent à la règle de compétence de l'art. 3 Cst. Dans la doctrine, l'existence d'un droit constitutionnel de règles constitutionnelles non écrites est réputée incontestée. Par ailleurs, il n'est pas contesté non plus que la Confédération soit habilitée à protéger ses organes, ses autorités et ses institutions, de même que les

4266

bâtiments qui abritent ces personnes en se fondant sur ses compétences inhérentes320.

Toutefois, la portée et les limites de la compétence inhérente restent entachées d'incertitudes en ce qui concerne l'activité de la Confédération en matière de législation et d'application du droit. A défaut d'une base constitutionnelle explicite et suffisamment précise, des questions se posent régulièrement notamment quant à la portée des compétences inhérentes de la Confédération. Par exemple, ces compétences constituent-elles une base pour l'accomplissement de ses obligations de protection découlant du droit international public ou ces tâches de police de sécurité incombent-elles aux cantons? Dans quelle mesure la Confédération peut-elle légiférer dans ce domaine?

Ces interrogations montrent que les compétences législatives inhérentes de la Confédération dans le domaine de la sécurité restent floues et que, dans l'application du droit constitutionnel non écrit, l'incertitude demeure en ce qui concerne l'intensité de la réglementation, ses effets juridiques par rapport aux compétences cantonales et l'obligation même de réglementer. La sécurité du droit et la transparence y gagneraient si l'on créait une base constitutionnelle explicite pour les compétences de la Confédération fondées, dans le droit en vigueur, sur ses seules compétences inhérentes.

3.2.3.2

Obligations de protection découlant du droit international public

Les tâches de police de sécurité englobent les obligations de protection en vertu du droit international public (cf. ch. 2.3.2.2.1.2), qui incombent pour l'essentiel aux cantons. Dans la pratique, on constate des différences de perception entre le DFAE et les autorités fédérales et cantonales compétentes pour la sécurité en Suisse. Ces dernières s'en tiennent parfois à une analyse trop étroite de la notion de risque en présence de personnes et de bâtiments jouissant d'une protection spéciale en vertu du droit international et leurs conclusions ne sont pas toujours acceptables à la lumière des relations internationales. Ceci pourrait aussi amener certains Etats à réduire les mesures de sécurité accordées aux représentations diplomatiques et consulaires suisses sur leur territoire. En effet, les Etats ont chacun leur stratégie et leurs priorités en matière de sécurité des personnes et des bâtiments jouissant d'une protection spéciale qui se trouvent sur leur territoire, ce qui peut mener à des différences importantes d'un Etat à l'autre quant aux mesures qui sont prises concrètement face à un même risque. En outre, les Etats font leur propre évaluation de risque pour leurs représentations diplomatiques et consulaires dans le monde ou en ce qui concerne leurs personnalités politiques lors de leurs déplacements officiels à l'étranger. De même, les organisations internationales procèdent de leur côté à une évaluation des risques et des mesures de sécurité requises. Or, les mesures qui sont prises en Suisse sont considérées par certains Etats, voire par certaines organisations internationales, comme relativement légères en comparaison des mesures que d'autres pays mettent en place, notamment les Etats voisins de la Suisse. S'ils estiment que les mesures mises en place par la Suisse sont insuffisantes à la lumière de leur propre évaluation du risque, les Etats en particulier pourraient être amenés à 320

Pour ce qui est de la délimitation avec la protection de l'Etat, cf. ch. 2.3.2.1.1.

4267

prendre eux-mêmes des mesures sur le domaine public suisse qui seraient en contradiction avec le droit suisse (art. 271 du Code pénal suisse en particulier321).

Il importe en outre que les autorités fédérales et cantonales compétentes en matière de sécurité disposent des moyens de réagir rapidement à des changements imprévus de situation sécuritaire en lien avec des événements internationaux. De tels événements nécessitent non seulement une réaction immédiate, mais aussi souvent des mesures de sécurité à long terme. Si un canton ne peut compter que sur ses propres moyens, il risque de ne pas être en mesure de répondre aux défis sécuritaires qui se présenteront à lui, tant dans le cadre de la protection contre des actes de terrorisme ou de nature politique qu'en ce qui concerne les mesures de protection générale.

Parmi les bâtiments et les personnes jouissant d'une protection spéciale en vertu du droit international public, il y a lieu de mentionner les missions diplomatiques, les missions permanentes, les postes consulaires et les organisations internationales que la Suisse accueille sur son territoire, mais également les membres de leur personnel et membres de famille, ainsi que les délégués aux conférences internationales et autres personnes appelées en qualité officielle. Dans le cadre de ses compétences constitutionnelles telles qu'elles ressortent des art. 54, al. 1, et 57, al. 2, Cst., la Confédération doit pouvoir s'assurer que les mesures nécessaires seront prises dans le respect des obligations internationales de la Suisse.

3.2.3.3

Tâches de police judiciaire

Aux termes de l'art. 123, al. 2, Cst., l'administration de la justice en matière pénale, et partant la poursuite des actes délictueux incombent aux cantons sauf disposition contraire de la loi. Le code de procédure pénale attribue à la Confédération la poursuite de certaines infractions (art. 23 ss CPP). A la faveur de l'entrée en vigueur du «projet d'efficacité»322, la compétence de la Confédération a été étendue à la grande criminalité transfrontalière, notamment au crime organisé, au blanchiment d'argent et à la criminalité économique: la Confédération peut ainsi revendiquer la poursuite des affaires criminelles transfrontalières graves et complexes323. De plus, dans le sillage de la Convention des Nations Unies pour la répression du financement du terrorisme, la juridiction de la Confédération a été instaurée pour ce type de délits.

Les tâches de police judiciaire de la Confédération, exercées par l'Office fédéral de la police, se fondent sur l'art. 123, al. 1 et 2, Cst324. En application des règles de la procédure pénale et en cas de soupçon d'infraction, la Confédération prend des mesures de poursuite et d'élucidation d'actes pénalement répréhensibles. Ces mesures concernent notamment l'acquisition de moyens de preuve, la recherche des auteurs, les mandats d'amener, les perquisitions, l'arrestation provisoire, etc., toujours à la condition que la catégorie de délits touchée relève de la juridiction de la Confédération. Pour garantir l'accomplissement des tâches de police judiciaire à l'encontre de personnes susceptibles de se montrer particulièrement violentes, un groupe d'intervention a été institué en 2008, qui peut être appelé à la rescousse en 321 322 323

RS 311.0.

Modification du code pénal suisse du 22 décembre 1999, FF 1998 1253.

A. Lobsiger, Grundaufgaben der Verwaltung, Polizei und Justiz sowie des zivilen Staatsschutzes, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, vol. III, Bâle 2008, ch. marg. 125.

324 Des tâches de police judiciaire ­ quoique d'une portée limitée ­ sont également confiées au Cgfr (dans le domaine fiscal) et à la Séc mil (juridiction militaire).

4268

cas d'intervention risquée325. Les tâches de police judiciaire de la Confédération dans le domaine de la poursuite pénale se fondent entièrement sur l'art. 123, al. 1 et 2, Cst.

3.2.3.4

Tâches de police criminelle et d'appui

Les activités de la Confédération en matière de police criminelle ont également pour base constitutionnelle l'art. 123, al. 1 et 2, Cst.: elles s'inscrivent dans la phase préparatoire des procédures pénales et servent à empêcher ou à élucider des infractions. Il s'agit d'une part d'investigations préliminaires dans des cas concrets relevant de la compétence de la Confédération en matière de poursuite pénale, et d'autre part de stratégies visant à identifier des organisations criminelles, des structures, des contacts, des moyens d'action, des scénarios, des comportements, des recyclages de butin, etc. avant que des infractions ne soient commises326. Ces mesures de recherche et de traitement d'informations sont particulièrement importantes pour la détection précoce de phénomènes criminels complexes et transfrontaliers. A cette fin, la Confédération a notamment mis en place des services centraux de coordination dans les domaines du crime organisé, de la traite des êtres humains, de la cybercriminalité, du trafic de stupéfiants, de la non-prolifération, etc. De plus, elle assume de nombreuses tâches de coordination et d'information pour le compte d'autorités suisses et étrangères. A ce propos, l'une des tâches principales de la Confédération en matière de police criminelle est d'informer les autorités de la Confédération et des cantons. Dans ce rôle, la Confédération n'agit pas seulement en tant qu'interface pour la retransmission d'informations liées à la sécurité, mais elle exploite de sa propre compétence une série de systèmes d'information de police.

La multiplication des tâches de police de la Confédération et l'importance croissante de ses activités de police ­ précisément dans le domaine de l'échange d'informations aux plans national et international ­ ont incité plusieurs acteurs à revendiquer l'inscription dans la Constitution d'une compétence policière explicite de la Confédération. Leurs réserves sont formulées d'une manière plutôt générale, mais elles témoignent bien du fait qu'un volume sans nul doute important de tâches repose sur une base constitutionnelle relativement ténue. Alors que les tâches de police judiciaire de la Confédération se fondent sur une base constitutionnelle suffisante, le domaine de la police criminelle mérite une analyse plus poussée.

Les tâches de police criminelle
s'inscrivent dans la phase préparatoire des procédures pénales. En l'absence de soupçons sur lesquels se fonder, la Confédération ne peut exercer ses tâches que sur une base juridique en matière de police, et non de procédure pénale. A défaut d'autres compétences dans le domaine policier, la Confédération ne peut créer et appliquer de droit en la matière que s'il concerne des tâches suffisamment liées à la poursuite pénale de sorte que l'on puisse invoquer l'art. 123 Cst. A l'instar des tâches de police judiciaire, les actions de police criminelle sont liées à la condition que les faits doivent relever de la juridiction de la

325 326

Groupe d'intervention «Tigris», cf. ch. 2.3.2.2.2.

Cf. le champ d'application de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée («Convention de Palerme»); RS 0.311.54).

4269

Confédération327. A un stade précoce des investigations de police criminelle, les compétences pour la poursuite pénale sont souvent encore mal établies: ce n'est généralement qu'au cours de l'enquête que l'on saura de quel type de délits relève l'infraction présumée et que l'on connaîtra l'ampleur du cas. Lors de ces préliminaires à la poursuite pénale, il est souvent impossible d'attribuer clairement la compétence alors que durant le même temps, les activités des autorités spécialisées de la Confédération (notamment des services centraux), coordonnées aux plans national et international, revêtent une importance considérable. Le cadre juridique donné par la Constitution, qui veut que la détermination des compétences en matière de police criminelle soit conditionnée par une infraction commise (art. 123 Cst.328), n'est donc guère praticable. La création d'une base constitutionnelle suffisamment précise qui permettrait à la Confédération d'assumer sa tâche de service central apporterait une clarification dans un domaine régulièrement pris pour cible par la critique.

En guise d'exemple d'un renforcement nécessaire de la fonction coordinatrice de la Confédération, on peut citer la traite par métier d'êtres humains. Cette infraction est commise par des criminels domiciliés en Suisse et faisant partie de réseaux internationaux, qui recourent à des collaborateurs tout au bas de la pyramide pour le transport des migrants par-delà les frontières. En dépit de leur organisation relativement structurée, ces groupes d'acteurs ne répondent généralement pas aux critères du crime organisé au sens de l'art. 260ter CP, de sorte que la poursuite pénale incombe aux cantons. Le délit de traite d'êtres humains est défini à l'art. 116 de la loi fédérale sur les étrangers329 et relève ainsi du droit pénal accessoire: dès lors, dans les cantons, ce ne sont pas les divisions criminelles de corps de police qui procèdent aux investigations éventuelles sur la traite par métier d'êtres humains, mais des membres de la police de sécurité ou les autorités administratives chargées des migrations330.

De plus, les cantons défendent souvent le point de vue selon lequel ces réseaux d'acteurs présentent les caractéristiques du crime organisé et qu'en raison des fortes connexions intercantonales et internationales, une poursuite pénale
par la Confédération aurait davantage de chances de succès. Fedpol ne se saisit du cas que lorsque des résultats d'investigations impliquant la Suisse sont fournis dans le cadre de l'entraide judiciaire ou par la collaboration policière internationale. Cette situation pose deux types de problèmes: ­

327

avant même que la question de la compétence pour de premières investigations ne soit réglée avec les cantons, des actions policières ont déjà eu lieu à l'étranger. Les investigations préalables qu'il conviendrait de mener en Suisse se résument alors généralement en des réponses réactives aux questionnaires provenant de l'étranger;

L'art. 27, al. 2, CPP dispose certes qu'en cas d'infractions qui ont été commises, en tout ou partie, dans plusieurs cantons ou à l'étranger et pour lesquelles la compétence de la Confédération ou d'un canton n'est pas encore déterminée, les autorités pénales de la Confédération peuvent procéder aux premières investigations. Cette réglementation répond à la nécessité d'une intervention immédiate et coordonnée d'une autorité centrale.

Il s'agit notamment d'éviter que des moyens de preuve ne disparaissent et de régler des problèmes de compétences. Mais la Confédération ne peut agir qu'en présence d'une infraction «commise»: si ce critère n'est pas rempli, l'art. 27, al. 2, n'est pas applicable.

328 Par ailleurs, l'art. 123, al. 2, Cst. doit être lu en relation avec les art. 5a et 43a Cst.: la Confédération doit respecter le principe de subsidiarité et ne peut recourir à sa compétence qu'avec mesure.

329 LEtr; RS 142.20.

330 Seul le canton de Zurich a transféré de la police de sécurité à la police criminelle le service en charge des infractions à la législation sur les étrangers.

4270

­

les investigations sont menées par des membres de la police de sécurité ou des services de l'immigration: les possibilités de la police criminelle ne sont alors pas mises à profit.

Il en résulte qu'en Suisse, la lutte contre la traite d'êtres humains par métier se limite à des interrogatoires de routine de simples exécutants appréhendés à la frontière. Des investigations préalables proactives au niveau de la police criminelle, menées en collaboration avec l'étranger à l'encontre des meneurs agissant dans l'ombre, font défaut dans ce domaine. Par leurs conséquences pratiques, ces lacunes équivalent à un conflit négatif de compétences entre la Confédération et les cantons. La répartition des responsabilités en matière de détection policière précoce et d'investigations y gagnerait en clarté si l'on instaurait une norme constitutionnelle réglant assez précisément les compétences de police criminelle durant la phase préliminaire de la poursuite pénale.

Compte tenu de la dimension internationale de la majorité des tâches de police criminelle de la Confédération, notamment dans le domaine de l'échange coordonné d'informations (Interpol, Sirene, Schengen, etc.), on note depuis peu une tendance à invoquer pour la législation concernée la compétence globale de la Confédération dans le domaine des affaires étrangères (art. 54, al. 1, Cst.). Ainsi, tant pour la LEIS que pour l'avant-projet de LPol, le législateur a-t-il entre autres fait référence à l'art. 54, al. 1, Cst. à titre de base constitutionnelle331. Cela ne peut toutefois occulter le fait que l'art. 54, al. 1, Cst. habilite certes la Confédération à contracter des engagements de droit international public ­ même pour des objets conventionnels touchant les compétences des cantons ­, mais que leur mise en oeuvre doit tenir compte de la répartition des compétences internes. En principe, des engagements de droit international public ne sauraient fonder des compétences fédérales332. Ce n'est que lorsque les cantons ne peuvent ou ne veulent assumer des engagements de droit international public pris par la Confédération que cette dernière peut agir en se réclamant de l'art. 54, al. 1, Cst. Cette compétence, qui inclut le pouvoir de légiférer, découle du fait que la responsabilité du respect des engagements de droit international public incombe en dernier ressort à la Confédération333. La compétence fédérale afférente n'a cependant qu'un caractère subsidiaire.

Si l'on part de l'idée que l'art. 54, al. 1, Cst. ne peut être invoqué à
titre de base constitutionnelle des tâches de police criminelle de la Confédération et que l'art. 57, al. 2, Cst. ne donne pas non plus à la Confédération de compétences législatives en matière de sécurité intérieure, et si l'on ne veut pas solliciter plus que de raison l'art. 123 Cst., la Confédération ne dispose de facto que d'une bien faible marge de manoeuvre.

Un exemple illustre particulièrement bien cette situation: la banque de données HOOGAN, un système d'information électronique exploité par la Confédération qui recueille les données de personnes s'étant comportées avec violence à l'occasion de manifestations sportives334. La banque de données doit servir aux autorités (cantonales) dans la mise en application de mesures destinées à prévenir des violences dans ces cas. Ces mesures préventives sont destinées à empêcher, par le biais d'une contrainte décidée par les autorités (mesures d'éloignement), les auteurs potentiels 331 332 333 334

Cf. ch. 2.2.5.

Cf. ch. 2.2.4.1.1 et 2.2.4.3.

Cf. P. Mahon, in: Petit Commentaire de la Constitution fédérale, Art. 54, ch. marg. 7.

Cf. art. 24a LMSI.

4271

de commettre des infractions; elles sont de nature purement policière, et les bases légales de ces mesures d'éloignement ont donc été inscrites au niveau concordataire335. Seule la gestion de la banque de données HOOGAN relève de la compétence de la Confédération, outre la limitation des déplacements des hooligans fondée sur l'art. 54, al. 1, Cst. Le Conseil fédéral et le Parlement ont jugé cette façon de faire conforme à la Constitution au motif que la gestion de la banque de données HOOGAN représentait une tâche d'intérêt national dans le domaine de la sécurité intérieure, nécessitant un important effort de coordination336. La disposition relative à la banque de données HOOGAN se fonde dès lors essentiellement sur l'article régissant la coordination dans le domaine de la sécurité intérieure. En revanche, si l'on déniait à l'art. 57, al. 2, Cst. son caractère d'habilitation à légiférer, l'attribution de cette tâche au domaine de compétence de la Confédération serait plus que douteuse sous l'angle du droit constitutionnel.

3.2.3.4.1

Banques de données policières

Les mêmes considérations valent en partie pour les autres banques de données policières gérées par la Confédération. De nombreux systèmes informatiques se fondent essentiellement sur l'art. 57, al. 2, Cst., dans la mesure où, outre les données étroitement liées au droit pénal et à la procédure pénale, ils contiennent de nombreuses données de nature strictement policière337 (données issues du domaine de la détection policière précoce, données liées à l'identification de personnes inconnues et à la recherche de personnes disparues, données recueillies dans la perspective de l'internement de personnes au titre de mesures de tutelle ou d'une privation de liberté préventive, etc.). Si l'art. 57, al. 2, Cst. ne peut servir de base constitutionnelle, l'absence d'une attribution constitutionnelle de compétence en matière de police prive la Confédération de toute légitimité pour gérer des banques de données policières, du moins dans certains secteurs. La Confédération consacre pourtant annuellement plusieurs millions de francs à l'exploitation de ces banques de données338 destinées également à l'accomplissement des tâches cantonales de police, sans compter les coûts de personnel et de développement des applications. Les cantons se contentent de participer aux coûts de la banque de données d'empreintes digitales AFIS à hauteur d'un million de francs par an environ.

335

Les Chambres fédérales ont rejeté l'option d'une modification constitutionnelle et lui ont préféré une solution cantonale; cf. ch. 2.2.5.1.2.

336 Cf. l'avis non publié du 11 mars 2005 de l'Office fédéral de la justice sur les mesures contre la violence lors de manifestations sportives (LMSI I) et les compétences constitutionnelles de la Confédération.

337 Les bases légales des systèmes d'information de police de la Confédération résident dans la loi fédérale sur les systèmes d'information de police de la Confédération (LSIP; RS 361), à l'exception du système d'information HOOGAN, du système d'information fondé sur les profils d'ADN, du système automatique d'identification des empreintes digitales, du système de traitement des données relatives à la protection de l'Etat, du système d'information pour la lutte contre le blanchiment d'argent, de la plate-forme d'information sur les armes (ARMADA) et du système d'information sur les explosifs (BARBARA).

338 Il s'agit des banques de données suivantes: ARMADA, HOOGAN, JANUS, RIPOL, SIS, SuissePolIndex, AFIS, IPAS et CODIS.

4272

L'intérêt pour des systèmes d'information sûrs et gérés selon des critères uniformes est manifeste. L'efficacité des systèmes d'information modernes dépend de façon déterminante d'une acquisition centralisée des données, qui doivent présenter une certaine uniformité. La constitution et l'exploitation d'une banque de données nationale nécessitent toutefois un effort de coordination considérable de la part des autorités; de ce point de vue, la gestion des banques de données policières par le Confédération est adéquate et justifiée, même si ces banques sont surtout utilisées par les cantons. De telles réflexions sur la praticabilité de ces instruments ne sauraient toutefois masquer le fait que sous l'angle du droit constitutionnel, la compétence fédérale n'est pas incontestée et que la situation juridique nécessite une clarification.

3.2.3.4.2

Service de coordination de la lutte contre la criminalité sur Internet (SCOCI)

Au-delà de son appui à l'information, la Confédération est intervenue dans des domaines policiers qui relevaient de par leur nature de la compétence des cantons.

Pour la lutte contre la criminalité sur Internet, la Confédération dispose ainsi du service de coordination SCOCI (cf. supra ch. 2.3.2.2.2) qui se préoccupe principalement de pédocriminalité et de pornographie illégale. Contrairement à ce que la dénomination du service pourrait laisser croire, la Confédération ne se limite pas à des tâches d'appui et de coordination dans la lutte contre les abus sur Internet, mais elle mène des recherches proactives sur Internet en vue de détecter et d'empêcher des infractions, elle procède aux premières investigations (par exemple pour déterminer le domicile des auteurs) et elle communique ses soupçons aux autorités de poursuite pénale compétentes339.

Le CPP a abrogé au 1er janvier 2011 la loi fédérale sur l'investigation secrète (LFIS), qui ne peut plus servir de base légale aux recherches sur Internet ayant valeur d'investigation secrète (identité d'emprunt), lorsqu'elles sont menées avant l'ouverture d'une procédure pénale. Le CPP ne peut pas non plus servir de base légale, car son art. 286, al. 1, let. a, n'autorise les investigations secrètes que si des soupçons laissent présumer qu'une infraction a été commise. Lors de l'intrusion dans des espaces de discussion (chat) en vue de prévenir des infractions (par exemple des actes d'ordre sexuel avec des enfants), il n'existe généralement pas de soupçon précis d'une infraction au début de l'investigation secrète. La réglementation des investigations secrètes préventives doit donc être prévue dans le droit cantonal340. De nombreux cantons ne disposant pas des bases légales nécessaires en matière de police, ils se sont vus contraints de renoncer aux investigations secrètes sur Internet en attendant la création des dispositions correspondantes. En revanche, la Confédération a maintenu ses activités après avoir conclu une convention avec le canton de Schwyz, qui disposait des bases légales (cantonales) nécessaires. Elle a donc pu poursuivre sa recherche de contenus délictueux sur Internet en se fondant sur le droit cantonal.

339

Cf. la convention administrative du 19 décembre 2001 sur la coordination de la lutte contre la criminalité sur Internet, conclue entre le DFJP et la CCDJP.

340 Cf. le rapport de la Commission des affaires juridiques du 12 mai 2011 sur l'initiative parlementaire «Investigation secrète. Restreindre le champ d'application des dispositions légales» (08.458 CN).

4273

Indépendamment du fait que la Confédération maintienne son monitorage ou poursuive ses investigations secrètes en se réclamant de la LFIS entretemps abrogée ou du droit cantonal, elle n'a aucune compétence propre de prendre des mesures de détection policière précoce dans le domaine de la pédocriminalité et de la pornographie illégale. Elle ne dispose d'un tel pouvoir que pour l'identification d'infractions relevant de sa compétence en matière de poursuite pénale; ce n'est pas le cas ici.

Cela signifie que le service de coordination SCOCI ne peut investiguer que si les faits relèvent de la juridiction fédérale.

3.2.3.5

Marche à suivre pour la loi sur les tâches de police

Les tâches de police de la Confédération sont actuellement régies par une profusion d'actes normatifs: la loi sur l'usage de la contrainte, la loi sur les Offices centraux, la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure, la loi sur l'échange d'informations Schengen, la loi sur les profils d'ADN et la loi fédérale sur les systèmes d'information de police de la Confédération. Par son avant-projet de nouvelle loi sur les tâches de police de la Confédération (loi sur les tâches de police; LPol), le Conseil fédéral veut remédier à cet éparpillement dans la systématique du droit fédéral et regrouper en un seul acte les tâches générales de police. Le projet soumis à consultation se concentre sur une intégration des sources de droit réglant les tâches générales de police assumées par fedpol. En revanche, la LPol ne couvre pas les tâches jusqu'ici réglées par des lois spéciales et relevant de divers mandats constitutionnels, notamment dans les domaines des douanes, de l'armée et des transports, ce qui a suscité quelques critiques lors de la procédure de consultation341.

L'avant-projet prévoit, outre les adaptations formelles rendues nécessaires par le regroupement des diverses bases légales, de nouvelles réglementations venant compléter ponctuellement l'actuel droit fédéral en matière de police. Les tâches de police criminelle, y compris le traitement coordonné, analytique et technique des informations, se fonderont ainsi sur une base légale suffisamment précise et dense. Ce sera également le cas de la surveillance policière et du recours à des informateurs. De plus, les principes de la coopération policière avec des autorités en Suisse et à l'étranger seront réglés de manière exhaustive, et les mesures de police prévues par la LUsC seront étendues.

Les compléments et clarifications apportés par l'avant-projet de LPol dans le droit fédéral en matière de police correspondent aux objectifs poursuivis par le présent rapport. Comme exposé précédemment, les améliorations du droit général en matière de police évoquées dans le présent rapport concernent exclusivement des problèmes constitutionnels: aucune modification ne s'impose au niveau de la loi. La création d'une base constitutionnelle explicite pour les tâches de police de sécurité et de police criminelle de la Confédération
n'est toutefois pas une condition sine qua non de la poursuite des travaux législatifs concernant la loi sur les tâches de police, étant donné que son contenu réglementaire actuel augmenté des nouveautés prévues n'excède pas le statu quo pour ce qui est des compétences exposées dans le présent rapport. Cela vaudrait également si l'on ajoutait au projet d'éventuelles tâches de

341

www.admin.ch/ch/f/gg/pc/documents/1787/RapportResConsultationLPol_fr.pdf

4274

police fédérale dans les domaines des douanes, de l'armée et des transports actuellement régis par le droit spécial342.

3.2.3.6

Bilan

Au vu de ce qui précède, il faudra inscrire dans le droit constitutionnel positif le mandat de protection de la Confédération découlant de ses compétences inhérentes.

Ce faisant, il conviendra de déterminer dans quelle mesure la Confédération doit être explicitement habilitée par la Constitution fédérale à prendre les mesures qui s'imposent pour sa propre protection, ou pour la protection de ses organes, de ses autorités et de ses institutions, et qui lui permettront de se prémunir contre des menaces et des dangers.

Par ailleurs, il semble opportun de créer une base constitutionnelle explicite qui se réfère aux nombreuses tâches de police criminelle de la Confédération, qui tendent à se multiplier en raison des implications internationales, dont font notamment partie les tâches des Offices centraux et les autres tâches d'appui de la Confédération.

Ces normes constitutionnelles ne sont toutefois pas absolument nécessaires pour la suite des travaux relatifs à la LPol: indépendamment de l'état d'avancement de la mise en oeuvre des mesures proposées par le présent rapport, on peut envisager une reprise des travaux visant la mise au point du projet de loi et du message relatifs à la LPol, car ils s'inscrivent dans le cadre de la réglementation constitutionnelle des compétences décrite plus haut.

Enfin, il conviendra de préciser, sur le plan légal, les modalités selon lesquelles la Confédération appuie les cantons dans l'exercice des obligations de protection de droit international public, notamment dans les cas où il faut s'attendre à des répercussions sur les relations extérieures.

3.2.4

Transport aérien: Tiger/Fox

3.2.4.1

Présentation

Les missions de sécurité dans le transport aérien, connues aujourd'hui sous les noms Tiger/Fox, consistent dans la présence de gardes de sûreté à bord des avions («airmarshals», opération Tiger) et dans certains aéroports à l'étranger («groundmarshals», opération Fox), dont le rôle est de prévenir la commission d'actes illicites de nature à compromettre la sûreté à bord des avions. Leurs tâches et leur formation diffèrent: les accompagnateurs de vol armés à bord d'aéronefs suisses sont chargés de surveiller le comportement des passagers à bord et d'empêcher toute action susceptible de mettre en danger la sécurité de l'appareil; quant au personnel de contrôle non armé au sol, il a pour tâche de surveiller le respect et la mise en oeuvre des mesures de sécurité dans certains aéroports à l'étranger, voire de mettre luimême en oeuvre ces mesures. A l'heure actuelle, la présence de ces gardes de sécurité dans les aéroports à l'étranger ne fait l'objet d'aucun accord international avec les Etats sur le territoire desquels les aéroports concernés sont situés. Jusqu'à présent, cette absence d'accord conclu avec les Etats concernés a été justifiée par le fait que 342

Cf. ch. 3.2.2.4, dernier paragraphe.

4275

les «groundmarshals» ne procéderaient pas à des actes officiels sur un territoire étranger, mais se contenteraient de jouer un rôle d'observateurs.

Les missions Tiger/Fox se fondent exclusivement sur des dispositions de droit interne: l'art. 12, al. 1, de la loi fédérale sur l'aviation du 21 décembre 1948343 (ciaprès LA), et les art. 122a à 122o de l'ordonnance sur l'aviation344 (ci-après OSAv).

Les gardes de sûreté participant aux missions Tiger/Fox sont recrutés principalement parmi les membres des corps de police cantonaux et municipaux, mais proviennent également du corps des gardes-frontière et, depuis 2002, de la Sécurité militaire (art. 122e, al. 3, OSAv). L'engagement de membres de la Sécurité militaire pour les missions Tiger/Fox repose sur plusieurs décisions successives du Conseil fédéral et a été approuvé par l'Assemblée fédérale345. La collaboration entre les cantons et la Confédération en ce qui concerne la mise à disposition de membres des corps de police cantonale ou municipale pour les missions Tiger/Fox est réglée par une convention du 12 décembre 2005 conclue entre la CCDJP et la Confédération, représentée par le DFJP. Par cet accord, les cantons s'engagent à veiller à ce que les corps de police cantonaux et municipaux mettent chaque année un nombre minimum de leurs membres à disposition de la Confédération, les frais étant pris en charge par celle-ci. Il n'en reste pas moins qu'il existe encore une sous-dotation d'environ 20 personnes. Cet écart doit être compensé par des membres du Corps des gardesfrontière et de la Sécurité militaire. Depuis le 1er janvier 2008, au maximum 20 spécialistes de la Sécurité militaire sont engagés dans le service d'appui aux missions Tiger/Fox (voir également ci-dessus, ch. 3.2.1.2.3). La poursuite de cet engagement de l'armée en service d'appui au-delà du 31 décembre 2012 est en cours d'examen. De manière plus générale, les modalités futures des missions Tiger/Fox font l'objet de discussion entre les autorités concernées, notamment en termes de compétences et de financement. L'une des pistes examinées consisterait dans un recours accru aux membres du CGFr.

Au niveau de la Confédération, les tâches liées à l'organisation des missions Tiger/ Fox sont partagées entre l'office fédéral de l'aviation civile (OFAC) et fedpol.

L'OFAC exerce la haute
surveillance sur l'affectation des gardes de sûreté; il prend en charge les frais afférents aux gardes de sûreté provenant des corps de police cantonaux et municipaux (art. 122e, al. 4 et 122n OSAv). Fedpol est responsable de l'affectation des gardes de sûreté; par l'entremise du service fédéral de sécurité, et d'entente avec l'OFAC, il fixe le lieu, la date et le genre de l'affectation sur la base d'une analyse des risques et d'une évaluation des dangers (art. 122h OSAv). fedpol 343 344 345

RS 748.0.

RS 748.01.

Voir d'abord la décision du chef de l'Etat-major général du 21 juin 2001 autorisant des membres du corps des gardes fortifications (depuis le 1er janvier 2004: sécurité militaire) à être engagés au profit du service fédéral de sécurité (DFJP) et du DETEC pour des missions Tiger/Fox; voir ensuite la décision du Conseil fédéral du 24 mars 2004 (dans le cadre du rapport USIS-IV) de continuer à engager du personnel militaire dans le domaine de la sécurité du trafic aérien; la CCDJP a également approuvé la poursuite de cette mission; voir encore l'arrêté du Conseil fédéral du 26 mai 2004 donnant compétence au chef de l'armée de mettre à disposition 90 militaires au plus pour la sécurité dans le trafic aérien, ainsi que l'arrêté fédéral du 5 octobre 2004 concernant l'engagement de l'armée pour les mesures de sécurité dans le trafic aérien, approuvant l'engagement jusqu'à fin 2007, FF 2004 5175; voir enfin l'arrêté du Conseil fédéral du 30 mai 2007 concernant les engagements de l'armée en service d'appui, et l'arrêté fédéral du 19 décembre 2007 concernant l'engagement de l'armée en faveur des mesures de sécurité dans le trafic aérien, FF 2008 141.

4276

est également chargé de la formation des gardes de sûreté (art. 122g OSAv) et fournit l'équipement nécessaire (art. 122i OSAv). En collaboration avec l'OFAC, fedpol rédige en outre des directives précisant les tâches des gardes de sûreté et réglant leurs droits et obligations (art. 122f OSAv).

En vertu des art. 21, al. 1bis, LA et 122c, al. 2bis, OSAv, les gardes de sûreté à bord sont autorisés à faire usage de la contrainte et des mesures policières. Les modalités sont réglées par la loi sur l'usage de la contrainte (LUsC)346. Quant aux gardes de sûreté dans les aéroports, la nature de leur mission n'exige pas le port d'armes ou l'usage de la contrainte.

Durant la formation et les affectations, les gardes de sûreté restent soumis aux prescriptions de service et aux prescriptions disciplinaires de leur employeur (art. 122j, al. 1, OSAv). Ils sont subordonnés à fedpol dans l'accomplissement de leurs tâches (art. 122j, al. 2, OSAv) et sont soumis à l'autorité du commandant de bord lorsqu'ils sont à bord de l'aéronef (art. 122j, al. 3, OSAv).

3.2.4.2

Appréciation

Selon l'art. 87 Cst., la législation sur l'aviation relève de la compétence de la Confédération. Il s'agit d'une attribution de compétence globale, sur la base de laquelle la Confédération peut régler tous les domaines touchant à la sécurité, l'offre et l'infrastructure en matière de transport aérien347. Il a jusqu'à présent été admis que cette compétence fédérale incluait le contrôle de sécurité des passagers à l'embarquement d'un vol et la protection contre des actes punissables à bord d'aéronefs suisses dans le trafic aérien commercial international, effectués dans le cadre des missions Tiger/Fox. Sur cette base, la Confédération a édicté une réglementation régissant la mise sur pied, l'organisation et l'activité des gardes de sûreté (voir ci-dessus, ch. 3.2.4.1).

D'un point de vue constitutionnel, les missions Tiger/Fox soulèvent un certain nombre de questions, car on se trouve là dans une constellation où une compétence fédérale dans un domaine particulier (l'aviation) se heurte à une compétence cantonale générale (compétence en matière de police). Dans ce genre de cas de figure, il est difficile de déterminer où passe la frontière entre les deux compétences. Il faut alors faire appel aux principes généraux fixés aux art. 5a et 43a Cst., en particulier le principe de subsidiarité, et interpréter l'art. 87 Cst. à la lumière de ceux-ci.

Si l'on admet que l'art. 87 Cst. autorise la Confédération à régler la police de sécurité à bord des aéronefs, celle-ci peut choisir d'assumer elle-même la mise en oeuvre du droit fédéral, ou confier celle-ci, totalement ou partiellement, aux cantons. En matière de garantie de la sécurité dans le domaine du transport aérien, la Confédération pourrait donc choisir d'exécuter elle-même cette tâche, soit en recourant à du personnel (civil) fédéral, soit en faisant appel à une entreprise de sécurité privée. En l'occurrence, la Confédération a choisi, en accord avec la CCDJP, de confier l'accomplissement de cette tâche principalement aux corps de police cantonaux et municipaux. Cette manière de procéder est conforme à la Constitution.

346 347

RS 364.

Cf., dans ce sens, l'ATF 122 I 70, cons. 2b et 3a.

4277

Si l'on entendait clarifier de manière définitive la question de l'interprétation à donner à l'art. 87 Cst., une possibilité serait de compléter cette disposition en précisant que la Confédération est également compétente pour régler la sécurité à bord des aéronefs.

Le recours à des membres de la Sécurité militaire dans le cadre du service d'appui pour les missions Tiger/Fox pose quant à lui des problèmes spécifiques. Nous renvoyons, sur ce point, aux développements sous ch. 3.2.1.2.3 à 3.2.1.4.

La réglementation du dispositif Tiger/Fox soulève par ailleurs des questions du point de vue du respect du principe de la légalité.

On peut ainsi se demander si le choix d'avoir recours aux membres des corps de police cantonaux et municipaux pour les missions Tiger/Fox n'aurait pas dû être fait par le législateur fédéral plutôt que, comme en l'espèce, par le Conseil fédéral dans le cadre de l'OSAv. En principe, en effet, le partage des tâches d'exécution entre la Confédération et les cantons doit être réglé au moins au niveau de la loi au sens formel. L'OSAv n'impose cependant pas aux cantons la mise à disposition d'hommes pour les missions Tiger/Fox. Cette mise à disposition a au contraire été consentie volontairement par les cantons dans le cadre de la convention conclue entre la CCDJP et la Confédération. Dans la mesure où la Confédération n'impose pas aux cantons une obligation à cet égard, une base légale formelle n'est pas nécessaire.

On peut aussi se demander si le financement, par la Confédération, des frais afférents à l'intervention des gardes de sûreté provenant des polices cantonales et municipales ne devrait pas être réglé dans la loi plutôt que, comme actuellement, dans l'ordonnance. En effet, en vertu du principe de légalité, qui s'applique également à l'administration de prestations, le versement d'indemnités aux cantons nécessite en principe une base légale formelle. La création d'une telle base légale formelle pourrait être envisagée, par exemple par le biais d'une modification de la LA.

On relèvera par ailleurs que l'usage de la contrainte par les gardes de sûreté, qui nécessite clairement une base légale formelle, est réglé au niveau de la loi.

Du point de vue du contenu de la réglementation, on constate un certain enchevêtrement des compétences en matière de rapports de subordination,
puisque les gardes de sûreté sont soumis à la fois à l'autorité de fedpol et à celle du commandant de bord, tout en restant soumis aux prescriptions de service et aux prescriptions disciplinaires de leur employeur habituel. Cette constellation ne semble toutefois pas poser de problèmes majeurs en pratique, si bien qu'une modification de ce régime ne s'impose pas à première vue.

Par ailleurs, s'agissant des missions Fox, la présence de gardes de sécurité suisses dans certains aéroports à l'étranger soulève également des questions quant à la conformité au droit, dans la mesure où ces interventions ne font pas l'objet d'un accord avec les Etats concernés. En effet, en règle générale, le détachement dans un Etat tiers de personnel accomplissant des tâches officielles doit faire l'objet d'un accord avec cet Etat. Or les «groundmarshals» détachés dans le cadre des missions Fox remplissent ces conditions. Le fait qu'ils ne soient pas armés, ou ne procèdent pas eux-mêmes au contrôle des bagages, n'y change rien. Le simple fait de surveiller l'accomplissement de ces tâches par les services de sécurité de l'aéroport constitue déjà un acte officiel. On ne peut donc pas exclure qu'à l'heure actuelle, ces missions reposent sur un fondement juridique insuffisant. Cas échéant, les bases légales 4278

autorisant le Conseil fédéral à conclure les accords internationaux nécessaires devront être créées.

3.2.4.3

Bilan

Une modification constitutionnelle ne s'impose pas pour que la Confédération puisse assurer la sécurité à bord des avions. Pourrait éventuellement faire exception la participation des membres de la Sécurité militaire, conformément à ce qui a été écrit sous ch. 3.2.1.4.

Lors d'une prochaine révision de la LA, il conviendra de créer une base légale pour le financement par la Confédération de la participation des cantons aux missions de sécurité dans le transport aérien.

Au delà de cet aspect relatif aux relations entre les cantons et la Confédération, il serait souhaitable de régler de manière globale le financement des missions Tiger/ Fox, également du point de vue de la répartition des frais entre les différents services de la Confédération concernés.

Il s'agira par ailleurs d'examiner de manière approfondie la question du fondement juridique des missions Fox, en particulier la nécessité de conclure avec les Etats étrangers concernés des accords réglant la présence des «groundmarshals» suisses.

3.2.5

Protection de l'Etat

En vertu d'une norme constitutionnelle non écrite, la Confédération est chargée de veiller à la sécurité intérieure et extérieure du pays. Elle dispose d'une compétence réputée inhérente de prendre en Suisse comme à l'étranger les mesures nécessaires à garantir sa protection et celle de ses institutions et organes. La doctrine admet également que les compétences inhérentes de la Confédération ont de surcroît une dimension de protection de l'Etat: en vertu du droit constitutionnel non écrit, la Confédération a le pouvoir de prévenir les dangers existentiels qui menacent l'Etat.

Les considérations sur les compétences inhérentes de la Confédération dans le domaine des tâches de police de sécurité348 valent également pour les activités de la Confédération visant la protection de l'Etat: à défaut d'une base constitutionnelle explicite, de nombreuses incertitudes demeurent en ce qui concerne la portée et l'ampleur de la compétence de la Confédération dans le domaine de la protection de l'Etat. Sa compétence législative dans ce domaine est-elle exclusive ou laisse-t-elle place à une législation autonome des cantons? Dans ce domaine particulier, la Confédération est-elle chargée de tâches de coordination spécifiques? Quels types de menaces relèvent de la législation fédérale? Les activités de la Confédération en matière de protection de l'Etat doivent-elles se limiter à prévenir les menaces directes à l'encontre du territoire national, de la population et du régime social et politique, ou doivent-elles s'étendre à la prévention de dangers indirects qui menacent le fonctionnement de l'Etat, par exemple suite à l'affaiblissement de l'économie? Une base constitutionnelle explicite suffisamment précise, qui fixerait la portée et les limites de cette compétence fédérale, permettrait de lever les incertitudes existantes, 348

Cf. ch. 3.2.3.1.

4279

et d'instaurer la transparence et la clarté dans un domaine qui touche au plus près les droits fondamentaux.

Outre ces aspects de droit constitutionnel, les activités de la Confédération et des cantons en matière de protection de l'Etat soulèvent un autre problème. A la suite de l'affaire relative au traitement des données de personnes d'ascendance kurde et turque, élues au Grand Conseil du canton de Bâle-Ville alors qu'elles avaient déjà auparavant été saisies dans le système de traitement des données relatives à la protection de l'Etat ISIS, on s'est demandé si l'obligation, fixée par ordonnance, de disposer de l'accord du SRC pour transmettre aux autorités parlementaires cantonales de haute surveillance des informations sur la protection de l'Etat, s'appliquait également à celles provenant des autorités cantonales de protection de l'Etat. La question n'a pas préoccupé que le canton de Bâle-Ville et la DélCdG en tant qu'organe parlementaire de haute surveillance de la Confédération: le fait par exemple que le canton de Berne ait demandé récemment un avis de droit349 sur des questions similaires montre bien qu'une clarification s'impose. Les faits en question touchent un problème particulier de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons, à savoir la façon dont la surveillance par la Confédération et les cantons doit être réglée, en l'occurrence celle des activités de protection de l'Etat, lorsque l'exécution d'une tâche de la Confédération a été (partiellement) déléguée aux cantons350.

Dans le cadre de sa compétence législative globale dans le domaine de la protection de l'Etat, la Confédération a assigné aux cantons des tâches d'exécution et d'assistance administrative. Elle a ainsi, par l'art. 6, al. 3, LMSI, confié explicitement à ces derniers la responsabilité de surveiller les personnes chargées de l'exécution de tâches définies par la LMSI, étant donné que ces personnes, en tant qu'employés cantonaux, relèvent du règlement de service cantonal. Le personnel du canton est donc soumis au contrôle administratif des supérieurs hiérarchiques. En vertu de l'art. 26, al. 3, LMSI, le Conseil fédéral fixe les exigences minimales applicables au contrôle cantonal. La surveillance de la protection des données incombe également aux cantons; la législation fédérale sur la protection
des données est certes déclarée immédiatement applicable pour les cantons, mais les droits de surveillance prévus par le droit cantonal sont explicitement réservés (art. 16, al. 3, LMSI). La haute surveillance parlementaire cantonale n'est toutefois pas évoquée par la législation fédérale sur la protection de l'Etat. Comme exposé précédemment, les opinions divergent quant à savoir si l'art. 25 LMSI règle la surveillance parlementaire de manière exhaustive ou s'il existe une réserve quant à la validité du droit cantonal en la matière351. Dans le cas évoqué ci-devant, le point litigieux est l'art. 35a OSRC qui limite les droits cantonaux de surveillance dans la mesure où le Service de renseignement de la Confédération (SRC) doit donner son autorisation expresse aux autorités cantonales de surveillance qui souhaitent consulter les données que les cantons traitent sur mandat de la Confédération. La critique porte d'une part sur les limites à la consultation en tant que telle, susceptibles de compliquer, voire d'empêcher, l'accomplissement du devoir de surveillance, et d'autre part sur le fait que les bases 349

M. Müller/C. Jenni, «Kantonale Aufsicht über die Staatsschutztätigkeit», avis de droit du 28 mars 2011 à l'intention de la Commission de haute surveillance du Grand Conseil du canton de Berne.

350 Pour ce qui est de la structuration de la surveillance en matière d'activités de protection de l'Etat, cf. ch. 2.3.2.1.3.

351 Cf. ch. 2.3.2.1.3.

4280

légales nécessaires pour la réserve d'autorisation du SRC font défaut dans le droit fédéral.

De ce point de vue, les dispositions de la LMSI sont effectivement peu claires.

L'art. 17, al. 1, LMSI énonce que le Conseil fédéral désigne par voie d'ordonnance les destinataires accomplissant une tâche de service public en Suisse auxquels le SRC peut communiquer des données. En outre, l'art. 17, al. 6, LMSI précise que les organes de sûreté des cantons ne peuvent communiquer les données qu'ils ont reçues de la Confédération qu'à d'autres services cantonaux et seulement dans le respect des principes édictés par le Conseil fédéral. On peut douter que l'art. 17, al. 1, LMSI s'applique dans le cas présent, puisqu'il s'agit de la transmission de données par une autorité cantonale de protection de l'Etat (et non par le SRC). Une interprétation littérale de l'art. 17, al. 1, LMSI permettrait de conclure que la transmission de données cantonales par des autorités cantonales ne serait effectivement pas concernée par la réserve de l'autorisation du SRC. En revanche, si l'on examine de plus près les dispositions de la LMSI352, on s'aperçoit que la volonté affirmée du législateur est que la maîtrise des données, c'est-à-dire le pouvoir de disposer de toutes les données recueillies au titre de la protection de l'Etat ­ y compris celles collectées par les cantons ­ revienne à la Confédération. A cet égard, le message353 précise que «la Confédération traite toutes les informations relatives aux troubles effectifs de la sûreté intérieure et aux dangers prévisibles imminents. Le traitement est donc centralisé pour toute la Suisse dans un système d'information. La recherche active d'informations sur le territoire de chaque canton demeure en général sous la responsabilité des autorités cantonales compétentes». Une interprétation téléologique tenant compte du but et de la conception générale de l'acte, tout comme une interprétation systématique permettent de conclure que la compétence réglementaire du Conseil fédéral pour la transmission de données personnelles (selon l'art. 17, al. 1, LMSI) s'étend à la communication d'informations par les autorités cantonales de protection de l'Etat aux autorités cantonales de surveillance. En d'autres termes, les restrictions qui valent pour le SRC quant à la remise de données des
services de renseignement doivent également s'appliquer aux autorités cantonales chargées de tâches de protection de l'Etat. En résumé, on retiendra que l'art. 35a OSRC trouve une base légale suffisante dans la LMSI. L'art. 17, al. 6, LMSI offre par ailleurs une base légale formelle pour la limitation de la transmission de données par les autorités cantonales de sûreté dans la mesure où il s'agit de données recueillies par la Confédération.

Le but des restrictions de l'art. 35a OSRC quant au droit de consultation des données fédérales par des autorités cantonales de surveillance est de préserver les intérêts de la Confédération en matière de sécurité (art. 35a, al. 4, OSRC); cette norme d'exécution sert notamment la garantie du secret (protection des informations) et la protection des sources, particulièrement importante dans le champ d'activités des services de renseignement. De plus, certains cantons ne traitent souvent qu'un aspect partiel d'une affaire de protection de l'Etat de plus grande ampleur. Dans un tel contexte, une autorité cantonale de surveillance n'est souvent pas à même d'apprécier la portée d'un cas en ne prenant connaissance que des informations traitées par le canton. Cette appréciation incombe, au niveau fédéral, aux organes de surveil352 353

Cf. les art. 2, al. 1, art. 2, al. 4, let. b, et art. 16, al, 1, LMSI.

Message du 7 mars 1994 concernant la loi fédérale sur des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure ainsi que l'initiative populaire «S. o. S. ­ pour une Suisse sans police fouineuse», FF 1994 II 1123, pp. 1139 s.

4281

lance de la Confédération (notamment à la Délégation des Commissions de gestion et à la surveillance du DDPS sur les services de renseignement). Les restrictions mises à la consultation des données et à leur transmission aux autorités cantonales de surveillance se fondent sur de bonnes raisons. En revanche, certaines autorités cantonales de surveillance font valoir que l'accomplissement de leurs tâches de surveillance devient bien plus difficile lorsqu'elles doivent demander préalablement au SRC une autorisation de consulter des données en lien avec un sujet, un événement, une organisation ou une personne (art. 35a, al. 3, OSRC), et attendre la décision du SRC voire celle de l'instance supérieure en cas de désaccord354 avant de pouvoir reprendre leurs activités de contrôle. L'OSRC révisée définit en détail les tâches cantonales de surveillance des services et impose au SRC de livrer régulièrement certaines données355. Au vu des discussions en cours ­ auxquelles la révision de l'OSRC n'a pas mis fin ­, il serait indiqué que la nouvelle législation sur le service de renseignement civil en préparation introduise au niveau de la loi des règles claires quant aux pouvoirs de la Confédération et des cantons en matière de surveillance dans le domaine de la protection de l'Etat.

3.2.5.1

Bilan

En ce qui concerne la compétence de la Confédération dans le domaine de la protection de l'Etat, qui repose sur le droit constitutionnel non écrit, il faudrait créer une base constitutionnelle explicite qui précise clairement l'ampleur et la portée de cette compétence fédérale.

Par ailleurs, dans le cadre des travaux préparatoires relatifs à une nouvelle loi sur le service de renseignement, il serait indiqué de prévoir une réglementation claire des compétences de la Confédération et des cantons en matière de surveillance des activités de protection de l'Etat.

3.2.6

Délégation de tâches de sécurité à des acteurs privés

3.2.6.1

Délégation de tâches de sécurité publiques

Comme exposé plus haut356, tant la Confédération que les cantons peuvent recourir à des acteurs privés pour l'accomplissement de tâches de sécurité étatiques. Au niveau fédéral, l'art. 178, al. 3, Cst. prévoit expressément que la loi peut confier des tâches administratives à des organisations et des personnes de droit public ou de droit privé hors de l'administration fédérale357. La délégation de tâches de sécurité à des acteurs privés en Suisse fait l'objet de discussions avant tout en rapport avec le maintien de la sécurité dans les espaces semi-publics (par exemple dans des stades exploités par le secteur privé). Le thème est récurrent pour les grandes manifestations sportives telles des matches de football ou de hockey sur glace. Lors de ces manifestations, on rencontre davantage de problèmes sérieux de sécurité. Il convient donc de se 354 355 356 357

En cas de contestation, le DDPS décide en vertu de l'art. 35a, al. 3, OSRC.

Cf. à cet égard l'art. 35, al. 3, OSRC.

Cf. ch. 2.3.4.2.

Cf. à ce propos G. BIAGGINI, in: St. Galler Kommentar zu Art. 178 BV, 2e éd., Zurich/Bâle/Genève 2008, ch. marg. 26 s.

4282

demander si et dans quelle mesure on peut déléguer des tâches de sécurité à des entreprises de sécurité privées.

L'art. 178, al. 3, Cst. commande que la délégation de tâches de police à des services de sécurité privés soit prévue dans une loi au sens formel. Dans les cantons également, une base légale est nécessaire en vue du transfert de tâches de sécurité de l'Etat à des acteurs privés358. De plus, la délégation de tâches de l'Etat doit répondre à un intérêt public et respecter le principe de proportionnalité. La prévention des dangers et le maintien de la sécurité constituent généralement un intérêt public justifiant l'externalisation d'activités dans les domaines de la police et de la sécurité, dans la mesure où la police n'est pas à même d'assumer entièrement ces tâches en raison de ressources insuffisantes ­ par exemple à l'occasion de manifestations importantes telles les matches de football. En ce qui concerne la proportionnalité, il faut tenir compte du fait que par rapport à d'autres domaines, celui de la sécurité et de la police soulève des questions délicates. La proportionnalité de l'externalisation de tâches de sécurité et de police étatiques doit être soumise à des exigences sévères lorsqu'il s'agit de mesures de contrainte touchant les droits fondamentaux des individus. Finalement, lorsque des tâches de police sont déléguées à des entreprises de sécurité privées, ces dernières sont tenues au respect des droits fondamentaux en vertu de l'art. 35, al. 2, Cst.

Bien que la Constitution ne prévoie pas de limites à cet égard, la doctrine défend le point de vue selon lequel certaines tâches administratives clés ne peuvent être déléguées, parmi lesquelles par exemple la défense nationale, le maintien de la paix intérieure et la poursuite pénale au sens étroit du terme359. Les tâches de sécurité dont il est ici question ne font pas partie de ces tâches clés: il s'agit bien plus de tâches de police fondamentalement transférables. Il convient néanmoins de tenir compte du fait que lorsque l'on s'expose à des interventions lourdes dans les droits fondamentaux, l'externalisation de tâches de police touche à ses limites. De telles interventions nécessitent non seulement une base légale formelle suffisamment précise, mais elles devraient encore rester dans le domaine des compétences non transférables des forces de police.

3.2.6.2

Transfert de tâches de sécurité privées

Dans le contexte de la sécurité lors de grandes manifestations sportives, des acteurs privés ­ en l'occurrence les exploitants privés des stades ­ doivent assumer des tâches de sécurité360 qu'ils peuvent à leur tour déléguer à des entreprises de sécurité privées. Comme tout propriétaire ou possesseur d'un bien, l'exploitant d'un stade est habilité à user de son droit de domicile, c'est-à-dire de disposer de son domicile sans être importuné et d'y exercer librement sa propre volonté361. Il en découle qu'il dispose également du droit de décider librement qui peut accéder aux locaux. Le 358 359

Cf. ch. 2.3.4.2.

Cf. à cet égard le rapport du Conseil fédéral du 2 décembre 2005 sur les entreprises de sécurité et les entreprises militaires privées, FF 2006 631, p. 658; G. Biaggini, St. Galler Kommentar zu Art. 178 BV, 2e éd., Zurich/Bâle/Genève 2008, ch. marg. 28; W. Kälin/A. Lienhard/J. Wyttenbach, Auslagerung von sicherheitspolizeilichen Aufgaben, in: RDS 126/2007 I, p. 74.

360 Cf. ch. 3.2.7.3.1.

361 Cf. l'ATF 103 IV 162.

4283

maître des lieux peut ainsi limiter l'accès pour des raisons données ou à certaines personnes (par exemple refuser la vente d'un billet en raison d'une interdiction de stade, interdire concrètement l'accès ou expulser un spectateur pour des motifs précis). De plus, le droit de domicile permet au propriétaire ou au maître des lieux de prévenir de manière adéquate des troubles injustifiés, par exemple des souillures ou des déprédations. Pour l'exploitant du stade, s'ajoutent au droit de domicile les droits universels à l'autoprotection et à la légitime défense inscrits dans le droit pénal (état de nécessité et légitime défense362). Il n'est pas toujours facile de délimiter clairement le champ d'application du droit de domicile. Fondamentalement, dans le domaine de la sécurité, il concerne des aspects élémentaires tels la protection des objets et les contrôles à l'entrée.

Le détenteur du droit de domicile peut, dans le cadre d'un mandat de droit privé, transférer à une autre personne ou à une entreprise de sécurité privée l'exercice de son droit. Les agents de sécurité privés agissant sur mandat d'un exploitant de stade disposent également des droits à l'autoprotection et à la légitime défense inscrits dans le droit pénal. Mais dans tous les cas, les entreprises de sécurité privées mandatées par un exploitant de stade ne peuvent assumer des tâches de maintien de l'ordre et de sécurité que dans les limites du droit de domicile363.

3.2.6.3

Bilan

Des acteurs privés peuvent assumer des tâches de sécurité aussi bien pour le compte de l'Etat que pour celui d'un mandant privé. S'il s'agit de tâches de sécurité déléguées à des acteurs privés par la police, le transfert doit être prévu dans une loi formelle, répondre à un intérêt public et respecter le principe de proportionnalité. En rapport avec l'accomplissement de tâches de sécurité et le respect des droits fondamentaux individuels, il convient de tenir compte du fait que les entreprises de sécurité privées assumant des tâches de sécurité pour le compte de l'Etat doivent respecter les droits fondamentaux dans le cadre de leur activité. De plus, des mesures de sécurité comportant des interventions lourdes dans les droits fondamentaux devraient rester dans le domaine des compétences non transférables des forces de police.

Lorsque l'exploitant d'un stade confie des tâches de sécurité à une entreprise de sécurité privée, il s'agit plutôt d'aspects élémentaires de la sécurité. Des exemples typiques de mesures couvertes par le droit de domicile et appliquées par des entreprises de sécurité privées sont les rondes, le service d'ordre durant une manifestation, les conseils en matière de sécurité et la protection rapprochée de particuliers.

Par ailleurs, les entreprises de sécurité privées peuvent procéder à des contrôles d'accès ou d'entrée (contrôle des billets et des effets personnels, contrôle visuel ou brève palpation des spectateurs hors du domaine intime), et mettre en place et exploiter des installations d'alarme.

362

L'exercice de ces droits de protection n'est admissible que dans d'étroites limites (principe de la proportionnalité) et se limite à des agressions caractérisées ou à des situations de danger extraordinaires et imprévisibles.

363 Cf. FF 2006 631, p. 655; W. Kälin/A. Lienhard/J. Wyttenbach, Auslagerung von sicherheitspolizeilichen Aufgaben, in: RDS 126/2007 I, p. 35; M. Mohler, Sicherheitsbezogene Zutrittskontrollen zu Stadien, in: Sécurité & Droit 2/ 2010, pp. 72 ss.

4284

3.2.7

Violences lors de manifestations sportives

3.2.7.1

Constat

Le phénomène des violences lors de manifestations sportives, à l'occasion de matches de football et de hockey sur glace des ligues les plus élevées principalement, ne cesse de prendre de l'ampleur. Les violences gagnent par ailleurs en intensité. En témoigne l'interruption, le 2 octobre 2011, du match de football opposant le FC Zurich et Grasshoppers. La gravité du phénomène des violences lors de manifestations sportives, tant du point de vue quantitatif que qualitatif, n'a pas échappé à nos parlementaires, qui de manière récurrente déposent motions et postulats sur cette thématique exigeant l'intervention de la Confédération et l'adoption de mesures plus incisives364.

Les débordements prennent notamment la forme de rixes violentes entre supporteurs, d'agressions contre les forces de sécurité et de déprédations. Fréquemment, des spectateurs pénètrent dans le stade munis d'engins dangereux, notamment pyrotechniques, mettant ainsi en danger de nombreuses autres personnes. Dans le cadre du contrôle à l'entrée, il est judicieux de fouiller les spectateurs transportant des objets dangereux ou se comportant de manière inhabituelle déjà au moment d'entrer dans le stade, et de refouler ces personnes si nécessaire. Des tels contrôles à l'entrée peuvent prendre la forme d'un contrôle des effets personnels ou d'une palpation en surface jusqu'à une fouille intime. A cet égard, il faut se demander qui ­ de l'exploitant du stade ou de la police ­ est compétent pour quel type de contrôle à l'entrée365. Pour répondre à cette question, il faut tout d'abord examiner le statut du stade en tant qu'espace semi-public366. Ce type d'espace fait certes partie des espaces privés, mais il est simultanément à la disposition du public367. Le caractère privé du stade implique que son exploitant est le premier responsable des aspects de sécurité élémentaires. L'accès public au stade générant des concentrations importantes de population, la sécurité du stade répond cependant aussi à un intérêt public considérable. Les dangers potentiels que présente une manifestation augmentent proportionnellement à l'importance du rassemblement, et l'intérêt public à la sécurité d'une grande manifestation telle qu'un match de football ou de hockey sur glace croît également. Cet intérêt public à la sécurité est une condition de l'action policière, mais il fonde également une obligation d'agir368.

364

365 366 367

368

Postulat Hochreutener du 29 septembre 2011 (11.3958) «Lutter contre les émeutes»; postulat Segmüller du 28 septembre 2011 (11.3872) «Sport. Mesures contre le hooliganisme et les débordements»; postulat Glanzmann du 28 septembre 2011 (11.3875) «Violences lors de manifestations sportives»; postulat Glanzmann du 28 septembre 2011 (11.3874) «Carton jaune, puis rouge aux hooligans»; motion Roux du 16 juin 2011 (11.3645) «Procédure de comparution immédiate pour les hooligans et délinquants»; motion Glanzmann du 12 avril 2011 (11.3333) «Violences lors de manifestations sportives»; également motion Fluri du 18 juin 2010 (10.3614) «Garantir la sécurité du droit en matière d'usage abusif d'engins pyrotechniques».

Cf. ch. 3.2.7.3.

Cf. ch. 2.3.3.

Cf. le rapport du Conseil fédéral du 2 décembre 2005 sur les entreprises de sécurité et les entreprises militaires privées, FF 2006 631, p. 656; W. Kälin/ A. Lienhard/J. Wyttenbach, Auslagerung von sicherheitspolizeilichen Aufgaben, in: RDS 126/2007 I, p. 35.

Cf. M. Mohler, Sicherheitsbezogene Zutrittskontrollen zu Stadien, in: Sécurité & Droit 2/2010, p. 74.

4285

3.2.7.2

Etat de la législation

Il est évident que la situation dans le domaine des violences lors de manifestations sportives doit s'améliorer. La question se pose toutefois de savoir si cette amélioration doit résulter de mesures fédérales ou cantonales.

Pour l'heure, la lutte contre les violences lors de manifestations sportives est régie principalement par le Concordat du 15 novembre 2007, qui prévoit notamment la possibilité d'ordonner certaines mesures préventives (interdiction de périmètre, obligation de se présenter à la police, garde à vue) à l'encontre des auteurs de violences369. L'intervention de la Confédération se limite dans ce domaine précis essentiellement à deux mesures, à savoir la gestion de la banque de données HOOGAN et l'interdiction de se rendre dans un pays donné (cf. art. 24a et 24c LMSI).

La Confédération, sur la base de ses compétences actuelles dans des domaines qui touchent certains aspects de la problématique des violences lors de manifestations sportives (Loi sur les explosifs370, Code pénal371 par exemple) pourrait encore légiférer. Toutefois l'adoption au plan fédéral de mesures spécifiques de lutte contre les débordements lors de manifestations sportives implique la création d'une nouvelle base constitutionnelle qui donne à la Confédération une compétence plus étendue dans le domaine de la sécurité intérieure. Cette nouvelle disposition pourrait être placée à la suite des articles consacrés à cette matière (cf. art. 57 à 61 Cst.).

Dans la mesure cependant où l'étendue de la disposition serait limitée à l'adoption des règles nécessaires à prévenir et à maîtriser les violences lors de manifestations sportives, il paraît plus approprié de compléter l'article 68 Cst. consacré au sport, comme l'avait envisagé le Conseil fédéral dans son message372. Le Conseil fédéral sera encore amené à s'exprimer sur cette thématique dans le cadre du rapport qu'il devra rédiger en exécution du postulat Glanzmann373.

Au niveau cantonal, il a récemment été décidé, suite à une rencontre entre différents représentants des pouvoirs publics à Zoug, le 19 août 2011, de durcir le Concordat du 15 novembre 2007. La révision en cours du Concordat prévoit en particulier la possibilité pour les autorités compétentes d'ordonner directement un devoir de se présenter à la police dans certains cas et celle de procéder à des
fouilles (et de pouvoir déléguer cette tâche à des organismes privés à certaines conditions374) sur les spectateurs en vue de débusquer des objets interdits, et notamment des engins pyrotechniques. Il est également prévu que l'organisation de tous les matches de football et de hockey sur glace des ligues les plus élevées soit soumise à autorisation, et que celle des ligues inférieures et des autres sports le soit dans certains cas. La durée et la superficie des interdictions de périmètre sont aussi augmentées375.

369 370 371 372

373 374 375

www.ccdjp.ch/images/upload/071115%20Konkordat%20Gewalt%20bei%20 Sportveranstaltungen%20f.pdf.

RS 941.41; LExpl.

RS 311; CP.

Cf. le message relatif à une disposition constitutionnelle concernant la lutte contre la violence lors des manifestations sportives (hooliganisme) et à une modification de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sécurité intérieure (LMSI), FF 2007 6111 6119.

11.3875 Po Glanzmann, Violences lors de manifestations sportives.

Cf. ch. 3.2.7.3.

Projet disponible sur le site de la CCDJP (www.kkjpd.ch).

4286

3.2.7.3

Tâches de sécurité privées et publiques dans les espaces semi-publics

3.2.7.3.1

Tâches de sécurité de l'exploitant d'un stade

L'attribution du stade au domaine privé n'a pas pour seule conséquence que l'exploitant du stade est habilité à exercer son droit de domicile, mais encore que les exploitants privés du stade portent, dans certaines limites, la responsabilité du déroulement ordonné de la manifestation et d'aspects élémentaires de la sécurité. Dans certaines circonstances, une organisation ou un déroulement défaillants d'une manifestation peut engager la responsabilité civile et fonder des prétentions en dommages et intérêts376. Ferait par exemple partie des devoirs de l'exploitant privé d'un stade la détection, avant le début de la partie, des objets dangereux dissimulés dans le stade.

Au premier rang des tâches de sécurité découlant du droit de domicile de l'exploitant figurent la protection des objets et les contrôles à l'entrée.

L'accès au stade se fonde sur un contrat de droit privé (achat d'un billet d'entrée) entre l'exploitant du stade et le visiteur. Le spectateur accepte contractuellement les mesures du dispositif de sécurité telles le contrôle des sacs, la confiscation d'objets potentiellement dangereux, les fouilles sous forme de «frisking», etc. Pour qu'une telle autorisation soit valable, le spectateur doit être informé des faits sous-jacents et pouvoir donner son consentement librement, sans pression extérieure d'aucune sorte.

En principe, l'autorisation doit être donnée avant que l'atteinte n'ait lieu377.

3.2.7.3.2

Tâches de sécurité de la police

Nous avons déjà montré378 que le contrôle des visiteurs de grandes manifestations dans le but de découvrir des objets dangereux était typiquement une mesure policière préventive visant à écarter un danger potentiel379. La délimitation des champs de compétences de la police et des agents de sécurité privés lors de grandes manifestations dépend essentiellement du potentiel conflictuel que présente la manifestation380. Plus le danger est grand, et plus il devient nécessaire que la police endosse la responsabilité du maintien de la sécurité. Le critère de la gravité de l'atteinte aux droits fondamentaux indique également que la police doit assumer elle-même le contrôle à l'entrée. Ainsi, des fouilles d'un corps dénudé, et notamment de ses parties intimes, portent gravement atteinte à l'intégrité corporelle (art. 10, al. 2, Cst.)

et à la sphère privée et intime (art. 13, al. 1, Cst.). Il ne fait aucun doute qu'un examen corporel des parties génitales et de la zone anale constitue une atteinte grave381.

De tels contrôles nécessitent non seulement une base légale formelle suffisamment précise, mais ils devraient de surcroît rester dans le domaine de compétences de la 376 377 378 379 380 381

Cf. le rapport du Conseil fédéral du 2 décembre 2005 sur les entreprises de sécurité et les entreprises militaires privées, FF 2006 631, p. 656.

Cf. art. 28, al. 2, CC, et A. Meili, in: Basler Kommentar zu Art. 28 ZGB, ch. marg. 45 ss.

Cf. ch. 3.2.7.1.

Parmi d'autres, U. Häfelin/ G. Müller/F. Uhlmann, Allgemeines Verwaltungsrecht, 5e éd., Zurich/ Bâle/ Genève 2006, ch. marg. 2478.

W. Kälin/A. Lienhard/J. Wyttenbach, Auslagerung von sicherheitspolizeilichen Aufgaben, in: RDS 126/ 2007 I, p. 36.

Selon le Tribunal fédéral (ATF 109 Ia 159), ces examens devraient être menés par des spécialistes, c'est-à-dire par des médecins ou du personnel médical formé, également dans un but de protection de la santé des personnes concernées.

4287

police, et partant, ne devraient pas être délégués à des entreprises de sécurité privées.

Enfin, ces contrôles devraient être opérés dans des locaux séparés, hors de la vue de tiers et par des personnes de même sexe382.

Dans tous les cas, il est important que les compétences de la police et du détenteur du droit de domicile soient délimitées dans la pratique de manière à ce que les deux organes n'assument pas les mêmes tâches.

Le graphique en annexe montre quels contrôles à l'entrée nécessitent telle ou telle base légale, et qui peut y procéder.

3.2.7.4

Bilan

L'opportunité d'étendre les compétences de la Confédération à la lutte contre les violences lors de manifestations sportives, compte tenu notamment de la législation fédérale et cantonale existante et des solutions actuellement à l'étude, telles que l'introduction d'un nouveau système de contrôle d'accès aux stades de sport par exemple383, n'est pas acquise. Si le durcissement du concordat ­ pour l'heure en consultation auprès des milieux intéressés ­ devait être accepté par les cantons, une nouvelle compétence fédérale serait même superflue. Au vu des connaissances actuelles, nous ne voyons en effet pas quelles autres mesures législatives plus efficaces que celles proposées par la révision du concordat la Confédération serait susceptible d'adopter. Ce thème sera abordé de façon exhaustive dans le cadre du rapport demandé dans le postulat Glanzmann. A cette occasion, il conviendra de valoriser les expériences recueillies entretemps suite à la révision du concordat et d'en intégrer les résultats au rapport qui doit être présenté.

4

Possibilités de redéfinition des compétences dans le domaine de la sécurité

4.1

Introduction

L'état des lieux présenté aux ch. 2 et 3 fait apparaître une série de problèmes dans le partage des compétences entre Confédération et cantons et dans l'exercice de leurs tâches respectives. Certaines des insuffisances constatées sont mineures; d'autres nécessitent des adaptations juridiques au niveau de la loi, voire au niveau de la Constitution.

Le Conseil fédéral sait à quel point une coopération efficace et harmonieuse entre la Confédération et les cantons dans le domaine de la sécurité intérieure est importante.

Il n'hésitera donc pas à faire procéder à toutes les vérifications et améliorations juridiques nécessaires à l'optimisation de cette collaboration. Il se prononce ci-après sur les principaux problèmes soulevés et propose des solutions, dans la mesure du nécessaire et du possible.

382 383

Cf. ATF 109 Ia 159 www.fedpol.admin.ch/content/fedpol/fr/home/dokumentation/medieninformationen/2011/ 2011-10-31.html.

4288

Les solutions proposées impliquent pour certaines des adaptations de la Constitution ou de la loi. Là où des travaux législatifs sont en cours, les conclusions du présent rapport seront prises en compte dans les projets législatifs concernés (par ex. loi sur les tâches de police de la Confédération, loi sur l'armée, loi sur les services de renseignement). Le Conseil fédéral attribuera les mandats en conséquence. Les conclusions qui suivent ne contiennent encore aucune proposition concrète de modification de la Constitution et des lois; de telles propositions auraient en effet semblé prématurées à ce stade. Le ch. 4.2 indique néanmoins quels textes de lois devraient être modifiés pour combler les lacunes constatées.

4.2

Thèses et conclusions

Thèse 1 L'Etat doit disposer de ressources suffisantes pour exercer les tâches qui lui incombent dans le domaine de la sécurité.

Le maintien de la sécurité est l'une des tâches centrales de l'Etat; l'art. 57, al. 1, Cst.

attribue cette tâche à la Confédération et aux cantons. La formulation impérative de cette disposition indique qu'il s'agit d'un mandat, qui impose aux deux niveaux de l'Etat concernés de prendre les mesures nécessaires tant sur le plan législatif que sur le plan administratif. Ce mandat découle également de l'effet normatif des droits fondamentaux: les organes de l'Etat sont tenus de garantir aux citoyens une protection efficace, afin que ceux-ci puissent effectivement jouir de leurs droits fondamentaux. L'obligation de pourvoir à la sécurité et à l'ordre public se conjugue avec la nécessité pour l'Etat de disposer de ressources suffisantes pour exécuter les tâches en question. Le niveau de l'Etat compétent ne peut en effet accomplir son mandat constitutionnel de la manière et en temps voulus que s'il dispose des ressources financières et des ressources en personnel nécessaires. Or on constate aisément que le transfert de tâches des cantons à la Confédération dans le domaine de la sécurité est souvent lié à un manque de ressources. Il paraît par conséquent urgent que les cantons prévoient suffisamment de moyens pour créer dans le cadre de leur autonomie en matière d'organisation (art. 47, al. 2, Cst.) les structures nécessaires à l'exercice des tâches de sécurité qui leur incombent.

Conclusion: Le réseau national de sécurité est un projet qui vise à développer la coopération dans le domaine de la sécurité entre les acteurs de tous les niveaux de l'Etat. La Confédération et les cantons devraient profiter de ce cadre pour aborder régulièrement la question des ressources et veiller à ce que chacun en fonction de ses besoins dispose des ressources nécessaires pour maintenir la sécurité.

4289

Thèse 2 Le transfert de tâches de sécurité relevant de l'Etat à des acteurs privés est en principe possible, à l'exception de certaines tâches centrales qu'il est préférable de ne pas déléguer.

La sécurité est une tâche publique qui relève des autorités compétentes de la Confédération et des cantons. Certes, l'art. 178, al. 3, Cst. prévoit expressément que la loi peut confier des tâches de l'administration à des organismes et à des personnes de droit public ou de droit privé qui sont extérieurs à l'administration fédérale. Néanmoins, le monopole de la puissance publique dont jouit l'Etat ne lui permet pas de renoncer totalement à remplir son obligation élémentaire de réglementer et contrôler l'emploi de la force dans le domaine privé et public et garantir la sécurité publique) et de laisser ce terrain aux seules entreprises de sécurité privées. La Confédération et les cantons doivent par conséquent soigneusement évaluer la situation avant de transférer des tâches de sécurité à des acteurs privés. Les tâches non problématiques, c'est-à-dire celles qui impliquent peu de restrictions des droits fondamentaux, se prêtent particulièrement à la délégation. Plus une tâche est dangereuse et plus les droits fondamentaux sont restreints, plus il s'impose qu'elle soit exécutée par les forces de sécurité de l'Etat. Il ne suffit pas d'évaluer la tâche en tant que telle, mais aussi le risque et le potentiel d'escalade. D'autres aspects, comme la qualité du service, laquelle dépend essentiellement de la formation des prestataires, la fiabilité des prestations et les insuffisances au niveau des principes de l'Etat de droit (liées par ex. à l'absence de voies de recours) peuvent amener à questionner le transfert de tâches de sécurité à des acteurs privés.

Conclusion: Il faut user avec retenue de la délégation de tâches de sécurité à des acteurs privés.

Thèse 3 La Confédération doit se doter des moyens nécessaires pour s'assurer que les mesures de sécurité découlant des obligations internationales de la Suisse seront prises et pour apporter aux cantons le soutien nécessaire dans ce domaine.

Il y a lieu de donner à la Confédération les moyens de pallier les éventuels manquements d'un canton ­ quelles qu'en soient les raisons ­ lorsqu'il s'agit de mettre en oeuvre les obligations internationales de la Suisse pouvant
engager la responsabilité internationale de la Confédération et remettre en cause les relations internationales.

En effet, en cas de manquements et d'incidents en découlant, la Confédération ne peut invoquer le fait qu'il incombait à un canton de prendre les mesures adéquates en vertu de la législation interne suisse.

Conclusion: Il y a lieu d'examiner la possibilité de préciser les mesures de soutien de la Confédération aux cantons dans la mise en oeuvre des obligations internationales de la Suisse en matière de sécurité intérieure lorsqu'elles ont des implications sur les relations

4290

extérieures, sans pour autant toucher à la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons en matière de sécurité intérieure.

Thèse 4 Les engagements subsidiaires de l'armée dans le domaine de la sécurité intérieure se justifient lors d'événements ou de manifestations, même planifiables, pour lesquels les forces de police disponibles sont insuffisantes.

Il ne paraît pas rentable de laisser les forces de police cantonales constituer des réserves de personnel permanentes pour pouvoir faire face aux engagements planifiables, notamment lors de manifestations sportives d'ampleur internationale ou de rencontres au sommet annoncées de longue date. De telles réserves ne se justifient pas non plus pour les missions de protection de personnes et de bâtiments que la Confédération doit assumer en vertu de ses obligations de droit international public.

Cependant, ni la Constitution ni la loi sur l'armée ne permettent le recours à des militaires pour combler les sous-effectifs de la police. Le maintien de la sécurité intérieure est une tâche des cantons. Il faut par conséquent éviter que les engagements subsidiaires de l'armée en appui aux autorités civiles ne viennent éroder la compétence des cantons dans le domaine de la sécurité intérieure.

Conclusion: Il faudrait évaluer l'opportunité de modifier la LAAM pour donner une base juridique plus solide aux engagements subsidiaires dans le cadre du service d'appui. Il conviendrait en particulier d'examiner la nécessité de préciser la notion de «situation extraordinaire», question qui se pose notamment dans le contexte d'une éventuelle extension de la pratique du service d'appui à des cas plus divers qu'aujourd'hui.

Thèse 5 Il existe certains événements que les polices cantonales, même si elles se mettent à plusieurs (engagements intercantonaux), ne peuvent gérer sans le soutien humain et technique de l'armée.

Il faudrait examiner comme variante à la thèse 4 la possibilité de créer une nouvelle tâche par laquelle la Confédération accorderait son soutien aux cantons en dehors du principe de subsidiarité dans certains cas précis: pics d'activité, protection des ambassades étrangères en Suisse et soutien technique par l'armée.

Lorsque les autorités civiles sont confrontées à un pic d'activité et que cela semble indispensable sous l'angle
économique, elles doivent pouvoir recourir à l'armée.

Le soutien technique de l'armée en faveur des autorités civiles (sous forme de surveillance aérienne, transport aérien, véhicules spéciaux, matériel spécial de l'armée) est opportun lorsque l'acquisition et la maintenance du matériel nécessaire par une seule autorité sont plus économiques. Ce soutien doit pouvoir être régulier.

Les autorités civiles doivent également pouvoir recourir au matériel de l'armée pour des engagements temporaires pour autant que cela ne réduise pas la capacité d'action de la Confédération en cas de crise. Lorsque cela paraît nécessaire, l'armée 4291

peut également mettre des équipes techniques à la disposition des autorités civiles.

Dans ce genre d'interventions, l'armée n'assume aucune tâche de police de sûreté, mais se contente de soutenir les cantons dans l'accomplissement de leurs tâches en matière de sécurité intérieure.

Les prestations énumérées ci-dessus sont actuellement réglées dans la LSIA, l'OEMC, l'OIPCC et l'ordonnance concernant la remise de matériel technique et de véhicules spéciaux du Service de sécurité de l'armée à des tiers. Il serait judicieux de réunir toutes ces dispositions dans un seul et même acte.

La thèse 5 implique d'une part une interprétation restrictive du principe de subsidiarité pour les cas justifiés de service d'appui et d'autre part la reformulation du mandat de l'armée.

Conclusion: Il convient d'évaluer si on ne pourrait pas pour ces cas créer une nouvelle tâche de soutien par la Confédération, ce qui impliquerait la modification de la LAAM et éventuellement de l'art. 58 Cst. Il importe aussi de vérifier si les bases légales relatives au soutien technique accordé aux autorités civiles par l'armée peuvent être réunies dans un seul texte de loi.

Thèse 6 Les engagements subsidiaires de l'armée en faveur des autorités civiles ne devraient pas restreindre la capacité de l'armée d'assumer son mandat de défense, en particulier s'ils s'inscrivent dans la durée ou sont récurrents.

Le soutien subsidiaire que fournit l'armée aux autorités civiles lors d'engagements durables ou récurrents pourrait limiter les moyens dont elle dispose pour assumer ses autres tâches, dont la promotion de la paix et la défense. Il appartient au Conseil fédéral de fixer un cadre et des priorités.

Conclusion: L'emploi de ressources de l'armée doit se faire de telle manière qu'elle puisse assumer son mandat de défense, même en cas d'extension de ses tâches de soutien.

Thèse 7 Les tâches de police de sûreté exercées par les formations professionnelles de l'armée (aujourd'hui Séc mil)384 ne dépassent pas le cadre du mandat de l'armée inscrit dans la Constitution.

Les formations professionnelles de l'armée exerçant des tâches de police de sûreté ne peuvent en principe soutenir d'autres unités de la Confédération que dans le cadre du service d'appui. Il faudra adapter la LAAM si les tâches qu'elles accomplissent, notamment en faveur du SRC, dépassent ce cadre.

384

La Séc mil est en pleine réorganisation.

4292

Conclusion: Il faut adapter la LAAM pour que les formations professionnelles de l'armée exerçant des tâches de police de sûreté puissent s'engager en faveur d'autres unités civiles de la Confédération au-delà du cadre du service d'appui.

Thèse 8 Les compétences d'exécution du droit fédéral devraient découler de la loi plutôt que de conventions passées entre les cantons et l'AFD.

Actuellement de nombreux actes législatifs autres que douaniers aménagent des compétences d'exécution importantes en faveur des cantons pour les activités dites de police. Dans la pratique toutefois, les cantons renoncent souvent à ces compétences découlant du droit fédéral pour confier leur exécution à l'AFD qui dispose en principe déjà de compétences de contrôle en vertu du droit fédéral. La renonciation à ces tâches ne pose pas de problèmes d'un point de vue constitutionnel. Une telle situation juridique manque toutefois de transparence et ne permet pas une vue d'ensemble des tâches assumées par l'AFD. Comme telle, elle est insatisfaisante.

Face à cette situation, le Conseil fédéral a déjà reconnu, dans sa prise de position du 21 janvier 2011 concernant le rapport de la CdG-CE du 12 octobre 2010 relatif à l'évaluation de l'AFD, que les compétences de l'AFD en matière de police de sécurité mériteraient d'être réglées de manière plus détaillée au niveau législatif, le cas échéant en vérifiant l'opportunité d'une telle réglementation fédérale à la lumière de l'art. 5a Cst.

Conclusion: Pour les domaines et tâches dans lesquels les cantons délèguent systématiquement leurs compétences d'exécution au profit de l'AFD par le biais de conventions, il serait préférable de compléter la législation fédérale afin d'y aménager les compétences de police de sécurité nécessaires de l'AFD et d'adapter l'art. 96 LD en conséquence.

Thèse 9 La compétence du DFF, respectivement de l'AFD, de conclure des conventions avec les cantons doit être prévue expressément dans la loi sur les douanes. La conclusion de telles conventions ne peut reposer directement et uniquement sur l'art. 44 Cst.

L'AFD a conclu un faisceau de conventions avec les cantons frontaliers, mais aussi avec des cantons non frontaliers. Dans la mesure où l'art. 97, al. 2 LD n'aménage qu'une compétence de conclusion avec les cantons frontaliers, les autres conventions reposent
aujourd'hui directement sur l'art. 44 Cst. Par ailleurs, la loi sur les douanes devrait préciser que les cantons ne peuvent déléguer que des compétences qui leur ont été attribuées par le législateur fédéral dans des domaines dans lesquels la Confédération dispose d'une compétence législative.

4293

Conclusion: L'art. 97 LD doit être complété de manière à permettre à l'AFD de conclure des conventions avec tous les cantons. On en profitera pour préciser la disposition de manière à délimiter le cadre des compétences pouvant être déléguées.

Thèse 10 La compétence de la Confédération d'adopter des mesures de police de sécurité pour assurer sa protection et celle de ses organes et institutions doit se fonder sur une base constitutionnelle expresse. Il en est de même des activités de protection de l'Etat déployées par la Confédération.

La Constitution ne comporte aucune disposition attribuant à la Confédération une quelconque compétence en matière de protection de l'Etat; elle ne l'autorise pas davantage à adopter des mesures de police de sécurité pour parer aux menaces qui pèsent sur ses organes et institutions. Tant la jurisprudence que la doctrine reconnaissent à la Confédération le pouvoir d'adopter, en vertu de sa compétence inhérente, des mesures lui permettant de parer à ces menaces. L'étendue, la portée et les limites de la compétence inhérente ne sont toutefois pas clairement définies.

Conclusion: Il serait utile de créer une disposition constitutionnelle expresse fondant le mandat de protection qui découle de la compétence inhérente de la Confédération et définissant clairement les limites du pouvoir de celle-ci.

Thèse 11 La future législation sur la protection de l'Etat doit exposer clairement les compétences et les pouvoirs de surveillance. Si la nouvelle loi prévoit des obligations de surveillance pour les organes cantonaux, le droit fédéral doit permettre aux autorités désignées de les remplir en temps opportun et avec toute la latitude nécessaire.

Le droit en vigueur prévoit que le SRC doit donner son accord exprès à la consultation, par les autorités de surveillance cantonales, des données que les cantons traitent sur mandat de la Confédération. Certaines autorités cantonales de surveillance contestent cette réserve, qui selon elles complique leur activité de contrôle. Le partage futur des compétences dans le domaine de la protection de l'Etat n'est pas encore établi. Si la nouvelle loi sur les services de renseignement attribue aux cantons la compétence de traiter des données sur mandat de la Confédération et si la responsabilité de la surveillance leur appartient, il faudra
régler clairement et précisément les prérogatives des organes cantonaux de surveillance.

Conclusion: Il faut délimiter clairement les compétences de la Confédération et des cantons en matière de protection de l'Etat dans le cadre des travaux en cours sur la nouvelle loi sur le renseignement. Si les cantons doivent à l'avenir assumer la responsabilité de 4294

la surveillance, ils doivent bénéficier des droits d'information et de contrôle nécessaires pour l'accomplissement correct et efficace de cette tâche.

Thèse 12 Lorsque la procédure pénale n'a pas encore débuté, le soupçon de la commission d'une infraction ne peut pas servir de critère pour l'attribution de la compétence à la Confédération ou aux cantons. La Confédération doit pouvoir intervenir à ce stade, même si les faits visés ne relèvent pas de la juridiction fédérale.

L'art. 123, al. 1, Cst. est une base constitutionnelle relativement limitée pour fonder les tâches complexes de la Confédération dans le domaine de la police criminelle.

Selon cette disposition, la Confédération ne peut pour l'essentiel assumer des tâches dans ce domaine que dans le cadre de ses compétences en matière de poursuite pénale. C'est pourquoi le législateur fédéral, dans sa pratique récente, s'est essentiellement fondé sur l'art. 57, al. 2, Cst. Cette pratique est critiquée par une grande majorité de la doctrine, étant donné que cette disposition n'attribue à la Confédération que des tâches de coordination, sans lui attribuer de compétences législatives.

Bien que la solution appliquée par la Confédération paraisse fonctionner, il n'en demeure pas moins qu'elle n'est pas conforme aux principes de clarté et de transparence dans la législation et l'activité administrative. Les tâches de police criminelle exercées par la Confédération avant l'ouverture d'une procédure pénale ­ détection précoce, investigations, coordination de l'échange d'informations ou exploitation de banques de données ­ devraient par conséquent se fonder sur une disposition constitutionnelle suffisamment précise. Celle-ci devra couvrir l'échange de données aux échelons national et international, les diverses tâches de coordination et la coopération policière internationale, en particulier dans les cas où des traités internationaux exigent l'institution d'un organe central à l'échelon national. Elle devra subordonner l'activité de la Confédération à des critères restrictifs, afin de ne pas empiéter sur les compétences originelles des cantons dans le domaine de la sécurité intérieure. Cette nouvelle norme constitutionnelle pourrait être réalisée par le biais d'une modification de l'art. 57, al. 2, Cst.

Conclusion: Il importe d'élaborer une norme
constitutionnelle expresse pour fonder les compétences de la Confédération dans le domaine policier en dehors d'une procédure pénale.

Thèse 13 En matière de lutte contre les violences lors de manifestations sportives, il appartient aux cantons, pour l'heure, de prendre les mesures nécessaires.

La législation fédérale et cantonale actuelle contient déjà de nombreuses mesures de lutte contre les violences lors de manifestations sportives qui, exécutées de manière efficiente, permettraient sans doute de contenir une grande partie des débordements observés. Les cantons devraient donc s'interroger sur leur manière d'exécuter la législation en vigueur, et procéder cas échéant aux améliorations nécessaires. Si 4295

effectivement la problématique devait résider dans des lacunes au niveau législatif, il appartiendrait aux cantons de légiférer en priorité. C'est d'ailleurs ce qu'ils sont en train de faire avec la révision du concordat du 15 novembre 2007. Il faudra néanmoins examiner les questions liées au postulat Glanzmann dans un rapport séparé.

Conclusion: La Confédération ne devrait donc pas envisager d'intervenir, sur la base d'une nouvelle compétence constitutionnelle ou sur celle de ses compétences actuelles (très limitées), avant que les questions liées à l'exécution de la législation en vigueur par les cantons aient été résolues, et que les effets de la révision du Concordat du 15 novembre 2007, si elle entre en vigueur, aient été mesurés. Les questions liées au postulat Glanzmann seront traitées dans le rapport correspondant en tenant compte des dernières évolutions et des expériences rassemblées dans le cadre de l'application du nouveau concordat.

4296

Annexe

Sécurit é privée (droit des contrat s / droit de domicile)

Service de sécurité privé, bénévole ou prof essionnel

1 2*

Service de sécurité privé (mandaté par le détent eur du droit de domicile)

3*

Service de sécurité privé (mandaté par délégation d`une tâche polic ière) ou forces de police

4 ** Sécurité publ q i ue (droit publ ci )

5 ** *

Forc es de police

6 ** * 1

Cont rôle des bil letset contrôle des ef fetspersonnels

Service de sécurité privé / hôt esses

2

Cont rôle visuel et fouille rudimentaire

Service de sécurité privé / hôt esses

3

Fouille superficiellepar dessus les vêt em ents, pas de fouille cibl ée des zones intim es (par ex. fouille dansl es aéroports)

Service de sécurité privé ?

même sexe

4

Fouille ciblée par dessusl es vêtements, zonesintimes com prises

Forcesde police ou service de sécurité privé mandaté par dél égationd`unet âche policière ? f ouille par une personnedu même sexe, dansl a m esure du possible dans un espace cachédu public

5

Fouille ciblée sans les vêtements, zones imtim es comprises

Forcesde police ? fouille par unepersonne du même sexe, impérativement dans un es pacecaché du public

6

Fouille des zones intimes

Forcesde police ? fouille par unepersonne du même sexe appuyée par du personnel médical, impérat ivement dans un espace cachédu public

fouil le par une personne du

4297

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