Evaluation de la surveillance et des effets des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes Rapport du 21 octobre 2011 de la Commission de gestion du Conseil national Avis du Conseil fédéral du 18 janvier 2012

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Conformément à l'art. 158 de la loi sur le Parlement (LParl; RS 171.10) et en référence aux considérations finales du rapport du 21 octobre 2011 de la Commission de gestion du Conseil national, intitulé «Evaluation de la surveillance et des effets des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes», nous nous prononçons ci-après sur ce rapport.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

18 janvier 2012

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Eveline Widmer-Schlumpf La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2011-2836

1075

Condensé En soumettant son rapport «Evaluation de la surveillance et des effets des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes», du 21 octobre 2011, la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) a transmis trois recommandations au Conseil fédéral et déposé un postulat.

Le présent avis revient sur le rapport précité et sur les recommandations et le postulat qu'il contient.

Le Conseil fédéral remercie la CdG-N et le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) de leur analyse et reconnaît l'importance de leur contribution à l'évaluation du fonctionnement de la surveillance des mesures d'accompagnement. En donnant son avis, il entend compléter sur certains points l'analyse approfondie à laquelle a procédé la CdG-N. Il partage dans une large mesure les objectifs formulés par la CdG-N et est prêt à reprendre ses recommandations.

Sur la base des recommandations de la CdG-N, le Conseil fédéral va prendre ou a déjà pris plusieurs mesures, soit notamment: ­

Recommandation 1: Pilotage stratégique et opérationnel La CdG-N reconnaît que le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) s'est doté d'une stratégie pertinente et complète de pilotage dès 2010. Comme le demande la CdG-N, le Département fédéral de l'économie (DFE) a toutefois chargé le SECO de renforcer le pilotage stratégique et opérationnel en matière d'exécution des mesures d'accompagnement. A cet effet, il est prévu entre autres de renforcer les instruments de pilotage, en particulier par une consolidation des données quantitatives et qualitatives du SECO, de développer l'audit des instances d'exécution et de renforcer tant le soutien à la professionnalisation des instances d'exécution que leur accompagnement par le SECO (voir également ci-dessous).

Le DFE a chargé le SECO d'étudier de manière approfondie l'hypothèse d'une sous-enchère salariale au niveau des travailleurs nouvellement engagés en lien avec l'Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP). A cet égard, une analyse est menée en parallèle sur mandat du SECO par l'université de Genève dans ce domaine.

­

Recommandation 2: Harmonisation des processus Le DFE a chargé le SECO d'apporter son soutien et de veiller au renforcement de la professionnalisation des activités d'exécution pour l'ensemble des organes d'exécution. Le SECO va également veiller à consolider la collaboration entre les commissions paritaires (CP) des conventions collectives de travail étendues (CCT étendues) au niveau fédéral et les autorités cantonales, notamment dans le cadre des travaux liés au suivi des contrôles et de la transmission des sanctions. Dans cette perspective, des rencontres sont prévues dès le début de l'année 2012 entre les acteurs impliqués. En parallèle, le DFE a aussi chargé le SECO de renforcer la surveillance des pro-

1076

cessus auprès des organes d'exécution en développant l'activité d'audit et de contrôle à la source. Les premiers audits des instances d'exécution seront réalisés au printemps 2012.

Le SECO sollicitera les autorités cantonales d'exécution des mesures d'accompagnement d'appliquer une méthodologie transparente et systématique destinée à constater les cas de sous-enchère salariale, tout au long de la chaîne de processus allant du contrôle à l'application éventuelle de sanctions ou à l'introduction de CCT étendues ou de contrats-types de travail (CTT) avec salaires impératifs en cas de sous-enchère abusive et répétée.

­

Recommandation 3: Communication fondée sur des données fiables Le Conseil fédéral souligne que la communication ainsi que les conclusions émises en l'état sont pertinentes et objectives. A l'avenir, le SECO veillera toutefois à consolider la qualité des données récoltées servant de base à la communication afin de rendre celle-ci plus transparente et complète.

Le Conseil fédéral a proposé une révision de la législation allant dans le sens du postulat déposé par la CdG-N en ce qui concerne les lacunes juridiques dans le cadre de l'application des CTT avec salaires impératifs. Il adhère également à la requête concernant la problématique des chaînes de sous-traitance.

­

Postulat: Examen d'une solution législative L'obligation de respecter les salaires minimaux des CTT, incombant aux employeurs qui emploient des travailleurs engagés en Suisse, relève du code des obligations (CO). Afin de garantir la bonne application des CTT avec salaires impératifs, cette obligation doit être ancrée dans la loi sur les travailleurs détachés (Ldét) pour qu'une sanction correspondante puisse y être prévue. Le champ d'application de la Ldét doit par conséquent être adapté.

Le Conseil fédéral soumettra son message au Parlement au début du mois de mars 2012. Les modifications légales pourront dès lors entrer en vigueur en fin d'année 2012.

Le Conseil fédéral reconnait l'existence d'une problématique liée aux chaînes de sous-traitance. Le SECO analysera cette question et fournira ses recommandations en la matière.

Le présent avis du Conseil fédéral se subdivise en trois parties: la première (ch. 1 et 2.1) commente l'enquête de la CdG-N et ses principales conclusions à titre d'introduction générale. Cette introduction est suivie d'une deuxième partie qui expose l'avis du Conseil fédéral concernant les recommandations et le postulat individuel, dans le même ordre que celui dans lequel ils sont abordés dans le rapport de la CdG-N (ch. 2.2). Les activités à entreprendre ou à développer dans le cadre des mesures destinées à pourvoir aux recommandations sont ensuite analysées du point de vue des besoins en ressources supplémentaires (ch. 2.3). Sur ce point, le SECO estime qu'en matière de ressources en personnel, quatre postes supplémentaires sont indispensables.

1077

Liste des sigles ALCP CCT CdG-N CO CP CPA CT CTT DFE Ldét

OFS SECO UE

1078

Accord sur la libre circulation des personnes Convention collective de travail Commission de gestion du Conseil national Loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse (Livre cinquième: Droit des obligations, RS 220) Commission paritaire Contrôle parlementaire de l'administration Commission tripartite Contrat-type de travail Département fédéral de l'économie Loi fédérale du 8 octobre 1999 sur les conditions minimales de travail et de salaire applicables aux travailleurs détachés en Suisse et sur les mesures d'accompagnement (Loi sur les travailleurs détachés, RS 823.20) Office fédéral de la statistique Secrétariat d'Etat à l'économie Union européenne

Avis 1

Contexte

Les investigations menées de juin 2010 à fin avril 2011 par la CdG-N portent sur l'application et l'efficacité des mesures d'accompagnement à l'ALCP depuis leur introduction. Un certain nombre d'interrogations et de craintes de la population ont été relayées par les milieux médiatiques et politiques. Les mesures d'accompagnement ont été tout autant développées que remises en question au gré de l'évolution des relations de la Suisse avec l'UE. L'ouverture complète du marché suisse du travail à huit nouveaux pays de l'Est au 1er mai 2011 et à la Bulgarie et à la Roumanie en 2016 suscite également des interrogations quant à l'adéquation des mesures d'accompagnement.

Dans ce contexte, la CdG-N a chargé le CPA de procéder à une évaluation de l'application et de l'efficacité des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes. Cette évaluation se concentre sur le rôle de la Confédération en matière de mesures d'accompagnement. Les informations relatives à la mise en oeuvre effectuée par les cantons et les CP sont utilisées pour apprécier le pilotage de la Confédération et l'application des mesures d'accompagnement. Les origines des pratiques différenciées selon les organes d'exécution ne font pas l'objet de l'évaluation. Le CPA n'a pas non plus évalué l'ALCP.

Par lettre du 21 octobre 2011, la CdG-N a transmis son rapport au Conseil fédéral, en l'invitant à donner son avis avant la fin janvier 2012.

2

Avis du Conseil fédéral

2.1

Considérations générales

Le Conseil fédéral remercie la CdG-N de son analyse de l'exécution des mesures d'accompagnement. Il est d'avis que les trois recommandations et le postulat résultant de l'enquête menée par la sous-commission DFE et le CPA fournissent des points de repère utiles pour renforcer l'efficacité de l'exécution des mesures d'accompagnement.

Le Conseil fédéral s'est employé, compte tenu de l'importance des thèmes abordés dans l'enquête, à traiter aussi rapidement que possible les demandes présentées par la CdG-N et à prendre sans délai des mesures concrètes.

La CdG-N reconnait la complexité du pilotage des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes en raison de la complexité de l'appareil d'exécution appliqué au niveau national. L'analyse de ce système est particulièrement exigeante, ce qui a pu entraîner des conclusions, détaillées au sein du présent rapport, pour lesquelles l'avis du Conseil fédéral diverge de celui de la CdG-N.

1079

A ce propos, le Conseil fédéral tient à rappeler deux principes présidant à l'exécution des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes: 1.

La loi désigne les autorités compétentes pour assurer les activités d'exécution. Elle cite en particulier les commissions tripartites cantonales et les CP des CCT étendues. Une très large autonomie est accordée aux organes d'exécution.

2.

Les mesures d'exécution dans le cadre des branches couvertes par des CCT étendues au niveau fédéral ont pour vocation de garantir le respect des salaires minimaux définis au sein de ces conventions alors que la surveillance des branches non couvertes par des CCT a pour objectif d'identifier les éventuels abus en matière de condition salariale.

Ces deux points ont, de l'avis du Conseil fédéral, été insuffisamment pris en compte par les analyses du CPA. Il en résulte des conclusions qui ne recouvrent pas toujours les conclusions du Conseil fédéral dans ces deux domaines.

Pression sur les salaires Le Conseil fédéral tient à rectifier les constatations qui émanent du rapport de la CdG-N concernant les pressions réelles sur les salaires. Ces constatations reposent principalement sur les conclusions du rapport d'experts réalisé par l'institut de recherche du travail et du droit du travail à l'université de Saint-Gall. L'étude conclut que, dès 2004, suite à l'introduction de l'ALCP, une pression sur les salaires auprès de travailleurs nouvellement engagés peut être constatée dans certaines branches. Il s'agit toutefois d'une base d'analyse insuffisante pour juger des effets de la libre circulation des personnes sur les salaires en Suisse. D'une part, d'autres études se sont penchées sur ce thème et parviennent à des conclusions divergentes.

D'autre part, l'étude de l'université de Saint-Gall présente un certain nombre de questions ouvertes sous l'angle méthodologique, qui devraient être approfondies avant de pouvoir en tirer des conclusions fondées.

Le Conseil fédéral estime que l'étude fournit un modèle intéressant en vue d'analyser l'impact de l'introduction de la libre circulation des personnes sur la structure salariale et l'éventualité d'une pression sur les salaires. Toutefois, les effets identifiés au sein de certaines branches doivent être étudiés de manière plus précise pour pouvoir formuler une conclusion pertinente. En conséquence, le SECO va analyser plus en détail l'évolution des salaires sur la base d'une spécification similaire à celle retenue par l'université de Saint-Gall en intégrant les éléments de l'enquête suisse sur la structure des salaires 2010 de l'office fédéral de la statistique (OFS) publiée fin novembre 2011. Le SECO a mandaté l'université de Genève pour la réalisation de cette étude complémentaire.

Application des mesures d'accompagnement Comme le reconnaît la CdG-N, le système d'exécution des mesures d'accompagnement est complexe. De nombreux organes sont en charge des activités d'exécution et leurs interactions sont nombreuses. Lors de l'introduction des mesures d'accompagnement, il a été décidé par le
législateur d'organiser la surveillance du marché du travail de façon décentralisée. Une exécution uniformisée respectivement une définition standard de la notion de sous-enchère salariale abusive n'ont jamais été les objectifs visés. Ces particularités entraînent dans une certaine mesure une exécution

1080

hétérogène. Certains processus systématiques sont toutefois exigés de la part des organes d'exécution. Un tel système a bien été souhaité par le législateur.

La mise en oeuvre des mesures d'accompagnement présente encore un potentiel d'optimisation. A cette fin, suite à la table ronde du 5 juillet 2011 avec les partenaires sociaux, le chef du DFE a formé un groupe de travail qui a analysé les problèmes liés à l'exécution des mesures d'accompagnement et élaboré des solutions en ce domaine. Ce groupe de travail a soumis son rapport final au chef du DFE en janvier 2012. Le Conseil fédéral a par ailleurs mis en consultation le 23 septembre 2011 un projet de révision de la législation sur les mesures d'accompagnement permettant de combler les lacunes juridiques en ce domaine, y compris en matière de lutte contre l'indépendance fictive. Le Conseil fédéral soumettra son message au Parlement au début du mois de mars 2012. L'entrée en vigueur des modifications légales pourrait avoir lieu dans le courant de l'année 2012.

La CdG-N estime à ce propos que le Conseil fédéral et le DFE ont «engagé des démarches positives», mais indique également que le SECO doit encore renforcer son engagement et consacrer davantage de ressources en personnel dans ce domaine.

Communication La CdG-N estime que les bases d'information sur lesquelles se fonde le Conseil fédéral pour la communication en matière de mesures d'accompagnement sont d'une qualité insuffisante. Ces critiques reposent toutefois principalement sur une analyse par le CPA des rapports annuels des organes d'exécution et non sur des données récoltées par le SECO. Les données analysées par le CPA ne sont pas utilisées dans l'analyse de l'efficacité de l'exécution des mesures d'accompagnement ni exploitées dans le cadre du rapport annuel du SECO sur l'exécution des mesures d'accompagnement. La collecte de données par le SECO est basée sur une enquête exhaustive réalisée chaque année auprès de l'ensemble des organes d'exécution, où les données font l'objet de vérifications de la part du SECO. Les informations relatives au nombre de contrôles effectués ainsi qu'aux infractions suspectées reposent de manière générale sur des statistiques fiables.

Pilotage Le SECO a, dès l'entrée en vigueur de la Ldét, défini les objectifs stratégiques de l'exécution des mesures
d'accompagnement. Le SECO a par exemple dès 2006 conclu des accords de prestations avec les CT cantonales qui définissent les objectifs concrets à atteindre (tels que le nombre de contrôles à réaliser). Des accords analogues ont également été passés avec les CP des CCT étendues au niveau fédéral chargées de faire appliquer les conditions minimales de salaire et de travail au sein de leur branche.

Un système global et cohérent de pilotage et de contrôle en matière d'exécution des mesures d'accompagnement a été développé et introduit en 2010. Son opérationnalisation est en cours et se traduit en particulier par un renforcement de l'accompagnement des organes d'exécution et l'introduction d'audits réguliers de ces mêmes organes.

1081

2.2

Considérations concernant les recommandations et le postulat

Ad recommandation 1 Recommandation 1

Pilotage stratégique et opérationnel

La CdG-N invite le Conseil fédéral à s'investir dans la mise en oeuvre rapide d'une stratégie de pilotage claire et à s'assurer que celle-ci soit basée sur des indicateurs objectifs considérant l'ensemble du marché suisse du travail. Dans cette tâche, le Conseil fédéral devra tenir compte des enseignements tirés, respectivement de l'ensemble des constatations du CPA et des recommandations de la CdG-N. Une attention particulière sera notamment portée sur la problématique du personnel nouvellement engagé.

La CdG-N indique dans son rapport que, bien que les mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes soient entrées en vigueur le 1er juin 2004, aucune stratégie de pilotage globale n'a existé avant 2010. La CdG-N est d'avis que le Conseil fédéral et le SECO ont longtemps négligé la thématique sensible des mesures d'accompagnement tant au niveau du concept de mise en oeuvre que de sa dotation en personnel. La CdG-N parvient à la conclusion que le pilotage politique des mesures d'accompagnement ne s'est pas basé sur des constats relatifs à leur efficacité, mais que son évolution a été et est influencée par des considérations politiques.

La CdG-N estime que le développement des mesures d'accompagnement ainsi que la fixation des objectifs devraient se fonder sur des indicateurs objectifs et être basés sur des faits établis.

La CdG-N reconnaît toutefois que le SECO s'est doté d'une stratégie pertinente et complète dès 2010. Le SECO a défini les principaux objectifs à atteindre dans le cadre de l'exécution de la Ldét et a déterminé des indicateurs pertinents permettant de mesurer le degré de réalisation de ces objectifs. Le Conseil fédéral est d'avis que, sur la base des travaux qui seront réalisés en vue de donner suite aux dispositions figurant au sein de la recommandation 3, certains indicateurs pourront être encore améliorés. L'amélioration du pilotage stratégique et opérationnel passera également par un renforcement notable du soutien apporté aux organes d'exécution, entre autres du soutien à la professionnalisation des CP, comme par un renforcement du contrôle et de l'accompagnement sur place. Ceci exigera toutefois un accroissement des ressources affectées à ce domaine.

La CdG-N relève par ailleurs que près de la moitié des contrôles effectués dans le cadre de la Ldét est concentrée
sur les travailleurs détachés qui représentent moins de 0,15 % du volume total de l'emploi au niveau national. Elle note également que sous l'angle de la répartition des contrôles selon la réglementation des rapports de travail, les domaines professionnels couverts par des CCT étendues concentrent plus de la moitié des contrôles alors qu'ils ne représentent qu'environ 13 % de la population active. Selon la CdG-N, ceci pose un problème majeur sous l'angle du pilotage stratégique.

Le Conseil fédéral rappelle à ce sujet que, d'accord entre la Confédération, les partenaires sociaux et les cantons, les objectifs quantitatifs suivants ont été fixés en matière de contrôle sur les entreprises: il est prévu de contrôler annuellement 50 % 1082

des travailleurs détachés, 3 % des employeurs en Suisse dans les branches estimées sensibles (dites aussi branches en observation renforcée) et 2 % dans les autres branches. Cette répartition des contrôles s'explique comme suit: Les travailleurs détachés font l'objet du contrôle le plus systématique, dans la mesure où en raison des différences de salaire entre la Suisse et les pays d'origine des travailleurs détachés, le risque de sous-enchère salariale est le plus grand dans ce domaine; le nombre important de situations d'infraction constatées dans le cadre des contrôles justifie cette approche. Une part importante du contrôle s'effectue par ailleurs dans des branches faisant l'objet d'une CCT étendue, dans la mesure où il s'agit de branches présentant un risque supérieur à la moyenne de sous-enchère salariale abusive (hôtellerie et restauration, construction, second oeuvre, nettoyage, etc.) Enfin, la part plus réduite des contrôles auprès des employeurs suisses s'explique aussi par le fait qu'à la différence du contrôle sur les travailleurs détachés, le contrôle sur ces entreprises peut être effectué de manière rétrospective pour des périodes longues; en d'autres termes, si le taux de contrôle sur les entreprises suisses est plus faible, ce contrôle s'effectue en profondeur, comprend l'examen rétrospectif de la comptabilité et des salaires sur plusieurs années et ne demande pas de répétition annuelle du contrôle auprès des entreprises déjà contrôlées. Le renforcement des contrôles auprès des employeurs suisses par les CP tombe sous les activités d'exécution habituelles de la CCT étendue. De ce fait, ces contrôles ne sont pas financés par la Confédération et n'entrent donc pas dans le domaine de surveillance des mesures d'accompagnement.

La stratégie quantitative de contrôle a fait l'objet de réexamens réguliers et été plusieurs fois reconfirmée d'accord entre la Confédération, les partenaires sociaux et les cantons. Elle continuera d'être réévaluée régulièrement à l'avenir. Le Conseil fédéral est d'avis que cette approche ne doit pas être modifiée.

En matière de salaires du personnel nouvellement engagé, comme on l'a indiqué au chiffre 2.1, le SECO fait réaliser actuellement par l'université de Genève une étude complémentaire à l'étude mandatée par le CPA sur cette question.

Le Conseil fédéral
souligne que cette analyse fait partie intégrante des mesures d'exécution concernant les mesures d'accompagnement. De telles enquêtes doivent être réalisées régulièrement afin de renforcer le degré d'expertise sur certaines thématiques en fonction des priorités du moment.

Synthèse

Recommandation 1

Le Conseil fédéral accepte la recommandation no 1 de la CdG-N et a chargé le DFE et le SECO de consolider le pilotage stratégique et opérationnel des mesures d'accompagnement, notamment par une consolidation du système d'indicateurs, par un renforcement du soutien apporté aux organes d'exécution comme du contrôle et de l'accompagnement sur place. Il a également sollicité du DFE et du SECO une étude approfondie de l'hypothèse d'une sous-enchère salariale au niveau des travailleurs nouvellement engagés en lien avec l'ALCP.

1083

Ad recommandation 2 Recommandation 2

Harmonisation des processus

La CdG-N invite le Conseil fédéral à soutenir, dialoguer et collaborer avec les différents acteurs chargés de la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement, afin d'établir une ligne de conduite, une méthode et des critères en matière de sous-enchères abusives et répétées. La CdG-N est convaincue que cela doit permettre une application plus homogène des mesures d'accompagnement ainsi que de répondre aux exigences fixées par le législateur.

La CdG-N constate que les pratiques des cantons et des CP ne sont pas suffisamment homogènes en raison des carences du pilotage, subsidiairement de l'absence de définition de la sous-enchère salariale. Le Conseil fédéral estime que les raisons invoquées par la CdG-N à l'origine de l'hétérogénéité des pratiques devraient toutefois être relativisées. Le DFE a, par l'intermédiaire du SECO, élaboré un certain nombre de directives et de recommandations afin de définir une orientation commune en matière d'exécution au niveau des organes d'exécution.

Le Conseil fédéral estime également qu'une forme de généralisation des constatations n'est pas pertinente. Comme le relève la CdG-N, l'activité d'exécution peut paraître relativement hétérogène de manière globale ce qui rend la surveillance et l'interprétation des résultats parfois complexe. Le législateur a toutefois voulu une exécution décentralisée de la législation qui prenne en compte les spécificités des marchés du travail dans les cantons et branches économiques. Il en résulte une certaine diversité dans la mise en oeuvre. Le pilotage des organes d'exécution doit assurer l'exécution efficiente et efficace de la loi tout en respectant le principe de son exécution décentralisée.

Le Conseil fédéral partage néanmoins l'avis de la CdG-N, exprimé dans la recommandation 2, qu'un potentiel d'amélioration existe en matière de collaboration interorganes, qui permettrait en outre une application plus homogène des mesures d'accompagnement. Le groupe de travail institué après la table ronde du 5 juillet 2011 a procédé à l'analyse du traitement des cas d'inconduites en matière de salaires minimaux et usuels au sein des branches et de mesurer l'efficacité du suivi et de la répression dans ce domaine. Il a également déterminé si les sanctions prévues par la Ldét sont effectivement prises et si les instruments tels que l'introduction
de CTT avec salaires impératifs et d'extensions facilitées de CCT sont appliqués de manière appropriée.

Le groupe de travail a également émis des propositions pour améliorer la mise en application des mesures d'accompagnement par les CP des CCT étendues au niveau fédéral.

Les évaluations réalisées par le SECO ont identifié, en particulier pour certaines CP, des défauts ou des lacunes en matière d'exécution de la Ldét. Ces défauts varient fortement selon les branches et ont des origines variables. Ils sont dus en partie à des faiblesses dans la structure interne et l'organisation des organes d'exécution concernés ou à une communication et coopération insuffisante entre organes d'exécution.

1084

Le SECO apportera son soutien aux CP en vue de renforcer la professionnalisation de leurs activités. Dans cette perspective, des rencontres sont prévues entre les organes d'exécution dès le début de l'année 2012. La Confédération devrait dans ce cadre fournir l'impulsion adéquate pour que les cantons et les CP définissent euxmêmes la forme de leur coopération. Par ailleurs, les CP devraient être amenées à se doter de structures et d'une organisation leur permettant de traiter de manière adaptée les infractions constatées aux conditions minimales de salaire et de travail et, si nécessaire, prononcer des sanctions (prévues dans le cadre des CCT étendues). Ce travail préliminaire des CP est central pour permettre aux autorités cantonales d'appliquer, si besoin est, des mesures répressives telles des amendes ou interdictions de fournir des prestations en Suisse.

Un sondage auprès des CT cantonales a démontré que la majorité des procédures de conciliation en cas de sous-enchères salariales abusives sont conclues avec succès et ne nécessitent pas de mesures supplémentaires. Le SECO sollicitera toutefois de la part des autorités cantonales en matière d'exécution des mesures d'accompagnement l'application d'une méthodologie transparente et systématique en matière de sousenchère salariale, tout au long de la chaîne de processus allant du contrôle à l'application éventuelle de sanctions ou à l'introduction de CCT étendues ou de CTT avec salaires impératifs en cas de sous-enchère abusive et répétée.

En ce qui concerne la définition de la notion de salaire usuel et de sous-enchère abusive et répétée, des informations et des aides à la décision ont été mises à la disposition des CT cantonales dès l'introduction des mesures d'accompagnement.

Le Conseil fédéral rappelle qu'une définition standardisée de la notion de sousenchère salariale abusive n'a pas été souhaitée par le législateur.

Synthèse

Recommandation 2

Le Conseil fédéral accepte la recommandation no 2 de la CdG-N et a chargé le DFE et le SECO d'apporter leur soutien et de veiller au renforcement de la professionnalisation des activités d'exécution pour l'ensemble des organes d'exécution. Le SECO va également veiller à consolider la collaboration entre les CP des CCT étendues au niveau fédéral et les autorités cantonales, et ce notamment dans le cadre des travaux liés au suivi des contrôles et de la transmission des sanctions.

Le SECO va requérir de la part des autorités cantonales en matière d'exécution des mesures d'accompagnement l'application d'une méthodologie transparente et systématique en matière de sous-enchère salariale, tout au long de la chaîne de processus allant du contrôle à l'application éventuelle de sanctions ou à l'introduction de CCT étendues ou de CTT avec salaires impératifs en cas de sous-enchère abusive et répétée.

1085

Ad recommandation 3 Recommandation 3

Communication fondée sur des données fiables

La CdG-N invite le Conseil fédéral et le SECO à baser leurs communications et leurs conclusions sur des données pertinentes, complètes, fiables et objectives afin d'atteindre davantage de transparence.

Sur la base des analyses menées par le CPA, la CdG-N parvient à la conclusion que les bases d'informations sur lesquelles se fondent le Conseil fédéral et le SECO pour communiquer au sujet des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes ne sont pas de qualité suffisante. Comme il en a été fait mention au ch. 2.1, les analyses du CPA se basent toutefois sur des données qui ne sont pas exploitées par le Conseil fédéral, ni par le SECO, pour l'analyse de la sous-enchère salariale et des mesures d'accompagnement.

Le Conseil fédéral est toutefois d'avis, comme la CdG-N, que la qualité des données récoltées en matière de sous-enchère salariale et de mesures d'accompagnement constitue une priorité. La collecte de données par le SECO est basée sur une enquête exhaustive réalisée chaque année auprès de l'ensemble des organes d'exécution.

Certaines inexactitudes sont inévitablement associées à ce genre de procédé. En vue de consolider la qualité des données récoltées, le Conseil fédéral a chargé le DFE et le SECO de renforcer la surveillance des processus auprès des organes d'exécution en développant un concept d'audit et de contrôle à la source. Ce procédé de surveillance proactif sera encore étendu à l'avenir et garantira une plus grande fiabilité des données récoltées.

En lien avec la recommandation 2 de la CdG-N, le Conseil fédéral considère également que le renforcement du suivi sur place devrait considérablement améliorer la cohésion entre les différents organes d'exécution en renforçant le dialogue et l'échange d'expérience et permettre une comparaison renforcée et une homogénéisation progressive de certains processus fondée sur les meilleures pratiques («best practices»).

Le Conseil fédéral tient toutefois à signaler que les données utilisées dans le cadre du rapport sur l'exécution des mesures d'accompagnement se basent sur les rapports des organes d'exécution. Ces résultats sont complétés par les analyses réalisées en parallèle dans le cadre du rapport de l'observatoire en se basant par exemple sur l'enquête suisse sur la structure des salaires de l'OFS. De ce fait, l'évolution des salaires est notamment mesurée sur la base des données de l'OFS.

Synthèse

Recommandation 3

La base de données nécessaire à la communication est en principe suffisante. Le Conseil fédéral accepte toutefois la recommandation no 3 de la CdG-N et a chargé le DFE et le SECO de veiller à consolider la qualité des données récoltées servant de base à la communication afin de rendre celle-ci plus transparente et complète.

1086

Ad postulat Postulat

Examen d'une solution législative

La CdG-N invite le Conseil fédéral à examiner d'une part une solution législative pour combler les lacunes juridiques dans le domaine des contrats-types de travail et, d'autre part, à apprécier la problématique des chaînes de sous-traitance.

La CdG-N déplore l'existence de lacunes juridiques créant des obstacles à l'efficacité des mesures d'accompagnement à l'ALCP. Elle estime que certaines imprécisions légales réduisent l'efficacité des mesures d'accompagnement et peuvent également se répercuter sur son pilotage.

La CdG-N estime notamment que la mise en place des CTT avec salaires minimaux ne constitue pas un instrument efficace, dès lors que les employeurs suisses qui y contreviennent ne sont pas punissables. Elle souhaite que le Conseil fédéral examine l'opportunité d'introduire une base légale afin de sanctionner tous les contrevenants.

Lorsque les salaires usuels dans une branche ou une profession font l'objet d'une sous-enchère abusive et répétée et qu'il n'existe pas de CCT contenant des dispositions relatives aux salaires minimaux pouvant être étendue en vertu d'une procédure facilitée, l'autorité compétente a la possibilité d'édicter un CTT prescrivant des salaires minimaux impératifs au sens de l'art. 360a CO.

Dans le cadre de l'application des CTT avec salaires minimaux, l'actuelle Ldét prévoit l'obligation pour les entreprises étrangères qui détachent des travailleurs en Suisse de respecter les salaires minimaux prévus par les CTT au sens de l'art. 360a CO. Concernant les employeurs suisses, seuls les bailleurs de services peuvent faire l'objet de sanctions. S'agissant des autres employeurs qui emploient des travailleurs engagés en Suisse dans des branches soumises à des CTT contraignants et qui n'en respectent pas les salaires minimaux impératifs, aucune base légale ne permet de les sanctionner. Ceci remet en question l'efficacité de l'application de CTT avec salaires minimaux impératifs. Le législateur a seulement introduit à l'art. 360e CO la possibilité, pour les associations représentant les employeurs ou les travailleurs, d'ouvrir une action tendant à faire constater le respect ou le non-respect du CTT au sens de l'art. 360a CO.

Le Conseil fédéral a proposé un projet de révision de la législation visant à combler les lacunes juridiques détaillées ci-dessus en matière
d'application des dispositions des CTT dont l'entrée en vigueur pourrait avoir lieu dans le courant de l'année 2012.

Les employeurs qui emploient des travailleurs engagés en Suisse sont tenus de respecter les salaires minimaux sur la base du CO. Cette obligation doit être inscrite dans la Ldét pour qu'une sanction correspondante puisse y être prévue. Le champ d'application de la Ldét doit par conséquent être adapté pour les employeurs suisses.

Afin d'instaurer une possibilité de sanction, le projet du Conseil fédéral prévoit que l'actuel art. 9, al. 2, Ldét est complété par une nouvelle lettre permettant à l'autorité compétente d'infliger une amende de 5000 francs au plus à l'employeur fautif. On comble ainsi le vide légal empêchant actuellement l'autorité cantonale de prononcer une sanction à l'encontre d'un employeur qui emploie des travailleurs engagés en Suisse et ne respecte pas les salaires minimaux prévus par un CTT. L'introduction 1087

de cette mesure permet d'instaurer une égalité de traitement entre travailleurs indigènes et travailleurs étrangers, puisqu'à ce jour, seuls les employeurs étrangers qui ne respectaient pas le salaire minimal impératif prévu par un CTT étaient sanctionnés en vertu de la Ldét. Si les faits constitutifs visés à l'art. 12 Ldét sont avérés, le nouvel article permet en outre d'infliger une sanction pénale aux employeurs fautifs qui emploient des travailleurs engagés en Suisse.

La CdG-N relève également qu'il est difficile de sanctionner les abus constatés dans le cas de chaînes de sous-traitance. Pour favoriser la responsabilité de certains employeurs, les chaînes de sous-traitance devraient être indissociables et sanctionnées dans leur ensemble en cas d'abus.

Le Conseil fédéral reconnaît la pertinence des questions liées aux chaînes de soustraitance. Il propose d'accepter le postulat ainsi que d'examiner cette problématique en détail.

Synthèse

Postulat

Le Conseil fédéral propose d'accepter le postulat déposé par la CdG-N qui l'invite à examiner une solution législative pour combler les lacunes juridiques dans le domaine des CTT. Il a proposé en ce sens une révision de la législation afin de combler les lacunes juridiques dans le domaine des CTT. Le Conseil fédéral soumettra son message au Parlement au début du mois de mars 2012.

Le postulat invite par ailleurs le Conseil fédéral à se pencher sur la problématique des chaînes de sous-traitance. Le Conseil fédéral est également d'accord avec cette partie du postulat et est prêt à examiner les questions en lien avec les chaînes de sous-traitance.

2.3

Considérations en matière de ressources financières et en personnel

La CdG-N a souligné dans son rapport que les ressources affectées aux mesures d'accompagnement de la libre circulation des personnes sont insuffisantes: «La CdG-N (...) s'interroge sur la gestion et l'adéquation des ressources nécessaires dans un domaine d'une si haute importance. A l'avenir, le Conseil fédéral devra veiller à ce qu'un contingent en personnel suffisant soit à disposition dans ce domaine». Les faiblesses du pilotage relevées dans le rapport de la CdG-N sont en grande partie à mettre au compte du peu de ressources dont dispose le SECO pour la surveillance et le soutien aux organes d'exécution. Ces ressources s'élèvent actuellement à cinq postes de travail.

La mise en oeuvre des mesures présentées dans le cadre du présent avis afin d'appliquer les recommandations de la CdG-N implique l'allocation de ressources financières et en personnel supplémentaires sans lesquelles les mesures proposées ne pourront pas être appliquées.

Afin de donner suite aux recommandations de la CdG-N et exécuter les mesures d'amélioration en cours ou prévues, le Conseil fédéral estime qu'en matière de ressources en personnel quatre postes supplémentaires sont indispensables pour couvrir les besoins et activités suivantes: 1088

­

Pilotage et soutien juridique aux organes d'exécution (un poste): Pilotage et accompagnement renforcé des 26 cantons et environ 70 commissions paritaires en charge de l'exécution de la Ldét, en vue d'assurer une unité de doctrine dans l'application de la législation.

­

Soutien à la professionnalisation, à la formation et à l'information des organes d'exécution (un poste): Accompagnement renforcé des organes d'exécution en vue d'assurer une mise en oeuvre professionnelle de la Ldét, comprenant l'amélioration de la formation et de l'information des organes d'exécution et le soutien des organes d'exécution dans l'application d'une méthodologie transparente et systématique en matière de sous-enchère salariale.

­

Audit (deux postes): Actuellement, la dotation du SECO pour l'audit s'élève à 0,8 poste de travail, qui devrait être complété de deux postes supplémentaires pour assurer l'audit régulier des 26 cantons et environ 70 commissions paritaires chargés de l'application de la Ldét.

Les postes de travail précités sont nécessaires pour la mise en oeuvre des recommandations de la CdG-N dès 2012.

Un investissement financier sera également déterminant pour garantir le succès des différentes mesures d'amélioration proposées, notamment pour assurer un nombre suffisant de contrôles dans un contexte d'accroissement du nombre de travailleurs détachés, pour renforcer le contrôle de l'indépendance fictive, de même que pour assurer la professionnalisation des organes chargés de l'exécution.

Selon l'évolution des besoins, le Conseil fédéral veillera à l'octroi de ressources correspondantes.

1089

1090