Annexe

Evaluation de la surveillance et des effets des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes Rapport du Contrôle parlementaire de l'administration à l'attention de la Commission de gestion du Conseil national du 16 juin 2011

2011-2444

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L'essentiel en bref Les mesures d'accompagnement ont été introduites le 1er juin 2004 à la suite de l'entrée en vigueur de l'accord sur la libre circulation des personnes négocié dans le cadre des accords bilatéraux avec l'Union européenne (bilatérales I). Elles ont pour but d'éviter que l'assouplissement de l'accès au marché suisse du travail par les travailleurs étrangers n'entraîne une détérioration des salaires et des conditions de travail en Suisse (sous-enchère salariale et sociale). Ces mesures consistent en des contrôles du respect des conditions salariales et sociales auprès des travailleurs détachés d'une part et, d'autre part, en cas de sous-enchère abusive et répétée observée dans un secteur d'activité, en l'extension facilitée de convention collective de travail ou l'édiction de contrats-types de travail fixant des salaires minimaux.

Depuis l'introduction des mesures d'accompagnement, de nombreuses questions se sont posées sur leur application et leur efficacité. Dans ce contexte, le 21 juin 2010, la sous-commission compétente des Commissions de gestion des Chambres fédérales a chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) de procéder à une évaluation de la surveillance et des effets des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes.

Aperçu des résultats La libre circulation des personnes a un impact certain sur l'économie suisse. Cet impact s'illustre notamment par l'augmentation de la consommation, de la demande de logements, mais aussi en termes d'offre de main-d'oeuvre, que celle-ci soit complémentaire ou concurrente à la main-d'oeuvre indigène. La présente évaluation ne porte aucun jugement sur l'impact général de la libre circulation des personnes sur l'économie suisse. Seuls les effets de la libre circulation des personnes sur les salaires ont été analysés de manière à déterminer si, durant l'ouverture du marché suisse du travail et malgré le déploiement des mesures d'accompagnement, des pressions salariales ont été occasionnées.

Les problèmes identifiés par cette évaluation se situent à des niveaux complexes pour leur résolution. La marge de manoeuvre souhaitée par le législateur rend difficiles le pilotage et l'application cohérente des mesures d'accompagnement. En effet, les organes d'exécution, tant paritaires, tripartites que cantonaux,
exécutent les mesures prévues à des degrés divers de cohérence et de conformité.

Des pressions salariales réelles, de la sous-enchère indétectable L'étude réalisée a permis d'établir que l'offre de main-d'oeuvre résultant de la libre circulation des personnes a effectivement exercé une pression sur les salaires.

Bien que l'existence de pressions salariales soit avérée, il n'est pas possible de conclure sur la présence ou non de sous-enchère salariale abusive. Le fait que la sous-enchère abusive et répétée n'ait pas été définie par le législateur rend l'identification d'une telle situation difficile car dépendante de la pratique des cantons en la matière. En effet, les critères permettant de constater de la sous-enchère salariale par les cantons ne sont pas toujours définis, communiqués, voire appliqués. Des

1040

observations sur le terrain indiquent toutefois des écarts de salaires très importants dans certains cas.

Une application partielle et différenciée des mesures d'accompagnement Les mesures d'accompagnement sont appliquées de manière variable selon les organes d'exécution. Les mesures ont tendance à se limiter aux contrôles et aux dispositions prévues par les conventions collectives de travail sans que des sanctions ne soient prononcées au titre de la Loi sur les travailleurs détachés (Ldét) ou que les autres instruments tels que l'extension facilitée de convention collective de travail ou l'édiction d'un contrat-type de travail ne soient pleinement appliqués.

Les problèmes d'application diffèrent selon le type de réglementations s'appliquant à une branche: ­

Ainsi, dans la plupart des branches où une convention collective de travail étendue au niveau national existe, les contrôles ne donnent pas lieu à des sanctions au titre de la Ldét faute de transmission des cas aux autorités cantonales.

­

Dans la plupart des branches où une convention collective de travail étendue au niveau cantonal existe, la quantité et la qualité des données ne permettent pas de conclure si les mesures d'accompagnement sont correctement voire réellement mises en oeuvre.

­

Dans les domaines de compétences des commissions tripartites, les stratégies cantonales de contrôle et les méthodes utilisées ne permettent pas, dans la plupart des cas, d'identifier des pratiques de sous-enchère abusive et répétée. Dès lors, les instruments prévus dans ce cas de figure (extension facilitée de convention collective de travail, contrat-type de travail avec salaires minimaux) ne peuvent pas être appliqués.

Un pilotage tardif, complexe et mal ciblé Les différences évoquées en matière d'application ont été facilitées par le peu de soutien de la Confédération durant les premières années de mise en oeuvre des mesures d'accompagnement. Le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) a commencé à rattraper son retard dès 2008 ainsi qu'à prendre connaissance des problèmes d'exécution. Grâce à l'engagement de la Direction du travail du SECO et du Centre de prestations compétent, il a développé une stratégie de qualité pour répondre aux buts fixés par les bases légales.

Néanmoins, les problèmes d'application sont en grande partie déjà connus depuis quelques années et les pratiques inadaptées de certains cantons et commissions paritaires auraient d'ores et déjà dû donner lieu à une reprise en main du système par l'engagement du Conseil fédéral. A l'heure actuelle, le pilotage n'est pas en mesure de s'appuyer sur des données fiables et de connaître par exemple le nombre réel d'infractions en matière de salaire ou comment les commissions paritaires répartissent et financent les contrôles. Le fédéralisme d'exécution ainsi que l'organisation différenciée et complexe des commissions paritaires rendent le pilotage prévu très difficile à réaliser.

1041

Etant donné le but initial des mesures d'accompagnement relatif à la lutte contre la sous-enchère salariale et sociale, le pilotage stratégique pose un problème majeur du fait de sa cible principale ­ les travailleurs détachés ­ qui est extrêmement étroite: près de la moitié des contrôles et trois quart du budget des mesures d'accompagnement sont affectés aux contrôles des travailleurs détachés qui, pourtant, ne représentent que 0,5 % du volume d'emploi au niveau national.

Le système des mesures d'accompagnement est bâti sur l'un des fondements de l'économie suisse, à savoir les relations entre partenaires sociaux. La place prépondérante des commissions paritaires dans l'exécution des mesures d'accompagnement est justifiée par le fait que les branches couvertes sont des branches sensibles du point de vue de la qualification de la main-d'oeuvre, du niveau des salaires et du type de travail soumis à concurrence. Toutefois, en termes de couverture quantitative, ces domaines ne représentent qu'une faible partie des personnes occupées (13 %) alors qu'ils comptent pour près de la moitié des contrôles effectués.

De plus, l'étude réalisée sur la base de l'enquête suisse sur la structure des salaires a pu établir que les pressions salariales ne se sont pas seulement produites dans les branches considérées comme étant les plus sensibles. Dès lors, il convient de s'interroger sur l'adéquation des priorités fixées et des cibles des mesures d'accompagnement.

En outre, les mesures d'accompagnement évoluent au gré des discussions politiques menées sur la thématique de l'ouverture des marchés et de l'extension à de nouveaux pays de l'accord sur la libre circulation des personnes. Le développement des mesures d'accompagnement n'est pas basé sur des faits établis quant à leur efficacité.

Une communication inadaptée Les constats en matière d'(in)efficacité des mesures d'accompagnement ou d'absence (ou de présence) de sous-enchère salariale, portés sur la base des données connues à ce jour, ne sont pas justifiés. Ils conduisent à transmettre une image de la mise en oeuvre qui n'est pas celle de la réalité.

En effet, toute conclusion, qui se fonde actuellement sur des données incomplètes et peu fiables, ainsi que sur des moyennes nationales, n'a aucun sens dès lors que la libre circulation des personnes se manifeste différemment selon les régions et que les cantons appliquent par ailleurs les mesures d'accompagnement de manière très différenciée.

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Table des matières L'essentiel en bref

1040

Abréviations

1044

1 Introduction 1.1 Motif d'évaluation 1.2 Méthode 1.3 Modèle d'analyse 1.4 Structure du rapport

1045 1045 1046 1047 1048

2 Mesures d'accompagnement 2.1 Contexte 2.2 Description des mesures

1049 1049 1050

3 Résultats de l'évaluation 3.1 Effets de l'ouverture du marché du travail sur les salaires 3.2 Mise en oeuvre des mesures d'accompagnement 3.3 Pilotage des mesures d'accompagnement 3.4 Conception des mesures d'accompagnement

1055 1055 1059 1063 1066

4 Conclusion 4.1 Des pressions salariales réelles, de la sous-enchère indétectable 4.2 Une application partielle et différenciée des mesures d'accompagnement 4.3 Un pilotage tardif, complexe et mal ciblé 4.4 Une communication inadaptée

1067 1068 1068 1069 1070

Liste des interlocuteurs

1071

Impressum

1073

1043

Abréviations AELE

Association européenne de libre-échange

chap.

chapitre

CCT

Convention collective de travail

CE

Communauté européenne

CO

Code des obligations

CPA

Contrôle parlementaire de l'administration

CTT

Contrat-type de travail

ill.

illustration

Ldét

Loi fédérale du 8 octobre 1999 sur les conditions minimales de travail et de salaire applicables aux travailleurs détachés en Suisse et sur les mesures d'accompagnement (Loi sur les travailleurs détachés)

LECCT

Loi fédérale du 28 septembre 1956 permettant d'étendre le champ d'application de la convention collective de travail

Odét

Ordonnance du 21 mai 2003 sur les travailleurs détachés en Suisse

ODM

Office fédéral des migrations

OFAS

Office fédéral des assurances sociales

OFS

Office fédéral de la statistique

SECO

Secrétariat d'Etat à l'économie

swisstopo

Office fédéral de la topographie

UE

Union européenne

1044

Rapport Ce rapport présente les principaux résultats de l'évaluation du Contrôle parlementaire de l'administration (CPA). La description complète des mesures d'accompagnement et de la méthodologie, ainsi que l'ensemble des résultats, se trouvent dans le rapport explicatif1.

1

Introduction

1.1

Motif d'évaluation

Les mesures d'accompagnement ont été introduites le 1er juin 2004 à la suite de l'entrée en vigueur de l'accord sur la libre circulation des personnes2 négocié dans le cadre des accords bilatéraux avec l'Union européenne (UE) (bilatérales I). Elles ont pour but d'éviter que l'assouplissement de l'accès au marché suisse du travail par les travailleurs étrangers n'entraîne une détérioration des salaires et des conditions de travail en Suisse (sous-enchère salariale et sociale). Ces mesures consistent en des contrôles du respect des conditions salariales et sociales auprès des travailleurs détachés d'une part, et d'autre part, en cas de sous-enchère abusive et répétée observée dans un secteur d'activité, en l'extension facilitée de convention collective de travail ou l'édiction de contrats-types de travail fixant des salaires minimaux.

Depuis l'introduction des mesures d'accompagnement, de nombreuses questions se sont posées sur leur application et leur efficacité. Tant les parlementaires que la presse se font l'écho des soucis de la population en la matière. En outre, les mesures d'accompagnement ont été tout autant développées que remises en question au gré de l'évolution des relations de la Suisse avec l'UE. L'ouverture du marché suisse du travail à huit nouveaux pays de l'Est au 1er mai 2011 et à la Bulgarie et à la Roumanie en 2016 suscite également des interrogations quant à l'adéquation des mesures d'accompagnement.

Dans ce contexte, le 21 juin 2010, la sous-commission compétente des Commissions de gestion des Chambres fédérales a chargé le CPA de procéder à une évaluation de la surveillance et des effets des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes. Celle-ci vise à répondre aux questions suivantes:

1

2

­

Comment juger de l'effet de la libre circulation des personnes sur l'évolution des salaires?

­

Comment juger de la surveillance des mesures d'accompagnement?

­ Les mesures d'accompagnement sont-elles mises en oeuvre correctement?

­ Le pilotage des mesures d'accompagnement est-il adéquat?

Evaluation de la surveillance et des effets des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes, Rapport explicatif du Contrôle parlementaire de l'administration à l'attention de la Commission de gestion du Conseil national du 16 juin 2011.

RS 0.142.112.681. Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes.

1045

­

L'organisation et les instruments sont-ils conçus de sorte qu'ils permettent de résoudre le problème posé?

Par conséquent, la présente évaluation se concentre sur le rôle de la Confédération dans le cadre des mesures d'accompagnement. Les informations relatives à la mise en oeuvre effectuée par les cantons et les commissions paritaires sont utilisées pour apprécier le pilotage de la Confédération et l'application des mesures d'accompagnement. Les origines des pratiques différenciées selon les organes d'exécution ne font pas l'objet de cette évaluation.

1.2

Méthode

Pour être en mesure de répondre aux questions posées, le CPA a eu recours à plusieurs sources d'information et formes de collectes de données. L'étude des effets de la libre circulation a été confiée à des experts externes: PD Dr. Fred Henneberger et Dr. Alexandre Ziegler du Forschungsinstitut für Arbeit und Arbeitsrecht de l'Université de St-Gall. Pour l'analyse de la surveillance des mesures d'accompagnement, le CPA a collecté des données dans le cadre de différents entretiens (30 personnes issues de l'administration fédérale, des cantons, des commissions tripartites et paritaires ainsi que des partenaires sociaux), d'un questionnaire écrit envoyé à toutes les commissions tripartites cantonales et commissions paritaires nationales (47 réponses), de l'accompagnement d'une équipe de deux inspecteurs sur le terrain, ainsi que d'analyses de documents et de données statistiques du Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO).

Le tableau 1 présente pour chaque question principale, les bases utilisées pour leur évaluation.

Tableau 1 Questions et bases d'évaluation Parties

Questions d'évaluation

Bases d'évaluation

Effets

Existe-t-il des indications de pressions salariales et si oui comment se manifestent-elles?

Comparaison de l'évolution des salaires entre des catégories de population plus ou moins exposées à la libre circulation des personnes

Mise en oeuvre

Les mesures d'accompagnement sont-elles mises en oeuvre correctement?

Comparaison entre les mesures prévues par le concept et les mesures réalisées Appréciation des personnes interrogées

Pilotage

Le pilotage des mesures d'accompagnement est-il adéquat?

Appréciation du pilotage réalisé en fonction des résultats de la mise en oeuvre Appréciation des personnes interrogées

Concept

L'organisation et les instruments sont-ils conçus de sorte qu'ils permettent de résoudre le problème posé?

Comparaison entre le concept prévu et son fonctionnement Appréciation des personnes interrogées

1046

Pour chacune des questions, des critères d'appréciation ont été définis et sont utilisés pour la présentation synthétique des résultats à la fin de chaque section du chap. 3.

1.3

Modèle d'analyse

L'évaluation est basée sur le modèle simplifié de causalité présenté ci-dessous (ill. 1). Ce modèle décrit la logique des mesures d'accompagnement. Par rapport à un problème observé (risque de sous-enchère salariale et sociale), l'intention du législateur était de mettre en place un système visant à lutter contre la sous-enchère salariale (but). Pour ce faire, des instruments ont été conçus (contrôle des travailleurs détachés, extension de convention collective de travail ...), dont la mise en oeuvre dépend de plusieurs acteurs (Confédération, cantons, commissions tripartites et paritaires). La mise en oeuvre des instruments (output) se réalise concrètement par des contrôles effectués, des sanctions prises lors de constats d'abus ou de lancement de procédures spécifiques en cas de sous-enchère. Enfin, les effets globaux se mesurent à l'évolution des conditions salariales et sociales en Suisse.

1047

Illustration 1 Modèle de causalité

1.4

Structure du rapport

Le chap. 2 décrit les mesures d'accompagnement de manière à comprendre les instruments à disposition et les compétences des différents acteurs. Le chap. 3 présente les résultats de l'évaluation. La présentation des résultats au niveau des effets, de la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement, de leur pilotage et de leur conception suit de manière inverse le modèle de causalité présenté dans la section 1.3. Le chap. 4 met en évidence les points clés de cette évaluation.

1048

2

Mesures d'accompagnement

2.1

Contexte

Les mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes ont été introduites dans le contexte des accords bilatéraux entre la Suisse et l'UE, plus précisément de l'accord sur la libre circulation des personnes. Celui-ci faisait l'objet d'un large débat sur les conséquences négatives que pourrait avoir la libre circulation des personnes sur le marché suisse du travail. Selon le Conseil fédéral, le système des mesures d'accompagnement vise «à éviter que ne se produise, dans le cadre d'une circulation libéralisée des travailleurs entre la Suisse et les pays membres de l'UE, une sous-enchère sociale et/ou salariale au détriment des travailleurs résidant dans notre pays, ce que redoutent de nombreux milieux au sein de la population».3 L'accord sur la libre circulation des personnes datant de 1999 est entré vigueur le 1er juin 2002. Cet accord permet aux citoyens suisses de travailler et de s'établir plus facilement dans l'UE. Il en va de même pour les ressortissants communautaires en Suisse, pour autant qu'ils aient un contrat de travail ou disposent de moyens financiers suffisants pour vivre. La libre circulation ne s'applique pas aux chômeurs. Cet accord concerne à l'origine les «15 anciens» Etats de l'UE de même que Malte et Chypre et a été étendu aux nouveaux Etats membres de l'UE avec effet au 1er mai 2011 pour les ressortissants de Tchéquie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Hongrie, Pologne, Slovénie et Slovaquie et avec effet en 2016 pour la Bulgarie et la Roumanie.

En Suisse, depuis l'introduction de la libre circulation des personnes, les flux de travailleurs se sont modifiés et ont pris de l'ampleur. Le rapport de l'Observatoire sur la libre circulation des personnes4 indique que, au cours des années précédant l'entrée en vigueur de l'accord sur la libre circulation des personnes (1991 à 2001), le solde migratoire de la population étrangère résidante s'élevait en moyenne à +26 000 par an et n'était le fait que de l'immigration provenant d'Etats hors UE17/AELE. Or, dès l'entrée en vigueur de l'accord sur la libre circulation des personnes, la composition de l'immigration s'est fortement modifiée. En effet, durant les huit premières années suivant l'entrée en vigueur de l'accord, le solde migratoire des ressortissants de l'UE17/AELE se chiffrait à +31 200 en moyenne par année (alors qu'il
était de ­400 en moyenne par année sur la période 1991 à 2001).

Sur cette même période, +25 600 personnes en moyenne annuelle en provenance d'Etats hors UE25/AELE ont été enregistrées.

Il convient aussi de relever que depuis 2004, l'augmentation du nombre de travailleurs étrangers s'explique essentiellement par l'évolution des autorisations de séjour5 et des travailleurs frontaliers.6 En outre, la répartition régionale des différentes 3 4

5

6

Message relatif à l'approbation des accords sectoriels entre la Suisse et la Communauté européenne (CE) du 23.6.1999, FF 1999 5695.

SECO, ODM, OFS, OFAS, Conséquences de la libre circulation des personnes sur le marché du travail suisse. Sixième rapport de l'Observatoire sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'UE, mai 2010, pp. 16 à 17.

L'autorisation de séjour concerne les travailleurs au bénéfice d'un contrat de travail auprès d'un employeur situé en Suisse d'une durée égale ou supérieure à un an.

L'autorisation est valable 5 ans et peut être prolongée.

OFS, Enquête suisse sur la population active et statistiques dérivées au 4e trimestre 2010, mars 2011.

Rapport explicatif du CPA, chap. 4.1.

1049

catégories de travailleurs peut fortement différer. Par exemple, les frontaliers représentent 21,6 % des personnes occupées dans le canton du Tessin, 9,9 % dans l'Arc jurassien et 9 % dans la région lémanique.7 A titre de comparaison, en 2009, alors que le nombre de personnes engagées par les employeurs suisses en tant que frontaliers ou comme travailleurs ayant une autorisation de séjour se montait respectivement à 214 570 frontaliers provenant de l'UE/AELE et à 346 000 travailleurs UE/AELE sur un total de 550 000 autorisations de séjour),8 le nombre de travailleurs détachés par des entreprises étrangères représentait l'équivalent de 4900 emplois à plein temps.9

2.2

Description des mesures

Les mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes sont définies dans les dispositions légales suivantes: ­

loi sur les travailleurs détachés (Ldét);10

­

ordonnance sur les travailleurs détachés (Odét);11

­

art. 330b, 360a à f du code des obligations (CO);12

­

modifications des art. 1, 3, 6 et 20 de la loi permettant d'étendre le champ d'application de la convention collective de travail (LECCT).13

Les mesures d'accompagnement ne visent pas les travailleurs mais les employeurs, de manière à ce que les employeurs étrangers, qui détachent des travailleurs en Suisse, respectent les conditions salariales suisses et que les employeurs suisses observent des pratiques salariales indifférenciées entre travailleurs suisses et étrangers (frontaliers par exemple).

Le système des mesures d'accompagnement prend en compte une donnée fondamentale du marché du travail suisse, à savoir le rôle joué par les partenaires sociaux, notamment dans le cadre des conventions collectives de travail14 (CCT). Les domaines couverts par des conventions collectives de travail étendues couvrent environ 7 8 9 10

11 12 13 14

OFS, Statistique des frontaliers au 4e trimestre 2010, Communiqué de presse, mars 2011.

OFS, Population résidante étrangère selon la nationalité par pays et l'autorisation de résidence, en 2009.

SECO, Rapport sur la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes, 1er janvier au 31 décembre 2009, mai 2010, pp. 12 à 14.

RS 823.20. Loi fédérale du 8 octobre 1999 sur les conditions minimales de travail et de salaire applicables aux travailleurs détachés en Suisse et sur les mesures d'accompagnement (Loi sur les travailleurs détachés).

RS 823.201. Ordonnance du 21 mai 2003 sur les travailleurs détachés en Suisse (Odét).

RS 220. Loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse (Livre cinquième: Droit des obligations).

RS 221.215.311. Loi fédérale du 28 septembre 1956 permettant d'étendre le champ d'application de la convention collective de travail.

Une convention collective de travail est une convention conclue entre un ou plusieurs employeurs ou associations d'employeurs et une ou plusieurs associations de travailleurs visant à règlementer les conditions de salaire et de travail d'une part et la relation entre les parties contractantes d'autre part. Les conventions collectives de travail sont des conventions de droit privé. L'Etat ne participe ni aux négociations, ni à la conclusion ou à l'exécution de ces conventions (SECO, Rapport sur la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes, 1er janvier au 31 décembre 2009, mai 2010, p. 18.). Elle est réglée dans les articles 356 à 358 du CO.

1050

13 % de la population active en Suisse.15 Ces domaines se distinguent par le fait que des salaires minimaux sont établis et qu'ils sont valables pour tous les employeurs de la branche, que ces derniers soient signataires ou non de la convention collective de travail.16 Les mesures d'accompagnement prévoient des contrôles des entreprises de détachement d'une part et d'autre part des contrôles auprès des employeurs suisses dans toutes les branches non régies par une convention collective de travail déclarée de force obligatoire. Les domaines où des conventions collectives de travail étendues existent sont en principe déjà contrôlés par les commissions paritaires. En effet, les commissions paritaires ont procédé aux contrôles du respect des conditions de la convention collective dont ils sont en charge bien avant l'introduction de la libre circulation des personnes. Le législateur a pris en compte cette situation dans l'élaboration des mesures d'accompagnement.

Les mesures d'accompagnement reposent sur trois piliers (cf. ill. 2): le contrôle travailleurs détachés (1er pilier), l'extension facilitée de conventions collectives travail dans les domaines où existe d'ores et déjà une convention collective travail précisant des salaires minimaux (2e pilier) et l'édiction de contrats-types travail (CTT) dans tous les domaines où il n'y a pas de prescriptions en matière salaires (3e pilier).

de de de de de

La Commission tripartite fédérale et les 23 commissions tripartites cantonales17 ont été mises en place pour observer le marché du travail (ill. 2, ligne observation). Les activités des commissions tripartites cantonales sont étroitement liées à celles des autorités cantonales, ces activités sont dans la pratique difficilement différenciables.

15

16

17

Il existe 37 conventions collectives étendues sur le plan fédéral et 32 conventions collectives de travail étendues sur la plan cantonal (SECO, Conventions collectives de travail dont le champ d'application est étendu, Etat: 1er avril 2011).

Il existe une possibilité prévue par la loi pour contraindre les dissidents à respecter une convention collective de travail: l'extension de son champ d'application. La loi fédérale du 28 septembre 1956 (LECCT) permettant d'étendre le champ d'application de la convention collective de travail en fixe les conditions. L'extension du champ d'application d'une convention collective de travail a pour effet que tous les prestataires sur le marché doivent respecter les mêmes conditions. Pour les employeurs, cela signifie que dans une branche économique donnée, tous doivent verser les mêmes salaires minimaux ainsi que d'autres prestations prévues par la convention collective de travail dont le champ d'application a été étendu.

Les commissions tripartites sont composées de représentants des autorités, des employeurs et des travailleurs. Il existe 23 commissions tripartites car les cantons d'Appenzell Rhodes intérieurs et d'Appenzell Rhodes extérieurs disposent d'une commission tripartite commune, ainsi que les cantons d'Uri, d'Obwald et de Nidwald.

1051

Illustration 2 Système des mesures d'accompagnement: instruments et acteurs (2009) Domaine réglementé par les partenaires sociaux

1er pilier Travailleurs détachés

13 % des travailleurs 69 CCT étendues

<0,5 % du volume d'emploi total

2e pilier Extension facilitée de CCT 14 % des travailleurs 433 CCT avec salaires minimaux, non étendues

3e pilier Ediction de CTT 73 % des travailleurs

69 CCT étendues

Pas de CCT étendues

7373 (CCT nationales) 968 (CCT cantonales) Employeurs étrangers

6214 Employeurs étrangers

8284 Employeurs suisses

108

347

252

absence de CCT avec salaires minimaux

Instruments Observation Annonces Contrôles (nombre)

Conciliation (nombre)

8400 (CCT nationales) 972 (CCT cantonales) Employeurs suisses

Mesures collectives Sanctions (nombre) Peine conventionnelle Source: Légende:

1052

0 302

143

Chiffres 2009 sur la base du rapport du SECO, mai 2010.

= Commissions tripartites (1 fédérale et 23 cantonales) et autorités cantonales ou fédérale = Commissions tripartites, commissions paritaires et autorités cantonales ou fédérale = Autorités cantonales = Commissions paritaires

1 CTT fédéral

5 CTT cantonaux

1er pilier: contrôle des entreprises détachant des travailleurs en Suisse Le premier pilier concerne les travailleurs détachés.18 En 2009, on comptait 120 281 résidents de courte durée soumis à l'obligation d'annonce. Converti en emplois à plein temps, ce nombre équivaut à 15 700 travailleurs à l'année, soit à 0,45 % du volume total de l'emploi. Les personnes soumises à l'obligation d'annonce sont constituées par les travailleurs détachés par des entreprises étrangères (équivalant à 4900 emplois à plein temps), les prises d'emplois temporaires auprès d'employeurs suisses (équivalant à 8800 emplois à plein temps) ainsi que les travailleurs indépendants (équivalant à 1900 emploi à plein temps)19.

D'après le domaine d'activité figurant dans l'annonce de détachement, les autorités cantonales vérifient et transmettent ces annonces (ill. 2, annonces) aux commissions paritaires, si le domaine d'activité relève d'une convention collective de travail étendue.20 Sinon, les autorités cantonales transmettent les annonces aux commissions tripartites cantonales.

Sur la base des annonces qui leur sont communiquées, les commissions paritaires (ill. 2, ligne contrôle) sont chargées du contrôle du respect des conditions de travail (rémunération minimale, durée du travail, etc.) exclusivement dans les domaines couverts par des conventions collectives de travail dont le champ d'application a été étendu. Les commissions tripartites effectuent les contrôles auprès des travailleurs détachés dans tous les autres domaines.

Pratiquement, les contrôles sont effectués par des inspecteurs qui peuvent être des personnes employées par la commission paritaire, respectivement par le canton,21 ou employées d'associations de contrôle. Les commissions paritaires et tripartites effectuent quant à elles l'appréciation des contrôles pour déterminer s'il y a ou non une infraction. En outre, il convient de préciser que les commissions paritaires nationales (37 en 2011) délèguent les contrôles à leurs sections régionales (ou cantonales) qui, elles-mêmes, peuvent confier l'exécution des contrôles à des associations de contrôle. Ce sont donc plusieurs douzaines de commissions paritaires régionales qui apprécient les contrôles et transmettent, le cas échéant, les infractions constatées aux autorités cantonales.

Sur la base de leur
appréciation, les commissions paritaires et tripartites transmettent les infractions suspectées aux autorités cantonales. L'autorité cantonale peut alors prononcer une amende administrative ou, en cas d'infraction plus grave, interdire à l'employeur concerné d'offrir ses services en Suisse pour une période d'un à cinq ans (ill. 2, sanctions).

18

19 20

21

Le premier pilier des mesures d'accompagnement est constitué par une loi spéciale ayant pour but de garantir que les travailleurs détachés en Suisse par un employeur étranger pour une durée déterminée soient employés à des conditions conformes aux usages locaux. Ainsi, la loi et l'ordonnance sur les travailleurs détachés (Ldét et Odét) disposent que les conditions minimales de salaire et de travail doivent être respectées pour les travailleurs détachés.

SECO, Rapport sur la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes, 1er janvier au 31 décembre 2009, mai 2010, p. 12.

Il existe 37 conventions collectives étendues sur le plan fédéral et 32 conventions collectives de travail étendues sur la plan cantonal (SECO, Conventions collectives de travail dont le champ d'application est étendu, Etat: 1er avril 2011).

Selon l'art. 7a Ldét, les cantons doivent disposer d'un nombre suffisant d'inspecteurs pour l'exécution des tâches de contrôle ainsi que des tâches d'observation des commissions tripartites.

1053

Les commissions paritaires peuvent en plus appliquer une peine conventionnelle pour non-respect de la convention collective de travail (ill. 2, peine conventionnelle) aux employeurs détachant des travailleurs en Suisse, mais la compétence d'infliger des sanctions au titre d'une infraction à la Ldét reste exclusivement la prérogative des cantons.

2e et 3e piliers des mesures d'accompagnement Les deuxième et troisième piliers des mesures d'accompagnement sont constitués par des instruments à appliquer en cas de constats de sous-enchère salariale et sociale dans l'ensemble de la Suisse.

Dans les deux cas, les premières étapes sont identiques. Sur la base des priorités fixées par la Commission tripartite fédérale et la commission tripartite cantonale, les inspecteurs cantonaux (ou d'une association de contrôle) réalisent les contrôles auprès des employeurs suisses. Les commissions tripartites les apprécient, examinent les cas individuels et les situations suspectes (ill. 2, contrôle), et recherchent un accord avec l'employeur concerné si les salaires s'écartent des salaires usuels (ill. 2, conciliation).

Si un accord n'est pas trouvé, et qu'il y a constat de sous-enchère abusive et répétée,22 deux possibilités existent (ill. 2, mesures collectives): ­

2e pilier: extension facilitée de convention collective de travail Les domaines couverts par des conventions collectives avec salaires minimaux dont le champ d'application pourrait être étendu23 concernent environ 13 % des travailleurs en Suisse (ill. 2).

Dans le cadre du deuxième pilier des mesures d'accompagnement, il est prévu qu'en cas de sous-enchère salariale abusive et répétée (art. 360b CO), le champ d'application des conventions collectives de travail existantes peut être étendu plus facilement24 à tous les employeurs et travailleurs de la branche concernée (extension facilitée). Sur demande de la commission tripartite, les autorités compétentes au niveau fédéral et au niveau cantonal peuvent procéder à une extension facilitée du champ d'application de conventions collectives de travail (ill. 2, mesures collectives).

Le législateur n'a pas prévu de sanctions en cas de non-respect des conventions collective de travail qui relèvent du droit privé. Toutefois, les commissions paritaires peuvent appliquer des peines conventionnelles dans les domaines couverts par des conventions collectives avec salaires minimaux que le champ d'application soit étendu ou non (ill. 2, peine

22

23

24

Il convient de relever que les constats de sous-enchère sont plus difficiles pour les commissions tripartites car elles opèrent dans des domaines où des salaires minimaux obligatoires ne sont pas précisés. En outre, la sous-enchère abusive et répétée n'est pas définie par le législateur.

En 2007, il existait 432 conventions collectives de travail avec salaires minimaux dont le champ d'application n'était pas étendu (OFS, Enquête sur les conventions collectives de travail en Suisse, 2009).

Cette procédure est dite facilitée car les conditions sont moins exigeantes que pour les extensions ordinaires, ces dernières relevant de l'initiative directe des parties à la convention collective.

1054

conventionnelle). Dans le deuxième cas, les peines conventionnelles ne sont possibles que pour les employeurs parties à la convention.

­

3e pilier: édiction d'un contrat-type de travail avec salaires minimaux Le troisième pilier s'attache aux branches dépourvues de convention collective de travail avec salaires minimaux. Cela concerne 73 % des travailleurs en Suisse (ill. 2).

Des contrats-types de travail, d'une durée limitée et prévoyant des salaires minimaux (art. 360a CO), peuvent être édictés par le Conseil fédéral/le canton sur proposition de la commission tripartite fédérale/cantonale.

Le législateur n'a pas prévu de sanctions en cas de non-respect des contrats-types de travail.

3

Résultats de l'évaluation

3.1

Effets de l'ouverture du marché du travail sur les salaires

Les mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes ont pour but de combattre la sous-enchère salariale.

Malheureusement, il n'est pas possible de mesurer l'effet des mesures d'accompagnement sur la sous-enchère salariale, pour deux raisons principales. Premièrement, la notion de sous-enchère n'a pas été définie par le législateur; il s'avère dès lors difficile et problématique de définir un niveau de sous-enchère, sans que celui-ci ne soit fortement discutable. Deuxièmement, pour déterminer l'effet des mesures d'accompagnement, il faudrait pouvoir comparer la situation actuelle avec une situation «sans mesures d'accompagnement». Les hypothèses et le modèle nécessaires à une telle comparaison seraient aussi sujets à de fortes critiques.

Dans ce contexte, il convient de s'interroger sur la manière dont les salaires se sont comportés après l'introduction de la libre circulation des personnes, sans faire de lien direct avec les mesures d'accompagnement.

Les résultats25 de l'analyse menée par les experts mandatés (PD Dr. Fred Henneberger et Prof. Dr. Alexandre Ziegler, Forschungsinstitut für Arbeit und Arbeitsrecht de l'Université de St-Gall) indiquent que l'offre de main-d'oeuvre résultant de la libre circulation des personnes a effectivement exercé une pression sur les salaires.

Pour répondre à la question ci-dessus, il a été procédé à une analyse complète des salaires pour la période 2004 à 2008 aussi bien pour l'économie suisse dans son ensemble que pour les différentes branches et selon le niveau de qualification des travailleurs. Les données utilisées sont des données individuelles collectées dans le cadre de l'enquête suisse sur la structure des salaires (OFS). Il convient de souligner qu'il s'agit de la première étude menée sur la base de données individuelles directes et que la taille de l'échantillon est considérable (1 615 482 personnes pour l'année 2008). Ceci est déterminant car les autres études existantes sont généralement basées sur des données statistiques agrégées.

25

Cf. Annexes 1 et 2, Rapport explicatif du CPA, 2011.

1055

L'analyse a consisté à comparer les salaires et leur évolution entre différents groupes de personnes occupées avec pour hypothèse que les salaires réagiraient de manière plus ou moins sensible à l'offre de main-d'oeuvre résultant de la libre circulation des personnes.

Les différents groupes de personnes occupées ont été obtenus par différenciation entre: ­

personnes nouvellement engagées et personnes d'ores et déjà occupées;

­

travailleurs étrangers et travailleurs suisses;

­

travailleurs situés dans une région frontalière et ceux situés dans une région centrale.

Il est attendu que, pour chacun de ces couples, le groupe nommé en premier ci-dessus subisse les effets de la libre circulation des personnes de manière plus forte que le second.

Les travailleurs suisses, d'ores et déjà occupés, et qui travaillent dans une région centrale constituent le groupe qui est supposé être le moins (ou le moins vite) soumis aux effets de la libre circulation des personnes. Il s'agit du groupe de référence avec lequel est comparée l'évolution des salaires des autres groupes.

La comparaison à ce groupe de référence est centrale dans l'analyse menée par Henneberger et Ziegler. En effet, l'évolution des salaires en Suisse dépend de plusieurs facteurs tels que l'offre de main-d'oeuvre (indigène et étrangère), la demande de main-d'oeuvre (résultant notamment de la situation économique) ou encore la productivité. Ainsi, l'analyse ne considère pas simplement l'évolution des salaires, qui est sujette à tous ces facteurs, mais elle compare l'évolution des salaires des différents groupes par rapport au groupe de référence, défini comme moins sujet (ou moins rapidement sujet) aux effets de la libre circulation des personnes. En effet, on peut s'attendre à ce que les premiers effets se manifestent lors de nouveaux engagements de personnel étranger dans les régions frontalières. Par opposition, les Suisses d'ores et déjà occupés et travaillant dans une région centrale sont moins exposés (ou moins vite) à la concurrence de la main-d'oeuvre étrangère.

L'étude menée par Henneberger et Ziegler arrive aux trois conclusions principales suivantes: 1.

L'analyse au niveau général montre que les premiers effets de la libre circulation se sont manifestés au niveau des salaires des étrangers nouvellement engagés dans les régions frontalières pour s'étendre par la suite aux étrangers et aux Suisses nouvellement engagés dans les régions centrales.

Au niveau général (c'est-à-dire sans différenciation de branches ou de niveaux de qualification), les résultats montrent que les personnes nouvellement engagées affichaient en 2004 déjà des salaires inférieurs au groupe de référence; ces écarts se sont creusés en 2006 et 2008 de respectivement 1,5 % et 2 %.

Une analyse plus précise révèle que les écarts de salaires des personnes nouvellement engagées par rapport au groupe de référence observés pour l'année 2004 concernent uniquement le groupe des «travailleurs étrangers, nouvellement engagés, dans une région frontalière». L'évolution après 2004 montre que les salaires des personnes nouvellement engagées étrangères et

1056

suisses dans les régions centrales ont baissé en 2006 de 2 % respectivement de 1,5 % par rapport au groupe de référence. En 2008, les effets au niveau des salaires chez ces personnes nouvellement engagées, suisses comme étrangères, sont légèrement plus forts: les baisses se montent à plus de 2 % dans les deux cas.

Les différences de salaires observées chez les personnes étrangères nouvellement engagées dans les régions frontalières par rapport au groupe de référence augmentent de plus de 2 % entre 2004 et 2008 pour atteindre plus de 4 % en 2008.

Le fait, qu'il existe en 2004 des différences de salaires entre les personnes étrangères nouvellement engagées dans les régions frontalières et le groupe de référence indique que l'engagement de frontaliers ainsi que les premiers effets de la libre circulation étaient observables dans les régions frontalières en 2004 déjà. La concurrence de la main-d'oeuvre étrangère ne produisait toutefois pas encore d'effets sur les salaires des Suisses nouvellement engagés. En 2006 et 2008, les effets se sont étendus aux Suisses et étrangers nouvellement engagés dans les régions centrales. Ces effets ne sont pas dus à la situation conjoncturelle: ils sont observables aussi bien durant l'année de haute conjoncture 2006 que durant la crise en 2008.

2.

L'analyse par branches indique que l'évolution des salaires a été affectée par l'offre de main-d'oeuvre liée à la libre circulation des personnes.

Les analyses au niveau des branches indiquent que l'évolution des salaires dans le groupe de référence (travailleurs suisses, déjà occupés, dans les régions centrales) a été positive entre 2004 et 2008 dans presque toutes les branches. L'analyse des salaires pour les différents groupes de personnes occupées révèle que dans les deux groupes «étrangers nouvellement engagés dans les régions centrales» et «étrangers nouvellement engagés dans les régions frontalières», des différences salariales significatives par rapport au groupe de référence sont observées en 2004 déjà dans 7, respectivement 14, des 26 branches. Bien qu'il ne puisse être exclu que les étrangers nouvellement engagés soient moins productifs (par exemple pour des raisons de connaissances linguistiques) que les Suisses nouvellement engagés, les écarts salariaux observés sont au moins en partie explicables par la libre circulation des personnes.

3.

L'analyse par niveaux de qualification indique que la pression salariale est plus fréquente et plus importante dans les catégories de qualification moins élevées.

Les analyses des salaires par niveau de qualification révèlent que l'évolution des salaires dans le groupe de référence a été positive entre 2004 et 2008 pour tous les niveaux de qualification. Les analyses pour les différents groupes de personnes livrent une image différenciée des effets de la libre circulation des personnes selon le niveau de qualification. Cinq principaux résultats peuvent être mentionnés: ­ En 2004, les écarts de salaires par rapport au groupe de référence des étrangers nouvellement engagés dans les niveaux de qualification plus bas, avant tout dans les régions frontalières, atteignent jusqu'à 6,5 %.

1057

­ ­

­

­

La libre circulation apparaît comme étant en partie responsable de ces écarts.

Lorsque des différences significatives dans l'évolution des salaires par rapport au groupe de référence sont observées, elles prennent dans presque tous les cas la forme de baisse de salaires.

Durant la période analysée, on observe également des baisses de salaires par rapport au groupe de référence dans les niveaux de qualifications élevés. Toutefois, les baisses sont plus fréquentes et plus fortes pour les niveaux de qualification plus bas.

En 2006 et 2008, l'évolution des salaires a été moins favorable pour les personnes nouvellement engagées que dans le groupe de référence.

Alors que dans les régions centrales ce sont les Suisses nouvellement engagés qui sont touchés par cette pression sur les salaires, ce sont plutôt les étrangers nouvellement engagés qui sont affectés dans les régions frontalières.

En 2008, des écarts de salaires considérables sont observés chez les étrangers nouvellement engagés disposant uniquement du niveau de formation obligatoire.

Les auteurs concluent que leurs analyses confirment avec une méthode différente les craintes émises par d'autres études26: l'offre de main-d'oeuvre résultant de la libre circulation des personnes a effectivement exercé une pression sur les salaires.

Il n'est pas possible de déterminer si ces pressions salariales sont le reflet de pratiques abusives ou non, étant donné les différences ­ voire l'absence ­ de définition des abus en matière de sous-enchère salariale. Toutefois, selon des informations recueillies sur le terrain par le CPA, les salaires des travailleurs détachés sont parfois fortement inférieurs à ceux des résidents. Selon les praticiens, ces salaires peuvent même différer d'un facteur trois. Ces pratiques constituent des infractions à la Ldét et des indices clairs de sous-enchère. Elles ne sont pourtant très souvent pas répertoriées comme telles étant donné l'application partielle voire incorrecte des mesures d'accompagnement (cf. chap. 3.2).

26

Gerfin, Michael/Kaiser, Boris: Die Auswirkungen der Immigration der Jahre 2002­2008 auf die Löhne in der Schweiz, Studie im Auftrag der Aufsichtskommission für den Ausgleichsfonds der Arbeitslosenversicherung, SECO Publikation Arbeitsmarktpolitik No. 30 (6. 2010), Bern, 2010.

Gerfin, Michael/Kaiser, Boris: The Effects of Immigration on Wages: An Application of the Structural Skill-Cell Approach, Working Paper, Department of Economics, Public Economics, University of Bern, Bern, June 16 2010.

Stalder, Peter: Makroökonomische Auswirkungen der Personenfreizügigkeit: Simulationen mit einem ökonometrischen Strukturmodell, Schweizerische Nationalbank (SNB), Forschung, Zürich, Oktober 2008.

Stalder, Peter: Free migration between the EU and Switzerland: Impacts on the Swiss Economy and Implications for Monetary Policy, Swiss National Bank (SNB), Research, Zurich, January 2010.

1058

Tableau 2 Appréciation des effets Critère

Appréciation

Présence de pression salariale

L'ouverture du marché du travail dans le cadre de la libre circulation des personnes s'accompagne d'une pression sur les salaires. Les premiers effets se sont manifestés dans les régions frontalières pour s'étendre par la suite à l'ensemble de la Suisse. La pression salariale est plus forte chez les travailleurs moins qualifiés.

Sur le terrain, des écarts salariaux importants sont parfois observés.

3.2

Mise en oeuvre des mesures d'accompagnement

Les mesures d'accompagnement sont-elles mises en oeuvre correctement?

De manière générale, la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement est très inégale selon les organes d'exécution. Non seulement, il existe de fortes différences dans le nombre et les pratiques de contrôles, mais également et surtout dans les suites qui en sont données (conciliation, sanctions, mesures collectives). Ces grandes différences, qui ne peuvent être expliquées par la proximité à une frontière avec l'UE, le type du marché du travail ou encore la taille des cantons, sont constatées aussi bien entre cantons qu'entre commissions paritaires.

1er pilier Les contrôles en matière d'annonces27 (ill. 2, annonces) varient de façon extrême d'un canton à l'autre. Le taux d'infraction en matière d'annonce de 19 % publié par le SECO28 n'est ni significatif, ni fiable. En effet, le taux d'infraction varie de 0 % à 100 % selon les cantons qui réalisent des contrôles très différents dans leur contenu et leur qualité.29 Le rôle des commissions tripartites (et des autorités cantonales) est central dans le cadre des mesures d'accompagnement. Elles sont chargées de l'observation du marché du travail. Dans ce cadre, elles procèdent à des contrôles dans tous les domaines qui ne sont pas couverts par une convention collective de travail étendue (environ 85 % de la population active occupée). Elles vérifient notamment le respect des conditions salariales usuelles en matière de détachement de travailleurs. Si elles constatent des cas abusifs et répétés de sous-enchère, elles doivent procéder à l'application de mesures supplémentaires. Les écarts importants en termes de constats d'infractions reflètent les pratiques des commissions tripartites en la matière.

Sur les 6124 contrôles effectués (ill. 2, contrôles), 414 infractions par rapport aux 27

28 29

Il s'agit du contrôle de l'annonce préalable de la mission que doivent effectuer les travailleurs détachés et les autres personnes soumises à l'obligation d'annonce comme les travailleurs indépendant et les prises d'emplois temporaires (moins de 90 jours) auprès d'un employeur suisse.

SECO, Rapport sur la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes, 1er janvier au 31 décembre 2009, mai 2010, p. 8, 41 et 59.

Rapport explicatif du CPA, 2011, chap. 5.1.

1059

salaires usuels ont été constatées. Plus de trois quarts des infractions ont été constatées dans cinq cantons alors que 11 cantons n'ont constaté aucune infraction malgré leur taille importante pour certains.30 Les définitions de la sous-enchère et les méthodes d'identification sont très variables selon les cantons: certains définissent des écarts en valeur (plus de Fr. 500.­) par rapport aux salaires usuels ou en pourcent (variation de 0 %, 5 %, 10 %, 20 %), alors que d'autres cantons estiment que les abus concernent le 25 % des gens les moins bien payés dans une branche, ou encore que seul le salaire le plus bas constaté dans une branche est abusif. Enfin de nombreuses commissions tripartites déclarent également que la définition de l'abus varie selon une appréciation au cas par cas.31 Les commissions paritaires ont exercé des contrôles du respect de leur convention collective de travail bien avant l'introduction des mesures d'accompagnement. Ces dernières leur ont conféré la compétence de contrôler les entreprises détachant des travailleurs en Suisse dans les domaines couverts par leur convention collective de travail étendue. Ces contrôles sont en partie financés par la Confédération.

Les commissions paritaires procèdent rarement aux contrôles des annonces de détachement. Cela s'explique par le fait qu'elles peuvent percevoir ces contrôles comme une complication administrative qui engendre du travail supplémentaire lié aux constats d'infraction et à leur transmission aux autorités cantonales.

Au niveau des contrôles des salaires des travailleurs détachés menés par les commissions paritaires, ces dernières se caractérisent par une atteinte très différenciée aux objectifs fixés (entre le SECO et les commissions paritaires) en termes de nombre de contrôles à effectuer, allant de ­91 % à +188 % selon les commissions. La probabilité pour un travailleur détaché d'être contrôlé varie donc très fortement selon les commissions.

Dans l'état actuel des données fournies par les commissions paritaires, il n'est pas possible de statuer sur la présence ou non de sous-enchère salariale pour les principales raisons suivantes:

30 31 32

­

Les contrôles sont «globalement» effectués mais leur répartition régionale n'est pas connue. Les résultats des contrôles à l'échelle nationale peuvent cacher des situations beaucoup plus ou beaucoup moins favorables dans certaines régions.

­

Alors que les commissions paritaires sont tenues d'annoncer les infractions aux autorités cantonales (art. 9 Ldét), seules 16 % des infractions leur ont été transmises.32 En outre, parmi le très faible nombre d'infractions communiquées, 86 % le sont à cinq cantons et 58 % du total des infractions sont communiquées par les organes d'une seule convention collective de tra-

Rapport explicatif du CPA, 2011, chap. 5.2.2.

Questionnaire envoyé par le CPA auprès des 23 commissions tripartites cantonales (100 % de réponses).

D'après le SECO, quelques commissions paritaires renoncent à communiquer aux cantons les infractions de très faible importance. En outre, les infractions de faible importance seraient dans la pratique compensées par une correction des salaires. Pour le CPA, cela n'explique pas le faible taux d'infractions communiquées car il existe aussi des commissions paritaires qui ne répertorient pas les infractions de faible importance (elles ne sont donc pas comprises dans les statistiques). En outre, le fait que les infractions ne soient communiquées que dans certains cantons, ou par certaines commissions paritaires témoignent de pratiques réellement différenciées.

1060

vail.33 Seules les infractions ayant fait l'objet d'une peine conventionnelle semblent être transmises aux autorités cantonales. En effet, en 2009, 410 peines conventionnelles ont été prononcées par les commissions paritaires et 440 infractions ont été transmises aux autorités cantonales.

­

Comme les infractions résolues ou conciliées ne sont plus considérées (et répertoriées comme telles) comme des infractions par de nombreuses commissions paritaires, cela conduit à une appréciation erronée de la situation.

L'analyse des données montre que sur les 7373 contrôles réalisés en 2009 auprès d'entreprises de détachement (ill. 2, contrôles), 4382 présentaient une infraction, dont 1565 infractions en matière de salaires, 1077 en matière de conditions de travail et 642 en matière d'annonce. Cela signifie que 60 % au moins des entreprises de détachement sont en infraction dans les domaines couverts par des conventions collectives de travail étendues.

Ces résultats indiquent une mise en oeuvre des mesures d'accompagnement partielle au niveau de la logique paritaire. Elle s'explique par la qualité et le manque de transmission des cas entre commissions paritaires et autorités cantonales, ainsi que par le niveau d'organisation et de professionnalisation des commissions.

Dans les domaines couverts par des conventions collectives étendues au niveau d'un canton (il en existe 32), les contrôles relèvent des commissions paritaires cantonales.

De manière similaire à ce qui se passe entre la Confédération et les commissions paritaires nationales, les cantons sont tenus de participer au financement de ces contrôles. Certains cantons ont établi des contrats de prestations avec quelques commissions paritaires. Les contrôles en matière de détachement de travailleurs dans les domaines couverts par des conventions collectives de travail étendues au niveau cantonal sont ainsi conduits de manière très inégale. Les données à disposition du SECO ne permettent de déterminer si l'application des mesures d'accompagnement est correctement voire réellement effectuée dans ce domaine.

2e et 3e piliers Les instruments d'extension facilitée de convention collective de travail et d'édiction de contrats-types de travail se basent sur l'observation du marché du travail au travers des contrôles auprès des employeurs suisses. Sur les 8284 contrôles menés auprès d'employeurs suisses (ill. 2, contrôles), 320 infractions en matière de salaires ont été constatées par les commissions tripartites cantonales.

L'analyse de la surveillance des employeurs suisses montre que les méthodes et les stratégies cantonales de contrôles expliquent davantage les différences constatées, qu'un comportement des employeurs réellement différents selon les cantons. On constate en outre que, malgré leur taille, certains cantons réalisent un nombre de contrôles très
faible par rapport à d'autres cantons. L'analyse des infractions par rapport au nombre de contrôles montre aussi une très grande variabilité (de 0 % à 31 % d'infractions constatées selon les cantons).34 Si, de manière générale, les inspecteurs cantonaux réalisent effectivement des contrôles, il n'est guère possible de disposer d'une vision objective de la situation et de savoir s'il existe de la sous-enchère ou non. En se fondant directement sur les réponses de toutes les commissions tripartites cantonales dans le cadre du question33 34

Il s'agit de la Convention collective de travail pour la menuiserie.

Rapport explicatif du CPA, 2011, chap. 5.2.3.

1061

naire envoyé par le CPA, il apparaît que certaines commissions tripartites ne sont pas en mesure de faire les constats en raison de méthodes non suffisamment élaborées ou de critères non définis; en outre, certaines commissions tripartites ne font volontairement pas de comparaison avec les salaires usuels.

Ainsi, comme les cas de sous-enchère abusive et répétée n'ont que rarement été identifiés par les commissions tripartites, les instruments à mobiliser le cas échéant ont conséquemment été très peu utilisés (ill. 2, mesures collectives). L'instrument d'extension facilitée de convention collective de travail n'a jamais été utilisé, ni au plan cantonal ni au plan fédéral. L'instrument d'édiction de contrats-types de travail a été utilisé à une reprise au niveau fédéral et à cinq reprises entre trois cantons. La très faible application de cet instrument ne permet toutefois pas de conclure que la sous-enchère n'existe pas en raison des stratégies (cantonales et fédérale) de contrôle, des méthodes et des critères utilisés par les commissions tripartites. Celles-ci ne sont pour la majorité pas en mesure de détecter de la sous-enchère abusive et répétée. En outre, les cantons qui ont mis en place des contrats-types de travail avec salaires minimaux constatent que cet instrument est peu efficace dès lors que des sanctions auprès des employeurs suisses ne sont pas possibles. Ces cantons réclament des bases légales en la matière.35 Tableau 3 Appréciation de la mise en oeuvre Critère

Appréciation

Atteinte des objectifs

Les objectifs quantitatifs en matière de contrôles sont atteints au niveau global. Cependant, il existe de très forts écarts selon les branches et les régions.

Adéquation de la mise en oeuvre

La qualité de la mise en oeuvre est inégale parmi les commissions paritaires ainsi que parmi les commissions tripartites.

La logique d'application des instruments n'est pas respectée par tous les organes d'exécution. Souvent, ils se limitent à opérer des contrôles.

Les infractions sont peu communiquées par les commissions paritaires et ne peuvent dès lors pas être sanctionnées au titre de la Ldét par les autorités cantonales.

Les comparaisons avec les salaires n'étant souvent pas ou mal effectuées, la sous-enchère ne peut pas être identifiée, le cas échéant par les commissions tripartites.

Le niveau d'exposition à la libre circulation des personnes (proximité à une frontière, type de marché du travail, taille du canton), n'explique pas les différences d'application cantonale constatées.

35

Communiqué de presse, République et canton de Genève, Point presse du Conseil d'Etat du 24 mars 2011.

Le Temps, Dumping salarial, Berne sommé de sévir, 25 mars 2011.

Rapport explicatif du CPA, chap. 5.2 et 7.2.

1062

3.3

Pilotage des mesures d'accompagnement

Le pilotage des mesures d'accompagnement est-il adéquat?

Le pilotage politique des mesures d'accompagnement n'est pas basé sur des constats relatifs à leur efficacité. En effet, l'évolution des mesures d'accompagnement est influencée par des considérations politiques liées à l'acceptation des accords bilatéraux. Ainsi, les premiers constats quant au besoin d'amélioration de l'application des mesures d'accompagnement ont coïncidé avec les discussions successives sur les extensions de l'accord sur la libre circulation aux nouveaux pays membres de l'UE.

Alors que les travailleurs détachés représentent moins de 0,5 % du volume de l'emploi au niveau national, 13 587 contrôles sur un total de l'ordre de 30 00036 sont menés auprès d'entreprises de détachement (ill. 3). Ces contrôles représentent environ trois quarts des dépenses liées aux mesures d'accompagnement (9 millions sur 12 millions de francs au total). Etant donné le but initial des mesures d'accompagnement relatif à la lutte contre la sous-enchère salariale et sociale, le pilotage stratégique pose un problème majeur du fait de sa cible principale ­ les travailleurs détachés ­ qui est extrêmement étroite. Pour le DFE, cette cible étroite se justifie notamment par le fait que le détachement de travailleurs a principalement lieu dans les branches sensibles. Mais, selon le CPA, les effets de la libre circulation des personnes se déploient non seulement par d'autres canaux (frontaliers, résidents soumis à une autorisation de séjour) mais aussi dans d'autres branches que les branches dites sensibles, comme l'a relevé l'étude menée par Henneberger et Ziegler (chap. 3.1 et annexe 2).

Illustration 3 Importance des travailleurs détachés dans le volume d'emploi total

Importance des travailleurs détachés dans la répartition des contrôles

Il convient de mentionner que le Conseil fédéral n'a fait usage de sa marge de manoeuvre, ni pour mieux définir la sous-enchère et les méthodes visant à la détecter, ni pour préciser les cibles des mesures d'accompagnement (répartition des contrôles 36

Il convient de souligner que ce total de 30 000 contrôles comprend les 8400 contrôles réalisés par les commissions paritaires auprès des employeurs suisses, contrôles qui ne sont pas liés aux mesures d'accompagnement proprement dites (et ne sont donc pas financés) mais à la surveillance directe des commissions paritaires sur le respect de leur propre convention collective de travail.

1063

entre commissions paritaires et commissions tripartites, entre entreprises de détachement et employeurs suisses).

Le système des mesures d'accompagnement est bâti sur l'un des fondements de l'économie suisse, à savoir les relations entre partenaires sociaux. La place prépondérante des commissions paritaires dans l'exécution des mesures d'accompagnement est justifiée par le fait que les branches couvertes sont des branches sensibles du point de vue de la qualification de la main-d'oeuvre, du niveau des salaires et du type de travail soumis à concurrence. Toutefois, en termes de couverture quantitative, ces domaines ne représentent qu'une faible partie des personnes occupées (13 %, cf.

ill. 2) et ne constituent pas les seuls domaines sur lesquels des pressions salariales s'exercent du fait de la libre circulation des personnes. Ainsi, les domaines traditionnellement peu défendus par les partenaires sociaux échappent en grande partie aux mesures d'accompagnement.

Le SECO est compétent pour surveiller l'exécution.37 Le pilotage du SECO a fortement évolué au cours de ces dernières années, notamment du fait du fort engagement de la Direction du travail et du Centre de prestations compétent du SECO. Une stratégie claire et pertinente a été définie en 2010 et comble l'absence de stratégie durant les cinq premières années de mise en oeuvre. Dans sa stratégie, le SECO a montré qu'il avait conscience de problèmes majeurs dans l'exécution des mesures d'accompagnement (manque de transparence au niveau du financement, noncommunication des infractions, mauvaise qualité des données ...). Il entend les résoudre essentiellement par trois voies principales: les contrats de prestations, une meilleure coordination ainsi qu'une meilleure connaissance des pratiques suspectes (par l'engagement d'un auditeur). Si l'ensemble de ces initiatives sont à saluer, il apparaît que le SECO aurait d'ores et déjà pu resserrer le pilotage des commissions paritaires et des cantons par une analyse des données transmises afin d'établir si les problèmes sont liés aux données ou aux pratiques. Ainsi, de 2004 à 2008, il n'existait pas de stratégie de pilotage. Entre 2008 et 2011, la stratégie a été conçue et sa mise en oeuvre a débuté. Le système des mesures d'accompagnement disposera des outils nécessaires à sa surveillance au plus tôt
à partir de 2012. Actuellement, le pilotage des mesures d'accompagnement ne permet pas d'assurer que les mesures soient correctement mises en oeuvre.

Au niveau opérationnel, le SECO pilote l'exécution essentiellement au travers des contrats de prestations.38 Les contrats établis avec les cantons sont généralement bien respectés. Mais il se pose deux problèmes. Premièrement, la fixation du nombre de contrôles dépend en partie de la volonté des cantons. Par exemple l'augmentation du nombre de contrôles de 23 000 à 27 000 décidée par le Conseil fédéral n'a pas été répartie sur la base d'indicateurs objectifs, étant donné que certains cantons souhaitaient réaliser des contrôles supplémentaires, alors que d'autres s'y opposaient.39 Deuxièmement, il n'est pas possible de vérifier si les pratiques des cantons en matière d'exécution sont adéquates ou non (stratégies de contrôle, qualité et réalisation effective d'enquête en cas de suspicion de sous-enchère abusive, application réelle des mesures d'accompagnement).

37 38

39

Art. 14 Ldét.

Il convient de préciser que, dans le cadre de la mise en oeuvre de sa stratégie, le SECO prévoit de mobiliser ses autres instruments de pilotage de manière plus suivie (formations, échanges avec les commissions paritaires et tripartites, directives). Cf. Rapport explicatif du CPA, 2011, chap. 6.3.3.

Rapport explicatif du CPA, 2011, chap. 6.3.1.2.

1064

Au niveau des contrats de prestations avec les commissions paritaires, il existe également des zones floues quant à la fixation du nombre de contrôles qui est basée sur l'activité passée des commissions paritaire et dépend par conséquent de leur volonté. Le respect des contrats de prestations n'est pas assuré au vu des cas d'abus qui sont très faiblement communiqués, de la répartition inconnue des contrôles et de leur financement parmi les sections régionales d'une même commission paritaire.

Le pilotage des mesures d'accompagnement dans les domaines couverts par des conventions collectives étendues sur le plan cantonal pose problème. En effet, il entre dans le champ de compétences des cantons qui présentent de grandes différences en la matière.

Y'a-t-il de la sous-enchère, les instruments sont-ils efficaces, les instruments sont-ils appliqués? Ces questions déterminantes ne trouvent actuellement pas de réponses adéquates dans les rapports sur l'exécution des mesures d'accompagnement de l'administration fédérale. Les données transmises par les organes d'exécution sur la base desquelles le Conseil fédéral et le SECO communiquent ne sont pas complètes, de qualité médiocre et difficilement comparables; elles ne peuvent donc pas refléter la réalité avec certitude. Les constats en matière d'efficacité des mesures d'accompagnement ou d'absence de sous-enchère salariale, portés sur la base des données connues à ce jour, ne sont pas justifiés.40 Cela conduit à transmettre une image de la 40

­ En 2007, le Conseil fédéral estimait que la libre circulation n'a pas conduit à des pressions salariales et que les mesures d'accompagnement sont efficaces (Conseil fédéral, Herausforderungen 2007­2011, p. 57).

­ En 2007, le SECO communique que «L'immigration n'est pas excessive; elle s'adapte aux besoins de l'économie suisse et n'a pas d'effet négatif sur l'emploi et l'évolution des salaires. Telles sont les conclusions du troisième rapport de l'Observatoire de la libre circulation des personnes concernant le marché du travail suisse», SECO, Communiqué de presse, 31.05.2007.

­ En 2009, pour le SECO, «Les résultats présentés permettent de conclure que les mesures d'accompagnement sont efficaces: leur mise en oeuvre par les cantons/commissions tripartites et par les commissions paritaires est régulièrement optimisée et les contrôles se généralisent. Le respect des conditions de travail et de salaire est imposé au moyen des instruments appropriés». SECO; communiqué de presse du 23.04.2009.

­ En 2009, pour le SECO «Le recrutement facilité de main-d'oeuvre en provenance de l'UE a favorisé, ces dernières années, l'accélération de la croissance tant au niveau de l'économie que de l'emploi. L'ouverture du marché du travail a eu tendance à rehausser la concurrence pour les travailleurs locaux. Ces derniers n'ont néanmoins pas subi de mouvement d'éviction ou de hausse du chômage attribuable à la libre circulation des personnes. Les mesures d'accompagnement ont, une fois encore, permis d'éviter une évolution négative du côté des bas salaires», Augmentation de l'immigration et accélération de la croissance grâce à la libre circulation des personnes, SECO, communiqué de presse du 02.07.2009.

­ Le 24 février 2010, dans sa réponse à l'interpellation 09.4086 Grunder Hans (Libre circulation des personnes. Renforcement des mesures d'accompagnement), le Conseil fédéral indique que «les rapports annuels du SECO sur la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement et ceux de l'Observatoire sur les effets de la libre circulation des personnes permettent de savoir si les mesures sont efficaces et si les conditions de rémunération en Suisse sont respectées».

­ En 2010, dans son communiqué de presse intitulé La libre circulation des personnes fait ses preuves même durant la crise économique, publié à l'occasion du
6e Rapport de l'Observatoire sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'UE, le SECO indique que «Les activités de contrôle dans le cadre des mesures d'accompagnement ont été à nouveau étendues en 2009. Ainsi, une pression sur les conditions de salaire et de travail a pu être combattue de manière efficace», SECO Communiqué de presse du 27.05.2010.

1065

mise en oeuvre qui n'est pas celle de la réalité ainsi que de conclure à l'efficacité des mesures, sans bases fondées. Il convient de relever que, depuis 2010, le SECO se montre plus prudent quant aux constats en matière d'efficacité des mesures d'accompagnement.41 Tableau 4 Appréciation du pilotage Critère

Appréciation

Adéquation des cibles

La mise en oeuvre des mesures d'accompagnement se focalise sur une cible très étroite: les travailleurs détachés comptent pour la moitié des contrôles mais constituent qu'une faible part des travailleurs liés à la libre circulation des personnes.

Les domaines couverts par des conventions collectives de travail étendues sont les mieux protégés. Pourtant, ils sont l'objet de la moitié des contrôles alors qu'ils ne couvrent que 13 % de la population active.

Adéquation de la stratégie de pilotage

La stratégie de pilotage n'existe que depuis 2010.

Cette stratégie est pertinente et complète mais elle n'est pas encore appliquée.

Surveillance de l'exécution

Les instruments de pilotage ont été améliorés.

La fixation des objectifs est encore trop influencée par la volonté des organes d'exécution et pas assez sur des indicateurs objectifs.

Les activités de mise en oeuvre des organes d'exécution sont restées très opaques jusqu'à présent.

Le pilotage ne permet pas d'assurer que les mesures soient correctement mises en oeuvre.

3.4

Conception des mesures d'accompagnement

L'organisation et les instruments sont-ils conçus de sorte qu'ils permettent de résoudre le problème posé, à savoir éviter que ne se produise une sous-enchère salariale?

La réponse à cette question est nuancée. L'analyse du fonctionnement du concept dans la pratique montre que le concept n'est que partiellement adapté pour atteindre les objectifs fixés en matière de lutte contre la sous-enchère salariale et sociale.

L'absence de définition de la sous-enchère abusive et répétée rend l'application des instruments prévus le cas échéant très difficile et aléatoire. En outre, l'absence de sanction en cas de non-respect des salaires minimaux fixés dans des contrats-types de travail affaiblit considérablement le potentiel d'efficacité de cet instrument.

41

Le rapport publié en mai 2010 par le SECO fait état de nombreuses limites quant aux données utilisées et se montre réservé quant aux conclusions qui pourraient en être tirées (SECO, Rapport sur la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes, 1er janvier au 31 décembre 2009, mai 2010).

1066

Le rôle important accordé aux commissions paritaires et la marge de manoeuvre laissée aux autorités cantonales en matière d'exécution ont été souhaités par le législateur de manière à pouvoir s'adapter aux marchés spécifiques du travail et aux connaissances en la matière. Néanmoins, les marges de manoeuvre et d'interprétation ne permettent pas d'assurer une mise en oeuvre cohérente et efficace des mesures d'accompagnement.

Le fédéralisme d'exécution ainsi que l'organisation différenciée et complexe des commissions paritaires rendent le pilotage prévu très difficile à réaliser. L'exécution des contrats de prestation étant déléguée par les commissions paritaires nationales à des sections régionales, la surveillance de l'exécution s'en trouve d'autant plus compliquée voire impossible. En outre, les domaines couverts par des conventions collectives de travail étendues sur le plan cantonal échappent en grande partie à la surveillance de la Confédération.

Il convient aussi de s'interroger sur l'opportunité de fixer les objectifs en termes de répartition des contrôles par le Conseil fédéral ou par le Parlement. En effet, la répartition des contrôles entre commissions tripartites et commissions paritaires d'une part et la répartition entre entreprises de détachement et employeurs suisses d'autre part revêtent non seulement une dimension politique mais constituent aussi la base essentielle pour le pilotage des mesures d'accompagnement.

Tableau 5 Appréciation du concept Critère

Appréciation

Adéquation des instruments

Comme la notion de sous-enchère salariale abusive et répétée n'est pas définie dans les bases légales, les instruments prévus ne sont pas ou très peu appliqués.

L'absence de sanction en cas de non-respect de contratstypes de travail amoindrit le potentiel d'efficacité de cet instrument.

Adéquation de l'organisation

La marge de manoeuvre des organes d'exécution et l'organisation prévue complexifient très fortement le pilotage du système des mesures d'accompagnement.

4

Conclusion

La libre circulation des personnes a un impact certain sur l'économie suisse. Cet impact s'illustre notamment par l'augmentation de la consommation, de la demande de logements, mais aussi en termes d'offre de main-d'oeuvre, que celle-ci soit complémentaire ou concurrente à la main-d'oeuvre indigène. La présente évaluation ne porte aucun jugement sur l'impact général de la libre circulation des personnes sur l'économie suisse. Seuls les effets de la libre circulation des personnes sur les salaires ont été analysés de manière à déterminer si, durant l'ouverture du marché suisse du travail et le déploiement des mesures d'accompagnement, des pressions salariales furent occasionnées.

Cette évaluation a mis en évidence un certain nombre de problèmes complexes relatifs à la surveillance des mesures d'accompagnement à la libre circulation des 1067

personnes. En effet, la marge de manoeuvre des organes d'exécution souhaitée par le législateur rend difficile le pilotage et une application cohérente des mesures d'accompagnement. Les organes d'exécution tant paritaires, tripartites que cantonaux exécutent les mesures prévues à des degrés divers de cohérence et de conformité.

4.1

Des pressions salariales réelles, de la sous-enchère indétectable

L'étude réalisée a permis d'établir que l'offre de main-d'oeuvre, résultant de la libre circulation des personnes, a effectivement exercé une pression sur les salaires. Ainsi, depuis l'entrée en vigueur de la libre circulation des personnes, les pressions sur les salaires sont réelles. Elles se sont manifestées différemment selon les branches, les régions et la qualification de travailleurs.

Sept ans après l'introduction des mesures d'accompagnement, il n'est pourtant pas possible de conclure sur la présence ou non de sous-enchère salariale bien que l'existence de pressions salariales soit avérée. Le fait que la sous-enchère abusive et répétée n'ait pas été définie par le législateur rend l'identification d'une telle situation difficile car dépendante de la pratique des cantons en la matière. En effet, les critères permettant de constater de la sous-enchère salariale par les cantons ne sont pas toujours définis, communiqués, voire appliqués.

Mais, selon des observations recueillies sur le terrain, les salaires des travailleurs détachés sont parfois fortement inférieurs à ceux des résidents. Selon les praticiens, ces salaires peuvent même différer d'un facteur trois. Ces pratiques constituent des infractions à la Ldét et des indices clairs de sous-enchère. Elles ne sont pourtant très souvent pas répertoriées comme telles étant donné l'application partielle voire incorrecte des mesures d'accompagnement (cf. chap. 4.2).

4.2

Une application partielle et différenciée des mesures d'accompagnement

Les mesures d'accompagnement sont appliquées de manière variable selon les organes d'exécution. Les mesures ont tendance à se limiter le cas échéant à la conduite des contrôles auprès des travailleurs détachés et des employeurs suisses et à l'application des dispositions prévues par les conventions collectives de travail sans que des sanctions ne soient prononcées au titre de la Ldét ou que les autres instruments tels que l'extension facilitée de convention collective de travail ou l'édiction d'un contrat-type de travail ne soient appliqués.

Ainsi, dans la plupart des branches où une convention collective de travail étendue au niveau national existe, les contrôles ne donnent pas lieu à des sanctions au titre de la Ldét faute de transmission des cas aux autorités cantonales compétentes. Dans la plupart des branches où une convention collective de travail étendue au niveau cantonal existe, les données ne permettent pas de conclure si les mesures d'accompagnement (les contrôles notamment) sont correctement voire réellement mises en oeuvre. Dans les domaines de compétences des commissions tripartites, les stratégies cantonales de contrôles et les méthodes utilisées ne permettent pas, dans la plupart des cas, d'identifier des pratiques de sous-enchère abusive et répétée. Dès lors, les 1068

instruments prévus dans ce cas de figure (extension facilitée de conventions collectives de travail, contrats-types de travail avec salaires minimaux) ne peuvent pas être appliqués.

Les différences d'application des mesures d'accompagnement semblent répondre avant tout à des sensibilités politiques différentes qu'à des raisons économiques ou liées à des flux de travailleurs particuliers. Ainsi, le fait que les cantons n'aient pas eu davantage recours aux instruments prévus, n'indique pas que la sous-enchère n'existe pas.

4.3

Un pilotage tardif, complexe et mal ciblé

Le pilotage politique des mesures d'accompagnement a suivi le «calendrier» européen. Ainsi, les premiers constats quant au besoin d'amélioration de l'application des mesures d'accompagnement ont coïncidé avec les discussions successives sur l'extension de l'accord sur la libre circulation aux nouveaux pays membres de l'UE.

Si les différences en matière d'application par les cantons et les commissions paritaires ont été soulignées, il doit être relevé que l'utilisation de ces marges de manoeuvre a été facilitée par le peu de soutien de la Confédération durant les premières années de mise en oeuvre des mesures d'accompagnement. En effet, pour la mise en place de ce système très complexe, le SECO avait engagé des ressources équivalentes à une personne. Ceci a conduit à une mise en oeuvre «unilatérale» par les cantons et les commissions paritaires.

Le SECO a commencé à rattraper son retard dès 2008 ainsi qu'à prendre connaissance des problèmes d'exécution. Il a développé une stratégie de qualité pour répondre aux buts fixés par les bases légales. Grâce au fort engagement de la Direction du travail et du Centre de prestations compétent du SECO, le système des mesures d'accompagnement disposera des outils nécessaires à sa surveillance au plus tôt à partir de 2012.

Néanmoins, les problèmes d'application sont en grande partie déjà connus et les pratiques inadaptées de cantons et de commissions paritaires auraient d'ores et déjà nécessité une reprise en main du système par l'engagement du Conseil fédéral. A l'heure actuelle, le pilotage n'est pas en mesure de s'appuyer sur des données fiables ou de connaître par exemple comment les commissions paritaires répartissent et financent les contrôles.

Etant donné le but initial des mesures d'accompagnement relatif à la lutte contre la sous-enchère salariale et sociale, le pilotage stratégique pose un problème majeur du fait de sa cible principale ­ les travailleurs détachés ­ qui est extrêmement étroite: près de la moitié des contrôles et trois quart du budget des mesures d'accompagnement sont affectés aux contrôles des travailleurs détachés qui, pourtant, ne représentent que 0,5 % du volume d'emploi au niveau national.

Le système des mesures d'accompagnement est bâti sur l'un des fondements de l'économie suisse, à savoir les relations entre partenaires
sociaux. La place prépondérante des commissions paritaires dans l'exécution des mesures d'accompagnement est justifiée par le fait que les branches couvertes sont des branches sensibles du point de vue de la qualification de la main-d'oeuvre, du niveau des salaires et du type de travail soumis à concurrence. Toutefois, en termes de couverture quantitative, ces domaines ne représentent qu'une faible partie des personnes occupées (13 %), alors 1069

qu'ils comptent pour près de la moitié des contrôles effectués et des coûts relatifs aux mesures d'accompagnement assumés par la Confédération. Ainsi, les domaines peu défendus par les partenaires sociaux échappent en grande partie aux mesures d'accompagnement.

Le Conseil fédéral n'a fait usage de sa marge de manoeuvre, ni pour mieux définir la sous-enchère et les méthodes visant à la détecter, ni pour préciser les cibles des mesures d'accompagnement. Par conséquent, il convient de s'interroger sur l'opportunité de fixer les objectifs en termes de contrôles par le Conseil fédéral ou par le Parlement. En effet, la répartition des contrôles entre commissions tripartites et commissions paritaires d'une part et la répartition entre entreprises de détachement et employeurs suisses d'autre part revêtent non seulement une dimension politique mais constituent aussi la base essentielle pour le pilotage des mesures d'accompagnement.

En outre, les mesures d'accompagnement évoluent au gré des discussions menées sur la thématique de l'ouverture des marchés et de l'extension à de nouveaux pays de l'accord sur la libre circulation des personnes. Le développement des mesures d'accompagnement n'est pas basé sur des faits établis quant à leur efficacité.

4.4

Une communication inadaptée

La Confédération ne dispose pas des informations lui permettant de conclure à la présence ou à l'absence de sous-enchère salariale, ni à l'efficacité ou à l'inefficacité des mesures d'accompagnement. Par conséquent, les résultats actuels sur les effets de la libre circulation des personnes et surtout sur l'efficacité des mesures d'accompagnement ne sont pas adaptés et ceci pour plusieurs raisons.

Toute conclusion actuellement basée sur l'analyse de moyennes nationales n'a aucun sens dès lors que la libre circulation des personnes se manifeste très différemment selon les régions et les branches. Les autorités cantonales appliquent par ailleurs les mesures d'accompagnement de manière très variable ce qui peut aussi conduire à des interprétations erronées des résultats. Le fait de ne pas constater de la sous-enchère salariale ne signifie pas qu'il n'en existe pas.

Alors que les mesures d'accompagnement ont pour objectif de lutter contre la sousenchère abusive et répétée, les réponses de la Confédération portent essentiellement sur l'observation des travailleurs détachés, soit une infime partie des travailleurs sur les salaires desquels la libre circulation peut agir.

L'accent de la communication est mis sur les contrôles effectués, alors qu'ils ne représentent que le point de départ des mesures prévues. En effet, les contrôles sont effectués, mais cela ne signifie pas pour autant que les mesures d'accompagnement soient mises en oeuvre correctement, notamment au niveau des sanctions et des instruments à utiliser en cas de constats de sous-enchère abusive et répétée.42 L'ensemble des étapes et des instruments faisant suite aux contrôles sont dépendants de trois processus qui ne sont actuellement pas assurés: la détection des infractions par les commissions paritaires et tripartites, leur transmission aux autorités cantonales et leur traitement adéquat par ces dernières.

42

Ces instruments sont l'extension facilitée de conventions collectives de travail ou l'édiction de contrats-types de travail.

1070

Liste des interlocuteurs Bélaz, Charles

Président, Swissstaffing, Dübendorf

Balthasar, Hugues

Secrétaire permanent, Commission externe d'évaluation des politiques publiques du canton de Genève

Berger, Valérie

Collaboratrice scientifique, Libre circulation des personnes et Relations du travail, SECO, Berne

Boillat, Christelle

Collaboratrice scientifique, Libre circulation des personnes et Relations du travail, SECO, Berne

Bolliger, Anton

Chef du domaine Marché du travail, BECO, Direction de l'économie publique du canton de Berne

Bonvin, Jean-Michel

Membre de la Commission externe d'évaluation des politiques publiques du canton de Genève

Briod, Alix

Président, Commission de surveillance du Contrôle des chantiers de la construction dans le canton de Vaud, Secrétaire patronal de la Fédération vaudoise des entrepreneurs, Commission paritaire vaudoise des travailleurs détachés, Tolochenaz

Daum, Thomas

Directeur, Union patronale suisse, Zurich, Membre de la Commission tripartite fédérale

De Cicco, Patrizia

Directrice, Schweizerische paritätische Vollzugskommission Bauhauptgewerbe, Zürich

Devaud, Jean-Michel

Secrétaire, Contrôle des chantiers de la construction dans le canton de Vaud, Commission paritaire vaudoise des travailleurs détachés, Tolochenaz

Ferrari, Aldo

Président de la Commission tripartite cantonale du canton de Vaud, Membre de la Direction, UNIA, Berne

Frehner, Rolf

Secrétaire, Paritätische Berufskommission des Carrosseriegewerbes, Schweizerischer Verband Dach und Wand SVDW Paritätische Landeskommission, Paritätische Landeskommission Elektro-und TelekommunikationsInstallationsbranche, Paritätische Landeskommission Isoliergewerbe, Berne

Gaillard, Serge

Chef, Direction du travail, SECO, Berne

Gasser, Peter

Chef de domaine, Libre circulation des personnes et Relations du travail, SECO, Berne

Gehrig, Bruno

Révision interne, SECO, Berne

Gerspacher, Rolf

Chef de section, Surveillance du marché du travail, SECO, Berne

Hoffman-Meier, Rahel

Directrice, Zentrale Paritätische Kommission des Malerund Gipsergewerbes, Zurich

1071

Hofstetter, Hans

Leiter, Dienststelle für Wirtschaft und Arbeit, Membre de la commission tripartite cantonale, Lucerne

Josseron, Pascal

Inspecteur du marché du travail, Contrôle des chantiers de la construction dans le canton de Vaud, Tolochenaz

Kellerhals, Christoph

Secrétaire permanent, Commission externe d'évaluation des politiques publiques du canton de Genève (ancienne fonction)

Kindler, Rudolf

Chef de section, Conventions collectives de travail, Chef suppléant, Libre circulation des personnes et Relations du travail, SECO, Berne

Lampart, Daniel

Premier secrétaire et économiste en chef, Union syndicale suisse, Berne, Membre de la Commission tripartite fédérale

Luginbühl, Martin

Révision interne, SECO, Berne

Pleuler, Thomas

Leiter Amt für Wirtschaft, Geschäftsführer der tripartiten Kommission Kanton St.Gallen

Rossetti, Lorenza

Capo Ufficio per la sorveglianza del mercato del lavoro, Membre de la commission tripartite du Canton du Tessin, Bellinzona, Membre de la Commission tripartite fédérale

Sansonnens, Daniel

Inspecteur du marché du travail, Contrôle des chantiers de la construction dans le canton de Vaud, Tolochenaz

Scherrer, Ursula

Collaboratrice scientifique, Libre circulation des personnes et Relations du travail, SECO, Berne

Staub, Georg

Directeur, Swissstaffing, Dübendorf

Terrier, Isabelle

Présidente, Commission externe d'évaluation des politiques publiques, Genève

Trevisan, Marco

Secrétaire syndical, Unia, Berne

Wegmüller, Claudio

Collaborateur scientifique, Libre circulation des personnes et Relations du travail, SECO, Berne

Zinniker, Jean-Luc

Collaborateur scientifique, Libre circulation des personnes et Relations du travail, SECO, Berne

1072

Impressum Réalisation de l'évaluation Dr. Grosjean Nicolas, CPA (direction de projet) Bieri Isabelle, CPA (collaboration scientifique) Dannecker Katja, CPA (collaboration scientifique) Ledermann Simone, CPA (collaboration scientifique) Rapport des experts externes PD Dr. Fred Henneberger, Forschungsinstitut für Arbeit und Arbeitsrecht de l'Université de St-Gall (direction de projet) Prof. Dr. Alexandre Ziegler, Université de Zurich (collaboration scientifique)

Remerciements Le CPA remercie tous ses interlocuteurs pour leur disponibilité dans le cadre des entretiens ainsi que toutes les personnes et organisations qui ont répondu au questionnaire envoyé. Le CPA tient également à remercier l'OFS, le SECO, l'ODM et swisstopo ainsi que plusieurs cantons pour la mise à disposition de données statistiques. Enfin, le CPA adresse sa reconnaissance à la direction et aux collaborateurs du SECO pour le climat de collaboration et la mise à disposition de toutes les informations demandées.

Contact Contrôle parlementaire de l'administration Services du Parlement CH-3003 Berne Tél. +41 31 323 09 70 fax +41 31 323 09 71 Courriel: pvk.cpa@parl.admin.ch www.parlement.ch > Organes et députés > Commissions > Contrôle parlementaire de l'administration

Langue originale du rapport: français 1073

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