12.014 Rapport sur la politique extérieure 2011 du 18 janvier 2012

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Nous vous soumettons le rapport sur la politique extérieure 2011, en vous priant de bien vouloir en prendre connaissance.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

18 janvier 2012

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Eveline Widmer-Schlumpf La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2011-2517

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Condensé Le présent rapport brosse un tableau général de la politique extérieure déployée par la Suisse en 2011. Sa forme et sa structure sont en accord avec la décision du 3 mai 2011 du Conseil fédéral, qui demande au DFAE de lui soumettre un rapport sur les activités menées au cours de chaque année civile dans le cadre de la politique extérieure de la Suisse. Le document, précise la décision, doit aussi traiter un grand thème: cette année, ce sont les bouleversements qui ont affecté le monde arabe.

Une annexe décrit les activités de la Suisse au Conseil de l'Europe, la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats ayant souhaité dans son postulat 06.3417 l'établissement d'un seul et unique rapport annuel qui couvrirait l'ensemble des activités de politique extérieure de la Suisse. Le ch. 2.6 examine par ailleurs des questions relatives au réseau extérieur, en réponse au postulat 11.3760 de la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats.

Thème central: Révolutions dans le monde arabe ­ défis et opportunités (ch. 1) L'année a été notamment marquée par le «printemps arabe». Les bouleversements en cours en Afrique du Nord et au Proche-Orient placent les pays concernés devant le défi de la transition politique, mais ils modifient aussi les rapports de force et les alliances traditionnelles dans la région. On ne perçoit pas encore les conséquences à long terme de ces événements sur le conflit israélo-arabe et la question palestinienne. L'Afrique du Nord, le Proche-Orient et le Moyen-Orient sont des régions importantes pour la Suisse à de nombreux égards, en particulier pour des raisons d'ordre économique, financier, énergétique, sécuritaire et migratoire, et la Suisse a tout intérêt à voir s'y former des démocraties stables. Pour y soutenir la transition, elle a considérablement intensifié son engagement, en le concentrant sur l'aide humanitaire, l'appui à la démocratisation, le développement économique et la coopération migratoire.

Priorités géographiques de la politique extérieure de la Suisse (ch. 2.1) En application de la politique d'universalité qu'elle a définie en matière de relations diplomatiques, la Suisse s'efforce d'entretenir des contacts étroits avec tous les Etats. Cette pratique, à laquelle elle est fidèle depuis des décennies, lui permet de sauvegarder ses
intérêts dans le monde entier et dans tous les domaines, bien qu'elle ne fasse partie ni de l'Union européenne, ni d'aucune alliance militaire.

Mais cela ne l'empêche nullement de fixer ses priorités. Elle privilégie en particulier certains partenaires stratégiques et ses pays voisins. Elle s'adapte en outre aux changements en cours dans le monde, notamment pour ce qui est de l'influence croissante des pays émergents, en recentrant sa politique extérieure et en modulant la répartition de ses ressources humaines et financières en conséquence.

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Europe Au centre géographique de son continent, la Suisse est directement concernée par ce qui s'y passe. L'Union européenne (UE) a dû faire face au cours de l'année à de très graves difficultés, qui ont aussi affecté la Suisse, telles que la crise de la dette publique dans la zone euro et les frictions suscitées par la politique migratoire commune. L'Union n'en a pas moins poursuivi ses efforts d'intégration, même dans ce contexte plus tendu. Elle a encore renforcé ses capacités en matière de politique extérieure, de sécurité et de défense, et elle travaille toujours à la mise au point de nouvelles normes juridiques largement acceptées comme des références internationales.

Compte tenu de ses liens étroits avec l'UE, la Suisse doit suivre de très près la dynamique d'intégration de l'Union et ajuster ses positions en conséquence. Mais il lui faut en parallèle mettre à profit les autres instruments dont elle dispose dans sa politique extérieure: les organisations dont elle est membre, comme le Conseil de l'Europe, l'OSCE et l'AELE, ainsi que son ample et dense réseau de relations avec les pays d'Europe, notamment ses voisins. Ses relations avec l'Europe de l'Est gagnent aussi en importance; une priorité revient dans ce contexte à la Russie.

Autres régions du monde Les relations de la Suisse avec les pays extérieurs à l'Europe vont encore gagner en importance avec l'évolution des équilibres mondiaux et l'affirmation des pays émergents. Comme le prévoyaient les directives adoptées par le Conseil fédéral en 2005, elles ont été encore approfondies en 2011 avec d'importants partenaires non européens, en particulier les Etats-Unis et le Brésil sur le continent américain, la Chine, l'Inde et le Japon en Asie, ainsi que l'Afrique du Sud. L'intérêt de la Suisse la porte à entretenir, à l'avenir encore, des relations bilatérales intenses, avec tous les pays. Son réseau de représentations à l'étranger est à cet égard un précieux instrument de déploiement de sa politique extérieure; il doit répondre à des exigences variées dans les domaines importants pour la Suisse, et la souplesse de sa structure doit permettre de le reconfigurer au gré de l'évolution du contexte international.

Priorités multilatérales de la politique extérieure de la Suisse (ch. 2.2) Sous la poussée de la mondialisation, les organisations
multilatérales sont de plus en plus des lieux de débat où se formulent et se discutent les réponses à apporter aux défis globaux. Les questions à caractère politique sont en règle générale l'apanage du système de l'ONU, tandis que c'est plutôt le G20 qui donne le ton en matière économique et financière.

Ce qui fait que ces organisations sont d'utiles instruments pour la Suisse: elle peut grâce à elles participer activement, dans un cadre structuré, à la réflexion sur des questions présentant un intérêt régional ou global, et à la recherche de réponses qui fassent le consensus parmi un maximum de pays. Il importe qu'elle suive elle aussi les débats internationaux et soit présente dans les dialogues multilatéraux, particulièrement dans les enceintes où se préparent des décisions internationales. Elle

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s'ouvre par la même occasion d'autres canaux d'influence dans des domaines d'importance pour sa politique extérieure.

La crise économique et financière mondiale, l'instabilité financière et les difficultés économiques qui ont dominé l'année soulignent bien l'utilité des organismes internationaux qui se penchent sur les problèmes globaux d'ordre économique, monétaire et financier. La Suisse a tout intérêt à y être présente pour avoir son mot à dire. Sa présence est tout aussi souhaitable au sein des organisations du système de l'ONU dont relèvent des décisions qui auront ensuite un impact significatif sur ellemême et ses intérêts extérieurs. Et au sein d'organisations à vocation régionale ou thématique, elle peut faire valoir certaines préoccupations et étendre son réseau de contacts extérieurs.

Priorités thématiques de la politique extérieure de la Suisse (ch. 2.3) Dans certains domaines thématiques, l'internationalisation croissante et la multiplication des interconnexions nécessitent une harmonisation rigoureuse des nombreuses politiques sectorielles extérieures. Vu leur envergure globale, les grands problèmes actuels de politique extérieure ne peuvent généralement être abordés avec efficacité qu'au sein de la communauté internationale. Le présent rapport met en lumière les défis à relever dans chaque domaine, et les apports de la Suisse.

Politique économique et financière L'économie mondiale avait amorcé un redressement ces dernières années, mais elle s'est heurtée à de nouvelles difficultés en 2011, notamment avec le ralentissement conjoncturel général et la crise des dettes publiques. Les inquiétudes qui se sont emparées des marchés financiers mondiaux ont touché la Suisse en poussant encore à la hausse le cours de sa monnaie. Les pressions internationales ne se sont pas non plus relâchées sur le secret bancaire suisse. Enfin, les profondes réformes internationales du secteur financier ont eu des répercussions sur la Suisse. Cette dernière a prêté son concours à la maîtrise des crises, et mis en oeuvre d'importantes réformes des mécanismes de régulation pour stabiliser les marchés financiers; elle a continué à déployer sa stratégie de gestion d'avoirs déclarés et à lutter contre les abus dont peut faire l'objet son secteur financier.

Sécurité humaine et migration La sécurité humaine est
centrée sur la sécurité de la personne et la protection de cette dernière contre la violence politique, la guerre et l'arbitraire. Elle est restée au coeur de la politique extérieure de la Suisse, dont l'engagement dans ce domaine revêt notamment la forme de bons offices, de médiation dans des conflits, d'actions de prévention des conflits et de consolidation des droits de l'homme. Les défis se sont multipliés ces dernières années, et ont pris une dimension globale ­ notamment en ce qui concerne la migration, devenue l'un des grands problèmes de notre époque dans sa dimension politique et sociale. La Suisse mène une politique cohérente en la matière, afin de mieux tirer parti de la migration et d'en atténuer les risques.

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Coopération au développement La Suisse est fortement intégrée dans les réseaux de la mondialisation, ce qui veut dire que la stabilité et la prospérité mondiales sont importantes pour elle, et qu'elle a grand intérêt à prêter son concours à la résolution des problèmes globaux comme les changements climatiques, la migration incontrôlée, les pénuries d'eau et l'instabilité économique. Il convient d'autant plus d'intensifier les efforts en faveur des pays en développement qu'ils souffrent de ce que la crise économique et financière freine le rétablissement de l'économie mondiale. L'aide humanitaire a encore été très sollicitée cette année par la multiplication des crises et des catastrophes, notamment en Afrique du Nord et au Japon. Les activités d'aide au développement de la Suisse s'alignent sur une stratégie unifiée impliquant tous les services fédéraux concernés. Le présent rapport fait ressortir la contribution de la Suisse à la résolution de problèmes globaux de développement.

Autres priorités thématiques Le rapport aborde par ailleurs une série d'autres thèmes qui occupent une place notable dans la politique extérieure de la Suisse et gagnent en importance sur le plan international: contrôle des armements, désarmement et non-prolifération, activités extérieures de la Suisse dans les domaines du développement durable, de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la santé, ainsi que dans la formation, la recherche et l'innovation. Cette partie se clôt sur une section consacrée à la neutralité en tant qu'instrument de la politique extérieure de la Suisse.

Service public (ch. 2.4) Le volume global des services consulaires que fournissent les représentations suisses à l'étranger continue d'augmenter. Les demandes de visa se sont multipliées depuis 2010, et les procédures de délivrance sont devenues plus complexes. Diverses crises ont notablement alourdi le travail qu'a nécessité en 2010 et 2011 la protection consulaire, qui consiste à fournir en permanence une assistance aux ressortissants suisses en difficulté, où qu'ils soient dans le monde. Une direction consulaire a été créée en 2011 pour étoffer les services aux citoyens et répondre aux nouveaux besoins. Le DFAE a par ailleurs modernisé et professionnalisé son dispositif de gestion des crises ces dernières années: il a notamment
mis en place un centre de gestion des crises, dont la mission englobe la prévention, la préparation des services extérieurs aux situations de crise et la réaction en cas de crise.

Politique extérieure et relations publiques (ch. 2.5) A l'ère de la société mondiale de l'information, il devient de plus en plus important de communiquer par-delà les frontières nationales pour préserver les intérêts du pays. Le présent rapport contient donc une section consacrée à certains aspects de la communication à l'étranger. La Suisse est fortement exposée dans les médias du fait qu'elle y est très présente, relativement à sa taille. Les feux de la rampe se sont en particulier braqués cette année sur les questions financières et fiscales, notamment le dernier épisode du contentieux fiscal avec les Etats-Unis, l'accord sur l'imposition à la source conclu avec l'Allemagne et le Royaume-Uni, ainsi que les

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avoirs de potentats gelés à la suite du printemps arabe. Malgré la fréquence des critiques relatives surtout aux marchés financiers, la Suisse possède en général une image favorable et stable à l'étranger. Elle le doit entre autres au travail médiatique consacré également à des sujets controversés.

Soutien à la conduite de politique extérieure (ch. 2.6) Les effets économiques et politiques de la mondialisation transforment le cadre dans lequel s'inscrit la politique extérieure de la Suisse. Les défis internationaux à relever s'interconnectent et se complexifient. Il importe donc que la Suisse se dote de stratégies cohérentes lui permettant d'employer ses ressources avec un maximum d'efficacité. Le DFAE s'efforce de tirer le meilleur parti de son personnel et de son budget, et d'ajuster régulièrement ses structures en fonction de l'évolution des situations. Il s'est réorganisé en profondeur ces dernières années pour gérer son administration avec plus d'efficacité encore. Ce travail a particulièrement porté sur l'étranger en 2011, par exemple avec la création de centres consulaires régionaux assurant les services consulaires pour plusieurs pays.

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Table des matières Condensé

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Liste des abréviations

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1 Thème prioritaire: Révolutions dans le monde arabe ­ défis etopportunités pour la politique suisse

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2 Activités de politique extérieure pendant l'année sous revue 2.1 Priorités géographiques de la politique extérieure de la Suisse 2.1.1 Politique européenne 2.1.1.1 Union européenne 2.1.1.2 Conseil de l'Europe et OSCE 2.1.1.3 Relations avec les Etats européens 2.1.2 Politique à l'égard du continent américain 2.1.3 Politique à l'égard de l'Asie et de l'Océanie 2.1.4 Politique à l'égard de l'Afrique subsaharienne 2.2 Priorités multilatérales de la politique extérieure de la Suisse 2.2.1 L'ONU et la justice pénale internationale 2.2.2 Présidence suisse du Sommet de la Francophonie 2.2.3 Multilatéralisme à caractère économique (G20, CSF, OCDE, FMI) 2.2.4 Multilatéralisme touchant à la culture et à la science 2.2.5 Multilatéralisme en matière de politique de sécurité 2.3 Priorités thématiques de la politique extérieure de la Suisse 2.3.1 Politique financière et économique internationale 2.3.2 Sécurité humaine et droit international humanitaire 2.3.3 Politique extérieure de la Suisse en matière de migration 2.3.4 Réduction de la pauvreté et aide humanitaire 2.3.5 Politique de maîtrise des armements, de désarmement et de non-prolifération 2.3.6 Politique extérieure en matière de développement durable 2.3.7 Politique extérieure en matière d'environnement, de transports, d'énergie et de santé 2.3.8 Politique extérieure en matière d'éducation, de recherche et d'innovation 2.3.9 Neutralité 2.4 Service public 2.5 Politique extérieure et relations publiques 2.6 Soutien à la conduite de la politique extérieure Annexe: Informations complémentaires concernant le Conseil de l'Europe (juin 2010 à 2011)

2702 2702 2703 2704 2711 2713 2717 2722 2728 2733 2734 2741 2743 2746 2749 2750 2750 2755 2773 2776 2789 2793 2796 2802 2803 2805 2809 2813

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Liste des abréviations 3G

Groupe de gouvernance mondiale (Global Governance Group)

AELE

Association européenne de libre-échange

AIE

Agence internationale de l'énergie

AIEA

Agence internationale de l'énergie atomique

ANASE

Association des nations de l'Asie du Sud-Est

ASE

Agence spatiale européenne

ASEM

Dialogue Asie-Europe

BERD

Banque européenne pour la reconstruction et le développement

BNS

Banque nationale suisse

BRIC

Groupe composé des quatre grands pays émergents suivants: Brésil, Russie, Inde et Chine

CCNUCC

Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques

CDH

Conseil des droits de l'homme des Nations Unies

CE

Traité instituant la Communauté européenne

CEDEAO

Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest

CEDH

Cour européenne des droits de l'homme

CEDH

Convention européenne des droits de l'homme

CERN

Organisation européenne pour la recherche nucléaire

CICR

Comité international de la Croix-Rouge

CIJ

Cour internationale de justice de La Haye

CNUC

Convention des Nations Unies contre la corruption

COPUOS

Comité des Nations Unies pour l'utilisation pacifique de l'espace extra-atmosphérique (Committee on the Peaceful Uses of Outer Space)

CPE

Commission(s) de politique extérieure

CPEA

Conseil de partenariat euro-atlantique

CPI

Cour pénale internationale

CSCE

Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe

CSF

Conseil de stabilité financière

DCAF

Centre pour le contrôle démocratique des forces armées ­ Genève (Geneva Centre for the Democratic Control of Armed Forces)

DDC

Direction du développement et de la coopération

DDPS

Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports

2684

DFAE

Département fédéral des affaires étrangères

DFE

Département fédéral de l'économie

DFF

Département fédéral des finances

DFI

Département fédéral de l'intérieur

DFJP

Département fédéral de justice et police

ECOSOC

Conseil économique et social des Nations Unies (Economic and Social Council)

EEE

Espace économique européen

EPU

Examen périodique universel

EUFOR

European Union Force

EULEX

Mission «Etat de droit» de l'Union européenne

FAO

Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (Food and Agriculture Programme)

FIPOI

Fondation des immeubles pour les organisations internationales

FMI

Fonds monétaire international

GCTF

Forum mondial de lutte antiterroriste (Global Counter-Terrorisme Forum)

G-8

Groupe des 8 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon (G7) + Russie)

G-20

Groupe des 20 (Afrique du Sud, Allemagne, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, Etats-Unis, France, GrandeBretagne, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Mexique, Russie, Turquie, Union européenne)

G-24

Groupe des 24 (Afrique du Sud, Algérie, Argentine, Brésil, Colombie, République populaire démocratique du Congo, Côte d'Ivoire, Egypte, Ethiopie, Gabon, Ghana, Guatemala, Inde, Iran, Liban, Mexique, Nigéria, Pakistan, Pérou, Sri Lanka, Syrie, Trinité & Tobago, Venezuela)

GCSP

Centre de politique de sécurité, Genève (Geneva Centre for Security Policy)

GRECO

Groupe d'Etats contre la corruption

HCDH

Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme

IDA

Association internationale de développement (International Development Association)

IEF

Forum international de l'énergie (International Energy Forum)

KFOR

Kosovo Force

MERCOSUR Marché commun sud-américain (Mercado Común del Sur) 2685

MoU

Protocole d'entente (Memorandum of Understanding)

NSG

Groupe des fournisseurs nucléaires (Nuclear Suppliers Group)

OCDE

Organisation de coopération et de développement économiques

OCHA

Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Office for the Coordination of Humanitarian Affairs)

ODM

Office fédéral des migrations

OEA

Organisation des Etats américains

OFAG

Office fédéral de l'agriculture

OFCOM

Office fédéral de la communication

OIF

Organisation internationale de la francophonie

OIT

Organisation internationale du travail

OMC

Organisation mondiale du commerce

OMD

Objectifs du Millénaire pour le développement

OMS

Organisation mondiale de la santé

ONG

Organisation non gouvernementale

ONU

Organisation des Nations Unies

OSCE

Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe

OSE

Organisation des Suisses de l'étranger

OTAN

Organisation du traité de l'Atlantique Nord

PAM

Programme alimentaire mondial

PNUD

Programme des Nations Unies pour le développement

PNUE

Programme des Nations Unies pour l'environnement

PPP

Partenariat pour la paix

SADC

Communauté de développement d'Afrique australe

SCOPES

Coopération scientifique entre la Suisse et l'Europe de l'Est

SECO

Secrétariat d'Etat à l'économie

TAP

Gazoduc transadriatique

TIPH

Présence internationale temporaire à Hébron (Temporary International Presence in the City of Hebron)

TNP

Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires

TPIR

Tribunal pénal international pour le Rwanda

TPIY

Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie

UA

Union africaine

UE

Union européenne

UNASUR

Union des nations sud-américaines

2686

UNESCO

Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture

UNFPA

Fonds des Nations Unies pour la population (United Nations Population Fund)

UNICEF

Fonds des Nations Unies pour l'enfance (United Nations Children's Fund)

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Rapport 1

Thème prioritaire: Révolutions dans le monde arabe ­ défis etopportunités pour la politique suisse

Contexte Le «printemps arabe» a pris tous les spécialistes et experts par surprise. Pourtant, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) soulignait en 2002 déjà que les pays d'Afrique du Nord et du Proche-Orient souffraient de déficits graves, liés notamment aux libertés et à la bonne gouvernance. Ce constat sur cette région a, au nom de la promotion de la stabilité et de la sécurité, longtemps été réduit au seul prisme de la menace de changements politiques abrupts et non contrôlés, plus précisément de celle posée par les mouvements islamistes. Les manifestations ont été portées par toutes les classes sociales et appartenances communautaires, dans la majorité sans référence à la religion. Les revendications portaient en particulier sur des réformes socio-économiques.

Les mouvements de contestation sont principalement issus de la jeunesse ­ les moins de 25 ans représentent, selon les pays de la région, entre 45 et 55 % de la population ­, de plus en plus diplômée, frustrée dans sa recherche d'un emploi, et capable de se mobiliser efficacement, notamment en utilisant Internet et les réseaux sociaux. Tous ces ingrédients se sont retrouvés, avec des pondérations et des contextes différents, au départ de la quasi-totalité des révoltes dans la région. Le vent de la révolte a encore été attisé par les effets de la crise économique mondiale, déclenchée à partir de 2008. Même si celle-ci ne s'est traduite dans la région que par un ralentissement de la croissance, son impact a été suffisant pour aggraver une situation qui était déjà très difficile, en particulier pour les pays non producteurs de pétrole. Les secteurs orientés vers l'exportation, comme l'industrie textile, ont été sérieusement affectés. La crise financière a par ailleurs provoqué des retours d'émigrés et avec eux, des pertes de liquidités importantes pour les pays concernés.

Il est encore trop tôt pour analyser et comprendre toutes les dimensions de ces révoltes en Afrique du Nord et au Moyen-Orient: l'étincelle est partie de la Tunisie rurale en décembre 2010 pour propager une formidable mobilisation populaire dans l'ensemble du pays, puis dans toute la région, du Maroc au Yémen. Ces révoltes ont d'ores et déjà bouleversé le «paysage arabe» et, à terme, elles entraîneront des ajustements pour tous les leaders et acteurs
de la politique régionale.

Traditionnellement considéré, non pas comme une simple collection d'Etats qui se côtoient, mais principalement comme un tout réunissant les attributs d'un véritable sous-système de la scène internationale, «le monde arabe» apparaissait depuis longtemps comme un univers figé, insensible au reste du monde. Il était mu par un amalgame de forces et de courants (panarabe et panislamique notamment), qui soudait entre eux les Etats le composant, avec l'exigence de la poursuite de buts communs, le conflit israélo-arabe en constituant le noeud central autour duquel il se structurait et se maintenait. Chaque soubresaut dans un Etat donné provoquait, à chaque fois, des échos dans les autres segments du sous-système, sans toutefois en altérer de manière significative la pérennité. Avec le «printemps arabe» on assiste à un changement majeur de paradigme et à la fin de ce qu'on a longtemps appelé «l'exception arabe».

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Etat des lieux Quelques mois après le point de départ tunisien des révoltes en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, l'on se trouve toujours dans une période de transition. En simplifiant, on a affaire aujourd'hui à quatre types de situations.

Transition politique La Tunisie et l'Egypte, dont les chefs d'Etat ont été contraints à céder le pouvoir, se trouvent dans une phase de démocratisation. En Tunisie, un processus de transition a été engagé, caractérisé notamment par la dissolution de l'ancien parti unique et par le remplacement des cadres administratifs les plus proches de l'ancien chef d'Etat.

La Haute Instance, créée dès le lendemain de la révolution, a trouvé un accord sur un calendrier électoral, sur le mode de scrutin (proportionnel) ainsi que sur la parité hommes-femmes pour les candidatures aux élections. Le nombre de partis enregistrés ­ près d'une centaine, pour la majorité sans structure établie ­ peut faire craindre une évolution chaotique de cette démocratie en construction. Des élections à l'Assemblée constituante se sont tenues le 23 octobre 2011, sans aucun incident majeur et avec un taux de participation supérieur à 90 %. Cette Assemblée a tenu sa première réunion le 22 novembre. Il s'agit là d'un véritable succès démocratique.

En Egypte, le processus a été différent. Le Président Moubarak a été écarté du pouvoir, la Constitution suspendue; en même temps, le Conseil Suprême des Forces Armées a conservé les pleins pouvoirs. La révision constitutionnelle, faite en comité restreint, a été limitée mais tout de même acceptée par référendum. Des élections législatives ont débuté le 28 novembre 2011; le système électoral complexe prévoit un découpage en trois régions du pays, le plus peuplé du monde arabe avec plus de 80 millions d'habitants. Le vote pour l'Assemblée du peuple se déroulera jusqu'au 11 janvier 2012 et les résultats complets seront connus deux jours plus tard. Viendra ensuite l'élection de la Choura, la chambre haute consultative, du 29 janvier au 11 mars 2012. La situation intérieure reste toutefois fragile.

Les troubles sociaux persistent, manifestés notamment à l'occasion des heurts violents qui ont opposé Coptes et forces de l'ordre en octobre 2011. En fait, l'armée, à travers son Conseil suprême, joue un rôle discret, mais majeur dans l'appareil d'Etat, et continue
de trancher en dernier ressort. Elle semble cependant souhaiter se désengager de la situation transitoire actuelle, tout en affirmant sa détermination à préserver l'ordre et les principes auxquels elle s'est attachée. Elle jouera sans doute un rôle important dans la définition des nouvelles institutions.

Les échéances électorales permettront d'évaluer le poids respectif des forces en présence. On ne peut exclure qu'un parti de l'ordre renaisse des cendres des anciens partis, ou encore que les divers mouvements islamistes, comme l'atteste la victoire électorale de Ennahda en Tunisie et des Frères musulmans en Egypte, confortent leurs réseaux d'influence. La question centrale réside dans la capacité qu'auront les partis à s'organiser pour gouverner. Ce point reste la grande inconnue et pourrait conduire à retarder certaines échéances électorales. Il ne faut pas oublier non plus le facteur économique qui conditionnera de manière déterminante l'avenir politique de ces deux pays.

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Voie des réformes Au Maroc, Mohammed VI bénéficie d'une forte légitimité politique et religieuse, si bien que les critiques exprimées jusqu'ici ne l'ont été qu'à l'endroit de la bureaucratie dirigeante. Le discours du roi, prononcé le 17 juin 2011, semble avoir marqué une ouverture politique. Le projet de Constitution, dont Mohammed VI a tracé les grandes lignes, vise à instituer un régime parlementaire (avec un Premier ministre issu du parti majoritaire et aux pouvoirs renforcés); le référendum du 1er juillet l'a approuvé massivement et s'est transformé en plébiscite en faveur du roi. Les élections législatives se sont tenues le 25 novembre 2011, marquées par la victoire des islamistes modérés du Parti justice et développement (PJD). Ceux-ci dirigeront le gouvernement pour la première fois dans l'histoire moderne du royaume.

En Jordanie, les appels aux réformes viennent à la fois de la population palestinienne et des tribus, soutien traditionnel de la monarchie hachémite. Les mesures annoncées par le roi, lors d'un discours prononcé le 13 juin 2011, peinent à convaincre la branche jordanienne des Frères musulmans, dont les positions vis-à-vis du régime hachémite restent très critiques. Dans les deux cas, jordanien et marocain, on constate que des efforts ont été faits en vue de calmer les mécontentements populaires.

En l'absence de progrès sur l'agenda des réformes, la pression de la rue pourrait cependant se manifester à nouveau.

Affrontements et violences armées Plusieurs pays ont été le théâtre d'affrontements souvent violents entre les éléments réformateurs et le pouvoir. Ceux-ci ont débouché, dans le cas de la Libye, sur une guerre civile, avec l'intervention des forces de l'OTAN pour protéger les populations. Dans le cas du Yémen et de la Syrie, nous assistons à une répression sanglante de la part des régimes en place.

En Libye, le Conseil National de Transition (CNT) a élaboré une «feuille de route», prévoyant la mise en place d'institutions démocratiques. A terme, l'évolution de la situation dépendra de la capacité ou non des autorités libyennes de transition à étendre leur pouvoir à l'ensemble du pays et à fédérer les différentes factions rebelles. A défaut, l'on pourrait assister à une situation de guerre civile. Durant l'ère Kadhafi, les institutions gouvernementales étaient déjà
faibles et trop bureaucratiques, voire tout simplement inexistantes. La tâche de la reconstruction de la Libye est immense. La communauté internationale, qui a soutenu le peuple libyen, devra répondre de manière coordonnée aux besoins et demandes qui seront formulés par les nouvelles autorités politiques.

Le cas de la Syrie est complexe. Le régime, tenu par la minorité alaouite, et plus spécialement par le clan familial Assad, est sur la défensive. La répression de la révolte ne faiblit pas, alors que l'opposition s'organise. Quant à la communauté internationale, elle met de plus en plus la pression sur le régime pour faire cesser la répression: des sanctions ont été décidées, en particulier par la Ligue Arabe et la Turquie, visant à isoler le président Assad. Le pouvoir alaouite a été contraint de proposer un «dialogue national», qui peine à convaincre. Il est probable que le leadership syrien, même ébranlé, parviendra à se maintenir aux commandes du pays quelque temps encore. Celui-ci continue en effet de bénéficier de la tolérance de certains de ses voisins ainsi que de pays occidentaux. Au Conseil de sécurité de l'ONU, Damas reçoit un soutien de la Russie et de la Chine, qui sont hostiles à toute ingérence. La chute du régime alaouite ferait craindre pour beaucoup le basculement du pays dans la guerre civile, sans compter qu'elle représenterait une nouvelle donne 2690

au Moyen-Orient, en privant l'Iran de son allié régional, et du Hezbollah libanais, par voie de conséquence.

Le Yémen s'enfonce de plus en plus dans la crise. La révolte populaire demandant le départ du président Ali Abdallah Saleh et de son régime, a en effet plongé ce pays, le plus pauvre de la péninsule arabique, dans une situation de quasi-guerre civile. Un nouvel exécutif aura certainement peine à se mettre en place et à préparer une liste de réformes politiques et économiques pour sauver le pays du chaos, de la violence et de mouvements terroristes liés à l'organisation Al-Qaïda.

Maintien ou retour à l'ordre Cette situation est celle des pays membres du Conseil de Coopération du Golfe, mais aussi, pour des raisons différentes, de l'Algérie. Dans la Péninsule arabique, les seules manifestations d'ampleur ont eu lieu au Bahreïn, où l'onde de choc du «printemps arabe» est survenue dans un contexte de politique intérieure déjà difficile depuis de nombreuses années. La présence d'une population chiite majoritaire, jointe au refus du Premier ministre, au pouvoir depuis 40 ans, de procéder à un train de réformes, a provoqué des troubles sérieux. L'opposition s'est finalement radicalisée, encouragée par le voisin iranien, qui se pose traditionnellement en protecteur des populations chiites. Il s'en est suivi une répression brutale, qui a reçu l'appui militaire des troupes saoudiennes et émiraties. Aujourd'hui, les manifestations ont baissé en intensité, mais les problèmes de fond ne sont pas résolus pour autant. Dans les autres pays du Golfe, les autorités sont parvenues à calmer les soulèvements, grâce à des mesures combinant revalorisation massive des salaires des fonctionnaires, lancement de grands projets publics. Mais le feu de la contestation couve toujours.

En Algérie, des manifestations, nombreuses, mais d'ampleur limitée, ont eu lieu.

Mais là aussi, le pouvoir a combiné répression et achat de la paix sociale grâce à des revenus d'hydrocarbures en forte hausse. Il faut dire également que le souvenir de la guerre civile, durant les années 90, est encore très présent dans les esprits et qu'il prévient un basculement dans la violence, même si le système politique actuel est contesté par une partie de la population.

Défis découlant de la transition On se trouve, avec le «printemps arabe»,
en présence d'une véritable vague de fond.

Si ce moment constitue un immense espoir de changement et de progrès pour les populations qui l'ont initié, il représente également un très grand défi pour l'ensemble des pays directement concernés, pour la région subsaharienne, comme d'ailleurs pour toute la communauté internationale. La grande question aujourd'hui est de savoir comment ces mouvements de révolte pourront résister aux récupérations de toutes sortes. Un scénario optimiste serait la mise en place progressive de régimes démocratiques, ou contenant des éléments de démocratie. A cet égard, les deux expériences, tunisienne et égyptienne, auront valeur de test. A l'inverse, le risque existe d'un «chaos» démocratique et d'une perte de maîtrise de la période de transition par les acteurs des révolutions. Les surenchères démagogiques, l'atomisation et les divisions des forces politiques pourraient en effet mettre en danger la mise en place et le fonctionnement des nouvelles institutions. Ne doit pas non plus être écartée l'option d'un maintien ou d'un retour en force de régimes autocratiques qui, après quelques concessions et ouvertures, tenteront de réimposer une chape de plomb et d'empêcher ainsi toute évolution démocratique.

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On ne peut non plus exclure la mise en place de régimes à composante islamiste.

Certains d'entre eux ont d'ailleurs annoncé qu'ils allaient participer à la vie politique dans le cadre d'un état laïque. Leur rhétorique reste toutefois discrète pour l'instant.

Il est à noter que l'aile «islamiste» est morcelée et ne représente en aucun cas un groupe monolithique. Ces mouvements peuvent s'avérer handicapés dans leur action, du fait des tensions internes qui reflètent souvent des conflits de génération et des conceptions différentes quant à leur rôle que certains veulent cantonner aux seuls aspects religieux et caritatifs. Les clivages portent également sur l'objectif même poursuivi entre adversaires et partisans de l'établissement d'une république islamique. Enfin, ces mouvements ont tiré les leçons de faits passés ou présents. Ils ont à l'esprit les brutales répressions dont ils ont été les victimes aussi bien en Algérie qu'en Syrie; ils sont avertis du rejet que suscitent, dans une grande partie de la population, certaines de leurs idées; ils sont également conscients qu'ils n'ont pas joué de rôle dans le déclenchement du «printemps arabe», qu'ils se sont contentés d'accompagner puis, à l'instar d'autres, d'exploiter.

Un autre facteur déterminant, qui jouera en faveur ou contre les demandes de réformes politiques, sera l'évolution économique de ces pays et la capacité de mener les réformes qui doivent l'être. Les nouveaux pouvoirs devront redresser les économies, qui étaient déjà très vulnérables avant les révoltes et qui le sont encore plus aujourd'hui. L'évolution des mouvements de réformes pourrait être perturbée par l'exploitation des clivages communautaires, ethniques ou religieux, très présents dans la région. La tentation pourrait ainsi être grande de la part de certaines autorités politiques d'exploiter ces clivages, en faisant valoir que derrière les aspirations «démocratiques» de leur peuple se cache la main d'une communauté, voire d'une puissance étrangère. Enfin, les répercussions sur les Etats au Sud du Sahara, lesquels entretiennent des liens géopolitiques et historiques avec les grands voisins du Nord, ne peuvent pas être occultées.

Nouvelle donne géopolitique Dans le contexte des révoltes actuelles, trois zones ­ qui se superposent et interagissent ­ attirent notre questionnement:
la première est la «zone arabe», focalisée depuis longtemps sur le «noeud» conflictuel israélo-arabe, mais concentrée aujourd'hui sur la grave crise en Syrie, dont l'issue influera de manière majeure sur la recomposition des acteurs en présence dans la région; la deuxième zone est constituée des puissances, dites en périphérie du «système arabe», telles que la Turquie, l'Iran et Israël, qui tentent, chacune, de se repositionner par rapport à la surprise qu'a constituée, pour elles, le «printemps arabe»; enfin, la troisième zone, à un niveau global, engage la politique américaine et européenne, niveau également marqué par la venue de nouveaux acteurs de poids, tels que la Russie, la Chine ou encore l'Inde.

«Zone arabe» Le facteur de changement potentiellement le plus important du «printemps arabe» réside dans le possible ré-avènement d'un leadership égyptien plus autonome par rapport à son bailleur de fonds américain; son rôle «panarabe» avait été altéré après les Accords de Camp David. Les bouleversements actuels lui donnent cette opportunité de retrouver sa place de puissance régionale, aux côtés notamment de pays comme le Qatar, dont l'activité diplomatique est fortement engagée sur la scène régionale, et l'Arabie Saoudite: Riyad s'est en effet affranchi ouvertement de l'influence américaine au cours des derniers mois, en intervenant militairement au Bahreïn d'abord, puis en soutenant vocalement l'admission de la Palestine à l'ONU.

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La crise actuelle en Syrie recèle un fort potentiel de nuisance, notamment sur le Liban et la Jordanie. L'issue des luttes politiques à Damas aura un impact déterminant sur la redistribution des «hiérarchies» d'Etats dans la région: le régime syrien a d'ailleurs toujours été au centre des luttes d'influence au sein du monde arabe.

L'Irak constitue l'autre enjeu régional central au Moyen-Orient: le départ des troupes américaines a déjà ravivé les rivalités entre Iraniens, Saoudiens, Syriens et Turcs.

Finalement, le paysage arabe n'est pas à l'abri de logiques d'implosion. Une partition du Yémen serait ainsi le pire des messages envoyés au monde arabe et particulièrement aux régions où des logiques semblables préexistent, qui pourraient être «actionnées» à la suite de violences, notamment en Syrie, en Libye ou encore au Liban.

Puissances dites en périphérie du système arabe Sur la scène du Proche-Orient, la nouveauté stratégique induite par les soulèvements tient dans la modification du positionnement géopolitique d'Israël. La frontière pourrait devenir mouvante aux portes de l'Egypte, alors que c'était une frontière de stabilité. Que fera le prochain pouvoir égyptien? Sera-t-on dans la même attitude de confiance? Le traité de Camp David avait pérennisé la sécurité sur le flanc sud-ouest d'Israël. Le dilemme sécuritaire existe également avec la Syrie et le Liban, et il s'accentue au fur et à mesure que le pouvoir jordanien s'affaiblit. En outre, Israël est interpellé sur la pérennité du lien avec les Etats-Unis, mais aussi sur le devenir de l'Etat palestinien.

L'Iran doit suivre les événements avec appréhension, craignant en particulier que la révolte arabe galvanise, chez lui, le mouvement réformateur des «Verts». Téhéran va certainement chercher à préserver ses intérêts principaux dans la région, à savoir son indépendance en matière d'énergie nucléaire, ainsi que le renforcement de son influence au Proche-Orient. De ce point de vue, la chute du régime syrien aurait pour conséquence d'empêcher l'acheminement de l'aide militaire et financière au Hezbollah libanais ainsi qu'au mouvement Hamas ­, et contribuerait à accentuer encore son isolement, en l'obligeant à de difficiles réajustements.

La Turquie, depuis l'arrivée au pouvoir de l'AKP, a développé une présence économique grandissante dans le
«monde arabe» et un intérêt politique de plus en plus affirmé. Sa politique étrangère a pris un tournant majeur, qui coïncide avec son entrée dans le club des puissances émergentes. L'arrivée du «printemps arabe» a perturbé ses ambitions, avec la crainte d'une déstabilisation chez ses voisins immédiats: ainsi, le flottement perceptible du gouvernement turc face à la répression en Syrie, avant finalement qu'il ne la dénonce avec vigueur, a montré les limites de son influence. Ankara se trouve aujourd'hui dans une position délicate, qui nécessite une adaptation de sa politique étrangère. Son redéploiement diplomatique, manifesté notamment par les récentes visites du Premier ministre turc Erdogan en Egypte, en Tunisie et en Libye, démontre à tout le moins sa ferme intention de participer activement à la gestion des événements en cours dans le «monde arabe».

Les spéculations émises sur les processus «géopolitiques» en cours sont à prendre avec beaucoup de prudence. Ceux-ci ne sont pas stabilisés, du fait notamment qu'ils incluent un nouvel acteur dans les relations internationales, c'est-à-dire les peuples eux-mêmes, qui auront de plus en plus voix au chapitre dans le positionnement stratégique futur de leur pays.

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Niveau global L'importance géostratégique de «l'espace arabe» n'est plus à démontrer. Avec les événements qui le secouent aujourd'hui, on assiste à une rupture stratégique qui pourrait, à terme, entraîner une redéfinition de l'ordre régional hérité de la décolonisation.

Jusqu'ici, les Etats-Unis avaient exercé un quasi-monopole sur l'ensemble de la région, leur stratégie ayant consisté, pour l'essentiel, à maintenir la plupart des foyers de crise dans des proportions dites de «basse intensité». Aujourd'hui, avec les bouleversements que connaît le monde arabe, Washington n'a plus les moyens de sa politique, héritée notamment de la doctrine Powell et Bush de l'overwhelming force, L'ordre américain n'est donc plus assuré, ni d'ailleurs ses traditionnels points d'ancrage dans la région. S'y ajoutent en toile de fond les retraits d'Irak et d'Afghanistan, une crise de la dette et la diminution de la dépendance des Etats-Unis vis-à-vis des ressources pétrolières du Golfe et de l'Irak notamment. Ce contexte pèse sur la volonté américaine d'imprimer sa marque au «printemps arabe». Au final, on risque d'assister à un désengagement de Washington dans la région et à une concentration de son activité sur ses seuls fondamentaux, à savoir le soutien à Israël et aux pays du Golfe arabo-persique.

L'Europe de son côté tient également à assurer sa présence dans le monde arabe. A l'instar de la Suisse, les événements récents l'inciteront à réviser ses modes de relations avec les pays de la rive sud et est de la Méditerranée. La gestion de la crise libyenne a révélé les contradictions propres à la politique extérieure et de sécurité européenne: la position de l'Allemagne, qui a refusé de voter la résolution 1973 du Conseil de sécurité pavant la voie à l'intervention internationale afin de protéger la population civile, ou encore le rôle décisif joué par la France et le Royaume-Uni ont modifié les équilibres à l'échelle européenne. Dans ces conditions, le Moyen-Orient et surtout le Maghreb vont devenir les terrains de nouveaux défis et de nouvelles expérimentations pour l'action extérieure européenne.

La Russie a été très vite concernée par le «printemps arabe», bien qu'elle n'y ait aucune proximité géographique, notamment en raison de la présence de l'islam à l'intérieur de ses frontières et la possibilité d'une
contagion révolutionnaire. Du côté chinois, on se méfie également de l'effet d'exemplarité des révoltes arabes. S'il existe d'importantes différences entre le parti communiste chinois et les régimes qui se sont effondrés en Tunisie, en Egypte ou encore en Libye, du moins on peut constater que les revendications exprimées par les manifestants des pays arabes ont trouvé un certain écho auprès des Chinois. Sur le plan externe, des intérêts chinois ont été directement atteints par le mouvement de révolte. Ainsi, en Libye, on a assisté à une évacuation massive de travailleurs chinois, alors que plus de la moitié des projets développés par des compagnies chinoises ont été attaqués et pillés. La situation pourrait encore devenir plus préjudiciable en cas de troubles étendus à l'Iran. Les intérêts économiques et énergétiques de la Chine dans ce pays sont en effet massifs et son image y est particulièrement contestée par une partie de la population, en raison de son soutien au régime en place. C'est donc toute sa politique d'investissements, notamment dans le domaine des hydrocarbures, basée sur les liens avec des régimes autoritaires qui risque d'être fragilisée par ce mouvement.

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Tous ces éléments, nés des révoltes arabes, se bousculent actuellement, sans que des perspectives claires ne soient perceptibles. Ils joueront pourtant un rôle décisif dans l'avenir non seulement de la région sud et est de la Méditerranée, mais aussi au niveau global des relations internationales.

Palestine La question palestinienne a toujours été centrale dans le paysage du Proche-Orient et elle le demeure aujourd'hui: à preuve, l'initiative prise par le président Mahmoud Abbas de s'exprimer, le 23 septembre 2011, à la tribune des Nations Unies à New York, puis, dans la foulée, de remettre au secrétaire général de l'Organisation, une demande d'adhésion de la Palestine en tant que 194e Etat membre de l'ONU.

Au-delà de l'échec qu'elle a suscité auprès du Conseil de sécurité, cette initiative révèle l'exaspération des Palestiniens, 64 ans après le vote de la résolution 181 de l'Assemblée générale de l'ONU prévoyant la division de la Palestine en deux Etats.

A ces éléments, d'autres motifs, plus conjoncturels, ont pu expliquer le «timing» de cette démarche: ­

le «printemps arabe» a libéré la chape de plomb qui prévalait, en ouvrant des espaces de revendications aux peuples de la région, et dont les Palestiniens voudraient aussi profiter;

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l'Autorité palestinienne, et surtout Mahmoud Abbas, sont en quête de crédibilité: nombreux sont les Palestiniens à ne plus croire à la voie des négociations; obtenir un Etat ­ même symbolique ­ à l'ONU permettrait à l'Autorité palestinienne de ne pas apparaître, une fois de plus, comme assujettis aux intérêts américains;

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pour l'Autorité palestinienne et le Fatah (parti majoritaire au sein de l'OLP), il s'agit aussi de concurrencer le Hamas; une victoire diplomatique à l'ONU pourrait renforcer la direction palestinienne dans son face-à-face avec le parti islamiste qui règne sur la bande de Gaza (Hamas et Fatah ont signé un accord de réconciliation au printemps 2011, mais il reste inappliqué);

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les Palestiniens ont posé les fondations de leur Etat; en août 2009, le gouvernement de Salam Fayyad a lancé un chantier de deux ans baptisé «Building Palestine»; l'amélioration socio-économique apportée par le plan Fayyad n'a cependant pas été accompagnée de progrès notable, ce qui a eu pour effet d'accroître la frustration;

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à la tribune de l'ONU, en septembre 2010, le président américain avait évoqué la perspective d'accueillir, un an plus tard, un nouvel Etat, celui de Palestine, dans l'enceinte internationale; ces mots, les Palestiniens ne les ont pas oubliés.

En résumé, le pari palestinien a été d'une part d'engranger un large soutien international à l'ONU (démarche qui n'a toutefois pas abouti au niveau du Conseil de sécurité), d'autre part de conserver sa disponibilité pour des négociations directes avec Israël. L'important aujourd'hui pour M. Abbas est de renforcer à son profit le rapport de force avec Israël: le «printemps arabe» constitue, à cet égard, l'un des facteurs déclencheurs de cette nouvelle stratégie.

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Implications pour la Suisse L'image de la Suisse dans les pays de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient est généralement très bonne, découlant notamment de sa politique de neutralité. Qui plus est, sans agenda partisan ni passé colonial, la Suisse bénéficie d'un profil particulier et de possibilités spécifiques d'actions dans un environnement qui reste le plus souvent polarisé. De par sa politique d'universalité, elle entretient donc des contacts avec la plupart des acteurs dans la région, contacts que d'autres n'ont pas, par exemple avec l'Iran, avec le Hamas ou encore le Hezbollah, ce qui lui donne un avantage comparatif certain, lorsqu'il s'agit en particulier de jouer les bons offices.

Les transitions en cours dans le «monde arabe» obligent aujourd'hui à peser le besoin d'éventuels ajustements dans la politique suisse. Outre les intérêts à la démocratie et à la stabilité (garante de l'accès au marché de l'énergie) qu'elle partage avec les autres Européens, la Suisse doit également veiller à préserver son image positive de pays neutre, qui s'engage pour le droit international et offre ses bons offices. L'engagement de la Suisse dans la région repose sur les principes définis dans la stratégie du Conseil fédéral du 11 mars pour l'Afrique du Nord: le partenariat avec les pays de la région, la pertinence de l'engagement, l'approche gouvernementale globale au sein de l'administration fédérale et la gestion des risques inhérents aux processus de transition démocratique.

Intérêts suisses dans la région Les intérêts suisses, dans cette région qu'est l'Afrique du Nord et le Proche-Orient, qui lui est proche géographiquement, sont d'abord d'ordre politique et sécuritaire.

Notre pays a un intérêt fort à ce que des démocraties stables et dynamiques s'y installent, rien que pour éviter que ne se développent de nouveaux foyers de crise ou des mouvements extrémistes. Afin d'accompagner le processus de transition politique, le Conseil fédéral a ainsi adopté, le 11 mars et le 6 avril 2011, deux stratégies définissant les lignes d'action de la Suisse dans la région. La Suisse est prête à offrir son soutien dans les domaines notamment de l'aide humanitaire, des réformes structurelles, du développement économique et de la lutte contre la pauvreté. Le Département fédéral des affaires étrangères a organisé deux
conférences régionales des ambassadeurs, le 1er mai 2011 à Tunis et le 19 juin 2011 à Doha, afin de définir la mise en oeuvre de ces stratégies. Pour l'heure, la Suisse concentre ses efforts sur l'Afrique du Nord (63 millions de francs pour 2011/2012).

La question migratoire constitue, lorsque l'on considère cette région et plus particulièrement les pays d'Afrique du Nord, un sujet de préoccupation majeure pour les pays situés au nord de la Méditerranée. L'émigration est restée pratiquement inexistante dans les pays arabes, à l'exception des pays suivants: ­

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Le plus grand flux migratoire déclenché par le printemps arabe émanait de la Libye. 765 000 personnes ont quitté ce pays entre le début et la fin de l'insurrection, soit de février à octobre 2011. Parmi celles-ci, près de 450 000 personnes sont retournées dans leurs pays d'origine (Egypte, Algérie, Niger, Tchad et Tunisie), 27 500 ont tenté de gagner l'Italie (26 000) ou Malte (1 500) par la mer, le reste ayant pu quitter la Libye par voie terrestre et rejoindre leur pays d'origine, souvent avec l'aide de l'Organisation Internationale des Migrations. Plusieurs milliers de personnes se trouvent cependant encore dans les camps de réfugiés établis à la frontière libyenne et gérés par le Haut Commissariat aux Réfugiés de l'ONU.

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Environ 27 500 personnes en provenance de la Tunisie sont arrivées sur l'île de Lampedusa en Italie suite à la révolution de janvier 2011. En total, 53 326 réfugiés sont arrivés sur l'île de Lampedusa en 2011.

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Environ 13 000 personnes ont quitté la Syrie depuis le début des révoltes en mars, principalement en direction de la Turquie et du Liban.

En Europe, l'Italie est le pays le plus touché par le flux migratoire en provenance d'Afrique du Nord. L'Italie a signé un accord avec la Tunisie le 6 avril 2011 aux termes duquel elle s'engage à octroyer un visa humanitaire limité à 6 mois au maximum aux personnes arrivées en Italie avant la date de conclusion de l'accord. La Tunisie s'engage quant à elle à réadmettre ses nationaux arrivés en Italie après cette date. Environ 12 000 visas ont été établis et prolongés de 6 mois en octobre 2011. Le nombre de demandes d'asile déposées en Italie est passé de 7350 en 2010 à 29 552 en 2011. Une partie de ces réfugiés s'est rendue illégalement en France, où réside une grande diaspora tunisienne.

Dans le domaine de l'asile, la Suisse est principalement touchée par la migration en provenance de pays tiers. En 2011, 2574 Tunisiens arrivés majoritairement en Italie ont cherché asile en Suisse depuis le début de l'année, contre 358 en 2010. On note également une augmentation des demandes d'asile de ressortissants érythréens (3356, contre 1799 en 2010), somaliens (636, 337) et nigériens, en partie en provenance d'Italie. A noter que la Suisse peut renvoyer des requérants d'asile vers l'Italie par le biais de l'accord de Dublin.

Les autres pays de l'Union européenne n'ont été touchés que très marginalement par le nombre de demandes d'asile déposées par des ressortissants tunisiens ou libyens en provenance d'Italie. En revanche le nombre de demandes d'asile déposées par des ressortissants syriens a augmenté de manière différenciée dans la plupart des pays d'Europe, dont la Suisse.

Sur un plan énergétique, la zone allant de l'Algérie au Golfe arabo-persique constitue un pôle central de l'économie mondiale. La Suisse importe 80 % de ses besoins énergétiques, dont la majeure partie de pétrole et de gaz. Le marché international du pétrole brut est très souple et il est géré par des acteurs économiques privés, ce qui le place quasiment hors du champ d'intervention étatique. A l'heure actuelle, l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient ne jouent qu'un rôle mineur dans les importations helvétiques. Par exemple, au cours de l'année 2010, le pétrole consommé en Suisse venait principalement du Kazakhstan (33,3 %), d'Azerbaïdjan (31,5 %) et de la Libye (17,4 %). Le gaz ne représente en outre que quelque 12 % des besoins
énergétiques de la Suisse et notre pays s'approvisionne presque exclusivement au travers du premier corridor d'approvisionnement venant de la mer du Nord. Il importe également du gaz russe via l'Allemagne (deuxième corridor). Le troisième corridor d'approvisionnement provient d'Algérie et il joue un rôle marginal (2,2 % de l'approvisionnement en gaz en 2009). La flexibilité du marché du pétrole ainsi que la diversification des sources et voies d'approvisionnement suisses ne font pas craindre une pénurie. Mais la durée incertaine des troubles dans le monde arabe, ajoutée aux sanctions internationales exercées sur l'Iran, fait toutefois peser le risque d'une volatilité prolongée des marchés énergétiques d'importation. Ce risque, de plus, est renforcé par les inquiétudes des investisseurs sur la situation au Bahreïn (carrefour portuaire), dans le sultanat d'Oman (assurant la sécurité du détroit d'Ormuz), en Egypte (canal de Suez) et en Arabie Saoudite, par la tendance des entreprises à renforcer leurs stocks ainsi que par l'arrêt presque total de la produc2697

tion libyenne de haute qualité (rare possibilité de substitution). Tous ces facteurs entretiennent une grande instabilité et contribuent à tirer les prix du brut vers le haut.

Enfin, sur les plans économique et financier, la région du Golfe constitue un pôle d'intérêt pour la Suisse. Ses investissements y restent toutefois assez limités. Les destinations principales sont les Emirats Arabes Unis (état fin 2008: 7,83 milliards de francs, soit environ 0,9 % du total des investissements suisses à l'étranger), suivi de l'Arabie Saoudite (état fin 2008: 662 millions de francs, soit environ 0,1 %). Ces deux pays constituent l'afflux le plus important de capitaux dans la région du Golfe depuis trois ans, grâce aussi aux énormes projets d'infrastructure. Dans d'autres pays de la région, comme Oman ou le Qatar, les investissements suisses tendent à s'intensifier. Outre l'industrie, les investissements suisses sont effectués dans le secteur des services, en particulier les services financiers, dans l'hôtellerie, le tourisme et les services logistiques.

Les investissements suisses dans le Golfe pourraient être directement affectés par le ralentissement économique des pays concernés. Ceux-ci en effet voient leur attractivité momentanément réduite par le climat d'incertitude prévalant suite aux révoltes arabes. Malgré le fait qu'elles fassent preuve de dynamisme (investment banking, financement du commerce et de l'immobilier), les activités bancaires ont jusqu'à présent connu un succès limité dans la gestion de fortune. Le conseil aux clients est souvent donné sur place, mais les fonds sont comptabilisés ailleurs (en Europe, Singapour etc.). Cette répartition pourrait s'accentuer. Si la situation devenait instable aux Emirats et au Qatar, les deux principales places financières de la région, un exode massif des clients internationaux sur place ainsi qu'une fuite de capitaux accrue des familles arabes sont à envisager.

Concernant les investissements des pays du Golfe en Suisse, ils sont complexes et difficiles à déceler. Cela découle partiellement du fait que les statistiques ne couvrent que les investissements directs d'un pays à un autre, pas les investissements passant par exemple par des structures corporatives ou financières sises dans des Etats tiers. A notre connaissance, les investissements en Suisse
sont particulièrement prononcés dans l'immobilier, l'hôtellerie et le monde bancaire et proviennent surtout des Emirats Arabes Unis, de l'Arabie Saoudite et du Qatar. Souvent les investissements effectués en Suisse appartiennent à des fonds souverains ou à des entreprises qui sont en possession étatique ou dirigées par des individus de la famille régnante, à l'exemple du fonds souverain Qatar Investment authority, qui détient environ 6,2 % des actions de Crédit Suisse et un consortium de fonds souverains de Dubaï et d'Abu Dhabi qui possède 90 % de SR Technics. A noter dans ce contexte la structure hybride de gouvernance récurrente dans cette région, qui a comme particularité la difficulté de faire la distinction entre propriété particulière et propriété de l'Etat.

Au niveau commercial, les exportations suisses vers le Golfe ont été en augmentation constante de 2000 à 2008; elles concernent en particulier les secteurs des machines, de l'horlogerie, des produits pharmaceutiques et de la joaillerie. Dès 2009, en raison de la crise financière mondiale, nos exportations ont ensuite connu un ralentissement. La Suisse a conclu des accords de protection des investissements avec tous les pays du Conseil de coopération du Golfe (sauf Bahreïn). Un Accord de libre-échange entre le Conseil de coopération du Golfe et l'AELE a par ailleurs été signé en 2009, lequel n'est pas encore entré en vigueur.

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Afrique du Nord Suite aux soulèvements populaires qui ont débouché sur des changements de régime à Tunis et au Caire, le Conseil fédéral a gelé le 19 janvier les avoirs que pouvaient détenir en Suisse l'ancien président Ben Ali ainsi que son entourage, et le 2 février 2011 ceux de l'ancien président Moubarak ainsi que de son entourage. L'Egypte et la Tunisie ont rapidement transmis des demandes d'entraide judiciaire à la Suisse.

Dès les premières violences commises par le régime de Kadhafi à l'encontre de la rébellion du peuple libyen, le gouvernement suisse a bloqué, le 24 février 2011, les avoirs du colonel Kadhafi et des membres de son entourage. Ces gels se fondent depuis la fin mars sur la loi sur les embargos, car le Conseil fédéral applique depuis le 31 mars les sanctions mises en place par le Conseil de sécurité des Nations Unies et les mesures de l'Union européenne qui vont au-delà. La Suisse s'engage en outre pour que les fonds libyens gelés en Suisse soient restitués rapidement au profit du peuple libyen. Une partie importante des avoirs libyens bloqués en Suisse a été libérée suite à la levée des sanctions par le Conseil de sécurité de l'ONU.

L'engagement de la Suisse dans la région (renforcé par une présence de coopération et de développement économique de plus de 30 ans) est défini dans la stratégie du 11 mars 2011: il repose sur un scénario optimiste et s'appuie sur quatre principes de base: le partenariat avec les pays de la région, la pertinence de l'engagement, l'approche gouvernementale globale au sein de l'administration fédérale et la gestion des risques inhérents aux processus de transition démocratique. Les lignes d'actions de la Suisse se concentrent sur trois domaines principaux: ­

Le soutien à la transition démocratique: l'objectif est la mise en place de structures transparentes, participatives et compatibles avec l'Etat de droit.

Les priorités sont les suivantes: le soutien à l'organisation d'élections, la protection des droits de l'homme, le renforcement d'une société civile pluraliste, la réforme du système de sécurité ainsi que l'aide à la restitution rapide d'avoirs illicites de personnes politiquement exposées se trouvant en Suisse.

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Le développement économique: l'objectif est la promotion de petites et moyennes entreprises et la création d'emplois, notamment pour les jeunes dans les régions économiquement affaiblies, ainsi que l'amélioration des conditions économiques générales. S'ajoutent à cela des projets d'infrastructures dans le domaine de l'eau et des activités en faveur de la protection des ressources naturelles.

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La coopération dans le domaine migratoire: l'objectif est une gestion durable des migrations, qui puisse en particulier garantir le retour et la réintégration des migrants, une plus grande implication de la diaspora et la protection des groupes de population les plus exposés.

Pour l'heure, le soutien se concentre principalement sur la transition démocratique et l'organisation d'élections.

Le dialogue politique demeure l'une des composantes essentielles de la politique de la Suisse en Afrique du Nord. Au cours de l'année sous revue, la Suisse a eu un dialogue sur place avec la Tunisie et l'Egypte en avril et avec le Maroc à Berne en juin. Les relations avec la Libye se sont normalisées progressivement depuis la chute du régime de Kadhafi. Après avoir fermé son ambassade à Tripoli en février 2011 pour des raisons de sécurité, la Suisse a été l'un des premiers pays à ouvrir un bureau d'aide humanitaire à Benghazi en mars, suivi en juin par l'ouverture d'un 2699

bureau de liaison à Benghazi dirigé par un envoyé spécial. Plusieurs rencontres à haut niveau ont eu lieu avec les représentants du CNT depuis mars 2011. Pour la première fois depuis 12 ans, un ambassadeur de Libye est accrédité en Suisse.

L'ambassade de Suisse à Tripoli est à nouveau ouverte depuis le 15 octobre 2011.

La Suisse est prête à contribuer dans le cadre de la promotion civile de la paix à une mission politique intégrée des Nations Unies visant à accompagner le processus de transition politique, en mettant à disposition des experts. Elle est en mesure d'offrir ses services dans trois domaines: celui du désarmement, celui de la réforme des secteurs de la sécurité (armée, police, gardes- frontière), ainsi que celui du déminage humanitaire. La Suisse est également prête à fournir son expertise dans le domaine de la justice transitionnelle et du traitement du passé.

Proche-Orient et Moyen-Orient Au Proche-Orient, l'action de la Suisse se concentre sur la promotion des droits de l'homme, du droit international et du droit international humanitaire, par sa politique au niveau multilatéral ainsi que son soutien à des initiatives des Etats ou des sociétés civiles et académiques locales. Elle contribue également à la recherche d'une paix durable par le soutien à des réflexions et rencontres à l'échelle régionale, en collaboration étroite avec les acteurs étatiques et non étatiques, sans exclusivité, notamment par la promotion des propositions de l'Initiative de Genève. La Suisse est donc activement impliquée dans la recherche de solutions au conflit israélo-palestinien ainsi qu'au Liban dans le dialogue inter-communautaire. Enfin, elle soutient un processus régional entre plusieurs Etats concernant la gestion durable de l'eau, comme outil de développement et comme moyen de promotion de la paix. Elle participe également à la «Temporary international Presence in Hebron» (TIPH), qui est une mission d'observation de la situation à Hébron en Cisjordanie, théâtre de fréquents affrontements mineurs entre Palestiniens et colons israéliens. La Suisse soutient par ailleurs la «Multinational Force and Observers», qui comprend une division de civils chargés de vérifier l'application du traité de paix entre Israël et l'Egypte. Enfin, elle est activement associée aux projets concernant la réconciliation et
le traitement du passé.

La Suisse soutient des projets visant à contribuer à l'émergence de sociétés plus inclusives, à améliorer les capacités des Etats à remplir leurs fonctions clé et à favoriser un développement socio-économique durable. Son engagement dans les territoires palestiniens occupés (Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est et Gaza) s'inscrit dans la volonté de contribuer à la construction d'un Etat palestinien viable et démocratique et de créer des conditions propices à la réalisation de la paix.

L'accent est mis sur la promotion et le respect du droit international humanitaire et des droits de l'homme, sur l'accès de tous les Palestiniens à des services de base de qualité (y compris à une aide d'urgence), sur la création d'emplois à long terme et de revenus stables, notamment dans le secteur agricole, et sur le développement d'un système de formation professionnelle à même de répondre aux besoins du marché.

Pour mettre en oeuvre cette politique, la Suisse travaille non seulement en étroite coopération avec l'ONU, le CICR, et des ONG nationales et internationales, mais aussi avec les autorités étatiques des pays partenaires. Elle mène un dialogue politique étendu avec Israël. La dernière rencontre a eu lieu en octobre 2010 en Israël.

Alors que les négociations entre Israéliens et Palestiniens sont interrompues depuis près d'un an, les Palestiniens poursuivent leur objectif de faire reconnaître leur Etat par un nombre important de pays (126 à ce jour) et de faire en sorte que la Palestine 2700

puisse être accueillie au sein des Nations Unies. Diverses initiatives, émanant tant de pays de la région que du Quartet (ONU, Etats-Unis, UE, Russie), tentent de relancer les négociations. La Suisse plaide pour une solution négociée, qui prévoit la création d'un Etat palestinien viable existant aux côtés d'Israël dans des frontières sûres et reconnues.

Depuis le début des troubles en Syrie, le 18 mars, la répression menée par le régime ne faiblit pas. Le 18 mai 2011, le Conseil fédéral a adopté une ordonnance instituant des mesures à l'encontre de la Syrie1. Conformément à la loi du 22 mars 2002 sur les embargos2, la Suisse s'est ainsi ralliée aux sanctions prononcées le 9 mai 2011 par l'Union européenne contre Damas. Ces sanctions prévoient un embargo sur le matériel militaire, le gel des avoirs, des restrictions de déplacement et certaines autres mesures, comme p.ex. des interdictions concernant le pétrole et les produits pétroliers. Pour protester contre les violations systématiques des droits de l'homme dont sont victimes les manifestants, le DFAE a rappelé à Berne pour consultations l'ambassadeur de Suisse en Syrie en août 2011. L'ambassade de Suisse à Damas et le bureau de programme demeurent ouverts et pleinement opérationnels. La Suisse est intervenue à plusieurs reprises au sein du Conseil des droits de l'homme de l'ONU pour dénoncer les violations des droits de l'homme en Syrie et dans plusieurs pays de la région.

Le Yémen est le seul pays de la péninsule arabique auquel la Suisse consacre, depuis 2008, une aide humanitaire au sens classique du terme. La Suisse soutient notamment les partenaires multilatéraux tels que le Haut Commissariat de l'ONU aux réfugiés, le Comité International de la Croix-Rouge et, de manière ponctuelle, l'Organisation Internationale des Migrations et le Programme alimentaire mondial.

Un bureau de programme a été ouvert à Sanaa en janvier 2011.

Suite à l'adoption de la résolution 1929 du Conseil de Sécurité en juin 2010, les Etats-Unis, l'UE et l'ensemble des pays occidentaux ont opté, dès l'été 2010, pour une politique de sanctions unilatérales renforcées à l'encontre de l'Iran, avec pour objectif de ramener ce dernier à la table de négociation sur le dossier nucléaire. Les rencontres entre les E3+33 et l'Iran, organisées par le DFAE à Genève en décembre
2010 et par la Turquie à Istanbul en janvier 2011 n'ont permis aucune avancée significative. Trois rapports de l'AIEA ont été produits depuis début 2011, le dernier en novembre; celui-ci mentionne que l'Iran a travaillé à la mise au point de l'arme atomique. Il constitue la prise de position la plus sévère de l'agence après huit ans d'enquête. Le dernier dialogue politique avec l'Iran a eu lieu en janvier 2011 à Téhéran. Le 19 janvier, le Conseil fédéral a décidé de renforcer son régime de sanctions contre l'Iran4 et de l'élever à un niveau égal au régime européen. Dans le cadre du mandat de représentation des intérêts américains, le DFAE a continué à s'engager pour aider les deux parties à trouver des solutions sur les cas consulaires américains en Iran.

Totalement épargné par la vague de protestations qui a touché le monde arabe pendant l'année sous revue, le Qatar a vu son prestige croître dans la région, notamment grâce à la couverture des événements dans les pays concernés par la chaîne de 1 2 3 4

RS 946.231.172.7 RS 946.231 Allemagne, Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie Ordonnance du 19 janvier 2011 instituant des mesures à l'encontre de la République islamique d'Iran, RS 946.231.143.6

2701

télévision qatarie, Al-Jazzera, mais également grâce à son engagement en Libye et à son soutien à l'opposition au Yémen. Le Conseil fédéral a décidé en août 2011 d'ouvrir une ambassade à Doha. Des consultations politiques à haut niveau ont eu lieu à Mascate (Oman) en janvier 2011, à Doha (Qatar) en juin et avec le Koweït à Berne en septembre.

Enjeux et perspectives S'il est encore trop tôt pour évaluer l'ensemble des conséquences régionales du «printemps arabe», l'on constate d'ores et déjà un mouvement dans les alliances stratégiques. Ainsi, l'Egypte tente de se positionner en tant que leader du monde arabe, comme le démontrent la négociation de l'accord entre le Fatah et le Hamas, conclu en mai 2011 sous l'égide de l'Egypte, ou encore la réouverture du point de passage de Rafah, entre l'Egypte et Gaza. Les liens entre l'Iran, la Syrie, le Hezbollah et le Hamas sont remis en cause par la situation en Syrie, partenaire stratégique de l'Iran, qui risque de se replier sur l'Irak suite au retrait des troupes américaines.

La Turquie, après avoir pris ses distances avec la Syrie, se présente dorénavant comme défenseur de la cause palestinienne, ce qui aura pour effet d'accroître davantage encore l'isolement d'Israël. La transition sera longue dans les pays débarrassés de leur ancien régime. En réprimant la révolte au Bahreïn, l'Arabie Saoudite a démontré qu'elle ne tolérait pas une contagion du printemps arabe dans les pays du Golfe. Les monarchies du Golfe ne pourront cependant pas faire l'économie de réformes, si elles veulent éviter d'être à nouveau confrontées à des troubles qui pourraient avoir des conséquences imprévisibles sur l'économie mondiale.

La Suisse fait face à ces défis en agissant activement en faveur de la promotion de la paix et de la stabilité dans la région. Les deux stratégies adoptées par le Conseil fédéral sur la région lui donnent la capacité de s'engager davantage en cas de besoin.

2

Activités de politique extérieure pendant l'année sous revue

2.1

Priorités géographiques de la politique extérieure de la Suisse

La Suisse poursuit une politique d'universalité dans ses relations diplomatiques: elle cherche à entretenir des relations étroites avec tous les Etats et toutes les organisations internationales, quelles que soient leurs positions et orientations politiques.

Cette approche pratiquée depuis des décennies permet à la Suisse, qui n'est membre ni de l'Union européenne ni d'aucune alliance militaire, de défendre ses intérêts dans le monde entier et dans tous les secteurs.

Universalité ne signifie cependant pas absence de priorités. La Suisse attache ainsi une importance particulière à ses partenaires stratégiques et aux Etats voisins. Elle prend également en compte l'actuelle modification des rapports de force dans le monde, notamment la montée des pays émergents et la création d'un nouvel ordre mondial, et cherche à se positionner le mieux possible en adaptant ses activités internationales aux changements de contexte.

Dans les pages qui suivent, tous les Etats et toutes les organisations internationales ne seront pas nécessairement mentionnés. Ils conservent cependant toute leur importance pour la Suisse, et les uns ou les autres peuvent devenir prioritaires selon les 2702

enjeux et les circonstances. De même, les différents pays et régions ne sont pas nécessairement traités proportionnellement à l'intensité de leurs relations avec la Suisse. Les paragraphes suivants portent bien plus sur les points forts de l'engagement qui ont dominé la politique extérieure de la Suisse durant l'année sous revue.

2.1.1

Politique européenne

Au cours de l'année 2011, le renforcement de l'intégration de l'Union européenne (UE) s'est poursuivi, non sans heurts et difficultés. Alors qu'une grave crise économique, budgétaire et financière a largement marqué l'année sous revue dans plusieurs pays de la zone euro et que les conséquences migratoires du «printemps arabe» ont engendré des tensions dans le système de Schengen-Dublin et dans la politique d'asile commune de l'UE, le processus d'élargissement de l'UE, avec notamment la conclusion des négociations d'adhésion de la Croatie, s'est poursuivi.

Malgré les difficultés auxquelles elle est confrontée, l'UE, avec ses Etats membres, demeure la première puissance économique au monde et la puissance dominante sur le continent.

Dans ce contexte peu favorable, l'UE s'est employée à renforcer ses capacités et moyens dans les domaines de la politique étrangère, ainsi que de la politique de sécurité et de défense. L'année 2011 a vu la concrétisation graduelle du Service Européen pour l'Action Extérieure (SEAE), dont le mandat principal consiste à mieux coordonner la politique extérieure et de sécurité de l'UE et de ses Etats membres. A cela s'ajoute l'ambition de l'UE de tenir lieu de référence internationale en créant des normes juridiques communément acceptées et de commencer au niveau européen. D'où sa détermination ­ même si la pratique laisse parfois à désirer ­ à renforcer sa discipline et celle de ses Etats membres et à agir de façon coordonnée afin d'accroître son influence sur d'autres organisations internationales et notamment aussi européennes, telles que l'OSCE ou le Conseil de l'Europe. A cet égard, l'adhésion prochaine de l'UE à la Convention européenne des droits de l'homme constitue une étape dont on ne saurait négliger l'importance.

La Suisse, qui est située géographiquement au coeur du continent, mais qui n'est pas membre de sa principale organisation, l'UE, doit porter une attention particulière à ces évolutions. En effet, ces dernières l'affectent directement ou indirectement, comme les exemples récents de la hausse du franc suisse liée à la crise de l'euro, ou encore les tensions migratoires provoquées par le phénomène du «printemps arabe» l'ont démontré au cours de l'année 2011. Du fait des relations très étroites qu'elle entretient avec l'UE, la Suisse doit donc suivre de
près la dynamique de la politique d'intégration de l'Union et adapter si nécessaire sa politique afin de pouvoir défendre au mieux ses intérêts. Parallèlement, elle doit également utiliser la palette d'instruments de politique extérieure dont elle dispose et s'appuyer notamment sur des organisations telles que le Conseil de l'Europe, l'OSCE ou l'AELE, dont elle est membre, et sur les relations bilatérales étroites qu'elle entretient avec les pays européens.

2703

2.1.1.1

Union européenne

Les évolutions les plus importantes en matière de politique européenne depuis 2010 sont examinées ci-dessous et évaluées à l'aune de leur importance pour la Suisse et sa politique européenne. Ce chapitre est également consacré à l'évolution des relations entre la Suisse et l'UE. Enfin, les orientations de politique européenne précisées par le Conseil fédéral au cours de l'année 2011 sont également commentées.

Conséquences pour la Suisse des évolutions au sein de l'UE L'UE face à une profonde crise économique, financière et budgétaire dans plusieurs Etats membres de la zone euro: Depuis le printemps 2010, la monnaie commune des dix-sept Etats membres constituant le système euro connaît une crise qui, onze ans après son introduction, exige une solidarité accrue et soulève de nombreuses questions concernant son avenir. Les turbulences de la crise financière mondiale de 2007 et 2008 ont renforcé la perception du risque par les marchés de capitaux et aiguisé le regard porté sur les zones de tension internes à la zone euro, cette dernière devant imposer une politique monétaire axée sur la stabilité pour asseoir des économies tout aussi hétérogènes qu'auparavant. Cette tâche est loin d'être aisée car les divergences en termes de compétitivité, de taux d'intérêt réels et de discipline budgétaire ont introduit des déséquilibres dans les balances des paiements et augmenté l'endettement au sein de la zone euro. Après que les marchés ont perdu confiance dans la capacité de paiement de certains Etats membres, l'UE a mis en place des mesures de sauvetage sans précédent afin de soutenir l'ajustement des pays fortement endettés, parallèlement à l'action du FMI.

Dans le même temps, l'Union a ouvert un débat sur les réformes à long terme allant au-delà de ces mesures décidées dans l'urgence. Les propositions introduites jusqu'à maintenant visent principalement une application plus stricte de la discipline budgétaire, mais également des réformes structurelles ainsi que la convergence des politiques économiques des Etats membres de la zone euro et un mécanisme de sauvetage permanent. Reste à savoir dans quelle mesure ces idées seront converties en changements concrets pour la zone euro et, le cas échéant, pour toute l'UE. Au-delà de la politique monétaire, la monnaie unique demeure un projet politique et une étape
importante de l'approfondissement de l'intégration européenne. Un échec de sa stabilisation, voire de l'Union économique et monétaire, pourrait, dans le pire des cas, ébranler jusque dans ses fondements le projet jusqu'ici réussi de l'Union européenne.

La Suisse n'a guère de prise sur cette problématique interne à l'UE. Toutefois, les exportations helvétiques sont confrontées à des incertitudes supplémentaires liées en particulier au taux de change du franc suisse face à l'euro, ainsi qu'à la dynamique économique de l'un de nos principaux débouchés. La tâche dont l'UE doit s'acquitter mobilisera probablement un engagement politique conséquent et poussera l'Union à tourner son regard davantage vers l'intérieur. Des dissonances ne sont pas à exclure entre les Etats membres, même si les débats au sein de l'UE peuvent déboucher sur une collaboration communautaire renforcée.

Le récent sommet européen sur la crise de l'euro, qui s'est tenu les 8 et 9 décembre 2011, pourrait bien avoir livré des indices sur ce que l'UE est amenée à devenir.

Dans l'espoir de restaurer la confiance des marchés dans les obligations qu'ils émettent, les Etats de la zone euro ont notamment adopté une déclaration d'intention qui vise en premier lieu la création à long terme d'une «union de stabilité fiscale»: 2704

un nouveau traité intergouvernemental doit, en dehors du Traité de Lisbonne, inscrire dans le droit primaire européen des dispositions visant une meilleure application des règles de discipline budgétaire. A l'exception de la Grande-Bretagne, la plupart des Etats n'appartenant pas à la zone euro, si ce n'est tous, participeront à ce traité5.

L'UE aurait volontiers évité cette situation, qui n'est pas sans rappeler la création de l'espace Schengen, dont tous les Etats membres de l'UE ne font pas encore partie.

Ce sont peut-être là les premiers signes d'une future Europe à géométrie variable.

Car, outre une nouvelle base légale visant une meilleure discipline budgétaire, les Etats de la zone euro et les autres Etats membres de l'UE recherchent une coopération plus étroite dans le domaine de la politique économique. Si une économie nationale aussi importante que celle de la Grande-Bretagne restait effectivement à l'écart, cela ne serait pas sans conséquences pour le marché intérieur européen: des conditions réglementaires hétéroclites au sein de l'UE pourraient mener à des distorsions de la concurrence et donc à des tensions au sein de l'Union. Les impondérables qui sont liés à cette situation pourraient placer la Suisse face à de nouveaux défis dans la relation étroite qu'elle entretient avec l'UE.

En effet, l'intensité des échanges économiques et commerciaux entre la Suisse et l'UE rendent notre économie d'autant plus dépendante des fluctuations du dynamisme économique de son principal partenaire, y compris s'agissant des fluctuations du taux de change. C'est du reste afin de lutter contre la pression persistante à la hausse du franc suisse que la BNS a fixé un cours plancher de 1 fr. 20 pour un euro.

Il importe en premier lieu que les responsables de la situation actuelle résolvent la problématique de l'endettement, condition sine qua non pour un rétablissement de la confiance.

D'autre part, la gravité de la situation budgétaire à laquelle sont confrontés l'UE et nombre de ses Etats membres met les Etats concernés sous la pression particulière de devoir stabiliser la situation en augmentant leurs recettes fiscales. De ce point de vue, des accords sur une imposition libératoire à la source, comme ceux que la Suisse a récemment négociés avec l'Allemagne et le Royaume-Uni, pourraient être un
soutien utile à leurs efforts de stabilisation budgétaire (voir ch. 2.3.1).

Politique migratoire et politique d'asile: Les importants flux migratoires vers l'Europe induits par les révolutions du «printemps arabe» en Afrique du Nord, principalement via Malte et l'Italie, ont mis à rude épreuve le fonctionnement des mécanismes de l'espace Schengen/Dublin, dont la Suisse fait partie. Sans aller jusqu'à remettre en question la coopération en tant que telle, ils ont relancé la discussion sur les possibilités d'amélioration du système. Ainsi, les propositions de renforcement de la gouvernance de Schengen présentées par la Commission européenne le 16 septembre 2011 visent notamment à donner plus de poids à la Commission européenne dans le cadre d'un rétablissement provisoire des contrôles aux frontières internes de Schengen.

Il est également question de moderniser la procédure Dublin et de régler ainsi la question des compétences dans le traitement des demandes d'asile. Enfin, indépendamment de Schengen/Dublin, l'UE redouble d'efforts en vue de concrétiser, si 5

Il s'agit en particulier d'introduire des freins nationaux à l'endettement ainsi que des sanctions plus automatiques contre les manquements aux règles de discipline budgétaire, un principe déjà largement consacré par le droit dérivé (sanctions en cas de déficit budgétaire excédant 3 % du PIB ou, le cas échéant, en cas d'absence d'un programme de réduction de la dette globale visant à passer en dessous des 60 % du PIB).

2705

possible d'ici fin 2012, sa politique commune d'asile, qui vise à harmoniser l'examen des requêtes, à établir des standards minimaux en termes de prise en charge et de logement des requérants particulièrement vulnérables et à mettre en place un mécanisme de soutien en faveur des Etats membres confrontés à un afflux important de demandeurs d'asile. Il est tout autant dans l'intérêt de la Suisse que les procédures d'asile au niveau européen soient plus efficaces grâce à la mise en place de standards communs. Les mécanismes de Dublin s'en trouveraient ainsi renforcés.

Perspectives en matière d'élargissement: Malgré les difficultés qu'elle affronte, l'Union continue d'exercer sa force d'attraction sur les Etats tiers en Europe, avec une dizaine d'Etats souhaitant s'y intégrer, au moins à long terme. Toutefois, au vu des expériences réalisées lors des cycles d'élargissement de 2004 et 2007, l'UE souhaite accorder une plus grande attention au respect des critères d'adhésion par les Etats candidats, et ce avant leur adhésion effective. Les discussions avec la Turquie continuent d'avancer au ralenti. Elles pourraient même connaître un arrêt de leur développement dans la mesure où l'ouverture de nombreux chapitres de négociations demeure bloquée soit par le contentieux turco-chypriote, soit de par l'opposition d'importants Etats membres de l'UE. Quant à l'Islande, du fait de sa participation à l'EEE et à l'espace Schengen, son adhésion en 2014 ou 2015 est tout à fait possible, pour peu que les Islandais en décident ainsi lors d'un référendum dont l'issue apparaît très incertaine. Les pays des Balkans occidentaux ont une perspective d'adhésion officielle, qui ne manque pas de favoriser certaines réformes ainsi que les efforts de stabilisation et de coopération sur le plan régional. D'autres pays tels que l'Ukraine ou la Moldavie ont déclaré que l'adhésion à l'UE représentait un objectif à long terme de leur politique extérieure.

Le 9 décembre 2011, la Croatie a signé le traité d'adhésion à l'UE. Si le référendum croate aboutit à une issue positive et si les actuels Etats membres ratifient cette demande d'adhésion, la Croatie deviendra le 28e Etat membre de l'UE le 1er juillet 2013. L'adhésion de la Croatie à l'UE pourrait représenter une étape importante, non seulement pour le jeune Etat des Balkans mais
aussi pour l'avenir de la politique d'élargissement européenne. Le cas de la Croatie a placé pour la première fois le thème de la justice et des droits fondamentaux au centre des négociations et a déclenché une impressionnante campagne anti-corruption. Ce processus a engendré de nouveaux critères pour l'adhésion des futurs candidats à l'UE. Cette impulsion en faveur de la stabilité et de l'intégration devrait avoir un impact positif sur la région des Balkans occidentaux. Pour la Suisse, l'adhésion de la Croatie à l'UE va de pair avec une adaptation des rapports conventionnels bilatéraux, notamment dans le domaine de la libre circulation des personnes (qui est soumise au référendum facultatif) et, le cas échéant, de la contribution à l'élargissement. Les négociations sur un nouveau protocole à l'Accord sur la libre circulation des personnes6 devraient porter pour l'essentiel sur la durée du régime de transition (sept ans en principe), les contingents pendant la phase de transition et la durée de la clause de sauvegarde spécifique.

La Politique européenne de voisinage (PEV): Créée en 2004 dans le but d'éviter que l'adhésion de dix pays d'Europe centrale et orientale n'entraîne de nouveaux clivages sur le continent européen, la PEV permet aux 16 pays voisins concernés une 6

Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes, RS 0.142.112.681

2706

collaboration politique et économique approfondie, mais d'un niveau inférieur à l'adhésion. A long terme se pose toutefois la question de savoir si cette politique pourra répondre aux attentes des pays partenaires. En effet, l'on ne saurait exclure la création de nouvelles formes de coopération qui, sans impliquer une adhésion pleine et entière à l'UE, puissent offrir une intégration étroite dans le marché intérieur de l'Union. Depuis l'éclatement des révolutions dans le monde arabe en décembre 2010, l'UE s'est fortement préoccupée de son voisinage des rives sud de la Méditerranée. A court terme, il s'agissait d'évacuer les ressortissants de l'UE et d'autres pays, d'assurer l'aide humanitaire et d'imposer et de mettre en oeuvre des sanctions ciblées (dans les domaines des visas, financier et commercial). Une autre priorité immédiate a été la prévention et la gestion des flux migratoires vers l'Europe. C'est dans ce contexte qu'en mai 2011, la Commission européenne a présenté ses propositions pour une réforme de la PEV.

Avec un budget passant de 5,7 milliards à presque 7 milliards d'euros pour la période 2011­2013, cette politique doit contribuer à soutenir la tenue d'élections libres et justes, le renforcement des droits de l'homme et de l'Etat de droit, la lutte contre la corruption, la réforme de la justice ainsi qu'un meilleur accès au marché intérieur des 27 (au moyen de facilitations commerciales et de voyage). Les sociétés civiles locales doivent être mieux intégrées dans ce processus et les Etats partenaires soutenus proportionnellement à leur volonté de réforme (différenciation et conditionnalité). Alors que les Etats bénéficiaires de la PEV qui sont également parties au Partenariat oriental (PO) craignent que le «printemps arabe» n'entraîne une baisse de l'attention que l'UE leur porte, une relance du projet peu concluant à ce jour d'Union pour la Méditerranée (qui n'est pas formellement intégrée à la PEV) demeure incertaine. Pour la Suisse, il importe de continuer à suivre de près les activités de l'UE au titre de la PEV et d'examiner d'éventuelles opportunités de coopération ponctuelle.

Politique énergétique extérieure: A la lumière des événements survenus à Fukushima, l'UE a lancé un «test de résistance» pour l'ensemble de ses centrales nucléaires. En même temps, les pays voisins ont
été invités à une collaboration étroite lors de ces analyses de sécurité. Vu l'importance qu'elle accorde au renforcement de la sécurité nucléaire au niveau international, la Suisse a participé à plusieurs réunions de haut niveau avec l'UE et a ­ parallèlement aux réévaluations de sécurité nationale ­ également exécuté les tests de résistance de l'UE. En septembre 2011, la Commission européenne a publié une communication sur la politique énergétique extérieure7, qui vise à rendre plus cohérente l'action de l'UE et couvre la durabilité, la compétitivité et la sécurité d'approvisionnement en énergie. La communication souligne l'importance de la conclusion d'un accord dans le domaine de l'électricité avec la Suisse, qui pourrait ensuite être élargi à d'autres domaines de coopération.

7

Communication from the Commission on security of energy supply and international cooperation ­ «The EU Energy Policy: Engaging with Partners beyond Our Borders»; COM (2011).

2707

La voie bilatérale face à de nouveaux défis Questions institutionnelles: Des nombreux et intenses contacts intervenus à haut niveau entre la Suisse et l'UE8, il ressort que, du point de vue de l'UE, les relations avec notre pays continuent à être qualifiées de bonnes et intenses. Cela étant, les représentants des institutions de l'UE (Commission, Conseil et Parlement) ainsi que d'un certain nombre d'Etats membres soulignent de plus en plus clairement le fait que, selon eux, le fonctionnement actuel de la voie bilatérale suivie par la Suisse à ce jour aurait atteint ses limites et que de nouvelles solutions institutionnelles doivent être trouvées, notamment en ce qui concerne les mécanismes d'adaptation des accords aux évolutions de l'acquis communautaire, leur interprétation, la surveillance de leur application et la résolution des différends.

Cette position de principe est également défendue par les représentants de l'UE dans le cadre des négociations sectorielles actuellement en cours dans divers domaines.

Ainsi, on a constaté un ralentissement, voire dans certains cas un blocage, de l'avancement des négociations pour des motifs liés, en partie tout au moins, aux questions institutionnelles. Dans le domaine de l'agriculture, de la sécurité des aliments et des produits et de la santé publique, il n'a ainsi plus été possible d'avancer dans les négociations depuis plusieurs mois; les pourparlers en matière d'électricité sont également freinés. Dans le domaine de la sécurité des produits chimiques (REACH), l'UE n'a pas adopté de mandat de négociation à cause des questions institutionnelles.

Ce contexte et ces difficultés n'ont toutefois pas empêché le développement de nos accords existants dans divers domaines en 2011. Ainsi, dans le cadre de l'association de la Suisse à Schengen/Dublin en 2011, seize développements de l'acquis de Schengen ont été notifiés à la Suisse par l'UE. Il s'agit principalement de domaines techniques et administratifs dont l'approbation relève de la compétence du Conseil fédéral.

Dans le domaine migratoire, la Suisse, la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein ont décidé d'entamer des négociations en vue d'une participation au Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO). Les principales tâches de l'EASO sont le soutien aux Etats membres dont le système d'asile et
les capacités d'accueil sont soumis à une pression particulière, de même que la coordination des analyses des Etats membres relatives aux Etats de provenance des requérants d'asile. En participant à l'EASO, la Suisse aura accès à ses activités de soutien et contribuera ainsi au renforcement du système de Schengen-Dublin. D'autre part, elle pourra bénéficier de la coopération accrue entre Etats membres face aux défis posés par les flux migratoires. Le mandat de négociation a été approuvé par le Conseil fédéral le 6 juillet 2011 et soumis pour consultation aux commissions de politique extérieure du Parlement fédéral, qui l'ont approuvé. Les négociations avec l'UE débuteront ainsi début 2012.

Le 17 mai 2011, le chef du DFE a signé à Bruxelles l'accord sur la reconnaissance mutuelle des appellations d'origine et des indications géographiques protégées des produits agricoles et des denrées alimentaires. Ce dernier est entré en vigueur le 8

A titre d'exemple, on mentionnera à cet égard la rencontre de travail de la présidente de la Confédération avec le président de la Commission européenne à Bruxelles le 8 février 2011, la visite de travail à Bruxelles du chef du DFE le 17 mai 2011, ainsi que la visite officielle en Suisse du président du Parlement européen, le 9 juin 2011, et celle de la présidente de la Confédération, à l'invitation du président du Comité de politique étrangère du Parlement européen, le 11 octobre 2011.

2708

1er décembre 2011. Il constitue une nouvelle annexe de l'accord agricole entre la Suisse et l'UE9 et garantit la protection réciproque des données géographiques relatives aux produits agricoles. Ce faisant, il constitue un pas important dans les relations déjà étroites entre la Suisse et l'UE dans le domaine agricole. Dans le domaine de la reconnaissance des qualifications professionnelles, la Suisse et l'UE sont parvenues, au terme de longues négociations, à s'entendre sur l'actualisation de l'Annexe III à l'Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP). La décision y relative du Comité mixte de l'ALCP est intervenue en septembre 2011. Après consultation des commissions compétentes du Parlement fédéral, le Conseil fédéral a décidé d'en appliquer provisoirement la partie qui ne nécessite pas de modifications législatives en Suisse à partir du 1er novembre 2011. Pour le reste, un message sera soumis au Parlement fédéral en février 2012. Cette révision contient essentiellement, outre une extension du champ d'application de l'Annexe III à la Roumanie et à la Bulgarie, la reprise de la Directive 2005/3610, qui consolide l'acquis existant en matière de reconnaissance mutuelle des diplômes.

Dans le domaine du transport aérien, le Conseil fédéral a approuvé en juin 2011 un mandat de négociation relatif à une libéralisation des vols domestiques («cabotage»). En novembre 2011, les négociations ont rapidement abouti sous forme d'un projet de protocole d'amendement de l'accord sur le transport aérien11. Toutefois, la Commission a souligné formellement qu'elle ne finaliserait pas ce projet avant que la Suisse ait accepté d'établir d'une part un lien fonctionnel entre les systèmes suisse et communautaire d'ETS dans le domaine du transport aérien et, d'autre part, des mécanismes institutionnels renforcés pour les accords dans le domaine du marché intérieur.

De plus, des négociations ont pu être ouvertes en vue d'un rattachement des systèmes d'échange de quotas d'émission de CO2 (SEQE) suisse et européen. Lors de deux séances en mars et septembre 2011, les délégations ont souligné qu'un futur accord devrait couvrir aussi bien les émissions de CO2 des installations stationnaires que celles du trafic aérien international.

Sur la base du mandat adopté par le Conseil fédéral en 2010, les négociations en
vue d'un accord de collaboration entre les autorités de concurrence ont bien progressé.

Après une première réunion à Bruxelles en mars 2011, une deuxième réunion s'est tenue à Zurich en juillet 2011 et a notamment permis aux délégations d'approfondir la question de l'échange d'informations entre autorités. La coopération visée par l'accord devrait permettre de lutter contre les restrictions transfrontalières à la concurrence, enjeu fondamental en raison des liens économiques étroits qui lient la Suisse à l'UE. L'accord instaurera, mis à part quelques exceptions, la base d'une collaboration formelle en la matière et permettra de renforcer l'action des autorités des Parties et d'éviter la duplication de leurs travaux.

Une coopération avec l'Agence européenne de défense (AED) devrait permettre à la Suisse de participer à certains projets et programmes d'armement dans les domaines de la recherche, de l'acquisition et de l'entretien. Pour la Suisse, pôle technologique, 9 10 11

Accord du 21 juin 1999 entre le Confédération suisse et la Communauté européenne relatif aux échanges de produits agricoles, RS 0.916.026.81 Directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, JO. L 255 du 30.9.2005, p. 22 Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur le transport aérien, RS 0.748.127.192.68

2709

économique et de recherche important, une telle collaboration présente un intérêt considérable et bénéficie du soutien de l'industrie suisse de l'armement, tributaire des exportations. Toutefois, il n'existe pas de devoir de coopération: la Suisse peut décider librement des projets et des programmes de l'agence auxquels elle souhaite participer. Les bases de la coopération ont déjà été négociées et doivent encore être approuvées par les deux parties avant d'entrer en vigueur. Le Conseil de l'UE a approuvé le dossier le 30 novembre 2011. Côté suisse, le Conseil fédéral doit donner son approbation le plus rapidement possible. Dans ce dossier, les intérêts sont équilibrés et les questions institutionnelles ne posent aucun problème.

Une grande partie de la Contribution suisse à l'élargissement de 1,257 milliard de francs a été engagée pour des projets spécifiques, qui sont maintenant prêts à être réalisés. La Commission européenne, qui est informée semestriellement sur les projets approuvés, s'est dite satisfaite du processus de mise en oeuvre. Il s'avère déjà que cette contribution engendre de la reconnaissance de la part des nouveaux Etats membres envers la Suisse et qu'elle offre le potentiel de renforcer les relations bilatérales avec ces Etats à travers les nombreuses coopérations institutionnelles qu'elle soutient. Plus généralement, elle s'inscrit dans le cadre de l'action de la Suisse en faveur de la stabilité sur le continent et, par là même, représente un instrument significatif de politique européenne.

Orientations de la politique européenne: Les considérations qui précèdent semblent confirmer l'analyse établie dans le rapport du Conseil fédéral du 17 septembre 2010 sur l'évaluation de la politique européenne de la Suisse12, selon laquelle la poursuite et le développement de la voie bilatérale sont devenus plus difficiles. On ne sait pas encore clairement dans quelle mesure les changements structurels liés à la crise de l'euro influenceront la politique de l'UE par rapport aux Etats tiers tels que la Suisse. Une orientation plus marquée vers une Europe à géométrie variable (en raison par exemple de politiques d'exception menées par des Etats membres tels que la Grande-Bretagne) pourrait assouplir la politique européenne à notre égard. A l'inverse, il est aussi possible que l'UE cherche
plus que jamais à homogénéiser son espace juridique (surtout en ce qui concerne le marché unique).

Il n'en demeure pas moins que la voie bilatérale reste actuellement l'instrument le plus approprié pour la politique européenne de la Suisse. C'est la raison pour laquelle, lors de sa séance spéciale du 18 août 2010, le Conseil fédéral a confirmé sa volonté de poursuivre sur cette voie. Pour ce faire, il a décidé, les 26 janvier et 4 mai 2011, de suivre une approche globale et coordonnée dans la conduite des négociations avec l'UE. Il a notamment décidé, d'une part, de poursuivre les discussions exploratoires sur les questions institutionnelles avec l'UE et, d'autre part, d'examiner de manière autonome diverses solutions envisageables. Dans le même temps, le Conseil fédéral a entretenu des échanges réguliers tant avec les cantons ­ par l'intermédiaire de la Conférence des gouvernements cantonaux (CdC) ­ qu'avec les principaux milieux intéressés, en particulier les partenaires sociaux et les associations faîtières de l'économie. Sur cette base, il a précisé son approche le 31 août 2011 et fait l'état des lieux des discussions exploratoires menées avec l'UE sur les questions institutionnelles dans la perspective d'éventuelles négociations à cet égard.

12

Rapport du Conseil fédéral sur l'évaluation de la politique européenne de la Suisse (en réponse au postulat Markwalder [09.3560] «Politique européenne. Evaluation, Priorités, mesures immédiates et prochaines étapes d'intégration») du 17 septembre 2010, FF 2010 6615.

2710

L'objectif consiste toujours, dans un premier temps, à concrétiser l'approche globale et coordonnée afin d'aboutir, dans les différents dossiers, à des accords satisfaisants pour les deux parties, qui permettent d'améliorer l'accès réciproque au marché tout en consolidant la voie bilatérale.

Ainsi que le Conseil fédéral l'a constaté à l'occasion de sa séance spéciale du 4 mai 2011, les questions institutionnelles jouent un rôle important pour l'UE. Il convient donc de trouver des solutions permettant de poursuivre et de consolider la voie bilatérale. Les efforts déployés en 2011afin de jeter les bases nécessaires seront donc poursuivis.

2.1.1.2

Conseil de l'Europe et OSCE

Conseil de l'Europe Le Conseil de l'Europe s'attache en priorité à sauvegarder et à promouvoir les droits de l'homme, la démocratie et l'Etat de droit, principes qui sont également inscrits dans la Constitution fédérale. En être membre permet donc à la Suisse de contribuer à la réalisation de ces objectifs en Europe. L'Assemblée parlementaire, qui confère sa légitimité démocratique au Conseil, et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux d'Europe jouent un rôle particulièrement important en la matière. Au Conseil, la Suisse participe à l'élaboration de normes juridiques contraignantes pour résoudre les problèmes rencontrés dans les domaines des droits de l'homme, de la démocratie et de l'Etat de droit. A titre d'exemples, citons la Convention du Conseil de l'Europe du 23 novembre 2001 sur la cybercriminalité13, ratifiée par la Suisse en septembre 2011, et la Convention sur la contrefaçon des produits médicaux14, que notre pays a signée en octobre de la même année. La Suisse a participé de façon décisive à l'élaboration de ces deux conventions.

La Suisse s'engage énergiquement pour la réforme de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), en état de surcharge chronique avec plus de 160 000 plaintes en suspens. Elle joue un rôle important dans les travaux correspondants et a marqué le processus de son empreinte en organisant la Conférence d'Interlaken en février 2010. Ce processus a été poursuivi par la Turquie, l'Ukraine et la Grande-Bretagne, qui ont par la suite assumé la présidence du Conseil. En avril 2011, l'Assemblée parlementaire a élu à la CEDH la Suissesse Helen Keller pour succéder au juge sortant suisse Giorgio Malinverni.

Censées recentrer le Conseil de l'Europe sur l'action et lui donner une importance politique accrue, les réformes entamées sous la présidence suisse par le secrétaire général du Conseil sont achevées pour l'essentiel depuis mi-2011. L'amorce d'un renforcement du rôle politique du Conseil se manifeste dans son attitude vis-à-vis des Etats côtiers du sud de la Méditerranée, auxquels il a offert son savoir-faire et ses instruments, de même que dans ses initiatives pour protéger les Roms ou sur le thème des migrations et de l'asile. Avec le rapport «Vivre ensemble en Europe au XXIe siècle», discuté lors de la session du Comité des ministres à Istanbul en mai 2011, le Conseil de l'Europe a fourni en outre une contribution remarquable à un 13 14

RS 0.311.43 Convention du Conseil de l'Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique, http://conventions.coe.int/Treaty/Commun/ListeTraites.asp?CM=8&CL=GER

2711

débat crucial de politique sociale. Entre-temps, un nouveau sujet s'est imposé: les réformes de la Banque de développement du Conseil de l'Europe (BDCE). Ici, la Suisse milite avec insistance en faveur d'une gouvernance plus largement étayée.

Enfin, avec l'adhésion prochaine de l'UE à la Convention européenne des droits de l'homme, les actes et omissions des autorités européennes pourront bientôt faire l'objet d'une plainte auprès de la CEDH. Au second semestre 2011, le projet de traité d'adhésion a été un sujet de discussion important du Conseil.

OSCE Le sommet de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) de décembre 2010 à Astana (Kazakhstan) ­ le premier depuis onze ans ­ n'a permis que de reconfirmer les engagements déjà pris. Un plan d'action assorti de mesures concrètes a échoué en raison des différences de vue inconciliables concernant les conflits persistant sur le territoire de l'OSCE. Bien que le climat des négociations se soit amélioré depuis, ni les Etats occidentaux, ni la Russie et les autres Etats issus de l'Union soviétique ne se sont véritablement rapprochés, que ce soit en matière de contrôle des armements ou de mise en oeuvre des engagements concernant la dimension humaine. Le fait que les Etats-Unis et quatorze autres Etats membres de l'OTAN ont annoncé qu'ils n'informeraient plus la Russie sur l'armement, l'état et le stationnement de leurs forces conventionnelles (la Russie a suspendu en 2007 sa participation au Traité du 19 novembre 1990 sur les forces conventionnelles en Europe) pourrait avoir des conséquences sur la question du contrôle des armements en Europe. Comme les décisions se prennent par consensus, l'OSCE ne peut pas toujours exploiter le potentiel de son concept multidimensionnel de sécurité.

La sécurité de la Suisse dépend essentiellement d'un régime de paix stable en Europe et de la capacité de la communauté des Etats européens d'empêcher et de résoudre les conflits internes ou internationaux. La Suisse a donc un intérêt éminent au renforcement de l'OSCE, qui est une organisation de politique de sécurité rassemblant de nombreux membres et dotée d'une conception large de la sécurité. En tant qu'Etat neutre et indépendant, la Suisse s'efforce de promouvoir le dialogue entre les blocs ­ toujours existants ­ et d'instaurer la confiance. Trois domaines sont au coeur de son engagement: ­

Depuis début 2011, la Suisse préside le Comité sur la dimension humaine.

Dans ce cadre, elle participe à la conception des travaux de l'OSCE dans le domaine des droits de l'homme, de l'Etat de droit et de la démocratie, avec le concours étroit des organes exécutifs de l'OSCE, et contribue à améliorer la mise en oeuvre des engagements de l'OSCE par les Etats membres. En innovant sur le plan organisationnel et en introduisant la possibilité, pour les Etats membres, de faire rapport librement sur la mise en oeuvre des engagements de l'OSCE, la présidence suisse a donné une nouvelle impulsion aux travaux sur la dimension humaine. La Suisse soutient en outre activement la discussion sur l'efficacité des nombreux ateliers, séminaires et conférences consacrés aux les droits de l'homme.

­

Dans le domaine politico-militaire, la Suisse coordonne les consultations informelles liées à la décision prise à Astana (Kazakhstan) de mettre à jour le Document de Vienne de 1999 sur les mesures de confiance et de sécurité, pour l'adapter aux grands changements de la situation sécuritaire européenne intervenus depuis 1999.

2712

­

Enfin, dans le but d'éviter de nouveaux conflits et de résoudre pacifiquement les crises existantes, la Suisse s'engage, sur les plans financier et conceptuel, pour le développement des capacités de médiation de l'OSCE.

Par ailleurs, le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'OSCE (BIDDH) a réalisé en 2011, pour la deuxième fois, une évaluation des élections fédérales. En novembre 2011, trois délégués à la tolérance envoyés par la présidence de l'OSCE se sont rendus en Suisse pour se faire une idée de la situation en matière de racisme, de xénophobie et de discrimination, y compris vis-à-vis des différentes communautés religieuses, au sein de la société suisse.

Le 2 décembre 2011, la Suisse et la Serbie ont déposé une candidature conjointe pour la présidence de l'OSCE en 2014 (Suisse) et 2015 (Serbie). Le Conseil ministériel de l'OSCE a approuvé ces candidatures, la décision devrait entrer en vigueur dès la fin de la procédure de silence, soit en février 2012.

2.1.1.3

Relations avec les Etats européens

Les liens politiques, économiques, sociaux et culturels étroits que la Suisse entretient avec l'Europe exigent des échanges de politique étrangère nourris avec les Etats européens en général et avec les Etats voisins en particulier. La plupart de ces derniers sont membres de l'UE et participent à l'élaboration de politiques et de directives communautaires qui ont souvent des incidences sur la Suisse. Un autre groupe d'Etats ne fait certes pas (encore) partie de l'UE, mais s'inspire néanmoins fortement de sa politique et de sa législation. C'est notamment le cas des pays des Balkans et de quelques Etats d'Europe de l'Est. Comme l'UE et ses Etats membres, la Suisse s'efforce de contribuer à la stabilisation politique et économique de ces pays, ainsi qu'à leur développement. Enfin, la Russie et la Turquie jouent un rôle important non seulement en Europe, mais aussi à l'échelle mondiale, et sont donc des partenaires importants dans plusieurs domaines, y compris pour la Suisse.

En tant que pays non-membre de l'UE, la Suisse doit faire un effort particulier pour exercer une influence sur les conditions-cadres européennes qui la concernent. Elle s'efforce donc énergiquement d'intensifier ses relations avec le plus grand nombre possible d'Etats européens.

Etats voisins En raison de leur importance économique, politique et culturelle éminente, les relations avec les Etats voisins ont continué à s'intensifier en 2011. La présidente de la Confédération a rencontré les chefs d'Etat et de gouvernement d'Allemagne, d'Italie, d'Autriche et du Liechtenstein, et a également eu des contacts avec ces pays au niveau des ministères des affaires étrangères. Ces entretiens ont porté aussi bien sur des questions bilatérales que sur des problèmes européens et internationaux. Le dialogue approfondi mené à tous les niveaux permet d'exercer une influence ciblée, de faire connaître les préoccupations de la Suisse et de recenser les coopérations possibles sur le plan multilatéral.

Au plan bilatéral, les questions qui ont été au coeur des entretiens sont la mise en oeuvre de l'accord sur la libre-circulation des personnes (mesures d'accompagnement), la fiscalité, l'énergie et les transports.

2713

Fiscalité: Les accords de double imposition révisés en vertu des normes de l'OCDE relatives à l'assistance administrative avec la France, l'Autriche et l'Allemagne sont entrés en vigueur respectivement en 2010 (avec la France), le 1er mars 2011 (avec l'Autriche) et le 21 décembre 2011 (avec l'Allemagne). Avec l'Italie, la Suisse s'efforce depuis longtemps et avec insistance de mener un dialogue sur toutes les questions fiscales en suspens. En 2011, elle a pu signer avec l'Allemagne un accord complémentaire visant la régularisation d'avoirs non déclarés et la mise en place d'un impôt à la source libératoire sur les futurs revenus du capital et gains en capital.

Energie: Après les événements de Fukushima, les Etats voisins de la Suisse et la Suisse se sont consultés, en particulier sur les questions de sécurité liées aux centrales nucléaires et aux politiques énergétiques (cf. ch. 2.3.7).

Transports: Des entretiens ont eu lieu avec l'Allemagne et l'Italie sur la réalisation en temps voulu des raccordements nord et sud des NLFA, et avec la France sur le raccordement au réseau ferré européen à grande vitesse ainsi qu'aux réseaux de transports locaux.

Formation et recherche: La Suisse entretient des rapports privilégiés et particulièrement intenses avec ses voisins dans le domaine de la formation et de la recherche.

Dans ce contexte, des rencontres bilatérales formelles au niveau ministériel et administratif ont lieu régulièrement avec les autorités compétentes françaises, allemandes, autrichiennes et italiennes. Ces rencontres permettent à la Suisse d'aborder des questions telles que le programme-cadre de l'UE dans les domaines de l'éducation, de la recherche et de l'innovation, la collaboration multilatérale dans le cadre de grandes infrastructures de recherche (CERN, ITER, X-Fel, etc.) ou encore des questions de coopération dans le domaine de la formation professionnelle.

Un autre volet important des relations avec les Etats voisins est la coopération transfrontalière régionale, qui relève avant tout des cantons. La Confédération a pour tâche de créer des conditions optimales pour le développement des espaces de vie et d'activité économique des régions frontalières. Le Parlement a approuvé le Protocole no 3 du 16 novembre 2009 à la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière
des collectivités ou autorités territoriales relatif aux Groupements eurorégionaux de coopération (GEC)15. Avec la présidence suisse de la Commission intergouvernementale franco-germano-suisse, de décembre 2010 à mai 2012, la région trinationale du Rhin supérieur reste un point fort de la coopération transfrontalière. Les priorités consistent à développer les infrastructures de transport, améliorer l'accès aux marchés, promouvoir la protection de la population et favoriser les échanges entre les différents organes de la région.

Nos aéroports contribuent de façon décisive au développement des régions. Vis-àvis de la France et de l'Allemagne, la Suisse s'engage pour que ceux-ci restent attrayants.

EuroAirport Basel-Mulhouse-Freiburg: Pour les entreprises situées dans le secteur douanier suisse, des discussions sont en cours avec la France pour trouver une solution de droit du travail et de législation sociale qui tienne compte de la situation particulière de cet aéroport binational. Elles ont pour but de préserver l'attrait de l'aéroport et des emplois fournis par les entreprises sises à cet endroit.

15

FF 2011 4579

2714

Aéroport de Zurich-Kloten: L'aéroport de Zurich est un facteur d'implantation important, aussi bien pour la Suisse que pour le sud du pays de Bade. Depuis des années, les restrictions de vol imposées par l'Allemagne grèvent les relations bilatérales. Un groupe de travail nommé par les ministres des transports respectifs et dirigé par les autorités respectives de l'aviation s'efforce de définir les grandes lignes d'une nouvelle convention sur la base des analyses de bruit réalisées en commun.

Europe occidentale et centrale Fiscalité: En 2011, un accord visant la régularisation d'avoirs non déclarés et la mise en place d'un impôt à la source libératoire sur les futurs revenus du capital et gains en capital a également pu être conclu avec la Grande-Bretagne. Avec le Luxembourg et l'Autriche, qui défendent des intérêts analogues à ceux de la Suisse en matière de secret bancaire, des échanges de vues approfondis ont lieu sur la politique fiscale.

Contribution à l'élargissement de l'UE: Par cette contribution, la Suisse participe à la réduction des inégalités économiques et sociales dans l'UE élargie. Les bénéficiaires en sont les douze Etats entrés dans l'UE depuis 2004 (cf. ch. 2.1.1.1 et 2.3.4).

Espagne: Cordiales et nourries, les relations de la Suisse avec l'Espagne sont marquées depuis plusieurs années par des rencontres régulières de haut rang. En mai 2011, la visite d'Etat du roi Juan Carlos Ier et de la reine Sophie ont reflété cette amitié et ce respect mutuel.

Europe du Sud-Est Balkans occidentaux: Les pays des Balkans occidentaux (Croatie, Bosnie et Herzégovine, Serbie, Monténégro, Kosovo, Macédoine et Albanie) restent une région prioritaire pour la politique extérieure de la Suisse. Etant donné les liens personnels étroits qui nous rapprochent ­ près de 400 000 natifs de la région vivent dans notre pays ­, la Suisse a un grand intérêt à ce que la paix, la stabilité et la prospérité règnent dans ces pays. En vertu de la Stratégie du Conseil fédéral pour l'Europe du Sud-Est adoptée en 2005, la Suisse se concentre sur quatre domaines.

­

Stabilité et prévention des conflits: La Suisse participe aux missions internationales de paix dans la région. En 2011, une vingtaine de Suisses ont été engagés auprès des missions européennes ICO (Bureau civil international) et EULEX (Etat de droit), ainsi qu'auprès de l'OSCE. La Suisse a ainsi contribué à une meilleure intégration de la minorité serbe au Kosovo et participé au traitement du passé relatif à la guerre. En Bosnie et Herzégovine, elle a entamé une collaboration pour renforcer le ministère public national, avec le concours du canton de Zurich.

­

Sécurité: La Suisse a participé aux missions militaires (KFOR au Kosovo, EUFOR en Bosnie et Herzégovine). Quelque 250 militaires ont été engagés sur place.

­

Développement économique: La Suisse a soutenu des projets relevant du développement social (éducation, santé, formation professionnelle), des infrastructures (eau, électricité), de la création d'emplois et du développement de petites entreprises.

2715

­

Migrations: La Suisse a poursuivi les partenariats migratoires avec la Serbie, la Bosnie et Herzégovine et le Kosovo.

Turquie: Ces dernières années, la Suisse a approfondi et amélioré de manière ciblée ses relations avec la Turquie. Des consultations régulières de haut niveau ­ l'année sous revue a enregistré des contacts entre les ministres des affaires étrangères, une visite en Turquie de la chef du DFE et une visite de secrétaire d'Etat turc aux affaires étrangères ­ permettent d'aborder de nombreux sujets de façon continue et constructive. En 2011, les discussions ont porté sur des questions de liberté d'expression, d'entraide juridique, de coopération policière et de collaboration en matière de migrations. Depuis 2009, la coopération en matière d'énergie est réglée par un mémorandum d'entente.

Europe de l'Est et Asie centrale Russie: En 2011, le Conseil fédéral a continué d'approfondir les relations avec la Russie. Les contacts nourris, souvent de haut rang, ont concerné tous les départements. Les chefs d'Etat se sont rencontrés pour la troisième fois en trois ans. Le dialogue politique, économique, scientifique et culturel est désormais institutionnalisé. Les obligations contractuelles et la sécurité du droit ont été renforcées par l'entrée en vigueur de l'accord sur l'assouplissement des modalités d'obtention des visas et la réadmission, de l'accord concernant la collaboration en matière d'instruction militaire, de l'accord de double imposition adapté aux normes OCDE, des mémorandums d'entente en matière de finances et d'énergie, ainsi que de la convention de coopération pour la modernisation de l'économie. D'autres progrès sont également prévisibles pour la coopération dans les domaines suivants: questions financières, énergie, OMC, libre-échange et protection des investissements.

Autres pays d'Europe de l'Est et d'Asie centrale: La coopération avec les autres Etats issus de l'Union soviétique s'est encore développée. Du fait de leur poids politique et économique, de leurs ressources, des questions de sécurité et de migration et de leur appartenance à des organisations internationales, ces pays ont une importance croissante pour la Suisse. Dans certains pays, il convient de signaler l'engagement de la DDC et du SECO, notamment dans les domaines de l'approvisionnement en eau, de la santé, de la promotion du secteur privé et de l'aide humanitaire. En matière de sécurité énergétique, la région de la mer
Caspienne prend de plus en plus d'importance, y compris pour la Suisse.

Engagement en faveur de la paix, bons offices, médiation de la Suisse Les rencontres, en 2011, de la présidente de la Confédération avec les chefs d'Etat de Géorgie, d'Azerbaïdjan et d'Arménie illustrent les bonnes relations de la Suisse avec ces pays. Dans cette région en proie à de nombreux conflits, l'engagement en faveur de la paix fait partie des priorités, parallèlement à la coopération politique, économique et technique. Avec l'ouverture de son ambassade à Erevan, le 31 mars 2011, la Suisse est désormais représentée par des missions diplomatiques dans les trois capitales du Caucase du Sud.

En mars 2009, la Suisse a été chargée de représenter les intérêts russes en Géorgie et les intérêts géorgiens en Russie. Ces mandats de puissance protectrice assurent les communications diplomatiques entre les deux Etats, qui ont rompu leurs relations officielles. Les représentations officielles des deux pays à Moscou et Tbilissi ont été transformées en «sections des intérêts» placées désormais sous la protection des ambassades suisses respectives. A la fin 2010, Moscou et Tbilissi ont en outre 2716

chargé la Suisse d'une médiation sur la question de l'admission de la Russie à l'OMC. Les négociations, qui ont duré presque un an, ont abouti le 9 novembre 2011 à Genève avec la signature d'un accord entre la Russie et la Géorgie sur l'administration des douanes et le contrôle du trafic des marchandises. Cet accord a ouvert la voie à l'adhésion de la Russie à l'OMC.

En ce qui concerne la normalisation des relations entre la Turquie et l'Arménie, la ratification parlementaire des protocoles de Zurich signés en 2009 grâce à la médiation suisse est encore en suspens dans les deux pays. En 2011, la Suisse a soutenu diverses mesures de confiance entre la Turquie et l'Arménie. Sous l'égide de l'Alliance des civilisations, les deux pays s'engagent pour établir des rapports constructifs entre les régions chrétiennes et musulmanes.

Dans le conflit arméno-azéri du Haut-Karabagh, la Suisse est toujours en contact régulier avec les co-présidents du Groupe de Minsk (OSCE), qui joue un rôle phare dans les efforts de résolution du conflit.

Au Kirghizistan aussi, la Suisse contribue à promouvoir la paix civile par la coopération technique, la promotion du dialogue et la nomination d'un directeur suisse à la tête du groupe de conseil à la police de l'OSCE.

2.1.2

Politique à l'égard du continent américain

Tendances actuelles dans la région Sur le continent américain, les Etats-Unis d'Amérique restent de loin la puissance dominante, dont l'action rayonne sur toute la région, même si elle a tendance à s'atténuer. Au sud du double continent, le Brésil gagne en confiance, passant du rang de puissance régionale à celui d'acteur mondial et proclamant clairement sa volonté d'exercer son influence sur les évolutions géostratégiques.

En 2011, les Etats-Unis ont été absorbés par de vifs débats intérieurs concernant le rôle de l'Etat et le déficit budgétaire, et ce dans un contexte de reprise seulement partielle, après la récession de 2008­2009, et à quelques mois des élections présidentielles de 2012. La dette souveraine a franchi le cap des 100 % du produit national brut, et les marchés ne se sont guère calmés après le compromis sur le budget trouvé au Congrès à l'été 2011. Sur le plan de la politique étrangère et de la géostratégie, les Etats-Unis ont continué de focaliser leur action sur le Proche-Orient et le Moyen-Orient.

En Amérique latine, la polarisation de la situation politique a perduré pendant la période sous revue. Les pays adeptes du marché libre affichent depuis longtemps une croissance économique robuste et font presque tous preuve de stabilité macroéconomique. Leur solidité leur a permis de faire face aux conséquences de la crise économique mondiale. Quelques-uns ont dépassé le seuil faisant d'eux des pays industrialisés. Ainsi, en 2010, le Chili a été admis à l'OCDE, en tant que deuxième pays d'Amérique latine (après le Mexique). Parallèlement, les grands écarts sociaux persistants dans de nombreux pays restent un problème, qui se traduit par une criminalité parfois endémique et la fragilité concomitante de la sécurité, en particulier dans le nord de l'Amérique centrale. Dans de nombreuses régions d'Amérique latine, un autre problème lié à ce contexte est le déficit en matière de possibilités de scolarisation et de formation, qui, dans certains pays, entraîne un manque perceptible de main-d'oeuvre qualifiée.

2717

Les pays de la région qui, sous la houlette du Venezuela, s'inspirent du «socialisme du XXIe siècle» (p. ex. Equateur, Bolivie) doivent affronter des pertes de productivité et de compétitivité des places économiques, alors que leur évolution politique est marquée par une tendance à l'autoritarisme. Leur attrait pour les investisseurs diminue et leurs économies nationales dépendent de plus en plus des subventions étatiques, financées par les revenus du pétrole vénézuélien.

Au niveau régional, le Brésil renforce son hégémonie politique et économique, en particulier au détriment des Etats-Unis. L'influence de Washington reste certes importante en Amérique latine, mais du fait des ambitions brésiliennes, d'une part, et des priorités géopolitiques de Washington, d'autre part, on doit constater que celle-ci a tendance à diminuer. On note le même phénomène dans l'intégration régionale, où la tendance de l'UNASUR et d'autres initiatives de coopération latinoaméricaine est de créer des institutions dans lesquelles les Etats-Unis ne soient pas représentés.

Ces dernières années, les pays asiatiques ­ notamment la Chine ­ ont renforcé massivement leur présence en Amérique latine. L'essor de l'Asie orientale ouvre de nouvelles perspectives, en particulier aux Etats côtiers du Pacifique. Un exemple symptomatique est l'«Alliance du Pacifique» créée à Lima en 2011 par le Pérou, le Mexique, la Colombie et le Chili. Les investissements de la Chine dans les économies latino-américaines se concentrent sur l'extraction des matières premières ainsi que sur la production et l'exportation de denrées alimentaires. Parallèlement, on trouve de plus en plus de produits chinois sur les marchés d'Amérique latine. Cette évolution place la région en situation de dépendance unilatérale vis-à-vis des exportations de matières premières et freine la croissance de la valeur ajoutée locale.

Relations avec les Etats-Unis et le Brésil En ce qui concerne les relations avec les Etats du continent américain, la Suisse profite d'une communauté de valeurs due à l'empreinte historique de l'Europe dans la région. Les relations mutuelles se basent depuis longtemps sur les communautés importantes de Suisses établis dans de nombreux pays d'Amérique du Nord et du Sud, et de là sur un réseau commercial et consulaire de longue date.

Etats-Unis:
Au cours de l'année sous revue, les intérêts de la Suisse à l'égard des Etats-Unis ont continué à être marqués de façon déterminante par les relations économiques. Les Etats-Unis sont en effet le deuxième partenaire commercial de la Suisse et, en 2010, cette dernière a été le pays ayant réalisé les investissements directs les plus élevés (exportation de capitaux)16 sur le marché américain. Dans le dossier fiscal et financier, les Etats-Unis ont maintenu leur pression sur les banques suisses. De nouvelles négociations ont été menées concernant les données de fraudeurs du fisc (cf. ch. 2.3.1).

En 2011, la Suisse a poursuivi ses efforts pour développer son réseau de contacts avec les Etats-Unis et recenser les domaines d'intérêt commun où il serait possible de collaborer. A cet effet, elle peut s'appuyer sur les mandats traditionnels de protection des intérêts qu'elle assume au nom des Etats-Unis en Iran et à Cuba. Les consultations régulières, au niveau politique et entre hauts fonctionnaires, constituent en effet une bonne base pour améliorer l'accès aux décideurs de Washington.

Au cours de l'année sous revue, les tentatives américano-suisses de médiation entre 16

2010: 41,27 milliards de dollars américains, d'après le U. S. Department of Commerce

2718

Moscou et Tbilissi en faveur de l'admission de la Russie à l'OMC occupaient une place de premier plan dans les discussions. Par ailleurs, les contacts réguliers entre parlementaires des deux pays favorisent la compréhension mutuelle. Du côté américain, un groupe d'amis de la Suisse a été créé au Sénat, qui vient compléter le vénérable Friends of Switzerland Caucus de la Chambre des représentants. Du côté suisse, les contacts sont entretenus par le Groupe parlementaire Suisse ­ Etats-Unis.

Brésil: En 2008, la Suisse a signé avec la puissance régionale qu'est le Brésil une déclaration d'intention concernant l'établissement d'un partenariat stratégique destiné à développer la coopération dans les différents domaines d'intérêt commun.

Dans ce cadre et au cours de l'année sous revue, la Suisse et le Brésil ont commencé à renforcer leur coopération en matière de migration et de questions financières. Des contacts ont été établis récemment avec le Brésil pour engager un dialogue bilatéral sur les questions financières. Les deux pays ont également renforcé leur collaboration dans les domaines scientifiques et technologiques en lançant des projets communs de recherche en matière d'énergie, d'environnement et de santé. En octobre 2011, les services respectifs chargés de la coopération au développement ont jeté les bases d'une collaboration en faveur d'Etats tiers, notamment en Afrique subsaharienne. Le Brésil est le premier partenaire commercial de la Suisse en Amérique latine, et la Suisse s'est toujours efforcée d'améliorer les conditions régissant les échanges économiques. Elle suit ainsi la procédure d'approbation de l'accord de protection des investissements en cours au Congrès brésilien17 et étudie la faisabilité de négociations en vue d'un accord de libre-échange entre l'AELE et le Mercosur.

Relations avec d'autres pays du G20 sur le continent américain A part les Etats-Unis et le Brésil, le continent américain compte encore trois Etats qui sont membres du G20 ­ et donc d'un intérêt particulier pour la Suisse: le Canada, le Mexique et l'Argentine. Afin d'améliorer son accès aux décideurs du G20, la Suisse a en effet à coeur d'intensifier sa coopération avec tous ses pays membres dans les domaines d'intérêt commun.

Canada: Ces dernières années, les relations économiques entre la Suisse et le Canada
ont connu un dynamisme vigoureux, favorisé par l'entrée en vigueur, en 2009, de l'accord de libre-échange AELE-Canada. Par ailleurs, la Suisse s'efforce de stimuler la coopération dans les domaines science, recherche et innovation, notamment à travers la plate-forme export «Cleantech Switzerland». Sont également d'intérêt commun les activités relevant des droits de l'homme, notamment celles liées à des thèmes comme la responsabilité sociale des entreprises (corporate social responsibility), sur lesquels Suisse et Canada coopèrent dans les enceintes multilatérales et prennent des positions communes.

Mexique: Les relations Suisse-Mexique sont fortement axées sur la coopération au niveau multilatéral. Celle-ci se concentre notamment sur la politique de l'environnement et sur le développement durable. Suisse et Mexique coopèrent également dans le domaine de la politique internationale des migrations. En décembre 2010, la Suisse a repris du Mexique la présidence du Forum mondial sur la migration et le développement. Sur le plan économique, le Mexique est un pays intéressant pour les sociétés européennes ­ et donc aussi pour les entreprises suisses ­ en tant que lieu de

17

Cet accord a été signé en novembre 1994, mais n'a pu entrer en vigueur jusqu'ici, faute de ratification du côté brésilien.

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production de biens destinés à l'exportation vers le marché américain. Les échanges commerciaux sont facilités par l'accord de libre-échange AELE-Mexique.

Argentine: La coopération suisse avec l'Argentine se concentre sur des questions traitées au niveau multilatéral, en particulier dans le domaine de la sécurité humaine.

Ainsi, en avril 2011, la Suisse et l'Argentine ont réalisé ensemble le troisième Forum régional sur la prévention des génocides, avec l'idée de créer un mécanisme pour promouvoir la recherche de la vérité et empêcher la violence de masse. Dans le domaine économique, la Suisse et l'Argentine ont signé un accord en vue de la création d'un comité mixte chargé de défendre les intérêts économiques suisses en Argentine et de développer la coopération économique bilatérale.

Relations avec d'autres partenaires régionaux La Suisse entretient des relations officielles avec tous les pays de la région, relations dont l'intensité est dictée d'une part par les intérêts suisses, de l'autre par la dynamique du développement du pays partenaire. Dans ces circonstances, présentent un intérêt particulier le Chili, la Colombie et le Pérou, avec lesquels l'AELE a conclu des accords de libre-échange. Avec ces trois pays, la Suisse entretient des contacts bilatéraux réguliers au niveau des fonctionnaires, mais elle le fait aussi avec d'autres partenaires, le cas échéant. Au cours de l'année sous revue, des rencontres ont eu lieu dans ce cadre avec la Colombie, le Pérou et Cuba. En 2012, des échanges de vues sont prévus avec le Chili.

Ces dernières années, les instruments de la coopération suisse au développement ont été partiellement redéfinis pour l'Amérique latine. Pendant l'année sous revue, la DDC a maintenu ses engagements en matière de lutte contre la pauvreté en Bolivie, Haïti et Amérique centrale, tandis qu'au Pérou, en Colombie et dans les pays d'Amérique centrale, le SECO a contribué à favoriser la durabilité des succès obtenus par ses partenaires en matière de développement en soutenant des projets de renforcement de la compétitivité et de diversification du commerce, notamment dans les domaines environnement, climat et énergie.

En outre, la Suisse s'engage en Amérique latine pour le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales et promeut les principes de la démocratie,
de l'Etat de droit et de la séparation des pouvoirs. Ce faisant, elle s'est concentrée sur des thèmes comme le travail de mémoire et la justice transitionnelle, notamment en Colombie et dans le nord de l'Amérique centrale, où la criminalité organisée et la fragilité des structures étatiques rendent la situation sécuritaire problématique. Un autre domaine d'engagement de la Suisse est le code de conduite des entreprises privées, en particulier dans l'industrie minière. En Colombie, la Suisse a poursuivi son activité de promotion de la paix et des droits de l'homme en soutenant notamment des initiatives de paix de la société civile locale pour protéger les personnes déplacées.

Au Venezuela, les développements et perspectives politiques doivent être analysés à la lumière des problèmes de santé du président Chavez. En raison du climat d'investissement défavorable, la Suisse a dû intervenir à plusieurs reprises en faveur d'entreprises suisses auprès des autorités vénézuéliennes. Dans le cadre de l'examen périodique universel (UPR) du Venezuela au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, la Suisse a en outre émis ses recommandations quant à la situation des droits de l'homme.

2720

En Haïti, la Suisse soutient la reconstruction durable, qui prend la relève de l'aide humanitaire d'urgence fournie après le séisme de janvier 2010. Avec l'entrée en vigueur, le 1er février 2011, de la loi fédérale du 1er octobre 2010 sur la restitution des valeurs patrimoniales d'origine illicite de personnes politiquement exposées18, le Conseil fédéral a créé en outre la base juridique permettant de rendre à l'Etat haïtien les avoirs de l'ancien président Duvalier bloqués en Suisse depuis 25 ans (cf.

ch. 2.3.1).

Dans les enceintes multilatérales aussi, les pays américains sont à maints égards des partenaires importants et intéressants pour la Suisse. A l'ONU, par exemple, la Suisse coopère étroitement avec le Costa Rica dans le cadre du «Groupe des cinq petits pays» (Small Five Group) pour proposer des méthodes de travail plus efficaces pour le Conseil de sécurité et une réforme du régime des sanctions contre les terroristes. Parallèlement, la Suisse s'engage au niveau régional. Elle a rang d'observateur au sein de l'Organisation des Etats américains (OEA), dont elle soutient notamment les activités en faveur de la liberté d'opinion sur le continent. Elle collabore étroitement avec la Banque interaméricaine de développement (BID) sur des sujets liés au développement.

Défis et perspectives Ces prochaines années, les relations de la Suisse avec les pays américains continueront d'être marquées d'une part par les rapports avec les Etats-Unis, de l'autre par la dynamique du développement en Amérique latine. Dans plusieurs domaines d'intérêts, la Suisse est très étroitement liée aux Etats-Unis, ce qui impose un règlement rapide et acceptable pour les deux parties des litiges fiscaux. Il faut encore développer davantage le réseau de contacts au niveau du monde politique et de l'administration, et recenser les domaines d'intérêt commun où il est possible de coopérer, que ce soit dans un contexte multilatéral ou mondial.

En Amérique latine, où nombre de pays ont su faire face à la crise économique de 2008­2009 et présentent depuis une croissance économique robuste, la Suisse a intérêt à se positionner de la meilleure façon possible et de développer sa présence.

Il conviendra d'accorder une attention particulière aux chances futures qui s'ouvriront dans le domaine de l'économie «verte». Dans la mesure
où de nombreux Etats d'Amérique latine défendent les mêmes positions que la Suisse sur des questions multilatérales et mondiales (gouvernance internationale, climat, développement durable, droits de l'homme, etc.), ils constituent des alliés potentiels pour les intérêts suisses, alliés avec lesquels il faut rechercher et entretenir la coopération. Ce principe vaut en particulier pour les partenariats avec les pays de la région qui sont membres du G20 et qui sont importants de ce fait pour faire valoir le point de vue suisse sur les questions financières et économiques internationales.

Enfin la Suisse continue à s'engager sur le continent dans le cadre de la coopération au développement et milite en faveur des droits de l'homme et de l'Etat de droit.

Elle contribue ainsi à stabiliser et à fiabiliser les conditions-cadres, qui sont une prémisse essentielle pour l'intensification de ses différentes relations avec les pays américains.

18

RS 196.1

2721

2.1.3

Politique à l'égard de l'Asie et de l'Océanie

Tendances actuelles En 2011, la région Asie-Océanie a poursuivi son important essor politique, économique et social. Le déplacement ­ historique, du point de vue géopolitique ­ du centre de gravité de la zone Atlantique-Méditerranée vers l'espace Asie-Océanie a non seulement un impact sur nos relations bilatérales avec les Etats concernés, mais surtout il accroît l'influence de ces derniers dans les organisations et enceintes internationales.

Restés relativement à l'abri de la crise monétaire et des problèmes d'endettement qui ébranlent l'Europe et les Etats-Unis, la plupart des pays de la région ont continué à manifester une forte croissance économique en 2011 et sont devenus du même coup un moteur essentiel de la reprise des industries occidentales exportatrices, après la crise économique et financière. Grâce au volume élevé de ses exportations et de ses investissements dans l'immobilier et les infrastructures, la Chine est restée la principale locomotive de l'économie mondiale. Ses besoins en matières premières et biens d'investissement ou de consommation ont également profité à la plupart des pays de la région, qui ont connu un essor économique accru. Les taux moyens élevés de croissance du PIB affichés ces dix dernières années par plusieurs pays importants de la région illustrent bien cette tendance (Chine: environ 10,5 %; Inde: 7,8 %; ASEAN: 5,8 %; Australie: 2,8 %). L'espace Asie-Océanie assume 27 % du produit social brut mondial et approximativement la moitié de la croissance économique mondiale.

Ce dynamisme de l'économie régionale a aussi des effets directs sur le paysage politique mondial. Alors que les puissances traditionnelles ­ Etats-Unis et Europe occidentale ­ traversent une phase de faiblesse économique ­ et donc politique ­, les acteurs de l'Asie-Océanie gagnent en importance. Il est devenu pratiquement inconcevable de résoudre les problèmes mondiaux sans la participation substantielle des grands Etats asiatiques. Outre le siège permanent de la Chine au Conseil de sécurité, l'espace Asie-Océanie fournit six membres du G20 (Chine, Inde, Japon, Corée du Sud, Indonésie et Australie). Par ailleurs, la présidence de l'ASEAN et Singapour participent aux rencontres du G20, ce dernier de facto en tant que représentant du Groupe de gouvernance mondiale ou «3G», formé des principaux pays
non-membres du G20, dont la Suisse fait partie.

Le dynamisme de la région est néanmoins freiné par une série de problèmes et de sources de tension: pollution de l'environnement et pillage des ressources naturelles, énormes écarts de revenus, faible gouvernance ou instabilité politique, tensions ouvertes ou latentes entre plusieurs Etats. De plus, de nombreux pays de la région hésitent encore à assumer leurs nouvelles responsabilités d'acteurs mondiaux.

Comparée à l'Europe, la constellation des Etats situés entre l'Hindou Kouch et les îles du Pacifique est en outre caractérisée par une diversité historique, sociale, politique et économique beaucoup plus forte. A côté d'Etats dotés de régimes libérauxdémocratiques, d'autres ouvrent leur marché partiellement ou totalement, mais sans autoriser la liberté d'opinion. Il y a des pays en développement et des Etats industrialisés, des dictatures et des régimes autoritaires de tout acabit, respectant plus ou moins les droits de l'homme, enfin un groupe d'Etats sévèrement en crise. Les clivages sociaux et l'intolérance religieuse (de tendance islamique, hindouiste ou bouddhiste) servent de prétexte à l'extrémisme, aux attentats terroristes et à des 2722

conflits armés, parfois transfrontaliers. Le bilan des développements politiques est donc mitigé: alors que certains conflits militaires (Afghanistan, Pakistan) ont persisté en 2011, que des attentats ont été commis et que, dans certains pays, on observait une répression croissante des dissidents politiques ou de certaines ethnies, quelques Etats ont aussi progressé vers la stabilité ou la démocratie.

Enfin la région est marquée historiquement par un grand nombre de lignes de front ouvertes ou latentes, dont le potentiel explosif a plutôt eu tendance à se renforcer ces dernières années à cause de l'essor accru de l'économie, mais aussi ­ et partiellement ­ pour des raisons de politique intérieure. Ce sont non seulement le conflit coréen, mais aussi le litige concernant le Cachemire, les querelles de frontière entre la Thaïlande et le Cambodge, les revendications toujours plus véhémentes de divers adversaires pour des archipels des mers d'Asie orientale, ou encore les prétentions territoriales dans l'Himalaya. Ces tensions régionales et la volonté de contrôler les flux commerciaux et l'accès aux sources de matières premières, ainsi que de démontrer son importance politique au niveau mondial, se traduisent par des budgets d'armement accrus. On notera en particulier les efforts entrepris pour accroître les capacités maritimes jusqu'à acquérir des porte-avions.

Contrairement à l'Europe, l'Asie ne dispose pas d'un système de sécurité régional dont les organisations pourraient intervenir dans les conflits à titre d'arbitre ou de médiateur. Il semble pourtant que l'idée que les institutions régionales sont dans l'intérêt de tous fasse son chemin. Il est intéressant d'observer qu'autour de l'ASEAN, qui servait à l'origine à endiguer le communisme en Asie orientale ainsi qu'à promouvoir l'économie et l'intégration économique, il se forme une sorte de structure régionale à géométrie variable (ASEAN Regional Forum, ASEAN+3, ASEAN+6, EAS, etc.), qui attire aussi des Etats extérieurs (Chine, Inde, Japon, Australie, Nouvelle-Zélande, Corée du Sud, voire Etats-Unis et Russie). Les premières tentatives de médiation, par exemple de l'Indonésie, en sa qualité de présidente de l'ASEAN, dans le conflit entre la Thaïlande et le Cambodge à propos d'un temple khmer, ou de l'ASEAN dans les querelles de frontière en mer
de Chine méridionale, peuvent être considérées comme les signes encourageants de l'acceptation de certains pays d'assumer des responsabilités. Les efforts entrepris dans le cadre de l'International Contact Group pour l'Afghanistan, organisation animée non seulement par les Etats-Unis, mais surtout par les Etats asiatiques de la région, témoignent encore de ce sentiment de responsabilité accru envers la paix dans l'Hindou Kouch. Dans l'espace Asie-Océanie, enfin, il est indéniable qu'après des années de reculade, la présence militaire américaine connaît un renouveau. De nombreux Etats considèrent en effet de plus en plus les Etats-Unis comme contrepoids au renforcement de la Chine, et donc comme garants indispensables de la stabilité dans la région.

Politique à l'égard de l'Asie et de l'Océanie En 2011, il était plus que jamais évident pour la communauté des Etats hors d'Asie ­ et notamment pour l'Europe ­ que, dans leur intérêt bien compris, il leur fallait approfondir leurs relations avec la région la plus dynamique du globe. Ce principe vaut particulièrement pour la Suisse, pays qui entretient des relations avec le monde entier, pratiquant une politique étrangère indépendante et universelle, doté d'entreprises actives au niveau international et conscient de ce que les grands problèmes du temps ne peuvent être résolus que collectivement. L'espace Asie-Océanie est en effet le deuxième partenaire économique de la Suisse (derrière l'Europe, mais 2723

avant l'Amérique du Nord) et absorbe 13 % du commerce suisse, avec un bond spectaculaire de 17 % en 2010. 14 % des touristes étrangers en Suisse viennent d'Asie et d'Océanie, et là encore, la tendance est fortement à la hausse.

En 2011, la politique extérieure de la Suisse à l'égard de l'espace Asie-Océanie a donc été marquée par un engagement différencié vis-à-vis de chaque Etat. Citons l'intensification des contacts politiques à différents niveaux, le développement du réseau déjà dense d'accords, les prestations d'aide dans le domaine du développement économique et social, et la solidarité témoignée en situation de crise. Si l'attention a porté surtout sur les relations avec les trois grands partenaires que sont la Chine, l'Inde et le Japon, du fait de leur poids manifeste et de leur importance politique, il en a été prêté davantage au développement des relations avec les autres Etats de la région. Comme ces pays deviendront de plus en plus importants pour la Suisse en tant que partenaires économiques et politiques, au niveau non seulement régional, mais encore mondial, la Suisse a tout intérêt à entretenir avec eux de bonnes et étroites relations.

Asie orientale Conformément à la stratégie du Conseil fédéral de 2007 relative à la Chine, les relations étroites avec la Chine sont poursuivies dans quatre domaines prioritaires de coopération: politique et droits de l'homme, économie, science/technologie/formation, environnement et énergie. Elles couvrent cependant aujourd'hui de nombreuses autres questions comme les migrations, la santé, la sécurité, la politique de développement, la culture, le travail et l'emploi. Le principal instrument politique est le dialogue régulier institué par le protocole d'accord (MoU) de septembre 2007, qui a connu sa deuxième édition au niveau ministériel à Berne en 2011. En mai de la même année, la visite officielle de travail du ministre chinois des Affaires étrangères Yang Jiechi a confirmé l'excellente qualité des relations bilatérales. En mars 2011, dans le cadre du onzième cycle du dialogue sur les droits de l'homme, entamé en 1991, les sujets discutés ont été les réformes juridiques, le droit pénal, l'exécution des peines, la liberté de religion et les droits des minorités. Le dialogue sur les migrations entamé en octobre 2010 s'est poursuivi en 2011 afin de
renforcer la coopération en la matière. Sur le plan économique, la Chine est depuis 2010 le premier partenaire commercial de la Suisse en Asie. Pour cette raison, le lancement, en janvier 2011, de négociations sur un accord bilatéral de libre-échange peut être considéré comme un succès particulier. Lors de sa séance du 9 novembre 2011, le Conseil fédéral a approuvé le protocole d'accord (MoU) instituant le dialogue sur les questions financières; ce dernier peut à présent être signé. En juin 2011, en outre, un accord de libre-échange a été signé entre l'AELE et Hong Kong. Toujours avec Hong Kong et en 2011, la Suisse a signé un accord de double imposition révisé.

Enfin un accord de droit privé a pu être mis en oeuvre entre Taïwan et la Suisse pour éviter la double imposition. Dans le domaine science, technologie et formation, la collaboration avec l'antenne Swissnex de Shanghai s'est poursuivie.

Du fait de la similitude de leurs intérêts et valeurs, le Japon est un partenaire important de la Suisse, surtout au niveau multilatéral, et notamment dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC), ou en matière d'environnement et de non-prolifération des armes nucléaires. En tant que société industrialisée moderne, le Japon partage plusieurs des problèmes et défis qu'affrontent les Etats d'Europe occidentale: vieillissement de la population, financement de l'Etat-providence, problème de la dette, migrations. En 2011, les relations de la Suisse avec le Japon ont été mar2724

quées par la triple catastrophe de Fukushima au mois de mars. Au second semestre s'est tenu le premier dialogue politique instauré par le protocole d'accord (MoU) de juillet 2010 dans le but de renforcer les relations. Le Japon reste pour la Suisse un pays d'investissements important et est son deuxième partenaire commercial en Asie, après la Chine. Un dialogue financier a en outre lieu régulièrement. Dans le domaine science et technologie, le Japon fait partie des huit pays prioritaires de la Suisse, l'accent étant mis sur la recherche médicale.

En tant que membre du G20, démocratie solide et économie nationale stable et en croissance, la Corée du Sud prend de plus en plus d'importance dans la politique mondiale. En 2011, l'intensification des relations bilatérales recherchée par la Suisse s'est traduite par un premier cycle de consultations politiques. En mars et décembre 2010, la Commission de supervision des nations neutres en Corée (NNSC), dont la Suisse est membre depuis 1953, a participé à des enquêtes spéciales sur la violation de l'armistice intercoréen. Les deux pays entretiennent enfin un partenariat étroit et judicieux dans le cadre de la diplomatie multilatérale du climat, où ils coopèrent étroitement au sein de l'Environmental Integrity Group.

En 2011 s'est tenu, entre la Suisse et la Corée du Nord, le neuvième cycle du dialogue politique instauré en 2003. La même année, les relations bilatérales avec la Mongolie ont été renforcées par une rencontre des présidents à Davos, en marge du WEF, de même que par des premières consultations politiques à Oulan-Bator.

Asie du Sud L'Inde est une grande puissance émergente avec laquelle la Suisse entretient des relations nourries. En 2011, la politique suisse à l'égard de l'Inde a continué à se concentrer sur les domaines de la politique, de l'économie, de la science/technologie/formation et de l'environnement/énergie. Après la visite de la chef du DFAE à New Delhi en septembre 2010 et le voyage en Inde d'une délégation économique mixte sous la conduite du chef du DFE en avril 2011, les visites diplomatiques ont culminé en octobre 2011 avec la visite d'Etat de la présidente indienne Pratibha Devisingh Patil en Suisse. Les travaux réalisés dans le cadre de l'AELE en vue d'un vaste accord sur le commerce et les investissements se poursuivent. Un
protocole d'accord (MoU) instituant un dialogue sur les questions financières a été signé le 3 octobre 2011 à l'occasion de la visite d'Etat de la présidente indienne à Berne. Un nouveau consulat général, avec Swissnex intégré (antenne suisse pour les échanges scientifiques), a été inauguré à Bangalore.

Entravé par des conflits intérieurs et extérieurs, le Pakistan ne parvient pas à participer pleinement à l'essor de l'Asie et représente même un facteur de risque à cet égard. En février 2011, le dialogue politique annuel avec le Pakistan s'est tenu à Berne. Un groupe d'hommes d'affaires pakistanais a voyagé en Suisse en mai 2011 pour faire valoir sa place économique, mais la situation sécuritaire précaire empêche d'exploiter à fond le potentiel du pays. La Suisse a participé aux efforts internationaux au niveau tant bilatéral (coopération au développement et aide humanitaire) que multilatéral et régional (Friends of Democratic Pakistan).

En Afghanistan, la Suisse a poursuivi son engagement de longue date en faveur du développement et a également participé aux efforts politiques de la communauté internationale dans la région de l'Hindou Kouch en adhérant au groupe de contact international (ICG) pour l'Afghanistan. En décembre 2011, une délégation du DFAE a participé à la Conférence de Bonn sur l'Afghanistan. Le Bhoutan continue à bénéficier de l'aide suisse au développement, qui soutient entre autres la démocratisation 2725

du pays. En octobre 2010, le premier ministre est venu en visite en Suisse, pour la première fois à ce niveau. En septembre 2011, la visite du président des Maldives a permis une discussion sur la démocratie et les problèmes climatiques. Les relations avec le Bangladesh sont fortement marquées par la coopération au développement, avec une attention particulière pour les problèmes climatiques. Enfin le Népal et le Sri Lanka restent des pays où l'engagement de la DDC revêt un aspect politique essentiel et avec lesquels le dialogue se poursuit au niveau diplomatique.

Asie du Sud-Est Dans le sillage de la Chine et du Japon, la plupart des Etats d'Asie du Sud-Est présentent un bilan économique et politique qui s'est répercuté favorablement sur les relations bilatérales avec la Suisse. En 2011, un dialogue politique a pu être entamé avec tous les Etats de l'ASEAN, sauf les Philippines et le Myanmar. Les premiers résultats de cette nouvelle stratégie ont été la signature avec le Vietnam d'un protocole d'accord (MoU) sur le renforcement de la coopération politique et le premier dialogue politique avec le Brunei.

Le dialogue avec Singapour, principal partenaire commercial de la Suisse en Asie du Sud-Est, est marqué par les intérêts économiques et les questions de stratégie des marchés financiers, ainsi que par la coopération au niveau multilatéral (Small Five/S5 et Global Governance Group ­ G20). L'accord révisé de double imposition a pu être signé. Avec le deuxième partenaire commercial de la région, soit la Thaïlande, les festivités du 80e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques ont permis d'entretenir les relations économiques, encore susceptibles de développement, et d'agir en vue d'une reprise prochaine des négociations sur un accord de libre-échange AELE-Thaïlande. La mise à disposition de deux experts suisses pour soutenir la commission thaïlandaise de réconciliation et de recherche de la vérité a été appréciée par la partie thaïlandaise, tout comme la poursuite de l'engagement suisse dans les camps de réfugiés à la frontière Thaïlande-Myanmar.

Les relations avec l'Indonésie, poids lourd économique de l'ASEAN, ont été marquées par l'appartenance de cette dernière au G20 et par sa présidence de l'ASEAN.

Parmi les points forts de ces relations, citons les négociations en cours
sur un ample accord de partenariat économique AELE-Indonésie et sur un accord bilatéral de protection des investissements, les rencontres régulières d'une commission économique et commerciale mixte, ainsi que celles d'un groupe de travail concernant la protection de l'environnement. L'Indonésie est par ailleurs l'un des sept pays prioritaires de la coopération économique au développement du SECO. Le dialogue interreligieux a continué à bénéficier d'une attention accrue, puisque l'Indonésie, qui compte la plus forte population musulmane du monde, représente un islam foncièrement modéré et moderne. Au niveau multilatéral, la priorité est allée à l'initiative suisso-indonésienne liée à la Convention de Bâle du 22 mars 1989 sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination19. Avec la Malaisie, l'accent du dialogue politique a été mis sur la mise en oeuvre de la déclaration de coopération économique AELE-Malaisie du 20 juillet 2009 et sur une médiation éventuelle des deux Etats entre les différentes cultures et communautés religieuses dans les enceintes multilatérales. En décembre 2010, une rencontre des ministres des affaires étrangères s'est tenue à Berne.

19

RS 0.814.05

2726

Ces dernières années, l'économie du Vietnam a été l'une de celles qui croissaient le plus rapidement au monde, ce qui a valu au pays le statut de «pays émergent» en 2011. L'étude de faisabilité pour un accord de libre-échange AELE-Vietnam a été achevée et la partie suisse préconise d'entamer les négociations officielles dans les meilleurs délais. Outre les questions économiques, les relations ont surtout porté sur le désengagement progressif de la DDC et la poursuite de l'engagement du SECO dans la coopération au développement, le dialogue institutionnel en matière de droits de l'homme, enfin la promotion de projets de coopération entre les universités et HES suisses et vietnamiennes. Le 40e anniversaire des relations diplomatiques a été célébré dignement par des visites diplomatiques de haut rang ainsi que par la signature d'un protocole d'accord (MoU) sur le renforcement de la collaboration politique et d'un autre sur la coopération bilatérale dans le domaine du travail et de l'emploi.

Avec le Laos et le Cambodge, le dialogue politique portait principalement sur la coopération au développement ainsi que sur les questions multilatérales et régionales. En 2012, le Cambodge assumera la présidence de l'ASEAN, tandis que le Laos sera l'hôte du sommet Europe-Asie (ASEM) à Vientiane, une rencontre importante pour la Suisse, puisqu'elle a fait acte de candidature à l'ASEM. Les relations diplomatiques avec les Philippines ont porté non seulement sur les questions économiques, mais aussi sur la poursuite active, au parlement philippin, de la création d'une base légale pour l'indemnisation des victimes du régime Marcos et sur la formation, à Berne, d'un groupe de travail commun sur les migrations.

Océanie: Australie, Nouvelle-Zélande et Etats insulaires Fortement sollicitée pour ses ressources en matières premières, l'Australie ­ puissance régionale et membre du G20 ­ connaît actuellement un véritable boom économique. Les relations avec la Suisse se caractérisent par la multiplication des investissements d'entreprises suisses en Australie et par la présence de la plus forte diaspora suisse de tout l'espace Asie-Océanie. En 2010, Suisse Tourisme a ouvert un bureau à Sydney. Le projet SAAN de coopération suisso-australien fournit en outre une plate-forme d'échanges qui donne des impulsions importantes à la
coopération scientifique bilatérale. La Suisse a entrepris récemment des démarches auprès de l'Australie pour engager un dialogue sur les questions financières.

Ces dernières années, la coopération avec la Nouvelle-Zélande s'est intensifiée ­ essentiellement au niveau multilatéral, où les thèmes prédominants ont été les droits de l'homme, la politique de la paix, l'environnement et la gouvernance financière (3G). La Suisse tient dûment compte des préoccupations des petits Etats insulaires du Pacifique, en particulier dans les enceintes multilatérales et régionales consacrées à la politique climatique, ou alors en soutenant leur présence à Genève. Conformément à l'universalité de sa politique étrangère, la Suisse a établi fin 2010 des relations diplomatiques avec les Îles Cook.

Intégration régionale Etant donné le poids croissant des forums régionaux, la Suisse attache de plus en plus d'importance ­ dans son intérêt bien compris ­ à se faire admettre dans certaines de ces enceintes. En Asie du Sud, elle est parvenue à entrer dans deux forums multilatéraux, les Friends of Democratic Pakistan (FoDP) et le Groupe de contact international (ICG). Elle donne ainsi plus de poids politique à sa contribution pour la stabilisation de l'Afghanistan, du Pakistan et de toute la région de l'Asie centrale et

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australe, rend visible sa participation aux efforts internationaux et intervient dans le débat international.

En mars 2011, la Suisse a déposé sa candidature au dialogue Europe-Asie (ASEM), qui est le principal forum politique Europe-Asie/Océanie où l'on discute de l'actualité régionale et géopolitique, avec pour but d'être admise comme membre à part entière en 2012, au prochain sommet qui se tiendra au Laos. Ces dernières années, l'ASEM a démontré son utilité, notamment dans les discussions sur la réforme du système financier international et la nouvelle architecture des marchés financiers, mais aussi dans la préparation du sommet de Cancun sur le climat. Par ailleurs, le forum s'est révélé être une plate-forme efficace de réseautage.

Défis et perspectives Dans l'espace Asie-Océanie, les grandes différences d'un Etat à l'autre exigent des stratégies adaptées à chaque pays pour atteindre le but premier, à savoir établir entre la Suisse et ses partenaires des rapports solides, mutuellement bénéfiques et fondés sur le respect. S'il est nécessaire de continuer à approfondir et développer le réseau des traités dans tous les domaines, par exemple en négociant de nouveaux accords de libre-échange, il faut aussi veiller à soutenir ces Etats par des mesures ciblées en matière de développement, de protection de l'environnement ou de protection des droits de l'homme, et leur fournir une aide, qu'elle soit humanitaire ou d'urgence, en cas de catastrophe.

En 2012, il est prévu de poursuivre, avec un rythme soutenu, le dialogue politique et les rencontres avec la Chine, l'Inde, le Japon et les autres Etats de la région, ainsi que les consultations sur l'Asie avec les Etats-Unis, l'UE, la Russie et la Norvège.

Les objectifs 2012 de la stratégie poursuivie depuis 2011 et visant un engagement accru auprès des organisations régionales sont d'adhérer à l'ASEM, de consolider les relations avec l'ASEAN, de défendre les positions suisses devant les Friends of Democratic Pakistan et le Groupe de contact international, et enfin d'établir des premiers contacts avec le Pacific Island Forum (PIF) et la Coopération régionale de l'Asie du Sud (SAARC) et d'examiner dans quelle mesure la Suisse pourrait y renforcer son engagement.

2.1.4

Politique à l'égard de l'Afrique subsaharienne

Tendances actuelles dans la région En 2011, l'Afrique subsaharienne a continué, malgré la reprise, à être exposée à un environnement économique relativement faible, à des évolutions politiques chancelantes et à des conditions climatiques et humanitaires critiques. Sur un plan économique, bien que le retour de la croissance aux taux d'avant la crise mondiale de 2008 se soit confirmée, au profit avant tout des Etats pétroliers et riches en matières premières, les pays importateurs de produits énergétiques ou alimentaires ont continué à être fragilisés par une conjoncture défavorable et un secteur agricole faible. La pauvreté, l'absence de perspectives économiques et la fragilité institutionnelle de certains Etats continuent de générer de forts mouvements migratoires et favorisent le développement de la criminalité.

2728

Au niveau politique, l'Afrique subsaharienne a connu une intense période électorale, appelée à se poursuivre en 2012. Dans les pays concernés, les scrutins se sont dans l'ensemble déroulés dans le calme, et les tensions postélectorales, à l'exception de la Côte d'Ivoire, n'ont pas appelé de réponses conflictuelles violentes. Les nombreuses contestations des résultats électoraux soulignent par contre le chemin encore à parcourir sur la voie d'une stabilité politique et démocratique durable; une stabilité bien souvent mise à mal par les tensions interethniques ainsi que par le manque de contrôle étatique effectif sur de vastes zones du territoire national.

Un environnement politique et économique stable permettrait de mieux développer le potentiel du continent africain et de générer ainsi l'espoir d'un avenir meilleur pour une grande partie de sa population. Il est dans l'intérêt de la Suisse d'oeuvrer dans ce sens. Elle est ainsi active en Afrique subsaharienne dans les domaines de la promotion de la paix et de la bonne gouvernance, soutient plusieurs pays subsahariens dans leurs efforts pour atteindre les Objectifs du Millénaire et vient en aide aux populations affectées par les crises humanitaires, à l'image de la grave crise alimentaire dans la Corne de l'Afrique en été 2011. Sept des douze pays prioritaires de la coopération au développement de la Confédération se trouvent en Afrique, ainsi que deux programmes spéciaux. La Suisse compte également trois programmes de promotion civile de la paix en Afrique subsaharienne (Afrique de l'Ouest et centrale, Grands Lacs ainsi que Soudan, Soudan du Sud et Corne de l'Afrique). L'engagement actif de la Confédération en Afrique subsaharienne lui permet de développer de bonnes relations avec la majorité des Etats de la région. Ces relations lui permettent de défendre ses intérêts dans une région qui demeure importante sur la scène internationale.

Afrique australe L'Afrique du Sud, un acteur clef sur le continent africain jouant, sur un plan régional, un rôle politique et économique déterminant, est un partenaire stratégique de la Suisse. Les relations bilatérales avec ce pays constituent une des priorités de la politique étrangère suisse. Dans ce sens, un Mémoire d'Entente (MoU) sur le renforcement de la coopération mutuelle entre la Suisse et l'Afrique
du Sud a été signé en mars 2008 à Genève. Il vise à renforcer la collaboration sur les plans politique et économique, ainsi que du développement, de la promotion de la paix, de la formation, de la science et de la culture. Annuellement des rencontres à haut niveau ont lieu, la troisième sous la direction du Secrétaire d'Etat du DFAE à Berne en mars 2011. Un potentiel d'intensification de la collaboration dans les domaines de la science et du changement climatique a été identifié.

Suite à la signature du MoU, la Suisse et l'Afrique du Sud ont institué un Comité économique bilatéral mixte. L'Afrique du Sud est le principal partenaire commercial de la Suisse sur le continent africain et au sein de la Southern Africa Customs Union (SACU), l'Union douanière des pays d'Afrique australe. Le volume commercial bilatéral entre la Suisse et l'Afrique du Sud a atteint 1,53 milliard de francs en 2010.

L'Afrique du Sud est le premier client des exportateurs suisses de marchandises sur le continent. En matière d'investissements étrangers directs, la Suisse affichait un stock de 4,4 milliards fin 2009 alors que l'Afrique du Sud a absorbé, la même année, 54 % des investissements directs suisses en Afrique sub-saharienne. Le SECO s'engage sur trois axes, à savoir le développement d'une économie compétitive et inclusive, le renforcement d'un pôle régional commercial et d'expertise dans des

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domaines clés du développement économique et, enfin, l'efficience énergétique et le changement climatique.

La Suisse a également conclu un accord de coopération scientifique et technologique avec l'Afrique du Sud, l'un des huit pays extra-européens avec lesquels les relations scientifiques sont approfondies de manière ciblée. Dans le cadre du Swiss South African Joint Research Programme (SSAJRP), seize projets de recherche et plus de soixante projets d'échanges sont consacrés à la bio- et nanotechnologie, à la santé publique, à la biomédecine ainsi qu'aux sciences humaines et sociales. Quant à la coopération suisse au développement, elle est active en Afrique du Sud depuis 2008 principalement avec un programme global axé sur la recherche de solutions pour les problèmes liés au changement climatique. Elle y est aussi présente dans le cadre de son programme régional pour l'Afrique australe (SADC), articulé autour de trois domaines: le VIH/SIDA, la sécurité alimentaire et la bonne gouvernance.

En Tanzanie et au Mozambique, pays prioritaires de la coopération bilatérale suisse au développement, la DDC intervient aux niveaux de la santé, du développement économique et de la gouvernance. Un programme spécial concentré sur le développement rural est mis en oeuvre à Madagascar. Au Zimbabwe, la Confédération fournit une aide humanitaire à la population sous forme d'assistance alimentaire.

Elle contribue également à la relance de la production agricole, qui a permis au Zimbabwe de tripler sa production vivrière. Son soutien visant à améliorer l'accès au traitement du VIH/SIDA, dans un pays où un enfant sur quatre est orphelin du SIDA, permet aujourd'hui de couvrir près de 60 % des personnes dans le besoin face à 25 % en 2007.

Région des Grands Lacs Dans un environnement sécuritaire toujours fragile, la région des Grands Lacs a connu une période électorale intense en 2010 et 2011 avec des élections au Burundi, au Rwanda, en Ouganda et en République Démocratique du Congo. Le bilan de ce marathon électoral est contrasté. Si les processus électoraux dans ces pays se sont déroulés dans l'ensemble dans le calme, les mouvements d'opposition ont contesté le résultat des élections. Des tensions postélectorales ont secoué l'Ouganda et la République Démocratique du Congo, où le processus a fait l'objet de nombreuses
critiques. Au Burundi, l'augmentation de la violence à caractère politique depuis les élections de l'été 2010 est à souligner. Au-delà des tensions postélectorales récurrentes dans la région, l'établissement d'un environnement politique stable et démocratique dans les Grands Lacs est rendu plus difficile par la persistance de défis structurels tels que la faiblesse de l'Etat de droit, les violations répétées des droits de l'homme, l'impunité et les problèmes fonciers.

Dans le cadre de la stratégie 2009­2012 du DFAE pour la région des Grands Lacs, la Suisse contribue à répondre à ces défis au travers de son programme régional de coopération au développement, de son programme de politique de paix et de ses activités en matière d'aide humanitaire. Son objectif consiste à promouvoir la paix, la stabilité et la sécurité dans la région en contribuant à l'intégration régionale ainsi qu'au développement institutionnel et social des trois pays. Un accent particulier est mis sur le renforcement de la société civile et sur le suivi des processus électoraux, sur le respect des droits de l'homme, le dialogue démocratique et le traitement du passé. De par l'importance de la région des Kivus en République Démocratique du Congo pour une paix durable dans les Grands Lacs, la Suisse a décidé d'y approfondir son engagement.

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Au niveau multilatéral, la Suisse assure, depuis juillet 2009, la présidence de la Configuration Burundi de la Commission de consolidation de la paix des Nations Unies. Elle met ainsi ses connaissances approfondies de la situation politique et sociale du Burundi au profit des institutions onusiennes. Des experts suisses sont engagés au sein des missions de l'ONU au Burundi et en RDC, notamment dans le déminage humanitaire.

Afrique orientale et Corne de l'Afrique La Corne de l'Afrique est l'une des régions les plus instables du continent africain.

Son instabilité politique en général, plus spécifiquement la faiblesse institutionnelle en Somalie, les conflits interétatiques récurrents et les velléités indépendantistes de plusieurs régions ont trois conséquences majeures pour la communauté internationale. Tout d'abord, les nombreux déplacements de populations affectées par la situation politique et humanitaire génèrent de fortes pressions migratoires dans les pays de la région, ainsi qu'au Moyen-Orient et en Europe. Ensuite, l'absence d'Etat de droit constitue un terreau fertile pour le développement de la piraterie dans le golfe d'Aden, route maritime d'importance stratégique pour les échanges commerciaux internationaux. Enfin, la progression de l'extrémisme, illustrée par les milices Al-Shabaab, fait craindre une exportation du conflit somalien sous la forme d'actes terroristes dans la région et en Occident. Les actes de piraterie répétés au large des côtes somaliennes, la détérioration de la situation humanitaire et la forte pression migratoire incitent la communauté internationale à s'engager plus activement en faveur d'une stabilisation régionale.

L'engagement de la Suisse dans la Corne de l'Afrique repose sur deux piliers qui sont l'aide humanitaire et la promotion de la paix. Face à l'augmentation des populations déplacées et à l'urgence alimentaire dans la région depuis l'été 2011, la Suisse a renforcé son engagement humanitaire en Somalie, en Ethiopie et au Kenya. Elle déploie ses efforts en faveur de la promotion de la paix par le financement de plusieurs projets dans les domaines du dialogue et de la gouvernance locale. Des engagements dans le déminage humanitaire existent également. Afin de renforcer son engagement en faveur de la stabilisation de la Somalie, la Suisse a rejoint
l'International Contact Group on Somalia en 2009.

En date du 9 juillet 2011, à la suite du référendum sur l'indépendance du Soudan du Sud de janvier 2011 ayant recueilli 98,8 % de suffrages favorables, le 55e Etat africain a vu le jour conformément aux dispositions de l'Accord de paix global de 2005 entre le gouvernement soudanais et le Mouvement /l'Armée populaire de libération du Soudan (SPLM/A). La Suisse a rapidement reconnu le Soudan du Sud comme Etat indépendant de concert avec la communauté internationale et établi des relations diplomatiques et consulaires, de la compétence de l'ambassade de Suisse en Ethiopie. Bien que ce scrutin représente une étape importante dans les relations conflictuelles ayant sévi pendant des décennies, de nombreux défis de nature postréférendaire tributaires d'un soutien de la communauté internationale sont à relever, tels que la démarcation de la frontière entre le Soudan et le Soudan du Sud, le territoire disputé d'Abyei, les questions monétaires, le partage des actifs et passifs ainsi que des ressources et des revenus pétroliers.

Fidèle à son engagement en matière de promotion de la démocratie, de soutien aux processus de paix, de la protection des droits de l'homme et de la cohabitation pacifique des populations, la Suisse est fortement engagée depuis 1998 au Nord comme au Soudan du Sud. Durant la guerre civile qui a déchiré le pays, elle a 2731

contribué à l'accord de cessez-le-feu pour les monts Nouba qui, après sa signature en 2002 au Bürgenstock, a ouvert la voie à l'accord de paix entre le Nord et le Sud.

Sur les sujets post-référendaires, à la demande des deux parties, elle fournit depuis octobre 2010 une expertise technique en matière de partage des biens et des dettes de l'Etat, d'endettement, de questions bancaires et monétaires. En outre, elle accorde au Soudan du Sud un soutien spécifique pour rédiger une loi sur la fondation d'une banque centrale et pour créer une nouvelle monnaie. Enfin, des experts suisses conseillent le Nord et le Sud, lorsqu'ils en émettent le souhait, pour l'instauration de nouvelles constitutions. L'aide humanitaire de la Confédération, qui dispose d'un bureau de programme à Khartoum depuis 2004 ainsi qu'à Juba depuis 2006, fournit avant tout une aide d'urgence, ainsi qu'une aide au retour de réfugiés et de déplacés internes dans les deux pays incluant le Darfour. L'accent est mis sur la sécurité alimentaire, l'accès à l'eau potable, l'accès aux soins et les mesures de protection des populations civiles. De plus, la Suisse investit environ un million de francs par an dans des projets de sécurité alimentaire et de médias pour la paix. Les fonds dévolus à l'ensemble du Soudan s'élevaient en 2010 à quelque 75 millions de francs, dont environ 53 millions de contribution obligatoire affectée aux missions de l'ONU (MINUS et MINUAD). Dans le cadre de son engagement, la Suisse a toujours veillé à adopter une approche équilibrée et a soutenu le Nord comme le Sud.

Afrique centrale et occidentale Bien que certains pays aient progressé sur le chemin de la bonne gouvernance, de la démocratie et du développement, l'Afrique centrale et occidentale compte encore parmi les régions les plus instables du monde. En 2011, la région a été profondément affectée par la crise postélectorale en Côte d'Ivoire et par les incidences humanitaires et sécuritaires de la crise en Libye. La paupérisation croissante et la forte insécurité alimentaire sont aggravées par les changements climatiques, les crises économiques, la croissance démographique et les mouvements migratoires. Une mauvaise gouvernance des Etats fragiles, des crises politiques, des conflits armés ainsi que la propagation du terrorisme et du crime organisé dans le Sahel
menacent par ailleurs la stabilité de la région.

La Suisse s'efforce de relever ces défis et de construire sur les potentialités de la région en combinant, dans un souci d'efficacité et de complémentarité, différents instruments de sa politique étrangère. La coopération au développement de la DDC, dont les champs d'activités sont le développement rural, l'éducation et la gouvernance, agit dans des pays comme le Bénin, le Burkina Faso, le Mali, le Niger ou le Tchad. La coopération économique du SECO se concentre sur le Ghana. L'aide humanitaire agit de façon ciblée dans les pays où les besoins liés à des situations d'urgence sont les plus importants, comme cela a été le cas lors de la crise en Côte d'Ivoire. En matière de sécurité humaine, la Suisse a amorcé en 2006 un programme de politique de paix qui se concentre sur le Mali, le Niger et le Tchad. Ce programme agit en particulier sur la région sahélo-saharienne. Par ailleurs, la Suisse met à la disposition de l'ONU des experts policiers et douaniers, notamment en Côte d'Ivoire (ONUCI) et au Liberia (MINUL). Au Ghana, elle est active dans le cadre de sa coopération militaire avec le Centre d'études et de formation sur la prévention des conflits et sur le maintien de la paix (KAIPTC). Des engagements dans le déminage humanitaire existent également. Enfin, dans le domaine de la migration, la Suisse poursuit la mise en oeuvre du partenariat migratoire avec le Nigéria.

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Défis et perspectives Bien que l'Afrique subsaharienne dispose de richesses et de potentiels, à savoir une population jeune, des ressources en matières premières, des terres arables faiblement exploitées, une diversité géographique et des opportunités de développement économique et touristique, ce continent n'a pas encore réussi à trouver la clé du développement. La Suisse doit avoir une politique de développement convaincante, en collaboration étroite avec les pays africains, qui soit à même d'apporter des réponses dans des domaines tels que la réduction de la pauvreté, les effets du changement climatique, les faiblesses économiques et institutionnelles et la gestion durable des ressources du continent. Pour ce faire, l'engagement de la Suisse en matière de coopération au développement et de promotion de la paix, qui s'inscrit dans le cadre des efforts de la communauté internationale, doit aussi viser au renforcement des liens politiques avec les dirigeants des pays africains et contribuer à un environnement favorable au développement des échanges économiques.

Pour renforcer ses relations bilatérales et ses liens politiques de haut niveau avec les dirigeants des pays africains, la Suisse dispose de précieux instruments, à savoir de son réseau de représentations ainsi que de la Genève internationale, où la plupart de ces décideurs politiques se rendent régulièrement dans le cadre de conférences internationales. Le Sommet de la Francophonie d'octobre 2010 à Montreux, qui a connu un vif succès, a aussi permis d'intensifier le dialogue multilatéral et bilatéral avec les pays africains.

Vu les difficultés auxquelles l'Afrique subsaharienne se heurte en ce début de millénaire, il est aussi dans l'intérêt de la Suisse de continuer à soutenir ce continent dans la lutte contre la pauvreté et les problèmes de développement et de contribuer à relever les défis politiques, sécuritaires et économiques actuels.

2.2

Priorités multilatérales de la politique extérieure de la Suisse

Avec la mondialisation, certaines organisations multilatérales deviennent peu à peu des enceintes où se formulent et se discutent les réponses à apporter aux défis mondiaux. Le système de l'ONU joue en général un rôle dominant pour les questions politiques, tandis que c'est du G20 qu'émanent les grandes initiatives mondiales en matière économique.

Dans ce contexte, les organisations multilatérales jouent un rôle croissant dans la politique extérieure de la Suisse. Elles permettent en effet de débattre dans un cadre structuré de sujets touchant aux intérêts mondiaux et régionaux et de rechercher des solutions que peuvent soutenir le plus grand nombre possible de pays. Il est important que la Suisse suive les débats internationaux et participe au dialogue multilatéral, en particulier dans les enceintes où se forge l'opinion internationale. Elle élargira ainsi sa marge d'influence dans des domaines importants pour sa politique extérieure.

La crise mondiale économique et financière illustre bien l'importance des organismes internationaux qui traitent des questions économiques, financières et monétaires mondiales. La Suisse a particulièrement intérêt à s'investir dans ce cadre et à influer sur les décisions et l'évolution des choses. Il est également important qu'elle exerce son influence dans les organisations du système de l'ONU où se prennent des déci2733

sions ayant un impact notable sur son avenir et ses intérêts de politique extérieure. Il importe en outre qu'elle profite de sa présence au sein d'organisations régionales ou thématiques pour faire valoir ses intérêts spécifiques et élargir ses réseaux politiques extérieurs.

2.2.1

L'ONU et la justice pénale internationale

Tendances actuelles et engagement de la Suisse Au sommet mondial de 2005, les chefs d'Etat et de gouvernement ont adopté un agenda de réforme qui, aujourd'hui encore, a un impact sur les trois activités clés de l'ONU: dans le domaine de la paix et de la sécurité, des avancées significatives ont été enregistrées en matière de consolidation et de promotion de la paix. Les mécanismes et instruments correspondants, notamment la Commission de consolidation de la paix des Nations Unies, ont été développés et élargis au cours des dernières années. Dans le domaine de la coopération au développement, les Etats membres ont adopté en 2010 un plan d'action visant à assurer, d'ici à 2015, la mise en oeuvre des Objectifs du Millénaire pour le développement. De plus, une conférence de l'ONU consacrée au développement durable sera organisée en juin 2012 (Rio+20). Concernant la troisième activité clé, les droits de l'homme, l'examen du Conseil des droits de l'homme de l'ONU a retenu toute l'attention. L'instance de l'ONU créée en 2006 a ainsi réussi son premier test.

Au vu des interdépendances qui ne cessent de croître et de leur corollaire de vulnérabilités qui caractérisent le monde actuel, la question du rôle de l'ONU dans la résolution des problèmes mondiaux se pose sous un jour nouveau. La crise économique et financière actuelle a montré les limites de la capacité de décision de l'ONU. Celle-ci peut certes s'appuyer sur son universalité thématique et géographique pour prendre des décisions qui, étant d'une légitimité incontestée, ont de bonnes chances d'être mises en oeuvre au niveau national. Mais, contrairement au G20 par exemple, elle n'est quasiment pas en mesure de prendre des décisions rapides. C'est la raison pour laquelle le défi de la communauté internationale consiste à harmoniser entre elles les décisions en matière de pilotage prises par les différents acteurs mondiaux et d'accroître la cohérence de ces décisions. Le groupe informel «3 G» (Global Gouvernance Group), dont fait partie la Suisse, a pour objectif de renforcer le rôle de l'ONU dans ce processus d'harmonisation.

Joseph Deiss, qui a présidé la 65e Assemblée générale de l'ONU, a fait de la question de la gouvernance mondiale le leitmotiv de son mandat. Durant sa présidence, il a réussi à apporter de nombreuses contributions concrètes en
faveur d'une coordination plus étroite entre l'ONU et le G20. Dans d'autres domaines, il s'est également employé avec succès à renforcer l'ONU dans son rôle d'acteur mondial. Sa présidence offrait une bonne occasion de développer et de renforcer le profil de la Suisse en tant que membre de l'ONU actif et novateur. La campagne qu'il s'agit de mener pour la candidature de la Suisse au Conseil de sécurité pour la période 2023­2024 pourra s'appuyer sur l'image positive dont jouit le pays au sein de l'ONU. La Suisse n'en devra pas moins faire face à de nombreux défis, dont notamment la nécessité d'inscrire dans la politique intérieure l'idée même de la candidature, afin que la Suisse puisse être élue en 2022 pour siéger deux ans durant au Conseil de sécurité.

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La crédibilité et la fiabilité sont deux qualités suisses que le pays pourra mettre en avant dans l'optique de cette candidature. A cet égard, il est essentiel de définir des priorités claires, qui s'inscrivent dans le long terme. L'accent est mis, dans les chapitres suivants, sur les priorités de la politique suisse à l'égard de l'ONU dans le cadre des trois activités clés évoquées plus haut. Par ailleurs, au cours de l'année sous revue, la Suisse s'est engagée plus particulièrement en faveur d'une justice pénale internationale forte et efficace et pour l'amélioration permanente des capacités de gestion et de l'efficacité du système de l'ONU. Plus généralement, la Suisse continue, dans le domaine multilatéral, à donner la priorité à la promotion de la «Genève internationale» et à la nomination de ressortissants suisses dans les organisations internationales.

Paix et sécurité Réforme du Conseil de sécurité de l'ONU: au cours de ces dernières années, le débat sur la réforme du Conseil de sécurité de l'ONU a pris de l'ampleur. L'influence économique et politique croissante de pays tels que le Brésil, l'Inde ou l'Afrique du Sud ont renforcé de nombreux Etats membres dans leur conviction que le Conseil de sécurité n'est pas assez représentatif des nouvelles donnes géopolitiques. Toutefois, les avis se font discordants lorsqu'il s'agit de définir la composition future du Conseil de sécurité. La Suisse est favorable à la solution transitoire de compromis, qui prévoit la création d'une nouvelle catégorie de sièges non permanents à mandat prolongé. Mais c'est à la réforme des méthodes de travail du Conseil qu'elle continue de s'intéresser en priorité. Au sein d'une initiative diplomatique conjointe, elle cherche, avec le Costa Rica, la Jordanie, le Liechtenstein et Singapour (S5, Small Five), à obtenir une meilleure transparence et une implication accrue de l'ensemble des membres de l'ONU dans les travaux de son instance décisionnelle la plus puissante.

Lutte contre le terrorisme: depuis les attentats du 11 septembre 2001, la lutte contre le terrorisme est une priorité de l'agenda onusien. Membre actif et innovant dans ce domaine, la Suisse a plus particulièrement contribué, au cours des dernières années, à la mise en oeuvre de la Stratégie antiterroriste mondiale de l'ONU. En partenariat avec l'Allemagne,
l'Autriche, la Norvège, la Turquie et les Etats-Unis, elle soutient pour les années 2010 à 2012 une initiative visant une meilleure mise en oeuvre régionale de la Stratégie, en particulier en Asie et en Afrique. Son engagement équilibré lui a permis d'accorder l'importance nécessaire au respect des droits de l'homme et de la primauté du droit dans la lutte contre le terrorisme. Membre du Groupe d'action contre le terrorisme du G8 (Counter Terrorism Action Group ­ CTAG), la Suisse a été invitée à participer au Forum mondial de lutte antiterroriste (Global Counter-Terrorism Forum ­ GCTF) mis en place par les Etats-Unis en septembre 2011. Ce forum, qui regroupe l'UE et 29 pays aux vues diverses, a pour objectif d'encourager les capacités de chaque pays à lutter contre le terrorisme.

L'invitation faite à la Suisse d'y participer est un signe de reconnaissance de l'engagement de celle-ci en faveur de la mise en oeuvre de la Stratégie antiterroriste mondiale de l'ONU. Dans ce forum aussi, la Suisse entend promouvoir le respect des droits de l'homme et jeter un pont avec les activités onusiennes afin d'éviter les doublons et les conflits avec ces activités.

Sanctions contre Al-Qaïda et les talibans: ces dernières années, la problématique du respect des droits fondamentaux et de l'équité dans le domaine des sanctions ciblées instaurées par le Conseil de sécurité à l'encontre d'individus a suscité une attention 2735

croissante. De nombreux Etats membres se sont vus confrontés à des difficultés dans la mise en oeuvre de ces sanctions, notamment dans le cadre des recours au niveau des juridictions nationales et européennes. C'est pourquoi la Suisse, en collaboration avec des Etats partageant ses vues, s'engage depuis 2005 en faveur de l'amélioration des procédures pour les personnes affectées par des sanctions. Une étape importante a pu être franchie en décembre 2009 avec la création d'un poste de médiateur dont le rôle est de recevoir les plaintes des personnes concernées. Son mandat a été renforcé en juin 2011 dans le cadre du renouvellement des sanctions à l'encontre d'Al-Qaïda et des talibans.

Commission de consolidation de la paix: A l'heure actuelle, la Commission de consolidation de la paix (CCP) s'occupe du Burundi, de la Guinée-Bissau, de la République centrafricaine, de la Sierra Leone, du Libéria et de la Guinée-Conakry.

De manière générale, la Suisse met l'accent sur une approche coordonnée et intégrée de la consolidation de la paix, soit celle d'une prise en compte des acteurs du développement, de l'humanitaire et du maintien de la paix. Elle a participé au réexamen de l'architecture onusienne de consolidation de la paix qui s'est déroulé en 2010.

Elle assume depuis juillet 2009 la présidence de la Réunion spécifique de la CCP sur le Burundi. Enfin, elle a contribué financièrement et matériellement à l'élaboration du rapport indépendant du groupe d'experts de haut niveau sur les capacités civiles en situation post-conflictuelle (Civilian Capacities Review).

Opérations de maintien de la paix: Avec plus de 120 000 personnes déployées dans une quinzaine de missions, les opérations de maintien de la paix demeurent le fer de lance de l'action de l'ONU et un outil indispensable pour le maintien de la paix et de la sécurité internationale. En 2011, les tensions autour des discussions sur le maintien de la paix se sont accentuées et ont retardé ou bloqué plusieurs processus de négociations. L'adéquation entre mandats et moyens, de même que les taux de compensation pour les troupes déployées, sont la cause de désaccords qui mettent à mal le partenariat global entre contributeurs de troupes et contributeurs financiers du maintien de la paix. Les réformes approfondies engagées par le Secrétariat de l'ONU
et visant à résoudre une partie de ces problèmes se poursuivent. Selon les statistiques de l'ONU, la Suisse déployait 17 militaires et policiers dans les opérations en 2011, arrivant ainsi au 100e rang des contributeurs. Depuis août 2011, le Chef d'Etat-major adjoint de l'Organisme des Nations Unies chargé de la surveillance de la trêve est un Suisse. A cela s'ajoute une participation civile dans certaines missions. Dans son rapport du 1er octobre 2010 sur l'armée 201020, le Conseil fédéral a exprimé l'intention d'augmenter le nombre de militaires suisses engagés dans la promotion militaire de la paix, favorisant ainsi la capacité de la Suisse à obtenir des postes politiques de haut niveau dans les opérations de maintien de la paix. Notre pays demeurera actif lors des négociations et débats sur le futur du maintien de la paix onusien.

Droits de l'homme Conseil des droits de l'homme de l'ONU: La Suisse évalue positivement les travaux du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies en 2011. La dynamique au sein du Conseil est devenue plus constructive suite aux événements de début d'année.

Avec la tenue de trois sessions extraordinaires en 2011 (Libye, Syrie à deux reprises) et des décisions importantes sur plusieurs autres situations (Côte d'Ivoire) et 20

FF 2010 8109

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thèmes sensibles (orientation sexuelle et identité de genre, manifestations pacifiques), le Conseil a démontré qu'il est apte à réagir de manière appropriée et en temps voulu aux situations de violations graves des droits de l'homme. La Suisse a soutenu activement la convocation de ces trois sessions extraordinaires. Dans le cas de la Libye, c'est la première fois que l'Assemblée Générale des Nations Unies a suspendu un Etat membre du Conseil en raison des violations graves et systématiques des droits de l'homme commises dans le pays, donnant ainsi un signal important aux actuels ou potentiels violateurs des droits de l'homme. Cinq ans après la création du Conseil, l'Assemblée Générale des Nations Unies a achevé l'examen du Conseil et l'a confirmé dans ses fonctions. Au cours de ces négociations, la Suisse s'est fortement engagée pour la création d'un bureau du Président du Conseil des droits de l'homme afin d'assurer la continuité institutionnelle et le professionnalisme de la Présidence du Conseil. Elle considère le résultat de ce processus comme globalement positif car il a permis des ajustements techniques et pragmatiques des méthodes de travail du Conseil, notamment concernant l'Examen périodique universel, sans en affaiblir les mécanismes.

La Suisse est membre du Conseil des droits de l'homme jusqu'en 2013. En 2011, elle a lancé les initiatives transrégionales suivantes: sur l'adoption d'une Déclaration des Nations Unies sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme, sur l'environnement et les droits de l'homme, sur la création d'une nouvelle procédure spéciale chargé de la promotion de la vérité, justice, réparation et garantie de nonrécurrence. Elle a également obtenu du Conseil une décision convoquant un panel de discussion sur la promotion et la protection des droits de l'homme dans le contexte de manifestations pacifiques (voir ch. 2.3.2).

Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH): les années qui ont suivi le sommet mondial de 2005 ont été pour le HCDH une phase de croissance, au cours de laquelle son budget ordinaire a doublé. Mais son budget total continue d'être formé à près des deux tiers de contributions volontaires des membres, ce qui l'expose au soupçon d'allégeance à ses donateurs, principalement occidentaux. C'est la raison pour laquelle certains
pays du Sud aimeraient soumettre le Haut Commissariat à un contrôle accru du Conseil des droits de l'homme et ainsi influer davantage, dans un cadre intergouvernemental, sur ses priorités thématiques, ses activités nationales et sa composition. La Suisse accueille chez elle le Haut Commissariat et figure parmi ses quinze plus gros donateurs; elle s'emploie donc activement à lui conserver son indépendance, tout en l'encourageant à mener une communication plus stratégique et transparente avec les pays.

Organismes internationaux de justice Tendances mondiales: Près de 10 ans après l'établissement de la Cour pénale internationale (ci-après CPI), la justice pénale internationale occupe une place de plus en plus importante dans les relations internationales. La communauté internationale reconnaît que la lutte contre l'impunité est une condition préalable à une paix durable. Par la résolution 1970 (2011) adoptée à l'unanimité par le Conseil de sécurité, il a été décidé de déférer la situation en Jamahiriya arabe libyenne à la CPI. Cette mesure a permis au Procureur de devenir actif très tôt dans une situation de crise.

En ce qui concerne les Tribunaux pénaux internationaux ad hoc, à savoir le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) et le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), il est important de saluer l'arrestation de tous les présumés responsables de crimes internationaux qui étaient poursuivis par le TPIY. En vue de 2737

la stratégie de fermeture de ces tribunaux, le Conseil de sécurité des Nations Unies a décidé, par sa résolution 1966 (2010), de créer un mécanisme international chargé d'exercer les fonctions résiduelles des deux tribunaux.

En juin 2010, lors de la Conférence de révision du Statut de Rome qui a eu lieu à Kampala, en Ouganda, le crime d'agression a été défini au niveau international et intégré dans la juridiction de la CPI. C'est un événement historique et il s'agit à présent de s'engager pour préserver l'intégrité du consensus atteint à Kampala.

Malgré ces avancées positives, le succès de la justice pénale est toutefois encore loin d'être garanti. Concernant la CPI, l'un des défis les plus importants est celui de la coopération des Etats, sans laquelle elle ne peut mener à bien ses activités et exécuter pleinement son mandat.

Activités de la Suisse: La Suisse continuera de s'engager en faveur de la lutte contre l'impunité et d'une CPI qui soit à même de remplir l'important mandat que les Etats lui ont confié. Elle est convaincue que la CPI devrait fonctionner sur une base aussi universelle que possible. Dans ce sens, elle poursuit ses efforts visant à la ratification universelle du Statut de Rome et encourage tous les Etats parties à s'engager aussi.

Afin de pouvoir mieux poursuivre les auteurs des crimes les plus graves, elle a procédé à des modifications de son code pénal21 qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 2011. Les principales modifications sont l'inscription dans le droit suisse des crimes contre l'humanité, une précision des crimes de guerre, une redéfinition du partage des compétences entre les autorités civiles et militaires et la suppression de la condition du «lien étroit» concernant l'exercice de la compétence universelle pour les crimes de guerre.

Lors de la dixième Assemblée des Etats parties au Statut de Rome en décembre 2011, il est prévu que la Suisse reprenne l'un des deux postes de vice-président de l'Assemblée pour une durée de trois ans. A part cela la Suisse s'engagera notamment pour l'élection d'un Procureur jouissant d'une haute considération morale et ayant de solides compétences ainsi qu'une grande expérience. Selon toute vraisemblance c'est l'actuelle Procureure adjointe, Madame Fatou Bensouda (Gambie), qui sera élue à ce poste. Elle soutiendra également
l'élection de juges à même d'exercer leurs fonctions en toute indépendance. Elle recommandera que la contribution financière octroyée à la CPI ne diminue pas afin que cette dernière puisse remplir correctement son mandat. La Suisse présidera également le Groupe de travail sur les amendements.

La Cour internationale de Justice (CIJ): Fin 2009, la Belgique a déposé devant la CIJ une requête contre la Suisse, en alléguant différentes violations du droit international public dans le cadre des procédures de faillite de Sabena et de Swissair. En février 2011, la Suisse a soulevé des exceptions préliminaires et a notamment contesté l'existence d'un différend entre les deux Etats. Après en avoir pris connaissance, la Belgique a renoncé à poursuivre la procédure. La CIJ a donc rendu une ordonnance de radiation du rôle le 5 avril 2011. Il en résulte que la Suisse n'est plus impliquée dans des procédures devant la CIJ.

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RO 2000 2725; FF 1999 4911

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Gestion et financement de l'ONU Au Sommet mondial de 2005, les chefs d'Etat et de gouvernement s'étaient fixé comme objectif la réforme du secrétariat de l'ONU. Quel est le bilan six ans plus tard? Des avancées réjouissantes ont été enregistrées, mais elles demeurent insuffisantes. Force est de constater que la majorité des membres n'est pas disposée à ce stade à attribuer au Secrétariat général les instruments modernes de gestion qui lui permettraient de réagir rapidement à de grands changements extérieurs et de disposer plus librement de ses ressources.

La Suisse est très active au sein de la 5e Commission de l'Assemblée générale, qui traite des questions administratives et budgétaires des Nations Unies. Un moment fort a été la présidence suisse de cette commission durant la 64e Assemblée générale (2009­2010). La Suisse s'efforce depuis des années de ramener sur le terrain de l'objectivité le débat sur les méthodes de gestion modernes et efficientes et de faire valoir leurs avantages. Elle veut une amélioration du processus budgétaire de l'ONU qu'elle souhaite plus transparent, plus rationnel et plus axé sur les stratégies. Elle s'engage pour ses priorités également au sein du Groupe de Genève, organe de coordination de seize pays qui sont parmi les plus grands contributeurs de l'ONU.

Bien que son taux de contribution ait légèrement baissé le 1er janvier 2010 (à 1,13 %), la Suisse continue de figurer parmi les gros contributeurs des Nations Unies en occupant le 16e rang. En chiffres absolus, ses contributions obligatoires ont augmenté. Elles ont été en moyenne annuelle de 128 millions de francs ces quatre dernières années, surtout en raison de l'alourdissement marqué du coût des opérations de maintien de la paix et des missions politiques spéciales de l'ONU. Mais sous le coup de la crise économique mondiale, la tendance est à un ralentissement de la croissance du budget de l'ONU.

La Suisse, pays hôte d'organisations internationales La Suisse possède une longue tradition d'accueil d'organisations internationales. Sur un total de 25 organisations ayant conclu un accord de siège, 22 sont installées à Genève, 2 à Berne, et 1 à Bâle. Genève est, avec New York, l'un des deux grands centres de la coopération multilatérale. Le nombre d'Etats représentés à Genève (169 missions permanentes en 2011)
témoigne de l'attrait de la «Genève internationale». Genève confère ainsi un poids politique supérieur à ce que l'on pourrait attendre de la Suisse et contribue à la réalisation de ses objectifs de politique extérieure.

La politique d'Etat hôte de la Suisse s'appuie sur deux instruments qui découlent de la loi du 22 juin 2007 sur l'Etat hôte22 et son ordonnance d'application du 7 décembre 200723: la Fondation des immeubles pour les organisations internationales (FIPOI) et le crédit Etat-hôte. En outre, le Conseil fédéral a adopté, le 6 juin 2011, l'ordonnance sur les domestiques privés (ODPr)24. Entrée en vigueur le 1er juillet 2011, cette nouvelle ordonnance trouve son fondement dans la loi du 22 juin 2007 sur l'Etat hôte. Elle vise à assurer une plus grande transparence et une plus grande clarté des règles applicables, afin de limiter autant que possible les malentendus entre employé et employeur, sources de litiges. La Suisse offre aux organisations installées sur son territoire des conditions de travail et de vie intéressantes. Toute22 23 24

RS 192.12 RS 192.121 RS 192.126

2739

fois, elle est confrontée à toute une série de défis, notamment le durcissement de la concurrence internationale, l'universalité, les revendications matérielles et le marché immobilier restreint.

Afin de favoriser l'universalité de la Genève internationale, le Conseil fédéral a décidé, le 29 juin 2011, que la Confédération participerait annuellement, dès 2012, à hauteur de 4 millions de francs, aux charges locatives d'organisations internationales. Le 29 juin 2011, il a en outre décidé que la Suisse participerait à la rénovation du Palais des Nations à Genève dans le cadre du plan de rénovation établi par l'ONU (Strategic Heritage Plan).

Présence de la Suisse dans les organisations internationales A l'aube des dix ans d'adhésion à l'ONU, la Suisse a constamment maintenu une place respectable dans les organes représentatifs du système onusien et auprès d'autres organisations internationales. Sa compétence, son engagement et sa crédibilité sont unanimement reconnus.

En 2011, la présence de la Suisse dans les organes représentatifs s'est illustrée de la manière suivante: ­

Joseph Deiss a terminé son mandat à la présidence de l'Assemblée générale de l'ONU.

­

La candidature de la Suisse au Conseil de sécurité pour la période 2023­ 2024 a officiellement été soumise au Groupe des Pays d'Europe occidentale et autres Etats (WEOG) en janvier 2011.

­

Pour la première fois, la Suisse est membre actif du Conseil économique et social (ECOSOC). Son mandat se poursuivra encore en 2012.

­

Mme Helen Keller ayant quitté le Comité des droits de l'homme fin septembre 2011 à la suite de son élection en qualité de juge à la Cour européenne des droits de l'homme, la Suisse a désigné le professeur Walter Kälin pour lui succéder jusqu'à l'expiration du mandat en 2014. Mme Patricia Schulz siège depuis le 1er janvier 2011 au Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. C'est la première fois que la Suisse siège dans ce comité.

­

M. Lucius Caflisch a été réélu en novembre 2011 à la Commission du droit international de l'ONU pour une nouvelle période de cinq ans à compter du 1er janvier 2012.

­

Au sein de l'Organisation mondiale de la météorologie, le comité des finances a recommandé au Conseil exécutif la candidature suisse au poste d'auditeur externe, représentée par M. Kurt Grüter. Le Conseil exécutif a formellement désigné la Suisse comme auditeur externe.

­

Dans le domaine de la santé, Mme Awilo Ochieng Pernet a été élue en juillet 2011 à l'un des trois postes de vice-président de la Commission du Codex alimentaire.

Suisses travaillant au sein du Secrétariat de l'ONU et d'autres organes exécutifs: En formant et en soutenant du personnel suisse qualifié, la Suisse rehausse la visibilité de son engagement tout en répondant au besoin du Secrétariat de l'ONU, qui doit pouvoir disposer de candidats performants, ayant les compétences nécessaires.

2740

Le système de l'ONU employait en 2011 plus de 94 000 personnes, dont quelque 40 000 travaillant au Secrétariat et dans les unités qui lui sont affiliées. Le Secrétariat de l'ONU opère une distinction entre les postes qui font l'objet d'une candidature internationale et requièrent une formation universitaire («professionnels») et ceux qui sont occupés sur place par le personnel local («service général»). La part de Suisses occupant des postes faisant l'objet d'une candidature internationale est de 1,1 %, ce qui correspond plus ou moins aux contributions financières du pays et à sa taille.25 Présence de la Suisse au sein des organisations internationales (état au 30 juin 2011)26: Effectif total Total

Secrétariat de l'ONU Total Système de l'ONU Total organisations internationales

Effectif suisse Total

Part de la Suisse

P*

D**

P*

D**

P*

D**

22 817 94 433

7 918 36 023

623 3410

238 965

103 401

5 33

1,30 % 1,11 %

0,80 % 0,96 %

135 230

56 358

4761

1536

692

72

1,22 %

1,51 %

* Professionnels ** Directeurs

Partenariat avec la société civile suisse et l'ONU Un partenariat renforcé avec la société civile en général et ses milieux les plus dynamiques en particulier soutient tant la qualité que la légitimité des travaux de l'organisation. C'est dans cet esprit que le DFAE entretient des relations avec des acteurs clés de la société civile, ses priorités allant à la jeunesse, aux hautes écoles et à l'«Association Suisse ­ ONU».

2.2.2

Présidence suisse du Sommet de la Francophonie

Membre à part entière de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) depuis 1996, la Suisse a accueilli à Montreux, du 22 au 24 octobre 2010, le XIIIe Sommet de la Francophonie. Le Sommet a été un grand succès diplomatique pour la Suisse, en réunissant les 70 délégations des pays membres, en présence de 38 chefs d'Etat et de gouvernement, des représentants de 82 organisations internationales et de près de 700 journalistes.

25

26

La clé de répartition géographique se fonde sur trois facteurs: la qualité de membre (40 %), le montant des contributions (55 %) et la population (5 %) du pays concerné. La Suisse occupe actuellement le 16e rang pour ce qui est des contributions financières à l'ONU.

Source: relevé de la Direction politique III du DFAE.

2741

La substance du Sommet ayant été consacrée aux «Défis et visions d'avenir pour la Francophonie», les chefs d'Etat et de gouvernement ont débattu sous cet intitulé de trois thématiques principales: 1.

la Francophonie en tant qu'acteur des relations internationales et sa place dans la gouvernance mondiale;

2.

la Francophonie et le développement durable: les solidarités francophones face aux grands défis (notamment la sécurité alimentaire, le changement climatique, la diversité biologique);

3.

la langue française et l'éducation dans un monde globalisé: les défis de la diversité et de l'innovation.

Le Sommet a en outre adopté la Déclaration de Montreux ainsi que neuf résolutions, qui reflètent clairement la volonté des membres de renforcer la place de la Francophonie sur la scène internationale.

Depuis le Sommet de Montreux, la Suisse exerce trois présidences dans le cadre de la Francophonie: ­

le Sommet de la Francophonie, jusqu'au XIVe Sommet, qui se tiendra à Kinshasa en 2012;

­

la Conférence ministérielle, jusqu'en décembre 2011;

­

la Commission politique du Conseil permanent, jusqu'en mars 2013.

Au cours de ses présidences, la Suisse s'est notamment fixé les objectifs suivants: ­

le renforcement de la Francophonie comme acteur des relations internationales et lieu de concertation sur les grands enjeux de la gouvernance mondiale;

­

la mise en oeuvre des trois initiatives présentées lors du Sommet de Montreux, a savoir la formation de davantage de groupes des ambassadeurs francophones dans les capitales, la mise en oeuvre du Réseau d'excellence des sciences de l'ingénieur de la Francophonie (RESCIF), initiative dont l'EPFL est à l'origine, et la promotion d'une réflexion sur la compréhension mutuelle des cultures au sein de nos sociétés;

­

l'accompagnement de la République démocratique du Congo, pour ce qui est des préparatifs du XIVe Sommet, avec la remise d'un Guide de l'organisateur d'un Sommet et un transfert de compétences illustré lors de réunions techniques bilatérales.

Face aux besoins qui s'expriment dans l'espace francophone méditerranéen et africain au travers des événements du printemps arabe, une Concertation ministérielle informelle de la Francophonie a été organisée à l'initiative de la Suisse, en marge du segment de haut niveau de la 66e session de l'Assemblée générale de l'ONU à New York le 20 septembre 2011. Cette action au service de la démocratie, des droits et des libertés, a eu pour vocation, dans le contexte particulier des transitions politiques majeures d'Afrique du Nord, de démontrer, aux yeux du monde, la force des valeurs de la Francophonie et sa place dans la gouvernance mondiale, en application des engagements pris au Sommet de Montreux. Elle a eu pour but de favoriser le renforcement de la contribution de la Francophonie à la construction de la paix et de ses actions d'appui au règlement des crises et des conflits en valorisant son expérience, ses spécificités et sa connaissance du terrain.

2742

2.2.3

Multilatéralisme à caractère économique (G20, CSF, OCDE, FMI)

G20 Le G20, un groupe informel réunissant 19 grands pays industrialisés ou émergents et l'UE, existe depuis 1999. La crise financière lui a imprimé un nouvel élan, à telle enseigne qu'il est devenu la principale enceinte mondiale de coordination des politiques économiques et financières. Son influence s'est quelque peu érodée depuis 2010, mais c'est lui qui a encore largement dicté en 2011 le programme de travail de grandes institutions spécialisées comme le FMI, le CSF (Conseil de stabilité financière), l'OCDE et le GAFI (Groupe d'action financière). Il s'occupait déjà depuis 2008 de la refonte de la réglementation des marchés financiers; mais il a rapidement dû se pencher aussi sur les déséquilibres financiers et les problèmes monétaires internationaux. Sa palette thématique s'est encore élargie par la suite, en particulier pendant la présidence française, qui s'est achevée au mois de novembre 2011: il s'occupe à présent, avec une intensité variable, de questions liées à la croissance, aux normes du travail, au commerce, à l'énergie, aux matières premières, à l'agriculture, à la lutte contre la corruption et au développement. Certaines décisions importantes ont été prises au sommet de Cannes, les 3 et 4 novembre 2011. Les niveaux de fonds propres ont par exemple été relevés par rapport au régime de Bâle III pour les banques d'importance systémique dans le monde.

Bien qu'elle ne soit pas membre du G20, la Suisse est très affectée par ses décisions; elle a donc poursuivi au cours de l'année sa stratégie d'influence indirecte. Elle a intensifié ses efforts en ce sens à la faveur de ses échanges de visites diplomatiques et par les canaux multilatéraux et informels. Le Groupe de travail interdépartemental G20, où sont représentés le DFAE, le DFF, le DFE et la BNS, a surtout agi à trois niveaux en 2011, sous la houlette du SECO.

Position de la Suisse sur les points à l'ordre du jour du G20: la position de la Suisse sur les priorités de la présidence française a été précisément formulée. La Suisse a mis l'accent sur le système financier mondial, la gouvernance du FMI, la restitution des avoirs d'origine illicite et le négoce des matières premières. Elle a transmis au G20 des documents constructifs à ce sujet. Elle a par ailleurs invité le 19 septembre 2011 à Genève un certain nombre de membres du
groupe à un séminaire sur les liens entre les marchés physiques des matières premières et les services financiers.

Gouvernance: le déficit fondamental de légitimité du G20 et sa propension contestable à se saisir de questions relevant d'organisations internationales ont conduit la Suisse à focaliser plus activement l'attention internationale sur les questions de gouvernance. A l'ONU, elle l'a fait par exemple en participant activement aux travaux du Groupe de gouvernance globale (3G), qui réunit près d'une trentaine d'Etats dans une structure informelle. Un document du 3G ­ ayant pour origine une initiative suisse ­ sur les interactions entre le G20 et les organisations internationales a été officiellement repris et publié par l'ONU au mois de juin 2011. De plus, l'Assemblée générale a débattu de questions de gouvernance avant et après le sommet du G20 de Séoul, fin 2010, à l'instigation de M. Joseph Deiss, ancien conseiller fédéral, qui présidait la 65e session de l'Assemblée générale de l'ONU. La Suisse juge important que ce dialogue entre les membres du G20 et les autres membres de l'ONU se poursuive après la présidence de M. Deiss ­ ce qui devrait être le cas puisque la gouvernance a été mise à l'ordre du jour de l'Assemblée générale.

2743

Contacts avec la France: la Suisse s'est efforcée de se faire associer plus étroitement par la France aux travaux du G20. Elle n'a pas été associée au sommet de Cannes, ni non plus aux autres réunions formelles de ministres et de groupes de travail, mais invitée à plusieurs rencontres techniques ad hoc: une réunion ministérielle sur l'emploi et les questions sociales, une autre sur l'énergie, un séminaire sur des questions monétaires et une réunion du groupe de travail sur la corruption. Des échanges ont également eu lieu sur les positions respectives à la faveur de trois rencontres bilatérales entre secrétaires d'Etat.

Conseil de stabilité financière Créé par le G20, le Conseil de stabilité financière (CSF) est devenu dans le sillage de la crise financière l'un des principaux organes de réglementation internationale des marchés financiers. Il réunit 24 pays, les grandes institutions financières internationales et des organismes de normalisation. Il s'est donné pour mission de coordonner les travaux de ces derniers sur les marchés financiers (banque-assurance, bourses des valeurs, agences de notation, etc.).

Le CSF établit également lui-même des standards, tels ses Principes pour des pratiques de rémunération saines dans les établissements financiers (2009), dont il a examiné la mise en oeuvre chez ses membres en 2011; la Suisse figure dans le groupe de pays qui se sont rapidement et largement mis en conformité avec eux. Le Conseil a préparé en 2011 avec le Comité de Bâle des recommandations sur la réglementation des banques d'importance systémique dans le monde, qui devront notamment disposer désormais d'un coussin de fonds propres additionnel, d'un volume échelonné en fonction de leur importance systémique, au-delà du niveau prévu dans les accords de Bâle III.

Le CSF a aussi pour mission de contrôler le respect des recommandations internationales au sein de la communauté internationale. Un dispositif de contrôle mutuel par les pairs a été mis en place dans ce but. La Suisse s'est soumise à une vérification de ce type en 2011; le CSF doit adopter et publier son rapport au début de l'année 2012.

La Suisse est représentée au CSF par le truchement du DFF et de la BNS, et au niveau des groupes de travail par l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA). Par le canal du Conseil,
que sa taille réduite rend performant, elle a d'excellentes possibilités pour influer sur des composantes essentielles du système financier international. En son sein, elle peut oeuvrer à améliorer la stabilité financière internationale et à ce que les concurrents se mesurent à armes égales sur les marchés financiers.

OCDE L'OCDE a eu 50 ans en 2011; créée en 1961, l'organisation regroupe à présent 34 Etats. La conférence ministérielle du mois de mai 2011 a été l'occasion de faire le bilan des acquis de ce demi-siècle. L'accent avait été mis sur l'innovation, la formation, le développement, l'égalité entre les sexes et la révision des Principes directeurs à l'intention des entreprises multinationales.

Elargissement de l'OCDE: la consolidation du G20 amène l'OCDE à s'interroger sur son positionnement à venir. Pour continuer à jouer un rôle important, l'organisation prévoit d'admettre en son sein un nombre croissant de pays émergents ou en développement, dont le poids économique et politique s'accroît. Certains membres 2744

sont favorables à une procédure d'adhésion sur mesure pour chaque candidat; d'autres craignent une dilution des normes actuelles. La procédure d'adhésion de la Russie, dynamisée par l'entrée du pays dans le groupe de travail sur la corruption, a partagé les avis. La Suisse a soutenu l'adhésion de la Russie au sein du groupe de travail sur la corruption, tout en estimant qu'il convient de préserver les standards.

L'OCDE continue de faire bénéficier la Suisse d'un immense réseau de contacts au sein des gouvernements et des administrations des pays membres. C'est une précieuse enceinte d'échange d'informations avec la plupart des membres du G20. Compte tenu de la dimension internationale très développée de son économie, la Suisse juge important de participer activement aux décisions de l'OCDE, afin de faire valoir sa vision des choses et de défendre ses intérêts économiques, politiques et sociaux.

Stratégie pour une croissance verte: l'un des temps forts de la réunion ministérielle de cette année a été l'adoption de la «stratégie pour une croissance verte» visant à améliorer la prospérité et le bien-être d'une population mondiale en expansion sans épuiser les ressources naturelles. Il s'agit surtout de développer et d'encourager de nouvelles activités «vertes» (énergies renouvelables, technologies propres), d'améliorer l'efficacité de l'exploitation des ressources dans des activités existantes (agriculture, pêche, industrie, etc.), mais aussi de se pencher sur des thèmes transversaux, comme les indicateurs d'une économie «verte». Cette stratégie de l'OCDE va en outre nourrir la réflexion que consacrera à l'économie verte la conférence Rio + 20 des Nations Unies (voir ch. 2.3.6). La Suisse se félicite de cette stratégie, qui coïncide largement avec le plan d'action adopté par le Conseil fédéral au mois d'octobre 2010 en vue d'améliorer les conditions générales d'émergence d'une «économie verte». Elle participe activement aux travaux des commissions d'experts concernées de l'OCDE.

Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales: la Suisse a satisfait à la phase 1 de l'examen par les pairs portant sur l'«assistance administrative mutuelle en matière fiscale». Le rapport sur son dispositif législatif et réglementaire a été adopté le 31 mai 2011; il conclut qu'elle
s'est pleinement conformée à toute une série de critères. Il contient toutefois des recommandations relatives à certains domaines, comme l'identification des contribuables et des détenteurs de renseignements (voir ch. 2.3.1), l'identification des actionnaires au porteur, ainsi que la conclusion d'accords sur l'échange de renseignements en matière fiscale. La phase 2, prévue pour le second semestre 2012, se concentrera sur l'application concrète des normes; elle ne pourra toutefois démarrer que si un certain nombre de conventions de double imposition conformes au standard de l'OCDE sont entrées en vigueur. La Suisse s'est employée en 2011 à remplir cette condition, et un nombre suffisant de conventions de double imposition compatibles avec le standard de l'OCDE devraient être en vigueur au mois d'avril 2012.

Convention du Conseil de l'Europe: la Convention du Conseil de l'Europe et de l'OCDE concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale est entrée en vigueur le 1er juin 2011. Elle rend obligatoire l'échange spontané de renseignements, et a un effet rétroactif pour certaines fraudes. Elle est actuellement applicable à 14 pays seulement, mais ses dispositions sont plus strictes que celles du standard de l'OCDE, qu'elle pourrait ainsi entraîner derrière elle. La Suisse ne prévoit pas pour l'instant d'y adhérer.

2745

Règles du jeu équitables en matière fiscale: l'OCDE poursuit ses efforts pour instaurer des «règles du jeu» équitables en matière fiscale, de sorte que la politique fiscale internationale ne suscite pas d'écarts de compétitivité entre les pays. Il va être procédé à un nouvel examen des pratiques de «concurrence fiscale dommageable» parmi les membres de l'OCDE. Là encore, on peut s'attendre à un durcissement des règles d'échange de renseignements en matière fiscale: outre les demandes de renseignements spécifiques que prévoit actuellement le standard, les demandes groupées pourraient devenir recevables. Si les membres de l'OCDE s'entendent sur ce point, la Suisse devra ajuster sa politique en la matière.

FMI Une résolution adoptée au mois de décembre 2010 prévoit une réforme du FMI.

D'une part, il s'agit de doubler ses ressources financières: elles ont en effet progressé bien moins vite ces dernières décennies que le volume mondial des flux financiers, et le Fonds a par ailleurs accordé un volume record de quelque 250 milliards de dollars de crédits en 2011. La résolution vise d'autre part à procéder au FMI à une nouvelle répartition des voix, qui reflète mieux les nouveaux équilibres économiques au sein de l'économie mondiale. Les principaux gagnants en sont les pays émergents; les pays européens industrialisés, quant à eux, y perdent deux sièges au Conseil d'administration. La Suisse s'emploie activement dans ce contexte à consolider son groupe de vote. La résolution devrait en principe être mise en oeuvre pour le mois d'octobre 2012.

2.2.4

Multilatéralisme touchant à la culture et à la science

Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) En novembre 2011, la Conférence générale de l'UNESCO a tenu sa 36e session, marquée par le vote en faveur de l'adhésion de la Palestine et l'annonce successive par les USA de la suspension de leur contribution à l'organisation. La Conférence générale a débattu des orientations de la future stratégie à moyen terme (2014­ 2021). La Suisse en a présidé la Commission Education, principale priorité de l'UNESCO.

La présence de la Suisse à l'UNESCO se concentre actuellement sur l'éducation et la culture, deux domaines dont l'importance dans l'agenda international a été réitérée en 2010 et 2011 au sein de l'ONU.

Education: La Suisse s'engage principalement en faveur des objectifs de l'Education pour tous (EPT), notamment par un soutien aux Instituts spécialisés de l'UNESCO ­ dont le Bureau international d'éducation (BIE) situé Genève ­ et au Rapport mondial de suivi de l'EPT, instrument d'évaluation de référence. Dans une perspective holistique d'apprentissage tout au long de la vie, la Suisse suit également l'évolution des politiques en matière d'éducation de la petite enfance, d'éducation en vue du développement durable, ainsi que d'éducation professionnelle, technique et supérieure.

Culture: La Suisse s'implique activement dans la mise en oeuvre des instruments normatifs de l'UNESCO. Membre du Comité du patrimoine mondial, la Suisse cherche notamment à privilégier la qualité des décisions, ainsi que le respect du 2746

principe de conservation des presque 1000 sites de la Liste du patrimoine mondial, dont le tiers sont menacés par le développement d'infrastructures, l'exploitation de ressources naturelles, ou encore le changement climatique. Elle promeut le dialogue politique dans les cas où la menace est liée à un conflit. Notre pays apporte aussi un soutien aux initiatives en matière de renforcement de capacité et de gestion du tourisme. En 2011, sur la base d'un dossier piloté par la Suisse, les «Sites palafittiques autour des Alpes», bien sériel transfrontalier qui comprend 111 éléments situés en Allemagne, Autriche, France, Italie, Slovénie et Suisse, ont été inscrits sur la Liste. La Suisse compte désormais 11 sites du patrimoine mondial. Début juin 2011, la Suisse a été élue au sein du Comité intergouvernemental de la Convention pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles pour un mandat de quatre ans (2011­2015) et participera dans ce contexte à la première étape significative d'évaluation de l'application concrète de cet instrument. Elle est également membre du Comité pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé (Deuxième Protocole relatif à la Convention de La Haye de 195427) et appuie la mise en oeuvre de la Convention du 14 novembre 1970 concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels28 de 1970. Les développements concernant la Convention du 17 octobre 200329 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatérielfont aussi l'objet d'un suivi attentif alors que l'élaboration d'un inventaire des traditions vivantes est en cours au niveau national30.

Organisation européenne pour la recherche en physique des particules (CERN) Depuis sa fondation à Meyrin, non loin de Genève, en 1953, le CERN n'a cessé de se développer pour devenir le laboratoire de physique des particules le plus prestigieux du monde. En témoigne, à titre d'exemple, la construction du Grand collisionneur de hadrons (LHC), en quelque sorte le plus grand et le plus puissant des microscopes de tous les temps, qui doit contribuer à approfondir la compréhension de la constitution de la matière et de la nature des forces. Extrêmement prestigieux, les projets du CERN en général et celui du LHC en
particulier attirent à Genève des scientifiques du monde entier, pour une durée plus ou moins longue. Depuis la mise en marche du LHC, le CERN s'attache à asseoir durablement sa position de chef de file à l'échelle mondiale.

Au-delà des questions concernant ses futures orientations scientifiques, l'organisation doit répondre à des questions d'ordre politique et économique: quels pays peuvent et doivent devenir membres du CERN? Comment financer et réaliser de façon économiquement viable les futurs projets d'envergure globale? Au mois de juin 2010, le Conseil du CERN, au sein duquel la Suisse siège et collabore activement, a adopté une stratégie qui prévoit que l'adhésion n'est plus réservée aux seuls Etats européens. Désormais, tout pays peut devenir membre à part entière ou membre associé du CERN s'il remplit certaines conditions scientifiques, industrielles et politiques. Le Conseil du CERN veille à ce que les pays d'Europe conservent le contrôle du plus gros centre mondial de recherche fondamentale. Israël, membre associé, devrait être le premier pays non européen à devenir, à la fin 2011, membre à 27 28 29 30

Convention de La Haye du 14 mai 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, RS 0.520.3, RS 0.520.33 RS 0.444.1 RS 0.440.6 www.bak.admin.ch/Thèmes/Patrimoine culturel immatériel

2747

part entière. En 2012, des pays européens ­ Slovénie, Turquie, Chypre et Serbie ­ devraient également y adhérer. En vue de leur éventuelle adhésion, la direction du CERN mène actuellement des entretiens avec l'Inde, le Brésil, la Corée du Sud, la Chine, le Canada et la Russie, lesquels présentent un important potentiel scientifique.

Parallèlement à la dimension mondiale que prend le CERN, l'influence de la Commission européenne, qui a statut d'observateur au Conseil du CERN, ne cesse de croître depuis quatre ans. Le 17 juillet 2009, celle-ci a signé avec le CERN un mémorandum d'entente qui inscrit la coopération dans un cadre structuré, par exemple pour ce qui est du développement de l'espace européen de la recherche.

La Suisse, l'un des pays d'accueil du CERN, a tout intérêt à ce que celui-ci se positionne avec succès dans le monde et se consolide: c'est un atout pour sa recherche et pour son économie. Le CERN encourage la relève scientifique et technique en Suisse et est important sur le plan économique, en particulier pour la région de Genève. Parmi le personnel du CERN, les Suisses sont plus nombreux qu'une représentation proportionnelle le laisserait espérer, puisque leur part atteint 8 %. Les 2430 personnes qui y sont employées, les chercheurs qui y sont invités chaque année ­ ils sont plus de 10 000 ­ ainsi que les marchés industriels et de services attribués par le CERN apportent une contribution notable à l'économie genevoise. Outre les contributions ordinaires de quelque 42 millions de francs qu'elle lui verse chaque année à titre de membre (ce qui correspond à environ 3,8 % du budget de l'organisation), la Suisse a alloué au CERN plus de 130 millions de francs de contributions spéciales au cours de ces vingt dernières années.

Enfin, au cours de l'année sous revue, un accord tripartite a été conclu entre la Suisse, la France (tous deux Etats hôtes) et le CERN en matière de radioprotection et de sûreté radiologique. Celui-ci régit notamment les procédures d'élimination des déchets radioactifs, presque tous à faible rayonnement.

Agence Spatiale Européenne (ESA) La Suisse figure parmi les dix Etats européens à avoir fondé l'Agence Spatiale Européenne (ESA) en 1975. Cette association a permis à la recherche et à l'industrie suisses de participer au développement de programmes spatiaux et
de se placer à la pointe de la technologie. Les compétences ainsi acquises ont des retombées nationales bénéfiques tant pour l'économie que pour la société.

De la collaboration entre l'ESA et l'UE) sont nés les deux grands projets européens du domaine spatial: Galileo (navigation et positionnement) et GMES (surveillance de l'environnement et sécurité). Depuis septembre 2010, des négociations entre la Suisse et l'UE portant sur un accord d'association dans le domaine des systèmes de positionnement par satellite (GNSS) sont en cours. Cet accord vise à garantir contractuellement la participation de la Suisse aux phases opérationnelles de Galileo et d'EGNOS, et à permettre aux entreprises suisses un accès équitable aux marchés correspondants. Le défi pour la Suisse consiste à faire valoir dans ces négociations les contributions qu'elle a consenties au sein de l'ESA.

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Comité des Utilisations Pacifiques de l'Espace Extra-atmosphérique de l'ONU (UN COPUOS) Le Comité onusien des Utilisations Pacifiques de l'Espace Extra-atmosphérique, dont la Suisse est membre depuis 2008, joue un rôle unique dans la coopération spatiale entre Etats, ainsi que dans l'établissement de normes juridiques internationales et de lignes de conduite relatives à l'utilisation de l'espace.

Les compétences suisses en science et technologies spatiales permettent le développement d'applications qui bénéficient à la société et à la prospérité économique. En outre, la Suisse fait un usage important des technologies satellitaires, par exemple dans les télécommunications, les transports et le commerce. Comme d'autres Etats, elle dépend ainsi d'une utilisation de l'espace qui soit rationnelle et viable. Elle s'engage ainsi activement dans les travaux du Comité pour l'élaboration de lignes de conduite visant à garantir la viabilité à long terme des activités spatiales.

2.2.5

Multilatéralisme en matière de politique de sécurité

Conseil de partenariat euro-atlantique et Partenariat pour la Paix: Le Conseil du partenariat euro-atlantique et le Partenariat pour la Paix représentent pour la Suisse des instruments utiles pour la coopération en matière de politique de sécurité. Ils contribuent à la sécurité et à la stabilité de l'espace euro-atlantique et offrent à l'armée suisse des possibilités de coopération militaire.

A la suite de l'adoption en novembre 2010 du nouveau concept stratégique, l'OTAN a intensifié ses efforts de modernisation et souligné, entre autres, l'importance de la coopération en matière de sécurité. Ces efforts ont amené à une réforme substantielle des partenariats de l'organisation. D'une part l'OTAN multiplie les contacts avec des partenaires au-delà de la zone européenne et méditerranéenne afin de mieux répondre également aux défis globalisés et, d'autre part, elle réduit les barrières entre les différents partenariats (CPEA, Dialogue Méditerranéen, Initiative de Coopération d'Istanbul et les pays ayant des programmes bilatéraux) ce qui ouvre à des pays tels que la Suisse des nouvelles opportunités de coopération.

Face à ce processus de réforme, la Suisse s'est engagée pour maintenir les points forts en terme participatif du Conseil de partenariat euro-atlantique, pour maintenir le haut niveau qualitatif des programmes du Partenariat pour la Paix, pour approfondir la coopération entre l'OTAN et les pays neutres et non-alignés d'Europe occidentale, notamment dans les domaines de la cybersécurité et de la formation, et pour renforcer notre participation au processus de préparation des décisions concernant la KFOR. Ses efforts ont produit des résultats encourageants qu'il faudra consolider en 2012.

En parallèle à ces discussions institutionnelles, la Suisse a continué à promouvoir ses initiatives, comme la régulation des entreprises militaires et de sécurité privées et les activités concrètes de coopération. D'une part elle soutient des activités dans ses domaines d'excellence tels que la formation, la réforme du secteur de la sécurité, la destruction d'armes et de munitions, la lutte contre la corruption et le droit international humanitaire et, d'autre part, elle profite des offres de formation et des exercices multinationaux organisés dans le cadre du Partenariat pour la Paix.

2749

2.3

Priorités thématiques de la politique extérieure de la Suisse

Du fait de l'internationalisation et de l'interconnexion croissantes de domaines politiques thématiques, les départements sont appelés à exercer d'importantes tâches relevant des relations étrangères. Diverses politiques sectorielles revêtent une dimension internationale et multilatérale plus marquée, en particulier dans les domaines de la finance, de l'économie, de la fiscalité, de l'énergie, des transports, de la culture, de la formation, de la recherche, de l'innovation, de la santé, de la sécurité et de l'environnement, et les interdépendances se renforcent. Il en devient d'autant plus compliqué et exigeant de faire concorder entre elles les politiques étrangères sectorielles.

2.3.1

Politique financière et économique internationale

Finances et fiscalité internationales Crise de la dette et évolution de la conjoncture L'année 2011, en particulier le second semestre, a été marquée par une conjoncture préoccupante et par la crise des dettes souveraines. Même si, ces dernières années, l'économie mondiale commençait à reprendre de la vigueur, la timide reprise aux Etats-Unis et l'affaiblissement général de la conjoncture sont venus ternir les perspectives de voir les effets de la crise économique mondiale bientôt surmontés. La crise de la dette des pays industrialisés, qui s'est aggravée au cours de l'année sous revue, a occupé le devant de la scène. Les problèmes liés à la dette de certains pays de l'UE tels que le Portugal et surtout la Grèce ainsi que ceux des Etats-Unis ont sapé la stabilité mondiale des marchés financiers. En dépit de la solution trouvée in extremis aux Etats-Unis au sujet du différend concernant la dette publique et des mesures de soutien apportées ces deux dernières années à la Grèce, à l'Irlande et au Portugal ainsi qu'à l'espace monétaire dans son ensemble, la crise de la dette s'est propagée à d'autres pays européens, en particulier à l'Italie et à l'Espagne, faisant considérablement croître le risque d'une nouvelle crise financière et économique. De ce fait, de nouvelles mesures conjoncturelles et l'assainissement des finances publiques ont été au coeur des débats nationaux et internationaux.

La Suisse n'a pas été épargnée par l'incertitude qui plane sur les marchés financiers, celle-ci provoquant une nouvelle hausse du franc suisse, qui fait office de valeur refuge. Même si, au cours de l'année, l'économie suisse a évolué sur des bases restées solides en dépit de premiers signes de ralentissement, la situation monétaire, déjà difficile pour les exportations, a continué de s'aggraver en raison du ralentissement mondial de la conjoncture et de la nouvelle envolée du franc. La Suisse a contribué à surmonter la crise de la dette des pays de l'UE au travers de ses contributions allouées dans le cadre du plan d'aide accordé par le FMI à la Grèce, à l'Irlande et au Portugal. La BNS est intervenue afin de contrer la surévaluation du franc suisse et a pris une mesure drastique en décidant de fixer un cours-plancher franc-euro. En février et en septembre 2011, le Conseil fédéral a adopté toute une

2750

série de mesures visant à renforcer les secteurs particulièrement touchés par le mauvais taux de change31.

Place financière suisse et réglementation des marchés financiers La Suisse possède une place financière forte, tournée vers l'international. En 2010, le secteur financier a contribué à plus de 10 % au produit intérieur brut, ce qui fait de lui l'un des principaux secteurs économiques du pays. La majorité des prestataires financiers suisses continue de s'appuyer sur des bases solides. Le secteur financier suisse n'a été touché que légèrement par la crise de la dette des pays de l'UE. Les créances directes d'instituts financiers suisses par rapport à la Grèce, à l'Irlande et au Portugal sont modérées selon les données actuellement disponibles. Si toutefois la crise venait à se propager aux systèmes bancaires de pays systémiques, voire de l'ensemble de la zone euro, les conséquences pour le secteur financier suisse seraient graves. Au cours de l'année sous revue, la Suisse s'est attachée à poursuivre la mise en oeuvre de sa stratégie en matière de place financière, laquelle a été décidée par le Conseil fédéral à la fin 2009 et vise à améliorer les conditions-cadres fiscales et réglementaires.

La question de la réglementation des marchés financiers a continué d'être débattue à l'échelon tant national qu'international. Au niveau multilatéral, elle est réglée par les accords de Bâle III, qui ont été adoptés en novembre 2010 et prévoient notamment des règles plus strictes en matière de fonds propres. Les instituts financiers d'importance systémique continuent de représenter un risque particulier en termes de stabilité étant donné que leur faillite impliquerait des risques insupportables pour l'économie concernée. Ce problème des établissements financiers «trop gros pour faire faillite» touche particulièrement la Suisse, dont les deux banques principales Credit Suisse et UBS occupent une position dominante dans des secteurs essentiels.

Soucieux de s'attaquer à cette problématique des établissements trop gros pour faire faillite, le Parlement a adopté le 30 septembre 201132 un projet de loi, qui doit entrer en vigueur début 2012. Il prévoit, pour les grandes banques, des exigences plus strictes en matière de fonds propres ainsi que de nouvelles règles s'appliquant aux liquidités, à la répartition
des risques et à l'organisation. Les exigences relatives aux fonds propres vont au-delà de celles prévues à l'échelon international. De nouveaux instruments (capital de réserve et capital convertible) aideront les banques à mettre en oeuvre ces prescriptions plus strictes relatives aux fonds propres.

Politique fiscale internationale En 2011 non plus, la pression exercée sur la Suisse au plan international dans le dossier fiscal ne s'est pas relâchée. Afin de passer avec succès, à la fin mai 2011, la première phase de l'examen par les pairs organisé par le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales de l'OCDE, la Suisse a adapté sa politique fiscale à la norme adoptée à l'échelle internationale. Selon la décision du Conseil fédéral du 13 février 2011, la demande de renseignements ne doit plus obligatoirement comporter les nom et adresse du contribuable et du détenteur des renseignements à condition que ceux-ci puissent être identifiés d'une autre manière et qu'il ne s'agisse pas d'une «pêche aux renseignements», c'est-à-dire 31

32

Message du 31 août 2011 concernant la loi fédérale visant à atténuer les effets du franc fort et à améliorer la compétitivité et l'arrêté fédéral concernant le supplément IIa au budget 2011, FF 2011 6217 FF 2011 6897

2751

d'une recherche de preuves non autorisée. En décembre 2011, le nombre de conventions de double imposition signées par la Suisse, lesquelles permettent un échange de renseignements à des fins fiscales sur la base de la clause de l'OCDE en matière d'assistance administrative, s'élevait à 42.

A l'automne 2011, la Suisse a franchi une nouvelle étape en matière de stratégie de gestion d'avoirs déclarés en signant avec l'Allemagne et le Royaume-Uni les accords créant un impôt à la source. Ceux-ci prévoient que les personnes résidant dans le pays partenaire peuvent s'acquitter a posteriori d'un impôt sur les avoirs qu'elles possèdent en Suisse, soit en s'acquittant d'un impôt unique, soit en déclarant leurs relations bancaires en Suisse. Les produits et gains futurs de ces clients en Suisse sont soumis à un impôt à la source, dont la recette est versée par la Suisse aux autorités du pays de résidence. L'impôt a un effet libératoire dans le pays de résidence. Parallèlement, l'accès au marché des instituts financiers respectifs est amélioré. La Suisse recherche une solution de ce type également avec d'autres pays.

Les Etats-Unis n'ont pas relâché leur pression sur le secret bancaire. Le différend fiscal qui les oppose aux banques suisses est entré dans une nouvelle phase: menaçant de porter plainte contre différents établissements financiers, les Etats-Unis ont exigé des banques qu'elles leur communiquent les données des fraudeurs fiscaux. La Suisse a mené avec les autorités américaines d'intenses entretiens en vue d'aboutir à une solution reposant sur l'assistance administrative. Elle est d'avis qu'un éventuel échange de données ne peut être effectué que dans le cadre de la réglementation en vigueur, conformément aux procédures prévues à cet effet.

Par ailleurs, la loi «US Foreign Account Tax Compliance Act» (FATCA), qui sera progressivement introduite à partir de 2013, a continué de capter l'attention. En vertu de cette loi, les intermédiaires financiers étrangers, sous peine de devoir s'acquitter d'un impôt à la source de 30 % sur certains investissements américains, doivent conclure avec l'autorité fiscale américaine IRS un accord aux termes duquel ils s'engagent à communiquer à celle-ci des informations sur des citoyens américains qui entretiennent avec eux une relation bancaire directe ou indirecte. La
mise en oeuvre du FATCA entraîne pour les intermédiaires financiers des difficultés légales et techniques ainsi qu'une charge financière élevée. Au cours de l'année sous revue, des entretiens exploratoires ont été menés avec les autorités américaines. Il s'agissait de rechercher des solutions qui tiennent compte des préoccupations des acteurs du secteur financier suisse ainsi que du système juridique suisse.

Enfin, dans le domaine de l'imposition des entreprises, la Suisse a de nouveau été confrontée à la demande de l'UE d'étudier, dans le cadre d'un dialogue, le sujet de la concurrence fiscale dommageable. Des questions relatives à la concurrence fiscale ont également été soulevées dans le cadre de l'OCDE. Cette dernière est d'avis que les facteurs suivants sont notamment déterminants dans l'identification d'un régime dommageable: manque de transparence et absence d'échange de renseignements, avantages fiscaux pour des revenus provenant de l'étranger (ring fencing, ou cantonnement juridique) ainsi que règles divergeant de celles de l'OCDE pour ce qui est de la détermination des bénéfices au sein d'un groupe. La Suisse a mené des entretiens exploratoires avec l'UE et participé activement aux travaux de l'OCDE. Elle s'efforce de suivre une politique fiscale attrayante, qui soit acceptée au plan international.

2752

La crise de la dette des pays industrialisés et les débats internationaux sur les questions fiscales ont eu une incidence sur l'agenda de la politique économique en matière de développement. Ainsi, le sujet «impôts et développement» a gagné en importance aux yeux des pays donateurs, et la demande d'assistance technique dans le domaine de la gestion des risques fiscaux et des dettes souveraines a augmenté.

Au cours de l'année sous revue, la Suisse n'a pas relâché son engagement intense et de longue date dans les domaines du renforcement des administrations fiscales et de l'amélioration de la gestion de la dette des pays en développement.

Accès des banques au marché européen Au sein de l'UE, la tendance à accroître les entraves à l'accès au marché persiste.

Différents projets de régulation y sont en cours, lesquels visent une harmonisation, partout en Europe, des exigences à l'égard des prestataires financiers et impliquent souvent un durcissement des règles d'accès au marché pour les pays tiers. Pour éviter de subir d'éventuelles conséquences négatives, la Suisse a continué de suivre étroitement les projets de l'UE et a examiné différentes options. D'importants travaux d'adaptation ont ainsi été effectués par exemple concernant la loi sur les placements collectifs. Il s'agit notamment d'adapter aux évolutions de l'UE la réglementation s'appliquant aux gestionnaires de placements collectifs et de garantir ainsi l'accès au marché européen. Au niveau bilatéral aussi, la Suisse s'est efforcée d'encourager l'accès au marché. Ainsi, les accords sur l'impôt à la source conclus avec l'Allemagne et le Royaume-Uni contiennent des dispositions qui précisent et facilitent l'accès mutuel au marché pour les banques et les fonds de placement.

Lutte contre la corruption Les événements survenus en 2011 en Afrique du Nord ont fait prendre conscience à tous qu'en plus de peser sur le développement économique, la corruption porte atteinte aux principes fondamentaux de l'Etat de droit et de la démocratie. Le G20 a inscrit à son agenda la lutte contre la corruption et adopté un plan de mise en oeuvre systématique d'instruments internationaux tels que la Convention de l'ONU contre la corruption. La Suisse a continué de s'engager activement, à l'échelon tant national qu'international, en faveur de la lutte contre la
corruption. Désireuse de s'associer aux travaux du G20 dans ce domaine, elle a diffusé un document dans lequel elle exprime sa position sur le thème de la restitution d'avoirs illicitement acquis. Elle est par ailleurs engagée activement dans les processus de négociation, d'élaboration, de ratification et de mise en oeuvre des conventions conclues dans le cadre des trois principales instances en matière de lutte contre la corruption, à savoir l'OCDE, le Conseil de l'Europe et l'ONU.

Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers: l'année 2011 a été marquée par l'accession de la Russie au Groupe de travail de l'OCDE sur la corruption, une condition préalable pour adhérer à la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers. D'une manière générale, l'adhésion de nouveaux membres à la Convention soulève de nombreux défis, notamment au vu de l'ampleur du phénomène de la corruption caractérisant certains de ces pays. Pour sa part, la Suisse a été évaluée dans le cadre de la troisième phase du mécanisme de contrôle de la Convention. Le rapport final des examinateurs a été publié en décembre 2011. Dans le contexte plus général des travaux du groupe de travail, la délégation suisse s'est engagée tout au long de l'année à ce que les poursuites engagées par les instances judiciaires des pays membres ne soient pas minées par des intérêts politiques ou économiques nationaux.

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Convention pénale du Conseil de l'Europe sur la corruption (GRECO): la Suisse a adhéré en 2006 à la Convention pénale du 27 janvier 1999 du Conseil de l'Europe sur la corruption33 et a fait l'objet de sa troisième évaluation en 2011. Celle-ci a porté sur les dispositions pénales de la lutte contre la corruption et sur les modalités de financement des partis. Le rapport final a été publié en décembre 2011.

Convention des Nations-Unies contre la corruption (CNUCC): la Convention de l'ONU contre la corruption34 a été ratifiée par la Suisse le 24 septembre 2009. Cet accord ­ le plus détaillé sur la question de la corruption ­ compte actuellement 158 Etats signataires. Il contient des dispositions sur la prévention de la corruption, la coopération internationale et l'assistance technique aux pays en développement et aux pays émergents. Il statue en outre le principe de la restitution obligatoire, sous certaines conditions, de valeurs patrimoniales illicitement acquises. Lors de la quatrième Conférence des Etats parties à la CNUCC, qui s'est tenue à Marrakech du 24 au 28 octobre 2011, la Convention a été étendue aux domaines de la prévention de la corruption, de la coopération internationale et de la restitution d'avoirs acquis illégalement. Le mécanisme d'examen de la mise en oeuvre de la CNUCC introduit en 2010 est entré dans son deuxième cycle. En 2011, la Suisse a subi un premier examen portant sur les chapitres III et IV de la CNUCC. Le rapport final devrait être présenté aux Etats parties en juin 2012. La Suisse a tout intérêt à continuer de participer activement à ce processus en vue de la création d'un mécanisme d'examen transparent, inclusif et plus strict.

Groupe d'action financière (GAFI): sous l'impulsion des dirigeants du G20 en 2009, le GAFI a, au cours de l'année sous revue, pris d'autres initiatives en vue d'accroître son soutien à la lutte contre la corruption et, au moyen d'études et de réunions d'experts, de s'engager en faveur de mesures efficaces contre le blanchiment des produits de la corruption. La Suisse soutient l'engagement du GAFI en matière de lutte contre la corruption et a continué en 2011 de participer activement aux travaux du groupe d'experts du GAFI.

Groupe de travail interdépartemental pour la lutte contre la corruption: le groupe de travail IDAG Corruption a été
créé par le Conseil fédéral à la fin 2008. Il comprend les principaux acteurs de l'administration fédérale et du Ministère public ainsi que de la société civile. Aux termes du mandat attribué par le Conseil fédéral, le DFAE est chargé d'assurer la présidence et le secrétariat permanent du groupe. Ce dernier organise des réunions régulières et des ateliers thématiques, lors desquels des stratégies concertées sur le plan national et international sont développées. Dans son premier rapport, publié en avril 2011, il dresse pour la première fois l'état des lieux des activités nationales et internationales de la Suisse contre la corruption. Ce rapport atteste du degré élevé d'intégrité et de résistance de la Suisse face à la corruption. Dans le même temps, il met le doigt sur certaines lacunes dans des domaines annexes tels que la gestion des conflits d'intérêts et la transparence. L'IDAG Corruption poursuit ses efforts visant à combler les lacunes identifiées.

Avoirs illicites de personnes politiquement exposées (PPE) Blocage d'avoirs décidé par le Conseil fédéral début 2011: violences et soulèvements populaires en Côte d'Ivoire, en Tunisie et en Egypte ont incité le Conseil fédéral, début 2011, à bloquer en Suisse les éventuels avoirs illicites de personnes 33 34

RS 0.311.55 Convention des Nations Unies du 31 octobre 2003 contre la corruption, RS 0.311.56

2754

politiquement exposées (PPE) et de leur entourage35. Le Conseil fédéral veille ainsi à ce que les propriétaires légitimes de ces fonds puissent être déterminés par un tribunal et les éventuels avoirs acquis illicitement être restitués aux pays concernés.

Le but était également d'encourager les Etats d'origine à déposer une demande d'entraide judiciaire auprès de la Suisse. Pour adopter ces mesures, le Conseil fédéral s'est directement appuyé sur la Constitution (art. 184, al. 3, Cst.) Dans le cas de la Libye, l'ordonnance de blocage a été remplacée, le 31 mars 2011, par une ordonnance de sanctions36 après l'adoption, par le Conseil de sécurité de l'ONU, de mesures contre ce pays.

Elaboration d'une nouvelle base légale pour les blocages d'avoirs: le Conseil fédéral a demandé en mai 2011 qu'une nouvelle base légale pour les blocages d'avoirs soit élaborée en remplacement de la référence au droit d'urgence (art. 184, al. 3, Cst.) Il s'agit en particulier de régler les conditions préalables et les modalités des mesures de blocage. Les travaux y afférents ont été lancés.

Loi fédérale sur la restitution des avoirs illicites: depuis le 1er février 2011, la Suisse dispose, avec la loi fédérale du 1er octobre 2010 sur la restitution des avoirs illicites (LRAI)37, d'un instrument supplémentaire de lutte contre la corruption et de préservation de l'intégrité de la place financière suisse38. La nouvelle loi régit le blocage, la confiscation et la restitution d'avoirs de PPE et de leur entourage. En complément à la voie classique de l'entraide judiciaire, elle est appliquée lorsqu'une demande d'entraide judiciaire ne peut aboutir en raison de structures défaillantes au sein de l'Etat requérant dans lequel la PPE exerce ou a exercé sa fonction publique. Si le patrimoine de la PPE a augmenté de façon exorbitante lors de l'exercice de sa fonction publique et qu'il est connu que le degré de corruption dans le pays spolié était élevé durant le mandat de la PPE, les valeurs patrimoniales sont supposées acquises illicitement.

Le premier cas d'application de la LRAI est le cas Duvalier. Depuis l'entrée en vigueur de la loi, le 1er février 2011, les avoirs de l'ex-dictateur placés en Suisse sont bloqués sur la base de ladite loi. Le 29 avril 2011, le DFF a ouvert devant le Tribunal administratif fédéral une action en confiscation de ces avoirs.

2.3.2

Sécurité humaine et droit international humanitaire

Promotion de la sécurité humaine La promotion de la sécurité humaine demeure au coeur de la politique extérieure de la Suisse. La notion de sécurité humaine est axée sur la sécurité des individus et leur protection contre la violence politique, la guerre et l'arbitraire. En 2011, la Suisse y a consacré 64,8 millions de francs afin de contribuer à la prévention et au règlement 35

36 37 38

Modification de l'ordonnance du 19 janvier 2011 instituant des mesures contre certaines personnes originaires de la Côte d'Ivoire, RO 2011 367; ordonnance du 19 janvier 2011 instituant des mesures à l'encontre de certaines personnes originaires de la Tunisie, RS 946.231.175.8; ordonnance du 2 février 2011 instituant des mesures contre certaines personnes originaires de la République arabe d'Egypte, RS 946.231.132.1 Ordonnance du 30 mars 2011 instituant des mesures à l'encontre de la Libye, RS 946.231.149.82 RS 196.1 Concernant le dispositif suisse de lutte contre les avoirs illicites, prière de se reporter aux explications figurant dans le Rapport sur la politique extérieure 2010, FF 2011 961.

2755

de crises ainsi qu'à la formulation de politiques internationales. Par ses bons offices, par la médiation et par ses programmes de consolidation de la paix, elle a soutenu les efforts destinés à prévenir des conflits armés, à en réduire l'intensité, voire à les arrêter. Elle a continué à s'investir en faveur du respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire sur le terrain. Elle s'est aussi activement engagée dans le développement de règles universelles, notamment à travers ses initiatives diplomatiques visant à l'abolition de la peine de mort, au respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire par les entreprises de sécurité privées et à la lutte contre la violence armée. Elle a contribué de la sorte au règlement de problèmes mondiaux et renforce sa propre sécurité par la même occasion.

Rédaction du message 2012­2016 Le 29 juin 201139, le Conseil fédéral a ainsi décidé de reconduire les mesures de promotion de la paix et de la sécurité humaine durant la période 2012­2016 et a demandé au Parlement l'octroi d'un crédit-cadre de 310 millions de francs à cet effet. Sur ce montant, 50 millions de francs sont destinés avant tout à un programme spécial pour l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Les moyens accordés permettront à la Suisse de poursuivre sa politique de promotion de la paix et des droits de l'homme ainsi que sa politique humanitaire et sa politique extérieure de migration et d'en consolider certaines composantes. Le Conseil fédéral entend notamment renforcer l'engagement suisse dans les domaines de la démocratie et du partage du pouvoir, de la prévention des conflits ainsi que du désarmement, de la maîtrise des armements et de la non-prolifération. Ces prochaines années, la Suisse poursuivra sa politique de concentration sur les régions d'intérêt stratégique pour elle: Méditerranée (Balkans, Proche-Orient, Afrique du Nord), Caucase et Asie centrale de même que certains pays d'Afrique sub-saharienne. A cela s'ajoutent des pays, tels que le Népal ou la Colombie, où elle estime pouvoir apporter une plus-value en raison des liens privilégiés qu'elle entretient avec eux ou des synergies qui existent avec d'autres activités de la Confédération.

Prise en compte des différents besoins et rôles des femmes et des hommes et promotion des droits des femmes dans
le contexte de la politique de paix Par sécurité humaine, on entend la sécurité de tous les membres d'une société. Une paix durable n'est possible que si tous les membres, hommes et femmes, sont associés. Aussi, le DFAE s'est-il engagé à tenir compte, lorsqu'il utilise les instruments de promotion de la sécurité humaine, des différences qui existent entre les besoins et les rôles des femmes et des hommes, et ce à tous les stades (analyse, conception, réalisation d'activités concrètes et évaluation). Il accorde une attention particulière à la protection des femmes en situation de conflit ou en situation post-conflictuelle et au renforcement de leurs droits ainsi qu'à la promotion de leur participation active aux processus de paix. Sur le plan international, la résolution 1325 du Conseil de sécurité de l'ONU sur les femmes, la paix et la sécurité énonce les principes d'une politique de paix soucieuse de l'égalité des droits. La Suisse a retravaillé en 2010 son plan national d'action en reprenant le contenu de la résolution de l'ONU et en l'adaptant au contexte national. Ce plan vise à permettre une collaboration efficace et coordonnée de tous les organes de l'administration fédérale s'occupant de questions de paix et de sécurité. Les stratégies de la Suisse dans le domaine de la promotion de la paix prévoient, pour chaque pays, des mesures prenant en compte les 39

FF 2011 5875

2756

problèmes d'égalité hommes-femmes, la promotion des femmes prenant une part active aux processus de paix et des mesures spécifiques visant à renforcer les droits des femmes, à protéger les femmes contre les violences sexospécifiques et à lutter contre l'impunité de ces crimes. La Suisse participe en outre activement, en tant que membre de l'ONU (par exemple comme membre du «Group of friends of resolution 1325»), mais aussi dans le cadre d'autres forums internationaux importants, au développement de normes et d'instruments internationaux visant à faire appliquer les principes de la résolution 1325.

Travail en réseau Les différents instruments de la politique extérieure suisse ont été étroitement coordonnés au niveau interne. . Les synergies entre la promotion de la paix, l'aide humanitaire, la coopération au développement et les contributions militaires au maintien de la paix ­partie importante de l'engagement suisse en faveur de la sécurité internationale et de la sécurité humaine ­ ont été renforcées, ce qui a permis d'augmenter l'efficacité des efforts. Face aux défis pour la sécurité humaine et internationale que constituent les Etats fragiles et ceux qui sortent d'un conflit, la Suisse veut renforcer les synergies existantes entre la promotion civile et la promotion militaire de la paix.

Elle compte ainsi développer ses capacités pour être à même de soutenir les opérations multilatérales de maintien de consolidation de la paix, conformément aux lignes directrices définies dans le Rapport sur la politique de sécurité 201040.

Promotion de la paix Les programmes de promotion civile de la paix En 2011, environ les trois quarts des ressources consacrées par la Suisse à la promotion civile de la paix ont été destinées aux programmes développés dans les régions et pays prioritaires. Les efforts se sont concentrés sur l'Europe du Sud-Est, le Proche-Orient, l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique centrale, le Soudan et la Corne de l'Afrique, la Région des Grands Lacs, le Népal et la Colombie. A la suite des soulèvements populaires qui ont secoué l'Afrique du Nord depuis le début de 2011, la Suisse a décidé de lancer un programme de soutien à la transition démocratique dans plusieurs pays de cette région. Le reste des ressources prévues pour la promotion civile de la paix a été affecté à des interventions
ponctuelles, notamment en Indonésie, en Thaïlande, au Kirghizistan et dans le Caucase du Nord.

Balkans occidentaux: L'engagement de la Suisse tient compte des transitions multiples que vit la région, à savoir des transitions post-conflictuelle, démocratique et économique. La Suisse, avec sa politique de paix, contribue à rétablir la confiance entre les communautés et les Etats: elle facilite des dialogues politiques et développe des activités qui visent à garantir une meilleure participation des minorités aux institutions politiques. Les activités de la Suisse ont contribué de manière significative au processus de décentralisation au Kosovo, processus qui a permis, ces dernières années, une meilleure participation des populations serbes aux institutions du Kosovo. D'autre part, la DP IV soutient un dialogue politique entre leaders serbes du Kosovo et de Serbie, auquel participent également des personnalités albanaises. Ce dialogue étant le seul mécanisme de consultation entre leaders serbes des deux pays, il a permis de transmettre aux gouvernements des propositions concrètes visant à 40

Rapport du Conseil fédéral du 23 juin 2010 à l'Assemblée fédérale sur la politique de sécurité de la Suisse, FF 2010 4681

2757

résoudre les problèmes qui affectent la vie des citoyens serbes au Kosovo et à améliorer les relations entre communautés. Convaincue qu'il est important pour les Etats de faire face à leur passé, la Suisse s'engage également en faveur de la justice transitionnelle et du traitement du passé. Elle soutient des activités de nature juridique, comme celles du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie ou de la Cour de Bosnie, ainsi que des activités non juridiques, initiées par les gouvernements ou sociétés civiles de la région et qui ont un impact positif sur la réconciliation. Les partenaires de la DP IV s'engagent ainsi dans la recherche des personnes disparues, mais également dans les domaines des médias et de l'éducation, afin d'améliorer la compréhension et la connaissance du passé récent. La Suisse participe également aux opérations civiles et militaires de l'OTAN et de l'UE au Kosovo (EULEX, KFOR, ICO) et en Bosnie etHerzégovine (EUPM, EUFOR).

Moyen-Orient: La communauté internationale n'est pas parvenue à convaincre Israël et l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP) de reprendre leurs négociations. Sur le plan de la société civile, la Suisse a encouragé le développement de l'accord modèle connu sous le nom d'Initiative de Genève, qui comprend désormais une annexe sur les réfugiés. Ce texte demeure le modèle le plus détaillé d'une solution à deux Etats. Une conférence en novembre 2011 a notamment permis la relance de cette initiative et de renforcer le lien avec l'Initiative arabe pour la paix. La Suisse a en outre soutenu le dialogue avec les segments de populations sceptiques à l'égard d'une telle solution. Dans le domaine du respect du droit international humanitaire et des droits de l'homme, elle a intensifié le dialogue avec toutes les parties.

Par ailleurs, elle a favorisé, avant et pendant les soulèvements qui ont secoué le monde arabe, des forums et des contacts entre des personnalités occidentales et des partis d'opposition d'inspiration religieuse. Enfin, la Suisse a contribué à favoriser, par une approche régionale, la coopération dans le domaine de l'exploitation des ressources en eau (cf. ch. 2.3.4). Depuis juin 2011, elle met également l'adjoint du Chef de mission à la disposition de la United Nations Truce Supervision Organisation (UNTSO).

Afrique du Nord:
Les soulèvements populaires qui ont secoué, en 2011, la Tunisie, l'Egypte et la Libye ont marqué le début d'un processus de transition qui, certes, crée de nombreux problèmes à résoudre, mais qui offre également à la Suisse la possibilité de contribuer activement à stabiliser l'espace méditerranéen, en renforçant ses liens politiques, économiques, sociaux et culturels avec l'Afrique du Nord, ce qui est dans son propre intérêt. L'absence de passé colonial et l'expérience démocratique confèrent à Suisse une valeur ajoutée unique pour les pays en phase de transition démocratique. Dans un esprit de partenariat et en réponse à des demandes qui lui ont été adressées, la Suisse a d'ores et déjà fourni un appui aux démarches devant permettre la restitution d'avoirs d'origine illicite. Dans une perspective d'engagement bilatéral et multilatéral sur le long terme et afin de favoriser l'émergence de démocraties stables, participatives et plurielles, la Suisse a concentré ses efforts en 2011 sur des projets visant notamment le renforcement de la société civile et sa participation active aux processus électoraux, le soutien aux organisations de défense des droits de l'homme et le dialogue entre forces politiques. En Tunisie, la Suisse a par exemple mis à disposition des experts en processus électoraux et a participé à l'observation internationale des élections.

Afrique de l'Ouest et Afrique centrale: Dans le cadre de son programme de politique de paix dans la région, la Suisse soutient des initiatives de partenaires locaux au Mali, au Niger et au Tchad pour contribuer à la prévention et à la résolution de 2758

conflits récurrents et transfrontaliers. Les répercussions de la crise libyenne sur la région sahélo-saharienne en termes de sécurité, de migration et de circulation d'armements rendent les projets soutenus par la Suisse d'autant plus nécessaires.

Parmi ces activités de soutien figurent des forums intercommunautaires, des dialogues interrégionaux, des réseaux de plaidoyer pour la paix ainsi que de l'assistance technique aux organismes en charge de la réconciliation et de la consolidation de la paix. Il s'agit aussi de développer des capacités régionales, surtout francophones, dans la diplomatie préventive, la médiation et le tavail de mémoire ainsi que de soutenir leur mise en commun. Parallèlement, la Suisse a continué de s'engager au niveau régional pour le renforcement des capacités civiles dans le domaine du maintien de la paix au travers de l'Ecole du maintien de la Paix de Bamako et par un soutien à la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO).

Soudan, Soudan du Sud et Somalie: Conformément à l'Accord de paix global (APG) conclu en 2005, lui-même découlant d'un accord de cessez-le-feu signé en 2002 grâce à la médiation soutenue par la Suisse, le Sud a organisé le 9 janvier 2011 un référendum lors duquel 98,8 % des Soudanais du Sud ont voté pour l'indépendance, qui fut finalement proclamée le 9 juillet 2011. Le 14 juillet 2011, la nouvelle République du Soudan du Sud est devenue le 193e Etat membre de l'ONU. Dans ce contexte, en tenant compte des besoins spécifiques des pays et des points qui restent à négocier après la sécession, particulièrement dans le domaine économique, la Suisse assiste les deux Etats dans le règlement des questions touchant à la monnaie, à la répartition des biens et des dettes de l'Etat, au désendettement ainsi que dans l'établissement de nouvelles constitutions et dans la création de nouvelles structures étatiques visant à favoriser la cohabitation pacifique dans ces Etats multinationaux, multiethniques et multi-religieux. La Suisse oeuvre en outre en faveur de la paix et des droits de l'homme, particulièrement au Darfour.

Au Soudan du Sud, la Suisse assiste le gouvernement dans la création de structures étatiques fédérales et décentralisées visant notamment à intégrer des autorités traditionnelles dans les processus politiques touchant aux
structures gouvernementales modernes en cours d'élaboration depuis 2005. Elle apporte également son aide en matière de déminage humanitaire, d'élimination de munitions non explosées, de la reforme du système de sécurité ainsi qu'au bon fonctionnement de la nouvelle banque centrale.

En Somalie, la Suisse a adopté une «approche à double voie». Elle soutient d'une part le Gouvernement Fédéral de transition (GFT) à Mogadiscio par l'intermédiaire du Bureau politique des Nations Unies pour la Somalie (UNPOS), et de l'autre les entités régionales (Somaliland, Puntland, Galmudug, Himan et Heeb et la région contrôlée par les Ahlu Sunna wal Jamaa). Ses priorités sont la promotion du dialogue, l'assistance pour les questions constitutionnelles, l'établissement d'institutions stabilisatrices ainsi que le déminage humanitaire. Membre du groupe international de contact sur la Somalie (GIC) depuis 2009, elle assiste à ses réunions semestrielles où sont débattues et négociées des solutions pour la région. Elle est aussi membre du groupe d'Etats informel «Friends of Somalia» depuis 2002.

Région des Grands Lacs: La promotion du dialogue, le traitement du passé, le renforcement du respect des droits de l'homme ainsi que la lutte contre les armes légères et de petit calibre restent au centre des efforts suisses de consolidation de la paix au Burundi. Dans une période de détérioration du climat politique, la Suisse a su garder des liens avec tous les acteurs politiques et offre l'une des seules plateformes où le dialogue reste possible. En 2011, grâce à l'appui de la Suisse, le Burundi a pu 2759

se déclarer libre de mines selon l'art. 5 de la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel41. Dans le cadre de la présidence de la Configuration Burundi de la Commission de consolidation de la paix de l'ONU, la Suisse s'est engagée en faveur d'un environnement propice au développement durable. En vue de l'importance primordiale de la région des Kivus en République démocratique du Congo pour une paix durable dans les Grands Lacs, elle a décidé d'approfondir son engagement dans ce pays dans les domaines du dialogue et de la gouvernance, ainsi que dans le traitement du passé. Elle contribue aux efforts de la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation en République démocratique du Congo, en mettant à disposition des observateurs militaires et des experts en déminage humanitaire.

Colombie: En 2011, le processus d'évaluation externe du programme de politique de paix et droits de l'homme de la Suisse en Colombie a été finalisé. L'évaluation des activités en Colombie montre que la Suisse est, grâce à son engagement à long terme, un acteur crédible qui jouit d'un grand capital de confiance auprès des différents acteurs. Durant cette dernière phase du programme, la Suisse a particulièrement su se positionner dans le domaine du traitement du passé et a renforcé, par le biais du programme SUIPPCOL, les capacités et les initiatives de la société civile afin de soutenir leurs propositions en faveur de la paix. Pour une prochaine étape, le programme de promotion de la paix cherchera d'avantage les synergies avec les programmes de développement de la Suisse sur place. Afin de renforcer son engagement et son profil dans la promotion des droits de l'homme, la Suisse préside depuis le deuxième semestre de l'année 2011 le sous-groupe pour les droits de l'homme du G-24, un groupe tripartite réunissant les 24 pays donateurs, le gouvernement colombien et la société civile qui, depuis 2003, accompagne la Colombie dans la recherche d'une paix durable. Avec cette présidence, la Suisse a l'opportunité de mener un dialogue étroit avec le gouvernement sur les droits de l'homme et joue un rôle d'intermédiaire entre la société civile et le gouvernement colombien pour assurer la participation et la prise en compte de leurs intérêts respectifs.

Népal: Au Népal, dans un contexte qui reste fragile,
les efforts pour faire avancer l'adoption d'une nouvelle constitution et la résolution des différends autour de la réintégration des anciens combattants maoïstes ont abouti à des progrès considérables. Un accord signé début novembre (7 points agreement) a permis le lancement de la procédure de réintégration ou de mise à la retraite des combattants, qui va durer encore environ une année. Suite à cet accord, les négociations autour de la constitution ont repris avec une nouvelle dynamique, et une commission chargée de proposer la nouvelle structure fédérale du Népal a été formée. La Suisse a contribué de façon importante à ces développements en soutenant une structure de facilitation et de médiation pour les partis politiques. Elle continue aussi à soutenir la réforme de l'Etat, en particulier en ce qui concerne la nouvelle structure fédérale du Népal.

Interventions ponctuelles: En Thaïlande, la Suisse a apporté un soutien substantiel au processus de réconciliation nationale après les violents incidents du printemps 2010, ce qui a contribué au déroulement pacifique des élections parlementaires de juillet 2011. Elle a également soutenu de manière directe et discrète le processus de dialogue entre le gouvernement et les groupes armés dans le conflit du sud de la 41

Convention du 18 septembre 1997 sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, RS 0.515.092

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Thaïlande, qui a causé la mort d'environ 5000 personnes depuis 2004. En Indonésie, la Suisse a soutenu discrètement les préparatifs des différentes parties au conflit en vue d'un éventuel dialogue entre le gouvernement et la Papouasie occidentale. Un «dialogue national pour le Kirghizistan», facilité conjointement par la Suisse et une ONG britannique, a été mis en place en mars 2011. Trois rondes ont eu lieu en 2011, lors desquelles des représentants du gouvernement, des partis politiques et de la société civile ont discuté des problèmes de politique et sécurité nationales. La Suisse a également poursuivi ses efforts visant à améliorer ­ avec le soutien des autorités et de la société civile ­ la sécurité humaine des populations civiles dans le Caucase du Nord, par le biais notamment de la recherche des personnes disparues lors des conflits des années 90, d'un soutien psycho-social aux personnes les plus affectées et de la protection des civils.

Les thèmes de la paix Les programmes de promotion civile de la paix portent sur des activités propres à assurer la durabilité des processus de paix et pour lesquelles la Suisse possède une expertise particulière et reconnue: la médiation, le traitement du passé et la prévention du génocide, les enjeux justice et paix, le renforcement de l'Etat de droit, le fédéralisme, le partage du pouvoir, l'appui aux processus électoraux et la prise en compte de facteurs religieux.

Médiation, appui à la médiation et facilitation: La médiation dans les négociations de paix est l'un des instruments les plus précieux et les plus performants de la promotion civile de la paix. La plupart des conflits armés se règlent aujourd'hui par la négociation. Pour cette raison, la Suisse a développé ses activités de médiation.

L'année dernière, elle a participé à plus d'une douzaine de processus de médiation.

Ces engagements sont de nature très diverse, l'un des enseignements les plus importants de la dernière décennie étant en effet celui du caractère unique de chaque conflit. Par conséquent, la communauté internationale doit faire face dans chaque cas à un contexte différent. Les négociations de paix sont aujourd'hui des processus complexes: le désarmement et la démobilisation des combattants des groupes armés, leur réintégration dans la vie civile ou dans l'armée officielle,
le rétablissement des institutions de l'Etat, le partage du pouvoir et les structures fédéralistes, la révision de la constitution, la justice transitionnelle, le traitement du passé et la répartition des revenus provenant des ressources naturelles sont des questions parmi d'autres qui doivent être traitées. Les parties à un conflit, surtout s'il s'agit de groupes armés non étatiques, ont besoin de soutien, et cela, tout au long des négociations, mais aussi dans le cadre de la mise en oeuvre d'un accord de paix. C'est pourquoi la Suisse a déployé des conseillers en sécurité humaine dans plusieurs pays, par exemple au Népal, où ils servent d'intermédiaires et de facilitateurs entre les partis politiques traditionnels, les maoïstes et les partis du Madeshi. En 2011, elle a conclu avec succès sa médiation dans les négociations entre la Géorgie et la Russie pour l'adhésion de cette dernière à l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

En 2011, la Suisse a en outre soutenu l'ONU sous diverses formes, notamment par la mise à disposition des moyens financiers et des ressources humaines nécessaires au renforcement de ses capacités. Ainsi, du personnel a été mis à la disposition de la centrale du Département des affaires politiques de l'ONU à New York, mais aussi en renforcement de ses missions; deux experts suisses travaillent dans la petite équipe du médiateur de l'ONU pour le Sahara occidental et, dans le cadre des négociations de Doha, des experts suisses ont organisé des ateliers de renforcement des 2761

capacités pour les mouvements du Darfour. Par ailleurs, la Suisse soutient différentes ONG qui s'engagent dans la médiation et collabore avec elles dans différents processus de paix.

Traitement du passé et prévention des atrocités: Le 1er avril 2011, une Task Force pour le traitement du passé et la prévention des atrocités a été créée en réponse aux demandes croissantes dans ce domaine. Accompagnement, conseils méthodologiques, soutien politique et expertise spécifique sont fournis aux gouvernements et instances internationales qui en font la demande, par exemple en Colombie, dans les Balkans, dans le Caucase, au Guatemala, au Burundi et dans la région méditerranéenne. Ceci dans des domaines aussi divers que la mise en place d'une stratégie nationale contre l'impunité, la création de commissions d'enquête ou de vérité, des initiatives de réparation, des processus de démobilisation, l'organisation de l'accueil d'archives de tribunaux spéciaux dans les régions concernées, la protection et l'accès aux archives relatives aux violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire ainsi que l'accueil de copies de sécurité en Suisse. Lors de la session de septembre 2011 du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, la Suisse a présenté ­ avec l'Argentine et le Maroc ­ une résolution pour la création d'un «Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition». Dans le domaine de la prévention des atrocités, la Suisse a organisé le troisième Forum régional de prévention du génocide avec l'Argentine et la Tanzanie en avril 2011; il s'engage pour la création d'un réseau de points de contact nationaux, chargés de fournir des informations rapides, pertinentes et stratégiques lorsqu'une situation devient dangereuse.

Soutien aux processus électoraux: Les élections constituent souvent une étape importante mais délicate dans les processus de paix puisqu'elles concernent la légitimité à gouverner. Ainsi, de nombreux traités de paix formulent des dispositions quant au calendrier et au cadre électoraux. Les élections démocratiques après des conflits armés représentent donc un instrument de stabilisation politique, mais comportent également un grand potentiel de déstabilisation. De plus, les élections peuvent provoquer de graves violences
dans des pays qui ne sont pas en proie à un conflit armé. C'est pourquoi la Suisse travaille avec des autorités ainsi que des organisations internationales et locales pour favoriser une prise de conscience et l'analyse du potentiel conflictuel lié aux élections, dans le but de proposer des mesures adéquates de gestion des conflits électoraux violents, telles que la transparence et la crédibilité du processus électoral. En 2011, elle a mis des experts suisses à la disposition d'autorités électorales. Elle a également soutenu des projets de la société civile visant à apaiser le contexte électoral. De plus, elle a continué de soutenir le développement d'un instrument électronique en vue de prévenir et de résoudre les conflits violents durant le processus électoral.

Le facteur religieux dans la résolution de conflits: Les soulèvements en Afrique du Nord, au Proche-Orient et dans le Golfe, dont la revendication principale porte sur la citoyenneté et les droits démocratiques, sont riches de promesses. Le rôle entre la religion et l'Etat et l'association de tous les acteurs religieux prêts au dialogue au sein de coalitions favorables aux réformes sont des enjeux essentiels, en particulier si l'on veut prévenir le retour à des régimes autoritaires et la résurgence de tensions intercommunautaires. En partenariat avec la Fondation de Cordoue (Genève) et grâce à ses réseaux de contact propices à un climat de confiance, la Suisse a commencé à mettre en oeuvre des mécanismes de conseil et de soutien aux transitions politiques en soutenant l'approche citoyenne, participative, inclusive et non violente 2762

née dans le cadre des soulèvements. En outre, elle entretient des échanges réguliers avec les services compétents de l'UE sur la meilleure façon de soutenir les coalitions favorables au changement. Forte de son savoir-faire, elle a par ailleurs continué d'accompagner le dialogue entre les autorités et les communautés musulmanes de Suisse. Ce dialogue centré sur le thème de l'engagement citoyen est particulièrement d'actualité. Enfin, la Suisse encourage et soutient, au sein du Groupe d'amis de l'Alliance des civilisations de l'ONU, la création de plateformes thématiques traitant de sujets d'intérêt commun et permettant, par des actions pratiques, de jeter des ponts entre les cultures, les religions et les visions du monde.

Renforcement de la sécurité des populations La Suisse travaille au niveau bilatéral et multilatéral à l'amélioration de la sécurité globale. Elle s'emploie notamment à réduire la violence armée dans le monde, en particulier celle qui est causée par les mines antipersonnel, les restes explosifs de guerre ainsi que les armes légères et de petit calibre. Ces armes font de nombreuses victimes notamment auprès des populations civiles, aggravant les conflits et réduisant sérieusement les chances de développement des sociétés affectées.

Mines antipersonnel: Douze ans après l'entrée en vigueur de la Convention d'Ottawa42 sur l'interdiction des mines antipersonnel, on tend vers l'éradication de ce type d'armes. Il reste cependant des défis de taille à relever: une quarantaine de pays n'ont toujours pas adhéré à la Convention et une série d'Etats parties ne sont pas à jour concernant leurs obligations de déminage et de destruction de leurs stocks.

La Suisse s'engage activement à la mise en oeuvre de la Convention d'Ottawa. En 2011, elle a co-présidé, avec la Colombie, le Comité permanent sur le déminage.

Elle défend une approche intégrée dans le domaine de la lutte contre les mines, englobant à la fois l'aide humanitaire et l'aide au développement et visant à éviter la discrimination à l'égard de certains groupes de victimes. Elle est l'un des rares pays à avoir développé une stratégie de déminage humanitaire et d'élimination de munitions non explosées, stratégie qui est périodiquement révisée. C'est sur la base de cette stratégie que sont soutenus, dans le cadre d'une collaboration
interdépartementale, divers projets par la mise à disposition d'experts suisses ou par le biais de contributions financières ou matérielles. La Suisse s'engage pour une protection accrue de la population civile et des membres des missions internationales et pour l'association des acteurs non étatiques à l'interdiction des mines antipersonnel. En ce sens, elle soutient le travail de l'organisation non gouvernementale «Appel de Genève», qui pousse les acteurs non étatiques à observer le droit international humanitaire. Elle accorde également une importance particulière à l'intégration de la dimension genre, dans la mesure où hommes, femmes, garçons et filles sont touchés diversement par les mines et autres restes de matériel de guerre. Par ailleurs, dans le cadre de la stratégie, l'Armée suisse a mis en 2011 neuf experts à la disposition des programmes de déminage de l'ONU. En 2011, la Suisse a dépensé dans ce domaine un total d'environ 15 millions de francs, dont la moitié est allée au Centre international de déminage humanitaire (Genève).

Violence armée et développement: Dans le cadre de ses efforts de lutte contre le commerce illicite et l'utilisation abusive des armes légères et de petit calibre, la Suisse mène depuis 2006 un travail de sensibilisation aux interactions entre la vio42

Convention du 18 septembre 1997 sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, RS 0.515.092

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lence armée et le développement. La Suisse mène cette politique parallèlement à son soutien traditionnel à la lutte contre le commerce illicite des armes légères. La Déclaration de Genève sur la violence armée et le développement43 est une initiative diplomatique de la Suisse lancée avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD); elle vise à obtenir d'ici 2015 un recul mesurable de la violence armée et de ses effets inhibiteurs sur le développement socio-économique.

A l'instigation de la Suisse et d'un groupe de pays partageant ses vues, les questions que recouvre cette initiative ont pu être inscrites à l'ordre du jour des Nations Unies grâce à la publication d'un rapport du Secrétaire général d'août 2009 intitulé: «Promotion du développement par le biais de la réduction et de la prévention de la violence armée», qui a fait suite à l'adoption d'une résolution par l'Assemblée générale des Nations Unies fin 2008 sur la même thématique44. La Suisse préside le groupe de pilotage du processus de la Déclaration de Genève, qui réunit quatorze pays et qui s'engage, notamment sur la base de ce rapport, à approfondir les discussions à l'ONU et à déterminer de nouvelles actions propres à améliorer la situation. A la suite de l'adoption des «engagements d'Oslo» en 2010, promus par la Norvège, la Suisse a organisé, avec le PNUD en octobre 2011, la deuxième Conférence ministérielle d'examen sur la violence armée et le développement, qui a été l'occasion de réunir à Genève Etats, organisations internationales et régionales ainsi que représentants de la société civile et du secteur privé. La Conférence d'examen avait pour objectif d'évaluer les progrès réalisés jusqu'à présent et de déterminer de quelle manière la Déclaration de Genève sur la violence armée et le développement contribuera à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement d'ici 2015.

Les trois Centres de Genève: Conformément à la décision du Conseil fédéral du 24 février 2010, le DFAE assume depuis janvier 2011 l'intégralité du financement et de la gestion de la contribution de la Confédération au Centre de politique de sécurité (GCSP), au Centre international de déminage humanitaire (GICHD) et au Centre pour le contrôle démocratique des forces armées (DCAF). Cette contribution se montera à 119,9 millions de
francs pour les années 2012­2015. Créées par la Suisse, ces trois fondations indépendantes favorisent depuis plus de dix ans la coopération internationale dans les domaines de la paix, de la sécurité, de la promotion de la démocratie et du développement durable. Leurs activités ont d'importants effets multiplicateurs pour la politique extérieure suisse et renforcent son expertise de niches, notamment dans les domaines de la formation d'experts en vue de leur déploiement dans des missions internationales de paix, du désarmement et de la réforme du secteur de la sécurité, du déminage humanitaire et de l'élimination de munitions non explosées dans le domaine du Partnership for Peace (PfP). Reconnus à l'échelle internationale grâce aux formations, aux conseils, à l'expertise civile et militaire et aux plateformes de discussion qu'ils offrent, les trois centres disposent d'un très large soutien international. En témoigne l'entrée, en 2011, de nouveaux membres dans les conseils de fondation des centres ­ dont la Chine et l'Inde pour le GCSP ainsi que la Tunisie, le Kirghizistan et plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest pour le DCAF.

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Engagement d'experts civils suisses auprès d'organisations internationales L'augmentation des opérations de maintien de la paix onusiennes, régionales et sous-régionales et l'accroissement considérable des fonctions et des rôles civils dans les opérations complexes de l'après-guerre froide ont révélé le besoin crucial d'expertise civile dans le domaine du maintien de la paix et de la stabilisation, mais encore plus dans le domaine de la consolidation de la paix et de la reconstruction.

Ainsi, les organisations internationales (ONU, UE, Union africaine, etc.) continuent à intensifier leurs efforts et leurs stratégies et renforcent leurs capacités et leur personnel dans le domaine de la promotion civile de la paix. Riche de sa longue expérience dans le domaine de l'engagement d'experts civils à l'étranger, la Suisse est bien positionnée pour participer de manière influente au dialogue international sur ces questions et pour contribuer concrètement, sur le terrain, à la sécurité humaine.

L'affectation continue et le détachement d'experts suisses dans des organisations internationales depuis les années 1990 se sont révélés être des instruments efficaces et visibles de la promotion suisse de la paix et des droits de l'homme. L'expertise et le professionnalisme des experts suisses sont très appréciés et assurent durablement la visibilité de l'engagement suisse.

Dans le courant de 2011, un total de 208 experts de la promotion civile de la paix et des droits de l'homme ont été affectés à des missions bilatérales ou multilatérales de courte ou de longue durée dans 43 pays. En moyenne, 95 personnes, dont 44 % de femmes, étaient simultanément en mission, parmi lesquelles 19 experts au niveau bilatéral (conseillers pour la consolidation de la paix, pour la promotion des droits de l'homme et d'autres spécialistes). Parmi les activités de la Suisse figure toujours en bonne place la participation à l'observation d'élections sous l'égide de l'OSCE, de l'UE, de l'Organisation des Etats américains (OEA) ou de l'OIF. En 2011, 72 personnes ont été associées à l'observation d'élections au sein de 16 missions dans quatorze pays.

Le choix des organisations multilatérales, des pays et des postes de détachement est guidé par les priorités géographiques et thématiques de la Suisse dans le domaine de la sécurité humaine. La
Suisse concentre ses activités sur le renforcement des structures de l'Etat, l'Etat de droit, le traitement du passé, les droits de l'homme et le droit humanitaire ainsi que l'observation d'élections. Le Pool d'experts suisse pour la promotion civile de la paix délègue également des experts pour certaines fonctions bien définies aux sièges de l'ONU, de l'UE, de l'OSCE et du Conseil de l'Europe. En leur fournissant ces spécialistes, la Suisse aide ces organismes multilatéraux à remplir leur mission, tout en recueillant une expérience et des compétences pour son propre usage. Enfin, des programmes de formation de base et de perfectionnement viennent compléter la planification et la sélection des postes, le recrutement de personnel qualifié, l'envoi et le suivi des experts, leur évaluation, ainsi que le dialogue opérationnel avec les organisations multilatérales.

La promotion militaire de la paix La Suisse contribue également à la stabilité et à la sécurité internationales à travers la promotion militaire de la paix. Dans la mesure où s'entremêlent dans ce domaine des intérêts et des considérations de politique extérieure et de politique de sécurité, ce sont le DFAE et le DDPS qui décident conjointement des interventions de la Suisse (lieu et moyens engagés). Les effectifs suisses engagés dans la promotion militaire de la paix sont stables depuis quelques années. En 2011, près de 280 membres de l'armée étaient engagés de façon permanente, la plupart dans des contingents 2765

au Kosovo et en Bosnie et Herzégovine, ou en tant qu'observateurs militaires pour les Nations Unies. Des contributions ont également été fournies, par le biais de la mise à disposition d'experts, dans le domaine du déminage humanitaire, de la sécurité de l'entreposage d'armes, de la destruction de munitions et d'armes légères ou de la réforme du secteur de la sécurité. Conformément au rapport sur la politique de sécurité de 201045, la Suisse prévoit pour les années à venir d'étendre son engagement dans le domaine de la promotion militaire de la paix, sur le plan tant quantitatif que qualitatif.

Politique en matière de droits de l'homme Nouveau défis et initiatives Le respect des droits de l'homme est une condition indispensable à l'avènement d'un monde stable et pacifique, étant entendu que la paix et la sécurité ne sont possibles au sein de la communauté internationale que si chaque Etat respecte chez lui les droits de l'homme et les libertés fondamentales. L'engagement en faveur de cette cause est conforme à la tradition suisse et figure parmi les objectifs fixés dans la Constitution. Dans le cadre de sa politique extérieure, la Suisse entend contribuer à la protection et à la promotion des droits de l'homme de manière solidaire et constructive, en apportant notamment son soutien à un commerce mondial équitable ou en participant activement aux travaux du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, pour la création duquel elle a joué un rôle de premier plan. C'est pourquoi elle a également décidé, en mai 2011, de recentrer sa politique en la matière pour mieux l'adapter à la réalité mondiale actuelle: toutes les rencontres auxquelles donnent lieu ses relations bilatérales et multilatérales seront désormais systématiquement mises à profit pour la promotion des droits de l'homme.

Initiatives diplomatiques Responsabilité des entreprises et respect des droits de l'homme: Le 9 novembre 2010, les représentants d'une soixantaine d'entreprises militaires et d'entreprises de sécurité privées ont signé le Code de conduite international des entreprises de sécurité privées, initiative lancée par la Suisse avec des associations industrielles et soutenue par les principaux clients gouvernementaux. Par la signature de ce code, les entreprises militaires et de sécurité privées s'engagent à respecter les dispositions
du droit international humanitaire et du droit international des droits de l'homme dans le cadre de leurs activités. En décembre 2011, 266 entreprises privées de sécurité en provenance de 47 pays avaient signé le code. Un comité de pilotage, mis en place par les parties prenantes, a oeuvré à l'élaboration des fondements d'un mécanisme de gouvernance et de suivi permettant d'assurer la mise en oeuvre du Code international de bonne conduite. La charte statutaire de ce mécanisme sera finalisée en 2012 et ce mécanisme mis en place physiquement au cours de l'année.

En septembre 2011, la Suisse a adhéré à l'initiative internationale intitulée «Principes volontaires sur la sécurité et les droits de l'homme» qui a été lancée par des Etats, des entreprises et la société civile et qui vise à promouvoir le respect des droits de l'homme dans le cadre du dispositif sécuritaire du secteur des matières premières et de l'énergie. La Suisse s'engage, par son adhésion, à mettre en oeuvre son plan d'action national, soit à promouvoir l'application de ces principes par les 45

Rapport du Conseil fédéral du 23 juin 2010 à l'Assemblée fédérale sur la politique de sécurité de la Suisse, FF 2010 4681

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entreprises suisses du secteur des matières premières opérant à l'étranger, à les diffuser en Suisse ­ notamment au sein des différents services de l'administration, de l'économie et du public ­ et à les promouvoir au niveau international. La Suisse fait également partie du comité de pilotage de cette initiative.

Peine de mort: Pendant l'année écoulée, la Suisse a continué son engagement dans le cadre du combat contre la peine de mort. Au niveau bilatéral, elle a entrepris des démarches en réaction à certains cas individuels ou en lien avec des contextes spécifiques. La Suisse a explicitement abordé cette problématique dans le cadre de ses consultations et de ses programmes avec les pays prioritaires. Elle s'est engagée auprès des gouvernements de pays dits rétentionnistes et a encouragé d'autres pays à renforcer leur cadre légal en vue d'une abolition complète de la peine de mort dans leur législation. Sur le plan multilatéral, la Suisse a encore renforcé son engagement dans les institutions internationales et régionales. Elle joue un rôle central au sein du groupe de soutien de la Commission internationale contre la peine de mort. Depuis le mois d'octobre 2011, elle assume la présidence de ce groupe, pour douze mois.

Toujours en octobre, le secrétariat de la Commission à été transféré de Madrid à Genève, où il s'est installé de manière permanente.

Agenda pour les droits de l'homme: Le 5 décembre 2008, la Suisse a mis en place un «Agenda pour les droits humains» avec le soutien de l'Autriche et de la Norvège.

Cette initiative s'inscrivait dans le contexte des célébrations entourant le 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Le but de cet Agenda est de dresser un bilan de l'évolution des droits de l'homme depuis l'adoption de ce texte fondateur et d'indiquer des voies permettant d'améliorer la protection des droits de l'homme au 21e siècle. Un panel indépendant de personnalités originaires de différents pays, appelé «Panel on Human Dignity», a défini l'Agenda, avec le concours de l'Académie de droit international humanitaire et des droits humains de Genève. Outre la Suisse, l'Autriche, les Pays-Bas, la Slovénie, le Kazakhstan, le Maroc, le Brésil et le Qatar ont apporté leur soutien à cette initiative. Le panel entend approfondir les thèmes suivants: Cour mondiale
des droits de l'homme, conditions générales de détention (en particulier des mineurs), accès à la justice (en particulier pour les segments pauvres de la population), éducation aux droits de l'homme et effets du changement climatique sur ces derniers.

Lesbiennes, Gays, Bisexuels et Transsexuels (LGBTs): L'engagement de la Suisse contre la discrimination des personnes LGBT a encore gagné en importance au cours de l'année 2011. Ce thème a été abordé à plusieurs reprises dans les forums internationaux et la Suisse se félicite de la résolution historique co-parrainée par notre pays et votée par le Conseil des droits de l'homme en juin de l'année dernière. Celle-ci condamne les abus et discriminations envers toute personne en raison de son orientation sexuelle ou identité de genre. La Suisse se réjouit par ailleurs d'avoir contribué au financement de l'étude menée par le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe sur cette question. Ce dernier a publié, en juin 2011, un rapport faisant suite à une enquête menée dans les 47 Etats membres du Conseil de l'Europe traitant de la discrimination sur la base de l'orientation sexuelle et l'identité de genre. Une table ronde présentant cette étude a été organisée par le bureau du Commissaire à Berne au mois de novembre. Celle-ci s'est déroulée en parallèle de la rencontre informelle des personnes traitant des questions LGBT dans plusieurs pays européens, organisée sous les auspices de la Suisse.

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Lutte contre la torture: Le combat contre la torture représente l'une des pierres angulaires de l'engagement suisse en matière de droits civils et politiques. Le protocole facultatif du 18 décembre 200246 à la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture47 a fêté en 2011 ses cinq ans. Afin de tirer les leçons de ces premières années d'existence et des expériences faites par les Etats parties dans la mise en place des mécanismes nationaux de prévention, la Suisse a parrainé une importante manifestation organisée par l'Association pour la prévention de la torture. Ce forum intitulé «Prévenir la torture, respecter la dignité: de la parole à l'acte», qui a eu lieu en novembre 2011, a constitué un effort commun sans précédent visant à aborder les questions cruciales en lien avec une mise en oeuvre efficace des engagements pris dans le domaine de la prévention de la torture. Cette rencontre a permis à de nombreux acteurs du domaine de se rencontrer et d'échanger sur les bonnes pratiques. La Suisse s'est réjouie de la participation très importante et des discussions extrêmement riches qui ont eu lieu pendant deux jours.

Activités bilatérales Consultations sur les droits de l'homme: A la suite de la décision prise en mai 2011 de renforcer la politique suisse en matière de droits de l'homme celle-ci n'est plus circonscrite à des débats isolés menés avec un nombre restreint de pays. Elle constitue dorénavant un élément à part entière de toutes les consultations politiques bilatérales de la Suisse. Cette réorientation a permis un recentrage de ce thème au coeur de la politique suisse et contribue à renforcer le respect des droits de l'homme à l'échelle planétaire. Parallèlement aux consultations politiques, des projets de collaboration sont développés dans plusieurs pays, par exemple au Nigéria, en Chine, en Russie, au Sénégal, au Tadjikistan ou au Vietnam. Dans d'autres pays, des interventions ponctuelles ou des petits projets sont menés.

Activités multilatérales Travaux préparatoires en vue de l'adhésion à deux nouvelles conventions internationales des Nations Unies en matière de droits de l'homme: Le 21 janvier 2011, la Suisse a signé la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (ICED), un traité international majeur en matière de droits de
l'homme. Son contenu s'inspire des traités internationaux existants dans le domaine des droits de l'homme. Outre de nombreuses dispositions matérielles ­ concernant en particulier la prévention et la réparation ­, cette convention prévoit également d'importants moyens de mise en oeuvre. Les travaux préparatoires en vue de sa ratification sont en cours. Par ailleurs, la question d'une éventuelle adhésion à la Convention relative aux droits des personnes handicapées (ICRPD) est à l'examen. La procédure de consultation s'est achevée le 15 avril 2011.

Conseil des droits de l'homme des Nations Unies: En tant que membre, la Suisse participe activement aux travaux du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies dans le but de renforcer l'efficacité de ses actions et l'attention que porte le Conseil à la situation des droits de l'homme dans le monde. La Suisse s'investit lors de chaque session ordinaire et chaque session extraordinaire pour promouvoir ses thèmes prioritaires et influencer les discussions en faveur des victimes. Le caractère transrégional des initiatives suisses se révèle un atout important. En 2011, la Suisse a vu aboutir plusieurs initiatives qu'elle avait initiées ou portées avec d'autres Etats.

46 47

RS 0.105.1 RS 0.105

2768

Lors de la 16e session ordinaire en mars 2011, le Conseil a adopté par consensus le projet de Déclaration des Nations Unies sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme qui lui avait été présenté par la Suisse et le Maroc, aux côtés du Pôle Education et Formation aux Droits de l'Homme. Finalisé en janvier 2011 par un groupe de travail présidé par la Suisse, ce projet de Déclaration a été adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies lors de sa 66e session.

Lors de cette même session, le Conseil des droits de l'homme a également voté une résolution emmenée par le Costa Rica, les Maldives et la Suisse sur les droits de l'homme et l'environnement.

Lors de sa 18e session en septembre 2011, le Conseil s'est réuni ­ à l'initiative de la Suisse ­ pour un panel de discussion sur le thème de la promotion et de la protection des droits de l'homme dans le contexte de manifestations pacifiques. Par cette initiative, la Suisse a souhaité souligner que les gouvernements ont tout intérêt à permettre l'exercice pacifique des droits à la liberté d'assemblée, d'association, d'expression et d'opinion, et à éviter le recours à la violence. La Suisse a en outre, conjointement avec l'Argentine et le Maroc, déployé ses efforts en vue d'obtenir la création d'un nouveau mécanisme de protection des droits de l'homme, sous la forme d'un «Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition». Enfin, la Suisse a participé aux négociations concernant un troisième Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant prévoyant une procédure de communication individuelle pour les enfants, et a soutenu la conclusion de ce protocole facultatif. Le 17 juin 2011, le Conseil des droits de l'homme a adopté ce protocole facultatif ad referendu. En décembre 2011, le protocole facultatif a été soumis à l'Assemblée générale des Nations Unies avant d'être ouvert à la signature et à la ratification.

Mise en oeuvre nationale des obligations en matière de droits de l'homme Rapports nationaux devant les comités de l'ONU: Le système des organes de traités des Nations Unies, dont la mission est de contrôler la mise en oeuvre des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme, a constitué une avancée dans le domaine. Pourtant, il est confronté
depuis plusieurs années à de nombreuses difficultés. Sans amélioration prochaine, il pourrait voir son potentiel et son efficacité compromis. L'obligation, astreignante pour les Etats, de présenter périodiquement des rapports engorge les organes chargés de leur examen. De nombreux Etats ont du mal à se conformer à leur obligation en la matière, que ce soit par manque de ressources ou par manque de volonté politique. Certains ne livrent aucun rapport pendant des années. Par ailleurs, la charge de travail incombant aux organes de contrôle ­ victimes de leur succès ­ s'est considérablement accrue en raison du volume important de rapports en attente d'examen et d'autres tâches de suivi. La rationalisation et le développement des méthodes de travail des organes créés en vertu de conventions des Nations Unies sont donc l'objet de discussions au niveau international et au sein des instances de l'ONU depuis plusieurs années.

Il y a quelques années, l'objectif était de revoir le système, mais les réflexions actuelles sur sa réforme se concentrent davantage sur des solutions pragmatiques et techniques. Dans ce contexte, la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme a appelé, en 2009, à des consultations avec toutes les parties prenantes concernées. Plusieurs consultations régionales se sont tenues par la suite, notamment un échange entre représentants et experts des Etats parties à Sion les 12 et 13 mai 2011, avec la participation des organes de traités. Cette rencontre a permis à la 2769

Suisse d'affirmer de façon crédible son engagement au service du renforcement et du développement du système international de protection des droits de l'homme et aussi de se prononcer clairement en faveur de Genève comme capitale mondiale des droits de l'homme.

Centre suisse de compétence pour les droits humains: L'opportunité de créer une institution nationale de protection des droits de l'homme fait débat en Suisse depuis 2001. Après plusieurs années de consultations, le Centre suisse de compétence pour les droits humains, inauguré le 6 mai 2011, a débuté ses activités. La mission du centre est de renforcer les capacités des autorités publiques par la protection et la promotion des droits de l'homme en Suisse, conformément à la Constitution et aux obligations internationales engageant la Suisse. Le centre offre une expertise à caractère pratique dans le domaine des droits de l'homme. Ses prestations sont destinées aux autorités fédérales, cantonales et communales ainsi qu'aux organisations non gouvernementales, au secteur privé et aux entreprises.

Politique humanitaire Dans le domaine de la politique humanitaire, les activités se fondent sur la stratégie 2009 à 2012 du DFAE pour la protection des civils dans les conflits armés, qui permet à la Suisse d'améliorer la cohérence de son action dans ce domaine, d'agir plus efficacement au niveau bilatéral et multilatéral et de consolider son positionnement international. La stratégie prévoit trois priorités d'action: la clarification, le renforcement et le respect du cadre normatif conférant une protection aux civils dans les conflits armés; l'amélioration de la réponse opérationnelle en faveur de la protection des civils dans les conflits armés; le renforcement de ses compétences en matière de protection des civils.

Renforcer le respect des normes internationales par les groupes armés non étatiques est un des principaux défis de la protection des civils, reconnu par le Secrétaire général des Nations Unies dans ses rapports 2009 et 2010. Le projet «Acteurs armés non étatiques et normes internationales», mené en collaboration avec l'Académie de droit international humanitaire et de droits humains à Genève, a étudié la question de l'adhésion aux normes par les groupes armés et a abouti à la publication d'un document directif qui expose les moyens
d'améliorer une telle adhésion. Avec cette publication, la Suisse a voulu mettre à disposition d'Etats, d'organisations internationales et d'ONG un outil de travail pour l'engagement en faveur d'un meilleur respect du droit international par toutes les parties à un conflit. Au même titre, des exigences apparaissent en faveur du développement de standards et de directives concernant les activités de surveillance, d'établissement de rapports et de faits consécutifs à des atteintes au droit international humanitaire. La Suisse soutient depuis 2011 un projet mis en oeuvre par le Programme on Humanitarian Policy and Conflict Research (HPCR) de l'Université de Harvard, dont le but est la nomination d'un groupe d'experts de haut niveau chargé d'élaborer des directives pour les mandats liés à ces activités.

Parmi les enjeux majeurs de l'aide humanitaire figure aussi l'accès aux populations civiles. La Suisse s'efforce tout particulièrement d'identifier les obstacles qui, en cas de conflit armé, compliquent l'accès humanitaire et a lancé, en collaboration avec le CICR et le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (BCAH), une initiative qui doit contribuer à clarifier le cadre juridique et à élaborer un manuel pratique à l'intention des acteurs humanitaires. Il s'agit de la part de la Suisse d'un engagement opérationnel en faveur d'une meilleure protection des 2770

populations civiles dans les zones de conflit. La Suisse poursuit également divers efforts en vue de protéger les droits des personnes déplacées internes: elle contribue, entre autres, à la recherche de solutions durables en collaboration avec le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour les droits de l'homme des personnes déplacées et d'autres partenaires comme la Brookings Institution et l'Internal Displacement Monitoring Centre (IDMC). Dans le cadre de ces collaborations, deux projets ont notamment été réalisés en Colombie pour analyser les liens entre les déplacements internes et le processus de paix d'une part et, d'autre part, entre les déplacements internes et la mémoire collective. Les résultats obtenus pourraient servir à la mise en oeuvre de la nouvelle loi sur les victimes et les restitutions de terres adoptée en juin 2011. En même temps, la Suisse a continué de soutenir les grands acteurs internationaux dans ce domaine tel que le HCR ou le CICR.

Consolidation du droit international humanitaire Tendances mondiales et défis De nos jours, la plupart des conflits armés sont internes et non plus interétatiques.

L'émergence d'acteurs non étatiques est dès lors en pleine progression. Si la majorité de ces acteurs, tels que les groupes armés organisés, sont présents depuis assez longtemps, d'autres ont fait plus récemment leur émergence dans les hostilités comme les entreprises militaires et de sécurité privées. La présence de ces acteurs est un défi pour le respect du droit international humanitaire dont la mise en oeuvre doit être améliorée. Les champs de bataille permettant aux belligérants de s'opposer les uns aux autres sans impliquer la population civile dans leurs combats n'existent pour ainsi dire plus. Le champ de bataille moderne n'est en effet plus un terrain isolé. Il se déplace dans des zones peuplées, voire densément peuplées (Gaza, Pakistan, Sri Lanka). L'augmentation de la souffrance de la population civile est la malheureuse conséquence de cette urbanisation de la guerre. De nouvelles technologies de guerre, tels que les armes et systèmes d'armes pouvant être dirigés à distance comme les drones, véhicules aériens téléguidés, ainsi que les attaques des réseaux informatiques, ont fait leur apparition. Si ces nouvelles techniques d'armement ne remettent
pas en question les principes applicables du droit international humanitaire, elles posent un certain nombre de défis nous faisant rompre avec la conception traditionnelle des conflits armés. La Suisse a participé à une table ronde à ce sujet en septembre 2011 organisée par l'Institut international de droit humanitaire de San Remo et le CICR.

Malgré ces défis, le droit international humanitaire a montré qu'il est capable de s'adapter, notamment par des exercices de clarifications de certains domaines, et qu'il reste donc le cadre juridique pertinent dans les conflits armés contemporains.

C'est une importante conclusion qui a été rappelée dans le rapport48 adopté par le Conseil fédéral le 17 septembre 2010 et fait en réponse au postulat 08.3445 de la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats du 20 juin 2008. Il convient de mentionner que, fin 2010, le CICR a achevé une étude sur les domaines du droit international humanitaire qui nécessiteraient toutefois de faire l'objet d'un développement normatif. Le CICR a retenu quatre sujets dans son étude sur le renforcement de la protection juridique des victimes des conflits armés: la protection des personnes déplacées, la protection de l'environnement, la protection des person48

Rapport du Conseil fédéral du 17 septembre 2010 «Le droit international humanitaire et les conflits armés actuels»

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nes privées de liberté et la mise en oeuvre du droit international humanitaire. A l'issue des consultations initiales des Etats, seuls les deux derniers sujets ont été retenus pour un éventuel développement du droit. La 31e Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, qui s'est déroulée à Genève du 28 novembre au 1er décembre 2011, a été l'occasion pour chaque participant à la Conférence, y compris ceux n'ayant pas participé à la consultation initiale, de donner son point de vue. Les participants ont également estimé que les deux domaines prioritaires sont la protection des personnes privées de liberté et la mise en oeuvre au niveau international du droit international humanitaire.

Initiatives et activités de la Suisse Le principal problème et défi au regard du droit international humanitaire reste donc le manque de respect des règles existantes par les parties au conflit. Il est urgent de trouver des voies et moyens concrets pour assurer un meilleur respect du droit international humanitaire. Cela avait été une fois de plus reconnu par les Etats lors de la Conférence sur les 60 ans des Conventions de Genève que la Suisse avait co-organisée avec le CICR en novembre 2009. Il est aussi reconnu que la plupart des mécanismes prévus par le droit international humanitaire se sont avérés jusqu'ici insuffisants et qu'une réflexion doit être menée sur les possibilités de remédier à cette situation. La Suisse a donc décidé de se mettre à la disposition des Hautes Parties contractantes afin de faciliter un processus en collaboration avec le CICR et de présenter des propositions concrètes pour permettre aux Etats de mieux faire respecter le droit international humanitaire. Pour mener à bien cette initiative diplomatique, elle a nommé un ambassadeur en mission spéciale pour l'application du droit international humanitaire. Il est notamment en charge de mener les consultations nécessaires auprès des Etats. Cette initiative a été lancée officiellement lors de la 31e Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, lors de laquelle la Suisse a obtenu le soutien d'un nombre important d'Etats provenant des différentes régions du monde. De plus, cette initiative est mentionnée spécifiquement dans une résolution de la conférence, relative au «Renforcement juridique des victimes
des conflits armés».

D'autre part, la Suisse poursuit son engagement pour que le droit international humanitaire soit mieux respecté par les acteurs non-étatiques. A cette fin, elle s'engage pour que soit largement soutenu le Document de Montreux49 de 2008, texte de référence ­ rédigé avec le CICR ­ synthétisant le droit en vigueur et suggérant des mesures concrètes que les Etats peuvent prendre pour réglementer de manière pertinente les entreprises militaires et de sécurité. Pour ce faire, elle a organisé en 2011 un séminaire régional pour l'Amérique latine et un autre pour l'Asie centrale et du Nord-est. En décembre 2011, 38 gouvernements avaient exprimé leur soutien au Document de Montreux. Sur la base de ce document, la Suisse a soutenu l'élaboration d'un Code de conduite international des entreprises de sécurité privées. Elle soutient également un projet visant à proposer des solutions concrètes pour engager un dialogue avec les groupes armés afin qu'ils respectent mieux leurs obligations.

L'engagement de la Suisse dans ce domaine vise à s'assurer que les victimes des conflits armés soient mieux protégées et que leurs droits soient respectés. Pour rendre son action plus efficace et cohérente, la Suisse s'est dotée d'une stratégie interne dont l'un des objectifs principaux est un cadre normatif pertinent, adéquat, 49

www.eda.admin.ch > Thèmes > Droit international public > Droit international humanitaire > Entreprises militaires et de sécurité privées > Le Document de Montreux

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connu et respecté par les acteurs concernés. Dans ce contexte et afin de clarifier le droit international humanitaire, la Suisse a mené un projet, en collaboration avec le CICR et OCHA, dont l'objectif est d'expliciter le cadre juridique applicable à l'accès humanitaire en situation de conflits armés. Le résultat de ce projet a été présenté et lancé officiellement lors de la 31e Conférence internationale.

Perspectives L'année 2011 a donc été marquée par la 31e Conférence internationale dont l'objectif global était de renforcer le droit international humanitaire et l'action humanitaire. Lors de cette Conférence, le CICR a notamment présenté un rapport sur les défis posés par les conflits armés contemporains. La conférence a été l'occasion pour les Etats de débattre de ce sujet et d'adopter un certain nombre de résolutions pour réaffirmer leurs engagements dans les domaines de l'action et du droit international humanitaire. Pour la Suisse, en tant que Haute Partie Contractante et dépositaire des Conventions de Genève et de leurs Protocoles additionnels, la conférence a été l'occasion de réaffirmer son engagement pour le respect et la mise en oeuvre du droit international humanitaire en participant de façon active aux négociations et débats. Cela a également été une opportunité de faire avancer ses projets et ses initiatives et par là même de contribuer à renforcer le respect du droit international humanitaire.

2.3.3

Politique extérieure de la Suisse en matière de migration

Le présent chapitre se concentre sur la politique extérieure de la Suisse en matière de migration en rapport avec les pays non-membres de l'UE ou de l'AELE. Les questions de migration entre la Suisse et les Etats de l'UE ou de l'AELE sont en effet régies essentiellement par l'accord sur la libre circulation des personnes50 (cf.

ch. 2.1.1.1) et par la convention AELE51.

Rapport sur la coopération en matière de migration internationale En février 2011, le Conseil fédéral a pris acte du rapport sur la coopération en matière de migration internationale, rédigé en commun par le DFAE et le DFJP. Ce rapport porte sur le contexte général, les objectifs, les instruments, les acteurs et les défis de la politique extérieure de la Suisse en matière de migration. Il vient confirmer le principe selon lequel la Suisse considère la migration comme un phénomène global, qui est source de défis à relever et d'opportunités à saisir en collaboration avec les pays d'origine, de transit et de destination et moyennant une mise en oeuvre cohérente des instruments de politique intérieure et extérieure. On trouve aussi dans le rapport des propositions concrètes ­ aujourd'hui réalisées ­ visant à améliorer la coopération interdépartementale en matière de politique migratoire extérieure. Ce rapport constitue le fondement de l'intensification de l'engagement de la Suisse dans ce domaine. L'objectif premier de la politique suisse en matière de migration reste la 50

51

Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes, RS 0.142.112.681 Convention du 4 janvier 1960 instituant l'Association européenne de libre-échange (AELE), RS 0.632.31

2773

gestion efficace de la migration internationale, qui doit avoir lieu en toute sécurité, dans la légalité et dans le respect des droits et des intérêts de toutes les parties.

Activités de politique extérieure en matière de migration Le Rapport sur la coopération en matière de migration internationale et le Rapport sur la politique extérieure 2010 expriment tous deux la volonté du Conseil fédéral de mener une politique extérieure active dans le domaine de la migration. Voici donc quatre exemples pratiques illustrant l'engagement de la Suisse dans ce domaine au cours de l'année écoulée, aux niveaux tant bilatéral que multilatéral.

Forum mondial sur la migration et le développement: en 2011, la Suisse a assuré la présidence du Forum mondial sur la migration et le développement (FMMD). Le FMMD est actuellement la plus importante plateforme globale consacrée à la discussion de thèmes relevant de la migration et du développement. Créé en 2006 à l'initiative de Kofi Annan, alors Secrétaire général de l'ONU, le Forum est ouvert à tous les Etats membres de l'ONU. Il se propose de promouvoir les échanges informels d'expériences et la coopération entre les Etats d'origine, de transit et de destination ainsi que d'autres acteurs, notamment la société civile et les organisations internationales concernées. L'objectif prioritaire de la présidence suisse du FMMD a été de promouvoir un dialogue entre les Etats axé sur la pratique. En collaboration étroite avec les Etats intéressés, elle a organisé quatorze réunions régionales sur quatre continents. Ces ateliers régionaux se sont articulés autour des trois thèmes suivants: la mobilité professionnelle et son potentiel pour le développement, la coordination de la lutte contre la migration irrégulière et les instruments concrets susceptibles de soutenir les politiques en matière de migration et développement.

Les résultats de ces réunions ont été discutés au niveau global à l'occasion de la Conférence de clôture, qui a eu lieu à Genève en décembre avec la participation de 165 Etats et de 30 organisations internationales ayant statut d'observateur. Les recommandations issues de cette conférence de clôture ont été résumées dans le rapport final de la présidence suisse du FMMD. Grâce à son approche axée sur la pratique, la Suisse a fourni une contribution hautement
appréciée par la communauté internationale au renforcement de la coopération internationale dans les domaines de la migration et du développement. Relevons encore que la Suisse a elle-même fortement bénéficié de sa présidence du FMMD de plusieurs points de vue et qu'elle continuera à en bénéficier au cours des années à venir: ­

La Suisse a pu faire avancer la discussion sur des thèmes en rapport avec la migration qu'elle juge politiquement importants (migration irrégulière, migration professionnelle, protection des droits des migrants) dans une enceinte multilatérale de haut niveau. Le rapport de clôture du FMMD 2011 restera ces prochaines années un document de référence central dans le dialogue international sur la migration.

­

Le FMMD a soutenu les efforts entrepris en vue d'intégrer la thématique migratoire dans la coopération au développement sur le plan tant conceptuel qu'opérationnel et l'a inscrite dans un contexte global.

­

La Suisse a pu se faire une image des priorités et des intérêts que de nombreux Etats et d'autres acteurs importants, notamment la société civile suisse, ont dans le domaine de la migration et de la politique du développement.

2774

­

La Suisse a eu l'occasion d'étoffer considérablement le réseau de relations qu'elle entretient à travers le monde avec des acteurs étatiques ou non étatiques dans les domaines de la migration et du développement.

Partenariat migratoire avec le Nigéria et avec des pays des Balkans occidentaux (Bosnie, Kosovo et Serbie): le 14 février 2011, la Suisse a signé un protocole d'entente visant à l'établissement d'un partenariat migratoire avec le Nigéria. Le concept du partenariat migratoire, prévu dans la nouvelle loi du 16 décembre 200552 sur les étrangers en vigueur depuis le 1er janvier 2008 (art. 100, al. 1, LEtr), permet à la Suisse de poursuivre ses intérêts dans le domaine des migrations compte tenu des intérêts du pays partenaire. En dialoguant avec celui-ci, la Suisse recherche des solutions constructives aux défis posés par la migration (p. ex. migration irrégulière, retour, traite des êtres de l'homme) et cherche à saisir les opportunités économiques, sociales et culturelles qui y sont liées. Après avoir tenté l'expérience avec la Bosnie et Herzégovine, la Serbie et le Kosovo, la Suisse a signé pour la première fois un partenariat migratoire avec un pays africain. La souplesse du cadre offert par le partenariat migratoire a permis à la Suisse d'ouvrir le dialogue avec le Nigéria pour mettre au point des mesures propres à améliorer et à intensifier la coopération en matière de migrations. Dans le cadre des sessions de dialogue politique et technique, la coopération a été concrétisée dans les domaines de l'aide au retour, de la migration régulière (projets de formation et de perfectionnement), de la lutte contre la traite des êtres humains, de la coopération policière et de la migration pour le développement. Ces échanges ont notamment permis de reprendre les renvois forcés vers le Nigéria. On fait en outre désormais appel à la diaspora nigériane en Suisse pour mettre en oeuvre le partenariat migratoire: elle est perçue comme un acteur du développement de son pays d'origine et encouragée comme telle dans le cadre du partenariat migratoire.

Dans le cadre des partenariats migratoires conclus avec des pays des Balkans occidentaux, des réunions de dialogue bilatérales ont eu lieu en 2011. Quelque 25 projets de coopération sont actuellement en cours dans les domaines de la gestion des migrations, de la prévention de la migration irrégulière ainsi que, depuis peu, d'une approche conjointe des problèmes de migration et de développement avec la participation de la diaspora. En décembre 2011, le Comité pour la
coopération en matière de migration internationale («IMZ-Ausschuss») a adopté une nouvelle stratégie pour la poursuite du développement des partenariats migratoires avec les Balkans occidentaux jusqu'en 2015.

Lutte contre la traite des êtres humains: la Suisse condamne l'infraction grave aux droits de l'homme que représente la traite des êtres humains. Le protocole additionnel du 15 novembre 200053 à la Convention de l'ONU du 15 novembre 200054 contre la criminalité transnationale organisée (Protocole de Palerme), ratifié par la Suisse le 27 octobre 2006, constitue une base normative internationale visant à prévenir, à combattre et à réprimer la traite des êtres humains. Dans le cadre de ses engagements de politique extérieure, la Suisse oeuvre en faveur d'un renforcement de la coopération avec des acteurs de l'Etat et de la société civile dans les pays d'origine des victimes de la traite d'êtres humains en Suisse. Depuis 2009, des tables rondes sont organisées ­ entre autres mesures ­ sur des questions concrètes et actuel52 53 54

RS 142.20 RS 0.311.542 RS 0.311.54

2775

les qui se posent dans le contexte de la lutte contre la traite des êtres humains. Le dialogue direct entre les autorités suisses et celles des pays d'origine des victimes fournit régulièrement de nouveaux enseignements, qui débouchent sur de nouvelles options d'action. Le soutien technique à l'étranger est apporté prioritairement dans les pays d'origine ou de premier transit des victimes, par exemple au Brésil. Des projets de lutte contre la traite des êtres humains peuvent aussi être intégrés dans un partenariat migratoire, ainsi que le montrent les exemples du Nigéria ou de la Serbie.

La Suisse continue par ailleurs d'oeuvrer ­ en particulier au sein de l'ONU et de l'OSCE ­ en faveur d'une adaptation des politiques et des normes internationales afin de les rendre plus efficaces dans la lutte contre la traite des êtres humains.

Coopération avec l'UE: le thème de la migration reste également une priorité au sein de l'UE. A travers les accords d'association à Schengen/Dublin et l'accord sur la libre circulation des personnes (cf. ch. 2.1.1.1), la Suisse participe déjà à deux volets essentiels de la politique migratoire de l'UE. Il est cependant encore d'autres domaines dans lesquels une coopération avec l'UE peut être envisagée, p. ex. la politique d'asile (cf. ch. 2.1.1.1).

2.3.4

Réduction de la pauvreté et aide humanitaire

Coopération internationale de la Suisse Message relatif à la coopération internationale pour les années 2013 à 2016 Durant l'année écoulée, les services de la Confédération ont élaboré le message qui définit la coopération internationale de 2013 à 201655. Ce message englobe pour la première fois l'aide humanitaire, la coopération technique et l'aide financière en faveur des pays en développement (DDC), les mesures de politique économique et commerciale (SECO), de même que la coopération avec les pays de l'Est (DDC, SECO). L'expression «coopération internationale» utilisée dans le message correspond à l'usage international (international cooperation ou Internationale Zusammenarbeit), selon lequel elle comprend aussi bien la réduction de la pauvreté que la gestion des risques mondiaux. L'utilisation de l'expression «coopération internationale» s'impose par ailleurs, parce qu'elle doit englober les activités de l'aide humanitaire, de la coopération au développement et de la coopération avec les pays de l'Est.

La stratégie de coopération internationale recouvre les quatre crédits-cadres que le Conseil fédéral soumettra en 2012 au Parlement. La Suisse axe cette stratégie sur les objectifs internationaux de développement et les engagements qu'elle a contractés, ainsi que sur les priorités de la politique étrangère de la Confédération. Elle contribue ainsi à réduire la pauvreté et à surmonter les risques mondiaux. La stratégie met l'accent sur les objectifs concrets suivants:

55

­

prévenir et gérer les crises, les conflits et les catastrophes;

­

permettre à tous d'accéder aux ressources et aux services;

­

promouvoir une croissance économique durable;

­

favoriser la transition vers des systèmes démocratiques basés sur l'économie de marché; Message du 15 février 2012 concernant la coopération internationale 2013­2016

2776

­

participer à une mondialisation propice au développement et à la protection de l'environnement.

L'utilisation d'énergies fossiles a permis à nombre de pays d'atteindre une prospérité inouïe. L'exploitation de ces ressources entraîne cependant des effets secondaires qui menacent cet essor historique. Les chances de développement des pays pauvres subissent l'influence de phénomènes écologiques d'envergure mondiale, comme l'acidification des océans, la raréfaction des ressources, l'appauvrissement de la biodiversité, la disparition de terres fertiles et les pénuries régionales d'eau potable. Les mesures visant à surmonter les risques mondiaux acquièrent dès lors rapidement de l'importance. Les solutions novatrices aux problèmes de développement et de transition, de même que la réaction face aux urgences humanitaires, exigent des interventions aussi bien à l'échelle mondiale (adoption de réglementations internationales) qu'au niveau national (politiques et législations des Etats). A cette fin, il importe de mettre en place une collaboration aussi large qu'intensive entre tous les acteurs. Car seule une collaboration impliquant services étatiques, société civile, économie privée et instituts de recherche, associée à des compétences sans faille des organismes de développement, peut garantir la réussite des programmes.

La coopération internationale de la Suisse comprend deux grands volets: 1. Les programmes bilatéraux au profit d'un nombre limité de pays et de régions prioritaires, menés en coopération avec des acteurs étatiques et non étatiques, avec l'économie privée et les instituts de recherche. 2. La coopération multilatérale, la participation financière et la collaboration au sein d'institutions financières internationales, d'organisations de l'ONU, de fonds et de réseaux mondiaux). Outre ses programmes menés à l'échelle des pays et des régions, ainsi que ses activités multilatérales, la Suisse renforce sa participation aux efforts conjoints visant à relever les défis que représentent le changement climatique, la sécurité alimentaire, l'eau, les problèmes sanitaires internationaux, les migrations ainsi que le secteur financier et les échanges commerciaux.

Lutte contre la pauvreté, développement humain et durabilité écologique sont étroitement liés. Par ailleurs, l'aide «classique» au développement et la coopération au développement évoluent rapidement. Il importe aujourd'hui de tout mettre
en oeuvre afin de doter le monde d'un cadre et de réglementations internationales propres à améliorer les chances et les perspectives des pays en développement. Les «intérêts de survie» communs aux pays prospères et aux pays pauvres passent au premier plan. Dans ce contexte, les efforts de la Suisse pour accroître la cohérence de ses relations extérieures avec les pays en développement gagnent en importance.

Cohérence dans les relations extérieures En veillant à une cohérence optimale de ses relations extérieures pour ce qui est d'atténuer la pauvreté et de réduire les risques mondiaux (tel que le changement climatique), la Suisse contribue à accroître l'efficacité de la coopération internationale. Selon la Stratégie pour le développement durable 2012­2015 définie par le Conseil fédéral, tous les départements fédéraux apportent leur contribution à un développement national et mondial durable. Leurs contributions soutiennent les activités de la coopération internationale et augmentent leur efficacité.

Le Comité interdépartemental pour le développement et la coopération internationaux (CICDI) a pour mission d'identifier les conflits d'intérêts entre l'orientation de la coopération internationale de la Suisse et les politiques (sectorielles) des départe2777

ments et de leur proposer des solutions dans l'esprit d'une «cohérence au service du développement» selon l'OCDE. La cohérence dans le développement ne pouvant pas être parfaite, il convient de négocier des compromis politiques.

La Suisse s'efforce d'améliorer la cohérence de ses politiques sur quatre plans: 1.

En tant que membre d'organisations internationales, elle met à profit sa participation aux négociations pour plaider en faveur de l'adoption et de l'application de règles internationales contraignantes pour un développement durable.

2.

Dans ses relations bilatérales, elle s'efforce d'harmoniser tous les programmes et projets de développement cofinancés par la Confédération avec les objectifs du développement durable.

3.

Elle intervient directement auprès de ses pays partenaires pour les inviter à élaborer des politiques nationales propices au développement.

4.

Elle aligne au mieux ses politiques sectorielles sur les exigences d'un développement mondial durable, une harmonisation qui peut générer des conflits.

Sur la base du rapport du Conseil fédéral concernant la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement, divers domaines politiques ont pu être identifiés dans lesquels des interventions sont possibles. Les voici: Politique agricole: subventions à l'exportation pour les produits agricoles, droits de douane préférentiels pour les produits en provenance des pays les plus pauvres, système des paiements directs tenant compte d'une exploitation durable des ressources, aide liée pour les denrées alimentaires de l'aide humanitaire.

Politique environnementale: promotion des sources d'énergie renouvelables et transfert de technologies, application du principe du pollueur-payeur aux émissions de CO2, poursuite d'une politique mondiale de recyclage et d'élimination des déchets, préservation de la biodiversité dans les pays en développement.

Politique sanitaire: distribution de produits pharmaceutiques de qualité à un prix abordable dans les pays les plus pauvres, prise en compte des pays en développement dans la recherche pharmaceutique, attention accordée au rôle de la promotion des innovations et de la protection des brevets.

Politique financière: mise en oeuvre de la stratégie de gestion d'avoirs déclarés, lutte mondiale contre la criminalité financière (en particulier dans les domaines suivants: corruption, blanchiment d'argent et financement du terrorisme), promotion de dispositifs fiscaux simples et équitables, soutien aux pays en développement afin d'accroître leurs capacités dans le domaine fiscal.

Politique de sécurité: actions destinées à prévenir ou à régler les conflits, autorisation d'exporter du matériel de guerre vers les pays en développement, négociation d'un accord international sur le commerce des armes dans le cadre de l'ONU.

Politique migratoire: prise en considération des aspects migratoires dans les relations bilatérales et multilatérales de la Suisse, promotion de migrations sûres, régulières et propices au développement, lutte contre les migrations irrégulières.

Politique culturelle et politique en matière de formation et de recherche: mise sur pied, en Suisse, de formations sur le développement durable, étude de thèmes mondiaux et propres au développement dans les instituts suisses de recherche, promotion

2778

du transfert de technologies et des échanges de connaissances avec les pays en développement.

Une nouvelle conception du développement En adoptant fin 2010 le «Consensus de Séoul» visant à promouvoir une croissance partagée entre le Nord et le Sud, le G20 a défini une nouvelle conception du développement, qui se fonde sur une croissance mondiale durable, intégrative et à l'épreuve des crises. Les neuf domaines d'intervention identifiés (infrastructures, investissement privé et création d'emplois, développement et promotion de ressources humaines, échanges commerciaux, accès au financement, croissance durable, sécurité alimentaire, mobilisation de ressources locales et gestion des connaissances) vont au-delà de la coopération classique au développement et de la notion de pauvreté qui lui est liée. Il est cependant trop tôt pour évaluer le processus engagé.

Lors de sa réunion de 2011, le Conseil de l'OCDE au niveau des ministres a décidé d'élaborer jusqu'à fin 2012 une stratégie de développement axée sur les défis mondiaux mentionnés ci-dessus. Le Forum de haut niveau sur l'efficacité de l'aide, tenu fin novembre 2011 en Corée du Sud, a initié le passage d'une aide efficace à la notion, plus large, de coopération efficace pour le développement. De nouveaux intervenants (la Chine, l'Inde, le Brésil et d'autres pays émergents) ont été associés aux travaux. Ces pays ne se contenteront toutefois pas d'adhérer aux engagements et aux procédures mises en place en vue de fournir une aide efficace, car ils jugent ce domaine par trop dominé par les donateurs occidentaux. On a dès lors esquissé les contours d'une nouvelle architecture de la coopération au développement, dont les caractéristiques dépendent, notamment, des conventions d'application qui devraient être conclues d'ici à mi-2012.

Le changement climatique et son impact sur les pays en développement En février 2011, le Parlement a décidé que la Suisse doit accroître son aide publique au développement pour la faire passer à 0,5 % du revenu national brut (RNB) d'ici à 2015. Les ressources supplémentaires servent également à la préservation du climat: jusqu'en 2012, la DDC et le SECO auront consacré 125 millions de francs à des mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les pays en développement et à soutenir les régions
concernées dans leurs efforts pour s'adapter aux conséquences du changement climatique. Soulignons que les liens entre politique climatique et politique de développement ne cessent de se renforcer. Les effets du réchauffement planétaire frappent en premier lieu les pays en développement et, au sein de ceux-ci, en particulier les couches défavorisées de la population rurale. Outre le monde industrialisé, les pays émergents et les pays en développement doivent dès lors s'engager rapidement sur une voie du développement qui préserve les ressources. Or, il incombe à la coopération au développement de promouvoir des idées novatrices: infrastructures et systèmes énergétiques qui ménagent le climat, agriculture durable, prévention des pénuries d'eau potable, prévention des risques, etc.

Politique climatique internationale L'interdépendance étroite entre lutte contre la pauvreté, développement humain, durabilité écologique et répartition équitable transparaît en particulier dans les préoccupations relatives au climat. Depuis la Conférence sur les changements climatiques de Bali, en 2007, la politique climatique internationale est marquée par les discussions autour d'un régime contraignant, qui obligerait les pays industrialisés et, de plus en plus aussi, les pays émergents à réduire de manière appropriée leurs 2779

émissions de gaz à effet de serre. A cet effet, pays industrialisés et pays en développement devraient fixer des objectifs de réduction communs et individuels fondés sur les connaissances scientifiques acquises à ce jour. Avec l'appui financier et technologique des pays industrialisés, les pays en développement devraient, sans prendre d'engagements contraignants, redoubler d'efforts afin de réduire leurs émissions.

En tenant compte de la réduction d'émissions prévue dans l'Accord de Copenhague de 2009 et confirmée par les Etats lors de la conclusion de l'accord, la température mondiale pourrait subir une hausse de 2,5 à 5 °C d'ici en 2100 avec, pour corollaire, des effets négatifs considérables. Cette sombre perspective a incité les Etats à décider, fin 2010 lors de la conférence sur le climat de Cancún, d'unir leurs forces pour contenir le réchauffement planétaire en deçà de 2 °C. Réunie à Durban fin 2011, la communauté internationale a convenu d'élaborer un nouveau régime climatique capable de créer les conditions requises pour atteindre cet objectif (cf. ch. 2.3.6).

Le Fonds vert pour le climat (FVC), dont la création a été décidée en 2010 à Cancún, a été lancé à Durban. Le nouveau conseil exécutif de ce fonds, qui doit être nommé d'ici à fin mars 2012, sera chargé d'assurer la gouvernance du fonds et de le doter de structures. Cette tâche comprend notamment le choix de l'Etat siège du fonds et la mobilisation de ressources financières. Si la constitution du FVC se déroule comme prévu, une part substantielle du financement total de 100 milliards de dollars par an (objectif pour 2020) devrait un jour transiter par le nouveau fonds et servir à financer des activités climatiques dans les pays en développement. Les 24 membres du conseil du fonds et leurs 24 suppléants doivent provenir pour moitié de pays industrialisés et pour moitié de pays en développement. La Suisse semble en bonne position pour occuper un siège au sein de ce conseil et obtenir que le secrétariat du fonds s'installe à Genève. En attribuant le mandat de négociation pour la conférence de Durban, le Conseil fédéral avait de fait admis le principe d'une candidature suisse. Diverses décisions politiques spécifiques doivent cependant encore être prises pour présenter cette candidature.

A Durban, le mécanisme REDD+ contre la
déforestation a enregistré de nouveaux progrès, en particulier une nouvelle perspective orientée sur le marché, dont la mise en oeuvre n'est toutefois pas pour demain. Jusque-là, ce mécanisme sera principalement financé par des ressources de l'aide publique au développement.

Répartition équitable des richesses et des charges: Outre les grands pays industrialisés, les pays émergents comptent parmi les premiers responsables du réchauffement planétaire. Bien qu'ils soient à l'origine de plus de 80 % des émissions mondiales, les Etats du G20 ont exclu la problématique du climat de leurs débats. Désormais premier émetteur mondial, la Chine ne peut, compte tenu de l'élan pris par sa croissance économique, que contenir l'accroissement de ses émissions, mais pas réduire leur volume total. Elle y parvient après avoir inscrit des objectifs relatifs de réduction et d'autres mesures dans son plan quinquennal. La Suisse soutient la Chine dans ses efforts pour se doter d'un système national de préservation du climat: adoption d'une législation pertinente, hygiène de l'air, filtres à particules, efficacité énergétique et stratégies d'adaptation.

Dans des pays émergents tels que le Brésil et l'Indonésie, la majeure partie des émissions de gaz à effet de serre sont à mettre sur le compte d'un vaste changement dans l'exploitation des terres. Face à une déforestation nocive pour le climat, trois douzaines de pays tropicaux bénéficient du soutien des stratégies visant à réduire les émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts dans les pays en 2780

développement (REDD+) dans le cadre du Fonds de partenariat pour le carbone forestier (FPCF) de la Banque mondiale. Ces efforts sont associés au Programme de collaboration des Nations Unies sur la réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts dans les pays en développement (ONU-REDD).

Des mesures ciblées doivent notamment accroître massivement la valeur économique des forêts exploitées selon des critères de durabilité.

Le respect de la limite des 2 °C n'offre qu'une marge de manoeuvre très étroite aux pays émergents et aux pays en développement, qui continuent de miser sur les ressources fossiles pour assurer leur développement. Ces pays ont de toute évidence besoin de soutien s'ils veulent parvenir à garantir, d'ici à 2030, à tous leurs habitants l'accès à un approvisionnement de base assuré par des prestations énergétiques modernes. Parmi ces pays, les grands émetteurs devront aussi s'engager progressivement à réduire leurs émissions. Vu la répartition inégale des ressources et des capacités, des mécanismes mondiaux de compensation s'imposent. Force est notamment d'opérer une distinction équitable et réaliste entre des pays aussi différents que le Burkina Faso et la Corée du Sud. Cette distinction devrait refléter la responsabilité climatique passée, actuelle et future des pays, tenir compte de leurs capacités économiques et prendre en considération leur potentiel de réduction des émissions. Il importe en outre d'inclure les pays du Sud dans une nouvelle convention sur le climat, afin de garantir le droit à la subsistance des personnes démunies et le «droit au développement» des nations moins avancées.

Position de la Suisse: En avril, le Conseil fédéral a approuvé la nouvelle stratégie énergétique. Selon celle-ci, la Suisse parviendra certes à respecter les engagements pris dans le cadre du Protocole de Kyoto, mais elle le fera à 70 % au moins en achetant des certificats étrangers.

La Suisse soutient des projets pilotes novateurs afin d'encourager la mise au point de solutions respectueuses de l'environnement et du climat pour la production et la consommation de l'énergie dans les pays en développement. En outre, la Suisse soutient le principal mécanisme de financement de la Convention, à savoir le Fonds pour l'environnement mondial (FEM), les fonds spécifiques
pour le climat ainsi que les mécanismes de financement approuvés lors de la Conférence de Durban sur le changement climatique, tels que le Fonds vert pour le climat et le Fonds d'adaptation. Exploitant les possibilités inhérentes au commerce des droits d'émissions de CO2, elle met de manière accrue ses compétences en matière de gestion durable des ressources au service des régions rurales et urbaines. Vu le poids de certains grands pays émergents, qui émettent de plus en plus de gaz à effet de serre et qui occupent une place prépondérante dans la politique climatique internationale, la coopération avec ces pays gagne en importance. Il s'agit surtout d'élaborer rapidement de nouvelles solutions, susceptibles d'intéresser aussi bien les pays émergents que les pays pauvres. La première priorité revient ici au transfert ciblé de technologies et de connaissances.

Pays les plus pauvres Le groupe des pays les moins avancés (PMA) compte 47 Etats, dont 33 se trouvent en Afrique et 14 dans l'espace Asie-Pacifique. Les quelque 900 millions d'habitants qu'ils regroupent sont appelés le «bottom billion», soit le milliard d'êtres humains pris au piège de la pauvreté. Depuis 1970, le nombre des pays les plus pauvres a doublé, mais trois pays sont parvenus à se défaire du statut de PMA. Si les PMA ont certes enregistré de très bons taux de croissance économique au cours de la dernière 2781

décennie, cet essor reposait avant tout sur le prix élevé des matières premières et beaucoup moins sur le développement industriel et agricole des Etats concernés.

La quatrième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés s'est tenue en mai 2011 à Istanbul. Le plan d'action qui en est ressorti prévoit ceci: les Etats qui consacrent déjà plus de 0,2 % de leur revenu national brut à soutenir les PMA maintiendront cette aide, les pays qui ont déjà atteint l'objectif de 0,1 % s'efforceront d'atteindre la barre de 0,2 % et tous les autres pays s'attacheront à atteindre l'objectif de 0,15 % d'ici à 2015. Le programme d'action n'engage cependant guère les pays riches à soutenir les PMA dans leurs efforts. Ce manque d'appui est notamment à déplorer dans le domaine du climat, qui représente pourtant un défi majeur pour les PMA. La dégradation des sols, la pénurie d'eau et l'accroissement de l'influence climatique ne font qu'exacerber la concurrence due à la raréfaction des surfaces arables. Dans ce domaine, le programme d'action ne promet aucunement d'apporter un appui financier et technologique aux PMA. La nécessité d'abaisser les émissions de gaz à effet de serre engendrées par l'exploitation agricole constitue un défi supplémentaire. Les PMA ne s'en sont pas moins engagés à intégrer une politique nationale d'adaptation aux changements climatiques et de réduction des émissions dans leurs plans nationaux de développement. Cet engagement va d'ailleurs au-delà du fardeau que les PMA ont pris en charge dans le cadre de la convention de l'ONU sur les changements climatiques.

Dans le domaine des échanges commerciaux, c'est surtout l'ouverture des marchés aux produits des PMA, par la suppression des droits de douane et des quotas, qui soulève des controverses. Les pays en développement ont tenté de faire valoir la décision prise en 2005 à Hongkong, selon laquelle les pays riches doivent libérer 97 % des produits des PMA de tout droit de douane, puis étendre ce statut à 100 % des produits. La Suisse a plaidé pour une poursuite du soutien international aux pays en développement les plus pauvres. Le plan d'action comprend par ailleurs d'importants engagements, concernant notamment la gouvernance, les droits de l'homme et l'égalité entre hommes et femmes. L'accent a également été mis sur la mobilisation
du secteur privé grâce au Pacte mondial des Nations Unies.

OMC: le Cycle de Doha Les négociations du cycle de Doha se sont certes intensifiées au cours du premier trimestre 2011, mais il est apparu que les positions nationales, surtout celles des membres prépondérants de l'OMC, sont par trop éloignées. Le 21 avril 2011, le directeur général de l'OMC, Pascal Lamy, a dressé l'état des lieux des négociations menées sur tous les dossiers de Doha. Ce vaste bilan a révélé que seuls quelques rares progrès ont été enregistrés depuis 2008. De plus, la tentative de parvenir à un accord partiel avant la conférence ministérielle a échoué durant l'été 2011. Aucun accord n'a pu être conclu cette année dans les différents domaines et l'on ignore pour l'heure comment les négociations de Doha vont se poursuivre. Une solution consisterait à procéder par étapes, c'est-à-dire à conclure un accord chaque fois que les négociations sur un dossier aboutissent, sans attendre la fin des négociations sur tous les sujets inclus dans le cycle de Doha.

Les Etats-Unis considèrent les pays comme la Chine, l'Inde et le Brésil comme des concurrents directs, qui ne méritent plus d'être classés parmi les pays en développement, et exigent qu'ils apportent une «véritable» contribution à la libéralisation du commerce mondial. Les pays industrialisés craignent par ailleurs que les futures négociations bilatérales ou multilatérales s'avèrent déséquilibrées.

2782

Groupe de la Banque mondiale Conclusion des négociations IDA-16: Les négociations sur la seizième reconstitution des ressources du fonds de développement de la Banque mondiale (Association internationale de développement, IDA) se sont achevées avec succès en décembre 2010. En avril 2011, le Conseil fédéral a ensuite approuvé un versement d'environ 700 millions de francs à l'IDA-16 pour les trois années à venir. Dès l'année prochaine, la Banque mondiale sera tenue d'appliquer les règles stratégiques que les pays donateurs ont négociées pour cette période, les activités devant s'orienter en priorité sur les résultats du développement. La Suisse a soutenu cette orientation axée sur les résultats et plaidé en faveur de la préparation d'instruments appropriés permettant d'agir rapidement en cas de crise. Le Crisis Response Window (un instrument permettant de financer les ripostes à une crise) a été activé pour la première fois en septembre 2011, en réaction à la terrible famine qui a frappé la Corne de l'Afrique.

En 2011, la problématique des Etats fragiles a été examinée avec attention. La Banque mondiale a consacré son «World Development Report», une de ses publications phare, à ces questions. La Suisse soutient l'engagement de la Banque mondiale dans les pays fragiles. Cette problématique correspond aussi à une priorité de la coopération au développement suisse. Dans ses interventions, la Suisse a souligné l'importance d'avoir du personnel compétent dans ces pays et a encouragé la Banque à accomplir les réformes nécessaires en matière de ressources humaines.

L'analyse politique de la Banque devra être renforcée et la définition des risques et des résultats adaptée au niveau de fragilité des pays. La Suisse a également insisté pour qu'une claire division des rôles et responsabilités des différentes organisations internationales actives dans le domaine soit effectuées. Elle devra se baser sur les mandats respectifs et les avantages comparatifs de chacune. Une coordination efficace entre les acteurs, en particulier entre la Banque, les Nations Unies et les autorités nationales est fondamentale pour obtenir des résultats probants. La Suisse a encouragé également le Groupe de la Banque mondiale de porter une attention particulière au secteur privé et à l'emploi dans les pays fragiles. La Suisse entretient
aussi des échanges avec la Banque mondiale en ce qui concerne le thème du prochain Rapport sur le développement dans le monde, dont l'édition 2012 traitera de la problématique du genre au coeur du développement. La réussite du développement passe par la prise en compte et le renforcement du rôle des femmes dans tous les programmes, qu'il s'agisse de la construction de réseaux d'eau ou d'électricité, de la création d'emplois ou de la participation politique. Cette tâche incombe à l'Etat, à l'économie privée et aux organismes de développement.

Groupe de vote: Les discussions sur les réformes des groupes de vote de la Suisse à la Banque mondiale et au Fond monétaire international (FMI) sont en cours. Tandis que le Kazakhstan a rejoint les groupes suisses des deux institutions en 2010, l'Ouzbékistan est sorti du groupe suisse au sein du FMI (cf. ch. 2.2.3). En 2011, l'Azerbaïdjan et le Kirghizistan sont sortis du groupe suisse auprès de la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD) pour rejoindre un nouveau groupe constitué par la Turquie tandis que l'Ukraine est devenue nouveau membre du groupe suisse.

Système onusien Dans le cadre de l'architecture générale de l'aide au développement, les agences opérationnelles des Nations Unies apportent une assistance technique spécialisée et gratuite aux gouvernements centraux et aux autorités locales des pays en voie de 2783

développement. L'ensemble des agences onusiennes avec un mandat et des activités de développement compose un système opérationnel complexe et relativement hétérogène qui rassemble une trentaine d'organisations. Le coeur de ce système est constitué de cinq agences: le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), le Fond des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF), le Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP), le Programme Alimentaire Mondial (PAM) ainsi que l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Ces agences reçoivent à elles seules la quasi-totalité de l'aide publique suisse au développement destinée au système des Nations Unies pour le développement. En tant que pays donateur, la Suisse a intérêt à ce que ces organisations fournissent des prestations de qualité. Elle s'engage donc afin que ces partenaires multilatéraux puissent s'appuyer sur des systèmes de gestion efficaces et qu'ils soient en mesure de présenter des résultats. En 2011, la Suisse a donc été particulièrement active au sein des conseils d'administration pour promouvoir au sein des agences des pratiques crédibles d'évaluation et une gestion axée sur les résultats, renforçant la cohésion du système et limitant sa fragmentation.

Au sein du système de l'ONU, la Suisse préconise un regroupement et un renforcement des activités concernant les questions sexospécifiques. En 2011, ONU Femmes a ainsi succédé à UNIFEM. La création de cette nouvelle institution témoigne de la réussite des efforts destinés à réformer le système onusien et à remédier à son morcellement.

Aide humanitaire La multiplication de crises et de catastrophes en 2011 a beaucoup sollicité les unités opérationnelles de l'aide humanitaire de la Confédération.

Missions humanitaires sur le terrain Corne de l'Afrique: Durant la période sous revue, l'aide humanitaire de la Suisse a affronté des conditions difficiles pour mener ses activités dans la Corne de l'Afrique, une région secouée par la guerre et décimée par la sécheresse. Elle a ainsi contribué à acheminer des denrées alimentaires et à fournir des soins d'urgence à plus de 13 millions d'êtres humains démunis. Grâce au respect du droit international humanitaire et à une collaboration étroite avec des organisations neutres, elle a réussi à remplir son mandat
humanitaire en dépit d'un climat fortement politisé et très précaire sur le plan opérationnel. Afin d'atténuer les tensions entre les réfugiés et les communes qui les accueillent dans le nord du Kenya, la Suisse a décidé de fournir également une aide aux habitants démunis des communes hôtes. Outre l'aide d'urgence, requise immédiatement, la Suisse met l'accent sur un investissement rapide dans l'agriculture et l'élevage des régions concernées. Elle applique en cela l'approche de l'ONU et de la communauté des pays donateurs, qui vise à promouvoir la reconstruction du secteur agricole afin de prévenir la récurrence de ce type de crise. Face à cette famine, la Suisse a compté parmi les dix principaux donateurs humanitaires présents dans la région et exerce dès lors une influence relativement grande sur l'élaboration de la politique humanitaire.

Afrique du Nord: Le 11 mars 2011, le Conseil fédéral a décidé de renforcer l'engagement de la Suisse en réponse aux événements en Afrique du Nord. L'aide humanitaire de la Suisse dispose désormais de bureaux de programme et d'antennes en Tunisie, en Egypte et en Libye. Son objectif consiste à encourager la transition démocratique dans les pays nord-africains, à promouvoir le développement écono2784

mique et à agir également dans les domaines de la migration et de la sécurité.

L'application d'une approche régionale permet de combiner des ressources bilatérales et multilatérales. Pour cette coopération, la Suisse recrute des partenaires au sein des gouvernements des pays concernés, de la société civile, des organisations internationales et du secteur privé. Les personnes de nationalités diverses qui ont fui les combats sanglants qui ont agité la Libye au début de 2011 afin de se réfugier dans les pays voisins (Tunisie et Egypte) ont bénéficié d'un soutien pour retourner volontairement dans leur pays. En collaboration avec d'autres partenaires, la Suisse a pu assurer les soins médicaux de base dans l'est de la Libye.

Japon: Après le violent séisme qui a secoué le Japon le 11 mars 2011 et le tsunami dévastateur qu'il a provoqué, la Suisse a mis à disposition 1 million de francs au cours de la première phase des opérations de secours, afin de financer des interventions et fournir de l'aide sur place. Le Japon a beaucoup apprécié cet engagement rapide et non bureaucratique de la Suisse, et le gouvernement japonais a réitéré plusieurs fois ses remerciements à notre pays.

Engagement humanitaire au niveau politique Groupe consultatif international de recherche et de sauvetage (INSARAG: La collaboration du Technisches Hilfwerk (Allemagne) et de la Chaîne suisse de sauvetage au Japon s'est basée sur les directives, définies avec la participation de la Suisse, du Groupe consultatif international de recherche et de sauvetage. Dans le cadre de ce groupe consultatif et avec l'appui du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), un vaste exercice international s'est par ailleurs déroulé en octobre en Suisse. Il a été consacré à la gestion des séismes et des catastrophes.

Good Humanitarian Donorship Initiative: L'engagement sans faille de l'aide humanitaire de la Confédération et son travail de terrain à la fois efficace, fiable et axé sur les besoins ont été récompensés, puisque la Suisse a été appelée à assumer en 2010/2011 la présidence du groupe Good humanitarian donorship (bonnes pratiques des donateurs de l'aide humanitaire). Ce groupe informel de 37 Etats s'engage à respecter 23 principes de bonnes pratiques dans l'aide humanitaire et à amener d'autres pays à
les adopter. En président le groupe, la Suisse a assumé une responsabilité internationale et fait valoir son rôle dans le domaine humanitaire. Cette année, le groupe est parvenu à mobiliser largement ses membres en faveur d'un meilleur système d'assurance de qualité et de responsabilité.

Protection contre les dangers naturels: Le rapport Protection contre les dangers naturels ­ Projets de prévention et de préparation aux catastrophes de la DDC, paru en 2011, présente les défis mondiaux dans ce domaine, de même que l'effort consenti par la Suisse pour contribuer à les surmonter. Les intempéries font de plus en plus de victimes, elles se multiplient et augmentent en intensité. En conséquence, l'aide humanitaire consacre aujourd'hui plus de 15 % de ses ressources à la prévention des catastrophes et à la protection contre les catastrophes dans les pays pauvres. Dans ce cadre, l'une des priorités reste le renforcement du savoir-faire local et la mise en place de structures locales. A l'avenir, l'aide humanitaire et la coopération au développement devraient lancer plus souvent des projets communs. En 2011, la Suisse a par ailleurs présidé le Groupe consultatif sur les urgences environnementales de l'OCHA.

2785

En collaboration avec le secrétariat de la Stratégie internationale de prévention des catastrophes, la Suisse a lancé en 2011 un débat informel sur la prévention des catastrophes au sein de l'Assemblée générale de l'ONU. Il en est ressorti que la prévention fait partie intégrante du développement durable et d'une lutte efficace contre la pauvreté. Les résultats de ce débat ont été affinés au cours de rencontres ultérieures et sont venus alimenter les préparatifs de la session plénière de l'Assemblée générale sur les Objectifs du Millénaire pour le développement et de la conférence Rio+20. La gestion des risques naturels constitue un volet important de la politique environnementale suisse et l'aide humanitaire pourrait s'inspirer des modèles et des principes de la gestion intégrée des risques mis au point en Suisse.

Coopération avec l'Europe de l'Est Soutien à la transition Malgré les difficultés engendrées par la crise financière et économique, les activités que la Suisse mène dans les Balkans occidentaux ont été couronnées de succès en 2011. Ce sont surtout les programmes en faveur de la décentralisation et du renforcement de la gouvernance locale qui ont obtenu des résultats remarquables en Serbie et en Bosnie et Herzégovine. Dans divers pays de la région, la Suisse oeuvre également pour garantir aux minorités l'accès aux soins de santé et à l'éducation scolaire.

En 2011, elle a en outre intensifié ses programmes visant à promouvoir une formation professionnelle axée sur le marché ainsi que le placement de personnes en quête d'emploi. D'autres activités se concentrent sur les objectifs suivants: mise en place d'infrastructures publiques durables, notamment dans les secteurs de l'eau, des eaux usées et de l'énergie; consolidation des finances publiques et des infrastructures financières; promotion du secteur privé et des investissements; accès aux marchés ouest-européens. S'appuyant sur les partenariats de migration conclus avec les Balkans, la Suisse y mène, avec l'appui de groupes de la diaspora, des projets de coopération consacrés à la gestion des migrations et à la prévention des migrations irrégulières, ainsi qu'à la thématique «Migrations et développement».

La Suisse a entrepris d'élaborer une nouvelle stratégie de coopération avec l'Asie centrale, qui mettra l'accent sur l'eau, la santé,
la réforme des institutions publiques, l'accès à la justice et la promotion du secteur privé. Dans le Caucase du Sud, la Confédération s'efforce de faciliter l'accès au marché pour les couches pauvres de la population. A cet effet, elle mise sur le développement rural, mais les mesures destinées à réduire les risques naturels occupent aussi une place de choix. En Ukraine et en Moldavie, la Suisse mène avant tout des activités dans les secteurs de l'énergie, de l'eau et de la santé. Les services fournis au niveau local par les institutions étatiques et les réformes entreprises dans l'administration centrale favorisent les effets recherchés.

Contribution à l'élargissement Sur le total de la contribution suisse à l'élargissement ­ 1 milliard de francs destinés aux dix Etats ayant adhéré à l'UE en 2004 ­ quelque 750 millions de francs ont pu être attribués à des projets et à des programmes jusqu'à fin 2011. Pour ce qui est de la contribution en faveur de la Roumanie et de la Bulgarie, qui ont adhéré à l'UE en 2007, environ 105 millions de francs ont été engagés jusqu'ici. Grâce à des mécanismes de vérification et à sa présence sur place, la Suisse a pu veiller à ce que les projets correspondent aux critères de qualité définis. Compte tenu des engagements pris jusque-là, 150 millions de francs ont été versés au total à des projets jusqu'à 2786

fin 2011. Le suivi et le contrôle de gestion des projets ont également débuté, ces activités comprenant aussi l'évaluation de l'efficacité des projets et l'établissement de rapports. Toutes les ressources destinées aux Etats membres de l'UE depuis 2004 devraient, comme prévu, être engagées d'ici la mi-2012. Dans le cas de la Roumanie et de la Bulgarie, la période d'engagement s'étendra jusqu'à fin 2014.

La contribution à l'élargissement vise à promouvoir la cohésion économique et sociale entre les pays bénéficiaires et au sein même de ces pays. Sur le plan thématique, elle se concentre sur la sécurité, le développement régional, l'environnement, les infrastructures, la promotion du secteur privé, la formation et la recherche, la santé et le soutien à la société civile. L'expérience a montré, d'une part, que la planification réalisée en collaboration avec les pays partenaires conduit certes à engager davantage de ressources que prévu, mais qu'elle accroît aussi la qualité des projets. D'autre part, les partenariats institutionnels conclus au niveau des projets ont renforcé les relations bilatérales avec les pays bénéficiaires.

Les paragraphes qui suivent présentent plus en détail les activités de la Suisse dans quelques pays et régions.

Asie centrale: Les intérêts géostratégiques des puissances voisines, couplés avec la volonté d'accéder aux hydrocarbures et à l'eau, continuent d'influencer le difficile équilibre de l'Asie centrale et son développement tant politique, économique, social que sécuritaire. L'Iran et l'Inde sont les nouveaux venus dans ces conflits d'intérêts opposant déjà la Russie, la Chine, les Etats Unis et dans une moindre mesure l'Europe. La déstabilisation de l'Afghanistan est un facteur de risque additionnel. La pauvreté continue de toucher fortement les populations, dont plus de 50 % n'a pas accès à l'eau potable.

Dans le domaine de la gestion de l'eau, les programmes suisses ont un effet sur près de trois millions de personnes au Kirghizistan et au Tadjikistan. Durant la dernière année, la gestion des systèmes de canaux s'est améliorée considérablement. Près de 4000 personnes, notamment des agriculteurs, ont reçu des formations dans ce domaine. Les principes de la gestion intégrée de l'eau ont été inscrits dans la nouvelle loi nationale sur l'eau au Tadjikistan. Au
Kirghizstan et au Tadjikistan, près de 160 associations d'utilisateurs d'eau ont été créées au niveau local et ont continué à recevoir un soutien de la coopération suisse. La Suisse a également permis d'assurer l'approvisionnement en eau potable de plus de 360 000 personnes, dont environ 30 000 en 2011. Deux nouveaux projets ont été lancés dans le sud du Kirghizistan, dans les villes d' Osh et de Jalalabad, en cofinancement avec la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), tandis que la collaboration avec cette dernière fonctionne toujours bien dans le cadre du projet qui soutient le service des eaux de la ville de Bishkek.

La coopération suisse a permis d'intégrer dans les stratégies de santé nationales au Kirghizistan et au Tadjikistan les modèles des soins de santé primaire et de médecins de famille. Elle a également permis de mobiliser les communautés, entraînant ainsi la création directe ou la reprise de ces modèles dans pratiquement tous les villages du Kirghizistan (1800). Les indicateurs de santé au Kirghizistan s'améliorent d'année en année avec par exemple une réduction de moitié des cas de brucellose, une réduction de la mortalité infantile de 30,6 (pour 1000 naissances) en 2005 à 22,8 en 2010. Les dépenses publiques pour la santé primaire ont également significativement augmenté. Près de 350 médecins de famille et 700 infirmières ont été formés au Tadjikistan durant les quatre dernières années, dont respectivement 58 et 135 en 2787

une année. La médecine de famille a été introduite dans 18 % des districts du pays.

Tout compte fait, chaque année, 1,2 million de personnes bénéficient directement de services de santé de meilleure qualité dans les régions où la Suisse est active. Au Tadjikistan, environ 5400 personnes bénéficient par ailleurs chaque année d'une assistance juridique et 2350 personnes victimes de violence domestique sont reçues dans les centres d'urgence financés par la Suisse.

Dans le secteur privé, le programme de la Suisse au cours des six dernières années a permis d'établir des collaborations durables entre 150 entreprises et 16 centres de formation professionnelle. La grande majorité des étudiants dans les branches soutenues par la Suisse ont trouvé un emploi. En 2011, un nouveau projet a été lancé pour étendre cette expérience aux professions techniques liées à la gestion de l'eau. Au Kirghizistan et au Tadjikistan, la Suisse s'engage en vue de l'adaptation des structures de régulation et de conseils aux entreprises privées, notamment dans les industries de l'alimentation et du textile. Par ailleurs, elle aide le Kirghizistan à améliorer son système de gestion des finances publiques, notamment dans sa planification budgétaire à moyen terme, ses systèmes d'audit internes et sa coordination interministérielle.

Caucase du Sud: Les programmes de développement rural au Caucase du Sud visent à contribuer au développement économique équitable, ce dont doivent aussi pouvoir bénéficier les populations pauvres de la région. Ces dernières doivent avoir un meilleur accès aux marchés locaux. Le but consiste à favoriser l'augmentation de la production et le renforcement des capacités des acteurs publics à créer des conditions cadres favorables. Le potentiel innovateur de ces projets réside dans le fait que non seulement l'augmentation de la production de produits agricoles est visée, mais également l'accroissement de la demande, afin d'assurer l'écoulement de la production supplémentaire. En Arménie, par exemple, le nombre de paysans faisant usage des services vétérinaires a fortement augmenté, ce qui a permis un accroissement de la production de lait de 15 % dans la région concernée. Le revenu moyen d'un paysan a ainsi augmenté de 10 %. En Azerbaïdjan, deux nouveaux projets portant sur des filières horticoles ont été
lancés en 2011. En Géorgie, les activités de la Suisse ont donné lieu à un grand intérêt du Danemark, qui va travailler avec la DDC pour lancer un important programme de développement rural. Au total, les projets suisses profitent à 400 000 personnes en Géorgie, à environ 45 000 en Arménie et à près de 50 000 en Azerbaïdjan.

Moldavie: En Moldavie, la coopération suisse travaille dans les domaines de l'accès à l'eau potable, de l'assainissement et des soins de santé. Dans le domaine de l'eau, la Suisse co-préside le groupe de coordination entre donateurs et gouvernement. Le gouvernement moldave a marqué de l'intérêt pour le modèle suisse dans le domaine de l'assainissement et dans le cadre de l'élaboration d'une nouvelle politique pour l'eau et se montre prêt à intégrer les modèles décentralisés de la gestion de l'eau développés par la Suisse. Dans le domaine de la santé, le Ministère de la santé a approuvé la régionalisation des services d'urgence et des soins intensifs pédiatriques, telle qu'elle a été développée dans le cadre d'un projet soutenu par la Suisse, ce qui a permis un accroissement de 15 % des admissions d'urgences pédiatriques dans l'hôpital de Balti, au nord du pays. Un autre département d'urgences pédiatriques a été rénové et ouvert à Chisinau, dans la capitale moldave, et deux autres centres sont en train d'être mis en place. De plus, 120 docteurs et infirmières de différents hôpitaux et unités pédiatriques ont été formés pour mieux traiter les cas d'urgence. En 2010, de larges campagnes de prévention avaient été lancées et dans 2788

ce cadre, 110 000 familles ont été visitées et conseillées. En périnatalogie, la Suisse a contribué à améliorer la qualité des soins aux nouveau-nés et à la démédicalisation dans ce domaine grâce à des cours de formation et à la fourniture d'équipements.

Dans le domaine de la santé psychique, un centre assumant des tâches de coordination et de méthodologie a été ouvert et une stratégie nationale a été développée.

Ukraine: En Ukraine, les résultats dans le secteur de la santé sont prometteurs. La mortalité infantile et maternelle s'est réduite; les régions bénéficiant de programmes suisses ont réalisé de grands progrès. Des réformes importantes ont été lancées pour moderniser le secteur de la santé encore fortement marqué par le système soviétique.

A cet égard, des suggestions en provenance de projets financés par la Suisse ont été reprises dans les programmes nationaux du gouvernement ukrainien. En matière de gouvernance locale, la Suisse s'engage dans la construction d'infrastructures, en particulier dans le domaine de l'eau, en coopération étroite avec des municipalités locales et des autorités régionales ukrainiennes. Grace au soutien suisse, les autorités locales font preuve, dans bien des régions, d'un dynamisme réjouissant et se positionnent comme acteurs du changement dans un contexte pourtant peu favorable à la décentralisation.

2.3.5

Politique de maîtrise des armements, de désarmement et de non-prolifération

La politique de la Suisse en matière de maîtrise des armements, de désarmement et de non-prolifération a pour principe directeur le maintien de la stabilité internationale avec un niveau d'armement le plus bas possible. La Suisse préconise le désarmement complet des armes de destruction massive et vise à empêcher leur transfert à des Etats ou à des acteurs non étatiques. Elle s'emploie à prévenir le trafic illicite d'armes classiques ainsi qu'à interdire les armes produisant des effets traumatiques excessifs ou frappant sans discrimination. Elle adhère par principe à tous les instruments juridiquement contraignants qui lui sont accessibles et se mobilise pour que le développement du droit international humanitaire accompagne les progrès techniques des armements.

Contexte international: les timides signes d'une évolution positive de la donne politique dans le domaine du désarmement ne se sont pas confirmés pendant l'année sous revue. L'essoufflement de l'élan initial de l'administration Obama dans ce domaine, mais aussi la montée en puissance d'autres Etats entravent les efforts menés par la communauté internationale dans le domaine du désarmement. Le blocage des mécanismes internationaux de désarmement en général et de la Conférence de Genève sur le désarmement en particulier est préoccupant. Cette dernière, en effet, n'a pas été en mesure de se mettre d'accord sur un programme de travail et d'engager des négociations sur des sujets de substance depuis quinze ans. La perte d'influence qui en découle porte également préjudice à Genève en tant que ville du désarmement. Si ce blocage reflète la situation politique actuelle et l'absence de volonté politique des principaux acteurs, il est également dû à des lacunes institutionnelles. La Suisse poursuivra donc ses efforts visant à revitaliser et moderniser les mécanismes de désarmement.

2789

Désarmement et prévention de la prolifération des armes de destruction massive Armes nucléaires: Le traité de non-prolifération (TNP)56 est un rouage essentiel dans le maintien de la stabilité et de la sécurité du système international. Alors qu'il avait été en partie affaibli au cours de la dernière décennie ­ suite au non-respect des Etats dotés de l'arme nucléaire de leur engagement dans la voie du désarmement nucléaire ainsi que suite à divers cas de prolifération nucléaire avérés ou suspectés ­ le TNP a recueilli un certain succès avec l'adoption par consensus d'un document final par la Conférence d'examen de 2010. En 2011, la ratification par les Etats-Unis et la Russie du traité de désarmement nucléaire dit New START a été un développement bienvenu. Les progrès dans ce domaine restent cependant timides et les défis très importants au vu des milliers d'armes nucléaires qui continuent à être déployées à travers le monde et des menaces en termes de prolifération.

En Suisse, la task force interdépartementale, mise en place en 2008 afin de soutenir diverses actions dans le domaine du désarmement et de la non-prolifération nucléaires, a intensifié ses activités. Elle promeut des initiatives visant à remettre en question la légitimité des armes nucléaires en soulignant les impacts humanitaires que tout recours à ces armes engendrerait ainsi que les violations du droit international humanitaire qui en découleraient. Elle soutient également des initiatives dans des domaines éminemment pratiques et visant à des avancées dans le court terme, comme dans les domaines de la réduction du niveau d'alerte des armes nucléaires ou de l'application du principe d'irréversibilité dans le désarmement nucléaire.

La Suisse est également convaincue de la nécessité d'entamer dès que possible des négociations en vue de l'interdiction de la production de matières fissiles pour la fabrication d'armes nucléaires (FMCT) par la Conférence du désarmement (CD) à Genève. Vu les blocages que connaît la CD, la Suisse a soutenu des rencontres en marge de cet organe portant sur plusieurs aspects techniques d'un tel instrument.

Elle entend continuer de s'engager et de faire en sorte que toute négociation sur une telle thématique soit ancrée à Genève.

Eu égard aux questions de non-prolifération nucléaire, la Suisse contribue
depuis 2006 aux tentatives de règlement de la question nucléaire iranienne. Elle a accueilli entre 2008 et 2010 trois réunions à Genève consacrées à ce sujet. Si ce dossier n'avance pas au rythme souhaité, l'activité de la Suisse a indiscutablement contribué à amener les parties à dialoguer. Dans le cadre de la non-prolifération toujours, la task force a également financé pour la période écoulée une étude sur l'optimisation du système des garanties («safeguards») de l'Agence Internationale de l'Energie Nucléaire (AIEA).

Dans le domaine de la sécurité nucléaire et de la lutte contre le terrorisme nucléaire, la Suisse continue de s'engager dans le processus initié par le président Obama au sommet de Washington d'avril 2010 et qui connaîtra une suite en mars 2012 en Corée. Elle défend notamment la nécessité d'étendre un haut niveau de sécurité non seulement aux matières nucléaires civiles mais également aux matières militaires.

Elle s'engage d'ailleurs aussi dans la lutte contre les causes du terrorisme. Ces efforts se sont concrétisés par une participation au «Global Counter-Terrorisme Forum» (GCTF) initiée en 2011 par les Etats-Unis.

56

Traité du 1er juillet 1968 sur la non-prolifération des armes nucléaires, RS 0.515.03

2790

Armes chimiques: la Suisse est partie à la Convention sur l'interdiction des armes chimiques (CIAC)57, qui compte 188 Etats parties. En vertu de la CIAC, tous les Etats parties doivent avoir achevé la destruction de leurs stocks d'armes chimiques fin avril 2012. Nous savons aujourd'hui que ni les Etats-Unis, ni la Russie, ni la Libye, malgré d'intenses efforts, ne pourront respecter le délai. Conformément à la décision de la Conférence des Etats parties à la CIAC qui s'est tenue fin novembre 2011, les Etats concernés seront soumis à l'avenir à des obligations supplémentaires en matière de déclaration et d'inspection.

La Suisse s'engage en outre pour que la CIAC intègre régulièrement les nouvelles découvertes de la recherche chimique et conserve ainsi sa pertinence. Elle contribue au renforcement de la CIAC, notamment à travers ses activités de recherche dans le domaine des «agents chimiques incapacitants». En septembre 2011, le Laboratoire de Spiez a organisé avec le soutien du DFAE un atelier international sur le sujet.

Armes biologiques: la Convention sur l'interdiction des armes biologiques (CIAB)58 est plus faible sur le plan institutionnel que la CIAC, car elle ne dispose ni d'une organisation de mise en oeuvre des dispositions de la convention ni d'un mécanisme de vérification. Les représentants des 165 Etats parties se sont rencontrés à Genève en décembre 2011 à l'occasion d'une conférence organisée tous les cinq ans, afin d'examiner les mesures possibles de renforcement de la CIAB. Avec un groupe d'Etats partageant les mêmes vues, la Suisse s'emploie à renforcer le régime applicable, au travers de nouvelles approches destinées à promouvoir la transparence entre les Etats parties ainsi qu'à réduire encore le risque de prolifération. Concrètement, elle s'engage en faveur du renforcement des mesures de confiance permettant des échanges d'informations pertinentes entre Etats parties. Par ailleurs, elle joue un rôle pionnier dans le domaine de la sensibilisation des chercheurs aux problèmes du double usage (dual use) de la recherche en biotechnologie.

Désarmement et prévention de la prolifération des armes conventionnelles Convention de 1980 sur certaines armes classiques et Convention sur les armes à sous-munitions: La Convention sur certaines armes classiques (CCAC)59 constitue le cadre
onusien traditionnel basé à Genève, au sein duquel ont été négociés la majorité des traités de droit international humanitaire relatifs à la limitation de l'emploi ou à l'interdiction d'armement classique. La mise en oeuvre de cette convention constitue un élément important pour Genève, l'entrée en vigueur du Protocole V relatif aux restes explosifs de guerre60 en 2006 a contribué considérablement à son succès.

Jusqu'en novembre 2011 les négociations traitant la problématique des armes à sous-munitions ont dominé les travaux réalisés dans le cadre de la CCAC. En fin de compte, les négociations ont échoué. La Suisse a toujours soutenu l'idée d'un Proto57 58

59

60

Convention du 13 janvier 1993 sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction, RS 0.515.08 Convention du 10 avril 1972 sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines et sur leur destruction, RS 0.515.07 Convention du 10 octobre 1980 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination, RS 0.515.091 Protocole du 28 novembre 2003 relatif aux restes explosifs de guerre à la Convention du 10 octobre 1980 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination, RS 0.515.091.4

2791

cole à la CCAC qui aurait des effets concrets et immédiats, qui serait complémentaire à la Convention sur les armes à sous munitions (CCM) et qui inclurait les plus grands Etats producteurs et utilisateurs d'armes à sous-munitions. Elle déplore donc l'échec du processus qui aurait pu marquer un progrès substantiel dans la politique de maîtrise des armements et de désarmement de la Suisse. Cependant, comme de nombreux Etats associés aux négociations, elle salue le fait que les Etats ne se soient pas mis d'accord sur une solution de compromis faible, qui aurait mis en péril la cohérence du droit international humanitaire applicable à l'utilisation des armes à sous-munitions, ainsi que la crédibilité de la CCAC comme un des instruments centraux du droit international humanitaire et du désarmement en matière d'armes conventionnelles.

Ce processus au sein de la CCAC a pourtant été dépassé par le processus d'Oslo, processus multilatéral situé en dehors du cadre institutionnel habituel. Aux côtés de la Convention sur l'interdiction des mines anti-personnel61, la CCM constitue un des succès les plus marquants de ces dernières années en matière de développement du droit international humanitaire et d'armement conventionnel. La Suisse a été un des premiers pays à signer la Convention le 3 décembre 2008. Jusqu'à présent, 111 Etats l'ont signée et 66, dont la plupart des pays limitrophes de la Suisse, l'ont ratifiée (à l'exception du Liechtenstein, qui l'a signée, mais pas encore ratifiée). En juin 2011, le Conseil fédéral a décidé de ratifier la Convention, ce qui doit encore être confirmé par le Parlement62. La ratification s'accompagnera d'une révision de la loi fédérale du 13 décembre 1996 sur le matériel de guerre63, qui sera complétée par une interdiction des armes à sous-munitions. Par ailleurs, il est prévu d'y inscrire l'interdiction expresse de financer les armes prohibées.

Afin que la CCM puisse déployer ses effets au plus vite et protéger la population civile face aux dommages humanitaires causés par ces armes ainsi qu'endiguer leur prolifération, la Suisse participe aux efforts internationaux en la matière. Elle veille aussi à ce que les synergies avec la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel soient exploitées de manière optimale. Le Centre international de déminage humanitaire
de Genève (GICHD) y est un partenaire important et contribue à la valeur humanitaire de la Genève internationale.

Malgré l'adoption de la CCM et malgré l'échec sur les armes à sous-munitions au sein de la CCAC, la Suisse continue de s'engager au sein de la CCAC et ses protocoles en général, car elle inclut l'ensemble des grandes puissances militaires, principales productrices et utilisatrices d'armes conventionnelles.

Contrôles des exportations Armes de destruction massive: dans le cadre de ses efforts visant à prévenir la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, la Suisse participe à l'ensemble des régimes de contrôle existants et plaide pour une harmonisation des contrôles des exportations. Les régimes en question sont le Groupe des pays fournisseurs nucléaires (NSG), le Groupe Australie (traitant des équipements et des produits chimiques et biologiques) ainsi que le Régime de contrôle de la technologie 61 62

63

Convention du 18 septembre 1997 sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, RS 0.515.092 Voir le message du 6 juin 2011 relatif à l'approbation de la Convention sur les armes à sous-munitions ainsi qu'à la modification de la loi sur le matériel de guerre, FF 2011 5495 RS 514.51

2792

des missiles (MTCR). Pendant l'année sous revue, les pays participant à ces trois régimes ont mené d'intenses discussions sur une éventuelle adhésion de nouveaux pays, en particulier l'Inde. Pour l'heure, aucun des trois régimes, qui regroupent chacun une quarantaine d'Etats, n'est parvenu à un accord. La Suisse ne s'oppose pas à l'adhésion de nouveaux membres, pourvu qu'ils remplissent les critères.

Au sein du NSG, un accord s'est dégagé, après six ans de négociations, sur le durcissement des conditions auxquelles est soumis le transfert de la technologie nucléaire de l'enrichissement et du retraitement. Dans le cadre de ce processus, la Suisse est parvenue à sauvegarder les intérêts de son industrie. Entamées à l'automne 2010 au sein du NSG, les négociations portant sur la révision totale des deux listes de biens nucléaires se sont poursuivies en 2011. A cet égard, dans le domaine en particulier des biens à double usage (dual use), les intérêts en jeu pour l'industrie suisse sont importants. Par ailleurs, les pays membres du Groupe Australie mènent d'intenses négociations sur une révision des listes des produits contrôlés.

Compte tenu de l'importance que représentent ces discussions pour le secteur économique, la Suisse participe activement à ces différents processus de négociation.

Armes conventionnelles: l'Arrangement de Wassenaar, qui regroupe actuellement 40 Etats, contrôle l'exportation d'armements conventionnels et de biens à double usage pouvant servir à leur fabrication. Dans le cadre de l'évaluation quadriennale du fonctionnement de l'Arrangement de Wassenaar, la Suisse a dirigé en 2011 un groupe de travail chargé de réviser les guides des meilleures pratiques en vue de leur transposition dans la propre pratique des pays en matière de contrôle des exportations.

La Suisse soutient activement l'initiative, lancée en 2006, visant à l'élaboration d'un traité international sur le commerce des armes dans le cadre de l'ONU. Un tel instrument pourrait en effet aider à prévenir le transfert d'armes dans les cas où elles pourraient être utilisées pour commettre des violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme, saper la démocratie et l'Etat de droit ou perpétrer des crimes de guerre ou lorsqu'elles pourraient compromettre d'une autre manière la paix et la stabilité
internationales. A l'été 2012 sera organisée, après deux ans de préparation, une conférence en vue de négocier l'adoption d'un instrument juridiquement contraignant relatif au transfert d'armes classiques. Dotée d'un dispositif particulièrement sophistiqué dans le domaine des contrôles des exportations d'armements, la Suisse va chercher à promouvoir l'élaboration d'un traité robuste, que ce soit par rapport à sa portée, aux paramètres applicables ou aux mesures de mise en oeuvre des obligations nationales qui en découlent.

2.3.6

Politique extérieure en matière de développement durable

Les progrès accomplis depuis la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement qui s'est tenue à Rio de Janeiro en 199264, en vue de mettre en place des solutions durables permettant de relever nombre de défis qui se posent à l'échelle planétaire et de limiter les risques qui leur sont liés, tels que le réchauffement climatique, la raréfaction de l'eau, le recul de la biodiversité, la déforestation, 64

Protocole de Kyoto du 11 décembre 1997 à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, RS 0.814.011

2793

etc., restent encore insuffisants. Or ces risques influent de manière considérable sur les perspectives de développement des pays pauvres. L'étroite corrélation existant entre la pauvreté, la durabilité et les questions de la justice distributive est de plus en plus souvent à l'ordre du jour. Une collaboration plus intense à l'échelle internationale s'impose donc pour que les fondements d'un essor social et économique global et durable puissent être posés dans le respect du climat et de l'environnement. La Conférence des Nations Unies sur le développement durable de juin 2012 («Rio+20») constituera une plateforme de choix pour débattre de la politique internationale en la matière et pourra contribuer à ouvrir la voie à la création d'une structure où la coopération entre pays serait renforcée.

Défis: la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement de 1992 avait marqué une étape décisive. Ses participants avaient en effet adopté l'«Agenda 21», un plan d'action complet pour le «siècle de l'écologie», qui devait s'articuler autour des principes directeurs du développement durable. Par durabilité, on entend un développement à long terme qui soit performant économiquement, juste socialement et compatible avec l'environnement. Allant plus loin que la Conférence de Rio, le Sommet mondial pour le développement durable de 2002 s'était attaché à relier encore plus étroitement ces trois dimensions. Bien qu'une telle démarche puisse conduire à des conflits d'intérêts, par exemple entre l'efficacité économique et la justice sociale, elle offre aussi des possibilités, comme la création d'«emplois verts» ou l'augmentation de la performance économique d'un pays grâce à l'amélioration de son niveau de formation.

A la base, le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Or une attention encore insuffisante est accordée au respect de ces principes, que ce soit dans le domaine écologique, où la biocapacité de la Terre est atteinte, voire dépassée, ou dans le secteur économique, où le fossé entre le Sud et le Nord entre autres reste aussi profond que par le passé. Il devient donc urgent que les pays en développement puissent accéder de manière équitable aux
ressources naturelles toujours plus rares et aux technologies qui permettent de les exploiter avec ménagement.

Conférence de l'ONU sur le développement durable de 2012 («Rio+20»): la Conférence des Nations Unies sur le développement durable, qui se tiendra à Rio en juin 2012, constituera une occasion propice pour poser les fondements d'une politique internationale qui permettrait aux différents pays de coopérer plus étroitement, afin que la planète puisse se développer dans le respect du climat. Deux sujets seront traités: premièrement, l'économie verte dans le contexte de la lutte contre la pauvreté et du développement durable; deuxièmement, le renforcement d'une architecture institutionnelle globale à même d'accompagner la transition vers le développement durable (Institutional Framework for Sustainable Development). La Suisse a soumis des propositions sur la manière de traduire dans les faits la notion d'«économie verte». Elle a notamment suggéré que soit adoptée une feuille de route internationale (Green Economy Roadmap), qui contiendrait les objectifs spécifiques à atteindre en termes de contenu et de calendrier. Des objectifs quantifiables concernant la compatibilité avec l'environnement et le climat devraient à cet égard être définis. Les objectifs intermédiaires et finaux sous-tendant le passage à une économie verte doivent également englober d'importants aspects de politique de développement associés aux Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD): agriculture durable et sécurité alimentaire, gestion durable de l'eau et approvisionnement en 2794

énergie, gestion durable d'écosystèmes (en particulier les montagnes, les forêts et les zones désertiques), de même que des mesures de formation relatives à l'économie verte. Ainsi, la Suisse a effectué un travail préparatoire dans le but d'assurer le succès de la conférence.

Le thème de l'économie verte n'a cessé de gagner en importance dans les pays de l'OCDE dans leur ensemble et en Suisse en particulier. L'objectif en la matière est d'optimiser l'exploitation économique efficace des ressources, tout en diminuant les coûts externes pour l'environnement et la société. Des outils propres à l'économie de marché doivent permettre de faire progresser l'idée de la modernisation écologique dans les pays industrialisés et, de plus en plus souvent aussi, dans les pays émergents.

A ce jour toutefois, l'économie verte demeure un concept qui suscite un certain scepticisme dans les pays en développement, car ceux-ci craignent qu'elle supplante la notion équilibrée de développement durable (économie, écologie et société) et justifie la prise de mesures protectionnistes par les pays industrialisés. Il importe donc que les participants de la Conférence «Rio+20» abordent cette thématique du point de vue de la politique de développement et montrent comment elle peut contribuer à la lutte contre la pauvreté et à un essor durable.

La Suisse a également fait quelques propositions, largement plébiscitées, sur le deuxième sujet à l'ordre du jour de la conférence, à savoir l'architecture institutionnelle destinée à favoriser le développement durable. Ainsi, de nombreux Etats et personnalités haut placées des Nations Unies ont accueilli favorablement ses suggestions relatives à la création d'un Conseil du développement durable, lequel remplacerait la Commission du développement durable (CDD). Autres idées émises: l'introduction d'un mécanisme d'examen par les pairs et l'organisation au plus haut niveau de réunions périodiques sur la durabilité.

Personne ne conteste la nécessité de résoudre dans les plus brefs délais le problème de la dispersion des trois aspects du développement durable dans les instances internationales. La prise en considération encore insuffisante de l'environnement fait également l'objet d'un large consensus. C'est pourquoi la Suisse a soumis des propositions sur la manière de renforcer la
gouvernance environnementale internationale. Quelques pays comme la Colombie suggèrent d'ailleurs qu'un processus dédié à la formulation d'objectifs de développement durables soit initié à l'occasion de la Conférence «Rio+20». Un alignement sur l'agenda des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), dont la réalisation est fixée à 2015 au plus tard, est à cet égard indispensable. La Suisse est favorable à cette démarche.

Commission de l'ONU sur la durabilité mondiale: les recommandations et les impulsions sur le développement durable qui découleront de la Conférence «Rio+20» seront formulées dans le contexte classique de négociations intergouvernementales. La Commission de l'ONU sur la durabilité mondiale, que le Secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-moon, a instituée à l'automne 2010, dispose quant à elle d'une marge de manoeuvre plus étendue. Composée d'une vingtaine de personnalités issues des milieux politiques et économiques ainsi que de la société civile, elle a pour mandat d'émettre des idées novatrices à même de contribuer à un développement plus durable à l'échelle planétaire, tout en proposant des outils concrets qui faciliteront la transition vers un modèle économique ad hoc. La Commission remettra son rapport au Secrétaire général en janvier 2012. Ses conclusions devront servir à préparer la Conférence des Nations Unies sur le développement 2795

durable de 2012, à Rio, ainsi que d'autres négociations multilatérales. En outre, elles devront aider le Secrétaire général à élaborer une stratégie relative au rôle de l'ONU dans le domaine de la durabilité. La Suisse a contribué aux travaux de la commission en faisant diverses propositions, concernant notamment la lutte contre la pauvreté et la justice sociale, la gouvernance, l'économie verte et l'élimination des subventions versées en faveur des énergies fossiles.

2.3.7

Politique extérieure en matière d'environnement, de transports, d'énergie et de santé

Environnement Climat: la Conférence de l'ONU sur le climat organisée à Durban fin 2011 s'est inscrite dans le prolongement des accords de Cancún et a permis la mise en oeuvre, dans de nombreux domaines, des objectifs définis à Mexico en 2010. Le principal résultat des négociations menées à Durban concerne, outre la décision de lancer le Fonds vert pour le climat (voir point 2.3.4), deux aspects étroitement liés: ­

Au terme de la première période d'engagement du Protocole de Kyoto, fin 2012, la Suisse, l'UE et la Norvège en particulier entendent oeuvrer pour de nouvelles réductions des émissions de gaz à effet de serre dans le cadre d'une deuxième période d'engagement au titre du Protocole de Kyoto.

L'Australie et la Nouvelle-Zélande ne se sont pas encore prononcées à ce sujet. Après que le Japon, la Russie et le Canada ont décidé de ne pas s'engager une nouvelle fois et alors que les Etats-Unis continuent de refuser d'adhérer à Kyoto, ce cadre ne s'appliquera plus qu'à un sixième des émissions mondiales. Mais cela permet de préserver l'une des forces du Protocole: l'existence d'un système de réduction des émissions de gaz à effet de serre reposant sur des règles claires et ce, jusqu'à son remplacement par un dispositif détaillé qui associera tous les gros pollueurs et sera contraignant pour tous les pays.

­

La décision d'élaborer un régime détaillé sur le climat à partir de 2020 marquera sans doute encore plus l'histoire des négociations sur le changement climatique: elle était une condition sine qua non à l'adoption d'une nouvelle période d'engagement dans le cadre du Protocole de Kyoto et tient compte du fait qu'il est indispensable que les pays unissent leurs forces pour relever les défis que pose le changement climatique et luttent contre le réchauffement de la planète. Cela signifie en particulier que tous les gros pollueurs, qu'il s'agisse de pays traditionnellement industrialisés ou de pays traditionnellement en développement (nombre d'entre eux étant aujourd'hui des pays émergents), seront associés à un nouveau régime sur le climat et devront prendre des mesures pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Ce régime doit encore être négocié de toute urgence pour être adopté lors de la Conférence sur le climat de 2015 et entrer en vigueur en 2020.

Le fait que l'Europe, en particulier la Suisse, l'UE et la Norvège, ainsi que l'alliance des petits Etats insulaires (Alliance of Small Island States ­ AOSIS ) et le groupe des pays les moins avancés (PMA) sont parvenus à surmonter le clivage Nord-Sud qui dominait jusque-là les négociations climatiques et ont cherché ensemble à définir des objectifs ambitieux a été décisif pour l'issue des négociations.

2796

Produits chimiques et déchets: dans le domaine des produits chimiques et des déchets, les conférences des Etats parties aux Conventions de Bâle65, de Rotterdam66 et de Stockholm67 ont eu lieu en 2011. La Suisse est fortement engagée dans chacune de ces trois conventions, d'une part en tant que pays hôte (siège des secrétariats à Genève), d'autre part du fait de la place centrale que sa politique extérieure en matière d'environnement accorde à la réglementation mondiale relative aux produits chimiques et déchets dangereux. Se fondant sur des études scientifiques, les participants aux conférences ont décidé de limiter la fabrication et le commerce d'autres substances chimiques. Cette mesure est à saluer tant pour des raisons environnementales que sanitaires. Ces conférences ont également été importantes du point de vue institutionnel puisque, pour la première fois, elles bénéficiaient du concours d'un secrétaire exécutif commun. C'est là l'aboutissement des synergies recherchées notamment par la Suisse en vue de renforcer la cohérence de la gouvernance environnementale mondiale. A l'initiative de la Suisse, le régime concernant les produits chimiques et les déchets doit être complété par une convention sur l'utilisation du mercure, hautement toxique. Une commission intergouvernementale de négociation y travaille. Elle s'est réunie à deux reprises en 2011 et prévoit de présenter une proposition de convention détaillée dès 2013.

Biodiversité: la dixième réunion de la Conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique, organisée en octobre 2010 à Nagoya (Japon), a adopté un plan stratégique 2011­2020 en faveur de la biodiversité, qui est déterminant pour toutes les conventions ayant trait à la biodiversité. La mise en oeuvre de ce plan dans les pays en développement, en particulier la question de son financement, est une question sensible. Le Protocole de Nagoya régit l'accès aux ressources génétiques et leur utilisation ainsi que le partage équilibré des bénéfices en résultant. La Suisse prépare actuellement sa ratification. La plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services rendus par les écosystèmes doit être créée dès 2012. A l'instar du GIEC (climat), elle aura pour objectif de regrouper et d'analyser les connaissances actuelles afin de livrer les meilleures
bases scientifiques possibles pour les décisions relatives à la protection et à la sauvegarde de la diversité biologique et des écosystèmes.

Autres sujets environnementaux: la septième Conférence ministérielle «Un environnement pour l'Europe» a été organisée en septembre 2011 à Astana (Kazakhstan).

Des représentants de 56 pays de la région paneuropéenne et, notamment, d'Amérique du Nord, se sont penchés sur les thèmes de l'utilisation durable des ressources en eau et de l'économie verte. La Suisse avait effectué d'importants travaux préparatoires en ce qui concerne le premier thème et a présenté ses expériences en la matière. Le débat sur l'économie verte s'est inscrit dans les efforts déployés à l'échelle internationale pour transformer le système économique mondial, un sujet qui sera également débattu lors de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable Rio+20 (voir ch. 2.3.6).

65 66

67

Convention de Bâle du 22 mars 1989 sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination, RS 0.814.05 Convention de Rotterdam du 10 septembre 1998 sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l'objet du commerce international, RS 0.916.21 Convention de Stockholm du 22 mai 2001 sur les polluants organiques persistants (Convention-POP), RS 0.814.03

2797

La Suisse a également profité de la Conférence d'Astana pour organiser une rencontre du groupe qu'elle représente au Conseil du Fonds pour l'environnement mondial (FEM) afin de discuter des thèmes abordés. Au sein du Conseil du FEM, qui compte 32 membres (16 pays industrialisés et 16 pays en développement ou en transition), la Suisse représente un groupe de vote dont font aussi partie l'Azerbaïdjan, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, le Turkménistan et l'Ouzbékistan. Depuis 2007, la Suisse organise régulièrement ce type de rencontres et soutient les autres Etats dans la mise en oeuvre des projets du FEM, tels que l'initiative d'envergure visant la gestion du territoire dans les pays d'Asie centrale («Central Asian Countries Initiative for Land Management» CACILM). Le projet CALCIM a déjà entamé sa deuxième phase (2009­2013), principalement consacrée à la lutte contre la désertification, à la protection de la biodiversité et des ressources en eau ainsi qu'à l'adaptation aux changements climatiques.

Transports Consciente de sa position stratégique au coeur de l'Europe, la Suisse a développé une politique des transports à même de protéger les régions alpines, en transférant les marchandises de la route au rail, et en mettant à la disposition du trafic international des infrastructures modernes le long du corridor ferroviaire Rotterdam­Gênes. Cette politique a été formalisée avec l'Union européenne par le biais de l'Accord SuisseUE68 sur les transports terrestres entré en vigueur en 2002. Le projet de nouvelles lignes ferroviaires à travers les Alpes (NLFA), qui prévoit la construction de trois tunnels de base (Loetschberg 2007, Gothard 2016 et Ceneri 2019), en constitue l'épine dorsale, et la redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP) sa modalité de financement. Fin 2011, des adaptations ont été apportées à la RPLP, comportant une réduction de 10 % pour les véhicules des catégories d'émission Euro II et Euro III munis d'un filtre à particules. Cette mesure incitative est conforme aux objectifs environnementaux de la politique suisse des transports et soulage les transporteurs routiers.

Pour coordonner la planification des infrastructures au nord et au sud de la NLFA, la Suisse coopère étroitement avec l'Italie et l'Allemagne sur la base de conventions
bilatérales. Ces deux pays rencontrent toutefois des difficultés financières et de planification qui ralentissent la réalisation des travaux. En Allemagne, la construction du tronçon du Rheintalbahn, entre Karlsruhe et Bâle, qui constitue le raccordement le plus important au nord des NLFA, prend du retard à cause d'importants problèmes de financement et d'oppositions de citoyens. Des solutions de rechange sont à l'étude pour limiter les goulets d'étranglement lors de la mise en service de la NLFA en 2016­2019. En Italie, la réalisation de projets importants prévus depuis longtemps pour l'horizon 2020 n'est pas garantie. Le transfert de la route au rail du trafic marchandises intéresse peu les interlocuteurs italiens, qui mettent plutôt l'accent sur les lignes à grande vitesse pour le trafic voyageurs. Pour le moment, seules des adaptations techniques légères des lignes historiques sont financées, qui devraient garantir la fluidité du trafic lors de la mise en service des NLFA.

L'intégration définitive, en octobre 2011, des axes du St-Gothard et du LötschbergSimplon dans le réseau transeuropéen de transport TEN-T constitue toutefois une bonne nouvelle pour la Suisse.

68

Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur le transport de marchandises et de voyageurs par rail et par route, RS 0.740.72

2798

Afin de garantir le raccordement de la Suisse au réseau à grande vitesse européen, la Suisse contribue financièrement aux travaux sur sol français. La liaison Bâle­Paris par la ligne du TGV-Rhin-Rhône sera par exemple mise en service fin 2011. En ce qui concerne le trafic régional transfrontalier, la France a annoncé le 15 novembre 2011 avoir réuni les fonds nécessaires pour réaliser le CEVA (liaison ferroviaire Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse) sur son territoire, alors que la Suisse commençait le même jour les travaux sur son sol.

Energie Le contexte international en matière de politique énergétique, particulièrement important pour la Suisse, a été marqué en 2011 par des décisions relatives à l'énergie nucléaire en Allemagne (sortie du nucléaire) et en Italie (décision de ne pas produire d'électricité à partir d'énergie nucléaire). Même si, jusqu'à présent, aucun autre Etat n'a décidé de renoncer à l'énergie nucléaire, tous les pays frontaliers de la Suisse (à l'exception notable de la France) se passeront donc, à moyen terme, de l'énergie nucléaire. Le 25 mai 2011, le Conseil fédéral a décidé une sortie progressive du nucléaire. Le Parlement soutient sa décision. Dans le cadre de sa stratégie énergétique 2050, la Suisse devra impérativement approfondir la coopération énergétique et technologique transfrontalière en vue de garantir la sécurité de son approvisionnement en électricité ainsi qu'en gaz si des centrales à gaz devaient y être construites.

Relations bilatérales avec les pays voisins et avec certains pays tiers: dans ce contexte et du fait des fortes interdépendances (dues notamment aux réseaux et flux énergétiques transfrontaliers), la coopération avec les pays voisins revêt une importance toute particulière. C'est la raison pour laquelle la Suisse entretient des contacts réguliers avec tous les pays voisins, tant au niveau du Conseil fédéral qu'à celui des directeurs d'offices. La palette des domaines de collaboration est vaste et va de la sécurité de l'approvisionnement aux questions d'efficacité énergétique et de coopération scientifique en passant par la promotion des énergies renouvelables. Les relations avec les membres de l'UE sont conçues de sorte à soutenir les efforts de la Suisse pour défendre ses intérêts énergétiques vis-à-vis de l'UE. De plus, la Suisse met sur pied, avec
des pays tiers non-membres de l'UE (Azerbaïdjan, Turquie, Emirats arabes unis et Russie), des partenariats énergétiques, qui visent la promotion de sources d'énergie renouvelables et l'efficacité énergétique dans les pays exportateurs d'énergies fossiles. Ces partenariats sont également liés à l'ouverture, importante pour la Suisse, du corridor sud de transport de gaz naturel, c'est-à-dire d'un gazoduc reliant la région de la mer Caspienne, l'Asie centrale et le Moyen-Orient avec l'Europe. On assiste actuellement à une véritable course à son ouverture. L'un de ces projets est le gazoduc Trans Adriatic Pipeline (TAP), dans lequel l'entreprise suisse EGL détient une participation substantielle et que la Suisse soutient officiellement.

Négociations avec l'Union européenne: avec le marché intérieur de l'énergie et les récents efforts de la Commission européenne en faveur d'une politique extérieure coordonnée en matière d'énergie, l'UE ne cesse de gagner en importance en tant qu'acteur de la politique énergétique. Dans ce domaine, la Suisse veille à préserver sa position sur le marché européen de l'énergie, l'accent étant mis sur la sécurité de l'approvisionnement énergétique, l'accès au marché, la compétitivité, le développement et l'intégration dans les infrastructures européennes ainsi qu'un secteur énergétique préservant les ressources. Au cours de l'année sous revue, la Suisse a poursuivi les négociations lancées en 2007 avec l'UE sur un accord sur l'électricité. L'issue de 2799

ces négociations dépendra, d'une part, des progrès accomplis par la Suisse dans le domaine de l'ouverture du marché de l'électricité, d'autre part de la résolution de questions institutionnelles transversales relatives aux relations de la Suisse avec l'UE. Il s'agit de conclure avec l'UE un accord complet sur l'énergie, qui, outre l'électricité, englobe des sujets tels que les infrastructures énergétiques, l'efficacité énergétique et le gaz naturel. A l'instar d'autres pays voisins qui consomment de l'électricité nucléaire, la Suisse participe par ailleurs aux tests de résistance des centrales nucléaires décidés par l'UE après la catastrophe de Fukushima.

Collaboration avec les organisations internationales: la Suisse a tout intérêt à ce que la politique énergétique mondiale soit élaborée dans une large mesure par des organes multilatéraux dans lesquels elle a voix au chapitre en qualité de membre.

Les institutions de ce type lui permettent de se faire entendre sur les questions énergétiques de portée géopolitique. C'est pourquoi elle continue de s'engager en particulier pour que les institutions multilatérales centrales ­ l'Agence internationale de l'énergie à Paris (AIE), l'Agence internationale de l'énergie atomique à Vienne (AIEA), la Charte européenne de l'énergie à Bruxelles et, depuis 2011, l'Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) à Abu Dhabi ­ gagnent encore en poids et continuent d'être renforcées. De plus, la Suisse et 87 autres Etats ont, le 22 février 2011, signé la charte du Forum international de l'énergie (IEF).

L'IEF, auquel la Suisse assiste régulièrement depuis 2002, est l'unique rencontre des ministres de l'énergie du monde entier.

A la suite du grave accident survenu dans la centrale nucléaire japonaise de Fukushima, la Suisse s'implique, dans le cadre de l'AIEA, en faveur de l'amélioration de la sécurité nucléaire partout dans le monde. Elle exige le renforcement du rôle de l'AIEA dans ce domaine et demande pour cela que des mécanismes existants, tels que l'examen par les pairs effectué par l'AIEA pour vérifier la sécurité des centrales nucléaires et leur surveillance par les pays, soient rendus obligatoires.

Coopération au développement: la coopération suisse au développement tient davantage compte des questions énergétiques. Elle entend contribuer,
dans le cadre de programmes multilatéraux des banques de développement et de projets bilatéraux, à ce que les pays en transition et en développement utilisent plus efficacement l'énergie, qu'ils recourent davantage aux énergies renouvelables et qu'ils remplacent les installations de production énergétique dommageables pour le climat. Une part importante des 125 millions de francs supplémentaires débloqués en février 2011 pour l'augmentation de la contribution de la Suisse dans le cadre de la Convention de l'ONU sur les changements climatiques est investie dans des programmes réalisés par la DDC et le SECO.

Santé Ces dernières années, la santé est devenue une composante importante de la politique extérieure. En formulant une politique extérieure en matière de santé coordonnée au niveau des départements, la Suisse joue un rôle pionnier dans le domaine.

Elle a défini dès 2006 les lignes directrices de politique extérieure en la matière.

Dans ce cadre, une convention d'objectifs a été conclue entre le DFI et le DFAE; elle vise à coordonner les efforts des différents acteurs nationaux pour une plus grande cohérence de l'action de la Suisse dans l'arène internationale. Il s'agit notamment de conforter la Suisse dans son rôle d'Etat hôte et de site d'implantation d'organisations clés et d'entreprises dans le secteur de la santé. La politique extérieure en matière de santé traduit en outre les responsabilités assumées par la Suisse 2800

à l'égard de la santé mondiale. Dans un souci d'adaptation des objectifs aux nouveaux défis, elle a été remaniée au cours de l'année sous revue. La version révisée doit entrer en vigueur en 2012.

Engagement au sein de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS): la Suisse a été élue au sein du Conseil exécutif de l'OMS pour la période 2011­2014. Son statut de membre lui permet d'accroître sa visibilité et son influence dans le débat sur la santé mondiale. Elle y défend plus particulièrement l'idée d'un renforcement de l'OMS et de la pérennité de son financement et s'engage en faveur de la promotion des systèmes de santé ainsi que de Genève en tant que capitale mondiale de la santé.

Lutte contre le VIH/sida: malgré les progrès accomplis ces dernières années, la lutte contre le VIH/sida demeure un défi prioritaire pour la Suisse. L'Assemblée générale des Nations Unies a adopté en juin 2011 une résolution soutenue par la Suisse.

Celle-ci définit de nouveaux objectifs de la communauté internationale dans la lutte contre le virus et la maladie, tels que réduire de moitié le nombre de transmissions du VIH par voie sexuelle, éviter les nouvelles contaminations lors de la consommation de drogues dures et éradiquer la transmission du VIH de la mère à l'enfant. Par ailleurs, la résolution exige le respect des droits de l'homme, lequel implique de lutter contre la discrimination et la stigmatisation des personnes atteintes du VIH. La Suisse s'engage en faveur d'une mise en oeuvre de la résolution rapide et coordonnée au niveau international.

Maladies non transmissibles: les maladies non transmissibles (cancer, diabète, maladies cardio-vasculaires, affections chroniques des voies respiratoires, etc.)

touchent de plus en plus de personnes, tant dans les pays industrialisés que dans les pays en développement. La propagation rapide de ces maladies, la coexistence d'autres groupes de maladies et les coûts qu'elles induisent représentent d'immenses défis pour les pays. Lors d'une conférence à haut niveau de l'ONU organisée en septembre 2011, une résolution soutenue par la Suisse a été adoptée, laquelle prévoit des mesures de lutte contre ces maladies.

Coopération au développement: la Suisse soutient la réalisation des Objectifs du Millénaire en matière de santé et encourage les efforts déployés par ses pays
partenaires ainsi que la mise en place de systèmes de santé efficaces. La DDC se focalise plus particulièrement sur l'amélioration de la santé de la mère et de l'enfant, tout en favorisant la santé sexuelle et reproductive, sur la lutte contre les principales maladies infectieuses telles que le paludisme et le sida, sur les maladies non transmissibles et sur l'amélioration de l'accès aux soins au niveau national et local par le biais de réformes structurelles. En dépit des nouveaux défis qui ne cessent de surgir, des progrès ont pu être enregistrés dans les pays soutenus par la Suisse. Dans les pays prioritaires de la DDC ­ Tanzanie et Mozambique ­ la mortalité infantile a diminué d'un tiers au cours des dix dernières années et, depuis 2000, de 40 % en Moldavie.

Négociations avec l'UE: depuis l'automne 2008, la Suisse et l'UE négocient un accord dans les domaines de l'agriculture, de la sécurité alimentaire, de la sécurité des produits et de la santé publique. Les négociations portent sur la participation à deux agences européennes (le Centre européen de contrôle et de prévention des maladies et l'Autorité européenne de sécurité des aliments), sur l'intégration à trois systèmes d'alerte précoce et rapide (produits alimentaires et aliments pour animaux, biens de consommation dangereux, maladies transmissibles) ainsi que sur la participation au programme «santé» de l'UE. Elles sont actuellement fortement ralenties

2801

étant donné que les parties cherchent encore des solutions appropriées à des questions institutionnelles.

2.3.8

Politique extérieure en matière d'éducation, de recherche et d'innovation

La formation, la recherche et l'innovation (FRI) sont des outils essentiels pour atteindre un développement économique, social et écologique durable et pour résoudre les problèmes globaux, ce qui explique l'importance croissante de ce secteur sur la scène mondiale. Grâce à ses compétences reconnues et à sa compétitivité dans ce domaine, la Suisse dispose de toutes les cartes pour y jouer un rôle important. A ce titre, le domaine FRI constitue un ingrédient de premier plan dans la réalisation de ses objectifs de politique extérieure. C'est pourquoi le DFAE appelle de ses voeux une action coordonnée pour ce secteur et s'efforce de créer et d'entretenir les liens entre ses acteurs. Les tendances scientifiques internationales sont toutefois caractérisées par l'interdépendance, la coopération et la concurrence. La Suisse doit ainsi constamment renforcer ses compétences déjà excellentes dans ces domaines.

Coopération avec l'Union européenne: L'UE constitue aujourd'hui avec les USA le principal partenaire du secteur FRI suisse. La Suisse participe pleinement aux deux programmes européens «Education et formation tout au long de la vie» et «Jeunesse en action». Non seulement les Suisses peuvent acquérir ainsi facilement de l'expérience dans un pays de l'UE, mais les Européens peuvent fréquenter nos établissements de formation et contribuer à leur bonne réputation. Est également en cours la participation suisse au processus de Copenhague, qui vise à accroître la qualité et l'attrait de la formation professionnelle et à encourager la mobilité en Europe pour ce secteur. La Suisse renforcera ainsi son attractivité comme lieu de formation ainsi que la compétitivité des diplômés suisses sur le marché international du travail.

Coopération internationale au-delà de l'UE: Garant d'un taux de chômage des jeunes particulièrement bas, le système éducatif suisse jouit d'une excellente réputation à l'international. Son investissement dans le programme international pour le suivi des acquis des élèves PISA, placé sous l'égide de l'OCDE permet à la Suisse de savoir où en sont ses jeunes à la fin de la scolarité obligatoire. Elle estime ainsi leurs forces et leurs faiblesses et peut donc se positionner sur la scène internationale de la formation. La Suisse est aussi attentive à l'application de la Classification internationale
type de l'éducation (CITE) adoptée à l'UNESCO en 2011, qui vise à une meilleure reconnaissance au niveau mondial des qualifications scolaires et professionnelles. Le réseau des 18 écoles suisses à l'étranger contribue aussi à diffuser la bonne réputation de notre offre de formation. Un accent est enfin mis sur notre système de formation professionnelle duale afin de le faire apprécier dans le monde entier. La Confédération promeut également les séjours d'étrangers en Suisse dans un but de formation en attribuant des bourses fédérales. Celles-ci offrent aux meilleurs étudiants la possibilité de poursuivre leurs recherches dans une université suisse.

Au-delà des relations avec l'UE, la coopération scientifique s'intensifie via des programmes communs avec huit pays émergents jugés prioritaires lancés en 2008 au vu de leur caractère prometteur sur le plan scientifique et technologique: la Chine, l'Inde, la Russie, l'Afrique du Sud, le Brésil, le Japon, la Corée du Sud et le Chili.

Les rapports intermédiaires d'évaluation de ces programmes, dans l'ensemble posi2802

tifs, ont été publiés en 2010. Deux instituts de recherche éminents sont en outre soutenus en Côte d'Ivoire et en Tanzanie. Enfin, la Suisse entretient un réseau d'attachés scientifiques dans 18 de ses représentations, ainsi qu'une série de bureaux swissnex destinés à favoriser les échanges scientifiques dans des lieux stratégiques tels que Boston, San Francisco, Singapour, Shanghai et Bangalore.

Coopération au développement: Pour ce qui est de la recherche dans la coopération internationale dans les pays en développement et en transition, les priorités thématiques portent sur la production de connaissances et le développement de solutions innovantes dans des domaines spécifiques. La Suisse a continué en 2011 de soutenir ainsi notamment le Pôle de recherche national (2001­2013) «Nord-Sud ­ Partenariats de recherche pour un allégement des syndromes du changement global» (NCCR North-South), dont le réseau rassemble plus de 400 chercheurs dans plus de 40 pays. D'autre part, le programme de recherche SCOPES (Scientific co-operation between Eastern Europe and Switzerland) oeuvre à la promotion de la coopération scientifique entre groupes et institutions de recherche en Suisse et en Europe de l'Est. Enfin, la DDC et le Fonds national suisse (FNS) mettent en place un nouveau fonds commun pour la recherche sur des questions globales («global issues») dans et avec les pays en développement et les pays émergents.

2.3.9

Neutralité

La neutralité permanente de la Suisse est un instrument de sa politique extérieure universellement reconnu de longue date. La mise en oeuvre concrète de ce principe de neutralité et la définition de la politique du pays en la matière dépendent depuis toujours du contexte géostratégique qui prévaut. Dans la configuration actuelle de la politique extérieure et de sécurité, dont les contours et les formes de menaces ne sont pas toujours bien identifiables, même des événements qui se déroulent à une distance importante peuvent se répercuter immédiatement sur la sécurité et la prospérité de notre pays. N'appartenant à aucune alliance militaire, la Suisse a un intérêt particulier à assumer sa responsabilité en faveur de la paix et de la stabilité mondiales en mobilisant des efforts importants en termes de politique extérieure et de sécurité, et en exerçant une influence sur la scène internationale. Neutralité n'est donc pas synonyme de passivité.

Dans un monde en mutation, les Nations Unies restent la clé de voûte de l'architecture internationale de sécurité. Quand le Conseil de sécurité des Nations Unies ordonne ou autorise des mesures, il ne le fait pas en tant que partie à un conflit mais en tant qu'organe chargé de faire respecter le droit international. La Suisse s'engage en conséquence activement en faveur de la paix et de la sécurité dans le cadre de l'ONU. En outre, le principe de neutralité est fondamentalement compatible avec l'occupation d'un siège au Conseil de sécurité. Sporadiquement, la Suisse joue également, pour autant que sa neutralité soit respectée, un rôle actif au sein d'autres instances de l'architecture internationale de sécurité: au sein de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), du Partenariat pour la paix (PPP) ou dans le cadre de missions civiles et militaires en faveur de la paix menées par l'UE.

Dans le cadre de la promotion civile de la paix, la Suisse, en tant qu'Etat neutre, fournit ses bons offices. Cette fonction particulière, universellement reconnue, et dont il est fait largement usage, est illustrée par les mandats de puissance protectrice qu'exerce notre pays et par les médiations qu'il a proposées ces dernières années. La 2803

médiation réussie entre la Géorgie et la Russie, qui a rendu possible l'adhésion de la Russie à l'OMC, est un bon exemple de ce rôle spécifique. Par son engagement dans ce domaine, la Suisse peut apaiser les conflits et contribuer à la sécurité et à la stabilité internationales.

Le principe de neutralité se fonde sur des droits et des devoirs clairement définis et inscrits dans le droit international. Le droit de la neutralité est essentiellement basé sur les deux Conventions de La Haye de 190769, complétées par le droit international coutumier. Ces règles impliquent en substance que la Suisse ne peut soutenir militairement un Etat belligérant dans un conflit armé international. En temps de paix, son statut de neutralité permanente impose à la Suisse, en vertu du droit international coutumier, d'éviter toute situation qui l'empêcherait de respecter ses obligations d'Etat neutre si un conflit venait à éclater. Il est donc exclu qu'elle adhère à une alliance militaire comportant des obligations contraignantes d'assistance mutuelle.

La neutralité n'est pas un concept purement abstrait: elle a un impact concret sur la l'orientation de la politique extérieure de la Suisse. Elle influence notamment la mise en oeuvre de résolutions adoptées par le Conseil de sécurité de l'ONU contre les acteurs qui contreviennent au droit international: le 17 mars 2011, le Conseil de sécurité a, par la résolution 1973 fondée sur le chapitre VII de la Charte des Nations Unies70, habilité la communauté internationale à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la population civile en Libye contre les attaques armées commises contre elle par son propre gouvernement. Conformément à sa pratique neutre constante, le Conseil fédéral a décidé alors que les Etats assurant la protection de la population civile en Libye en vertu de cette résolution pourraient emprunter l'espace aérien et le territoire suisses à des fins de transport et de transit, moyennant, dans chaque cas, l'autorisation donnée par les autorités compétentes, après examen rigoureux de la conformité de la demande à la résolution 1973.

En pratique, la neutralité est aussi un aspect essentiel à prendre en compte en matière d'exportation de matériel de guerre. En vertu du droit de la neutralité, la Suisse est tenue d'appliquer uniformément aux parties
d'un conflit armé international les mesures restrictives prises en ce qui concerne la livraison de matériel de guerre par des entreprises privées71. Du point de vue de la politique de neutralité, les décisions ayant trait à l'exportation de matériel de guerre constituent un signal important. Eu égard à ces considérations liées au droit de la neutralité et à la politique de neutralité, la législation suisse interdit l'exportation de matériel de ce type si le pays de destination est impliqué dans un conflit armé interne ou international. Une autre question, étroitement liée à celle de l'exportation de matériel de guerre, a récemment pris une acuité particulière: la fourniture de services de sécurité privés à l'étranger. Au printemps 2010 s'est implantée pour la première fois en Suisse une société qui contrôle l'une des plus grandes entreprises de sécurité opérant dans les zones de crise et de conflit. Il a donc fallu réévaluer la nécessité de réglementer en Suisse les entreprises de sécurité privées. En vertu du droit de la neutralité, la Suisse ne peut tolérer le recrutement sur son territoire ou par des entreprises suisses de personnel 69

70 71

Convention du 18 octobre 1907 concernant les droits et les devoirs des Puissances et des personnes neutres en cas de guerre sur terre (RS 0.515.21) [5e Convention de La Haye]; Convention du 18 octobre 1907 concernant les droits et les devoirs des Puissances neutres en cas de guerre maritime (RS 0.515.22) [13e Convention de La Haye].

Charte des Nations Unies (RS 0.120).

Art. 7 en rel. avec l'art. 9 de la 5e Convention de La Haye.

2804

appelé à participer directement à des hostilités dans le cadre d'un conflit armé international72. Diverses considérations de politique extérieure, liées notamment à la politique de neutralité, imposent à la Suisse de faire preuve en général d'une grande retenue s'agissant de la fourniture de services de sécurité privés à l'étranger. Le 16 février 2011, le Conseil fédéral a donc donné mandat pour l'élaboration d'une base légale devant contribuer à assurer la mise en oeuvre des objectifs de politique extérieure et le respect du droit international, en particulier des droits de l'homme et du droit international humanitaire, ainsi qu'à sauvegarder la neutralité de la Suisse.

Il est prévu d'interdire la participation directe à des hostilités. Pour d'autres activités relevant de ce texte législatif, il est envisagé d'introduire l'obligation pour l'entreprise concernée de les déclarer à l'autorité, qui peut ouvrir une procédure d'examen et prononcer, le cas échéant, une décision d'interdiction.

2.4

Service public

Tâches consulaires Précédemment réparties entre la Direction des ressources (affaires consulaires, projets et Schengen) et la Direction politique (Division politique VI), les prestations consulaires font désormais partie des missions premières du DFAE. Le regroupement et la modernisation des divisions concernées étaient en effet devenus incontournables pour développer le service public et être à même de relever les défis de demain. En adoptant le 20 avril 2011 l'ordonnance entièrement révisée sur l'organisation du Département fédéral des affaires étrangères73, le Conseil fédéral a donc donné son aval à la création d'une nouvelle Direction consulaire. Celle-ci comprend trois divisions: le Centre de service aux citoyens, qui assiste le réseau des représentations suisses à l'étranger (ambassades et consulats) et gère la Helpline DFAE, laquelle fait office de guichet unique pour toute question ou tout renseignement concernant les services consulaires; le délégué aux relations avec les Suisses de l'étranger, qui s'attache à promouvoir les intérêts des Suisses de l'étranger et à fournir toute information utile sur le thème «Vivre à l'étranger», et la Division Stratégies, développements et accords consulaires, qui veille à ce que les représentations suisses à l'étranger soient dotées des instruments nécessaires pour assurer un service public de proximité efficace.

Les représentations suisses à l'étranger (ambassades et consulats) sont les interlocutrices des ressortissants suisses domiciliés dans un pays tiers ou y séjournant à titre temporaire. Elles remplissent à cet égard des tâches semblables à celles d'une administration communale en Suisse. Par ailleurs, elles assurent la liaison entre les Suisses de l'étranger et leur patrie, et contribuent à renforcer les liens qui unissent les Suisses de l'étranger entre eux et à leur pays d'origine. Les tâches consulaires exécutées par les représentations comprennent en particulier l'immatriculation des Suisses ayant pris domicile à l'étranger, la fourniture d'informations officielles, l'établissement de documents d'identité, le traitement de dossiers d'état civil, de questions sur la nationalité suisse et de demandes d'aide sociale ainsi que diverses autres prestations, telles que l'enregistrement de documents, la remise d'attestations

72 73

Art. 4 et 5 de la 5e Convention de La Haye.

RS 172.211.1

2805

ou la légalisation de signatures. Elles incluent aussi la délivrance de visas aux ressortissants étrangers qui veulent se rendre en Suisse ou dans l'espace Schengen.

Centres consulaires régionaux: le réseau des quelque 140 représentations diplomatiques et consulaires, sur lequel se fonde la Suisse pour mettre en oeuvre sa politique extérieure et pour défendre ses intérêts dans le monde, fait régulièrement l'objet d'un contrôle d'efficacité. Ainsi, une analyse effectuée en 2010 a montré que dans certaines régions, en Europe notamment, le regroupement géographique de prestations consulaires pouvait permettre de réaliser des synergies. C'est pourquoi le DFAE a ouvert des centres consulaires régionaux, compétents pour plusieurs pays (cf. ch. 2.6). Des mesures d'accompagnement ont par ailleurs été définies pour garantir en tout temps des prestations de qualité et en quantité suffisante (p. ex. la possibilité pour toutes les représentations disposant de l'équipement ad hoc et tous les bureaux cantonaux des passeports de saisir les données biométriques, l'organisation de consultations consulaires dans les ambassades chargées de la sauvegarde des intérêts et le développement de l'assistance en ligne aux Suisses de l'étranger). Cette réorganisation touche environ 14 000 personnes immatriculées (2 % de l'ensemble des Suisses de l'étranger) et environ 4 000 demandeurs de visa (0,85 % de l'ensemble des personnes ayant demandé un visa en 2010).

Visas: la Suisse participe depuis décembre 2008 au système Schengen. Depuis 2010, elle a fait face à une augmentation substantielle des demandes de visas. Cette tendance découle notamment de l'intérêt économique et touristique porté à la Suisse par les grandes économies émergentes (Chine, Russie, Inde, Etats du GCC, etc.).

D'autres régions touristiques traditionnelles ayant été victimes de catastrophes naturelles (Australie, Japon) ou secouées par des troubles politiques importants («printemps arabe»), l'attractivité de l'Europe a encore été renforcée. Une augmentation de plus de 13 % des demandes de visas est attendue pour 2011 (avec des pointes de près de 100 % pour la Chine, de 50 % pour l'Inde ou de 25 % pour la Russie), amenant le nombre total de visas demandés à approximativement 500 000 (460 000 en 2010). Afin de faire face à cette évolution et d'anticiper au
mieux les changements à venir, notamment au vu des mesures d'incitation ciblées menées depuis la mi-2011 par Suisse Tourisme et l'OSEC, sur mandat du Conseil fédéral et du Parlement, des instruments spécifiques ont été développés au sein du DFAE et une collaboration étroite a été mise en place entre le DFAE et Suisse Tourisme.

2011 a vu en particulier l'introduction du système européen des visas biométriques (VIS ­ Visa Information System). Le VIS consiste en une banque de données centralisée permettant d'enregistrer et de consulter les données relatives aux visas de l'ensemble des Etats Schengen. La prise systématique d'identifiants biométriques lors du dépôt de la demande de visa (image du visage, empreintes digitales des dix doigts) et leur enregistrement permet de mieux combattre la migration irrégulière au niveau européen et améliore les contrôles effectués lors du passage des frontières extérieures de l'espace Schengen. La première phase de l'introduction du VIS européen a débuté le 11 octobre 2011 à l'égard des pays d'Afrique du Nord (pour la Suisse: Egypte, Tunisie, Algérie et Maroc). La suite de l'introduction se fera de manière géographiquement et temporairement échelonnée sur l'ensemble de la planète et devra se terminer d'ici à fin 2013. En ce qui concerne l'établissement de visas, les Etats Schengen ont la possibilité de se faire représenter par d'autres Etats Schengen dans les pays dans lesquels ils ne disposent pas de représentation propre compétente. Au 31 août 2011, la Suisse avait conclu des accords avec huit Etats

2806

Schengen, établissant une représentation par la Suisse dans 17 pays et une représentation de la Suisse par un Etat partenaire dans sept pays.

Migration: En collaboration avec le DFJP, le DFAE a participé à l'élaboration des bases légales régissant l'envoi d'experts à l'étranger à des fins de vérification de documents. Il s'agit, dans un proche avenir, de détacher dans des pays à risque du personnel spécialement formé pour aider les représentations suisses et le personnel des compagnies aériennes à reconnaître les documents de voyage falsifiés. Suite à une mission pilote au Caire à la fin 2010, la mise en place concrète du cadre nécessaire est en développement entre les services concernés (DFAE, Corps des gardesfrontière et ODM).

Collaboration consulaire avec des pays partenaires: une collaboration renforcée avec les partenaires européens de la Suisse en matière de services consulaires est recherchée et a fait l'objet de plusieurs rencontres consulaires, qui ont eu lieu au niveau de la Direction consulaire avec notamment l'Allemagne, l'Autriche, la Slovénie, le Liechtenstein et les Pays-Bas. En dehors de l'espace Schengen, le développement de relations structurées avec des Etats partenaires importants a fait l'objet d'une attention particulière; ainsi, des consultations dédiées aux questions consulaires ont été organisées avec la Russie et planifiées avec la Turquie.

Mise en service à Berne au début de l'année 2011, la Helpline DFAE a répondu chaque mois à un millier environ de questions sur l'ensemble des services consulaires spécialisés. Lors de crises, elle réceptionne en outre les demandes de recherche que lui adressent des proches inquiets. Un service de piquet est par ailleurs assuré en fonction des besoins. A partir de 2012, la Helpline DFAE sera opérationnelle 24 heures sur 24.

Protection consulaire La protection consulaire, c'est-à-dire l'aide fournie aux Suisses en difficulté à l'étranger, constitue l'une des tâches maîtresses du DFAE. Des statistiques en la matière indiquent que les Suisses effectuent 16 millions de déplacements à l'étranger chaque année, plus de la moitié de ces voyages se faisant à destination de pays voisins. Dans un souci de prévention, le DFAE s'efforce de développer la responsabilité individuelle des voyageurs, au moyen principalement de conseils aux voyageurs
publiés sur son site Internet et mis à jour régulièrement, qui traitent de thèmes d'actualité importants.

Les cas de protection consulaire simples sont en général réglés par les représentations de manière autonome, tandis que les cas plus complexes requièrent la collaboration de la centrale du DFAE à Berne. Alors que leur nombre était resté relativement stable pendant des années (2009: 1833 cas), il a progressé de manière sensible en 2010, à savoir de 22 %, pour s'établir à 2237. Les crises en Libye et en Haïti sont à l'origine de 160 de ces cas supplémentaires, le reste découlant d'un recours accru aux services du DFAE dans d'autres pays du monde. On peut donc supposer que le nombre de cas de protection consulaire devrait se situer à peu près au même niveau en 2011 que l'année précédente.

Suisses de l'étranger En 2010, le nombre de Suisses de l'étranger a de nouveau augmenté pour atteindre 695 101 personnes, soit 10 127 personnes (+1,49 %) de plus qu'en 2009. Environ 62 % d'entre elles résidaient dans l'UE, principalement en France (181 462), en 2807

Allemagne (77 727) et en Italie (49 187). Durant l'année sous revue, 135 877 Suisses de l'étranger ­ soit plus de 25 % des 538 243 électeurs vivant à l'étranger ­ étaient inscrits dans le registre des électeurs d'une commune suisse (+4,5 % par rapport à 2009).

Afin de mieux promouvoir les intérêts des ressortissants suisses vivant hors de leur patrie, le DFAE a décidé en 2011 de nommer un délégué aux relations avec les Suisses de l'étranger. Des progrès ont en particulier été accomplis dans les domaines suivants: En vue de renforcer les droits politiques des Suisses à l'étranger, le DFAE a collaboré avec la Chancellerie fédérale et les cantons pour mettre rapidement en place le système de vote électronique. A l'heure actuelle, les électeurs suisses vivant à l'étranger et qui se sont inscrits peuvent participer par voie électronique aux élections et aux votations dans treize cantons. Lors de l'élection du Conseil national d'octobre 2011, le Conseil fédéral a aussi autorisé les Suisses de l'étranger à voter électroniquement dans quatre cantons (BS, SG, GR et AG). Quelque 22 000 Suisses de l'étranger ont ainsi pu prendre part aux élections fédérales par voie électronique.

3562 d'entre eux ont fait usage avec succès de cette possibilité, ce qui peut être qualifié de jalon important dans la généralisation du vote électronique.

Par ailleurs, le Conseil fédéral a approuvé en 2011 la révision des statuts de Soliswiss, la Coopérative Fonds de solidarité des Suisses de l'étranger, qui assure ces derniers contre la perte de leurs moyens de subsistance hors des frontières helvétiques et qui pourra ainsi compléter sa palette de prestations en leur faveur. Sur mandat de l'OFJ, les représentations suisses ont fourni un soutien financier aux Suisses de l'étranger, notamment sous forme d'aide au retour ou d'aide d'urgence lors de catastrophes. Des subventions fédérales et cantonales ont également permis de soutenir financièrement des sociétés de secours suisses sises à l'étranger74. En outre, le DFAE a conclu avec l'Organisation des Suisses de l'étranger (OSE) une convention de prestations pour renforcer leur collaboration.

En application de la loi du 9 octobre 1987 sur l'instruction des Suisses de l'étranger (LISE)75, la Confédération soutient les dix-huit écoles suisses situées hors des frontières helvétiques. Par
décision du 17 septembre 2010, le Conseil fédéral a confié au Département fédéral de l'intérieur le mandat d'instituer un groupe de travail chargé de préparer la révision de la LISE. Deux représentants du DFAE en faisaient partie.

Ainsi que le relève le rapport de ce groupe de travail, le même poids devra désormais être accordé à la promotion de la présence suisse à l'étranger et au développement de la formation de jeunes Suisses de l'étranger. Les écoles suisses devront donc jouer un rôle accru dans la politique extérieure de la Suisse. Un projet de loi ad hoc est en cours d'élaboration.

Prévention et gestion des crises Durant le premier semestre de l'année 2011, les bouleversements politiques liés au «printemps arabe» au Maghreb et au Proche-Orient (Tunisie, Egypte, Libye, Syrie, Yémen) ont entraîné une augmentation des interventions du DFAE en situation d'urgence. S'y sont ajoutés la crise en Côte d'Ivoire, l'attentat à Marrakech 74

75

Les subventions fédérales se fondent sur l'ordonnance du 26 février 2003 sur le soutien financier aux institutions des Suisses de l'étranger (RS 195.11), dont la version révisée est entrée en vigueur au début de l'année 2010.

RS 418.0

2808

(28.4.2011,) lequel a fait trois victimes suisses, ainsi que le séisme, le tsunami et l'accident nucléaire au Japon (11.3.2011). A noter que la division du DFAE chargée de la gestion des crises a été particulièrement sollicitée par la catastrophe nucléaire au Japon. Les Suisses résidant dans l'agglomération de Tokyo ont reçu des informations régulières sur l'évolution de la situation, et des évacuations par vols réguliers ont été organisées pour ceux qui le souhaitaient. Cette même division s'est aussi occupée activement de deux touristes suisses enlevés au Pakistan au début du mois de juillet 2011. Par ailleurs, le DFAE a créé au début du mois de juin 2011 un Centre de gestion des crises au sein de la Direction politique, dans le but de soutenir dans le monde entier les citoyens suisses victimes d'enlèvements ou touchés par des conflits armés, des troubles politiques ou encore des catastrophes naturelles. Le Centre de gestion des crises a pour tâches la prévention des crises (conseils aux voyageurs pour 157 pays), la préparation des postes extérieurs aux situations de crise ainsi que la maîtrise des crises et des situations d'urgence. Les outils en la matière ne cessent d'ailleurs d'évoluer. Deux développements font actuellement l'objet d'une attention soutenue: d'une part, les médias sociaux (Twitter, Facebook, etc.) sont appelés à jouer un rôle toujours plus important, car ils permettent d'informer rapidement et simultanément un grand nombre de victimes sur la situation, les consignes de sécurité et les points de rassemblement; d'autre part, la collaboration avec des partenaires privés (agences de voyage, compagnies d'assurance, organismes de sauvetage, grandes entreprises, ONG, etc.) devrait être intensifiée, car les synergies entre secteurs public et privé permettent de fournir une aide plus efficace aux citoyens suisses.

2.5

Politique extérieure et relations publiques

Travail médiatique La Suisse, son statut dans le monde et sa politique extérieure ont continué à susciter un grand intérêt auprès du public et des médias. Cela tient, d'une part, à plusieurs crises (Fukushima, crise de l'euro, etc.) et aux bouleversements historiques survenus dans le monde arabe. D'autre part, la chef du département a participé en 2011, en sa qualité de présidente de la Confédération, à de nombreuses rencontres en Suisse comme à l'étranger, et elle a accueilli des hôtes de haut rang en Suisse, dans le cadre de deux visites d'Etat (Espagne et Inde). Enfin, pendant l'année sous revue, la Suisse a fêté les cinquante ans d'existence de sa coopération au développement, un anniversaire célébré par toute une série d'événements et de manifestations publiques.

Sur le front extérieur, la politique en matière de fiscalité et de place financière s'est révélée, en 2011 également, riche en événements médiatiques. Le dernier épisode du contentieux fiscal avec les Etats-Unis et les milliards de pertes subies par UBS ont nui à la crédibilité et à l'image de la place bancaire et financière. En revanche, la conclusion d'un accord sur l'imposition à la source avec l'Allemagne et le Royaume-Uni a eu un écho favorable dans les médias internationaux. Et l'adoption de la nouvelle loi du 1er octobre 2010 sur la restitution des avoirs illicites76 a permis à la Suisse de confirmer sa position de leader mondial dans la lutte contre les avoirs de potentats. L'action rapide et conséquente qu'elle a menée à la suite du «printemps arabe» lui a valu la reconnaissance de la communauté internationale, qui a perçu le gel des avoirs illicites comme un acte de solidarité de sa part et comme une démons76

RS 196.1

2809

tration de sa volonté d'assurer l'intégrité de sa place financière. Mais les informations faisant état de fonds bloqués ont remis en question l'efficacité du dispositif suisse de lutte contre l'argent noir et donné lieu à des demandes de gel immédiat des avoirs d'autres potentats. Les procédures longues et difficiles auxquelles est soumise, dans un Etat de droit, la restitution d'avoirs illicites rencontrent un scepticisme croissant dans les pays concernés et contribuent à une perception ambivalente du rôle de la Suisse. L'un des enjeux capitaux de la communication consiste donc à mieux faire comprendre la nécessité de respecter les principes de l'Etat de droit, y compris dans la lutte active et résolue contre les avoirs illégalement acquis.

Pour ce qui est des bouleversements survenus dans le monde arabe, il était important, vu la succession rapide des événements dans un contexte manquant parfois de transparence, d'avoir une communication claire et audible pour faire entendre la position de la Suisse dans le concert international et expliquer les mesures prises. La Suisse a demandé à de multiples reprises que les droits fondamentaux soient respectés et elle a condamné les violences commises contre la population civile dans les pays concernés. Elle a décidé unilatéralement et au niveau multilatéral l'adoption de sanctions et est intervenue à la fois par la voie diplomatique et publiquement. Enfin, dès le début de la crise, elle était présente sur place par le biais de son aide humanitaire. Dans le cadre de sa stratégie pour l'Afrique du Nord, elle a progressivement étendu ses efforts à des domaines comme l'économie, la promotion de la démocratie et la migration.

Lors du «printemps arabe», la communication a été marquée par la nécessité de répondre à la demande d'information en continu sur l'évolution de la situation sécuritaire. Parmi les sujets ayant suscité le plus d'intérêt, il y a lieu de mentionner la situation des Suisses de l'étranger ainsi que les mesures prises par le DFAE pour leur apporter un soutien. Les médias ont régulièrement comparé les prestations de la Suisse avec celles d'autres Etats. Concernant la présence et le soutien assurés par le DFAE dans des situations de crise, les attentes des citoyens ainsi que des médias ­ et donc les besoins de communication ­ ont massivement
augmenté ces dernières années. Cela est notamment apparu lors de la guerre civile en Côte d'Ivoire et pendant la catastrophe nucléaire de Fukushima.

En matière de politique européenne, l'«approche d'ensemble et coordonnée» choisie par le Conseil fédéral a donné lieu à quelques difficultés de communication, car les contenus concrets d'éventuelles nouvelles négociations bilatérales n'ont pas encore été définis et la ligne à suivre demeure de ce fait abstraite et peu tangible. Dans un autre dossier largement couvert par les médias en 2011, celui de l'enlèvement de deux ressortissants suisses au Pakistan, les autorités compétentes du DFAE ont pratiqué en connaissance de cause une politique d'information restrictive. Une longue expérience a en effet montré qu'il est préférable de tenir le public à l'écart pour trouver des solutions dans les affaires d'enlèvement, la présence continue des médias pouvant sérieusement entraver, voire compromettre leur dénouement positif.

Indépendamment de sa mission de base, qui consiste à informer sur les priorités, les décisions et les mesures adoptées par la Suisse en matière de politique extérieure, la communication doit toujours se conformer aux principes de la diplomatie et à la stratégie de politique extérieure. Le déploiement d'une «diplomatie publique» suppose de mettre la communication active au service de la sauvegarde des intérêts de la Suisse, notamment en ce qui concerne la communication internationale. A l'inverse, dans les domaines appelant une «diplomatie silencieuse» (médiations, négociations délicates, prises d'otages), la communication doit aider à assurer et à 2810

préserver la confidentialité. Une communication officielle soucieuse de défendre les intérêts de la Suisse est donc nécessairement en contradiction avec la logique médiatique, qui recherche toujours une transparence maximale. D'où l'importance de faire preuve, de part et d'autre, du professionnalisme nécessaire et d'un authentique respect mutuel.

Communication internationale stratégique La communication internationale stratégique comme instrument de sauvegarde des intérêts A l'ère de la société de l'information et de la communication, les gouvernements sont de plus en plus exposés au regard du public, tant en Suisse qu'à l'étranger. Il en résulte que la Suisse doit non seulement sauvegarder ses intérêts aux niveaux bilatéral et multilatéral, mais aussi veiller à assurer correctement l'information du public.

Les stratégies 2010­2011 et 2012­2015 ont donc pour objet de mettre la communication internationale encore davantage au service de la sauvegarde des intérêts de la Suisse. Par ailleurs, une phase pilote de «e-diplomatie» a été lancée afin d'examiner la possibilité de recourir davantage aux nouveaux moyens d'information et de communication, en particulier aux «médias sociaux», dans la communication internationale.

Image de la Suisse à l'étranger L'agence de communication internationale du DFAE, Présence Suisse, a encore renforcé en 2011 son dispositif de monitorage permanent des médias internationaux et développé les analyses effectuées sur la base des données ainsi collectées. Les nouveaux outils informatiques de monitorage permettent une analyse souple et rapide de la couverture médiatique internationale et une analyse contextuelle approfondie. Des études complémentaires sur l'image générale de la Suisse sont en outre régulièrement menées dans certains pays. En 2011, l'accent a été mis sur l'Italie, dans la perspective de la participation de la Suisse à l'exposition universelle de Milan 2015.

Pendant l'année sous revue, la Suisse a fait l'objet d'une couverture moins intense dans les médias étrangers qu'en 2010. L'image de la Suisse a été marquée par des événements politiques et sociétaux (initiative sur le renvoi, NLFA/fin du percement du tunnel du Saint-Gothard, sortie du nucléaire), mais aussi, et de plus en plus, par des questions économiques ou liées à la politique financière («avoirs
de potentats», force du franc, grandes banques, accords fiscaux). Dans l'ensemble, la Suisse continue à jouir d'une image favorable stable, même si les cas récurrents de soustraction fiscale n'ont pas été bénéfiques à la réputation de sa place financière, en particulier dans les pays voisins et aux Etats-Unis, constat que corrobore aussi l'étude réalisée en Italie.

Marque Suisse, transmission des informations La cohérence de l'image de la Suisse à l'étranger («Marque Suisse») a encore été renforcée par les prescriptions appliquées sur le plan tant matériel que visuel. En outre, quelque 295 000 moyens d'information traitant de la Suisse ont été diffusés dans le monde, et environ 225 000 articles promotionnels distribués à des faiseurs d'opinion, représentants des médias, étudiants et scientifiques étrangers. Quelque 600 représentants des médias, spécialistes, hommes et femmes politiques et étudiants ont par ailleurs effectué un voyage thématique en Suisse à son invitation.

2811

Pays d'action prioritaire de la communication internationale Pays voisins: à la suite des critiques dont a été l'objet la place financière suisse, une attention particulière a été portée aux quatre pays voisins. Diverses manifestations, consacrées notamment à la communication internationale, ont été organisées pour projeter une image nuancée de la Suisse et pour approfondir les relations avec les grandes capitales européennes. Un accent particulier a été mis sur les voyages d'études destinés aux conseillers de parlementaires étrangers.

Royaume-Uni: l'image de la Suisse y est globalement positive, mais peu nuancée.

La communication internationale a donc renforcé encore le dialogue entre les deux pays sur des sujets d'actualité. Des manifestations consacrées, par exemple, aux questions financières et fiscales et des activités de partage des connaissances, notamment sur les transports publics, ont été organisées à cet effet. Les contacts avec des prescripteurs britanniques ont encore été développés dans la perspective des jeux Olympiques d'été de 2012.

Etats-Unis: la formation, la recherche, la science et l'innovation suisses sont insuffisamment perçues aux Etats-Unis. Pour y remédier, le programme «ThinkSwiss ­ Brainstorm the Future» a été poursuivi. Un effort de communication est également nécessaire en ce qui concerne la place financière suisse et son cadre fiscal. Le programme helvético-américain «Gallatin 250» a été au centre des activités menées aux Etats-Unis. A l'occasion du 250e anniversaire de la naissance d'Albert Gallatin, un Genevois qui émigra aux Etats-Unis (ministre des Finances de 1801 à 1814), des discussions bilatérales ont eu lieu sur des questions de politique financière.

Chine: après d'intenses activités de communication dans le contexte des Jeux olympiques de Pékin et de l'exposition universelle de Shanghai, l'accent a davantage été mis en 2011 sur des thèmes comme la science, l'innovation, l'environnement et les transports. Une mention spéciale revient cependant à la présentation de l'exposition Einstein à Pékin, à Canton et à Hongkong. En tournée en Chine, cette exposition s'accompagne d'un programme de manifestations consacrées à la science et à la recherche.

Amérique latine: le programme mené en 2009 et en 2010 en Argentine, au Brésil, au Chili et au Mexique et qui a
été étendu à d'autres pays comme la Colombie et le Pérou a permis de toucher un large public et d'avoir un impact médiatique considérable. Ce gain de visibilité a également été bénéfique à la Suisse pendant l'année sous revue.

Bruxelles (UE): conformément à la stratégie de communication établie pour l'Union européenne, des séries de dialogues, des événements de mise en réseau et des voyages de délégations ont permis de donner une image globale de la Suisse et de sa politique européenne aux prescripteurs et aux décideurs à Bruxelles. Dans le cadre du programme «Partners in Dialogue», une série de discussions a été organisée sur la démocratie directe, la politique des transports et la stabilité du système financier.

Un projet pilote a été lancé à Natolin (Pologne) en vue d'instaurer une collaboration entre la Suisse et des centres de formation de futurs cadres européens.

Communication internationale en cas de menace pour l'image de la Suisse Dans le contexte de la votation populaire du 28 novembre 2010 sur l'«initiative sur le renvoi», Présence Suisse a renforcé le monitorage des comptes rendus publiés par la presse étrangère et assumé la coordination interdépartementale de la communication internationale. Des informations spécifiques actualisées ont été régulièrement 2812

fournies aux représentations suisses à l'étranger pour leur permettre de développer leurs activités de communication quant à cet événement.

Communication internationale lors de grandes manifestations internationales Après l'exposition universelle de Shanghai, à laquelle la Suisse a participé avec succès, les travaux ont été engagés en 2011 pour préparer sa présence à l'Expo 2012 de Yeosu, en Corée du Sud, et la mise en place de la «House of Switzerland» pour les Jeux olympiques d'été de 2012 à Londres. Le Conseil fédéral a alloué des contributions extraordinaires en faveur de ces deux projets. Par ailleurs, un concours a été organisé pour la conception du pavillon suisse de l'exposition universelle Milan 2015. La Suisse a été le premier pays à signer le contrat de participation à cette manifestation, très importante pour elle, organisée sur le territoire de son voisin transalpin.

Défis et perspectives La Suisse continue à jouir, dans l'ensemble, d'une bonne image à l'étranger. La couverture médiatique qui lui est réservée est comparable à celle de pays de plus grande taille, comme le Japon et l'Espagne. Mais du fait de cette visibilité, elle est aussi très exposée: bien plus que d'autres pays, la Suisse est perçue à travers le prisme du secteur financier et des questions fiscales. Or cette perception unidimensionnelle, globalement négative, risque de nuire à l'image générale. Il est de ce fait nécessaire de poursuivre sans relâche les efforts visant à améliorer la perception de la Suisse à l'étranger, en les faisant porter aussi bien sur des questions délicates comme la place financière que sur des thèmes à connotation positive comme la forte capacité d'innovation de la Suisse. En matière de communication internationale, il est important de pouvoir identifier précocement les situations de crise et les nouvelles questions émergentes. Il faut donc disposer des instruments d'analyse et de monitorage nécessaires et les développer en permanence. En outre, à l'ère des nouveaux canaux de communication, il est indispensable de se doter d'une stratégie en matière de «médias sociaux» afin de pouvoir utiliser cet outil à bon escient dans la politique étrangère.

2.6

Soutien à la conduite de la politique extérieure

Les conséquences économiques et politiques de la mondialisation modifient les conditions-cadres de la politique étrangère. Les défis à relever sur le plan international sont d'une complexité croissante et de plus en plus interdépendants. Il est dès lors essentiel que la Suisse définisse des stratégies cohérentes pour l'engagement de ses moyens afin de défendre au mieux ses intérêts. Soucieux d'optimiser l'efficacité de la conduite et de la coordination de la politique étrangère, tout comme celle de ses nombreuses prestations de services, le DFAE s'emploie à engager ses ressources humaines et financières avec la plus grande efficience possible. Pour ce faire, il doit revoir régulièrement ses structures pour les adapter à un environnement de politique extérieure en constante mutation.

La réorganisation complète du DFAE engagée il y a quelques années vise une gestion administrative plus efficace. Elle s'est poursuivie au cours de l'année sous revue et a porté principalement sur l'efficacité et l'adéquation du réseau extérieur. Le DFAE reste attaché à la tradition d'universalité qui est la sienne. Ce faisant, il se voit confronté à un défi particulier, qui consiste à combler les lacunes et à adapter le 2813

réseau des représentations aux besoins qui évoluent sans cesse alors que les ressources sont constantes. Ainsi, en 2011, l'ambassade qui a été inaugurée à Erevan, en Arménie, renforce la présence de la Suisse dans le Caucase du Sud, une région dans laquelle notre pays a contribué activement à la résolution de conflits dans le cadre de sa politique des bons offices. Le Conseil fédéral a décidé en outre l'ouverture d'une ambassade à Doha (Qatar) en 2012.

Un projet important consiste à différencier les mandats de prestations des différentes représentations. Cette idée a été suggérée une première fois dans le Rapport sur la politique extérieure de 2009. Jusqu'alors, la règle voulait que toutes les représentations suisses proposent l'éventail complet des services diplomatiques et consulaires.

Du fait de l'association de la Suisse à l'espace Schengen et de l'intégration des passeports biométriques, il a fallu doter toutes les représentations d'infrastructures onéreuses. Dans certaines d'entre elles, en particulier dans des pays européens, les services consulaires n'étaient que très rarement sollicités, tandis que dans certains autres Etats, le nombre de cas de protection consulaire a connu une forte progression. Après un examen approfondi de la situation sur la base de ces constatations, le DFAE a créé cette année différents centres consulaires régionaux qui, à partir d'une ville, gèrent les services consulaires pour un groupe de pays. Cette solution permet de libérer des ressources qui peuvent être consacrées à la défense des intérêts du pays ou affectées au domaine consulaire, en particulier à la nouvelle Direction consulaire sise à Berne (cf. ch. 2.4). Il convient d'observer que cette réorganisation des services consulaires n'a conduit à aucune fermeture d'ambassade.

Arrondissements consulaires couverts par les nouveaux centres consulaires régionaux créés en 2011: Centre consulaire régional

Arrondissement consulaire

La Haye (Centre consulaire régional Benelux)

Belgique, Luxembourg, Pays-Bas

Stockholm (Centre consulaire régional Pays nordiques)

Danemark, Finlande, Norvège, Suède

Riga (Centre consulaire régional Pays baltes)

Estonie, Lettonie, Lituanie

Vienne (Centre consulaire régional Vienne)

Autriche, Croatie, Slovaquie, Slovénie, République tchèque, Hongrie

Bucarest (Centre consulaire régional Europe du Sud-Est)

Bulgarie, Roumanie

Pristina (Centre consulaire régional Balkans occidentaux)

Albanie, Kosovo

Pretoria (Centre consulaire régional Afrique australe)

Afrique du Sud, Malawi, Zambie, Zimbabwe

Saint-Domingue (Centre consulaire régional Hispaniola)

République dominicaine, Haïti

2814

Le Conseil fédéral a par ailleurs chargé le DFAE d'évaluer le fonctionnement du réseau des représentations suisses à l'étranger, avec les autres offices de la Confédération intéressés, dans le cadre du programme de réexamen des tâches de la Confédération, et de tirer profit du potentiel de synergie et de modernisation. L'objectif est ici d'alléger le budget d'un total de 30 millions de francs à partir de 2014. La présence de services spécialisés de l'administration fédérale au sein des ambassades permet à la Suisse d'organiser de manière professionnelle la coopération dans des domaines aussi importants que l'économie, l'éducation et la recherche ou la culture.

A cet égard, il convient aussi de mentionner les attachés de défense, qui sont chargés de maintenir et de développer les contacts militaires internationaux et qui contribuent à définir la politique suisse de sécurité par leur activité de recherche d'informations. L'action des différents intervenants est cependant parfois fragmentée, ce qui n'est pas bénéfique pour la façon dont la Suisse est perçue, ni pour sa visibilité.

De premières initiatives ont été prises pour regrouper des tâches logistiques en des endroits choisis afin de permettre des synergies et des économies.

Après la réorganisation de la Direction des ressources (DR) intervenue ces deux dernières années, 2011 était placée sous le signe de la consolidation. Le concept de Centre de services dont les prestations bénéficient à l'ensemble du DFAE a été approfondi cette année encore. Pour s'acquitter pleinement de ses responsabilités de direction, la hiérarchie doit pouvoir profiter du soutien et des conseils du Centre de services (Direction des ressources). Ce conseil doit permettre notamment une amélioration des processus au niveau des représentations à l'étranger, favorable à une gestion plus rentable exploitant mieux les ressources. Ce soutien doit également permettre une amélioration durable de la qualité des prestations et du service public.

Depuis 2009, le DFAE répertorie et contrôle les services consulaires au moyen de critères préalablement définis. Des indicateurs ayant été remaniés, il est désormais possible d'établir une comparaison entre les représentations et d'effectuer un contrôle objectif des demandes d'effectifs. La possibilité d'une gestion globale des ressources
humaines permet une mise en oeuvre efficace des moyens requis. Les résultats obtenus par ce contrôle au cours des deux dernières années ont été particulièrement positifs. Compte tenu de l'application de la nouvelle procédure, des changements ont été effectués dans la dotation en personnel dans une quarantaine de représentations. Les priorités n'étant plus les mêmes au niveau des tâches et l'affectation du personnel au sein du réseau extérieur étant plus flexible et plus prévisible, le plan des postes du département sera réexaminé et actualisé courant 2012.

Environ 670 partenaires de collaborateurs et collaboratrices transférables accompagnent ces derniers pour une mission à l'étranger. Pour ces personnes accompagnantes, le séjour est souvent synonyme de restrictions de la qualité de vie et de réorganisation du plan de vie et de carrière. On a pu observer récemment qu'elles sont de plus en plus nombreuses à ne pas accepter de suivre leur partenaire à l'étranger. Pour cette raison, le DFAE met en oeuvre des mesures en faveur de l'emploi et du maintien de l'employabilité des personnes accompagnantes. Ces mesures n'auront pas d'incidence budgétaire.

Dans le domaine logistique, l'accent est mis sur la disponibilité des informations, des données et des prestations. A l'été 2011, le principe de numérisation centralisée du courrier entrant a été introduit. Les données électroniques sont injectées dans le Document Management System (DMS), ce qui permet aux collaborateurs de les consulter rapidement sur écran où qu'ils se trouvent. Le travail avec le système de 2815

gestion des archives et des documents a certes fait ses preuves mais l'accueil réservé pour le moment au DMS par les utilisateurs est encore tiède. Le système a ses points faibles: convivialité de l'application, ancrage organisationnel et structure des plans de classement notamment. Un projet s'inscrivant sur plusieurs années a été lancé pour remédier à ces lacunes. Dans le domaine du transport de personnes, la Centrale des voyages de la Confédération (CVC) a mis à la disposition du personnel de l'administration fédérale un système de réservation en ligne interne à partir duquel les collaborateurs enregistrés peuvent réserver à tout moment leurs voyages de service aux conditions spéciales offertes par la Confédération.

Dans le domaine financier, l'heure est à la modernisation et à la technicisation intensives pour l'ensemble de l'administration fédérale. Le programme de cyberadministration E-Government, dont l'objectif est de permettre tant au secteur économique qu'aux particuliers de traiter de manière électronique des questions importantes avec les autorités, est au coeur de cette démarche. Les autorités souhaitent de leur côté moderniser leurs processus métier et les relier entre eux par la voie électronique (adoption de la stratégie E-Government par le Conseil fédéral le 24 janvier 2007).

Différents offices de l'administration fédérale tels que l'Administration fédérale des finances AFF, l'Office fédéral du personnel OFP et l'Office fédéral des constructions et de la logistique OFCL, ont chargé les unités administratives de réaliser des projets en ce sens, dont certains seront confiés à l'extérieur. L'objectif est de parvenir à une plus grande professionnalisation et de mieux répondre aux besoins du département.

Dans le domaine de la sécurité, la DR a poursuivi sa tâche essentielle qui consiste à soutenir les nombreuses représentations du DFAE dans la mise en place et l'actualisation de leurs dispositifs de sécurité ainsi que dans la solution de problèmes de sécurité spécifiques. Des efforts importants ont été faits sur le plan stratégique. Suite à l'élaboration des nouveaux «Principes de sécurité du DFAE», qui définissent les bases fondamentales de la gestion de la sécurité dans le département, un nouveau concept de formation a été mis en place. L'offre de formation a été redéfinie, en
tenant compte des nouvelles exigences en matière de comportement et d'organisation.

Par ailleurs, une stratégie dans le domaine de la communication technique (notamment pour les cas de crise) a été formulée. Un effort significatif a été fait également dans le domaine de la protection de l'information (sensibilisation, formation). Enfin, le DFAE a dû se pencher sur des formes nouvelles de risques tels que les mouvements éco-terroristes ayant agi contre les représentations suisses d'Athènes et de Rome.

2816

Annexe

Informations complémentaires concernant le Conseil de l'Europe (juin 2010 à 2011) Remarques préliminaires Les priorités suisses au Conseil de l'Europe, ainsi que les principaux défis auxquels l'organisation strasbourgeoise est confrontée, sont exposés au ch. 2.1.1.2 du Rapport de politique extérieure 2011. La présente annexe contient des informations complémentaires sur les principales activités de la Suisse dans les différents domaines qui relèvent du Conseil de l'Europe.

1

Comité des Ministres

A la 121e session du Comité des Ministres du 11 mai 2011, à Istanbul, le ministre des affaires étrangères turc, M. A. Davutoglu, a remis la présidence du Conseil de l'Europe à son homologue ukrainien, M. K. Gryshchenko. Les principaux points de l'ordre du jour de la session officielle étaient la réforme du Conseil de l'Europe ­ en particulier celle de la Cour européenne des droits de l'homme ­, la mise en oeuvre de la Déclaration de Strasbourg sur les Roms, l'agenda politique du Conseil ­ situation en Géorgie comprise ­, enfin les relations du Conseil avec l'UE. En marge de la session, la nouvelle Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique a été ouverte à la signature. La veille, le sujet de la partie officieuse de la session était le rapport d'un groupe de personnalités mandatées par le secrétaire général, M. Thorbjørn Jagland,sur le thème «Pluralisme et liberté dans l'Europe du XXIe siècle». Y a aussi été soulevée la question de la politique de voisinage du Conseil, soit celle visant à coopérer avec les pays à proximité immédiate de l'Europe qui en feraient la demande.

2 2.1

Coopération dans le domaine des droits de l'homme, de la démocratie et de l'Etat de droit Nouvelles conventions

Au cours de la période sous revue, deux nouvelles conventions et un nouveau protocole additionnel ont été adoptés77.

­

77

Troisième Protocole additionnel à la Convention européenne d'extradition du 10 novembre 2011 (STCE 209): le protocole simplifie et accélère la procédure d'extradition lorsque l'individu recherché consent à l'extradition.

http://conventions.coe.int/Treaty/Commun/ListeTraites.asp?CL=FRE&CM=8

2817

­

Convention du Conseil de l'Europe du 11 mai 2011 sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (STCE 210): la convention crée un cadre juridique complet pour la protection des femmes contre toute forme de violence.

­

Convention du Conseil de l'Europe du 28 octobre 2011 sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique (STCE 211): la convention prévoit des mesures contraignantes pour la protection contre les produits médicaux contrefaits.

2.2

Réforme de la Cour européenne des droits de l'homme

Durant la période sous revue, les activités du Comité directeur pour les droits de l'homme (CDDH) se sont concentrées sur la réforme du système de contrôle de la CEDH ainsi que sur l'adhésion prévue de l'UE à la CEDH. Les travaux sur la réforme ont profité des impulsions significatives données par la déclaration adoptée à la Conférence d'Interlaken («Conférence de haut niveau sur l'avenir de la Cour européenne des droits de l'homme»),78 et en particulier par le plan d'action prévu.

Un an après, la Turquie convoquait une conférence ministérielle de suivi à Izmir79.

Le but en était d'une part de dresser le bilan du processus de réforme depuis Interlaken (en particulier une première évaluation du Protocole 14, entré en vigueur le 1er juin 2010), de l'autre de donner des impulsions politiques pour les futures étapes de la réforme. Les travaux consécutifs aux conférences d'Interlaken et d'Izmir s'alignent parfaitement sur le plan d'action adopté à Interlaken, lequel prévoit des mesures d'allégement à trois niveaux: celui des Etats membres, celui de la Cour ellemême, enfin celui du Comité des ministres, chargé, dans le système de contrôle de la CEDH, de surveiller l'exécution des arrêts par les Etats membres.

Au cours de l'année sous revue, les travaux de suivi ont concerné les organes/ domaines suivants:

78 79

­

La Cour a pris des mesures pour mettre immédiatement en oeuvre le Protocole 14 (que la Russie a été le dernier Etat à ratifier à la Conférence d'Interlaken, lui permettant ainsi d'entrer en vigueur), en désignant en particulier vingt juges uniques (habilités à déclarer certaines requêtes manifestement irrecevables). Elle a en outre édité un manuel précisant les critères de recevabilité, publié des textes sur le principe de subsidiarité et sur la clarté et la cohérence de la jurisprudence, et réexaminé sa pratique interne sur différentes questions (procédure «arrêt pilote»; connaissance, prioritisation des requêtes).

­

L'Assemblée parlementaire a examiné entre autres de près les faiblesses structurelles de divers Etats membres (qui sont la cause du dépôt de requêtes identiques, dites répétitives).

Conférence d'Interlaken des 18 et 19 février 2010; cf. Rapport de politique extérieure 2010.

Conférence d'Izmir des 26 et 27 avril 2011

2818

­

Le Comité des ministres a chargé un sous-comité (panel) d'examiner les listes de candidats juges soumises par les Etats membres pour voir si les personnes proposées répondent aux critères de qualité et d'indépendance. Il a également décidé de modifier la procédure de surveillance.

­

Le CDDH a adopté un rapport final sur les mesures d'allégement susceptibles de réalisation sans modification de la Convention. Ce sont notamment celles propres à réduire le nombre des requêtes répétitives, renforcer l'indépendance et l'impartialité des juges de la Cour, exploiter le potentiel de développement de la jurisprudence dite à droit constant, filtrer plus efficacement les requêtes manifestement irrecevables, et régler la question de l'introduction d'émoluments judiciaires. Il a adopté en outre un rapport intermédiaire sur les mesures d'allégement qui nécessitent une modification de la Convention. Ce sont entre autres l'introduction d'un mécanisme de filtrage et la possibilité de simplifier la procédure d'amendement de certaines dispositions de la Convention.

Le second grand sujet du travail de suivi a été la question de l'adhésion de l'UE à la CEDH. En mai 2010, le Comité des ministres avait chargé le CDDH de préciser, avec le concours des représentants désignés par l'UE, les instruments juridiques réglant les modalités de cette adhésion. Le CDDH a alors nommé un groupe de travail informel (CDDH-UE), composé du côté du Conseil de l'Europe de représentants du CDDH (7 des Etats de l'UE et 7 des Etats hors UE [dont la Suisse]), et du côté de l'UE de représentants de la Commission européenne. Ce groupe a conclu ses travaux en juin 2011 en adoptant le projet d'un accord d'adhésion. Réuni en séance extraordinaire en octobre 2011, le CDDH a débattu une première fois du projet, sans toutefois l'adopter.

2.3

La Suisse devant la Cour européenne des droits de l'homme

Durant les années 2010 et 2011 (état: 29 novembre 2011), 686 (367+319) nouvelles requêtes ont été enregistrées contre la Suisse. Au cours de la même période, 320 requêtes déjà enregistrées ont été déclarées irrecevables ou rayées du rôle. Dans neuf de ces cas, le gouvernement avait été préalablement invité à donner son avis.

Au total, 46 requêtes ont été présentées au gouvernement en 2010 et en 2011 pour qu'il donne son avis. Elles concernent principalement les droits à la liberté et à la sûreté (art. 5 CEDH), à un procès équitable (art. 6 CEDH), au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH) et à la liberté d'expression (art. 10 CEDH), mais aussi l'interdiction de discrimination (art. 14 CEDH, notamment combiné avec la liberté de religion, art. 9 CEDH).

Durant la période sous revue, la Cour a rendu 22 arrêts concernant la Suisse. Dans onze cas, elle a constaté au moins une violation de la CEDH. Ces 22 arrêts sont les suivants, dans l'ordre chronologique80:

80

Des résumés plus complets des cas suisses (et de cas importants concernant d'autres Etats) sont publiés depuis 2008 dans les rapports trimestriels de l'Office fédéral de la justice (www.bj.admin.ch/Thèmes/Etat et citoyens/Droits de l'homme/Convention européenne

2819

­

Borer (10.6.2010): violation de l'art. 5, al. 1, CEDH faute de base légale suffisante en procédure postérieure (transformation d'une mesure stationnaire en internement);

­

Schwizgebel (10.6.2010): pas de violation de l'interdiction de discrimination (art. 14 combiné avec l'art. 8 CEDH) dans le cas du rejet d'une demande d'adoption par une femme de 47 ans;

­

Neulinger et Shuruk (6.7.2010) (Grande Chambre): dans les circonstances spécifiques, le renvoi en Israël d'un enfant de 7 ans enlevé par sa mère et amené en Suisse n'est pas compatible avec l'art. 8 CEDH (droit au respect de la vie privée et familiale);

­

Agraw et Mengesha Kimpfe (19.7.2010) (deux arrêts): le refus du regroupement de deux couples de requérants d'asile déboutés attribués à des cantons différents constitue une atteinte inadmissible au droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH);

­

Pedro Ramos (14.10.2010): dans ce cas spécifique, le refus de l'assistance judiciaire devant le Tribunal fédéral ne constitue pas une violation du droit à l'accès à un tribunal (art. 6, al. 1, CEDH);

­

Schaller-Bossert (28.10.2010): violation de l'art. 6, al. 1, CEDH (droit à un procès équitable), parce que des prises de position des instances inférieures n'avaient été transmises par le Tribunal fédéral que pour information à la requérante, qui n'était pas représentée par un avocat (droit de réplique absolu);

­

Losonci Rose et Losonci (9.11.2010): violation de l'interdiction de discrimination (art. 14 combiné avec l'art. 8 CEDH) pour une inégalité de traitement objectivement infondée du choix du nom de famille d'un couple mixte (Suisse/étrangère);

­

Jusic (2.12.2010): violation de l'art. 5, al. 1, CEDH, les conditions du droit interne en vigueur n'étant pas remplies pour détenir une personne en vue de son expulsion;

­

Gezginci (9.12.2010): dans ce cas spécifique d'expulsion d'un étranger après trente ans de présence en Suisse, il n'y a pas violation du droit au respect de la vie privée et familiale;

­

Ellès et autres (16.12.2010): violation de l'art. 6, al. 1, CEDH (droit à un procès équitable) pour refus du droit de réplique absolu;

­

Mouvement raélien suisse (13.01.2011): pas de violation de la liberté de religion ou de la liberté d'expression (art. 9 et 10 CEDH) pour l'interdiction d'une campagne d'affichage dans l'espace public (pendant devant la Grande Chambre de la Cour, qui a tenu une audience publique le 16.11.2011);

­

Haas (20.01.2011): le fait de refuser à une personne atteinte d'une maladie psychique qu'elle se procure sans ordonnance médicale, aux fins d'un suicide, une substance normalement soumise à ordonnance ne constitue pas une violation du droit au respect de la vie privée;

2820

­

Tinner Urs et Marco (26.04.2011): vu la gravité et la complexité des délits en cause, ainsi que la persistance d'un risque de fuite élevé, la détention préventive de plusieurs années ne viole pas le droit à la liberté et à la sûreté (art. 5, al. 1, let. c, CEDH);

­

M. (26.04.2011): le refus de délivrer un passeport à la suite d'un avis de recherche de la RIPOL est une mesure appropriée pour amener une personne qui se soustrait à la justice à rentrer en Suisse, et elle est d'ailleurs moins contraignante que la délivrance d'un mandat d'arrêt international (pas de violation de l'art. 8 CEDH);

­

Steulet (26.04.2011): le fait que, dans une autre procédure et dans une autre fonction judiciaire, un juge fédéral ait qualifié le requérant de «chicanier» ne suffit pas à justifier sa récusation (art. 6, al. 1, CEDH);

­

Küçük (17.05.2011): si, dans le cas de l'enlèvement d'un enfant, les autorités ont poursuivi sa recherche sans relâche, il n'y a pas violation de l'art. 8 CEDH, même si les efforts entrepris ne correspondaient pas toujours aux souhaits du requérant;

­

Adamov (21.06.2011): placé en détention après une audition et suite à une demande d'extradition des autorités américaines, l'ancien ministre russe de l'énergie ne peut invoquer la clause du sauf-conduit sous prétexte qu'il était en Suisse pour rendre visite à sa fille et qu'aucune convocation ne lui avait été envoyée avant son arrivée en Suisse (pas de violation de l'art. 5, al. 1, let. f, CEDH);

­

Portmann (11.10.2011): le traitement d'un suspect lors de son arrestation était approprié aux circonstances et le droit à une enquête efficace n'a pas été entravé au vu des atteintes invoquées seulement des années après (pas de violation des art. 3 ou 13 CEDH);

­

Association Rhino (11.10.2011): la dissolution d'une association de squatteurs au motif de son action illicite n'était pas proportionnée, principalement du fait que les autorités responsables et les propriétaires ont, durant plusieurs années, toléré l'occupation des logements et que les propriétaires ont de plus mené des négociations sur un bail (violation de l'art. 11 CEDH);

­

Emre Nr. 2 (11.10.2011): la Cour ayant considéré dans son arrêt du 22 mai 2008 que l'expulsion du requérant et le caractère définitif de la mesure d'expulsion constituaient une violation de l'art. 8 CEDH, le Tribunal ne pouvait, dans le cadre de la procédure de révision, se limiter à ramener à dix ans la durée d'interdiction d'entrer sur le territoire en se basant sur son argumentation précédente (violation des art. 8 et 46 CEDH);

­

Khelili (18.10.2011): la classification, des années durant, de la requérante comme prostituée dans les fichiers de la police cantonale est une atteinte disproportionnée au droit du respect de la vie privée de celle-ci, cela d'autant plus qu'aucune procédure pénale pertinente n'a jamais été ouverte à l'encontre de la requérante (violation de l'art. 8 CEDH).

2821

2.4

Egalité entre hommes et femmes

Au printemps 2010, la Suisse a participé à Bakou (Azerbaïdjan) à la 7e Conférence des ministres responsables de l'égalité entre les femmes et les hommes, placée sous le thème général «L'égalité entre les femmes et les hommes: combler le fossé entre l'égalité de jure et l'égalité de facto». La résolution et le plan d'action adoptés à la fin de la conférence mettent l'accent, premièrement, sur les actions positives et l'approche intégrée de l'égalité entre les femmes et les hommes et, deuxièmement, sur la lutte contre les stéréotypes sexistes dans les médias et l'éducation. Dans le cadre des discussions concernant les actions positives, la Suisse a présenté ses efforts pour améliorer la représentation féminine dans le monde politique et économique. Les 7 et 8 décembre 2010, elle a participé à la 45e séance du Comité des ministres pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Conformément au plan d'action adopté à Bakou, les mesures de lutte contre les stéréotypes dans l'éducation et les médias y ont été définies. Enfin, la Suisse a participé activement aux négociations concernant la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210), qui a été adoptée par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe le 7 avril 2011.

2.5

Protection des minorités et lutte contre la discrimination

Le Comité d'experts sur les questions relatives à la protection des minorités nationales (DH-MIN), subordonné au CDDH, a tenu une seule réunion en 2010. Il y a notamment poursuivi ses travaux sur la répartition du soutien financier public aux projets concernant les personnes appartenant aux minorités nationales et leurs associations, afin d'identifier les bonnes pratiques à ce sujet. Cette étude a été finalisée en automne 2011. Compte tenu de la réforme des travaux intergouvernementaux au Conseil de l'Europe, le DH-MIN ne s'est pas réuni en 2011 et, par décision du Comité des Ministres du 23 novembre 2011, son mandat n'a pas été renouvelé. Il n'existe désormais plus de structure intergouvernementale subordonnée au CDDH sur les questions relatives à la protection des minorités nationales. Toutefois, les travaux relatifs aux droits des personnes appartenant à des minorités nationales continuent de faire partie des missions principales du CDDH.

La Commission fédérale contre le racisme (CFR) est un organisme national reconnu par la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI). En mai 2011, elle a participé à un séminaire organisé par l'ECRI sur le racisme et la discrimination raciale dans le monde du travail. La CFR accompagne la surveillance de la mise en oeuvre des recommandations de l'ECRI en publiant des avis indépendants.

En 2011, il s'agissait du suivi du 4e rapport de l'ECRI sur la Suisse. La CFR soutient en outre le travail de relations publiques de l'ECRI concernant la Suisse.

La Suisse s'est associée à d'autres Etats pour soutenir financièrement une initiative menée par le Commissaire aux droits de l'homme Hammarberg. Celui-ci a publié en juin 2011, et suite à une étude de plusieurs mois, un rapport intitulé «Discrimination sur la base de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre dans les pays du Conseil de l'Europe». Les 24 et 25 novembre 2011, la Suisse a organisé une table ronde avec des représentants de 30 Etats membres du Conseil de l'Europe. Ceux-ci se sont penchés sur la question de savoir comment les recommandations de l'étude Hammarberg pourraient être mises en oeuvre par les pays à l'échelon national. De plus, la 2822

Suisse finance un projet du Conseil de l'Europe qui soutient la mise en oeuvre de la recommandation du Comité des Ministres du 31 mars 2010 sur des mesures visant à combattre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle ou sur l'identité de genre dans certains Etats membres.

2.6

Bioéthique

Durant la période sous revue, le Comité directeur pour la bioéthique (CDBI) a avancé en particulier sur les projets suivants: le guide à l'intention des membres des commissions nationales d'éthique pour la recherche a été discuté de manière conclusive et publié en 2011; le «livre vert» Predictivity, Genetic Testing and Insurance doit également être finalisé en 2011. Le projet de déclaration sur «La recherche dans les pays en développement» a été en partie critiqué et reste en chantier. Un groupe de travail a été chargé de faire des propositions pour la mise en oeuvre de l'Avis sur les recommandations de l'étude conjointe du Conseil de l'Europe et des Nations Unies sur le trafic d'organes, de tissus et de cellules, et le trafic d'êtres humains à des fins de prélèvement d'organes. Un projet de lignes directrices pour un éventuel Protocole additionnel sur la protection des droits de l'homme et la dignité des personnes atteintes de maladies psychiques a été approuvé et transmis pour approfondissement. Enfin deux rapports concernant d'éventuels nouveaux domaines d'activité pour la CDBI ont été discutés, l'un concernant les sciences neurologiques, notamment l'imagerie cérébrale, l'autre les commissions d'éthique clinique. Ces deux sujets restent à l'étude.

2.7

Médias

Les normes et les valeurs du Conseil de l'Europe s'appliquent aussi bien dans les environnements en ligne que dans l'univers physique. Les Etats membres du Conseil de l'Europe n'ont cessé d'exprimer leur engagement en faveur de la protection et de la promotion des droits de l'homme sur Internet. Le Comité des Ministres a adopté la Déclaration sur une participation accrue des Etats membres aux questions de gouvernance d'Internet ­ Comité consultatif gouvernemental (GAC) de l'Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN), au printemps 2010. Le 29 septembre 2010, le Comité des Ministres a également adopté la Déclaration sur la stratégie numérique pour l'Europe, la Déclaration sur la neutralité du réseau ainsi que la Déclaration sur la gestion dans l'intérêt public des ressources représentées par les adresses du protocole Internet.

La Suisse, par le biais d'un représentant des Affaires internationales de l'OFCOM, a été élue au sein du Bureau du Comité directeur sur les médias et les nouveaux services de communication (CDMC). Elle est représentée ad personam dans quatre groupes de travail du CDMC: Le Comité d'experts sur les nouveaux médias du CDMC, qui est présidé par la Suisse; Le Groupe consultatif ad hoc sur la gouvernance des médias de service public; Le Groupe consultatif ad hoc sur l'Internet transfrontalier; Le Groupe consultatif ad hoc sur la protection des droits voisins des organismes de radiodiffusion (ce Groupe ne devrait reprendre son travail qu'une fois que la Commission européenne aura été mandatée pour négocier avec le Conseil de l'Europe le cadre d'une convention sur la protection des droits voisins des organismes de radiodiffusion. Si les conditions requises sont réunies, le groupe présentera 2823

un projet de convention sur ce sujet. La Suisse soutient l'élaboration d'une telle convention).

Le Comité permanent sur la Télévision Transfrontière a élaboré un document de travail sur l'avenir de la Convention européenne du 5 mai 1989 sur la télévision transfrontière81. Pour l'instant, le processus d'adoption du protocole portant amendement de la convention a été suspendu. Cela ne pose pas de problème si la Suisse ne ratifie pas la convention révisée, étant donné que, d'après la Commission, les pays de l'Union européenne n'y adhéreront pas.

2.8 2.8.1

Coopération juridique et droit pénal Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains

Le 17 novembre 2010, le Conseil fédéral a adopté le message concernant l'approbation et la mise en oeuvre de la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains et de la loi fédérale sur la protection extraprocédurale des témoins82. Pour satisfaire aux exigences de la Convention, il faut en effet légiférer sur la protection extraprocédurale des témoins. Le 7 juin 2011, le Conseil des Etats, en sa qualité de conseil prioritaire, a étudié le projet du Conseil fédéral et l'a accepté à l'unanimité. Le dossier passe désormais au Conseil national. Le projet de loi prévoit la mise en place d'un Service de protection des témoins rattaché à la Confédération, qui sera chargé de garantir une mise en oeuvre uniforme des programmes de protection. Ce service devrait également apporter soutien et conseil aux cantons lorsque des personnes ne peuvent pas être admises dans un programme de protection mais nécessitent néanmoins des mesures de protection ponctuelles.

Le comité des Parties contractantes (ci-après le Comité) nomme les membres du groupe d'experts pour la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA). Ce groupe d'experts se compose exclusivement de ressortissants des Parties. Quant au Comité, il compte des membres, des participants et des observateurs. En vertu des dispositions de procédure du Comité de décembre 2008, les Etats qui ont signé la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres , mais ne l'ont pas encore ratifiée, appartiennent à la deuxième catégorie. Ils participent aux séances du Comité, mais sans droit de vote. La Suisse a signé la Convention en septembre 2008, mais ne l'a pas encore ratifiée. Durant la période sous revue, elle a donc été invitée à la 4e séance du Comité (13 septembre 2010) et à la 5e (6 décembre 2010). Les invitations étaient adressées au représentant permanent de la Suisse au Conseil de l'Europe à Strasbourg, qui était empêché et s'est excusé. La Division politique I les a alors fait suivre au secrétariat du Service de coordination contre la traite d'êtres humains et le trafic de migrants (SCOTT), qui avait également un empêchement. Le SCOTT suit cependant avec attention les activités du Comité et se tient au courant du résultat des discussions et des décisions prises.

81 82

RS 0.784.405 FF 2011 1

2824

2.8.2

Convention européenne du 25 octobre 2007 sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels (Convention de Lanzarote)

La Convention du Conseil de l'Europe du 22 octobre 2007 sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels (Convention de Lanzarote, STE no 201) est le premier instrument international qui rend punissables les différentes formes d'abus sexuel à l'encontre des enfants. Elle énumère les faits constitutifs d'infraction et comporte des dispositions sur la prévention, la protection des victimes et la procédure pénale, ainsi que des règles concernant la coopération internationale. Enfin, elle prévoit un mécanisme de surveillance.

Cette convention mérite d'être considérée comme importante aussi bien en politique intérieure qu'en politique étrangère. L'adhésion de la Suisse nécessite diverses adaptations du code pénal en matière de prostitution et de pornographie enfantine.

Pourra être poursuivie pénalement toute personne qui recourt aux services sexuels de jeunes de 16 à 18 ans pour de l'argent ou d'autres formes de rétribution et facilite ou encourage la prostitution de mineurs à des fins lucratives. Le champ d'application de l'article sur la pornographie sera étendu aux enfants jusqu'à 18 ans. Il est également prévu de déclarer punissable le recrutement d'enfants pour participer à des représentations pornographiques et de sanctionner les spectateurs assistant à de telles manifestations.

Les dispositions sur la prévention et la protection des victimes ainsi que les programmes d'intervention, relèvent intégralement ou partiellement de la compétence des cantons. La consultation des cantons effectuée en amont de la signature de la convention a montré que ceux-ci préconisaient sans exception de la signer et que l'adhésion à la convention exigerait tout au plus des modifications minimes des législations cantonales.

La Suisse a signé la convention le 16 juin 2010, et celle-ci est entrée en vigueur le 1er juillet 2010. Le Conseil fédéral a ouvert la procédure de consultation sur la mise en oeuvre le 17 août 2011; elle court jusqu'au 30 novembre 2011.

2.8.3

Convention européenne sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique

La Convention du Conseil de l'Europe du 11 mai 2011 sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (STE no 210) est le premier instrument contraignant au monde qui protège les femmes de toute forme de violence, y compris de la violence domestique. Les principes de l'égalité des femmes et des hommes ainsi que l'interdiction de discrimination y sont mentionnés explicitement. Différentes formes de violence contre les femmes y sont déclarées punissables, notamment la violence physique, psychique et sexuelle, les mariages forcés, les mutilations génitales et le harcèlement (stalking). Les réserves ne sont autorisées que pour certaines dispositions et à des conditions restrictives. Les Etats membres sont encouragés à appliquer la convention à toutes les victimes de violences domestiques, donc aussi aux hommes et aux enfants. La Convention comporte en outre des dispositions sur la prévention, la protection des victimes, la procédure pénale, les migrations et l'asile, ainsi que des règles pour la coopération internatio2825

nale. Il est également prévu que sa mise en oeuvre soit surveillée par des experts indépendants. Une délégation suisse a participé activement aux réunions de négociations. Les objectifs de la Convention sont soutenus par la Suisse, qui satisfait en grande partie à ses exigences.

La convention a été ouverte à la signature le 11 mai 2011 à Istanbul. Jusqu'ici, elle a été signée par quinze Etats. Son applicabilité dans le droit suisse et sa possible signature par la Suisse sont à l'examen. Le Conseil fédéral décidera ensuite de la marche à suivre.

2.8.4

Convention du Conseil de l'Europe sur la cybercriminalité du 23 novembre 2001

La Convention du Conseil de l'Europe du 23 novembre 2001 sur la cybercriminalité (STE no 185) est entrée en vigueur le 1er juillet 2004. Elle est jusqu'ici le seul instrument international traitant de la cybercriminalité. Les Etats parties s'y engagent à adapter leur législation aux défis posés par les nouvelles technologies de l'information. La première partie de la convention contient des dispositions pénales matérielles. Il s'agit d'harmoniser le droit pénal des Etats. La deuxième partie contient des règles de procédure pénale concernant avant tout l'administration et la conservation des preuves électroniques lors des enquêtes pénales. Enfin, la convention vise à mettre en place un régime rapide et efficace de coopération pénale entre les Etats. La Suisse l'a signée le 23 novembre 2001.

Le droit pénal matériel suisse et ses dispositions en matière de cybercriminalité satisfont largement aux exigences de la Convention. Il n'y a lieu d'agir que pour le chef d'accusation d'accès indu à un système informatique («piratage informatique», art. 143bis CP83) en sanctionnant des actes commis antérieurement au piratage luimême. Au chapitre de la coopération internationale, la mise en oeuvre des art. 30 et 33 de la convention nécessite également une adaptation (nouvel art. 18b de la loi du 20 mars 1981 sur l'entraide pénale internationale84). Les autorités d'exécution suisses seront ainsi habilitées à divulguer des données relatives au trafic informatique avant la clôture de la procédure. Cette possibilité trouve sa justification dans le caractère éphémère des données informatiques. Elle est toutefois limitée à deux situations particulières et assortie de restrictions garantissant que les droits de la personne touchée restent protégés de manière adéquate. Par le vote final du 18 mars 201185, les Chambres fédérales ont décidé d'approuver et de mettre en oeuvre la convention. L'entrée en vigueur des dispositions légales et de la convention est prévue en Suisse pour le 1er janvier 2012.

2.8.5

Coordination lutte antiterroriste

Le Conseil de l'Europe s'attache à défendre les droits de l'homme, l'état de droit et la démocratie pluraliste, et il est également résolu à combattre le terrorisme qui nie ces trois valeurs fondamentales. Le Conseil de l'Europe traite de ce problème depuis les années 1970, mais ses efforts se sont accrus en 2001 à la suite des attentats 83 84 85

RS 311.0 RS 351.1 FF 2011 2587

2826

terroristes commis aux Etats-Unis. L'action du Conseil de l'Europe en matière de lutte contre le terrorisme repose sur trois pierres angulaires: le renforcement de l'action juridique contre le terrorisme; la sauvegarde des valeurs fondamentales; l'action contre les causes du terrorisme.

Cette action est basée sur le principe essentiel selon lequel il est possible et nécessaire de combattre le terrorisme tout en respectant les droits de l'homme, les libertés fondamentales et l'état de droit. Le Conseil de l'Europe a établi le Comité d'experts sur le terrorisme (CODEXTER), qui est en fonction depuis 2003. Il coordonne la mise en oeuvre de l'action du Conseil de l'Europe contre le terrorisme et dirige les travaux qui ont mené à l'élaboration de plusieurs instruments internationaux. La Suisse préside ce comité depuis 2010.

2.9

Communes et régions, coopération transfrontalière

Ouvert à la signature en novembre 2009 et signé par la Suisse le 6 décembre 2010, le Protocole additionnel no 3 à la Convention-cadre européenne du 21 mars 1980 sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales86 relatif aux Groupements eurorégionaux de coopération a été ratifié par la Suisse le 25 octobre 2011. Il établit un cadre juridique permettant de créer des organismes de coopération transfrontalière et interterritoriale. Les 3 et 4 novembre 2011 s'est tenue à Kiev la 17e Conférence des ministres européens responsables des collectivités locales et régionales. La délégation suisse était dirigée par la conseillère d'Etat Kathrin Hilber, chef du département de l'Intérieur du canton de Saint-Gall. Les sujets pertinents pour la Suisse qui y ont été débattus sont les suivants: coopération transfrontalière et bonne gouvernance à l'échelon local.

2.10

Vote électronique

Le projet «Bonne Gouvernance dans la société de l'information»87 (2005­2010) du Conseil de l'Europe s'est intéressé à la manière dont les nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) affectent la pratique de la démocratie dans les Etats membres du Conseil de l'Europe. Dans le cadre de ce projet, une recommandation du Conseil de l'Europe sur le vote électronique88 a été adoptée en 2004 et est devenue depuis la référence internationale pour garantir des normes d'élections démocratiques en cas d'utilisation du vote électronique. Les évolutions intervenues dans le domaine du vote électronique et la mise en oeuvre de la recommandation du Conseil de l'Europe ont fait l'objet de trois réunions intergouvernementales. Lors de la troisième réunion d'évaluation, qui s'est tenue les 16 à 17 novembre 2010 à Strasbourg, la Chancellerie fédérale a présenté son rapport 2008­201089.

Les questions de contrôle des systèmes de vote électronique et de transparence/ observation ont fait l'objet d'un examen plus approfondi et de travaux menés par deux groupes d'experts. La Chancellerie fédérale a pris part aux trois réunions 86 87 88 89

RS 0.131.1 Cf. www.coe.int/t/dgap/democracy/Activities/GGIS/Default_fr.asp Rec(2004)11.

Cf. www.coe.int/t/dgap/democracy/Activities/GGIS/E-voting/Default_fr.asp

2827

d'experts organisées sur ces thèmes en 201090 ainsi qu'à l'élaboration des documents issus de ces réunions. Elle a aussi présenté l'expérience actuelle d'observation du vote électronique en Suisse.

Les travaux effectués au sein du Conseil de l'Europe par les Etats membres et les experts désignés ont abouti à l'adoption de deux documents portant sur les contrôles des systèmes et la transparence du vote électronique91: Lignes directrices pour la conception de processus de confirmation du respect des exigences et normes recommandées et Lignes directrices relatives à la transparence des élections par voie électronique. Le secrétariat du Conseil de l'Europe a en outre établi un «Manuel sur le vote électronique ­ Etapes clés dans la mise en oeuvre des élections par voie électronique». La Chancellerie fédérale a oeuvré pour que les documents en question, en particulier les lignes directrices sur les contrôles et la transparence du vote électronique, tiennent compte dans la mesure du possible des spécificités suisses.

3 3.1

Cohésion sociale et qualité de vie Migrations

En 2010, le Comité européen sur les migrations (CDMG) a transmis pour approbation trois projets de recommandation au Comité des ministres: premièrement, la recommandation sur l'interaction entre les migrants et les sociétés d'accueil (complétée par un manuel pour les praticiens), deuxièmement, la recommandation sur la validation des compétences des migrants (il s'agit surtout de validation des qualifications informelles), et troisièmement, la recommandation sur la prévention des risques de vulnérabilité des migrants âgés et l'amélioration de leur bien-être.

Suite à la réorganisation en cours au Conseil de l'Europe, le CDMG a cessé ses activités fin 2010. Le secrétaire général a nommé un coordinateur pour les questions de migration et l'a chargé de présenter des propositions quant à la forme sous laquelle les activités pourraient être poursuivies. Le constat fondamental est que le Conseil de l'Europe s'est trop concentré jusqu'ici sur l'élaboration de normes. Les activités futures devront plutôt porter sur la coopération et l'assistance aux Etats membres dans la mise en oeuvre des normes. La priorité sera le respect des droits de l'homme.

En matière de migration, cinq domaines sont notamment envisagés où les travaux du Conseil de l'Europe généreraient une plus-value: 1er requérants d'asile et demandes d'asile, 2e migrations irrégulières (en particulier de groupes vulnérables, comme les enfants), 3e détention en vue du renvoi ou de l'expulsion, 4e intégration des migrants, 5e situation des personnes déplacées à l'intérieur d'un pays. Les travaux devraient être réalisés par une unité transversale aussi souple que possible. Pour en fixer la structure, il faut d'abord attendre la fin de l'analyse de tous les comités directeurs.

90

91

Atelier sur l'observation des élections effectuées par voie électronique, Oslo, du 18 au 19 mars 2010, et deux réunions sur la certification des systèmes, Strasbourg, du 31 mai au 1er juin 2010 et du 27 au 28 septembre 2010. Lien vers l'atelier d'Oslo sur l'observation: www.coe.int/t/dgap/democracy/Activities/GGIS/E-voting/E-voting%202010/ Evoting_Oslo_Seminar/Default_fr.asp#TopOfPage.

Les documents peuvent être téléchargés depuis la page www.coe.int/t/dgap/democracy/Activities/GGIS/E-voting/Default_fr.asp

2828

3.2

Coopération en matière d'aménagement du territoire

L'Office fédéral du développement territorial (ARE) a participé aux travaux de la Conférence du Conseil de l'Europe des Ministres responsables de l'aménagement du territoire (CEMAT). L'année 2010 a été marquée par une conférence ministérielle, qui s'est tenue les 8 et 9 juillet à Moscou. Cette conférence a été l'occasion pour la Fédération de Russie de remettre la présidence de la CEMAT à la Grèce pour les trois prochaines années. La prochaine réunion officielle de la présidence grecque a eu lieu le 7 décembre 2011.

3.3

Affaires sociales

Aux termes de la Déclaration finale adoptée par les Ministres responsables pour la cohésion sociale à Moscou en février 2009, le Comité des Ministres est chargé de réexaminer la Stratégie de cohésion sociale révisée de 2004 et d'élaborer, sur cette base, un Plan d'action. Ainsi, le Comité européen pour la cohésion sociale (CDCS) a élaboré une nouvelle Stratégie pour la cohésion sociale du Conseil de l'Europe accompagnée d'un Plan d'action, tous deux adoptés par le Comité des Ministres le 7 juillet 2010.

Le CDCS a également approuvé des lignes directrices sur l'amélioration de la situation des travailleurs à faible revenu et l'autonomisation des personnes confrontées à la grande pauvreté, que le Comité des Ministres a ensuite adoptées le 5 mai 2010.

Le 21 septembre 2011, le Comité des Ministres a adopté la Recommandation (2011) 9 visant à promouvoir la mobilité sociale en tant que contribution à la cohésion sociale.

Le cours de formation continue du Conseil de l'Europe sur les instruments normatifs en matière de sécurité sociale s'est tenu en Suisse, à Fribourg, du 26 au 28 octobre 2010. Il a été organisé conjointement par le Conseil de l'Europe et l'Office fédéral des assurances sociales. Le cours, ouvert aux fonctionnaires de tous les Etats membres, aux membres de l'Association internationale de sécurité sociale et à des représentants de la Confédération européenne des syndicats, a été suivi par plus de 70 participants.

La deuxième Conférence des ministres responsables de la cohésion sociale, qui devrait se tenir à Istanbul en septembre 2012 sur le thème «Bâtir un avenir sûr pour tous», est en cours de préparation.

Le deuxième cycle d'activités du programme transversal «Construire une Europe pour et avec les enfants» s'achève fin 2011. Une nouvelle Stratégie du Conseil de l'Europe pour les droits de l'enfant pour la période 2012­2015 est en consultation et fera notamment l'objet de la conférence de haut niveau organisée à Monaco les 20 et 21 novembre 2011. La stratégie devrait être soumise au Comité des Ministres pour adoption en janvier 2012.

2829

3.4

Santé

Le Comité européen de la santé (CDSP) a tenu sa dernière séance en juin 2011 et a été dissous fin 2011. Cette dissolution résulte du processus de réforme du Conseil de l'Europe, qui vise à réorienter les activités et à réduire le nombre des comités directeurs. La dernière Conférence ministérielle sur la santé s'est tenue à Lisbonne les 29 et 30 septembre 2011. Elle était liée au projet transversal du Conseil de l'Europe «Construire une Europe pour et avec les enfants» et s'est soldée par l'adoption d'une déclaration. Durant l'année sous revue, le CDSP a poursuivi ses activités en matière de pilotage des systèmes de santé et de traitements médicaux adaptés aux enfants. Le projet de recommandation sur les migrations, la mobilité et l'accès aux traitements médicaux, à l'élaboration duquel la Suisse a participé activement, devrait également avoir été approuvé d'ici à fin 2011.

La Suisse participe activement aux travaux du Comité de protection de la santé des consommateurs (CD-P-SC) et a lancé un nouveau projet pour recenser les synergies entre le domaine pharmaceutique et celui de l'alimentation. Sous son égide, un nouveau groupe ad hoc a été chargé de réviser la résolution AP (2005) 2 sur les encres d'emballage des denrées alimentaires, afin d'y intégrer le domaine pharmaceutique et de mettre à jour les inventaires. Un projet de résolution concernant les métaux et alliages qui entrent en contact avec les denrées alimentaires est actuellement en préparation. Il a en outre été créé un réseau des laboratoires cosmétiques.

Enfin, un projet de guide pour évaluer l'innocuité des cosmétiques pour les enfants en bas âge sera publié prochainement (2012).

Le 10 juin 2011, le Conseil fédéral a décidé de signer la Convention dite Médicrime92. Cette convention, à l'élaboration de laquelle la Suisse a participé activement, prévoit un durcissement des dispositions pénales et des mesures d'investigation ainsi qu'une amélioration de la coopération internationale dans la lutte contre les infractions croissantes en matière de produits thérapeutiques. La Suisse est donc l'un des premiers pays à l'avoir signée, le 28 octobre 2011, à Moscou. La convention constitue le premier instrument international de lutte contre la criminalité en matière de produits thérapeutiques. Les étapes nécessaires à la ratification ont été
franchies rapidement, non seulement parce qu'il est souhaitable de faire entrer en vigueur rapidement la convention pour bénéficier de ses effets sur la criminalité en matière de produits thérapeutiques, mais aussi pour assurer la meilleure coordination possible avec la révision en cours de la loi du 15 décembre 2000 sur les produits thérapeutiques93, qui régit la plus grande partie de ce domaine en Suisse. Comme le droit en vigueur est largement compatible avec les exigences de la Convention, la ratification ne nécessitera que des adaptations mineures.

La Suisse a participé à différentes activités de la Direction européenne de la qualité du médicament et des soins de santé (DEQM), ainsi qu'aux comités d'experts afférents. En matière de soins pharmaceutiques et médicaux, elle a contribué à mettre au point des indicateurs pour mesurer la qualité des services de santé et améliorer les soins fournis. Un groupe d'experts du Comité européen sur les produits et les soins pharmaceutiques (CD-P-PH) s'occupe de l'effet de la pharmacopée traditionnelle non européenne sur la sécurité des patients. En 2009, la Suisse a déjà participé 92 93

Convention du Conseil de l'Europe du 28 octobre 2011 sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique (STCE no 211) RS 812.21

2830

activement au recensement des directives et connaissances existantes concernant notamment la médecine chinoise traditionnelle. En octobre 2010, un colloque d'experts s'est tenu à Strasbourg pour discuter des activités du DEQM destinées à améliorer la sécurité lors du recours à des médicaments traditionnels non européens.

Des spécialistes suisses y ont participé, dont la présentation de la réglementation helvétique a suscité un grand intérêt. Au Comité d'experts sur la minimisation des risques pour la santé publique posés par la contrefaçon de médicaments, la Suisse assure la vice-présidence pour une deuxième période (2011­2013). Elle s'est encore engagée activement dans des projets du comité tels que des publications ou la poursuite de l'élargissement du réseau d'autorités appelé «points de contact uniques», mais aussi en vue de l'élaboration d'une banque de données européenne centrale pour le recensement des contrefaçons de médicaments. Enfin, en mai 2011, une spécialiste suisse a fait partie d'un groupe formant des membres des autorités baltes et scandinaves à la lutte contre la criminalité en matière de médicaments.

Fin 2010, 80 mandats ont été confiés à des spécialistes suisses dans le cadre des élections triennales à la Pharmacopée européenne (Ph.Eur.). Ce chiffre illustre l'importance attachée à la Ph.Eur. et le savoir-faire que notre pays a accumulé dans ce domaine pharmaceutique. En tant que pays doté d'une des principales industries pharmaceutiques du monde, la Suisse fournit des contributions indispensables pour répondre au besoin toujours croissant de réglementation dans le secteur des médicaments. La Ph.Eur. élabore non seulement de nouvelles prescriptions, elle révise aussi constamment les dispositions existantes. Sur ce point, deux modifications urgentes de la Ph.Eur. sont entrées en vigueur au cours de l'année sous revue.94 Cette adaptation constante de la Ph.Eur. à l'état des techniques et des sciences garantit le contrôle correct des matières premières et des préparations sur un marché mondialisé et représente une contribution importante à la lutte contre les contrefaçons de médicaments.

Dans le cadre du Groupe de coopération en matière de lutte contre l'abus et le trafic illicite de stupéfiants («Groupe Pompidou»), la Suisse a continué d'approfondir l'activité «défi dépendance»
et est l'un des sept pays participant à une étude empirique correspondante. Alors que le Groupe Pompidou est la seule enceinte où la Suisse puisse discuter de sujets liés aux stupéfiants avec les autres Etats européens, la majorité des membres du groupe disposent déjà des enceintes de l'UE. C'est pourquoi certains d'entre eux étudient actuellement s'il vaut la peine d'y rester. En même temps, le centre de gravité géographique du groupe se déplace progressivement, car deux Etats d'Europe de l'Est y ont adhéré l'an dernier et d'autres ont manifesté leur intérêt à le faire. Durant la période sous revue, les travaux du Groupe Pompidou se sont déroulés entièrement sous le signe de la conférence ministérielle quadriennale, convoquée en novembre 2010. Cette conférence a adopté le programme de travail pour 2011­2014, qui forme la base de la coopération future au niveau européen. Ce programme comprend trois priorités. La première concerne les droits de l'homme, compétence clé du Conseil de l'Europe. La deuxième, qui est d'assurer la «cohérence de la politique en matière de dépendance», est une tentative de s'ouvrir aux questions des dépendances non liées à une substance. La troisième 94

La première assure la détection des impuretés nocives pour la santé présentes dans les héparines. La seconde adapte les prescriptions de la Ph.Eur. aux connaissances actuelles de la science sur les encéphalopathies spongiformes transmissibles et à l'évolution mondiale en matière d'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), et les harmonise au niveau européen.

2831

existe depuis des années et concerne la coopération internationale entre les différentes autorités de police, des douanes et de contrôle des frontières; elle a pour objet d'affronter efficacement le trafic de substances illicites. La Suisse a participé activement à l'élaboration de ce programme de travail. Du point de vue suisse, les éléments saillants en sont l'inscription des droits de l'homme dans les discussions sur la politique des stupéfiants et la cohérence de la politique des dépendances, qui devrait permettre d'étudier les travaux réalisés en la matière dans d'autres Etats européens. La Suisse s'est également engagée fortement en vue de l'élaboration de la déclaration adoptée à l'occasion de la conférence. Dans le cadre de la plate-forme «Aéroports et aviation», elle a repris la présidence du groupe Aéroports pour les quatre ans à venir. Ce groupe se compose de représentants des douanes, des gardefrontières et de la police de 34 pays, et vise à harmoniser et améliorer les mesures de contrôle des stupéfiants dans les aéroports européens. En tant que membre du comité d'organisation, la Suisse a organisé une conférence sur les «précurseurs» avec des experts internationaux de renom en matière de stupéfiants. Enfin, dans le cadre du réseau méditerranéen MedNET, elle a participé de façon déterminante à l'organisation de deux conférences sur la lutte anti-drogue pour des cadres policiers et douaniers d'Algérie et du Liban.

3.5

Protection des animaux

Etant donné les coupes budgétaires visant les activités ne relevant pas des trois domaines clés du Conseil de l'Europe, il a fallu arrêter tous les travaux du Comité permanent de la Convention européenne du 10 mars 1976 sur la protection des animaux dans les élevages95. Le bureau du comité s'efforce d'obtenir un financement différent par le biais d'une convention partielle. La question se pose donc de savoir si la Suisse soutient cette solution et entend y adhérer. Quant aux travaux sur la Convention européenne du 6 novembre 2003 sur la protection des animaux en transport international96 et sur la Convention européenne du 18 mars 1986 sur la protection des animaux vertébrés utilisés à des fins expérimentales ou à d'autres fins scientifiques97, la période sous revue n'a pas connu de nouveaux développements, pour les mêmes raisons.

3.6

Environnement et protection de la nature

Présidé actuellement par la Suisse, le Conseil pour la stratégie paneuropéenne de la diversité biologique et paysagère (STRA-CO) s'est réuni dans le cadre de la 5e Conférence sur la biodiversité en Europe, qui s'est tenue à Liège (Belgique) du 22 au 24 septembre 2009. Cette conférence était consacrée au renforcement des synergies visant à mettre en oeuvre la Convention du 5 juin 1992 sur la diversité biologique98 au niveau européen, ainsi qu'à la préparation des points essentiels de la 10e Conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique, qui a eu lieu en octobre 2010 à Nagoya (Japon).

95 96 97 98

RS 0.454 RS 0.452 RS 0.457 RS 0.451.43

2832

Un représentant de l'Office fédéral de l'environnement a participé à chacun des groupes d'experts99 de la Convention de Berne100. Le 16 novembre 2011, le Conseil fédéral a approuvé le projet de demande de modification de l'art. 22 de ladite convention et l'a soumis au Secrétaire général du Conseil de l'Europe. Cette proposition de modification doit permettre de formuler des réserves y compris après ratification de la convention.

Au printemps 2010 a eu lieu à Cordoue (Espagne) la 9e Réunion des ateliers de mise en oeuvre de la Convention européenne du paysage (STCE no 176), suivie de la 10e en octobre 2011 à Evora (Portugal). Elles étaient consacrées, la première au thème «Paysages et infrastructures», la seconde aux «Paysages multifonctionnels», et ont réuni chacune quelque 250 représentants gouvernementaux, experts et acteurs d'organisations non gouvernementales. La consultation organisée à l'hiver 2010/2011 auprès des cantons, des partis politiques et des associations s'est soldée par un résultat positif. Le 2 novembre 2011, le Conseil fédéral a transmis au Parlement le message de ratification de la Convention européenne du paysage101.

Durant les années sous revue, la restructuration au sein du secrétariat s'est consolidée avec la création du nouveau Comité directeur pour le patrimoine culturel et le paysage, dont le vice-président a été, de 2008 à 2010, le représentant suisse à la Convention européenne du paysage.

3.7

Banque de développement du Conseil de l'Europe

Durant la période sous revue, la Banque de développement du Conseil de l'Europe (CEB) a poursuivi ses efforts pour améliorer sa gouvernance et concentrer davantage son orientation régionale et sectorielle sur les priorités des régions pauvres ou en transition. Dans les organes directeurs et au niveau informel, la Suisse s'est engagée fortement, avec d'autres pays partageant ses vues, pour la mise en oeuvre des réformes envisagées. Elle a procédé en même temps à un examen approfondi de sa participation, pour conclure qu'elle devait rester membre de la CEB. En février 2011, le Conseil des gouverneurs de la CEB a approuvé d'autre part une augmentation de capital de 2,2 milliards d'euros (de 3,3 à 5,5 milliards), qui a été soumise aux pays membres pour souscription. Conformément au message du 8 septembre 2010 relatif à la participation de la Suisse aux augmentations de capital des banques multilatérales de développement102, la Suisse ne participera pas à celle de la CEB.

La Suisse a par ailleurs fait son entrée au Fonds Fiduciaire pour les Droits de l'Homme (FFDH). Ce fonds a été établi en mars 2008 par le Conseil de l'Europe, la Banque de Développement du Conseil de l'Europe et la Norvège, initiateur et contributeur fondateur. Depuis, y ont adhéré l'Allemagne, les Pays-Bas et la Finlande, puis la Suisse en décembre 2010. Le FFDH finance des activités qui appuient les efforts des Etats membres dans la mise en oeuvre de la Convention européenne 99

Groupes d'experts sur l' établissement du réseau Emeraude de zones d'intérêt spécial pour la conservation et sur l'établissement du réseau écologique paneuropéen, groupe de spécialistes pour le diplôme européen des espaces protégés; ce dernier sous l'égide de la présidence.

100 Convention du 19 septembre 1979 relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, RS 0.455 101 FF 2011 7955 102 FF 2010 6085

2833

des Droits de l'Homme103 et d'autres instruments de protection des droits de l'homme du Conseil de l'Europe, et contribuent à renforcer la pérennité de la Cour européenne des Droits de l'Homme.

3.8

Centre Nord-Sud

Le 28 septembre 2010, le Conseil fédéral a décidé de dénoncer pour fin 2010 l'accord partiel concernant le Centre européen pour l'interdépendance et la solidarité mondiales, plus connu sous le nom de Centre Nord-Sud. Cette décision avait été précédée d'un réexamen fondamental des objectifs et du fonctionnement du Centre, dans le contexte des priorités fixées pour l'engagement suisse au Conseil de l'Europe (concentration sur les domaines clés de l'organisation, c'est-à-dire les droits de l'homme, l'Etat de droit et la démocratie). Cet examen a montré que l'adhésion de la Suisse au Centre Nord-Sud n'était plus justifiable, tant du point de vue de la politique du développement que de celui de l'efficacité.

4 4.1

Cohésion culturelle et pluralisme des cultures Eurimages

Le Comité de direction d'Eurimages soutient les coproductions, distributeurs de films et salles de cinéma européens. En 2010, neuf projets auxquels des Suisses sont associés ont été jugés éligibles et lui ont été soumis pour approbation. Dans le cas de trois projets ­ ayant finalement tous bénéficié d'un soutien ­ , la participation suisse était prépondérante, comprenant aussi la mise en scène. En tout, six projets ont été soutenus pour un montant de 580 000 euros en faveur des producteurs suisses.

4.2

Culture et patrimoine culturel

Au Comité directeur de la culture (CDCULT), la Suisse a travaillé activement à différents niveaux durant la période sous revue. Le délégué suisse a été élu viceprésident du comité pour un an. Ce dernier a examiné les résultats des projets et activités en matière de politique culturelle et de dialogue interculturel, en particulier: premièrement, les politiques culturelles nationales, deuxièmement, le projet COMPENDIUM, troisièmement, les politiques du cinéma, quatrièmement, les cités interculturelles et cinquièmement les itinéraires culturels du Conseil de l'Europe. Il a décidé en particulier de lancer une étude sur la nécessité, la faisabilité et les coûts d'une révision de la Convention européenne du 2 octobre 1992 sur la coproduction cinématographique104 et a approuvé la proposition d'élaborer un accord partiel élargi sur les itinéraires culturels.

En matière de patrimoine culturel, la Suisse s'engage au sein du Comité directeur du patrimoine culturel et du paysage (CDPATEP). Elle participe activement au développement du projet «Réseau européen du patrimoine» (HEREIN), dont la tâche principale est de surveiller la mise en oeuvre des textes suivants: Convention du 103 104

RS 0.101 RS 0.443.2

2834

3 octobre 1985 pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l'Europe105, Convention européenne du 16 janvier 1992 pour la protection du patrimoine archéologique106, Convention européenne du paysage (ratification suisse en cours), Convention-cadre du Conseil de l'Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société (non ratifiée pour l'instant par la Suisse). La nouvelle plateforme virtuelle HEREIN3 permettra d'analyser directement des données structurées. Le thésaurus HEREIN mis au point à cet effet couvre déjà quatorze langues.

Dans le sillage de la réforme des structures intergouvernementales du Conseil de l'Europe, le comité directeur de la culture et celui du patrimoine culturel et du paysage seront fusionnés en 2012.

4.3

Education et enseignement supérieur

La période sous revue a été extrêmement riche en activités. Les 15 et 16 avril 2011, la Suisse a organisé et financé une conférence d'experts à Strasbourg sur l'éducation démocratique, intitulée «Apprendre la démocratie et les droits de l'homme». Celle-ci a fourni l'occasion de passer en revue les travaux réalisés en la matière ces dernières années et d'émettre des propositions concernant la mise en oeuvre de la nouvelle Charte du Conseil de l'Europe sur l'éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l'homme. A l'automne 2010, la Suisse a organisé et financé à Genève un forum politique intergouvernemental sur le programme du Conseil de l'Europe pour les langues vivantes, à savoir «Le droit des apprenants à la qualité et l'équité en éducation». Cette rencontre a permis elle aussi de dresser le bilan des progrès accomplis ces dix dernières années et de définir de nouvelles approches pour la suite des opérations. Le Comité directeur de l'éducation (CDED), où la Suisse est représentée, a commencé l'examen du programme Pestalozzi (formation continue des enseignants) sous l'angle de l'efficacité et de la réponse aux besoins.

Le Comité directeur de l'enseignement supérieur et de la recherche (CDESR) a tenu en 2010 sa 9e session plénière, et en 2011 sa 10e. Grâce aux travaux du CDESR ­ et notamment à sa participation au suivi du Processus de Bologne ­, le Conseil de l'Europe continue à jouer un rôle important dans la mise en oeuvre de la réforme de Bologne. Les contributions du CDESR se concrétisent aussi à travers les travaux et les activités de coordination destinés à faciliter la mise en commun d'expériences en vue de l'élaboration des cadres nationaux de qualifications pour les hautes écoles compatibles avec le cadre de l'Espace européen de l'enseignement supérieur (EQFEHAE), accordé lui-même au cadre de qualification pour l'apprentissage tout au long de la vie (EQF-LLL). Le CDESR participe aux différents domaines de développement du Processus de Bologne: reconnaissance des qualifications, élaboration du cadre des qualifications et garantie de la qualité. Après une étude de faisabilité, il a décidé de réaliser un projet sur le rôle des pouvoirs publics en matière de liberté académique et d'autonomie institutionnelle.

105 106

RS 0.440.4 RS 0.440.5

2835

4.4

Jeunesse

Le 28 avril 2010, l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) et le Conseil suisse des activités de jeunesse (CSAJ) ont invité à Berne des professionnels, des politiciens et des représentants de l'administration pour leur donner des informations sur les offres du Conseil de l'Europe en matière de jeunesse. L'occasion de cet événement, qui a remporté un franc succès, était la présidence suisse du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe. Les orateurs provenaient du Conseil de l'Europe, de Belgique et de Suisse. La thématique des droits des jeunes et l'idée d'une nouvelle convention européenne pour les droits de la jeunesse étaient notamment au coeur d'un podium de discussion auquel a participé la conseillère nationale Viola Amherd.

Le Comité directeur européen pour la jeunesse (CDEJ) a fixé les quatre priorités du secteur Jeunesse du Conseil de l'Europe pour les années 2010­2012: droits de l'homme et démocratie; vivre ensemble dans des sociétés plurielles; intégration sociale des jeunes et politiques et instruments en faveur des jeunes et des enfants, ceci conformément aux priorités de l'«Agenda 2020: orientations pour la politique de la jeunesse du Conseil de l'Europe au cours des dix prochaines années», document adopté lors de la Conférence ministérielle Jeunesse de Kiev en octobre 2008.

La Recommandation (2010) 8 du Comité des Ministres aux Etats membres sur l'information des jeunes a été adoptée par le Comité des Ministres en juin 2010.

Le processus préparatoire de la prochaine Conférence des ministres responsables de la jeunesse, qui se tiendra les 24 et 25 septembre 2012 à St-Petersbourg, se poursuit.

Le thème principal sera l'accès aux droits des jeunes, avec un lien avec la mise en oeuvre de l'Agenda 2020. Les sous-thèmes seront: intégration sociale des jeunes; démocratie (e-démocratie) et participation; vivre ensemble dans des sociétés plurielles. Le focus est mis sur l'accès aux droits existants et moins sur les droits des jeunes. La Conférence sera aussi l'occasion d'associer des activités relatives au 40e anniversaire du secteur Jeunesse du Conseil de l'Europe.

4.5

Sport

Fin 2011, 34 Etats avaient rejoint l'Accord partiel élargi sur le sport (APES), auquel la Suisse a adhéré le 1er janvier 2008. Le moment phare de l'année sous revue a été la 18e Conférence des ministres du sport à Bakou, à laquelle la Suisse a participé.

Les ministres y ont accepté deux résolutions, l'une promouvant l'intégrité du sport, l'autre concernant la coopération sportive au niveau européen. A sa séance du 8 juin 2011, le Comité de direction de l'APES a accepté une recommandation concernant la lutte contre la manipulation des résultats. Ces sujets, ainsi qu'une étude de faisabilité concernant une Convention sur la lutte contre les paris illégaux, constituent les travaux prioritaires jusqu'en 2012 et seront traités en mars 2012 à la prochaine séance des ministres du Sport à Belgrade. Du 15 au 18 septembre 2011, la Suisse a participé en outre à la Conférence européenne Femmes et sport à Londres.

La Suisse participe à différents groupes de travail créés dans le cadre de la Convention du Conseil de l'Europe du 16 novembre 1989 contre le dopage107. Elle fournit ainsi, en dernière analyse, sa contribution au développement du Programme mondial 107

RS 0.812.122.1

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antidopage. Lors de leurs séances, les groupes de travail accordent les positions des pays d'Europe pour parler d'une même voix vis-à-vis de l'Agence mondiale antidopage (AMA). Dans le cadre du programme «Respect des engagements», la Suisse participe désormais à l'évaluation de la mise en oeuvre des engagements pris par les autres Etats parties à la Convention. En 2010, le directeur de la fondation «Antidoping Suisse» a été nommé président du groupe de travail «Science». En octobre et novembre 2011, les groupes de travail se sont penchés surtout sur la révision prochaine du code l'AMA. La Suisse a pu y défendre ses idées avec succès. Fin 2011, la position commune des Etats européens a été communiquée aux organes de l'AMA.

Le Comité permanent qui surveille la mise en oeuvre de la Convention européenne du 19 août 1985 sur la violence et les débordements de spectateurs lors de manifestations sportives et notamment de matches de football108 a concentré son activité sur la lutte contre la violence exercée lors de manifestations sportives. La Suisse y est représentée par l'Office fédéral de la police (fedpol); elle a adhéré à la convention en novembre 1990. En 2010, le Comité permanent s'est réuni deux fois. Lors de la première rencontre, à Belgrade, ont été acceptées et notifiées les recommandations concernant les chartes de supporters et les principes d'accueil. Selon le voeu du secrétariat du Comité permanent, la Suisse y a présenté un aperçu du hockey sur glace en Suisse et des problèmes de sécurité qu'il posait. Le Comité permanent prête effectivement de plus en plus d'attention aux autres sports. Ainsi, une délégation du Comité de préparation de l'«Euro Basket» s'est rendue en Lituanie. La seconde rencontre en 2010, à Istanbul, était placée sous le signe des préparatifs de l'EURO 2012 en Pologne et Ukraine. Enfin, la Suisse a rempli comme d'habitude le questionnaire du Comité permanent sur les rapports annuels des pays participants. A Istanbul, le Comité a également chargé un nouveau groupe de travail d'élaborer une recommandation concernant la mentalité des fans. Le président a attribué la direction du groupe à la Suisse, ou plutôt à ses représentants. Au printemps 2011, le Comité permanent s'est réuni à Rome. Comme à Istanbul, les organisateurs ont informé sur l'état des préparatifs de l'EURO
2012. A propos de la future recommandation, la Suisse a rendu compte de l'avancement des travaux et remis un projet à tous les membres du groupe de travail. La recommandation portera le titre de «Dialogue et interaction avec les fans» et sera adoptée lors de la prochaine rencontre. Le Comité permanent a encore proposé de condenser les recommandations existantes, de les mettre à jour et de les uniformiser là où cela était possible, ce qui améliorera aussi leur mise en oeuvre et leur lisibilité. Toutes les recommandations devront désormais être rattachées à trois domaines: premièrement, «Policing», deuxièmement, «Safety and Hospitality», troisièmement «Customer care».

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RS 0.415.3

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