12.065 Message relatif à la modification de la loi sur le blanchiment d'argent du 27 juin 2012

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous proposant de l'adopter, le projet de modification de la loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme dans le secteur financier.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

27 juin 2012

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Eveline Widmer-Schlumpf La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2012-1140

6449

Condensé La révision de la loi sur le blanchiment d'argent permettra au bureau de communication suisse, pour ce qui est des communications de soupçons se rapportant à des cas de blanchiment ou de financement du terrorisme, d'échanger également des informations financières avec les autorités homologues étrangères. Cette extension de l'échange d'informations aura d'une part pour conséquence d'améliorer l'activité d'analyse du bureau de communication et, d'autre part, d'assurer la conformité avec les normes reconnues sur le plan international.

Contexte La Suisse possède un dispositif reconnu au niveau international en matière de lutte contre le blanchiment d'argent, les infractions préalables au blanchiment, le crime organisé et le financement du terrorisme. La loi du 10 octobre 1997 sur le blanchiment d'argent (LBA) en fixe le cadre. Sachant que le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme sont de nature transfrontalière, la Suisse participe au Groupe d'action financière, dit GAFI, depuis sa création en 1989. En vertu des normes du GAFI, chaque pays doit disposer d'un bureau central de communication, appelé cellule de renseignements financiers (CRF), pour la déclaration des opérations suspectes. Au niveau national, les CRF sont responsables de la réception et de l'analyse des communications des intermédiaires financiers; au niveau international, elles doivent échanger entre elles les éléments à leur disposition dans le cadre de l'entraide administrative. Ce sont en effet l'analyse et l'échange d'informations qui permettent de détecter les phénomènes criminels susmentionnés et leurs infractions préalables. Cette analyse et cet échange d'informations ne sont toutefois pas une fin en soi. Les données reçues et traitées par les CRF doivent plutôt permettre aux autorités judiciaires de mener ultérieurement des procédures pénales et d'entraide judiciaire, sans préjuger du résultat de ces procédures. Le Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (ci-après «bureau de communication») fait office de CRF pour la Suisse.

En 1995, treize CRF se sont réunies pour former le Groupe Egmont, qui rassemble désormais 127 CRF de toutes les régions du monde et comprend les bureaux de communication de tous les Etats disposant de places financières d'envergure internationale. Se fondant sur les
normes du GAFI, le groupe s'est fixé pour objectif d'encourager la coopération internationale entre les CRF de ses membres en mettant en place un système direct, informel et donc efficace d'échange d'informations.

Le bureau de communication est membre du Groupe Egmont depuis 1998.

En février 2012, le GAFI a révisé ses recommandations pour que les CRF soient à l'avenir autorisées à échanger entre elles toutes les informations dont elles ont besoin pour accomplir leurs tâches, ce qui inclut désormais aussi de façon explicite, selon les textes révisés et les notes interprétatives, les informations financières contenues dans les communications des intermédiaires financiers. Au terme de leur révision, les prescriptions du GAFI se sont avérées incompatibles avec le secret bancaire et le secret de fonction suisses, le bureau de communication suisse étant la

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seule CRF du Groupe Egmont à devoir refuser de manière générale et intégrale la transmission d'informations financières.

Devant l'imminence de la révision des normes du GAFI, ce refus du bureau de communication a été de plus en plus contesté au sein du Groupe Egmont, ce qui s'est soldé, en juillet 2011, par une menace formelle d'exclure le bureau de communication suisse du groupe. Cette menace était accompagnée d'une demande enjoignant à la Suisse de démontrer, en juillet 2012 au plus tard, qu'elle avait engagé le processus législatif requis pour que sa CRF soit en mesure d'échanger aussi des informations financières.

Le fait que le bureau de communication ne puisse pas transmettre d'informations financières a des répercussions négatives sur tous les organes engagés dans la lutte contre le blanchiment d'argent et sur la Suisse également. D'autres CRF appliquent en effet le principe de réciprocité et ne fournissent aucune information financière au bureau de communication suisse. Le Conseil fédéral est donc convaincu qu'il est dans l'intérêt de la Suisse de mettre rapidement fin à l'obstacle à l'exécution de l'entraide administrative que constituent le secret bancaire et le secret de fonction et de donner au bureau de communication les moyens de participer pleinement à l'échange de toutes les données disponibles. La base de données du bureau de communication sera ainsi élargie, ce qui améliorera la qualité de ses analyses et renforcera l'efficacité et la crédibilité du dispositif de lutte contre le blanchiment d'argent de la place financière suisse.

Contenu du projet L'objectif central du projet est de permettre au bureau de communication d'échanger les informations financières dont il dispose avec d'autres CRF. Or cet objectif ne peut être réalisé isolément sur le plan législatif mais doit plutôt s'inscrire dans les principes juridiques et les critères d'examen qui définissent la pratique éprouvée du bureau de communication. Leur codification offre au législateur l'opportunité de concrétiser les prescriptions générales de l'actuelle LBA et d'intégrer à cette loi, en plus de l'objectif central susmentionné, deux éléments nouveaux sur le plan matériel.

Premièrement, l'actuelle compétence du bureau de communication de requérir des informations auprès d'intermédiaires financiers pour compléter des
communications déjà transmises sera ponctuellement élargie: le bureau de communication devra désormais pouvoir aussi réclamer des informations auprès d'intermédiaires financiers tiers, c'est-à-dire auprès de ceux qui n'ont pas eux-mêmes signalé d'opération suspecte. Cela ne sera toutefois possible que si un lien existe avec des éléments provenant d'une communication déjà transmise au bureau de communication. En permettant aux CRF de collecter auprès des intermédiaires financiers les informations supplémentaires qu'elles requièrent pour accomplir leurs tâches en toute efficacité, le législateur pourra se conformer aux exigences plus élevées du GAFI tout en tenant compte des besoins de la place financière.

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Deuxièmement, le bureau de communication se verra attribuer la compétence de conclure seul un protocole d'accord technique (memorandum of understanding) avec les CRF étrangères qui en ont besoin pour pouvoir coopérer avec leurs homologues, ce qui répond également à une prescription du GAFI.

Les autres éléments du projet concrétisent l'art. 32 LBA, qui habilite déjà aujourd'hui le bureau de communication à échanger les données dont il dispose avec ses homologues étrangers dans le cadre de l'entraide administrative. La compétence explicite nouvellement conférée par la loi de transmettre également des informations financières à ses partenaires étrangers dans le cadre de l'entraide administrative supprime la primauté du secret bancaire et du secret de fonction. Cette disposition produira ainsi son plein effet, ce qui permettra au bureau de communication de faire partie du Groupe Egmont dans le respect des prescriptions révisées du GAFI.

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Table des matières Condensé

6450

1 Présentation du projet 1.1 Contexte 1.1.1 Les activités du GAFI et leur signification pour la Suisse 1.1.2 Cellules de renseignements financiers (CRF) 1.1.3 Le Bureau suisse de communication en matière de blanchiment d'argent (MROS) 1.1.4 Tâches et importance du Groupe Egmont 1.1.5 Interaction entre le GAFI et le Groupe Egmont 1.1.6 Pratique du MROS en matière d'entraide administrative 1.1.7 Prescriptions du GAFI concernant l'entraide administrative 1.1.8 Conflit d'interprétation entre le bureau de communication et le Groupe Egmont 1.1.9 Avertissement de suspension adressé par le Groupe Egmont au bureau de communication 1.1.10 Intérêt de la Suisse au maintien de son statut de membre au sein du Groupe Egmont 1.2 La nouvelle réglementation proposée 1.2.1 L'échange d'informations avec les CRF étrangères comme principal objectif 1.2.2 Collecte d'informations auprès des intermédiaires financiers 1.2.3 Protocoles d'accord avec des CRF à l'étranger 1.2.4 Rapport avec le projet législatif du Département fédéral des f inances concernant la mise en oeuvre des nouvelles recommandations du GAFI dans le droit suisse 1.3 Appréciation de la solution retenue 1.3.1 Autres options examinées 1.3.2 Avant-projet et résultat de la procédure de consultation 1.3.3 Appréciation des résultats de la procédure de consultation 1.4 Corrélation entre les tâches et les ressources financières 1.5 Comparaison avec le droit étranger 1.5.1 Exceptions au principe de disponibilité 1.5.2 Demande d'informations aux intermédiaires financiers 1.6 Mise en oeuvre

6455 6455 6455 6455

6470 6472 6472 6474 6475 6477 6477 6477 6479 6480

2 Commentaire des dispositions

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3 Conséquences 3.1 Conséquences en termes de finances et de personnel pour la Confédération 3.2 Conséquences économiques 3.3 Autres conséquences

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6456 6456 6457 6458 6464 6465 6467 6467 6468 6468 6468 6469

6494 6494 6495

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4 Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies nationales du Conseil fédéral 4.1 Relation avec le programme de la législature 4.2 Relation avec les stratégies nationales du Conseil fédéral

6495 6495 6495

5 Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité et légalité 5.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 5.3 Forme de l'acte à adopter 5.4 Frein aux dépenses 5.5 Délégation de compétences législatives

6496 6496 6496 6496 6496 6496

Loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme dans le secteur financier (Loi sur le blanchiment d'argent, LBA) (Projet)

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Message 1

Présentation du projet

1.1

Contexte

La Suisse, place économique importante qui possède une longue tradition de prestations financières de haut niveau, entend que sa place financière soit propre et intègre; elle dispose pour cela d'un dispositif efficace et crédible de lutte contre le blanchiment d'argent, les infractions préalables au blanchiment, le crime organisé et le financement du terrorisme.

1.1.1

Les activités du GAFI et leur signification pour la Suisse

Consciente du fait que le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme ont une dimension internationale, la Suisse participe au Groupe d'action financière (GAFI1) depuis sa création en 1989. L'objectif de cet organisme est de développer la collaboration au niveau international afin de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Il a émis à cette fin 49 recommandations ­ dont neuf sont liées au financement du terrorisme ­ qui constituent, dans ces domaines, des normes internationalement reconnues et déterminantes. Ces recommandations ont été entièrement revues en 2003. A partir de 2009, elles ont été encore partiellement révisées, et le GAFI les a adoptées dans leur nouvelle teneur lors de son assemblée plénière de février 2012. A l'occasion de cette révision partielle, la structure des recommandations a été redéfinie et leur nombre réduit à 40. Dans le même temps, les recommandations ont été étendues à la lutte contre le financement de la prolifération des armes de destruction massive.

Le GAFI mène à intervalles réguliers des évaluations dont le but est de contrôler la mise en oeuvre de ses recommandations par les différents pays. La Suisse a été évaluée pour la dernière fois en 2005, dans le cadre du troisième cycle d'évaluation.

Il lui a été confirmé qu'elle disposait d'un dispositif solide et complet de lutte contre le blanchiment d'argent.

1.1.2

Cellules de renseignements financiers (CRF)

Conformément aux normes du GAFI, chaque pays doit mettre en place un bureau central de communication des opérations suspectes, appelé cellule de renseignements financiers (CRF). En vertu de la recommandation 29 du GAFI, les CRF sont chargées, au niveau national, de recueillir et d'analyser les communications de soupçons transmises par les intermédiaires financiers concernant le blanchiment de capitaux, les infractions préalables au blanchiment et le financement du terrorisme, et d'échanger entre elles les éléments à leur disposition dans le cadre de l'entraide administrative.

1

En anglais: Financial Action Task Force (FATF); www.fatf-gafi.org.

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L'analyse de communications de soupçons et l'échange d'informations relatives à cette analyse entre les CRF servent à détecter ces phénomènes et leurs infractions préalables. L'analyse ne constitue toutefois pas une fin en soi. Les données reçues et traitées par les CRF doivent plutôt permettre aux autorités judiciaires de mener ultérieurement des procédures pénales et d'entraide judiciaire, sans préjuger du résultat de ces procédures. Dans ce contexte, le GAFI exige aussi que l'échange de données entre les CRF soit motivé par l'ouverture ou le soutien de futures procédures, mais pas par une exploitation directe de ces données dans une procédure2.

Une comparaison internationale montre que les compétences des CRF varient d'un Etat à l'autre: certaines CRF peuvent elles-mêmes bloquer des capitaux suspects, suspendre des transactions ou solliciter des informations directement auprès des intermédiaires financiers (y compris pour le compte d'une CRF étrangère et même si aucune opération suspecte n'a été signalée). On qualifie d'administratives les CRF qui ne peuvent, en règle générale, que recueillir et analyser des déclarations d'opérations suspectes, qu'elles transmettent, avec les résultats de leurs analyses, aux autorités de poursuite pénale compétentes. Le GAFI reconnaît tous les types de CRF3. Il réclame une indépendance opérationnelle pour les CRF afin qu'elles puissent accomplir leurs tâches, dans chaque cas d'espèce, sans se trouver sous l'influence d'autres services4. Comme toutes les prescriptions du GAFI, cette dernière s'adresse à toutes les CRF, quel que soit le type dont elles relèvent5.

1.1.3

Le Bureau suisse de communication en matière de blanchiment d'argent (MROS)

En 1998, au moment de l'entrée en vigueur de la loi du 10 octobre 1997 sur le blanchiment d'argent (LBA)6, la Suisse a créé le Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (ci-après: bureau de communication ou MROS, de l'anglais «Money Laundering Reporting Office Switzerland»). Le législateur suisse l'a doté des compétences d'une CRF de type administratif. Il est rattaché, depuis sa création, à l'Office fédéral de la police (fedpol).

1.1.4

Tâches et importance du Groupe Egmont

En 1995, treize CRF (dont celles des Etats membres du GAFI suivants: France, Autriche, Suède, Espagne et Etats-Unis) se sont rassemblées pour former le Groupe Egmont7. Ce groupe compte désormais 127 CRF de toutes les régions du monde et comprend les bureaux de communication de tous les Etats disposant de places financières d'envergure internationale. Le bureau de communication suisse en est membre depuis 1998.

2 3 4 5 6 7

Cf. note interprétative de la recommandation 40, par. A.3.

Note interprétative de la recommandation 29, par. A.1.

Note interprétative de la recommandation 29, par. E. 8­11.

Note interprétative de la recommandation 40, par. A.2 [d].

RS 955.0 www.egmontgroup.org.

6456

S'appuyant sur la recommandation 40 du GAFI, qui exige des autorités responsables de la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme qu'elles échangent avec rapidité et efficacité les informations nécessaires à l'exécution de leurs tâches, le Groupe Egmont s'est fixé pour objectif d'encourager la coopération internationale entre les CRF de ses membres en mettant en place un système direct, informel et donc efficace d'échange d'informations8. Pour mettre en oeuvre cet objectif, le Groupe Egmont exige de ses CRF membres: ­

qu'elles échangent entre elles, sur demande ou spontanément, toutes les informations disponibles pouvant être importantes pour l'analyse de cas de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme9.

En revanche, le groupe exige de ses membres qu'ils respectent le principe de confidentialité concernant les informations qui leur sont confiées lorsqu'ils échangent des informations dans le cadre de l'entraide administrative. Pour cela il prescrit ce qui suit: ­

les informations ne peuvent être utilisées que pour les raisons pour lesquelles elles ont été requises ou mises à disposition par la CRF qui les a fournies10;

­

sans l'accord explicite de la CRF qui les a fournies, les informations reçues ne peuvent pas être directement utilisées comme preuves ni transmises à des tiers dans le but d'entamer de quelconques procédures11;

­

les CRF qui reçoivent les données doivent veiller, par le biais de contrôles, à ce que les informations obtenues soient traitées dans le respect des principes précités12.

Le Groupe Egmont s'engage par ailleurs à ce qu'un niveau approprié en termes de protection des données et de sécurité des données soit appliqué lors de l'échange d'informations entre les CRF13. A cette fin, il exploite pour ses membres une plateforme de communication particulièrement sécurisée, appelée Egmont Secure Web, qui garantit la sécurité des données.

Lorsqu'une CRF membre du Groupe Egmont ne répond plus d'une manière suffisante aux principes de cet organisme, qui évoluent sans cesse, le Groupe Egmont engage à son encontre une procédure de non-conformité pour non-respect de ses principes qui, si le problème n'est pas réglé, peut déboucher sur un avertissement, une suspension ou, en dernier recours, une décision d'exclusion.

1.1.5

Interaction entre le GAFI et le Groupe Egmont

Bien que le Groupe Egmont soit un organisme d'experts et pas une association politique, il est en interaction avec d'autres forums dont certains poursuivent entre autres des objectifs politiques. Le Groupe Egmont dispose ainsi aujourd'hui d'un 8 9 10 11 12 13

Cf. «Déclaration de mission» du 23 juin 2004, ainsi que la Charte du Groupe Egmont du 31 mai 2007, ch. II.

Cf. par. C.9 des «Principes pour l'échange d'informations» du 13 juin 2001 invoqués et confirmés par la Déclaration de mission.

«Principes pour l'échange d'informations», par. D. 11.

Idem, par. D. 12.

Idem, par. E.

Idem, par. E.

6457

statut d'observateur au sein du GAFI et participe régulièrement, à ce titre, aux séances et aux travaux de ce dernier. Il s'implique activement lorsqu'il s'agit d'élaborer des normes. Le Groupe Egmont est donc en mesure d'exercer une influence sur l'évolution des normes du GAFI dans le domaine d'action des CRF.

Il est important, pour une place financière nationale, d'avoir une CRF qui fasse partie du Groupe Egmont, car l'entrée dans ce groupe nécessite certaines qualifications. Une adhésion confère à la CRF et à sa place financière une sorte de label de qualité en matière de coopération internationale dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. L'appartenance d'une CRF au Groupe Egmont est d'ailleurs l'un des aspects que le GAFI examine dans le cadre de ses évaluations des pays. La note interprétative de la recommandation 29 du GAFI l'indique clairement: «La CRF devrait se porter candidate à l'adhésion au Groupe Egmont»14.

Pour adhérer au Groupe Egmont, et pour en rester membre, une CRF doit être conforme à la définition que ce groupe donne de la CRF, définition qui correspond à la recommandation 29 du GAFI. La CRF doit aussi être active sur le plan opérationnel et disposée à se conformer aux principes du Groupe Egmont, notamment aux principes relatifs à l'échange d'informations entre les CRF15. Pour citer la note interprétative de la recommandation 29 du GAFI: «Les pays devraient s'assurer que la CRF tient compte de la du Groupe Egmont et de ses (ces documents énoncent d'importantes lignes directrices concernant le rôle et les fonctions des CRF ainsi que des mécanismes d'échange d'informations entre CRF)»16.

On trouve d'autres références à l'appartenance d'une CRF au Groupe Egmont et au respect des principes de ce groupe dans le document de base du GAFI détaillant sa méthodologie d'évaluation des pays17. En mentionnant, parmi d'autres, le Groupe Egmont, le GAFI indique clairement l'importance qu'il accorde au fait d'être membre de ce groupe dans le dispositif mis en oeuvre par une place financière pour lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

1.1.6

Pratique du MROS en matière d'entraide administrative

En tant que CRF, le bureau de communication suisse s'occupe de la réception et de l'analyse de communications de soupçons en relation avec le blanchiment d'argent et ses infractions préalables, le crime organisé et le financement du terrorisme. Dans le cadre de l'entraide administrative avec des autorités nationales et également avec des CRF étrangères, le bureau de communication constitue un pilier du dispositif de lutte contre ces phénomènes criminels.

14 15 16 17

www.fatf-gafi.org//fr/themes/recommandationsgafi/documents/ recommandations2012.html.

www.egmontgroup.org/library/download/4.

www.fatf-gafi.org//fr/themes/recommandationsgafi/documents/ recommandations2012.html.

La méthodologie relative à l'évaluation de la nouvelle recommandation 29 est actuellement revue par les organismes compétents du GAFI.

6458

A l'instar du bureau de communication, les Offices centraux de police criminelle de fedpol analysent également les phénomènes de la criminalité économique. En raison de la similitude des mandats légaux et des processus de travail de ces services, l'art. 32 LBA renvoie aussi, pour ce qui est de la collaboration entre le bureau de communication et les autorités étrangères, à la loi fédérale du 7 octobre 1994 sur les Offices centraux de police criminelle de la Confédération (LOC)18 et aux dispositions qu'elle fixe à l'art. 13, al. 2, concernant l'entraide administrative. Cette norme de la LOC est formulée de manière aussi générale que l'art. 32, al. 2, LBA. Il ressort de ces dispositions à la formulation presque identique que les Offices centraux de police criminelle et le bureau de communication peuvent transmettre des données à des autorités étrangères lorsque ces données sont nécessaires à la lutte contre les phénomènes criminels relevant de leur domaine de compétence, plus précisément à la prévention ou à l'élucidation de ces phénomènes.

Sur la base de ces consignes formulées de manière très générale, les Offices centraux de police criminelle et le bureau de communication ont développé, en raison de la similitude de leurs tâches, une pratique axée sur les mêmes principes généraux de l'entraide administrative policière. Pour les Offices centraux de police criminelle, le législateur a concrétisé dans la loi du 12 juin 2009 sur l'échange d'informations Schengen (LEIS)19 quelques-uns de ces principes, qui s'appliquent également au rapport juridique entre les autorités policières des Etats de l'espace Schengen. Des renvois complémentaires à la LEIS se révèlent ainsi utiles à la compréhension de la pratique du bureau de communication en matière d'entraide administrative, bien que cette loi ne s'applique pas directement au bureau de communication.

Principe de disponibilité Selon les prescriptions du GAFI, les CRF sont responsables, au niveau national, de la réception et de l'analyse des communications de soupçons des intermédiaires financiers et doivent échanger entre elles les éléments à leur disposition dans le cadre de l'entraide administrative (cf. ch. 1.1.2). Le Groupe Egmont a confirmé ce principe de disponibilité en appelant dans ses documents de base à un échange efficace et sans formalité des
informations disponibles dans le respect de la solidarité de groupe et du principe de la réciprocité.

Comme nous l'avons exposé plus haut, le bureau de communication peut, conformément à l'art. 32 LBA, échanger les données dont il dispose avec ses homologues étrangers, les CRF, dans le cadre de l'entraide administrative. Cela est valable que les CRF en question soient membres ou non du Groupe Egmont. Le législateur n'a précisé, dans la LBA, le contenu des données à échanger que dans la mesure où elles doivent servir à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Cela signifie que le bureau de communication peut et doit aujourd'hui déjà échanger les informations dont il dispose.

On considère comme directement disponibles les informations se trouvant dans les importantes banques de données à caractère personnel exploitées par les CRF. Pour le MROS, font partie de la catégorie des données immédiatement disponibles la 18 19

RS 360 RS 362.2; cette loi se fonde sur la décision-cadre 2006/960/JAI du Conseil du 18 décembre 2006 relative à la simplification de l'échange d'informations et de renseignements entre les services répressifs des Etats membres de l'Union européenne, JO L 386 du 29 décembre 2006, p. 89.

6459

plupart des données qu'il détient suite à des communications de soupçons et qu'il traite dans sa propre banque de données GEWA20. Sont considérées comme informations indirectement disponibles les données personnelles auxquelles l'autorité fournissant les informations n'a pas accès, mais qu'elle peut se procurer aisément auprès des entités publiques ou privées qui les détiennent21. C'est notamment le cas pour toutes les banques de données de police exploitées par fedpol et que le MROS peut directement consulter en ligne. Autre exemple, le MROS peut également consulter en ligne le casier judiciaire informatisé (VOSTRA) exploité par l'Office fédéral de la justice.

Le principe de disponibilité constitue le point de départ de l'entraide administrative entre les autorités de poursuite pénale des Etats Schengen.

Exceptions au principe de disponibilité Ne peuvent faire l'objet de l'échange d'informations dans le cadre de l'entraide administrative ou plus simplement de l'entraide en matière d'informations les données qui ne sont ni directement ni indirectement disponibles auprès du service fournissant les informations, si bien que celui-ci doit d'abord les obtenir par le recours à des moyens de contrainte prévus par le droit de procédure, sur ordre des autorités de justice et d'administration de la justice22. Ne sont pas disponibles les demandes de consultation de dossiers de procédure ou de production d'informations en vue de leur exploitation dans une procédure relevant de la compétence de la justice23.

Le même principe s'applique aux informations jouissant d'une protection légale particulière telle que le secret bancaire (art. 47 de la loi fédérale du 8 novembre 1934 sur les banques et les caisses d'épargne; LB)24, le secret professionnel des avocats (art. 321 du code pénal; CP)25 ou le secret de fabrication (art. 162 CP), protection que les services fournissant les données n'ont pas la compétence de lever26. Les employés de la Confédération ne sont certes pas soumis au secret professionnel des avocats, au secret de fabrication ni au secret bancaire. Ils sont toutefois tenus, en vertu du secret de fonction, de garder le secret sur tout ce qui n'est pas connu ni accessible au grand public et que le bureau de communication ou des tiers ayant des rapports juridiques avec le bureau de communication
souhaiteraient conserver secret et considèrent comme étant protégé par l'obligation de garder le secret.

Les informations financières font notamment partie des informations protégées par l'obligation de garder le secret. Il s'agit de toutes les informations concrètes relatives à l'intermédiaire financier qui est à l'origine de la communication de soupçons (par ex. le nom de son entreprise) et des données concrètes liées à la communication qui concernent les numéros de comptes bancaires, les transactions de capitaux, les soldes de comptes, les parties contractantes, les noms des ayants droit ou encore les autres comptes concernés. La transmission de telles données à des CRF étrangères a des répercussions sur la situation juridique des intermédiaires financiers et de leurs 20 21 22 23 24 25 26

Cf. art. 23, al. 3, LBA.

Cf. ATF 133 IV 271, cons. 2.5 (Pra 97, no 59, 2008).

Cf. art. 2, al. 2, LEIS.

Cf. art. 75a de la loi du 20 mars 1981 sur l'entraide pénale internationale (EIMP; RS 351.1).

RS 952.0 RS 311.0 Cf. art. 2, al. 2, LEIS.

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clients. Pour ce qui est de ces informations, le MROS est de ce fait soumis au secret de fonction.

C'est seulement dans la mesure où la communication de cette catégorie de données à une autorité étrangère est prévue par la loi de manière suffisamment précise que le MROS n'est plus tenu de garder le secret. Contrairement aux dispositions en matière d'entraide administrative que l'on trouve dans d'autres lois27, la réglementation très générale formulée à l'art. 32 LBA ne prévoit pas expressément la communication d'informations financières protégées par l'obligation de garder le secret à une autorité étrangère (l'art. 13 LOC est formulé de manière tout aussi générale). Par conséquent, le bureau de communication a régulièrement renvoyé, au cours de sa longue pratique, ses homologues à la voie de l'entraide judiciaire lorsqu'il s'agissait de communiquer des informations financières.

Comme le montrent les délibérations du Conseil des Etats concernant les recommandations révisées du GAFI lors de la session d'automne 2008, la pratique qui est celle du bureau de communication depuis de longues années, et qui consiste à ne jamais transmettre d'informations financières à ses partenaires étrangers dans le cadre de l'entraide administrative, correspond à la volonté du législateur28.

Cette volonté du législateur de la LBA se manifeste également dans le fait que la primauté de la protection légale du secret a depuis lors aussi été ancrée expressément dans la LEIS. La LEIS, qui n'est pas directement applicable pour le bureau de communication, interdit expressément aux autorités suisses de poursuite pénale de transmettre des informations qui impliquent l'emploi de moyens de contrainte prévus par le droit de procédure ou qui sont protégées par le droit national29.

Principe de finalité Selon l'art. 32, al. 2, LBA, la transmission d'informations à des autorités étrangères doit se faire conformément au principe de finalité relevant de la législation relative à la protection des données30. L'importance de la finalité, également exigée par le Groupe Egmont, est due au fait que selon ce dernier les informations ne peuvent être transmises que pour des analyses visant à confirmer ou à contrôler la plausibilité de soupçons de blanchiment d'argent et de ses infractions préalables, de financement du terrorisme ou de crime
organisé31.

Voies de droit En plus de s'appliquer aux domaines du blanchiment d'argent et du financement du terrorisme, le principe de finalité doit garantir que l'entraide administrative entre les CRF se limite à des activités d'analyse et à la préparation de procédures pénales.

Pour des objectifs inaccessibles par le biais de l'entraide administrative entre les autorités policières et les CRF, comme la mise en accusation formelle et l'administration des preuves, il est obligatoire de passer par la procédure d'entraide judiciaire prévue à cet effet. L'entraide judiciaire est un processus administratif indépendant, 27

28 29 30 31

Cf. art. 38, al. 3, de la loi du 24 mars 1995 sur les bourses (LBVM; RS 954.1) et art. 42, al. 4, de la loi du 22 juin 2007 sur la surveillance des marchés financiers (LFINMA; RS 956.1).

Cf. BO 2008 E 674 Art. 2, al. 2, LEIS.

Art. 4, al. 3 de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD; RS 235.1).

Cf. aussi art. 1, al. 1, let. a et 6b, al. 1, let. a, LEIS.

6461

qui est conduit par les autorités de justice ou d'administration de la justice spécifiquement compétentes dans le domaine; contrairement à l'entraide administrative entre autorités policières et entre CRF, qui a lieu essentiellement de manière informelle, l'entraide judiciaire accorde des droits procéduraux et des possibilités de recours envers des mesures ordonnées par la direction de la procédure.

Bien que les personnes concernées par l'échange d'informations entre CRF dans le cadre de l'entraide administrative ne disposent des droits de procédure qu'à partir du moment où une procédure judiciaire formelle est lancée, l'échange préalable de données personnelles par le biais du bureau de communication ne se déroule pas pour autant dans une zone de non-droit. Au contraire, tout échange d'informations personnelles dans le cadre de l'entraide administrative est qualifié de traitement de données au sens de l'art. 3, let. e, de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD)32, traitement qui inclut explicitement la transmission d'informations. La transmission dans le cadre de l'entraide administrative doit dès lors s'effectuer dans le respect des dispositions de la législation relative à la protection des données33 et sous le contrôle des organes définis par la loi34. Ces derniers surveillent systématiquement que les échanges d'informations se déroulent selon les principes généraux régissant le traitement des données, à savoir les principes de nécessité, d'exactitude, de sécurité et de finalité. Cela implique que le bureau de communication tienne à jour les collections de données en sa possession, qu'il corrige les données incomplètes et qu'il efface les données personnelles devenues inutiles.

Interdiction de transmettre et d'exploiter des données sans autorisation Les informations reçues dans le cadre de l'entraide administrative entre les CRF ne peuvent ni être exploitées directement comme preuves, ni être retransmises à des tiers dans le but d'engager des procédures diverses sans autorisation préalable de la CRF ayant fourni les données35. S'il devait s'avérer que des informations étaient demandées par le service requérant dans le but d'être exploitées directement comme éléments de preuve dans une procédure, le bureau de communication refuserait la transmission.

Afin de réduire
entre autres un risque de contournement de l'interdiction d'exploiter des éléments de preuve, les informations entre les CRF sont toujours échangées sous forme de rapport. Les originaux des documents ou les copies de ces derniers ne sont jamais retransmis par le bureau de communication à d'autres CRF, puisque ces documents ne sont nécessaires ni pour le travail d'analyse de la CRF requérante, ni pour l'ouverture d'une procédure pénale. Ce n'est que lorsque la procédure pénale atteint le stade de la production des preuves qu'il devient absolument nécessaire de produire des documents originaux en vue de l'administration des preuves. Les auto32 33

34

35

RS 235.1 Explicitement mentionné à l'art. 2, al. 3, LEIS. Cf. également le message du Conseil fédéral du 19 novembre 2008 relatif à l'arrêté fédéral portant approbation et mise en oeuvre de l'échange de notes entre la Suisse et l'Union européenne sur la reprise de la décision-cadre 2006/960/JAI relative à la simplification de l'échange d'informations entre les services répressifs (développement de l'acquis de Schengen), FF 2008 8142.

Cf. art. 2, al. 3, et 14 LEIS. Cf. également l'art. 2, al. 2, let. c, LPD et les commentaires qui s'y rapportent dans Maurer-Lambrou Urs/Kunz Simone: Basler Kommentar zum Datenschutzgesetz des Bundes, 2e édition, note 37 concernant l'art. 2.

Principes pour l'échange d'informations, par. D. 12., sur www.egmontgroup.org/library/download/5. Cf. également art. 6b, al. 1, let. c, LEIS.

6462

rités de justice chargées d'instruire l'affaire doivent alors demander ces documents par la voie de l'entraide judiciaire.

L'obligation d'autorisation et l'interdiction d'exploiter font partie des principes élémentaires du Groupe Egmont (cf. ch. 1.1.4) et sont appliqués par le MROS depuis qu'ils existent. Lors de chaque transmission d'informations dans le cadre de l'entraide administrative, le bureau de communication rappelle systématiquement aux services partenaires à l'étranger l'importance de ces principes obligatoires par le biais d'un «Disclaimer» (cf. commentaire de l'art. 30, al. 4 pour ce qui est contenu du «Disclaimer»). Si une CRF étrangère devait transmettre à des tiers des informations en provenance du MROS en violation de l'obligation d'autorisation ou de l'interdiction d'exploiter, les avocats de la partie incriminée pourraient, au moment de la consultation des pièces, se rendre compte de cette violation sur la base du «Disclaimer» et, dans le cas d'un contournement de l'entraide judiciaire, contester la validité des pièces obtenues de manière illégale.

Un incident de ce type entre des CRF représenterait une rupture de confiance qui donnerait droit au MROS de mettre un terme de manière unilatérale à toute entraide administrative avec la CRF fautive et de ne reprendre les échanges qu'à partir du moment où des mesures aptes à rétablir la confiance et à empêcher toute récidive avec suffisamment de garanties seraient prises. En tant que membre du Groupe Egmont, le MROS pourrait également introduire une procédure de non-conformité contre le membre fautif.

Interdiction des investigations non ciblées («fishing expeditions») En ce qui concerne l'octroi sur demande de l'entraide administrative et l'échange d'informations spontané, il convient de souligner que la Suisse a toujours exigé, en matière d'assistance administrative, le respect de certaines conditions minimales pour ce qui est de la transmission de données personnelles aux seules fins de recherche de preuves.

Afin d'éviter les opérations d'investigation non ciblées ­ aussi appelées «fishing expeditions», dont le seul but est de rechercher des preuves, le MROS demande toujours que la CRF requérante démontre dans quelle mesure sa demande présente un lien avec la Suisse. Un tel lien est par exemple établi lorsque des valeurs
patrimoniales sont déposées en Suisse, que des sociétés y ont installé leur siège social ou que des particuliers y ont élu domicile, que des citoyens suisses sont impliqués ou que des informations de police indiquent un lien avec la Suisse. Si aucun lien avec la Suisse n'est établi, le MROS n'entre pas en matière sur la demande. Le Groupe Egmont exige également que les CRF requérantes motivent de manière suffisante leurs demandes. Le législateur a par ailleurs créé des normes interdisant des requêtes aux fins de recherches de preuves dans la législation concernant l'entraide administrative policière36.

36

Cf. art. 13, al. 2, let. a, LOC et art. 12, al. 1, let. c, LEIS.

6463

1.1.7

Prescriptions du GAFI concernant l'entraide administrative

En ce qui concerne l'échange d'informations par la voie de l'entraide administrative, les dispositions applicables sont les recommandations 40 et 29 ainsi que les notes interprétatives qui s'y rapportent.

Recommandation 40 Cette recommandation du GAFI règle l'échange international d'informations entre les autorités compétentes en matière de lutte contre le blanchiment d'argent, les actes préalables au blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Le principe général de la recommandation 40 est que ces autorités coopèrent et échangent des informations de manière rapide et efficace. La concrétisation de ce principe et l'interprétation de la recommandation 40 sont exposées dans sa note interprétative.

Les notes interprétatives sont tout aussi contraignantes que les recommandations.

Celle qui concerne la recommandation 40 exclut du droit national les prescriptions déraisonnables ou indûment restrictives qui risqueraient de vider de son sens l'objectif de coopération. Selon le par. A. 2. [b] de la note modifiée en février 2012, cette catégorie comprend les prescriptions nationales qui obligeraient une autorité requise à refuser des demandes d'entraide administrative en invoquant l'obligation de garder le secret. Le par. A. 9. établit en outre désormais de manière explicite que l'échange d'informations entre les CRF doit se faire selon le principe de disponibilité (cf. ch. 1.1.6), c'est-à-dire que les CRF doivent être en mesure d'échanger toutes les informations dont elles disposent directement ou indirectement. Cela inclut aussi les informations financières, nommées explicitement dans la recommandation 29. La nouvelle note interprétative de la recommandation 40 est formulée comme suit: «Les CRF devraient avoir le pouvoir d'échanger a) toutes les informations accessibles à la CRF ou pouvant être obtenues par la CRF, directement ou indirectement, en vertu des recommandations du GAFI, en particulier de la recommandation 29; b) toutes autres informations auxquelles elles peuvent avoir accès ou qu'elles peuvent obtenir, directement ou indirectement, au niveau national, sous réserve du principe de réciprocité.»37 Il apparaît donc clairement que la CRF suisse ne peut pas continuer à exclure les informations financières de l'entraide administrative avec les CRF sans enfreindre les normes du GAFI,
sachant que cette pratique repose sur une obligation de garder le secret ancrée dans le droit national.

Recommandation 29 Les points clés exposés dans l'ancienne recommandation 26 et la nouvelle recommandation 29 concernent entre autres l'accès des CRF aux informations nécessaires à l'exercice de leurs fonctions.

L'ancienne recommandation 26 du GAFI énonçait que les CRF devaient pouvoir, dans la mesure où leur droit national le permettait, intervenir activement pour obtenir des informations auprès des intermédiaires financiers: «Les pays devraient mettre en place une CRF qui serve de centre national pour recueillir (et, dans les cas prévus, de solliciter), analyser et transmettre les déclarations d'opérations suspec37

www.fatf-gafi.org/fr/themes/recommandationsgafi/documents/ recommandations2012.html.

6464

tes et d'autres informations concernant les actes susceptibles d'être constitutifs de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.»38 La formulation «dans les cas prévus, de solliciter» laissait aux membres du GAFI une certaine marge de manoeuvre en faveur du droit national concernant l'interprétation et la mise en oeuvre.

Selon la nouvelle recommandation 29 et la note interprétative qui s'y rapporte, les CRF doivent pouvoir collecter des informations supplémentaires auprès des intermédiaires financiers. Il n'est plus possible désormais d'invoquer une réserve due au droit national. L'idée de base est que les CRF ne sont en mesure d'exercer correctement leur fonction principale c'est-à-dire l'analyse d'informations financières que si elles ont accès à toutes les informations nécessaires. La recommandation 29 est formulée comme suit: «La CRF devrait pouvoir obtenir des informations supplémentaires des entités déclarantes et devrait avoir accès en temps opportun aux informations financières, administratives et aux informations des autorités de poursuite pénale nécessaires pour exercer correctement ses fonctions»39. Il ressort déjà aujourd'hui clairement de cette formulation que le bureau de communication devra être en mesure d'obtenir auprès des intermédiaires financiers les informations dont il a besoin pour remplir efficacement ses tâches.

1.1.8

Conflit d'interprétation entre le bureau de communication et le Groupe Egmont

Comme exposé ci-dessus (cf. ch. 1.1.6), les dispositions légales concernant le secret bancaire et le secret de fonction interdisent au bureau de communication suisse d'échanger avec d'autres CRF certaines informations financières issues de communications d'intermédiaires financiers qui sont en sa possession. Au sein du Groupe Egmont, ce fait lui a régulièrement valu des critiques de la part d'autres CRF.

Si l'ancienne note interprétative de la recommandation 40 n'englobait pas encore explicitement toutes les informations disponibles, le GAFI confirme par sa modification un principe que le Groupe Egmont avait déjà formulé en 2001 mais que la Suisse n'était pas en mesure de reconnaître étant donné sa divergence manifeste par rapport aux prescriptions du GAFI. Ce principe est le suivant: toute prescription nationale qui exclut fondamentalement la transmission, dans le cadre de l'entraide administrative, de certaines catégories d'informations importantes pour l'analyse de transactions financières, doit être qualifiée d'indue40. Le conflit d'interprétation entre la Suisse et le Groupe Egmont n'a pu être désamorcé qu'avec l'entrée en vigueur des recommandations révisées du GAFI.

La Suisse a toujours insisté sur le fait que les prescriptions relatives au maintien du secret inscrites dans son droit national primaient sur les principes susmentionnés du Groupe Egmont visant à encourager un échange direct, informel et donc plus efficace des informations (cf. ch. 1.1.4). Face aux critiques du Groupe Egmont, le bureau de communication justifiait cette primauté par le fait que la «Déclaration de mission» du groupe reconnaissait expressément que l'échange d'informations entre ses CRF pouvait être soumis à des conditions et charges supplémentaires réservées par 38 39 40

www.fatf-gafi.org/documents/repository/40recommendations.html.

Ibid.

Principes pour l'échange d'informations, par. B. 7. et C. 9.

6465

le droit national. Le bureau de communication a par ailleurs expliqué qu'il ne laissait pas les demandes concernées sans réponse, mais que dans les cas où il renvoyait ses partenaires étrangers à la voie de l'entraide judiciaire, il leur indiquait toujours le ministère public compétent du point de vue géographique et technique.

Lorsqu'il est devenu clair que le GAFI s'apprêtait à intégrer de manière explicite dans ses recommandations l'échange de toutes les informations disponibles auprès des CRF tel que le préconisait le Groupe Egmont (cf. recommandation 40, ch. 1.1.7), le conflit d'interprétation s'est conclu par l'envoi d'un courrier officiel daté du 19 juillet 2010 par le président du Groupe Egmont au bureau de communication.

Selon ce courrier, le fait que le bureau de communication, qui fait le lien entre les milieux financiers et les autorités de poursuite pénale, soit le seul membre à ne pas partager ses informations financières avec les autres CRF du groupe ­ alors que cet échange constitue justement la tâche principale de toute CRF ­ est en contradiction avec le but et les principes du Groupe Egmont. Il y est mentionné en outre que l'invocation par le bureau de communication du secret bancaire en tant que principe national vide de leur sens les principes de base du groupe, ce que la seule invocation d'une réserve de droit national dans la «Déclaration de mission» du Groupe Egmont ne suffit pas à justifier. Le fait est que le MROS est la seule CRF qui refuse, dans le cadre de l'entraide administrative, de manière générale et intégrale l'échange d'informations financières en sa possession (cf. ch. 1.5, Comparaison avec le droit étranger).

Le groupe a en outre résolument contesté le principe du renvoi à la voie de l'entraide judiciaire pratiqué par le bureau de communication. Il a défendu le point de vue selon lequel les recommandations du GAFI et les principes du Groupe Egmont se basent justement sur l'obligation pour les CRF d'échanger les informations financières indispensables à l'exercice de leur fonction principale par la voie de l'entraide administrative à des fins d'analyse et de mise en route de futures procédures pénales, et cela avant que les autorités judiciaires soient en mesure de se soutenir mutuellement dans le cadre de l'entraide judiciaire pour procéder à l'administration
des preuves en tant que telle.

Le courrier du Groupe Egmont du 19 juillet 2010 a donné suite à divers contacts et discussions entre les services compétents du Département fédéral de justice et police (DFJP) et le comité du Groupe Egmont. Dans ce contexte, la Suisse a exposé clairement qu'au vu de la réglementation légale formelle du secret bancaire, la transmission d'informations financières dans le cadre de l'entraide administrative telle que l'exigeait le Groupe Egmont nécessiterait une adaptation du droit suisse au niveau de la loi, processus qui relève de la compétence des Chambres fédérales. La Suisse a donc annoncé son intention d'examiner les adaptations législatives nécessaires pour la mise en oeuvre des demandes du Groupe Egmont dans la foulée d'une adaptation générale de la législation suisse aux prescriptions partiellement révisées du GAFI et de la révision prévue de la recommandation 40. Le Groupe Egmont a cependant catégoriquement rejeté l'idée d'attendre cette adaptation générale. Il a motivé son refus avec l'argument temporel, toujours contesté par la Suisse, que le MROS, en retenant des informations financières disponibles, viderait de leur sens des principes de son groupe déjà en vigueur avant la révision. Il a demandé au Conseil fédéral et aux Chambres fédérales de mettre fin immédiatement à cette situation.

6466

1.1.9

Avertissement de suspension adressé par le Groupe Egmont au bureau de communication

Suite à ces échanges, le comité du Groupe Egmont a été informé du fait que la cheffe du DFJP avait chargé fedpol par courrier du 20 juin 2011, après consultation de l'ensemble du Conseil fédéral, d'engager le processus d'élaboration des bases légales nécessaires et d'instituer un groupe de travail interdépartemental. Le Groupe Egmont a cependant considéré que les assurances données par la Suisse à ce propos étaient trop peu concrètes. Il a donc décidé, malgré les protestations du représentant de fedpol, qui avait été entendu, de proposer à l'organe décisionnel du groupe (c'està-dire aux chefs des CRF [Heads of FIU]), lors de l'assemblée plénière de juillet 2011, de prononcer un avertissement de suspension à l'intention du bureau de communication suisse dans le cadre d'une procédure de non-conformité ouverte contre lui pour violation de principes fondamentaux du Groupe Egmont.

Cet avertissement a été assorti d'un délai d'une année, ce qui signifie que le bureau de communication doit prouver d'ici à juillet 2012 que la Suisse a engagé le processus législatif nécessaire. Lors de la séance plénière du Groupe Egmont du 13 juillet 2011, le représentant de fedpol a eu l'occasion d'exposer le fait que cette mise en route du processus législatif exigé par le Comité Egmont était déjà effective du point de vue de la Suisse, puisque la cheffe du DFJP avait institué un groupe de travail et lui avait donné un mandat en ce sens. Le Comité Egmont a néanmoins décidé de maintenir sa proposition de prononcer un avertissement de suspension, expliquant que le processus législatif ne pouvait être considéré comme engagé qu'une fois qu'il avait dépassé le «stade interne». Après une longue discussion, les chefs des CRF se sont ralliés au comité et ont prononcé l'avertissement de suspension assorti du délai conformément à la demande du comité. Le président du Groupe Egmont a communiqué cette décision au bureau de communication par lettre officielle du 19 juillet 2011.

1.1.10

Intérêt de la Suisse au maintien de son statut de membre au sein du Groupe Egmont

Une suspension et a fortiori une exclusion du Groupe Egmont aurait de fâcheuses conséquences pour le bureau de communication, à savoir la perte de son droit de vote au sein de ce groupe. Le bureau de communication perdrait également le droit d'accéder au serveur sécurisé du Groupe Egmont (Egmont Secure Web). Certaines CRF ne seraient alors plus en mesure d'échanger des informations avec lui. Le travail d'analyse du bureau de communication, qui comporte une forte dimension internationale, subirait une perte d'efficacité considérable. De plus, le bureau de communication perdrait le droit de participer à l'élaboration des principes et des meilleures pratiques pour l'échange d'informations entre CRF. Une suspension signifierait également que le bureau de communication n'aurait plus la possibilité d'invoquer les instruments du Groupe Egmont pour rappeler à l'ordre les CRF qui ne respectent pas les règles de traitement correct et confidentiel des informations échangées.

Une suspension du bureau de communication au terme de quatorze ans d'association au Groupe Egmont pourrait en outre porter préjudice à la réputation de la place financière suisse. Comme nous l'avons déjà exposé plus haut (cf. ch. 1.1.5), il est 6467

important pour toute place financière d'avoir une CRF qui fasse partie du Groupe Egmont parce que le statut de membre lui confère une sorte de label de qualité; l'appartenance au Groupe Egmont est d'ailleurs un critère important lors des évaluations périodiques par le GAFI des dispositifs mis en place par les places financières nationales pour lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

1.2

La nouvelle réglementation proposée

1.2.1

L'échange d'informations avec les CRF étrangères comme principal objectif

Le bureau de communication ne transmet pas d'informations financières protégées par l'obligation de garder le secret à des autorités partenaires étrangères. Cette pratique systématique ne peut pas être changée par la seule nouvelle interprétation de l'art. 32 LBA. Il faudrait pour cela au contraire une réglementation explicite dans une loi formelle qui en détermine suffisamment les conditions (cf. ch 1.1.6).

La modification proposée de la loi sur le blanchiment d'argent doit permettre de régler explicitement les compétences du bureau de communication en matière d'échange d'informations avec ses homologues à l'étranger. Il s'agit de permettre la transmission de toutes les informations dont dispose le bureau de communication par la voie de l'entraide administrative, et partant aussi les informations financières.

Ainsi il sera possible de répondre aux exigences en matière de législations nationales découlant des recommandations révisées 40 et 29 du GAFI et de mettre en oeuvre les principes définis par le Groupe Egmont concernant l'échange d'informations entre CRF (cf. ch. 1.1.4).

Avec la nouvelle réglementation, l'entraide administrative du bureau de communication ­ qui se base sur la LOC et sur la LEIS par le biais de l'art. 32 LBA ­ sera soumise à une lex specialis qui rendra transparents les aspects essentiels de la collaboration du MROS avec ses homologues étrangers et réglementera cette collaboration de manière suffisamment précise et adaptée aux besoins. Ceci permettra d'assurer que hormis l'abandon sectoriel du secret bancaire, l'on ne déviera pas des principes suisses avérés de l'entraide administrative entre les autorités de police et entre les bureaux de communication. Par ce projet de loi, le législateur rend transparents les mécanismes qui garantissent que les informations nécessaires à l'évaluation de preuves dans le cadre de procédures ne pourront être obtenues que par la voie de l'entraide judiciaire, qui assure des droits d'information et de défense aux personnes concernées. La nouvelle réglementation est valable aussi bien pour les contacts avec les CRF du Groupe Egmont qu'avec les bureaux de communication de tous les autres Etats.

1.2.2

Collecte d'informations auprès des intermédiaires financiers

Outre les objectifs principaux mentionnés concernant l'échange de toutes les informations disponibles, la nouvelle réglementation prévoit également d'améliorer la qualité et la précision des informations remises par les intermédiaires financiers au bureau de communication.

6468

Dans l'intérêt de la sécurité du droit, une pratique déjà existante sera inscrite dans la loi: le bureau de communication peut, si la communication de soupçons transmise est incomplète, demander des informations (financières) complémentaires auprès de l'intermédiaire financier qui l'a émise. Jusqu'à présent, la compétence de demander ce type d'informations découlait de l'art. 3 de l'ordonnance du 25 août 2004 sur le Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (OBCBA)41, mais aussi des objectifs du bureau de communication définis par la LBA, selon lesquels une communication de soupçons ne peut être correctement analysée par le bureau de communication que si ce dernier est en possession de toutes les informations nécessaires à cette fin.

Par ailleurs, la compétence du bureau de communication sera ponctuellement étendue afin qu'il puisse aussi demander des informations à d'autres intermédiaires financiers, c'est-à-dire à ceux qui ne sont pas eux-mêmes à l'origine d'une communication (ci-après «intermédiaires financiers tiers»). Cette adaptation répond aux exigences supplémentaires de la recommandation 29 du GAFI selon laquelle les CRF doivent pouvoir obtenir auprès des intermédiaires financiers les informations supplémentaires dont elles ont besoin pour exercer correctement leurs fonctions (cf.

ch. 1.1.7).

Cette extension doit néanmoins s'appliquer uniquement aux cas où le bureau de communication découvre au moment de l'analyse de la communication de soupçons que des intermédiaires financiers tiers sont impliqués dans une transaction ou une relation d'affaires suspecte. Un lien concret est ainsi toujours établi avec une opération suspecte déclarée au bureau de communication au sens de l'art. 9 LBA ou de l'art. 305ter, al. 2, CP. L'intermédiaire financier ne doit toutefois transmettre que les données dont il dispose déjà. Il y a lieu de noter que cette notion de disposition recouvre ici toutes les parties de la société de l'intermédiaire qui sont soumises à la juridiction suisse. En revanche, l'intermédiaire financier n'est pas tenu de recueillir des informations auprès de tiers.

1.2.3

Protocoles d'accord avec des CRF à l'étranger

Certaines CRF requièrent un protocole d'accord (memorandum of understanding) pour collaborer avec leurs homologues étrangers. Selon les principes définis par le Groupe Egmont, une CRF n'a pas le droit de s'opposer à la négociation et à la conclusion d'un tel accord42. La version révisée de la recommandation 40 du GAFI préconise elle aussi que dans les cas où un protocole d'accord est nécessaire entre autorités homologues, les négociations soient lancées le plus rapidement possible.

La recommandation a la teneur suivante: «Si une autorité compétente a besoin d'accords ou d'arrangements bilatéraux ou multilatéraux tels que des protocoles d'accord, ceux-ci devraient être négociés et signés en temps opportun avec le plus grand nombre possible d'homologues étrangers.43» Dans la note interprétative de sa recommandation 29, le GAFI va encore plus loin en demandant que les CRF soient habilitées à conclure des accords de ce type de manière indépendante. La note inter41 42 43

RS 955.23 Cf. à ce sujet: Egmont Group, Best Practices for the Exchange of Information Between Financial Intelligence Units, par. A. 5., sur www.egmontgroup.org/library/download/9.

www.fatf-gafi.org/fr/themes/recommandationsgafi/documents/ recommandations2012.html.

6469

prétative de la recommandation 29 a la teneur suivante: «En matière d'échange d'informations, la CRF devrait également être en mesure de conclure des accords ou de décider en toute indépendance de collaborer avec d'autres autorités compétentes nationales ou avec des homologues étrangers.44» La présente révision de la loi sur le blanchiment d'argent permettra de transférer cette compétence au bureau de communication, dans un souci de conformité aux recommandations 29 et 40 révisées du GAFI.

Selon le droit actuel, l'approbation de protocoles d'accord avec d'autres CRF relève de la compétence unique du Conseil fédéral. Une modification de cette réglementation des compétences apparaît comme opportune tant sur le plan juridique et rationnel que sur le plan administratif, étant donné que le Conseil fédéral n'aurait plus à traiter des protocoles purement techniques. Il faut souligner que, conformément au droit actuel, le bureau de communication n'a pas besoin d'un protocole d'accord pour échanger des informations avec des CRF et qu'il n'en conclura que si une CRF le requiert en vertu de son droit national. Le fait que la nouvelle réglementation, contrairement à la LBA en vigueur, décrive clairement et dans la loi au sens formel les tâches et les compétences du bureau de communication permet de garantir que ce dernier n'outrepassera pas ses compétences en cas de conclusion de protocole d'accord. Il est par ailleurs clair que les protocoles d'accord doivent être intégrés dans le cadre général de la politique extérieure et de la politique économique extérieure de la Suisse. La signature d'un protocole d'accord par le chef du bureau de communication, après approbation par la direction de fedpol, se fera par conséquent toujours après consultation du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) et du Secrétariat d'Etat aux questions financières internationales (SFI).

1.2.4

Rapport avec le projet législatif du Département fédéral des finances concernant la mise en oeuvre des nouvelles recommandations du GAFI dans le droit suisse

Généralités Comme nous l'avons mentionné au ch. 1.1.1, le GAFI a terminé en février 2012 une révision partielle de ses normes de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme qui avait débuté en octobre 2009. Le troisième cycle d'évaluation de la mise en oeuvre des recommandations du GAFI, qui s'est achevé en juin 2011, avait en effet mis au jour certains problèmes que ni l'adoption de directives ou de meilleures pratiques, ni des adaptations de la méthodologie d'évaluation n'étaient susceptibles de régler. C'est pourquoi il avait été décidé de procéder à une révision partielle des normes avant de lancer un quatrième cycle d'évaluation. La révision de 2012 vise à améliorer les recommandations en les rendant plus claires et aisées à mettre en oeuvre, tout en les adaptant aux nouveaux risques comme la lutte contre le financement de la prolifération des armes de destruction massive. Au final, plus de la moitié des 49 recommandations ont été maté-

44

Loc. cit., par. E. 11.

6470

riellement révisées. La structure a aussi fait l'objet d'une refonte. Désormais ces normes comprennent 40 recommandations45.

Le GAFI vérifie régulièrement la conformité à ses recommandations des dispositifs mis en oeuvre par ses Etats membres pour lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Le prochain cycle d'évaluation, qui sera consacré aux recommandations révisées ainsi qu'à l'efficacité des dispositifs, commencera fin 2013. Avant cette échéance, les Etats membres devront par conséquent avoir pris les mesures nécessaires pour mettre en oeuvre les recommandations révisées du GAFI.

Le 18 avril 2012, le Conseil fédéral a pris connaissance des résultats de la révision partielle des recommandations du GAFI et chargé un groupe de travail interdépartemental, dirigé par le Département fédéral des finances, de présenter, d'ici au premier trimestre 2013, des propositions de mise en oeuvre.

La révision partielle proposée de la loi sur le blanchiment d'argent n'anticipe pas sur les travaux de ce groupe de travail. En effet, la présente révision ne porte que sur deux aspects des recommandations 29 et 40 révisées du GAFI qui concernent directement le bureau de communication: la collecte d'informations supplémentaires auprès d'intermédiaires financiers et la transmission d'informations par le bureau de communication à des CRF.

La question de la ratification de la Convention no 198 du Conseil de l'Europe Le terrorisme n'est pas financé uniquement par le blanchiment d'argent provenant d'activités criminelles, il l'est aussi par des activités légales. C'est la raison pour laquelle le Conseil de l'Europe a décidé d'actualiser sa convention de 199046, que la Suisse a ratifiée en 1993, et d'en élargir la portée, en proposant la Convention no 198 du Conseil de l'Europe du 16 mai 2005 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme47 (entrée en vigueur le 1er mai 2008). Cette nouvelle convention est le deuxième instrument international, après la Convention des Nations Unies du 15 novembre 2000 contre la criminalité transnationale organisée48, à couvrir aussi bien la prévention que le contrôle du blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Selon ce traité, l'accès rapide à des données financières ou
à des informations sur des valeurs patrimoniales d'organisations criminelles ­ groupes terroristes inclus ­ est la clé de mesures préventives et répressives efficaces et, en fin de compte, le meilleur moyen de mettre un terme aux activités de ces groupes. Dans ce contexte, il est très important, pour le bureau de communication, de disposer pour la première fois, avec la convention no 198, d'un instrument international contraignant qui contient des prescriptions détaillées sur les tâches et les compétences d'une CRF49. L'art. 46, par. 5, de la convention précise en particulier, s'agissant de la coopération entre les CRF, que la CRF requise fournit toutes les informations pertinentes, y compris les 45 46 47

48 49

www.fatf-gafi.org/fr/themes/recommandationsgafi/documents/ recommandations2012.html.

Liste complète des traités du Conseil de l'Europe ­ no 141; sur http://conventions.coe.int/Treaty/en/Treaties/Html/141.htm.

Liste complète des traités du Conseil de l'Europe ­ no 198 «Convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment d'argent, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme» (Varsovie, 16.V.2005), sur http://conventions.coe.int/Treaty/en/Treaties/Html/198.htm.

RS 0.311.54 Art. 1, let. f, 2,14, 46 et 47 de la convention no 198.

6471

informations financières disponibles et les données des services répressifs demandées, sans qu'il soit nécessaire de présenter une demande formelle au titre des conventions ou accords applicables entre les Parties.

La Suisse n'a pas encore ratifié, ni signé, la convention no 198. La ratification nécessite notamment d'ériger, dans le droit suisse, le délit d'initiés et la manipulation des cours en infractions préalables au blanchiment de capitaux. Le 31 août 2011, le Conseil fédéral a adopté et soumis au Parlement le message relatif à la modification de la loi sur les bourses (délits boursiers et abus de marché)50, qui prévoit les adaptations nécessaires de la législation. L'art. 53, par. 2, de la convention prévoit que tout Etat ou l'Union européenne peut, au moment de la signature ou au moment du dépôt de son instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion, par une déclaration adressée au Secrétaire général du Conseil de l'Europe, déclarer qu'il n'appliquera pas, en tout ou en partie, les dispositions de l'art. 46, par. 5. Une modification de la LBA au sens du présent projet (compétence de transmettre des informations financières disponibles) permettrait cependant à la Suisse de ratifier la convention no 198 sans formuler de réserve sur ce point.

1.3

Appréciation de la solution retenue

1.3.1

Autres options examinées

Rejet du projet Le fait qu'en raison du secret bancaire et du secret de fonction suisses, le bureau de communication ne soit pas habilité à transmettre des informations financières à ses homologues étrangers dans le cadre de l'entraide administrative a des répercussions négatives pour tous les organes engagés dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, dont la Suisse. En effet, plusieurs bureaux de communication étrangers appliquent le principe de réciprocité et ne fournissent aucune information financière au bureau de communication suisse. Ainsi, de l'avis du Conseil fédéral, il est donc dans l'intérêt de la Suisse de mettre fin prochainement aux obstacles que le secret bancaire constitue à l'exécution de l'entraide administrative et de donner au bureau de communication les moyens de participer pleinement à l'échange de toutes les données disponibles. Ainsi, dès l'instant où il fournira luimême des informations financières, le bureau de communication pourra, en échange, recevoir aussi ce type d'informations de la part de ses homologues étrangers, les CRF. Il pourra ainsi agrandir sa base de données et, partant, améliorer la qualité de ses analyses ainsi que l'efficacité et la crédibilité de la place financière suisse.

De même, le Conseil fédéral estime qu'il serait politiquement irréalisable de rejeter le projet eu égard à l'importance que le GAFI accorde à la qualité de membre des CRF au sein du Groupe Egmont dans son appréciation du dispositif global qu'une place financière offre dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (cf. ch. 1.1.5): étant donné que le MROS est effectivement la seule CRF du groupe à rejeter d'une manière générale et totale l'échange d'informations financières (cf. ch. 1.5, Comparaison avec le droit étranger), il faudrait s'attendre, si le projet n'est pas adopté par les Chambres fédérales, à ce que l'organe décisionnel des membres du Groupe Egmont suspende le bureau de communication suisse dans 50

FF 2011 6329

6472

le cadre de la procédure de non-conformité introduite contre lui. Le bureau de communication pourrait même être exclu plus tard du Groupe Egmont.

Report jusqu'à l'adaptation du droit suisse au projet global du GAFI Comme nous l'avons mentionné, le Groupe Egmont a rejeté catégoriquement le souhait de la Suisse d'attendre l'adaptation globale du droit suisse aux nouvelles recommandations du GAFI et a réaffirmé avec force sa position selon laquelle le législateur suisse devait mettre immédiatement fin à l'érosion des principes du groupe, en vigueur de longue date. Dans ce contexte, les chefs des CRF (Heads of FIU) ont donc assorti l'avertissement prononcé à l'encontre du MROS d'une contrainte, posée par le comité, selon laquelle la Suisse avait un an, c'est-à-dire jusqu'en juillet 2012, pour engager le processus législatif nécessaire (cf. ch. 1.1.9).

En présentant le projet aux Chambres fédérales dans le délai prescrit par le Groupe Egmont, le Conseil fédéral préserve sa marge de manoeuvre politique.

La question de l'introduction de droits procéduraux Ainsi que nous l'avons déjà exposé, l'échange de données personnelles par les CRF ne se déroule pas dans une zone de non-droit. En effet, du point de vue juridique, l'échange de données personnelles dans le cadre de l'entraide administrative constitue un traitement de données se déroulant sous la surveillance des organes de contrôle en matière de protection des données. Ceux-ci veillent d'office, mais aussi sur demande des personnes concernées, à ce que les principes de traitement applicables en matière de protection des données soient respectés (cf. ch. 1.1.6, Protection juridique).

Malgré tout, diverses voix se sont élevées au cours de la procédure de consultation pour demander que la transmission d'informations financières dans le cadre de l'entraide administrative par le bureau de communication soit en outre soumise à des droits procéduraux et à des possibilités de recours. Il a ainsi été demandé qu'un mécanisme analogue à celui appliqué à la procédure d'entraide judiciaire soit mis en place, notamment que le consentement du MROS, requis pour la transmission d'informations à des autorités tierces, soit avalisé par une autorisation de l'Office fédéral de la justice.

De l'avis du Conseil fédéral, l'introduction de mécanismes d'autorisation et de
droits procéduraux irait à l'encontre des principes de l'entraide administrative policière et d'une pratique d'entraide administrative éprouvée, qui ne servent qu'à procéder à des analyses dans le but de constituer des soupçons, sans préjuger du résultat d'une procédure d'entraide judiciaire ou d'une procédure pénale ultérieures éventuelles. C'est seulement dans le cadre de cette procédure ultérieure que les participants à la procédure peuvent user de l'ensemble des droits procéduraux qui leur sont octroyés en vertu du droit applicable. L'introduction de tels mécanismes et de droits procéduraux rendrait la pratique du bureau de communication en matière d'entraide administrative bien plus compliquée que le statu quo. De plus, l'objectif premier du projet, à savoir l'augmentation de l'efficacité et de la crédibilité du dispositif suisse contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, en pâtirait.

La procédure d'entraide judiciaire serait possible non seulement en relation avec des informations financières, mais aussi avec toutes les catégories d'informations disponibles. Or cela irait davantage encore à l'encontre des principes du Groupe Egmont, 6473

qui s'oppose déjà avec véhémence au seul fait que le bureau de communication renvoie à la procédure d'entraide judiciaire en relation avec les informations financières. L'introduction de procédures de recours pour l'ensemble de la transmission des informations par le MROS serait à coup sûr interprétée comme une provocation par le Groupe Egmont et par le GAFI. Comme nous l'avons dit plus haut, ces deux organes accordent la plus haute importance au fait que les CRF puissent échanger par la voie de l'entraide administrative toutes les informations qui sont nécessaires à l'exercice de leur activité, à des fins d'analyse et d'introduction de procédures pénales futures, avant d'en arriver dans le cadre de l'entraide judiciaire à un soutien réciproque des autorités de justice dans le but de l'administration proprement dite des preuves dans le respect des droits procéduraux des parties (cf. ch. 1.1.2). En outre, il convient de tenir compte du facteur selon lequel à l'égard du Groupe Egmont, après l'entrée en vigueur de la version révisée de la recommandation 40 du GAFI, il n'est plus possible de contester le fait que l'obligation de recourir à l'entraide judiciaire est aussi devenue contraire aux normes pour ce qui est des informations financières.

S'agissant de la surveillance, requise par certains participants à la procédure de consultation, du bureau de communication par d'autres services administratifs comme l'Office fédéral de la justice, il ne faut pas oublier que ce genre d'exigences entrent aussi en conflit avec les normes du GAFI et du Groupe Egmont, qui veulent que les CRF bénéficient d'une large indépendance opérationnelle dans l'appréciation des cas individuels (cf. ch. 1.1.2).

Etant donné la pratique du MROS qui, pendant ses quatorze années d'existence, n'a dû constater aucune violation intentionnelle de ses charges ou conditions par des partenaires étrangers, le Conseil fédéral ne voit aucune raison d'accepter, ainsi qu'il a été demandé à plusieurs reprises, de rajouter des mécanismes de mise en oeuvre des prétentions de garantie, déjà considérables, à l'art. 30, al. 1, de ce projet (cf. commentaire de cette norme au ch. 2).

1.3.2

Avant-projet et résultat de la procédure de consultation

Prises de position reçues La procédure de consultation relative à l'avant-projet de modification de la loi fédérale sur le blanchiment d'argent a été ouverte par le Conseil fédéral le 18 janvier 2012 et a duré jusqu'au 27 avril 2012. Durant ce laps de temps, 55 prises de position sur l'objet de la consultation ont été envoyées (26 cantons, 4 partis, 22 autres organisations et milieux concernés)51.

Le projet législatif n'a été rejeté en tant que tel que par un participant. Plus de la moitié des participants soutiennent expressément la présente révision, qui vise à adapter les compétences du bureau de communication aux normes internationales et à éviter que le bureau ne soit exclu du Groupe Egmont.

La forme concrète du projet est approuvée sans réserve par 13 cantons, 2 partis et 5 organisations. Parmi ceux-ci, 10 cantons, 2 partis et 5 organisations ont approuvé 51

Le rapport de consultation est consultable sur Internet: www.bk.admin.ch/aktuell/vernehmlassung/index.html?lang=fr.

6474

sans réserve le contenu fondamental du projet (échange d'informations avec les bureaux étrangers de communication). Des réserves ont été émises par 19 participants (9 cantons, 2 partis et 8 associations économiques). 18 participants à la consultation souhaiteraient une adaptation d'autres aspects du projet. Le projet de loi a été rejeté dans sa totalité par 1 canton, 1 parti et 9 organisations économiques.

Les principales réserves Un grand nombre de participants demandent que l'entraide administrative internationale avec les CRF étrangères soit réglementée de manière plus claire et plus restrictive afin d'éviter les abus (contournement de la voie ordinaire de l'entraide judiciaire, recherche tous azimuts de preuves, échange automatique d'informations en matière fiscale).

L'UDC rejette totalement l'élargissement de l'entraide administrative entre le MROS et ses services homologues à l'étranger.

Plusieurs prises de position critiquent l'absence de possibilité, pour les personnes concernées, de s'opposer par voie de recours à la transmission de données à des CRF étrangères.

Par ailleurs, certains participants craignent que les informations provenant de Suisse qui ont été fournies à des CRF étrangères puissent parvenir à des autorités tierces étrangères alors que celles-ci auraient dû se les procurer par le biais de l'entraide administrative fiscale ou par la voie ordinaire de l'entraide judiciaire; cet aspect est mis en relation avec la question de savoir si les infractions fiscales doivent être considérées ou non comme des infractions préalables au blanchiment d'argent et si le projet ne pourrait pas avoir des conséquences négatives imprévisibles à ce sujet.

En ce qui concerne la nouvelle compétence du bureau de communication, qui pourrait désormais se procurer des informations auprès d'intermédiaires tiers, les critiques portent sur le fait que le bureau de communication passe de facto du statut de simple service de communication et d'analyse à celui d'autorité d'enquête (préliminaire).

Le fait que le bureau de communication puisse conclure de manière autonome des protocoles d'accord avec les CRF étrangères, compétence qui relève actuellement du Conseil fédéral, est critiqué comme allant trop loin, notamment pour ce qui est des CRF d'Etats ne pouvant être qualifiés d'Etats de droit et des CRF
qui ne sont pas membres du Groupe Egmont. Il est demandé que le Conseil fédéral conserve cette compétence.

Pour le reste, diverses réserves techniques, par exemple portant sur les délais, ont été émises.

1.3.3

Appréciation des résultats de la procédure de consultation

Le Conseil fédéral lie la présente révision de loi à l'objectif d'élargir la base de données du bureau de communication afin que ses analyses gagnent en qualité et que les moyens mis en oeuvre par la place financière suisse contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme gagnent en efficacité et en crédibilité. En

6475

outre, avec ce projet, le Conseil fédéral entend adapter le droit suisse aux normes internationales du GAFI et du Groupe Egmont.

Le fait que la majorité des participants à la procédure de consultation soutiennent cet objectif fondamental et que la grande majorité des cantons approuvent le projet renforce le Conseil fédéral dans son opinion, à savoir maintenir le projet, malgré le rejet d'un parti politique majeur.

Une modification substantielle du projet s'imposerait si le Conseil fédéral était entré en matière sur l'exigence formulée à plusieurs reprises concernant les droits procéduraux et les possibilités de recours. Pour les raisons exposées plus haut (cf.

ch. 1.3.1 concernant l'introduction de droits procéduraux), il considère toutefois que cette requête n'est pas réalisable; il est donc inutile de revoir le projet en profondeur.

En ce qui concerne la question de considérer les infractions fiscales comme des infractions préalables au blanchiment d'argent, il est exact que les nouvelles recommandations du GAFI, adoptées en février 2012, prévoient que les comportements délictueux graves en matière fiscale directe et indirecte constituent des infractions préalables au blanchiment d'argent. La question de savoir quels éléments constitutifs du droit suisse en feront partie relève toutefois non pas du présent projet, mais du projet global «Mise en oeuvre des recommandations révisées du GAFI» (cf.

ch. 1.2.4). Il convient par ailleurs de noter que l'entraide en matière d'informations fournie entre CRF doit avoir lieu conformément à l'interdiction d'utiliser les renseignements obtenus. Celle-ci exclut que les informations provenant du MROS soient utilisées comme éléments de preuve dans des procédures pénales, civiles ou fiscales.

En outre, la réserve de la «double incrimination» fixée dans le projet exclut toute transmission des données dans le but d'élucider une infraction ne pouvant être qualifiée d'infraction préalable au blanchiment d'argent en vertu du droit suisse actuel ou futur. En particulier, il est vain d'affirmer, comme cela a été le cas dans diverses réponses, que le projet pourrait s'accompagner d'un changement de système quant à la poursuite des infractions fiscales; en effet, le droit suisse actuel considère déjà les infractions fiscales graves au sens d'escroquerie qualifiée en
matière de contribution comme un crime et, de ce fait, comme une infraction préalable au blanchiment d'argent. Par conséquent, si d'autres infractions fiscales devaient entrer dans la définition de l'infraction préalable au blanchiment d'argent dans le cadre du projet global du GAFI mentionné plus haut, cela n'impliquerait pas de changement de système pour l'entraide administrative pratiquée par le MROS, mais uniquement une extension matérielle d'une pratique déjà existante, légalement fondée.

Plusieurs participants ont remis en question l'actuelle compétence autonome du bureau de communication, qui lui permet d'autoriser ses homologues à transmettre à des autorités tierces les informations venant de Suisse. Ils négligent toutefois le fait que l'analyse des communications de soupçons et l'échange d'informations entre les CRF ne sont pas un but en soi. Pour que l'entraide en matière d'informations des CRF fournie au-delà des frontières nationales soit efficace, il est indispensable que les CRF puissent s'autoriser mutuellement à transmettre aux procureurs les informations venant de l'étranger afin d'introduire les procédures pénales (cf. ch. 1.1.2).

Le Conseil fédéral estime par contre justifiée la requête visant à établir de manière explicite dans la LBA que les informations du MROS ne doivent être transmises à l'étranger que sous forme de rapport. Comme nous l'avons énoncé plus haut, le bureau de communication ne transmet jamais à d'autres CRF des documents originaux ou des copies de ces documents, car ils ne sont requis ni pour le travail 6476

d'analyse des CRF requérantes ni pour l'ouverture d'une procédure pénale (cf.

commentaire du ch. 1.1.6 concernant l'interdiction de transmettre et d'exploiter des données sans autorisation).

Le Conseil fédéral estime également justifié que le nom de l'intermédiaire financier qui a envoyé une communication ou s'est acquitté d'un devoir d'information ne soit transmis par le bureau de communication que si l'anonymat des personnes à l'origine de la communication est garanti; il a donc repris cette exigence dans son projet.

Il a en outre accepté la critique, exprimée dans la procédure de consultation, concernant les délais que les intermédiaires financiers doivent respecter après avoir été invités à remettre des informations supplémentaires au bureau de communication.

Enfin, il a repris une autre proposition, visant à ce que l'échange d'informations entre le MROS et ses homologues étrangers ne puisse pas porter préjudice à d'éventuelles procédures pénales en cours en Suisse.

1.4

Corrélation entre les tâches et les ressources financières

Le fait que le projet oblige les intermédiaires financiers qui n'ont pas eux-mêmes déclaré une opération à remettre des informations au bureau de communication implique pour le bureau un surcroît de travail qui demeure néanmoins limité. Le Conseil fédéral estime que ce surcroît de travail est raisonnablement exigible eu égard au surcroît de qualité et d'efficacité du MROS dans ses activités en matière d'analyse et d'entraide administrative; l'adaptation aux normes internationales se traduira par ailleurs par une amélioration de la réputation de la Suisse et de sa place financière.

1.5

Comparaison avec le droit étranger

Etant donné le caractère administratif du MROS, l'étude comparée des compétences des cellules de renseignements financiers étrangères portera principalement sur les cellules de ce type. Il s'agira de montrer comment l'Union européenne ainsi que certains pays ayant fait le choix d'une CRF administrative règlent les deux questions suivantes: Quelles sont les exceptions au principe de disponibilité appliquées par les CRF? Est-ce que les CRF ont la compétence de demander des informations aux intermédiaires financiers?

1.5.1

Exceptions au principe de disponibilité

La décision 2000/642/JAI du Conseil de l'Union européenne du 17 octobre 200052 règle les modalités de coopération entre les CRF des Etats membres en ce qui concerne l'échange d'informations. L'art. premier, par. 2, de cette décision prévoit 52

Décision 2000/642/JAI du Conseil du 17 octobre 2000 relative aux modalités de coopération entre les cellules de renseignement financier des Etats membres en ce qui concerne l'échange d'informations, JO L 271 du 24 octobre 2000, p. 4.

6477

que les CRF doivent échanger toutes les informations qui pourraient leur être utiles pour leurs analyses. Par ailleurs, l'art. 4, par. 2, prévoit expressément l'échange des informations financières. Les restrictions au principe de disponibilité sont prévues à l'art. 4, par. 3. En vertu de cette disposition, les CRF peuvent, dans certaines circonstances, notamment si la divulgation des informations est susceptible d'entraver une enquête judiciaire menée dans l'Etat membre requis, refuser de fournir des informations à la CRF requérante. L'art. 5 permet en outre aux Etats d'établir des restrictions ou des conditions quant à l'utilisation des informations selon ce principe.

En Italie, les informations échangées avec les homologues étrangers ne sont pas limitées. Le principe de réciprocité doit toutefois être appliqué. Deux remarques s'imposent: afin de transmettre les informations en provenance d'autres autorités, à l'instar de la Direction d'investigation antimafia ou du Détachement spécial de la police monétaire de la Garde de Finance (Nucleo speciale di polizia valutaria della Guardia di finanza ­ NSPV), l'Unité d'information financière (UIF) doit d'abord obtenir l'accord de ces entités (art. 9, al. 3, du décret législatif 231/2007). Les mesures de protection ne se limitent pas aux employés des intermédiaires financiers, mais s'étendent à l'institution oeuvrant en qualité d'intermédiaire financier. Ainsi, le nom de l'intermédiaire financier qui a fait une communication de soupçons auprès de cette CRF ne sera pas transmis (art. 45 du décret législatif 231/2007).

Ces deux remarques s'appliquent mutatis mutandis à la CRF belge. Ainsi, les informations en provenance d'une autorité judiciaire ne peuvent être transmises sans l'autorisation expresse du procureur général ou du procureur fédéral (art. 33, § 6, de la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme). En outre, en vertu de l'art. 36 de la loi du 11 janvier 1993, l'anonymat des auteurs de la communication doit être assuré. Cette disposition s'applique non seulement aux employés des intermédiaires financiers, mais aussi à l'institution oeuvrant en qualité d'intermédiaire financier. Aucune restriction n'est prévue concernant le contenu des
informations communiquées. La CRF belge peut donc échanger avec ses homologues étrangers toutes les informations dont elle dispose sur la base du principe de réciprocité ou d'un accord de coopération.

En France, la Tracfin soumet l'échange avec les autorités homologues à la condition de réciprocité et aux obligations de confidentialité et de protection des données. En outre, la communication de ces informations ne peut avoir lieu si une procédure pénale est engagée en France sur la base des mêmes faits ou si la communication porte atteinte à la souveraineté ou aux intérêts nationaux, à la sécurité ou à l'ordre public (art. L. 561-31, al. 2, du Code monétaire et financier). Tout comme l'Italie et la Belgique, la France ne prévoit pas de restriction concernant le contenu des informations communiquées.

En ce qui concerne la CRF allemande, il convient de souligner qu'il ne s'agit pas d'une CRF administrative mais d'une CRF policière. La loi l'autorise à échanger des informations sans restrictions sur le contenu. La transmission d'informations doit toutefois intervenir dans le cadre de la prévention ou de la poursuite d'infractions pénales et être nécessaire, en particulier pour l'accomplissement des tâches de la CRF ou pour l'entraide pénale internationale. Un refus de communiquer des informations est possible notamment si le pays destinataire n'a pas un système suffisant de protection de données.

6478

En guise de conclusion, l'on remarquera que certaines CRF étrangères connaissent aussi des restrictions au principe de disponibilité. Ces restrictions semblent toutefois compatibles avec les principes du GAFI et du Groupe Egmont et ne sont nullement comparables avec l'interdiction générale et intégrale de la transmission d'informations financières que la législation actuelle impose à la CRF suisse. Notons encore que la dernière modification des recommandations du GAFI est récente (16 février 2012) et qu'il se peut que certains pays doivent aussi entreprendre des modifications législatives afin de s'y conformer. Dans d'autres pays, la loi en vigueur laisse une certaine marge d'interprétation.

1.5.2

Demande d'informations aux intermédiaires financiers

En ce qui concerne l'Union européenne, l'art. 22, par. 1, let. b de la directive 2005/60/CE53 prévoit que les établissements et personnes soumises à ladite directive sont obligés de fournir promptement à la CRF, à la demande de celle-ci, toutes les informations nécessaires, conformément aux procédures prévues par la législation applicable. Dans le rapport COM(2007) 827 final54, la Commission européenne souligne l'importance pour les CRF d'avoir la compétence de demander aux organismes ayant une obligation de déclaration des informations dépassant le cadre des déclarations de soupçons.

Parmi les trois pays susmentionnés qui ont fait le choix d'une CRF de type administratif, l'Italie est celui qui lui reconnaît le plus de compétences. Ainsi, la CRF italienne ­ rattachée à la Banque nationale ­ peut demander des informations non seulement aux intermédiaires financiers qui ont fait part de soupçons, mais aussi à ceux qui n'ont pas communiqué. Le lien avec une communication de soupçons n'est pas exigé. Cela a pour conséquence que l'UIF peut demander à tout moment aux intermédiaires financiers toute information qu'elle juge utile pour l'exercice de ses tâches. La CRF italienne peut ainsi provoquer des communications de soupçons, autrement dit se saisir d'office. A cela s'ajoute le fait que l'UIF peut même se rendre sur place, auprès des intermédiaires financiers, afin d'effectuer des vérifications (art. 6, al. 6, let. c, et art. 47, let. a, du décret législatif 231/2007).

Les CFR belge et française dépendent de l'exécutif; la Tracfin française est rattachée au Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie; la CFIT belge est rattachée à la fois au Ministère de la justice et au Ministère des finances (le président et son suppléant sont détachés du parquet). Ces deux CRF peuvent demander des informations supplémentaires aux intermédiaires financiers qui ont envoyé des communications de soupçons. Si elles possèdent des indices concrets, elles peuvent aussi s'adresser aux intermédiaires financiers en l'absence d'une communication de soupçons. La condition préalable de l'existence d'indices concrets indique que ces CRF, contrairement à l'UIF italienne, ne peuvent pas se saisir d'office. Ces indices 53

54

Directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, JO L 309 du 25 novembre 2005, p. 15.

Rapport de la Commission sur la mise en oeuvre de la décision du Conseil du 17 octobre 2000 relative aux modalités de coopération entre les cellules de renseignement financier des Etats membres en ce qui concerne l'échange d'informations (2000/642/JAI), 20 décembre 2007.

6479

peuvent provenir de sources policières, judiciaires ou administratives, ou de CRF étrangères. Tout comme l'UIF italienne, la Tracfin (art. L. 561-26 I du Code monétaire et financier) et la CTIF (art. 9 de l'Arrêté royal du 11 juin 1993 et art. 11 du règlement d'ordre intérieur de la CTIF) ont la possibilité de se rendre sur place (auprès des intermédiaires financiers) afin de reconstituer l'ensemble des transactions sujettes à analyse.

En ce qui concerne la CRF allemande, elle peut demander des informations à des entités publiques ou privées uniquement en lien avec des communications déjà reçues. La loi allemande ne prévoit en effet pas la possibilité pour la CRF de provoquer une communication (§ 10, al. 3, de la loi allemande sur le blanchiment d'argent [Geldwäschegesetz, GwG] et § 7, al. 2, de la loi sur l'Office fédéral de la police judiciaire [Bundeskriminalamtgesetz, BKAG]).

1.6

Mise en oeuvre

La présente proposition de modification de la LBA implique une adaptation de l'OBCBA, plus précisément des chapitres 2 (Traitement des communications et dénonciations), 3 (Coopération) et 6 (Protection et archivage des données).

2

Commentaire des dispositions

Préambule La présente révision partielle constitue une occasion d'adapter à la nouvelle Constitution (Cst.)55 le préambule de la LBA pour ce qui est des dispositions constitutionnelles à valeur de bases légales. Dans le même temps, la vérification du catalogue de ces normes a montré que l'art. 103 Cst. pouvait être supprimé dans le préambule, faute de lien matériel avec l'objet de la LBA. Les nouvelles bases constitutionnelles de la LBA sont donc les art. 95 Cst. (ancien art. 31bis, al. 2, Cst.), 98 Cst. (ancien art. 31quater Cst.) et 123 Cst. (ancien art. 64bis Cst.).

Titre précédant l'art. 11a (nouveau) L'art. 11a fixe dans la LBA les obligations existantes des intermédiaires financiers en matière de collaboration avec le bureau de communication et en établit de nouvelles. Au regard de la systématique juridique, ces obligations figureront dans le chapitre 2 «Obligations des intermédiaires financiers» et seront rassemblées dans une nouvelle section 3 «Remise d'informations».

Art. 11a (nouveau) Le nouvel art. 11a précise d'une part les compétences du bureau de communication lui permettant de solliciter des informations complémentaires auprès de l'intermédiaire financier ayant envoyé la communication ou auprès d'intermédiaires financiers tiers, d'autre part l'obligation de l'intermédiaire financier de les lui fournir.

55

RS 101

6480

Al. 1 Selon la pratique actuelle, le bureau de communication peut, si une communication est incomplète, demander à l'intermédiaire financier qui en est à l'origine de lui fournir les informations (financières) manquantes. Afin de garantir la sécurité du droit, il y a lieu d'inscrire cette pratique dans la LBA. En l'occurrence, il ne s'agit pas de réclamer des informations qui dépassent le cadre de la communication de soupçons reçue, mais de solliciter des informations qui concernent directement cette communication. En outre, contrairement à ce que prétendent parfois certains intermédiaires financiers, l'envoi des documents manquants (par ex. des extraits de comptes concernant des transactions suspectes qui ont déjà fait l'objet d'une communication) ne suppose pas une décision d'une autorité judiciaire. Dans le droit existant, l'intermédiaire financier qui se conforme aux exigences du bureau de communication ne viole ni le secret bancaire, ni le secret des affaires ou le secret de fonction. En effet, le dépôt de la communication de soupçons et la transmission de tous les documents qui s'y rapportent reposent sur la législation fédérale, plus précisément sur la LBA (cas soumis à l'obligation de communiquer) et sur le CP (cas soumis au droit de communication). Les dispositions légales concernées fournissent à l'intermédiaire financier la base légale formelle permettant de déroger aux normes mentionnées de protection du secret. Certes l'art. 3, let. b, LOC, en relation avec l'art. 23, al. 2, LBA, octroie déjà au bureau de communication la compétence de «demander des renseignements». Mais dans la pratique, cette compétence n'a pas été utilisée jusqu'à présent, notamment parce que la disposition est formulée de manière trop imprécise pour pouvoir être invoquée à l'égard de particuliers.

L'intermédiaire financier ne doit mettre à la disposition du bureau de communication que les informations dont il dispose. Sont considérées comme disponibles toutes les informations qui sont en possession des entités d'une entreprise ou qui peuvent être acquises, pour autant que ces entités relèvent de la juridiction suisse.

Al. 2 Cette nouvelle disposition étend les compétences du bureau de communication, qui pourra désormais recueillir des informations également auprès d'intermédiaires financiers tiers qui n'ont pas
transmis eux-mêmes de communication de soupçons, pour autant que l'analyse d'une communication reçue en vertu de l'art. 9 LBA ou de l'art. 305ter, al. 2, CP laisse apparaître que ces intermédiaires tiers sont aussi concernés. La demande de renseignements à des intermédiaires financiers tiers peut aussi faire suite à une requête transmise au bureau de blanchiment par une CRF étrangère, mais uniquement dans les cas où cette CRF avait déjà eu connaissance de la communication de soupçons faite par un intermédiaire financier suisse.

Le cercle des intermédiaires financiers tiers auxquels le bureau de communication peut s'adresser au sens de l'al. 2 est donc toujours en lien avec la communication de soupçons établie par un intermédiaire financier et les informations résultant de l'analyse de cette communication. Un tel cas se présente lorsqu'il ressort directement de la communication de soupçons ou des documents qui l'accompagnent qu'un ou plusieurs intermédiaires financiers prennent part ou ont pris part à des transactions suspectes ou à une relation d'affaires suspecte. Il peut aussi arriver que le bureau de communication arrive à cette conclusion après analyse de la communication de soupçons et sur la base d'informations tirées d'une autre source. Dans un cas comme dans l'autre, l'al. 2 donne au bureau de communication la possibilité

6481

d'approfondir son analyse sur l'ensemble des traces reconnaissables («paper trail») auprès des différents intermédiaires financiers concernés.

Le bureau de communication doit aussi être habilité à réclamer des informations auprès des intermédiaires financiers tiers, c'est-à-dire auprès d'intermédiaires financiers qui n'ont pas opéré eux-mêmes de transactions pour le compte de la personne soupçonnée, mais qui entretiennent ou ont entretenu avec elle une relation d'affaires.

On peut penser dans ce cas précis à la relation d'un gestionnaire de fortune, qui, en règle générale, ne dispose que d'un accès restreint ou même d'aucun accès à la fortune qu'il gère et qui par conséquent n'est pas impliqué dans les transactions, mais seulement dans la relation d'affaires. Un intermédiaire financier tiers peut être identifié grâce aux extraits de compte annexés à une communication de soupçons.

L'identification peut toutefois aussi se faire de manière indirecte, par exemple si une recherche dans le système d'information GEWA56, lors du traitement d'une communication, fait apparaître des indices en ce sens. Comme pour l'al. 1, l'intermédiaire financier ne doit fournir au bureau de communication que les informations dont il dispose.

Comme indiqué précédemment, cette nouvelle réglementation concrétise les prescriptions découlant de la nouvelle teneur de la recommandation 29 du GAFI, qui prévoit que les CRF doivent pouvoir obtenir, des intermédiaires financiers tiers, les informations supplémentaires nécessaires pour exercer correctement leurs fonctions (cf. ch. 1.1.7).

Al. 3 Cette disposition règle les délais que doit fixer le bureau de communication. Dans le cas de communications de soupçons au sens de l'art. 9 LBA (obligation de communiquer), ce délai ne pourra généralement pas dépasser un ou deux jours ouvrés. Un délai aussi court se justifie par le fait que le bureau de communication est lui-même contraint de respecter un délai de cinq jours ouvrés pour son travail d'analyse des communications de soupçons au sens de l'art. 9 LBA, les valeurs patrimoniales n'étant bloquées légalement que durant ce laps de temps (art. 10 LBA). Dans la pratique, ce délai est réduit à trois jours ouvrés, car en cas de transmission du dossier aux autorités de poursuite pénale, le ministère public compétent doit disposer de
suffisamment de temps pour décider et ordonner une prolongation du blocage des avoirs et pour empêcher ainsi le retrait des valeurs patrimoniales. Les communications de soupçons au sens de l'art. 305ter, al. 2, CP (droit de communication) n'impliquent pas un degré d'urgence semblable, car dans ce cas-là, l'intermédiaire financier n'est pas soumis à l'obligation de bloquer les valeurs patrimoniales. Bien qu'ici aussi l'analyse de la communication de soupçons doive se faire dans les meilleurs délais, le bureau de communication jouit d'une plus grande marge de manoeuvre qui lui permet de fixer des délais plus longs. L'avant-projet prévoyait que les informations demandées devaient être remises «immédiatement». Suite aux critiques formulées par des participants à la consultation, le présent projet dispose que les informations du bureau de communication doivent être fournies par l'intermédiaire financier dans le délai «fixé».

56

Art. 23, al. 3, LBA.

6482

Al. 4 L'intermédiaire financier tiers, tout comme l'intermédiaire financier qui a effectué la communication selon l'art. 9 LBA, est lui aussi soumis à l'interdiction d'informer prévue à l'art. 10a, al. 1, LBA. Cette réglementation correspond au principe de l'interdiction de divulgation du GAFI, qui dispose qu'il est interdit de donner des indices à des tiers sur le fait qu'une communication de soupçons a été effectuée.

Al. 5 Cette disposition établit que les intermédiaires financiers (al. 1) ne peuvent pas être poursuivis pour violation du secret de fonction, du secret professionnel ou du secret d'affaires ni pour violation de contrat lorsqu'ils transmettent des informations supplémentaires au bureau de communication. Les intermédiaires financiers tiers (al. 2) qui ont fourni des informations à la demande du bureau de communication peuvent aussi se prévaloir de l'exclusion de la responsabilité pénale et civile prévue à l'art. 11.

Explications concernant la question des sanctions en cas de non-respect de l'obligation de fournir des informations selon les al. 1 et 2 La LBA ne prévoit pas de sanction en cas de non-respect des obligations de fournir les informations visées aux al. 1 et 2 ou en cas de non-respect du délai imparti à cette fin, ces deux actes étant considérés comme étant de même gravité. Il en va de même pour le cas où l'intermédiaire financier ne bloque pas les avoirs conformément à l'art. 10 LBA. Le manque de sanctions est critiqué à plusieurs reprises dans la doctrine. Le Conseil fédéral s'est donc penché sur la question de l'opportunité d'introduire dans la présente révision des sanctions générales pour non-respect de ces obligations.

Il y a lieu, tout d'abord, de préciser que la non-exécution des obligations prévues à l'art. 11a LBA ne peut être assimilée à une violation de l'obligation de communiquer prévue à l'art. 37 LBA. En effet, dans le cas d'une communication incomplète, la violation ne porte pas sur l'obligation de communiquer en tant que telle, mais sur l'obligation de compléter ultérieurement une communication. Seul un intermédiaire financier qui enverrait une communication de soupçons totalement inutilisable et qui refuserait qui plus est de fournir des informations supplémentaires pourrait éventuellement faire l'objet de poursuites pour violation de l'obligation de
communiquer au sens de l'art. 37 LBA. Cela ne signifie pas pour autant que des infractions plus légères à l'art. 11a LBA doivent rester nécessairement impunies. L'ordonnance de la FINMA du 8 décembre 2010 sur le blanchiment d'argent (OBA-FINMA)57, qui règle plus en détail la mise en oeuvre des obligations des intermédiaires financiers en matière de prévention du blanchiment d'argent et du financement du terrorisme, prévoit à l'art. 9 qu'en cas de violation des dispositions de l'OBA-FINMA ou de celles d'un organisme d'autorégulation reconnu par la FINMA, la FINMA peut remettre en question la garantie d'une activité irréprochable exigée de l'intermédiaire financier. En cas de violation grave, il est également possible de prononcer une interdiction d'exercer au sens de l'art. 33 de la loi du 22 juin 2007 sur l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (LFINMA)58.

57 58

RS 955.033.0 RS 956.1

6483

Outre les intermédiaires financiers, dont la surveillance est assurée par la FINMA, les maisons de jeu sont aussi soumises à la LBA (cf. art. 34 de la loi du 18 décembre 1998 sur les maisons de jeu, LMJ)59. L'acte de concession dispose que le concessionnaire doit remplir également les exigences légales prévues dans la LBA et dans l'ordonnance de la Commission fédérale des maisons de jeu du 12 juin 2007 concernant les obligations de diligence des maisons de jeu en matière de lutte contre le blanchiment d'argent (ordonnance de la CFMJ sur le blanchiment d'argent, OBA CFMJ)60. Si une maison de jeu refuse de fournir au bureau de communication les renseignements visés à l'art. 11a LBA, la CFMJ peut la contraindre à s'exécuter en ordonnant une mesure au sens de l'art. 50 LMJ ou même prononcer à son encontre une sanction administrative selon l'art. 51 LMJ.

Compte tenu de ces dispositifs figurant dans des lois spéciales, le Conseil fédéral est arrivé à la conclusion qu'il n'était pas nécessaire d'inclure dans la LBA une norme supplémentaire concernant les sanctions.

Art. 23, al. 2 Cette disposition, qui traite de la réception et de l'analyse des communications de soupçons, ne renvoie plus à la LOC, mais aux normes spéciales que la présente révision prévoit d'inscrire dans la LBA.

Art. 30 (nouveau)

Collaboration avec les homologues étrangers

Remarques générales L'art. 30 concrétise l'objectif fondamental du présent projet de révision, à savoir renforcer les compétences du bureau de communication en matière d'échange d'informations avec des homologues à l'étranger afin qu'il puisse transmettre à ces derniers, dans le cadre de l'entraide administrative, toutes les informations dont il dispose, mais aussi ­ et c'est nouveau ­ les informations financières dont il dispose ou qu'il peut obtenir. Cette réglementation vaut pour tous les types de CRF étrangères destinataires d'informations, qu'elles fassent partie ou non d'organisations telles que le Groupe Egmont (cf. ch. 1.1.2).

Durant la consultation, la question a été soulevée de savoir quel devait être ici le degré de précision normative du nouvel art. 30. On rappellera à ce propos qu'en vertu des prescriptions du GAFI et des principes du Groupe Egmont, il y a lieu de conférer au bureau de communication un minimum de pouvoir d'appréciation sur le plan opérationnel.

La transmission d'informations entre le bureau de communication et les autorités nationales de poursuite pénale est quant à elle soumise non pas au nouvel art. 30, mais à l'art. 23 LBA. Il constitue la base légale pour la transmission des communications analysées par le bureau de communication au ministère public. Le terme d'«autorités de poursuite pénale» au sens de l'al. 4 de cette disposition recouvre non seulement le ministère public au sens de l'art. 12, let. b, du code de procédure pénale du 5 octobre 2007 (CPP)61, mais aussi la police au sens de la let. a de la même disposition. Le terme de police recouvre les services de police judiciaire de la 59 60 61

RS 935.52 RS 955.021 RS 312.0

6484

Confédération et des cantons chargés de l'analyse, de l'élucidation et de la poursuite d'infractions dans le domaine du blanchiment d'argent, de ses infractions préalables, du financement du terrorisme et du crime organisé. Cette catégorie s'applique en particulier aux Offices centraux de police criminelle de fedpol qui, dans le cadre de leurs compétences en matière de lutte contre les cas complexes de criminalité transfrontalière, sont également chargés de l'analyse des informations financières.

Al. 1 L'art. 32 LBA autorise le bureau de communication à transmettre en principe les données dont il dispose dans le cadre de l'entraide administrative, exception faite des informations financières, lesquelles sont protégées par le secret bancaire, qui est réglé dans une loi spéciale (cf. ch. 1.1.6). Le législateur n'ayant pas restreint dans la LBA même le contenu des données qui peuvent ainsi être transmises, le bureau de communication, qui en tant que membre du Groupe Egmont est tenu de communiquer les informations disponibles (cf. ch. 1.1.8), collabore aujourd'hui déjà avec ses partenaires étrangers selon les principes de disponibilité et de réciprocité (cf.

ch. 1.1.6 pour plus de précisions sur ces deux principes). En habilitant le bureau de communication à transmettre les informations dont il dispose ou qu'il peut obtenir en vertu de la LBA, l'al. 1 ne fait qu'inscrire dans la loi une pratique longue de plusieurs années et fondée sur l'actuel art. 32 LBA.

Le libellé de la disposition, selon lequel le bureau de communication peut échanger en principe toutes les informations, indique également qu'il ne s'agit pas d'un échange automatique de toutes les informations disponibles. Le bureau de communication analyse au cas par cas quelles informations sont nécessaires pour répondre à la demande d'une CRF et ne lui transmet que les informations nécessaires. La situation est la même pour les demandes qu'adresse le bureau de communication à ses homologues étrangers.

Sont considérées comme directement disponibles les données personnelles figurant dans les systèmes d'information placés sous l'autorité du bureau de communication, soit l'essentiel des données que ce dernier traite dans son système GEWA62 sur la base des communications de soupçons qui lui sont transmises. Les données sont en revanche qualifiées
d'indirectement disponibles lorsque le bureau de communication, en tant qu'autorité chargée de livrer les données, n'a pas l'autorité sur les données en question, mais peut les obtenir aisément auprès des autorités publiques concernées63. C'est le cas, par exemple, des données figurant dans tous les systèmes d'information policiers exploités par fedpol et auxquels le bureau de communication peut directement accéder en ligne, ou encore des données enregistrées dans le casier judiciaire informatisé VOSTRA, géré par l'Office fédéral de la justice, auxquelles le bureau de communication a aussi un accès en ligne.

Eu égard au principe de disponibilité, le bureau de communication ne sera pas tenu ­ c'est déjà le cas dans le droit actuel ­ d'obtenir des informations, à la demande de CRF étrangères, auprès d'intermédiaires financiers ou de tout autre particulier. Font exception à cette règle les cas dans lesquels la CRF requérante a eu connaissance, d'une manière conforme au droit suisse, de faits ayant déjà fait l'objet auparavant d'une communication transmise au bureau de communication (cf. commentaire de l'art. 11a, al. 2).

62 63

RS 955.033.0 Cf. ATF 133 IV 271, consid. 2.5 (Pra 97, 59, 2008).

6485

Les let. a à e mentionnent les principes éprouvés du droit suisse régissant l'entraide administrative en matière de police, principes que les CRF étrangères auxquelles le bureau de communication transmet des informations doivent s'engager à respecter.

Sa longue pratique a permis au bureau de communication de recueillir de nombreuses données sur l'échange d'informations avec ses partenaires. Un avertissement standard (disclaimer) accompagne toutes les données transmises afin d'attirer l'attention des partenaires étrangers sur l'obligation de respecter ces principes (cf. ch. 1.1.6 concernant l'interdiction de transmettre les données obtenues à des autorités tierces sans autorisation et l'interdiction d'utiliser les données à des fins autres que celles prévues).

En pratique toutefois, les violations entre CRF des conditions et obligations fixées ­ sans compter les violations commises par inadvertance ­ sont extrêmement rares. De fait, en quatorze ans, le bureau de communication n'a jamais constaté que des données qu'il avait transmises à une CRF avaient été utilisées ou transmises en violation des conditions ou des obligations pertinentes. Une situation de ce type entre des CRF membres du Groupe Egmont constituerait d'ailleurs une rupture de confiance, ce qui aurait des répercussions immédiates pour le membre fautif. Les relations entre CRF affiliées au Groupe Egmont sont régies par le principe de réciprocité: un membre visé par un acte assimilé à une rupture de confiance peut limiter ou suspendre unilatéralement la coopération avec le partenaire fautif; dans les cas graves, d'autres membres peuvent se joindre à la CRF visée par la violation. Même si l'on ne peut en inférer une présomption légale, la manière dont est réglée la coopération entre membres du Groupe Egmont semble offrir davantage de garanties quant au respect des règles de la bonne foi par les CRF affiliées à cet organisme.

Il découle par conséquent des obligations imposées aux CRF étrangères selon l'al. 1 que le bureau de communication peut suspendre à tout moment sa collaboration avec une CRF fautive et n'accéder à la reprise normale des échanges que si des mesures de nature à rétablir la confiance et à offrir des garanties suffisantes permettent d'exclure une nouvelle violation des conditions et des obligations pertinentes. En tant
que membre du Groupe Egmont, le bureau de communication aurait en outre la possibilité d'engager une procédure de non-conformité (non compliance procedure), susceptible d'aboutir, en dernier ressort, à l'exclusion du membre fautif.

Dans les cas d'infractions graves aux dispositions régissant l'entraide administrative, comme l'interdiction d'exploiter les informations transmises comme éléments de preuve ou l'interdiction d'investigations non ciblées (fishing expeditions; cf.

ch. 1.1.6), la présente révision dispose à l'art. 31 que le bureau de communication n'est pas autorisé à donner suite à ce type de requête. Il s'ensuit, a contrario, que dans les cas de moindre gravité, qui ne sont pas motivés par des intentions de contournement, le bureau peut et doit donner l'occasion à la CRF concernée de corriger ou de compléter sa requête.

La let. a exige de la CRF destinataire qu'elle s'engage à respecter le principe de finalité des données transmises (cf. ch. 1.1.6), c'est-à-dire qu'elle s'engage à analyser les informations reçues du bureau de communication exclusivement pour confirmer des soupçons de blanchiment d'argent, d'infractions préalables au blanchiment, de crime organisé ou de financement du terrorisme. La mention explicite des infractions préalables correspond aussi, notamment, à la nouvelle teneur de la recommandation 40 du GAFI. Par ailleurs, cette disposition se réfère aussi à la lutte contre la criminalité organisée, telle que prévue par l'art. 9, al. 1, let. a, ch. 1, LBA et par la recommandation 3 du GAFI.

6486

La let. b vient renforcer le principe du droit suisse en matière d'entraide administrative, selon lequel il ne doit être fait suite à une demande que si l'on peut s'attendre, au vu des expériences faites précédemment, à ce que l'autre partie donne suite à son tour à une demande similaire provenant de la Suisse. Ce principe se retrouve aussi dans les prescriptions du GAFI et dans les principes du Groupe Egmont.

La let. c établit que la CRF requérante doit s'engager à ne recourir qu'à du personnel légalement tenu au respect du secret de fonction ou du secret professionnel. Concrètement, cela signifie que la CRF étrangère doit former et instruire son personnel en conséquence, de manière à empêcher une transmission involontaire ou non autorisée d'informations à des tiers. C'est d'ailleurs dans ce même but que le Groupe Egmont organise dans toutes les régions du monde des formations qui rencontrent un vif succès.

La let. d souligne l'importance primordiale que revêt l'obligation de demander une autorisation pour la transmission à des tiers de données obtenues du bureau de communication. Celui qui transmet de telles données à des autorités tierces sans autorisation préalable du bureau de communication enfreint l'interdiction de transmission. Si à la suite d'une transmission non autorisée, les informations sont utilisées comme éléments de preuve dans une procédure pénale ou civile ou dans une procédure fiscale, il y a violation également du principe de finalité et de l'interdiction d'exploiter les données reçues comme éléments de preuve. Les conséquences sont alors à la hauteur de la gravité de la violation (cf. ch. 1.1.6 concernant ces principes). Pour ce qui est de la transmission à des tiers privés, le bureau de communication ne délivre aucune autorisation.

La let. e est une disposition subsidiaire destinée à compléter la liste non exhaustive des obligations mentionnés aux lettres précédentes. Elle a aussi pour but de couvrir les cas dans lesquels le bureau de communication fixe des obligations spéciales, qui vont au-delà des principes fondamentaux standard de l'entraide administrative. Ces prescriptions spécifiques adoptées par le bureau de communication dans des cas particuliers lient les CRF étrangères dans la même mesure que les indications générales.

Al. 2 L'al. 2 est la norme centrale du
présent projet de révision: il introduit véritablement une nouveauté quant au fond, qui s'écarte de la pratique actuelle du bureau de communication en matière d'entraide administrative et institue une exception de taille à l'obligation de garder le secret dans le cadre de l'entraide administrative policière64.

L'énumération non exhaustive des catégories de données qui figurent généralement dans les communications de soupçons transmises par des intermédiaires financiers mentionnée établit clairement que le bureau de communication devra dorénavant aussi pouvoir transmettre aux CRF étrangères des informations financières, dont la communication est aujourd'hui interdite en vertu du secret bancaire et du secret de fonction, qui priment toute autre disposition.

La liste des informations financières possibles est volontairement non exhaustive.

L'al. 1 dispose que le bureau de communication peut transmettre toutes les informations nécessaires. La limitation des informations financières à certaines catégories précises irait, au moment de l'analyse, à l'encontre de l'objectif poursuivi par une 64

Cf. art. 2, al. 2, LEIS.

6487

utilisation aussi complète que possible de toutes les informations disponibles. Par exemple, les informations concernant une personne autorisée à signer, une personne ayant une procuration ou les documents d'ouverture de compte constituent d'autres informations financières.

Let. a à d Concernant les exemples de catégories de données financières mentionnées aux let. a à d, il convient de signaler que le bureau de communication ne peut échanger des informations de ce type avec des homologues à l'étranger qu'à la condition que le principe de réciprocité soit respecté. C'est donc la comparaison entre les législations nationales et l'expérience du bureau de communication concernant la pratique de ses partenaires qui déterminera quelles catégories d'informations peuvent être transmises à quelle CRF étrangère. De plus, conformément au principe fondamental de proportionnalité ancré dans la législation relative à la protection des données, le bureau de communication doit limiter la transmission aux informations absolument nécessaires pour permettre à la CRF étrangère de remplir sa mission dans le cas d'espèce. Le bureau de communication peut satisfaire à cette exigence en enjoignant à ses partenaires de respecter le principe de finalité et l'interdiction des investigations non ciblées. A cette fin, il vérifiera dans tous les cas si les faits exposés dans la requête étrangère présentent un lien suffisant avec la Suisse, comme prévu à l'art. 31, en veillant néanmoins à ne pas verser dans un formalisme excessif. Les principes du Groupe Egmont prévoient effectivement que la CRF requérante doit motiver sa demande. Ils ne permettent toutefois pas à la CRF requise d'exiger que cette motivation mentionne concrètement des infractions préalables au blanchiment d'argent. En effet, il n'est souvent pas possible, au stade de l'analyse, de qualifier les faits de manière suffisamment sûre.

Le bureau de communication ne doit pas non plus perdre de vue le fait que conformément aux prescriptions découlant de la recommandation 40 du GAFI, une demande d'informations ne saurait être refusée au seul motif que l'on ne peut exclure (ou que des indices laissent penser) que cette requête pourrait aussi porter sur des questions fiscales65. Ce n'est que si la question de la transmission des données à une autorité tierce se pose que
la CRF ayant fourni les données pourra refuser de donner son indispensable accord à la transmission.

Selon la let. a, le bureau de communication peut désormais transmettre à la CRF requérante le nom de l'intermédiaire financier dont il dispose. La communication de cette information est actuellement interdite, conformément à l'art. 32, al. 3, LBA. La transmission de cette information peut se faire à la condition que le partenaire étranger applique lui aussi en toute circonstance le principe de réciprocité pour cette catégorie d'informations et que le bureau de communication puisse partir du principe que le nom de l'intermédiaire financier est une information pertinente. La transmission du nom de l'intermédiaire financier est toutefois soumise à une restriction: conformément à l'art. 32, al. 3, l'interdiction de transmettre le nom à une autorité de poursuite pénale étrangère ne s'applique désormais plus qu'à la personne à l'origine de la communication, c'est-à-dire au personnel de l'intermédiaire financier. Par analogie, il est également prescrit, pour ce qui est de l'échange d'informations avec des CRF étrangères, réglé dans cette même disposition, que le bureau de communication devra refuser de transmettre le nom de l'intermédiaire financier si la commu65

Cf. note interprétative de la recommandation 40, par. A. 2. [a].

6488

nication de cette information est susceptible de compromettre l'anonymat de la personne qui est à l'origine de la communication de soupçons ou qui s'est conformée à une obligation d'information ancrée dans la LBA. On pense ici en particulier aux petites entreprises et aux entreprises en raison individuelle, pour lesquelles il est relativement facile de retrouver l'identité de la personne qui est à l'origine de la communication ou qui a fourni des informations. S'il existe un risque concret pour l'anonymat de ces personnes, le bureau de communication doit s'abstenir de communiquer tout élément d'information permettant de remonter jusqu'à l'identité de la personne concernée. En cas de doute, le bureau de communication a la possibilité de demander l'accord des personnes dont l'anonymat est potentiellement en danger.

Les let. b, c et d mentionnent, comme autres catégories d'informations, le nom du titulaire du compte, le numéro de compte et le montant des avoirs déposés, ainsi que l'identité des ayants droit économiques et des indications sur les transactions. Ces données peuvent se révéler très utiles pour les CRF en vue de l'analyse financière.

Les CRF doivent cependant veiller à ne pas rendre ces informations disponibles comme éléments de preuve dans le cadre d'une procédure de quelque nature que ce soit. Cette règle vaut aussi pour la transmission d'informations, autorisée par le bureau de communication, à une autorité de poursuite pénale dans le but d'«ouvrir une procédure pénale», conformément à l'al. 4, let. b, du présent projet. Si une telle procédure est effectivement ouverte et parvient au stade de l'administration des preuves, l'autorité judiciaire compétente devra toujours obtenir les documents originaux indispensables pour établir l'innocence ou la culpabilité d'une personne par la voie de l'entraide judiciaire. L'avertissement standard (disclaimer) qui accompagne toutes les communications d'informations financières faites par le bureau de communication permet aux avocats des parties de constater, lors de la consultation des pièces du dossier, un éventuel non-respect de l'obligation de passer par la voie de l'entraide judiciaire et, partant, de contester l'exploitation indue des rapports du bureau de communication comme éléments de preuve et de tout autre élément fondé sur ces données.
Al. 3 Le bureau de communication ne peut transmettre les données financières et les autres informations dont il dispose à des CRF étrangères que sous la forme de rapports. Cette disposition correspond à la pratique en vigueur. Le bureau de communication ne transmet jamais à un homologue étranger l'original, ni même la copie d'un document, car ce type de document n'est pas nécessaire à des fins d'analyse de la part de l'entité requérante, pas plus qu'il ne l'est pour l'ouverture d'une procédure pénale. La nécessité de disposer de tels documents ne se fait sentir qu'au moment où une procédure pénale entre dans la phase de l'administration des preuves. Comme indiqué ci-dessus, les instances judiciaires doivent toujours solliciter par la voie de l'entraide judiciaire les documents originaux indispensables pour l'administration des preuves. Même dans le cas improbable où des documents originaux seraient transmis par mégarde, la CRF qui les a reçus serait liée par l'interdiction d'utiliser les informations qu'ils contiennent comme éléments de preuve ou de les transmettre à des tiers sans autorisation (cf. ch. 1.1.6).

6489

Al. 4 L'analyse des communications de soupçons et l'échange d'informations relatives à cette analyse entre les CRF visent une première élucidation des phénomènes criminels en lien avec ces opérations et les infractions préalables à de tels actes. L'analyse ne constitue toutefois pas une fin en soi. Le traitement des informations reçues vise davantage à permettre à la justice l'ouverture ultérieure d'une procédure pénale et d'une procédure d'entraide judiciaire, sans préjuger du résultat de ces procédures.

Au vu de cette finalité, il apparaît donc comme indispensable d'autoriser le bureau de communication à transmettre aux ministères publics compétents, en vue de la mise en route d'une procédure pénale, des résultats d'analyses susceptibles d'étayer des soupçons. Cette autorisation découle de l'art. 32, al. 1, LBA. Afin que l'entraide administrative internationale accordée par le bureau de communication produise véritablement un effet, il est aussi indispensable que les CRF s'autorisent mutuellement à transmettre aux ministères publics de leur propre pays les informations reçues de l'étranger, le but étant, ici aussi, de permettre l'ouverture de procédures pénales.

L'al. 4 définit les conditions qui doivent être remplies pour que le bureau de communication autorise la transmission d'informations à des autorités tierces. Pour rappel, la transmission est interdite sans cette autorisation. Il y a lieu tout d'abord de préciser que des années, des jours ou quelques minutes seulement peuvent s'écouler entre le moment où le bureau de communication fournit des informations à une CRF étrangère et le moment où cette entité lui soumet à son tour une requête pour lui demander d'autoriser la transmission des données reçues à une autorité tierce étrangère. Dans les situations d'urgence, il peut même arriver que le bureau de communication fournisse à une CRF les informations sollicitées et l'autorise, simultanément, à les transmettre à des tiers. Fidèle à sa pratique actuelle, le bureau de communication continuera d'accompagner chacune de ses déclarations d'autorisation d'un avertissement standard (disclaimer), qui attire l'attention de la CRF destinataire sur les règles de comportement à observer: «The attached information contains sensitive information and is submitted to you under the following conditions,
which you should strictly adhere to: (1) The information is for criminal intelligence purposes only, and must not be used for any administrative, judicial or fiscal purpose.

(2) The contents must not be used as evidence in any court proceedings and must not be used or placed on any prosecution files.

(3) Should you propose to take any further action in addition to the intelligence then this will need our express, written and prior consent.

(4) It must not, under any circumstance, be further disseminated to another party or agency without our express, written and prior consent.

(5) Evidence may only be obtained by the way of mutual legal assistance.» Ces instructions s'inscrivent dans la droite ligne des critères d'autorisation selon les let. a à e, commentées ci-après Les let. a et b fixent des conditions qui doivent être remplies de manière alternative: les informations peuvent ainsi être transmises soit à des fins d'analyse, soit dans le but d'ouvrir une procédure pénale ou de justifier une demande d'entraide judiciaire.

6490

Dans les deux cas, la transmission n'est autorisée que s'il est garanti que les informations sont utilisées à des fins de lutte contre le blanchiment d'argent et les infractions préalables au blanchiment, contre la criminalité organisée et contre le financement du terrorisme ou aux fins de poursuite de ce type d'acte. Les conditions fixées aux let. a à e sont également déterminantes lorsqu'il s'agit de transmettre des informations dont dispose le bureau de communication à des autorités suisses de poursuite pénales, qui ne peuvent pas être moins bien considérées par le MROS que les autorités étrangères de poursuite pénale.

La disposition de la let. a habilite le bureau de communication à autoriser la transmission des données à une autorité tierce étrangère chargée de tâches d'analyse dans le cadre de la finalité évoquée précédemment. C'est le cas, par exemple, des offices centraux spécialisés de la police judiciaire, qui se penchent sur les modes opératoires de la criminalité organisée. Les services de renseignements, en revanche, ne sont pas concernés étant donné qu'en vertu du principe de finalité, la transmission n'est possible qu'en vue d'élucider ou de poursuivre des infractions pénales.

Selon la let. b, le bureau de communication peut autoriser la transmission d'informations à des autorités de poursuite pénale à l'étranger qui ont la responsabilité d'engager des procédures pénales ou des procédures d'entraide judiciaire conformément aux buts prescrits. A cet égard, il y a lieu de signaler que le bureau de communication devra s'opposer à la transmission s'il apparaît que les informations pourraient être exploitées comme éléments de preuves. Les données ne pourront pas non plus être transmises à des autorités judiciaires. Les CRF étrangères doivent exiger de ces autorités qu'elles passent par la voie de l'entraide judiciaire afin d'obtenir les documents originaux indispensables pour établir la culpabilité ou l'innocence d'une personne. Quant aux autorités fiscales, leur attention devra être attirée sur les procédures prévues dans des lois spéciales et qui, dans certains cas, confèrent aux intéressés des droits de participation particuliers, étrangers aux dispositions régissant l'entraide administrative entre bureaux de communication.

Pour que le bureau de communication puisse autoriser,
dans un cas d'espèce, la transmission des informations, il faut que la condition de la double punissabilité soit remplie (let. c), que les autorités destinataires garantissent qu'elles n'utiliseront pas ces informations comme éléments de preuve (let. d) et que le secret de fonction ou le secret professionnel soit garanti (let. e). Il s'agit de conditions cumulatives.

La let. c dispose qu'il doit être garanti que les informations transmises ne seront pas utilisées dans le but de poursuivre des infractions qui ne constituent pas selon le droit suisse des infractions préalables au blanchiment. Plusieurs participants à la procédure ont avancé que la révision partielle des recommandations du GAFI ­ qui a été finalement adoptée en février 2012 ­ pourrait avoir des conséquences d'une portée encore difficile à prévoir sur le présent projet de modification de la LBA, étant donné que les délits fiscaux graves portant sur des impôts directs et indirects constitueraient dès lors une infraction préalable au blanchiment. Cet argument n'est toutefois pas pertinent: en effet, la condition de la double punissabilité visée à la let. c exclut la transmission de données dans le but d'élucider des infractions qui ne sont pas des infractions préalables au blanchiment d'argent selon les dispositions actuelles ou futures du droit suisse.

Il y a lieu de signaler en outre que le droit en vigueur qualifie déjà de crime deux formes graves d'infraction en matière fiscale, qui peuvent dès lors constituer des infractions préalables au blanchiment d'argent. Il s'agit de l'escroquerie qualifiée en 6491

matière de contributions selon l'art. 14, al. 4, de la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif66 et des «fraudes carrousel à la TVA», qui conformément à la jurisprudence du Tribunal pénal fédéral, sont généralement qualifiées d'escroquerie au sens de l'art. 146 CP. Si, dans le cadre du projet de mise en oeuvre des recommandations révisées du GAFI évoqué plus haut, d'autres délits fiscaux venaient à être définis comme étant des infractions préalables au blanchiment, il n'en résulterait pas, pour le bureau de communication, un bouleversement des règles de l'entraide administrative, mais simplement une extension, quant au fond, d'une pratique existante et fondée sur des dispositions légales. Par conséquent, les répercussions de la révision partielle des recommandations du GAFI sur le présent projet de modification de la LBA sont parfaitement prévisibles et juridiquement claires.

Conformément à la let. d, il est interdit à l'autorité tierce d'utiliser comme preuves les informations que le bureau de communication a mis à sa disposition. Cela correspond à un principe généralement appliqué par le bureau de communication en matière d'entraide administrative (cf. ch. 1.1.6). L'interdiction d'exploiter les données reçues comme éléments de preuve est déjà contenue dans le principe de finalité fixé à la let. a. Il convient de fixer une règle explicite en raison de la portée de ce principe dans la pratique. Les mesures juridiques visant à empêcher tout contournement de l'entraide judiciaire s'en trouvent renforcées.

On trouvera davantage de précisions sur la let. e dans le commentaire des dispositions analogues de l'al. 1, let. c.

Al. 5 Cet alinéa s'applique uniquement dans le cas de figure prévu par l'alinéa précédent, c'est-à-dire en cas de demande d'un homologue étranger de transmettre des informations aux autorités tierces de son pays, le but étant d'éviter que les informations transmises par le MROS ne portent atteinte à une procédure pénale en cours en Suisse.

Pour le bureau de communication, cette disposition implique des vérifications afin de déterminer si la personne physique ou morale faisant l'objet de la demande étrangère se trouve en Suisse sous le coup d'une instruction selon les art. 308 ss CPP.

Dans un tel cas, le MROS s'adressera directement au procureur en charge du
dossier afin de lui demander l'accord préalable à la divulgation des informations aux autorités d'un pays étranger. En cas de refus, le MROS refusera à son tour la demande de son homologue étranger.

Précisons que différents pays connaissent aussi ce genre de disposition, à l'instar de la France (art. L. 561-31, al. 2, du Code monétaire et financier) et de la Belgique (art. 33 § 6 de la loi du 11 janvier 1993). L'art. 4, al. 3, de la décision du Conseil de l'Union européenne du 17 octobre 2000 (2000/642/JAI)67 fixe lui aussi expressément le même principe. Une telle disposition est en outre conforme aux recommandations du GAFI. Selon la note interprétative à la recommandation 40, les pays ne devraient pas interdire l'échange d'informations et l'entraide ni les assortir de conditions déraisonnables ou excessivement restrictives. En particulier, les autorités compétentes ne devraient pas refuser une demande d'entraide au motif qu'une enquête ou une procédure est en cours dans le pays requis, sauf lorsque l'entraide sollicitée est susceptible d'entraver cette enquête ou procédure.

66 67

RS 313.0 JO L 271 du 24 octobre 2000, p. 4.

6492

Al. 6 Pour collaborer avec leurs homologues, certaines CRF étrangères requièrent des conventions de coopération, appelées protocoles d'accord (memorandum of understanding). L'al. 6 donne au bureau de communication la compétence de conclure des conventions de ce type de manière indépendante.

S'agissant des motifs plaidant en faveur de l'abrogation de l'actuelle réglementation, qui confère au seul Conseil fédéral la compétence de conclure un protocole d'accord avec une CRF à l'étranger, de même que pour les explications relatives à la conformité de la nouvelle réglementation proposée avec les prescriptions du GAFI, il est renvoyé au ch. 1.2.3.

Art. 31 (nouveau)

Refus d'informer

Cette disposition, inspirée des art. 2, al. 2, et 12, al. 2, LEIS, confirme que le bureau de communication doit refuser d'informer un homologue étranger si la requête a pour but de procéder à des investigations sur la base de soupçons ou de contourner l'entraide judiciaire.

Selon la let. a, il est impératif de ne pas donner suite à une demande d'information lorsqu'il apparaît qu'une CRF étrangère cherche à effectuer des investigations non ciblées (fishing expeditions). Pour empêcher ce type de pratique, le bureau de communication demande toujours à ses homologues étrangers de démontrer dans quelle mesure leur requête présente un lien avec la Suisse. C'est le cas, par exemple, lorsque des valeurs patrimoniales sont placées en Suisse, lorsque des entreprises ont leur siège ou des personnes physiques leur domicile sur le territoire helvétique, lorsque des citoyens suisses sont impliqués, ou encore lorsque les informations policières mettent en lumière des points de rattachement avec la Suisse. S'il n'existe pas de lien avec la Suisse, le bureau de communication n'est pas autorisé à fournir les données. Dans les cas où la demande d'informations n'est tout simplement pas suffisamment ou pas correctement justifiée, c'est-à-dire lorsqu'elle n'a pas pour but de procéder à des investigations non ciblées et qu'elle ne tombe dès lors pas sous le coup de l'art. 31, le bureau de communication pourra donner la possibilité à la CRF étrangère de corriger ou de compléter sa demande (cf. à ce sujet le commentaire de l'art. 30, al. 2, let. a à d).

La let. b porte sur des formes graves de pratiques visant à contourner l'entraide judiciaire: on mentionnera notamment les tentatives de services étrangers d'obtenir, par la voie de l'entraide administrative, des informations impliquant le recours à des moyens de contrainte qui, selon le droit suisse, doivent impérativement être ordonnés par un juge. Eu égard au fait qu'entre-temps l'application de moyens de contrainte prévus par le droit de procédure n'est plus réservée à la voie de l'entraide judiciaire mais que certains nouveaux accords d'entraide administrative le prévoient, le champ d'application de la norme réglant la voie formelle de l'entraide judiciaire doit être étendue à d'autres procédures fixées dans des lois spéciales ou des accords internationaux. Leur
application et celle de leurs conditions et exigences spéciales doivent être prises en compte. Les actions doivent être d'une gravité telle qu'elles justifient l'application de l'art. 31 et la restriction du pouvoir d'appréciation du bureau de communication que cette norme implique. Cette condition est remplie dans le cas de tentatives d'investigations non ciblées et de tentatives de contournement de la procédure judiciaire, car ces deux pratiques sont assimilées à une atteinte à la territorialité du droit suisse de la part d'un Etat étranger.

6493

Art. 31a (nouveau)

Dispositions applicables de la loi fédérale du 7 octobre 1994 sur les Offices centraux de police criminelle de la Confédération

Le renvoi à la première section de la LOC est nécessaire afin que le bureau de communication ne perde pas des possibilités existantes d'obtenir des informations, ces possibilités découlant d'autres lois que la LBA.

Le renvoi à la section 4 de la LOC permet au bureau de communication, en vertu de l'art. 13 LOC en relation avec l'art. 12 OBCBA, de transmettre, par le biais de l'échange spontané d'informations, les données dont il dispose à la Police judiciaire fédérale aux fins d'analyse approfondie, qu'il y ait communication de soupçons ou non. Cela correspond au droit en vigueur et à la pratique actuelle. Toutefois, si l'information provient d'une CRF étrangère, le bureau de communication ne peut la transmettre à la Police judiciaire fédérale que s'il en a préalablement demandé l'autorisation à la CRF concernée (comme il l'exige de toute CRF étrangère en vertu de l'art. 30, al. 4).

Art. 32

Collaboration avec les autorités de poursuite pénale étrangères (nouveau)

Cette disposition contiendra dorénavant un titre.

L'al. 2 est en outre abrogé. Son contenu est désormais réglé de manière plus précise aux art. 30 et 31.

L'al. 3 est adapté sur deux points. La première adaptation se situe au niveau de la technique législative: comme l'al. 2 a été supprimé, il n'est plus possible de s'y référer à l'al. 3. La deuxième adaptation est de nature matérielle; il convient de se référer ici au commentaire de l'art. 30 (nouveau), al. 2, let. a.

3

Conséquences

3.1

Conséquences en termes de finances et de personnel pour la Confédération

Le projet n'a pas de conséquences en termes de finances et de personnel.

La concrétisation de l'objectif premier de la présente révision, qui est de donner au bureau de communication les moyens d'échanger des informations financières avec ses partenaires étrangers, ne devrait pas entraîner de surcroît de travail pour le bureau de communication. Le règlement du différend qui l'opposait au Groupe Egmont devrait au contraire simplifier son travail.

3.2

Conséquences économiques

L'inclusion des informations financières dans les données que le bureau de communication peut échanger avec ses partenaires étrangers n'entraînera pas de surcroît de travail administratif pour les intermédiaires financiers, puisque ceux-ci livrent déjà ces informations au bureau de communication. Certes, le présent projet prévoit de soumettre les intermédiaires financiers à de nouvelles obligations d'informer. Il y a 6494

toutefois lieu de penser que le bureau de communication, ne serait-ce que parce que le blocage de valeurs patrimoniales est assorti de délais très serrés, se concentrera sur des aspects spécifiques et ne sollicitera dès lors qu'un nombre restreint d'informations. En outre, cet investissement supplémentaire requis des intermédiaires financiers se trouvera compensé au stade de la procédure pénale, puisque les ministères publics auront moins de points à vérifier.

Vu que les autres réglementations proposées dans le cadre de la présente révision correspondent à la pratique en vigueur, elles ne sauraient avoir de conséquences financières.

3.3

Autres conséquences

La présente révision n'aura pas de conséquences notables pour les cantons et les communes, pas plus que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne ou la société en général. Elle n'aura pas non plus d'impact environnemental.

4

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies nationales du Conseil fédéral

4.1

Relation avec le programme de la législature

La présente révision est annoncée dans le message du 25 janvier 2012 sur le programme de la législature 2011 à 201568. Elle fait partie intégrante du projet législatif global concernant le «message sur la mise en oeuvre des normes GAFI dans le droit national», qui sera mené à bien ultérieurement.

4.2

Relation avec les stratégies nationales du Conseil fédéral

Le Conseil fédéral a publié, le 22 février 2012, la Stratégie pour une place financière compétitive et conforme aux règles de la fiscalité. Ce document souligne l'importance de la lutte contre le blanchiment d'argent pour préserver l'intégrité de la place financière suisse. La prévention en matière de capitaux d'origine criminelle est, à cet égard, une condition essentielle; cette prévention se fonde sur un dispositif efficace, le plus complet possible, pour lutter contre le blanchiment d'argent69. Le présent projet de révision doit permettre à la Suisse d'harmoniser sa pratique en matière d'entraide administrative avec les normes internationales en vigueur. Les modifications proposées s'inscrivent donc dans la droite ligne de l'objectif supérieur consistant à donner à la Suisse les moyens de continuer à assumer, sans restrictions et en collaboration avec ses partenaires étrangers, sa responsabilité dans la lutte contre le blanchiment d'argent.

68 69

FF 2012 349 ss, 479 («Autres objets: message sur la mise en oeuvre des normes GAFI dans le droit national»).

Cf. p. 6 et 10 (document sur www.sif.admin.ch/00754/index.html?lang=fr).

6495

Le 28 mars 2012, le Conseil fédéral a approuvé les priorités stratégiques de la Confédération en matière pénale pour les années 2012 à 2015 (Définition des priorités en matière pénale: stratégie 2012­2015). Cette stratégie met l'accent sur les mesures contre le terrorisme et son financement, mais aussi sur la lutte contre la corruption internationale et le blanchiment d'argent70.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité et légalité

En vertu des art. 95, 98 et 123 de la Constitution fédérale, la Confédération dispose d'une compétence législative dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme et, partant, de la compétence d'édicter la LBA. Les modifications proposées de la LBA se fondent sur cette base constitutionnelle.

Etant donné qu'il modifie une loi fédérale en vigueur (LBA), le présent projet doit être édicté sous la forme d'une loi fédérale, conformément à l'art. 164 Cst. Ce projet de loi ne nécessite pas d'autre modification du droit fédéral en dehors de la modification de la LBA.

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

La présente révision ne touche pas directement aux obligations internationales de la Suisse.

5.3

Forme de l'acte à adopter

Conformément à l'art. 164, al. 1, Cst., toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit, en particulier celles qui touchent aux droits constitutionnels, doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale.

5.4

Frein aux dépenses

La révision de la loi n'entraîne pas de dépenses qui soient soumises au frein aux dépenses (art. 159, al. 3, let. b, Cst.).

5.5

Délégation de compétences législatives

Le présent projet ne prévoit pas de déléguer des compétences législatives supplémentaires.

70

Cf. p. 7 (document sur www.ejpd.admin.ch/content/ejpd/fr/home/dokumentation/mi/2012/2012-03-281.html).

6496