12.068 Message concernant l'initiative populaire «Initiative pour les familles: déductions fiscales aussi pour les parents qui gardent eux-mêmes leurs enfants» du 4 juillet 2012

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre au vote du peuple et des cantons l'initiative populaire «Initiative pour les familles: déductions fiscales aussi pour les parents qui gardent eux-mêmes leurs enfants», en leur recommandant de la rejeter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

4 juillet 2012

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Eveline Widmer-Schlumpf La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2012-1222

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Condensé Actuellement, le droit fiscal n'influence pas les parents dans leur décision de savoir s'ils souhaitent assurer eux-mêmes la garde de leurs enfants ou, au contraire, la confier à un tiers. Si l'initiative populaire «Initiative pour les familles: déductions fiscales aussi pour les parents qui gardent eux-mêmes leurs enfants» était adoptée, cette neutralité fiscale serait abandonnée au profit d'une mesure d'incitation des parents à assumer eux-mêmes la garde de leurs enfants, mesure dont les motifs sont extra-fiscaux. Le Conseil fédéral propose donc de rejeter cette initiative.

Jusqu'à la fin 2010, les frais de garde des enfants par des tiers n'étaient pas déductibles dans le cadre de l'impôt fédéral direct. En réponse à de nombreuses interventions parlementaires qui la demandaient, on a introduit, au 1er janvier 2011, une déduction pour les frais de garde des enfants par des tiers dans la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD) et dans la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID). Cette déduction a permis de compenser la diminution de la capacité économique des parents qui confient la garde de leurs enfants à un tiers.

En vertu de la disposition constitutionnelle proposée par le comité d'initiative, il faudrait obligatoirement accorder aux parents assumant eux-mêmes la garde de leurs enfants la même déduction qu'aux parents confiant cette garde à des tiers. Si l'on décidait de maintenir la déduction pour frais de garde des enfants par des tiers, il serait nécessaire d'introduire une déduction pour la garde de ses propres enfants.

Si l'on décidait au contraire de supprimer la déduction pour frais de garde par des tiers, il ne serait plus nécessaire d'introduire une déduction pour frais de garde de ses propres enfants.

L'introduction de la déduction pour frais de garde des enfants par des tiers a permis non seulement de concrétiser le principe constitutionnel de l'imposition d'après la capacité économique dans ce domaine, mais aussi d'effacer l'influence de la fiscalité sur la décision des parents quant à la manière dont ils souhaitent s'occuper de leur enfant. Grâce à cette mesure, il est plus intéressant pour les parents, notamment pour les mères, d'exercer une activité lucrative supplémentaire. Si
cette initiative était adoptée, la liberté des parents quant à la manière dont ils souhaitent aménager leur vie de famille serait à nouveau entravée. Les parents assumant euxmêmes la garde de leurs enfants seraient en effet de nouveau avantagés par rapport aux parents confiant la garde de leurs enfants à des tiers. Or, d'après le Conseil fédéral, le fait d'avantager les familles dont l'organisation est traditionnelle ne se justifie pas en termes de politique sociétale. De son point de vue, il ne faut donc pas introduire un tel avantage dans la Constitution, ni dans la loi.

6712

Le Conseil fédéral estime par ailleurs que le fait que des parents fassent garder leurs enfants dans des structures extra-familiales est tout à fait compatible avec leur responsabilité parentale, que les parents s'occupant eux-mêmes de leurs enfants ne sont pas désavantagés par le fisc et, enfin, que les parents confiant la garde de leurs enfants à des tiers en assument, en fin de compte, eux-mêmes les coûts.

6713

Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Texte

L'initiative populaire «Initiative pour les familles: déductions fiscales aussi pour les parents qui gardent eux-mêmes leurs enfants» a la teneur suivante: La Constitution1 est modifiée comme suit: Art. 129, al. 4 (nouveau) Les parents qui gardent eux-mêmes leurs enfants doivent bénéficier d'une déduction fiscale au moins égale à celle accordée aux parents qui confient la garde de leurs enfants à des tiers.

4

1.2

Aboutissement et délais de traitement

L'initiative populaire «Initiative pour les familles: déductions fiscales aussi pour les parents qui gardent eux-mêmes leurs enfants» a fait l'objet d'un examen préliminaire par la Chancellerie fédérale le 12 janvier 20102, et elle a été déposée le 12 juillet 2011 avec le nombre requis de signatures.

Par décision du 30 août 2011, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait recueilli 113 011 signatures valables et qu'elle avait donc abouti3.

En vertu de l'art. 97, al. 1, let. a, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)4, le Conseil fédéral doit soumettre à l'Assemblée fédérale un projet d'arrêté fédéral accompagné d'un message dans un délai d'un an à compter du dépôt de l'initiative dont l'aboutissement a été constaté.

Conformément à l'art. 100 LParl, l'Assemblée fédérale décide, dans un délai de 30 mois à compter du dépôt de l'initiative revêtant la forme d'un projet rédigé, si elle recommandera au peuple et aux cantons de l'accepter ou de la rejeter.

1.3

Validité

L'initiative populaire remplit les critères de validité énumérés à l'art. 139, al. 3, Cst.: a.

1 2 3 4

elle obéit au principe de l'unité de la forme puisqu'elle revêt entièrement la forme d'un projet rédigé;

RS 101 FF 2010 261 FF 2011 6151 RS 171.10

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b.

elle obéit au principe de l'unité de la matière puisqu'il existe un rapport intrinsèque entre ses différentes parties;

c.

elle obéit au principe de la conformité aux règles impératives du droit international puisqu'elle ne contrevient à aucune d'elles.

2

Contexte

2.1

Prise en compte du coût des enfants dans le droit en vigueur

2.1.1

Coût moyen des enfants et minimum vital pour l'enfant

Généralités Lorsqu'on considère le coût des enfants à la charge des parents, il faut distinguer entre: ­

les coûts directs (tous les frais du ménage imputables directement aux enfants);

­

les coûts indirects (temps consacré aux enfants estimé en termes monétaires, c'est-à-dire la perte de revenu due à la garde des enfants, d'un côté, et le surplus de travail domestique non rémunéré lié aux enfants, de l'autre);

­

les autres coûts et dégrèvements liés aux enfants (frais de garde des enfants par des tiers, allocations pour enfant et allocations de formation professionnelle, effets liés à l'imposition et aux assurances sociales, effets des contributions d'entretien pour enfants, manques à gagner ultérieurs en raison de l'influence des enfants sur la carrière professionnelle, influence des enfants sur la possibilité d'économiser et de constituer une fortune)5.

Les coûts par enfant diminuent avec le nombre des enfants et augmentent à mesure qu'ils prennent de l'âge. Les coûts indirects sont encore plus élevés que les coûts directs. Pour les bas revenus, les frais imputables aux enfants sont un peu moindres, notamment en raison des subventions de l'Etat, par exemple la réduction du prix des places dans les crèches, la réduction des primes d'assurance-maladie et les bourses.

Coûts directs des enfants Les frais mensuels directs moyens6 liés aux enfants sont de l'ordre de: ­

5 6

1092 francs pour les familles monoparentales avec 1 enfant;

­

819 francs pour les couples avec 1 enfant;

­

655 francs par enfant pour les couples avec 2 enfants;

­

528 francs par enfant pour les couples avec 3 enfants.

Cf. Michael Gerfin et al, Office fédéral de la statistique (OFS), Le coût des enfants en Suisse, Neuchâtel, 2009.

Cf. «Les familles en Suisse», Rapport statistique 2008 de l'OFS, p. 14. Il est à noter que le calcul des coûts directs moyens par enfant ne tient pas compte du fait que seul l'un des parents exerce une activité lucrative ou que les deux touchent un revenu.

6715

La fiscalité ne prend pas en compte les frais effectifs directement imputables aux enfants, mais uniquement un minimum vital approximatif pour l'enfant. Pour calculer le minimum vital dans le domaine des poursuites (minimum vital) selon l'art. 93 de la loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dette et la faillite (LP)7, on se base sur les montants mensuels suivants pour les enfants selon les lignes directrices édictées en 2009 par la Conférence des Préposés aux poursuites et faillites de Suisse: ­

pour chaque enfant jusqu'à 10 ans

400 francs;

­

pour chaque enfant de plus de 10 ans

600 francs.

Dans son rapport publié en 1998, la commission d'experts «Imposition de la famille», instituée par le conseiller fédéral Kaspar Villiger, alors chef du DFF, a estimé le minimum vital pour un enfant à 7200 francs par année, soit à 600 francs par mois.

Elle a donc proposé une déduction pour enfant de ce montant qui serait accordée uniformément pour toutes les classes d'âge. «Un nourrisson coûte certainement moins cher qu'un enfant à la veille de sa majorité, mais une simplification est indispensable ici. La question de savoir si plusieurs enfants dans une famille coûtent en moyenne plus cher ou moins cher qu'un seul enfant est controversée. En Suisse, on admet plutôt que les frais marginaux diminuent, alors que le droit allemand prévoit une allocation pour enfant plus élevée à partir du troisième enfant. La commission a cependant renoncé, pour des raisons pratiques, à différencier la déduction pour enfant en fonction de l'âge et du nombre des enfants8.

Frais de garde des enfants par des tiers D'après les données du Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO), les frais de garde d'un enfant dans une crèche à temps complet peuvent s'élever, sans subventions, à quelque 2000 francs par mois. Les prix des crèches dépendent cependant fortement du revenu des contribuables, d'une part, et du montant des subventions de l'Etat, d'autre part. Selon le rapport statistique «La famille en Suisse»9, publié par l'Office fédéral de la statistique (OFS) en 2008, les coûts moyens des offres d'accueil extrafamilial des enfants sont compris entre 400 et 500 francs par mois.

2.1.2

Prise en compte du coût des enfants dans le cadre de l'impôt fédéral direct

Généralités Les frais d'entretien du contribuable et de sa famille constituent des dépenses sans relation avec l'obtention du revenu. Ils servent à satisfaire les besoins personnels et constituent donc une consommation du revenu en droit fiscal. Fondamentalement, les frais d'entretien du contribuable et de sa famille ne sont donc pas déductibles. Le législateur prévoit cependant diverses mesures pour équilibrer de manière équitable les charges fiscales entre les différentes catégories de contribuables vivant dans des 7 8 9

RS 281.1 Rapport de la commission d'experts chargée d'examiner le système suisse d'imposition de la famille (commission «Imposition de la famille»), Berne 1998, p. 20.

Pages 14 et 37.

6716

conditions économiques différentes. Il s'agit en l'occurrence de la prise en compte des différentes formes que peuvent revêtir les coûts des enfants, coûts qui peuvent n'incomber qu'à certains ménages et pas à d'autres.

Jusqu'à la fin 2010, la LIFD10 tenait compte du coût des enfants au moyen de la déduction pour enfant, conçue sous la forme d'une déduction sociale, et des déductions liées aux enfants pour les primes d'assurances et les intérêts des capitaux d'épargne.

Depuis que les Chambres fédérales ont adopté, le 25 septembre 2009, la loi fédérale sur les allégements fiscaux en faveur des familles avec enfants11, le fisc tient mieux compte des frais liés aux enfants. Ce résultat a pu être obtenu grâce à l'introduction d'un barème parental et d'une déduction pour les frais de garde des enfants par des tiers. Les nouvelles dispositions, entrées en vigueur le 1er janvier 2011, ont notamment permis d'augmenter l'équité fiscale entre les couples avec enfants et les couples sans enfants. Par ailleurs, l'égalité de traitement fiscal entre les parents, qu'ils gardent eux-mêmes leurs enfants ou non, a été augmentée autant que faire se peut.

Les contribuables ayant des enfants bénéficient actuellement des allégements suivants dans le cadre de l'impôt fédéral direct (situation en 2012): ­

déduction annuelle pour enfants de 6500 francs par enfant (art. 213, al. 1, let. a, LIFD);

­

déduction annuelle de 700 francs par enfant pour les primes d'assurance et les intérêts des capitaux de l'épargne (art. 212, al. 1, LIFD);

­

déduction annuelle jusqu'à un montant de 10 100 francs au maximum des frais de garde des enfants par des tiers si l'enfant a moins de 14 ans (dans la mesure où ces frais sont documentés) (art. 212, al. 2bis, LIFD).

­

barème parental (art. 214, al. 2bis, LIFD). Pour calculer le montant de l'impôt d'après le barème parental, il est tenu compte dans un premier temps des déductions pour enfants. Dans un deuxième temps, on applique le barème pour couples mariés. Enfin, dans un troisième temps, on déduit 251 francs par enfant du montant ainsi calculé.

D'après la LIFD, les parents assumant eux-mêmes la garde de leurs enfants n'ont pas la possibilité de faire valoir une déduction spéciale pour cette garde. Quant aux coûts liés au train de vie de l'enfant, ils sont pris en compte dans le cadre de la déduction générale pour enfants, d'une part, et par le barème parental, d'autre part.

Que les parents assument eux-mêmes la garde de leur enfant ou la confient à des tiers ne change rien.

Déduction pour enfants Pour chaque enfant mineur ou en formation, les parents peuvent faire valoir une déduction pour enfants (art. 213, al. 1, let. a, LIFD), à condition que le ou les parents aient effectivement une relation avec l'enfant. Par enfant, seule une déduction peut être demandée en tout et pour tout. En plus de l'exigence de la relation avec l'enfant, la loi exige que la personne qui demande la déduction assure effectivement l'entretien de l'enfant. Par entretien, on entend aussi bien le fait de subvenir au bienêtre physique de l'enfant que l'entretien financier à proprement parler. Lorsque les 10 11

RS 642.11 RO 2010 455

6717

parents séparés exercent l'autorité parentale en commun, cette déduction est répartie par moitié, dans la mesure où aucun des deux parents ne demande la déduction d'une contribution d'entretien pour l'enfant selon l'art. 33, al. 1, let. c, LIFD.

Déduction pour primes d'assurance et intérêts des capitaux de l'épargne D'après l'art. 212, al. 1, LIFD, les versements, les primes et les cotisations d'assurances-vie, d'assurances maladie et d'assurances accidents qui ne sont pas visées par l'art. 33, al. 1, let. f, ainsi que les intérêts des capitaux d'épargne sont déductibles jusqu'à un certain montant (en l'occurrence 3500 francs pour les couples mariés; 1700 francs pour les autres contribuables). Ces montants sont augmentés de 700 francs pour chaque enfant ou personne nécessiteuse pour lesquels le contribuable peut faire valoir la déduction prévue à l'art. 213, al. 1, let. a ou b, LIFD. Dans le cas des contribuables ayant des enfants mineurs ou des enfants majeurs suivant une formation, c'est en principe le contribuable à qui est accordée la déduction pour enfants qui peut demander la déduction des primes d'assurance et des intérêts des capitaux de l'épargne.

Déduction pour frais de garde des enfants par des tiers D'après la jurisprudence constante du Tribunal fédéral et des tribunaux cantonaux, les frais afférents à la garde des enfants par des tiers ne sont pas des frais professionnels déductibles, même s'ils sont parfois étroitement liés à l'obtention du revenu. La déduction pour les frais de garde des enfants par des tiers n'est donc concevable que sous la forme d'une déduction anorganique12 et limitée à un montant maximal par enfant et par an.

Seuls les contribuables qui vivent dans le même ménage et pourvoient à l'entretien des enfants gardés par des tiers peuvent demander la déduction. La déduction ne peut être demandée que pour les enfants qui n'ont pas encore 14 ans révolus.

Le montant de la déduction correspond aux frais documentés liés à la garde des enfants par des tiers jusqu'au montant légal maximal. Ne peuvent être portés en déduction que les frais affectés exclusivement à la garde des enfants pendant la durée effective de travail ou de formation du contribuable ou pendant la durée effective de l'incapacité de travail conjuguée avec l'incapacité de garder les enfants.

Les frais de
garde des enfants par des tiers peuvent également être portés en déduction lorsque la garde des enfants est assurée moyennant rémunération par des membres de la famille, par exemple les grands-parents. De leur côté, ces derniers doivent alors déclarer le même montant à titre de revenu, dans la mesure où ce montant ne dédommage pas seulement des frais causés par les enfants. Dans le cas où un membre de la famille garde les enfants à titre gracieux, les parents n'acquittent pas de frais supplémentaires qui justifieraient un allégement fiscal supplémentaire. Le membre de la famille s'occupant des enfants à titre gracieux ne touche quant à lui pas un revenu imposable.

12

Les déductions anorganiques sont accordées pour des charges particulières qui constituent en soi une utilisation du revenu qui n'est pas déductible, mais dont la déduction est néanmoins admise dans une certaine mesure pour des raisons qui ne relèvent pas de la fiscalité. En l'occurrence, les frais effectivement engagés au cours de la période fiscale sont déterminants; leur déduction est admise jusqu'à concurrence d'un montant maximum fixé par le législateur.

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Les frais liés à la garde des enfants par leurs parents ne peuvent pas être portés en déduction. Quant aux frais de garde par des tiers qui se rapportent à des périodes extérieures au temps de travail ou de formation des parents (par ex. les frais de babysitting incombant le soir ou pendant que les parents s'adonnent à leurs loisirs) ne peuvent pas non plus être déduits. Ces frais, liés aux loisirs des parents, sont considérés comme des frais du train de vie et ne sont, à ce titre, pas déductibles.

C'est au contribuable qu'il revient de justifier son droit à la déduction des frais de garde des enfants par des tiers.

Barème parental Le barème parental est accordé à deux conditions: d'une part, que le contribuable vive dans le même ménage que l'enfant ou la personne nécessiteuse et, d'autre part, qu'il assure l'essentiel de l'entretien de cette personne. Les deux conditions doivent être réunies. Par ailleurs, le barème parental ne peut pas être réparti entre deux personnes. Si les parents sont séparés en fait ou en droit, seul l'un des deux parents peut bénéficier du barème parental.

2.1.3

Prise en compte des frais liés aux enfants dans le droit fiscal cantonal

Généralités La LHID13 ne contient pas de prescription en matière de déductions sociales pour les cantons (art. 9, al. 4, LHID). Presque tous les cantons prévoient des déductions de l'assiette fiscale pour les enfants mineurs ou en formation dont le contribuable assure l'entretien. Toutefois, ces déductions changent d'un canton à un autre, tant en ce qui concerne leur aménagement qu'en ce qui concerne leur montant. Certains cantons accordent des déductions en fonction de l'âge de l'enfant.

Avant 2011, 24 cantons avaient déjà inscrit dans leur législation une déduction pour les frais de garde des enfants par des tiers; la forme de cette déduction est propre à chaque canton. Depuis l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 25 septembre 2009 sur le dégrèvement des familles avec enfants14, les cantons sont tenus, en vertu de l'art. 9, al. 2, let. m, LHID, d'accorder une déduction des frais de garde des enfants par des tiers. Les cantons sont libres de fixer le montant maximal de cette déduction.

D'après cette disposition, analogue à celle de la LIFD, les frais de garde des enfants ne doivent pas être déductibles seulement lorsque les parents exercent une activité lucrative, mais aussi lorsqu'ils sont en formation ou en incapacité de travail. Dans l'esprit de l'harmonisation et de la simplification, la limite d'âge a été uniformisée.

Pour cette raison, les cantons sont tenus d'accorder la déduction des frais de garde effectifs pour les enfants n'ayant pas encore atteint leur 14e anniversaire. Les cantons ont jusqu'au 1er janvier 2013 pour adapter leur droit fiscal (art. 72l LHID).

Déduction pour parents gardant eux-mêmes leurs enfants A l'exception des cantons de Zoug, de Lucerne et du Valais, aucun canton n'accorde une déduction aux parents qui assument eux-mêmes la garde de leurs enfants.

13 14

RS 642.14 RO 2010 455

6719

Dans le canton de Zoug, les parents peuvent déduire jusqu'à 6000 francs par an pour les frais de garde effectifs des enfants par des tiers pour tous leurs enfants de moins de 15 ans (§ 30, let. l, StG-ZG). En outre, ils ont le droit de déduire le même montant pour chaque enfant de moins de 15 ans dont ils assument eux-mêmes la garde (§ 33, al. 2, StG-ZG).

Ces deux déductions ne peuvent cependant pas être cumulées. Toutefois, si les frais de garde par des tiers n'atteignent pas le montant maximal de 6000 francs, les parents zougois peuvent faire valoir la déduction pour les frais de la garde qu'ils assument eux-mêmes. Au final, cette possibilité déploie les mêmes effets qu'une déduction générale supplémentaire d'un montant de 6000 francs pour les enfants de moins de 15 ans. Les parents ayant des enfants de moins de 15 ans pourront en effet demander l'une ou l'autre de ces déductions de 6000 francs.

Les contribuables lucernois ont le droit de déduire un montant effectif de 4700 francs au maximum pour la garde de leurs enfants âgés de moins de 15 ans effectivement assumée par des tiers (§ 42, al. 1b, StG-LU). Ils peuvent faire valoir cette déduction pour les frais de garde de leurs enfants par des tiers dus à l'exercice d'une activité lucrative ou à la formation du parent gérant le ménage. Sont en outre déductibles de façon illimitée les frais de garde des enfants par des tiers dus à une maladie grave ou à l'invalidité du parent gérant le ménage, dans la mesure où ces frais ne sont pas couverts d'une autre manière.

En outre, les contribuables lucernois ont la possibilité, depuis 2011, de demander la déduction de 2000 francs pour chaque enfant de moins de 15 ans dont ils ont assumé eux-mêmes la garde (§ 42, al. 1b et 1c, LU-StG). Il s'agit d'une déduction forfaitaire. Si des frais de garde par des tiers dus à une activité lucrative ou à une formation s'y ajoutent, ceux-ci peuvent donc également être déduits jusqu'à un montant maximal de 4700 francs (§ 42, al. 1b, LU-StG). En raison de la possibilité de cumuler les déductions, la déduction pour frais de garde s'élève généralement à 6700 francs au maximum. Les frais de garde des enfants par des tiers dus à une grave maladie du parent assumant la garde sont pleinement déductibles, à titre d'exception, en plus des frais de garde assumée par les parents
eux-mêmes (§ 42, al. 1c, LU-StG). En fin de compte, la déduction générale de 2000 francs pour les frais de garde assumés par les parents revient à une augmentation de la déduction pour enfants d'âge inférieur ou égal à 15 ans.

En Valais, les parents ont le droit de demander une déduction de 3000 francs pour la garde de leurs propres enfants n'ayant pas encore atteint leur 14e anniversaire. De même, ils ont possibilité de demander une déduction de 3000 francs pour la garde de leurs enfants par des tiers, à condition que l'enfant dont ils assument l'entretien vive dans le même ménage qu'eux, d'une part, et que les frais d'entretien, documentés, aient un lien de causalité direct avec l'activité lucrative, la formation ou l'incapacité de travail du contribuable, d'autre part. Les deux déductions ne sont pas cumulables (art. 29, al. 1, let. l, loi fiscale VS). D'après la pratique valaisanne en matière d'appréciation, la déduction pour les frais de garde de ses propres enfants n'est octroyée, pour les parents vivant seuls, que si leur taux d'occupation ne dépasse pas 75 % et, pour les parents mariés, que si leur taux d'occupation ne dépasse pas, entre les deux, 150 %. Si le taux d'occupation des contribuables dépasse cette limite, ils n'ont le droit de demander que la déduction pour frais effectifs de garde des enfants par des tiers, soit 3000 francs au maximum (et non pas la déduction pour la garde de leurs propres enfants). En raison de cette pratique différenciée du canton du Valais,

6720

les familles monoparentales et les parents mariés exerçant une activité lucrative ne peuvent pas déduire systématiquement 3000 francs.

2.1.4

Interventions parlementaires

Ces dernières années, plusieurs interventions parlementaires demandant la prise en compte fiscale des frais de garde des enfants ont été déposées: Garde des enfants par des tiers: ­

Initiative parlementaire du Groupe radical-libéral. «Droit fiscal fédéral. Prévoir enfin des déductions pour la garde des enfants» (07.438); liquidée

­

Initiative parlementaire du Groupe radical-libéral. «Droit fiscal cantonal.

Prévoir enfin des déductions pour la garde des enfants» (07.439); liquidée

­

Motion Schmid. «Dégrèvement fiscal pour les frais de garde des enfants par des tiers» (08.3166); liquidée

­

Initiative parlementaire Meier-Schatz. «Mesures d'urgence pour alléger la charge fiscale des familles avec enfants» (08.461); liquidée

­

Initiative parlementaire Schwaller. «Des mesures immédiates s'imposent pour alléger les charges financières des familles avec enfants» (08.472); liquidée

­

Motion du Groupe radical-libéral. «Augmentation de la déduction pour les frais de garde des enfants par des tiers à 24 000 francs» (11.3801); non encore traitée au Conseil (a été rejetée par le Conseil fédéral dans son avis du 30 novembre 2011)

Garde de ses propres enfants: ­

Motion Hutter-Hutter, Jasmin. «Allégement fiscal pour les parents qui assument la garde de leurs enfants» (06.3459); liquidée

­

Motion von Rotz. «Pas de discrimination fiscale des familles assurant ellesmêmes la garde de leurs enfants» (08.3890); liquidée

­

Motion Haller Vannini. «Impôt fédéral direct. Déductions pour la garde des enfants par les parents et par des tiers» (08.3896); liquidée

­

Initiative parlementaire du Groupe de l'Union démocratique du centre.

«Allégements fiscaux en faveur des familles qui gardent elles-mêmes leurs enfants» (08.514); liquidée

2.2

Politique du Conseil fédéral en matière de conciliation entre travail et famille

2.2.1

Libre choix du modèle de famille

Le Conseil fédéral estime que le droit fiscal ne doit pas influer sur le choix des familles quant à la manière dont elles souhaitent s'occuper de l'entretien de leurs enfants. Les parents à faible revenu n'ont souvent pas d'autre choix que d'exercer tous les deux une activité lucrative pour subvenir aux besoins de la famille. Pour ces 6721

parents, il est parfois difficile actuellement de trouver des places d'accueil pour leurs enfants. En outre, les personnes à faible revenu ne sont souvent pas en mesure de financer la garde de leurs enfants par des tiers; cela constitue cependant un problème sociétal et non pas fiscal.

Tandis que l'évolution des structures familiales permet de moins en moins souvent de confier la garde des enfants aux grands-parents, la demande de places d'accueil pour enfants a augmenté proportionnellement à l'augmentation du nombre des femmes exerçant une activité lucrative. Cette pénurie de places d'accueil constitue un désavantage pour les parents et les femmes en particulier, notamment en raison du fait qu'il est de plus en plus difficile de concilier travail et famille. Certaines mères renoncent à exercer une activité lucrative parce qu'elles ne trouvent pas de solution satisfaisante pour la garde de leurs enfants. Inversement, la maternité peut empêcher la réalisation des objectifs professionnels. D'un côté, cela concerne les familles à faible revenu: ne pouvant pas exercer une activité lucrative dans la mesure qu'elles souhaitent, elles doivent faire face à un manque à gagner financier pouvant entraîner une situation de précarité. De l'autre, cela concerne aussi les familles à revenu plus élevé, qui voient elles aussi leur liberté de choix d'un modèle de famille entravé. En ce qui les concerne, des taux fiscaux marginaux élevés dans le cadre de l'impôt sur le revenu, conjugués avec la progressivité des tarifs des crèches, peuvent entraîner un effet dissuasif tel que les femmes hautement qualifiées n'ont plus intérêt à exercer une activité lucrative avec un taux d'occupation aussi élevé qu'elles le souhaiteraient.

Dans ce contexte, le Conseil fédéral fonde sa politique en matière de conciliation entre famille et travail sur trois piliers: ­

le traitement fiscal égal entre les parents assumant la garde de leurs enfants et les parents la confiant à des tiers; l'imposition du revenu de l'activité lucrative supplémentaire est contrebalancée par la déductibilité (limitée) des frais de garde, documentés, des enfants par des tiers;

­

la suppression de la pénalisation fiscale des couples mariés à deux revenus par rapport aux concubins;

­

l'incitation financière pour la création de places d'accueil supplémentaires pour enfants.

2.2.2

Introduction d'une déduction des frais de garde des enfants par des tiers

Après des années de discussions au niveau politique concrétisées par le dépôt de nombreuses interventions parlementaires (cf. ch. 2.1.4), la possibilité de déduire les frais de garde des enfants par des tiers a été introduite dans la LIFD et dans la LHID au 1er janvier 2011. Le principal argument était alors que, en l'absence de cette déduction, les parents qui confient la garde de leurs enfants à des tiers seraient pénalisés fiscalement par rapport aux couples traditionnels qui disposent du même revenu mais dont l'un des parents exerce une activité lucrative tandis que l'autre garde les enfants. En effet, à revenu du ménage égal, le couple à deux revenus ne dispose, en fin de compte, pas du même revenu (c'est-à-dire pas de la même capacité financière) que le couple à un seul revenu, car il doit acquitter les frais de la garde des enfants par des tiers.

6722

L'introduction d'une déduction pour les frais de garde des enfants par des tiers a donc permis de supprimer la pénalisation fiscale des parents confiant la garde de leurs enfants à des tiers afin d'exercer une deuxième activité lucrative. Cette déduction permet donc non seulement de réaliser le principe constitutionnel de l'imposition d'après la capacité économique, mais surtout de supprimer l'influence de la fiscalité sur la décision entre garder ses enfants et renoncer à exercer une activité lucrative ou faire garder ses enfants et exercer une activité lucrative. Ainsi, les parents peuvent aménager plus librement leur vie de famille.

Contrairement au droit en vigueur, l'initiative vise à inciter les parents à garder euxmêmes leurs enfants et va, en ce sens, dans une direction contraire à celle visée par la réforme de l'imposition du couple et de la famille de 2009. Accepter cette initiative reviendrait donc à revenir sur la conformité aux principes de la fiscalité, introduite en 2011, de l'imposition des parents confiant la garde de leurs enfants à des tiers. Les ménages assumant eux-mêmes la garde de leurs enfants seraient donc de nouveau avantagés par rapport aux ménages confiant la garde de leurs enfants à des tiers; la situation d'avant la réforme serait ainsi rétablie.

2.2.3

Elimination de la pénalisation des couples mariés à deux revenus

Le Conseil fédéral a mis sur les rails une réforme de l'imposition de la famille le 12 octobre 2011. Le but de cette réforme est de supprimer la pénalisation fiscale subie par les couples mariés par rapport aux concubins. Elle permettra donc de supprimer les effets dissuasifs sur l'exercice d'une activité lucrative et sur l'augmentation du taux d'activité.

2.2.4

Créations de places d'accueil de jour supplémentaires

Un programme ­ limité dans le temps ­ d'impulsion à la création de places d'accueil prévoyant la création de places d'accueil de jour supplémentaires pour les enfants doit permettre aux parents de mieux concilier travail (ou formation) et famille15. Le 1er octobre 2010, le Parlement a décidé16 de prolonger de quatre ans la durée de ce programme d'impulsion, à savoir jusqu'au 31 janvier 2015. Il a autorisé à cet effet un crédit d'engagement de 120 millions de francs. En adhérant au concordat intercantonal sur l'harmonisation de la scolarité obligatoire (HarmoS), les cantons signataires se sont cependant engagés à proposer un accueil extrascolaire permettant de répondre aux besoins locaux.

Le 7 mars 2012, le Conseil national, prioritaire, a approuvé un projet élaboré par sa Commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS-N) en réponse à une initiative parlementaire déposée par Norbert Hochreutener (07.419), dont le but était d'inscrire dans la Constitution le principe de la promotion de la conciliation 15

16

Initiative parlementaire «Incitation pour la création de places d'accueil pour enfants en dehors du cadre familial», rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 22 février 2002; loi fédérale du 4 octobre 2002 sur les aides financières à l'accueil extra-familial pour enfants (RS 861).

RO 2011 307

6723

entre travail et famille. En substance, les cantons sont chargés de veiller à proposer une offre répondant aux besoins en matière de structures d'accueil de jour extrafamiliales et extrascolaires.

2.2.5

Création de conditions de travail favorables à la vie de famille

Avec l'aide de l'Union patronale suisse, la Confédération a développé des outils pragmatiques afin de sensibiliser et d'informer les entreprises à propos de la mise en place de condition de travail favorables à la vie de famille, comme la flexibilité en matière de temps et de lieux de travail (voir notamment le «Manuel PME Travail et famille»).

2.2.6

Amélioration de l'échange d'informations sur les mesures cantonales et les mesures communales

Depuis 2009, la Confédération héberge une plateforme virtuelle mise à jour annuellement qui offre un aperçu des mesures cantonales et des mesures communales dans les domaines de l'accueil extra-familial pour enfants et de la politique entrepreneuriale favorables à la famille. Cette plateforme d'information «Conciliation travail ­ famille» (www.berufundfamilie.admin.ch) présente les bases légales, les instruments mis en place ainsi que les projets en cours dans les cantons et dans les communes.

Le but de cette plateforme est d'alimenter la discussion politique et d'accélérer le développement de mesures.

2.2.7

Mandat d'examiner l'imposition d'après la capacité contributive objective

Afin d'atteindre à long terme l'objectif d'une prise en compte des frais liés aux enfants qui soit conforme aux principes de la fiscalité, aussi simple que possible sur le plan administratif et susceptible de rallier une majorité politique, le Conseil fédéral a chargé le DFF, par décision du 15 février 2012, d'étudier, en collaboration avec le DFI et le DFE, la faisabilité d'un passage à l'imposition d'après la capacité contributive objective (pas de prise en compte fiscale des charges liées aux enfants).

L'imposition d'après la capacité contributive objective se limite à la réalisation du principe objectif net. A revenu égal, les personnes paieraient le même montant d'impôt, qu'ils aient des enfants ou non. Il existe d'autres moyens que la fiscalité pour tenir compte des charges liées aux enfants. Le but est que chaque enfant puisse bénéficier du même montant pour son entretien, quelle que soit la situation économique de ses parents.

En lieu et place d'un système d'imposition des allocations pour enfants et des allocations de formation professionnelle assorti, en faveur des contribuables avec enfants, de diverses déductions et de corrections au niveau du barème, l'Etat pourrait introduire, pour chaque enfant, une allocation mensuelle pour enfant exonérée. Suivant son aménagement, une telle mesure permettrait par ailleurs de supprimer la charge administrative pesant sur les employeurs et sur les assurances sociales au moment où 6724

ils versent les allocations pour enfants et les allocations de formation professionnelle. Afin de compenser la suppression de la déduction pour la garde des enfants, on pourrait imaginer un subventionnement plus complet de la garde extra-familiale des enfants.

3

Buts et contenu

3.1

Buts visés

L'UDC a déposé cette initiative populaire dans l'intention de renforcer la famille en tant que pilier de la société. Pour atteindre ce but dans le domaine fiscal, elle propose d'alléger l'imposition des familles avec enfants. Elle reconnaît à ce titre que le barème fiscal introduit dans la LIFD par la loi fédérale du 25 septembre 2009 sur les allégements fiscaux en faveur des familles avec enfants17, d'un côté, et la déduction pour frais de garde des enfants dans la LIFD et la LHID, de l'autre, ont permis de mieux tenir compte des charges liées aux enfants. Par contre, l'UDC n'est pas d'accord avec le fait que seuls les parents qui confient la garde de leurs enfants à des tiers puissent bénéficier de la nouvelle déduction pour enfants tandis que les parents qui assument eux-mêmes la garde de leurs enfants ne bénéficient pas de cet avantage. Au moment des consultations relatives à cette déduction aux Chambres fédérales, la proposition de l'UDC d'accorder cette déduction à toutes les familles n'a pas été retenue. Afin que toutes les familles puissent bénéficier de cette déduction pour l'entretien de leurs enfants, l'UDC a lancé l'initiative populaire «Initiative pour les familles: déductions fiscales aussi pour les parents qui gardent eux-mêmes leurs enfants». Elle estime que sa proposition permettrait de supprimer l'actuelle discrimination frappant les parents assumant eux-mêmes la garde de leurs enfants.

Comme elle l'affirme elle-même, l'UDC veut s'engager dans tous les domaines pour renforcer la responsabilité individuelle et lutter contre toute tendance à déléguer les tâches parentales à l'Etat. Avec son initiative pour les familles, elle veut rétablir la liberté de choix et l'indépendance des familles dans l'éducation des enfants tout en luttant contre la mise sous tutelle des parents.

D'après la volonté de l'UDC, la disposition constitutionnelle proposée devrait être appliquée directement dans le cadre de l'impôt fédéral direct. En ce qui concerne les impôts cantonaux, l'UDC, favorable au système fédéraliste suisse, soutient l'autonomie des cantons. Elle estime que le législateur cantonal doit pouvoir décider librement s'il souhaite accorder ou non des déductions pour les frais de garde.

Cependant, si de telles déductions sont accordées aux parents confiant la garde de leurs enfants à des tiers, il faut alors accorder des déductions au moins équivalentes aux parents qui assument eux-mêmes la garde de leurs enfants.

3.2

Interprétation du texte de l'initiative

D'après le texte de la disposition constitutionnelle, il faut accorder aux parents qui assument eux-mêmes la garde de leurs enfants une déduction équivalente à la déduction accordée aux personnes qui confient la garde de leurs enfants à des tiers. Cette 17

RO 2010 455

6725

initiative populaire, si elle était acceptée, rendrait obligatoire l'introduction d'une déduction pour la garde de ses propres enfants dans les cas où la possibilité de déduire les frais de garde des enfants par des tiers n'est pas supprimée. Dans le cas contraire, on pourrait renoncer à la déduction de frais de garde de ses propres enfants.

Contrairement à l'avis du comité d'initiative, la disposition constitutionnelle proposée ne peut pas être appliquée directement dans le cadre de l'impôt fédéral direct, ni dans celui des impôts cantonaux, pour deux raisons:

18 19

­

En raison du rattachement de cette nouvelle disposition à l'art. 129 Cst., qui concerne les impôts cantonaux et les impôts communaux, il n'est pas certain que l'égalité de traitement fiscal, exigée par la Constitution, entre les parents assumant eux-mêmes la garde de leurs enfants et les parents confiant cette garde à des tiers s'appliquerait aussi dans le domaine de la LIFD; la Constitution traite en effet de l'impôt fédéral direct à l'art. 128. Afin que la déduction pour les frais de garde de ses propres enfants voulue par les auteurs de l'initiative puisse entrer en vigueur à l'échelon de la Confédération et à celui des cantons, elle devrait être inscrite non seulement à l'art. 128 Cst., mais aussi à l'article 129 Cst. Etant donné que l'harmonisation des impôts ne doit pas déployer ses effets seulement entre les cantons (harmonisation horizontale), mais aussi entre la Confédération et les cantons (harmonisation verticale)18, on peut supposer que le Conseil fédéral, en cas d'acceptation de l'initiative, proposera d'introduire la même réglementation dans la LIFD afin d'assurer l'harmonisation verticale.

­

D'après la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, une disposition constitutionnelle est directement applicable à condition qu'elle soit assez précise et que les autorités puissent l'appliquer dans le cadre des procédures et avec les moyens dont elles disposent, sans dépasser les limites fonctionnelles de leur domaine de compétence19. En ce qui concerne l'impôt fédéral direct, la disposition constitutionnelle proposée par les auteurs de l'initiative n'est pas assez concrète. Il n'est pas possible en effet d'accorder aux parents assumant eux-mêmes la garde de leurs enfants une déduction correspondant à la déduction pour frais de garde des enfants par des tiers au sens de l'art. 212, al. 2bis, LIFD parce que les frais de garde des ses propres enfants ne sont pas documentables et, de ce fait, que le montant de la déduction ne pourrait pas être défini dans un cas concret. En cas d'acceptation de l'initiative pour les familles, la mise en oeuvre de l'art. 129, al. 4, Cst. exigerait une révision de la LIFD. La disposition constitutionnelle ne pourrait pas non plus s'appliquer directement dans le cadre de la LHID. D'après l'art. 9, al. 2, let. m, LHID, les frais de garde des enfants par des tiers, à condition qu'ils soient documentés, sont déductibles jusqu'à concurrence d'un montant déterminé par le droit cantonal. Etant donné que les frais de garde de ses propres enfants ne peuvent pas être chiffrés, les autorités fiscales ne peuvent pas accorder une déduction équivalente aux parents assumant eux-mêmes la garde de leurs enfants. En d'autres termes, des dispositions d'exécution seraient également nécessaires dans la LHID.

Commentaire sur la Constitution fédérale suisse, Bernhard Ehrenzeller et al., au sujet de l'art. 129, note 5, 2e édition, Bâle 2008.

Voir ATF 121 I 367, consid. 2c et renvois cités.

6726

Si cette initiative populaire était acceptée, le législateur fédéral et les législateurs cantonaux seraient tenus de fixer dans leur législation les mêmes règles pour ces deux catégories de parents.

4

Appréciation de l'initiative

4.1

Appréciation des demandes de l'initiative

4.1.1

Pas de désavantage fiscal pour les parents gardant eux-mêmes leurs enfants

Les auteurs de l'initiative veulent, comme ils le soulignent, renforcer la responsabilité individuelle et lutter contre toute tendance à déléguer les tâches parentales à l'Etat. Ils estiment que l'intrusion de l'Etat dans l'éducation des enfants et des adolescents tend à s'accroître et s'y opposent. De plus en plus de projets viseraient à déléguer ces tâches à l'Etat, notamment le financement de la garde extra-familiale des enfants par des aides financières et des «mesures d'innovation» dans le domaine des crèches.

Si la décision de mettre au monde des enfants était vraiment une affaire strictement privée, il serait cohérent de supprimer toutes les déductions liées au coût des enfants et de supprimer les allocations pour enfants. L'initiative va cependant dans une autre direction: l'UDC estime que les parents rendent un service à la communauté lorsqu'ils élèvent eux-mêmes leurs enfants et, par conséquent, qu'il faut honorer leurs efforts. Du point de vue de l'UDC, la possibilité de déduire les frais de garde des enfants par des tiers récompense exclusivement les parents qui n'assument pas pleinement leur responsabilité de parents et confient le destin de leurs enfants à l'Etat. Quant aux parents assumant eux-mêmes la garde de leurs enfants, ils seraient pénalisés fiscalement sur deux plans selon l'UDC: ­

les parents qui assument eux-mêmes la garde de leurs enfants renoncent à un revenu supplémentaire;

­

ils subventionnent par leurs impôts les parents n'assumant pas leur responsabilité parentale en plaçant leurs enfants dans des centres d'accueil extrafamilial appartenant à l'Etat ou subventionnés par ce dernier.

On peut cependant remettre en question la pertinence de cette argumentation et constater que: ­

confier la garde des enfants à des tiers ne signifie pas que les parents n'assument pas leur responsabilité parentale (on peut très bien concilier les deux);

­

les parents assumant eux-mêmes la garde de leurs enfants ne sont pas pénalisés fiscalement;

­

le subventionnement indirect des parents confiant la garde de leurs enfants à des tiers par les parents assumant eux-mêmes la garde de leurs enfants n'a pas été constaté dans les faits.

On peut souligner en outre que le subventionnement des places d'accueil extrafamilial présente des avantages pour l'économie publique.

6727

4.1.2

Confier la garde des enfants à des tiers n'empêche pas d'assumer la responsabilité parentale

Dans leur argumentation, les auteurs de l'initiative se réfèrent à la notion de responsabilité parentale (responsabilité propre des parents). On peut se demander ce que signifie cette responsabilité propre dans le cadre de la garde des enfants.

Une première interprétation possible serait de dire que la responsabilité propre est l'obligation intrinsèque des parents de s'occuper eux-mêmes de leurs enfants jusqu'à ce que ces derniers puissent voler de leurs propres ailes et, donc, assumer leur propre responsabilité. Vue sous cet angle, la responsabilité propre ne peut pas être déléguée.

Les parents d'enfants ayant besoin d'assistance ont donc l'obligation d'organiser leur vie professionnelle de telle sorte qu'ils puissent honorer leur responsabilité parentale. En d'autres termes, les parents peuvent choisir de deux choses l'une: soit ils occupent chacun un poste à temps partiel, soit l'un des deux parents exerce une activité lucrative tandis que l'autre s'occupe des enfants. Il s'agit donc d'une définition étroite de la responsabilité propre puisqu'elle exclut d'emblée tous les modes de vie dans lesquels les parents combinent activité professionnelle et garde des enfants par des tiers. Elle ne vise donc pas à une égalité de traitement entre les parents assumant eux-mêmes la garde de leurs enfants et les parents confiant cette garde à des tiers, mais plutôt à désavantager les parents ayant choisi d'exercer tous les deux une activité professionnelle.

La société moderne reconnaît cependant diverses formes de vie, et il existe différentes opinions en ce qui concerne la manière optimale de s'occuper de ses enfants. Il faut donc laisser aux parents la liberté de décider de quelle manière ils souhaitent s'occuper de leurs enfants, dans la mesure où leur choix n'est pas manifestement contraire aux besoins de l'enfant. Le droit fiscal ne devrait pas influer sur la décision des parents dans ce domaine.

Il apparaît que cette première interprétation de la responsabilité propre des parents est trop étroite. Si on élargit quelque peu la définition de cette notion, on constate que la garde des enfants répond également aux critères de la responsabilité parentale lorsqu'ils la confient à des tiers en s'assurant que la qualité de la garde sera la même.

D'après cette interprétation plus large, les parents peuvent
assumer leur responsabilité propre en matière de garde des enfants et d'éducation également s'ils offrent à l'enfant une garde et une éducation par des tiers correspondant aux besoins de l'enfant et permettant d'assurer qu'il sera parfaitement intégré dans la société et pourra mener sa vie de façon autonome lorsqu'il sera grand. Certains parents estimeront que la seule bonne méthode consiste à assurer eux-mêmes la garde de leurs enfants; d'autres estimeront que la garde extra-familiale des enfants est également une solution adéquate.

Des études ont montré que la garde extra-familiale des enfants est également bénéfique et importante dans la vie d'un enfant. Les places d'accueil pour enfants, à condition qu'elles soient bien gérées, jouent notamment un rôle majeur dans l'intégration et la socialisation des enfants uniques et des enfants de familles récemment immigrées. Pour d'autres enfants également, le passage à la vie scolaire

6728

se fait souvent plus facilement: leurs résultats sont meilleurs, et leur intégration sociale tend à être plus solide.20 Dans la mesure où la garde extra-familiale des enfants est de bonne qualité, on peut considérer qu'il n'y a pas de différence qualitative avec la garde assumée exclusivement par les parents eux-mêmes. Les parents qui choisissent de confier la garde de leurs enfants à des tiers assument donc leur responsabilité parentale aussi bien que les parents qui choisissent de garder eux-mêmes leurs enfants.

4.1.3

Pas de pénalisation fiscale des parents qui gardent eux-mêmes leurs enfants

Il est de fait que les parents qui choisissent d'assurer eux-mêmes la garde de leurs enfants n'exercent pas d'activité lucrative pendant ce temps et renoncent par conséquent à un revenu. Renoncer à un revenu supplémentaire n'entraîne cependant pas d'impôt supplémentaire. Or, dans le même temps, les parents qui confient la garde de leurs enfants à un tiers pour exercer une activité lucrative réalisent un revenu imposable. Pour cette raison, un allégement fiscal supplémentaire en faveur des parents qui assument eux-mêmes la garde de leurs enfants ne se justifie pas. Si un tel allégement était néanmoins accordé, par exemple sous la forme d'une déduction pour les frais de garde de ses propres enfants, la neutralité de l'imposition ne serait plus garantie entre les parents assumant eux-mêmes la garde de leurs enfants et ceux confiant cette garde à des tiers. Or, cette inégalité de traitement n'est pas compatible avec le principe de l'imposition d'après la capacité économique. Cette mesure servirait en effet à remplir un but extra-fiscal, à savoir l'encouragement des parents à garder eux-mêmes leurs enfants.

4.1.4

Les parents qui confient la garde de leurs enfants à des tiers en paient les frais de leur poche

Un autre aspect de la responsabilité propre concerne la question de savoir si les parents ayant opté pour la garde extra-familiale de leurs enfants acquittent euxmêmes les frais de cette garde ou s'ils sont indirectement subventionnés.

Pour répondre à cette question, on peut imaginer par hypothèse un monde dans lequel il n'existerait aucune possibilité de garde extra-familiale des enfants et dans lequel tous les parents assumeraient eux-mêmes la garde de leurs enfants. Si l'on introduisait dans ce monde des places d'accueil pour enfants et, parallèlement, la possibilité de déduire les frais effectifs de garde des enfants du revenu imposable, une partie des parents déciderait d'exercer une activité lucrative supplémentaire.

Si l'on fait abstraction des conséquences fiscales, on peut considérer que l'opération est intéressante du point de vue économique lorsque le revenu supplémentaire est plus élevé que les frais de garde des enfants par des tiers. Et si l'on tient compte des impôts, c'est-à-dire si le revenu supplémentaire est imposable, l'exercice d'une 20

Voir à ce sujet Karin Müller Kucera et Tobias Bauer: Volkswirtschaftlicher Nutzen von Kindertagesstätten. Welchen Nutzen lösen die privaten und städtischen Kindertagesstätten in der Stadt Zürich aus? Rapport final à l'intention du Département des affaires sociales de la ville de Zurich, Berne, novembre 2000.

6729

activité lucrative supplémentaire reste avantageux à condition que les frais de garde extra-familiale des enfants puissent être défalqués du revenu imposable. Etant donné que le revenu supplémentaire est en général plus élevé que les frais de garde des enfants par des tiers, l'exercice d'une activité lucrative supplémentaire génère des recettes pour le fisc. Tel n'est pas le cas lorsque le revenu imposable ne dépasse pas, malgré le revenu supplémentaire, le montant exonéré; dans ce cas, on n'enregistre ni recettes ni manque à gagner supplémentaires; ces cas sont toutefois exceptionnels.

Lorsque les deux parents travaillent, l'économie en profite aussi puisque les spécialisations professionnelles des deux parents peuvent être exploitées. Du fait que les parents au bénéfice d'une formation solide consacrent davantage de temps au travail, leur productivité est plus importante que s'ils gardaient eux-mêmes leurs enfants. La productivité moyenne de la population est donc nettement plus élevée et la croissance économique plus importante, ce qui profite indirectement aussi aux parents qui assument eux-mêmes la garde de leurs enfants et aux ménages sans enfant.

En Suisse, il arrive que les places d'accueil pour enfants soient en partie subventionnées par des contributions de l'Etat. Les parents concernés ne doivent acquitter qu'une partie des frais de garde des enfants par des tiers.

La subvention déploie deux types d'effets: ­

Si la garde des enfants par des tiers est subventionnée par l'Etat, la part des coûts incombant aux parents diminue. Toutefois, étant donné que seuls les frais effectifs peuvent être portés en déduction de l'impôt, la subvention réduit le volume des déductions pour les frais de garde des enfants par des tiers, de telle sorte que le manque à gagner en raison des déductions est inférieur au manque à gagner en l'absence de subventions.

­

Le subventionnement d'établissements de garde extra-familiale est souvent utilisé pour baisser les frais de garde des enfants pour les parents à faible revenu. Les principaux bénéficiaires sont les familles monoparentales, auxquelles le fait de confier la garde des enfants à des tiers permet d'exercer une activité lucrative. Dans ces cas, la subvention permet souvent à l'Etat d'économiser des prestations d'aide sociale.

Ces deux effets atténuent fortement les effets de répartition en faveur des utilisateurs de places d'accueil pour enfants subventionnées.

Les subventions pour places d'accueil pour enfants ne trouvent pas une justification seulement sociale ­ comme c'est généralement le cas ­, mais aussi économique (effet de levier sur la croissance). Lorsqu'il devait choisir entre le subventionnement d'alternatives à la garde des enfants par leurs parents et le versement de paiements de transfert généraux pour les enfants, le législateur s'est posé la question de savoir lequel des deux instruments déploierait les meilleurs effets. Dans cette comparaison, le versement de subventions l'emporte pour deux raisons: d'une part, il permet d'augmenter le pourcentage de femmes sur le marché du travail; de l'autre, il permet d'augmenter le nombre des naissances.21 En raison de l'impact de la faiblesse du taux de natalité sur un régime de prévoyance vieillesse financé selon le système de répartition, le subventionnement de places d'accueil pour enfants peut se révéler un

21

Voir à ce sujet Patricia F. Apps et Ray Rees: «Fertility, Female Labor Supply and Public Policy», Institut for the Study of Labor (IZA), Bonn, Discussion Paper No. 409, December 2001.

6730

instrument politique beaucoup plus attrayant que les transferts d'argent liés aux enfants.

Pour évaluer l'efficacité des places d'accueil de jour pour enfants privées et publiques de la ville de Zurich, on a calculé le quotient rendement sur investissement en se fondant sur les données de 199922. A un investissement de 39,1 millions de francs au total, dont 17,8 millions ont été financés par les pouvoirs publics, on peut opposer un rendement de 136,7 à 157,5 millions de francs. En ce qui concerne le rendement, on a relevé d'autres éléments qualitatifs, qui ne sont cependant pas chiffrables.

En tout état de cause, le rapport entre rendement et investissement des places d'accueil de jour pour enfants subventionnées par les pouvoirs publics est des plus favorable.

L'affirmation selon laquelle les parents assurant eux-mêmes la garde de leurs enfants financeraient indirectement, en raison du système fiscal, les parents confiant la garde de leurs enfants à des tiers apparaît donc contestable. Les parents bénéficiant de la déduction pour frais de garde extra-familiale apportent probablement davantage d'argent à l'Etat qu'ils ne lui en coûtent: le montant de l'impôt sur le revenu supplémentaire réalisé par ces parents est sans doute supérieur au montant des déductions pour frais de garde extra-familiale des enfants et autres subventions aux établissements de garde extra-familiale.

4.2

Mise en oeuvre de l'initiative

Si cette initiative populaire était acceptée, le texte de la disposition constitutionnelle proposé laisserait au législateur fédéral le choix entre quatre variantes pour mettre en oeuvre cette initiative au niveau législatif:

22

1.

Abrogation de la déduction pour enfants dont la garde est assurée par des tiers, prévue aujourd'hui aussi bien par la LIFD que par la LHID. Avec cette variante, il ne serait pas nécessaire d'introduire, à l'échelon des cantons et à celui de la Confédération, une déduction pour les parents qui assument euxmêmes la garde de leurs enfants.

2.

Abrogation, dans la LIFD, de la déduction pour enfants dont la garde est assurée par des tiers, et inscription d'une disposition dans la LHID laissant aux cantons la liberté de décider s'ils souhaitent introduire ou non une déduction pour frais de garde des enfants dans leur législation. Avec cette variante, il ne serait pas nécessaire d'introduire, à l'échelon de la Confédération, une déduction pour les parents assumant la garde de leurs propres enfants. Quant aux cantons qui garderaient leur déduction pour frais de garde des enfants par des tiers, ils devraient introduire une déduction pour les frais de garde de ses propres enfants.

Voir à ce sujet Karin Müller Kucera et Tobias Bauer: Volkswirtschaftlicher Nutzen von Kindertagesstätten. Welchen Nutzen lösen die privaten und städtischen Kindertagesstätten in der Stadt Zürich aus? Rapport final à l'intention du Département des affaires sociales de la ville de Zurich, Berne, novembre 2000.

6731

3.

Maintien, dans la LIFD, de la déduction pour enfants dont la garde est assurée par des tiers, assorti de l'inscription d'une disposition dans la LHID laissant aux cantons la liberté de décider s'ils souhaitent introduire ou non une déduction pour frais de garde des enfants dans leur législation. Avec cette variante, il faudrait introduire une nouvelle déduction pour les frais de garde de ses propres enfants dans la LIFD ainsi que dans les lois fiscales des cantons ayant décidé de maintenir la déduction pour les frais de garde des enfants par des tiers.

4.

Maintien, dans la LIFD et dans la LHID, de la déduction pour enfants dont la garde est assurée par des tiers. Avec cette variante, il faudrait introduire une déduction pour les parents gardant leurs propres enfants aussi bien dans la LIFD que dans toutes les lois fiscales cantonales.

Du point de vue de la mise en oeuvre, l'abrogation pure et simple de la déduction pour frais de garde des enfants par des tiers (variante 1 ou 2) constituerait la variante la plus simple.

L'introduction d'un droit d'option pour les cantons (variantes 2 et 3, choix d'introduire ou non une déduction pour frais de garde des enfants) serait contraire à l'art. 129 Cst., qui charge la Confédération de fixer les principes de l'harmonisation des impôts directs de la Confédération, des cantons et des communes. Or, la nouvelle disposition constitutionnelle devrait s'inscrire dans cet article. Cette mesure entraînerait donc une nouvelle disharmonie entre la Confédération et les cantons et entre les cantons eux-mêmes dans le domaine, aujourd'hui harmonisé, de la déduction pour frais de garde des enfants23.

Si l'on décidait de maintenir la déduction pour frais de garde des enfants par des tiers dans la LIFD ou dans les lois fiscales cantonales (variantes 2 à 4), la question se poserait de savoir comment une déduction équivalente pour les parents assumant eux-mêmes la garde de leurs enfants devrait être conçue. Tandis qu'il est possible, à l'échelon de la Confédération, de porter en déduction les frais de garde des enfants par des tiers effectivement acquittés et documentés jusqu'à concurrence de 10 100 francs au maximum, le montant de cette nouvelle déduction, lorsque les parents gardent leurs propres enfants, n'est pas précisé (les frais n'étant dans ce cas pas documentés)24. En outre, la définition de la notion de garde de ses propres enfants n'est pas clairement définie. Par exemple, est-il encore question d'une garde de ses propres enfants lorsque des membres de la famille assurent gracieusement la garde des enfants pendant le temps de travail de leurs parents ? Si l'une de ces variantes devait être concrétisée, il pourrait s'ensuivre une combinaison, au niveau législatif, entre l'actuelle déduction pour frais de garde des enfants par des tiers et une déduction pour frais de garde de ses propres enfants, comme c'est le cas dans le 23

24

Dans le développement de l'initiative, les auteurs proposent de laisser aux législateurs cantonaux, mais pas au législateur fédéral, la liberté de décider s'ils veulent accorder ou non des déductions pour les frais de garde des enfants. Dans la mesure où de telles déductions sont admises, les déductions accordées aux parents assumant eux-mêmes la garde de leurs enfants devraient être au moins équivalentes à celles accordées aux parents confiant la garde de leurs enfants à des tiers.

Dans son développement, l'UDC propose d'introduire pour toutes les familles, qu'elles assument elles-mêmes la garde de leurs enfants ou non, une déduction pour frais de garde des enfants de l'ordre de 8000 francs dans le cadre de l'impôt fédéral direct, sans qu'elles doivent documenter ces frais. Du point de vue de la systémique fiscale, cette conception correspond à l'actuelle déduction pour enfants, qui est aménagée comme une déduction sociale et qui s'élève actuellement à 6500 francs.

6732

canton de Zoug (voir à ce sujet le ch. 2.1.3.2). Au final, cela reviendrait à introduire une déduction pour enfants générale supplémentaire en faveur de tous les parents ayant des enfants jusqu'à 15 ans, qu'ils aient eu ou non à acquitter des frais de garde des enfants par des tiers.

Si l'initiative populaire est acceptée, la décision concernant sa mise en oeuvre reviendra au législateur fédéral, qui procédera aux adaptations requises dans la LIFD et dans la LHID.

4.3

Conséquences en cas d'acceptation

4.3.1

Conséquences économiques

Du point de vue du Conseil fédéral et de la majorité des membres de l'Assemblée fédérale, l'imposition des parents, qu'ils assument eux-mêmes la garde de leurs enfants ou qu'ils la confient à des tiers, telle qu'elle a été introduite en 2009 dans le cadre de la réforme de l'imposition du couple et de la famille, est conforme aux principes de la fiscalité. Depuis cette réforme, il arrive plus fréquemment que le père et la mère exercent une activité lucrative. Quant aux parents exerçant déjà une activité lucrative, ils ont tendance à augmenter leur taux d'occupation. Globalement, on observe donc une plus grande activité sur le marché du travail, en particulier en ce qui concerne les mères. Par ailleurs, les spécialisations professionnelles peuvent être mieux exploitées. Lorsque le revenu est plus élevé que les frais de garde des enfants par des tiers, l'incitation à exercer une activité lucrative est d'autant plus grande. D'un point de vue économique, il est avantageux que ces femmes, généralement bien qualifiées, entrent sur le marché du travail et contribuent ainsi à la croissance économique du pays. Il est cependant important que les femmes moins bien qualifiées exercent elles aussi une activité lucrative: leur contribution à la prospérité de la société est également importante.

Si cette initiative était acceptée, les effets favorables en termes d'évolution sociétale et de croissance qui ont été déployés par la réforme de 2009 seraient réduits à néant.

4.3.2

Conséquences sur l'égalité entre femmes et hommes

L'acceptation de l'initiative pourrait avoir des retombées négatives sur l'égalité entre femmes et hommes énoncée à l'art. 8, al. 3, Cst.: si le fait de privilégier les parents gardant eux-mêmes leurs enfants se fait au détriment de l'activité lucrative des deux parents, la réalité montre que c'est souvent l'activité lucrative de la femme qui est touchée. Or, la disposition constitutionnelle mentionnée prévoit entre l'homme et la femme «l'égalité de droit et de fait, en particulier dans les domaines de la famille, de la formation et du travail». Il faut donc notamment veiller à ce que les deux parents aient les mêmes chances d'exercer une activité lucrative et de s'épanouir professionnellement. Il apparaît que la volonté d'influer sur l'aménagement de la vie de famille par le biais de la promotion, au moyen d'allégements fiscaux, de la garde de ses propres enfants (qui va de pair avec la renonciation à l'exercice d'une activité lucrative) est contraire au principe constitutionnel de

6733

l'égalité entre femmes et hommes25. D'un point de vue économique également, le maintien et le développement des compétences techniques et professionnelles des femmes bien formées constituent clairement des avantages.

4.3.3

Conséquences financières

Si la déduction pour frais de garde des enfants par des tiers, qui vient d'être introduite, était abrogée purement et simplement, il s'ensuivrait une augmentation des recettes fiscales de l'ordre de 60 millions de francs par an dans le cadre de l'impôt fédéral direct.

Si la déduction pour frais de garde des enfants par des tiers était remplacée par une déduction forfaitaire accordée pour tous les enfants sans que les frais de garde effectifs doivent être documentés, cette déduction générale pourrait être accordée par exemple, de façon analogue à la déduction actuelle pour frais de garde des enfants par des tiers, pour tous les enfants âgés de moins de 14 ans. Si cette déduction forfaitaire était calculée sur un montant de 10 100 francs, ce qui correspond à la déduction actuelle maximale pour les frais de garde des enfants par des tiers, elle entraînerait un manque à gagner de l'ordre de 390 millions de francs par an.

Quant aux éventuels manques à gagner supplémentaires dus à l'incidence de cette mesure sur le comportement des parents, ils n'ont pas été pris en compte dans le calcul des pertes de recettes. Or, le changement de comportement des parents pourrait se traduire par une diminution de la propension des parents à exercer une activité lucrative et, ainsi, entraîner un manque à gagner dans le cadre de l'impôt sur le revenu. En revanche, les pouvoirs publics pourraient réduire leurs dépenses du fait que le nombre des places de crèche demandées irait décroissant. Etant donné que le premier effet est plus important, le changement de comportement des parents aurait, en fin de compte, des retombées négatives sur les finances de la Confédération, des cantons et des communes.

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Conclusions

Le Conseil fédéral considère que la législation accorde à juste titre une importance particulière à l'institution du couple marié et de la famille, en tant que plus petite unité de la société. Il estime cependant qu'il convient aussi de tenir compte de manière appropriée des diverses autres formes de la famille. Le renforcement de la famille en tant que telle, d'un côté, et l'acceptation des différentes formes de la famille, de l'autre, sont des étais importants pour la cohésion sociale actuelle. Le droit fiscal devrait rester neutre quant aux différentes formes de la famille, qu'il s'agisse de la famille traditionnelle à un seul revenu ou de la famille à deux revenus.

C'est pour cette raison que le Parlement a adopté, en 2009, la loi fédérale sur l'allégement fiscal des familles avec enfant, qui prévoit une déduction pour les frais de garde des enfants par des tiers.

Le droit fiscal en vigueur permet aux parents de planifier librement leur vie de famille puisqu'il n'influe pas sur le choix en matière de garde des enfants. En 25

Voir aussi à ce sujet l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_161/2009 du 3 mars 2010

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d'autres termes, le droit actuel n'est discriminatoire ni envers les parents assumant la garde de leurs propres enfants, ni envers ceux qui confient la garde de leurs enfants à des tiers.

Si cette initiative était acceptée, la neutralité du système actuel, largement assurée aujourd'hui, serait abandonnée pour des motifs extra-fiscaux, à savoir la promotion de la garde des enfants par les parents eux-mêmes. D'après la conception du Conseil fédéral, il n'y a aucune raison sociétale de privilégier les familles organisées de façon traditionnelle; un tel privilège ne devrait donc pas être créé, ni à l'échelon de la Constitution, ni à celui de la législation.

Pour toutes ces raisons, le Conseil fédéral recommande le rejet, sans contre-projet et sans contre-proposition, de cette initiative populaire.

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