12.070 Message concernant la garantie de la constitution du canton de Schwyz du 15 août 2012

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Nous vous soumettons par le présent message un projet d'arrêté fédéral simple concernant la garantie de la constitution du canton de Schwyz en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

15 août 2012

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Eveline Widmer-Schlumpf La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

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Message 1

Votation populaire cantonale

Le 15 mai 2011, le corps électoral du canton de Schwyz a accepté une nouvelle constitution cantonale par 18 706 voix contre 12 588.

Dans un courrier du 14 juin 2011, la chancellerie d'Etat du canton de Schwyz a demandé la garantie fédérale.

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Nouveautés principales

La nouvelle constitution du canton de Schwyz comporte dix sections. Les principales nouveautés apportées par cette révision totale sont les suivantes: ­

Inscription dans la constitution de principes constitutionnels représentant les valeurs fondamentales de l'Etat schwyzois.

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Au lieu de la mention d'un certain nombre de droits fondamentaux, renvoi global aux droits fondamentaux consacrés par la Constitution fédérale (Cst. féd.)1.

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Lignes directrices enjoignant au canton, aux districts et aux communes de créer un cadre favorable dans les domaines par exemple de la sécurité, de la famille, de la culture, de la formation et de l'économie.

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Suppression de la différence entre lois et ordonnances législatives de substitution. La nouvelle constitution ne soumet plus au référendum obligatoire les actes qui ne suscitent pas d'opposition; les citoyens ayant le droit de vote peuvent toujours demander qu'ils leur soient soumis par l'instrument du référendum facultatif. Ce dernier est désormais soumis à des conditions moins strictes.

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Encouragement de la collaboration entre collectivités publiques. Le territoire ou le nombre de districts et de communes peuvent être modifiés sans révision constitutionnelle. Il reste impossible de fusionner des communes sans leur consentement.

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Simplification de la section concernant les autorités, les collectivités et les églises. Nouvelle section consacrée aux finances.

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Conditions de la garantie fédérale

En vertu de l'art. 51, al. 1, Cst. féd., chaque canton se dote d'une constitution démocratique; celle-ci doit avoir été acceptée par le peuple et doit pouvoir être révisée si la majorité du corps électoral le demande. Selon l'al. 2 du même article, les constitutions cantonales doivent être garanties par la Confédération; cette garantie est accor-

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RS 101

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dée si elles ne sont pas contraires au droit fédéral. Si une norme constitutionnelle cantonale est contraire au droit fédéral, la garantie doit lui être refusée.

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Constitutionnalité

L'examen de la conformité au droit fédéral de la constitution schwyzoise n'a révélé de problèmes qu'au § 48 (élection du Grand Conseil). Cette norme, déjà contestée durant la procédure de révision constitutionnelle, prévoit notamment que chaque commune forme une circonscription électorale et a droit à un siège au moins (§ 48, al. 2, cst. SZ) et que les sièges sont obtenus à l'intérieur de chaque circonscription électorale (le texte allemand utilise les termes de: «innerhalb der Wahlkreise») selon le système proportionnel (§ 48, al. 3, cst. SZ).

L'art. 39, al. 1, Cst. féd. habilite les cantons à régler l'exercice des droits politiques aux niveaux cantonal et communal, en vertu de leur autonomie en matière d'organisation. Cette compétence s'exerce dans les limites de la garantie des droits politiques accordée au peuple suisse par l'art. 34 Cst. féd. et des conditions minimales fixées à l'art. 51, al. 1, Cst. féd. En ce qui concerne le mode d'élection dans les cantons, tant le scrutin majoritaire que le scrutin proportionnel peuvent être aménagés de manière à être conformes aux exigences de la Cst. féd., selon la jurisprudence du Tribunal fédéral2. Si un canton opte pour la procédure d'élection proportionnelle, la garantie de l'art. 34, al. 2, Cst. féd., selon laquelle le résultat d'une élection ne peut être validé que s'il exprime de manière fidèle et sûre la libre volonté des électeurs, a une portée particulière. Le système proportionnel a pour caractéristique qu'il permet à divers groupements une représentation correspondant dans une large mesure à leur part d'électeurs. Si l'élection a lieu dans plusieurs circonscriptions électorales, sa mise en oeuvre selon le système proportionnel dépend notamment de la taille de la circonscription et donc du quorum naturel. On appelle «quorum naturel» le pourcentage des votes valables qu'une liste (parti) doit atteindre dans une circonscription électorale pour obtenir au moins un siège. Il est surtout élevé dans les circonscriptions qui ont droit à moins de dix sièges. Ces quorums naturels élevés induisent une distorsion de la représentation proportionnelle en créant une inégalité entre les votants d'une même circonscription. Ils entraînent un grand nombre de votes inutiles car exprimés en faveur de listes qui n'obtiennent aucun siège, et ils forment un obstacle
au niveau de la circonscription pour les plus petits partis. Les différentes tailles des circonscriptions électorales ont pour conséquence que la voix de chaque électeur n'a pas le même poids politique selon la circonscription. Le Tribunal fédéral a décidé que les quorums naturels de plus de 10 % étaient fondamentalement incompatibles avec le système proportionnel3.

Dans 27 des 30 communes (= circonscriptions électorales) de Schwyz, le quorum naturel est de plus de 10 %; dans les treize communes qui n'ont droit qu'à un siège et dans lesquelles le scrutin proportionnel n'est de toute façon pas possible si bien qu'il s'agit dans les faits d'un scrutin majoritaire, il peut même aller jusqu'à 50 %.

La moyenne des communes du canton de Schwyz est de 33 %, donc bien au-dessus de la limite des 10 %. La solution choisie au § 48, al. 3, cst. SZ, qui exclut explicitement une représentation proportionnelle au-delà des limites de chaque circonscrip2 3

ATF 136 I 376, consid. 4.1 ATF 136 I 376, consid. 4.5

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tion, empêche des minorités politiques importantes d'être élues au Grand Conseil dans la majorité des communes et un grand nombre de voix demeurent insignifiantes, dépourvues de tout effet sur la répartition proportionnelle des sièges. S'y ajoute le fait que le poids de chaque électeur est très inégalement réparti dans le canton et que les voix exprimées n'ont pas la même influence sur le résultat des élections, du fait de la taille diverse des circonscriptions. On ne peut donc pas dire qu'il s'agit d'un système proportionnel reflétant véritablement les forces politiques.

Le § 48, al. 2, cst. SZ garantit aux petites communes du canton de Schwyz une représentation d'au moins un siège au Grand Conseil, même si leur taille ne le justifie pas sur une simple base mathématique. Il est de la volonté des citoyens schwyzois de continuer à leur assurer cette protection des minorités. Le Tribunal fédéral a montré, dans son arrêt concernant le canton de Zoug du 20 décembre 2010, deux moyens de concilier le principe proportionnel et la protection des petites communes4. L'un consiste à autoriser la création de groupements de circonscriptions électorales afin de compenser les différences de taille entre les circonscriptions.

L'autre revient à adopter une répartition centrale des mandats des partis selon la méthode de la double proportionnalité, dite méthode «doppelter Pukelsheim», qui permet elle aussi de réaliser une compensation entre les circonscriptions électorales.

Le Tribunal fédéral a de nouveau mentionné ces deux voies possibles dans un arrêt concernant l'ancien mode d'élection des membres du Grand Conseil du canton de Schwyz5. Toutefois, ces deux possibilités ne peuvent plus s'appliquer sous le nouveau droit constitutionnel schwyzois, parce que la formulation du § 48, al. 3, cst. SZ n'autorise qu'une seule interprétation qui exclut dans ce canton une méthode proportionnelle s'appliquant au-delà de la limite de la circonscription électorale. En effet, le § 48 de la nouvelle cst. SZ précise explicitement que le système proportionnel s'applique à l'intérieur de chaque circonscription électorale, à la différence du § 26 de l'ancienne constitution schwyzoise, plus ouvert, qui ne contenait pas de telle restriction.

Dans l'arrêt concernant Schwyz, le Tribunal fédéral écrit certes que ni l'ancienne, ni la
nouvelle constitution schwyzoise, édictée depuis les faits, ne s'opposent aux méthodes de l'association de circonscriptions et du «doppelter Pukelsheim»6. Toutefois, cette assertion isolée n'est pas explicitée et contredit clairement le § 48, al. 3, cst. SZ: tant le texte de cette disposition que sa genèse n'autorisent une prise en compte du système proportionnel qu'à l'intérieur des circonscriptions électorales.

Or, les instruments cités par le Tribunal fédéral, qui pourraient garantir un scrutin proportionnel conforme à la Cst. féd. (méthodes de l'association de circonscriptions et du «doppelter Pukelsheim»), visent au contraire à prendre en considération des éléments du système proportionnel au-delà du cercle des circonscriptions électorales. Il est donc évident que ces deux instruments ne sont pas compatibles avec le § 48, al. 3, cst. SZ.

Il reste à examiner si l'on peut appliquer un des critères développés par le Tribunal fédéral susceptible de justifier que l'on déroge au principe de la représentation proportionnelle, pour des motifs hérités du passé relevant de l'organisation territoriale7. Selon lui, des raisons historiques, fédéralistes, culturelles, linguistiques, 4 5 6 7

ATF 136 I 376, en particulier consid. 4.6 Voir arrêt 1C_407/2011, 1C_445/2011, 1C_447/2011 du 19 mars 2012, réunissant trois procédures (publié sur Internet).

Voir arrêt précité du 19 mars 2012, en particulier consid. 5.6.

Voir ATF 136 I 352, consid. 4

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ethniques ou religieuses peuvent légitimer que l'on considère de petites circonscriptions électorales comme des entités particulières qu'il convient de protéger en tant que minorités, aux dépens de la représentation proportionnelle. Le fait que les communes politiques formant les circonscriptions aient une existence historique ne suffit en soi pas à justifier un écart important par rapport à la représentation proportionnelle. Par ailleurs, notamment en comparaison avec les autres cantons, il ne semble pas que certaines communes schwyzoises présentent des caractéristiques majeures de nature religieuse ou linguistique, par exemple, qui leur imprimeraient une identité si particulière qu'il se justifie de porter atteinte à la proportionnalité du scrutin au nom de la protection des minorités.

La solution prévue par la nouvelle constitution du canton de Schwyz conduit dans les faits à une élection majoritaire dans un grand nombre de communes. Les cantons sont en principe libres d'adopter le scrutin proportionnel ou le scrutin majoritaire.

Une combinaison de ces deux systèmes n'est a prori pas non plus exclue. Le § 48 cst. SZ ne prévoit cependant pas formellement une telle combinaison, mais uniquement le scrutin proportionnel, et ne permet ­ à l'inverse de l'ancienne constitution cantonale ­ aucune concrétisation au plan de la loi qui soit conforme à la Cst. féd.

Or, la procédure d'élection et les circonscriptions doivent pouvoir être aménagées de telle façon à ce que l'égalité en matière de droit de vote soit respectée8, exigence dont il n'est pas assez tenu compte ici.

En résumé, l'exclusion de l'application du principe proportionnel au-delà du cercle de la circonscription électorale, qui découle du § 48, al. 3, cst. SZ, n'est pas compatible avec les droits politiques inscrits à l'art. 34, al. 2, Cst. féd., et elle est donc contraire au droit fédéral. Pour les motifs invoqués plus haut, le Conseil fédéral propose à l'Assemblée fédérale de ne pas accorder sa garantie au § 48, al. 3, cst. SZ.

Pour le reste, la constitution du canton de Schwyz du 15 mai 2011 répond aux exigences de l'art. 51, al. 1, Cst. féd. Il convient donc de lui accorder la garantie fédérale. En vertu des art. 51, al. 2, et 172, al. 2, Cst. féd., l'Assemblée fédérale est compétente pour le faire.

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Art. 34, al. 2 en relation avec art. 8, al. 1 Cst.

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